Opérations de janvier à mai 1915

 

 

 

 

1…En Champagne      février à mars

2…Meuse et Argonne  janv. à mars

3….En Woëvre            février à avril

4….Dans le Nord         janv. à avril  

 

 

En Champagne 

 

Le général de Langle se résolut à porter tout son effort sur le front d'environ huit kilo­mètres, tenu par les 1e et 17e Corps, entre le fortin de Beauséjour et le bois à l'ouest de Perthes.

Cette action, qui visait à la rupture totale des lignes allemandes, devait être appuyée, à gauche, par une opération de la 60e division sur le bois Sabot, tandis qu'aux deux ailes, le 12e Corps à gauche et le Corps colonial à droite, maintenant l'invio­labilité du front, tiendraient l'ennemi sous la menace constante d'une attaque pour éviter le glissement des réserves sur la zone principale du combat.

Malheureusement le dégel qui, à plusieurs reprises, succède à une température très basse, détériore tranchées et boyaux, et rend la plupart des routes impraticables.

D'autre part, les Allemands se montrent vigilants et même agressifs sur le front de la 4e armée.

 

C'est ainsi que le 3 février, vers 11 heures du matin, à la suite de l'explosion d'une série de mines au nord de Massiges, une attaque violente sur nos tranchées du Médius, de l'Annulaire (main de Massiges) et de la cote 191 réussit à enlever notre première ligne. Le 4e et le 8e colonial contre-attaquent, mais ne peuvent reprendre l'Annulaire. Nous perdons 2000 hommes dans ces combats.

Le général de Langle avait fixé le début de l'offensive au 12 février, mais une violente tempête de neige fait arrêter l'attaque.

Ce contre-ordre ne touche pas un bataillon du 71e régiment d'infanterie, qui devait attaquer sur le bois Sabot ; point G sur la carte 2 (photo plus loin dans le texte). Ce bataillon enlève par surprise les deux premières tranchées allemandes; mais, violemment contre-attaqué dans la journée, il est rejeté dans ses tranchées de départ.

 

L'attaque générale est fixée au 16 février, à 10 heures.

A la 1e division, le 43e régiment d'in­fanterie enlève la partie sud du « Fortin » de Beauséjour, tandis qu'un bataillon du 84e pénètre sur un front d'en­viron 400 mètres dans les tranchées à l'est de la lisière nord du bois de la Truie.

A la 2e division, un bataillon du 110e régiment d'infanterie prend pied dans les « Tranchées Blanches », mais le 33e régiment échoue devant les « Tranchées Grises ».

L'ennemi réagit et nous enlève le « Fortin ».

Au 17e Corps, le 11e régiment d'infanterie et un bataillon du 207e (33e DI) sont rejetés dans les tranchées de départ.

Un bataillon du 20e régiment d'infanterie et deux compagnies du 7e réussissent à prendre pied dans le bois Rectangulaire, et à se maintenir à la lisière sud.

A la 34e division, après l'explosion d'une mine, le 88e régiment d'infanterie, renforcé par un bataillon du 159e, s'em­pare de tous les objectifs assignés à la division et s'y maintient.

A la 60e division, l'attaque du bois Sabot échoue devant le barrage ennemi.

 

Dans les journées des 17, 18 et 19 février, les attaques des 1e et 17e Corps se répètent sur les mêmes objectifs : nous élargissons quelque peu nos gains.

Les Allemands réagissent avec violence et reçoivent des renforts.

En conséquence, le Généralissime achemine sur la zone de la 4e armée la 7e division du 4e Corps d'armée (5e armée), le 2e Corps et le 1e Corps de cavalerie.

Il met encore à la disposi­tion du général de Langle l'artillerie et les groupes cyclistes du 1e Corps de cavalerie et la 8e division du 4e Corps.

Le 124e régiment d’infanterie (8e DI.) perd 600 hommes à l’attaque du bois des 3 sapins. Voir le détail de ce combat

Le 16e Corps, renforcé par la 48e division, est porté dans la région d'Épernay ­Châlons, afin de pouvoir intervenir en cas de besoin. En outre, une partie de l'artillerie lourde de la 3e armée devra prendre d'écharpe les bat­teries allemandes de la gauche du secteur opposé à la 4e armée.

 

A partir du 23 févier, la bataille reprend avec une intensité extrême.

Au 1e Corps, nous continuons les attaques sur le « Fortin » et sur le bois jaune-Brûlé; la pro­gression est lente, surtout vers le « Fortin » où le 22e Colonial est très éprouvé.

Dans le secteur du 17e Corps, la 7e division, malgré la bravoure des 101e, 102e, 103e et 104e régiments d'infanterie, ne peut parvenir à s'em­parer des positions ennemies.

 

Le général de Langle réorganise alors le com­mandement de la ligne de bataille

----Le secteur entre Beauséjour et Mesnil-les-­Hurlus, tenu par les 1e et 2e Corps, sera com­mandé par le général Gérard, chef du 2e Corps

----Le secteur entre Mesnil-les-Hurlus et le bois Sabot, tenu par les 4e et 17e Corps, appar­tiendra au général J.-B. Dumas, commandant le 17e Corps;

----A l'ouest du secteur du général Dumas, les 12e et 16e Corps, avec les 60e et 48e divisions, rece­vront les ordres du général Grossetti, chef du 16e Corps.

 

 

Le 25 février, la 60e division tente vainement une attaque de nuit sur le bois Sabot, avec deux bataillons du 248e régiment d'infanterie.

Par contre, dans le secteur du général Gérard, nous faisons de sensibles progrès, tant au « Fortin » que vers la cote 196. La position est enlevée le 1e mars par le 120e régiment d'infanterie. Dans le secteur du général Dumas, nos attaques ne progressent pas, car elles sont brisées par les mitrailleuses allemandes et des barrages d'artil­lerie lourde.

L'infanterie ennemie dispose d'abris à l'épreuve de nos obus.

Sur le front du secteur Gérard, les Allemands lancent de puissantes contre-attaques ; mais bien qu'ils fassent donner à fond une division de la Garde prussienne, ils ne peuvent nous enlever nos gains.

Sur le front de la 1e division, nous tenons toute la première ligne ennemie, depuis le bois des Trois-Coupures jusqu'au « Fortin ».

 

Demande d’une carte plus grande de Champagne

 

Le 1 et 2 mars, le 127e régiment d'in­fanterie (1e CA) attaque le bois oblique, au sud de la ferme de Beauséjour, le régiment occupe le bois et repousse les contre-attaques journalières du 3 au 16 mars. Le 17 mars le régiment est enlevé et transporté à Sarry où il reste jusqu'au 21.

 

Le 3 mars, un bataillon de notre 43e régiment d'in­fanterie tente l'assaut de la butte du Mesnil ; il est malheureusement rejeté dans ses lignes de départ.

 

Le 4 mars, l'action énergique des 51e, 120e et 128e régiments d'infanterie et du 9e bataillon de chasseurs nous permet d'élargir nos positions de la cote 196 et d'aborder le fameux ravin des Cuisines.

Afin d'exploiter ce succès, le Commandant de la 4e armée dirige la 61e brigade du 16e Corps (81e et 96e régiments d'infanterie), sur le secteur du général Gérard.

Une première attaque du 81e échoue ; une seconde fois lancés en avant, deux bataillons de ce régiment réussissent à s'em­parer de 250 mètres de tranchées allemandes dans la région du bois Oblique, et s'y maintiennent.

Dans le secteur du général J.-B. Dumas, nos progrès demeurent faibles, malgré l'héroïsme des troupes.

Une opération est montée, comportant une attaque menée par une brigade du 16 Corps sur les deux flancs ouest et sud du saillant sud du bois Sabot, et appuyée à gauche par le 17e Corps, agissant à l'ouest de Perthes sur la Cabane et le Trou Bricot, ainsi que par des éléments de la 6oe division sur le moulin de Souain. L'opération sera dirigée par le général Grossetti qui dispose, pour l'appuyer, de quatre groupes de 75 de l'ar­tillerie du 16e Corps, de l'artillerie divisionnaire de la 6oe division, de l'artillerie lourde de son secteur et éventuellement d'une partie de l'artil­lerie du 12e Corps.

 

Le 7 mars, le général Grossetti lance le 336e et le 201e régiments d'infanterie (60e division) sur les positions ennemies situées entre le mou­lin de Souain et la route de Somme-Py, après avoir fait explo­ser plusieurs fourneaux de mine; Nous progressons d'abord au-delà des entonnoirs, mais la réaction allemande nous oblige à reculer dès le surlendemain.

A la 64e brigade, deux batail­lons du 15e régiment d'infanterie enlèvent une partie du bois Sabot, mais ne peuvent atteindre la lisière nord, dominée par une crête, et sont contraints de se replier.

Cette crête sera enlevée, le 10 mars, par des éléments du 143e et du 15e régiments d'infan­terie.

 

Dès le 7 mars, le général de Langle avait demandé l'autorisation de faire intervenir, en vue d'une attaque qu'il estimait décisive, le 16e Corps renforcé de la 48e division, entre la cote 116 et la cote 198.

Le Généralissime approuvant ce projet, l'offen­sive du 16e Corps commence le 12 mars.

Les 31e et 48e divisions attaquent sur le front compris entre la cote 199 et le chemin Mesnil-Tahure.

La 32e division reste en réserve.

Aux deux ailes, l'action du 16e Corps est appuyée par les 1e et 4e Corps.

A la 31e division, les deux bataillons du 142e régiment d'infanterie, lancés à l'attaque à 10h30, sont arrêtés par le barrage d'artillerie et les mitrailleuses.

Nous n'avons enlevé, en fin de journée, qu'un élément de tranchée au nord de la cote 196.

A la 48e division, deux compagnies du 174e régiment d'infanterie ont pris une tranchée à l'est du bois jaune-Brûlé.

A 18 heures, nos efforts nouveaux restent infructueux, mais toutes les contre-attaques allemandes échouent.

 

Le lendemain 13 mars, nous repartons avec plus de vigueur.

A la 31e division, le 122e régi­ment d'infanterie attaque sur l'axe Beauséjour ­cote 199 ; à sa gauche, le 142e attaque à l'est de la cote 196.

Le 122e ne peut atteindre aucun objectif.

Au 142e régiment d'infanterie, nos gains sont à peu près nuls.

La 48e division a lancé le régiment de tirailleurs marocains, les 174e et 170e régiments d'infanterie. Ces unités n'avancent pas.

A la nuit, cependant, le 170e s'empare d'une partie des tranchées allemandes du bois jaune-Brûlé.

Le 91e régi­ment d'infanterie perd, dans la nuit du 12 au 13, 150 à 200 mètres de tranchées.

La lutte est extrêmement âpre ;

Au matin du 13, le 91e régiment d'infanterie reconquiert tout le terrain perdu et enlève de nombreux prisonniers.

 

Le 14 mars, les 122e et 142e régiments d'infanterie attaquent à l'est de la cote 196.

Le 122e parvient, après une action assez pénible, à une vingtaine de mètres de la cote 196, où il se retranche ; le 142e, pris de flanc par les mitrailleuses du ravin des Cuisines et soumis au feu de l'artillerie enne­mie de la butte du Mesnil, ne peut progresser.

A la 48e division, le régiment marocain et le 170e régi­ment d'infanterie réalisent quelques progrès.

La journée du 15 est marquée par un puissant retour offensif des Allemands.

Malgré la vigueur des contre-attaques sans cesse renforcées, nous con­servons nos lignes, et même, à 11 h. 45, le 170e régi­ment d'infanterie enlève une tranchée allemande à la lisière est du bois jaune-Brûlé, et s'y main­tient.

 

Le lendemain 16, profitant de l'ascendant moral acquis sur l'ennemi, nos troupes repartent avec une nouvelle ardeur.

A la 48e division, tirailleurs marocains et tirailleurs algériens du 9e régiment, bien que repoussés une première fois, enlèvent, dans un élan superbe, les positions de la cote 196. A 17h30, la crête géographique est atteinte et nous nous y maintenons.

A gauche, les 170e et 174e régiments d'infanterie échouent d'abord, puis s'emparent des positions ennemies qui leur per­mettent de s'aligner sur nos éléments de droite. Nous tenons donc la crête géographique à l'est de la cote 196 et la lisière nord du bois jaune-Brûlé.

Le lendemain les Allemands réagissent avec impétuosité; mais toutes leurs attaques se brisent sous nos feux et leurs pertes sont lourdes.

Néanmoins, le général Grossetti estime que l'ennemi n'est pas épuisé et qu'il nous faut employer des troupes fraîches si nous voulons continuer la lutte ; d'ailleurs la décision ne saurait être prochaine. Le Commandant en chef partage absolu­ment cette manière de voir et, le 17 mars, il ordonne au général de Langle de suspendre l'offen­sive.

 

La 4e armée prend aussitôt ses dispositions pour consolider les résultats acquis et pour envoyer à l'arrière les forces qui seront néces­saires au Commandement pour quelque théâtre nouveau d'opérations.

 

 

Meuse, Argonne   1er et 3e armées

 

Aux termes de l'instruc­tion du 21 janvier, la 1e armée devait continuer ses offensives sur les deux flancs de la hernie de Saint-Mihiel, en vue de la préparation d'une action ultérieure en Woëvre, quand les circons­tances le permettraient ; la 3e armée devait reprendre des actions offensives sur son front pour coopérer à l'attaque de la 4e armée.

 

1e armée.

 

Durant la première quinzaine de février, le front est relativement calme. De violents combats ne se livrent qu'au bois Brûlé.

 

Le 15 février, une puissante attaque ennemie se déclenche sur la fameuse redoute du bois Brûlé, après explosion de deux fourneaux de mine.

Les troupes de la glorieuse 73e division contiennent l'adversaire dans le bois Le Prêtre, et les mor­tiers allemands de 420 commencent, les 15 et 17 février, à bombarder le fort de Douaumont.

 

Le 17 février

Au moment précis où la 4e armée attaquait sur une grande partie de son front, le général Dubail lançait la 24e brigade du 6e Corps d'armée à l'attaque de la forte position des  Eparges

Des renseignements précieux sur la position avaient été fournis l'avant-veille par un prisonnier; nous les avions mis à profit pour établir la préparation d'artillerie.

L'attaque devait être menée par un bataillon du 106e régiment d'infanterie, soutenu par un autre bataillon du même régiment, et par le 132e à gauche, qui devait profiter de l'affolement escompté chez l'ennemi pour occuper les tranchées, dès leur évacuation.

A 14 heures, nous fîmes exploser quatre fourneaux de mine. Le tir d'artillerie se déclencha au même instant. A 15 heures, le batail­lon du 106e régiment d'infanterie, accompagné d'escouades du génie, occupait les entonnoirs et poursuivait son avance, tandis que le 132e s'empa­rait d'une partie de la position ennemie qu'il organisait aussitôt.

Le lendemain, à deux reprises, l'ennemi réagissait violemment; sa première contre-attaque échoua. Mais, à la suite d'un bom­bardement intense et très précis de 210 et de 150, il contraignit nos troupes à évacuer les entonnoirs.

Notre contre-attaque reprenait, à 19 heures, tout le terrain perdu. Mais l'ennemi qui ne sem­blait pas se soucier de ses pertes, lançait contre attaques sur contre-attaques. Il essuyait chaque fois un échec.

 

Le 20 février

Le général commandant le 6e Corps décide de compléter son succès; à 6h45, un bataillon du 106e régiment d'infanterie, à droite, un bataillon du 67e au centre et un bataillon du 132e à gauche, dans un superbe élan, enlèvent les retranchements ennemis; au centre, le 67e parvient même sur les pentes qui descendent vers Combres.

Mais les Allemands repoussent bientôt le 106e et le 67e régiments d'infanterie ; Seul le bataillon du 132e se maintient pendant quelques heures dans un bois qu'il a pu conquérir.

Nous songeons alors à organiser nos positions et à y installer des défenses accessoires, malgré le tir incessant de l'artillerie lourde.

 

Dans le courant de mars

Au moment où l'action du 16e Corps, en Champagne, permet d'espérer des résultats importants, le général Dubail fait exécuter trois attaques

---Sur les Eparges, par le 6e Corps ;

---Sur Marcheville, par la division de marche de Morlaincourt ;

---Sur Consenvoye, par la 72e division

.

Aux Eparges, l'attaque est encore confiée à la 12e division. Celle-ci doit enlever deux bastions à l'est et à l'ouest, réunis par une courtine : dans la courtine et dans le bastion est, deux lignes de feu sont superposées, trois lignes de feu dans le bastion ouest.

Ces lignes sont munies d'abris sou­terrains à l'épreuve. C'est une position formi­dable.

En avant, nous occupons à l'ouest une partie du mamelon conquise lors des dernières attaques; à l'est, une parallèle à 50 mètres des positions ennemies.

L'attaque est menée par deux bataillons du 132e régiment d'infanterie sur la cour­tine et le bastion ouest, et par un bataillon du même régiment sur le bastion est; deux bataillons du 54e et un bataillon du 302e sont en réserve.

La préparation d'artillerie a lieu le 18 mars et dure une heure environ; l'attaque d'infanterie se dé­clenche à 16 h10.

La première ligne est occupée par nous, sauf à droite : mais la seconde ligne, trop proche de la première pour être tenue sous le feu de nos canons, se garnit de défenseurs dont le tir arrête notre progression. Nous sommes con­traints d'engager le bataillon du 302e régiment d'infanterie, sans pouvoir augmenter nos gains.

 

Le 19, après avoir brisé deux contre-attaques ennemies, nous reprenons à 16 heures l'assaut de la deuxième ligne.

Un violent barrage d'artillerie lourde nous arrête et nous inflige des pertes sé­rieuses.

Le jour suivant, nous faisons quelques légers progrès et nous maîtrisons toutes les réactions allemandes. Alors, la situation reste sta­tionnaire aux Eparges jusqu'au 27 mars.

 

Le 6e Corps avait perdu, dans ces cinq jours de combats, 7 officiers et 630 hommes.

 

La division de Morlaincourt s'élançait, pendant ce temps, sur Marcheville, et la 72e division sur Consenvoye.

La division de Morlaincourt devait attaquer la grande tranchée située entre Marcheville et Maizeray, afin de progresser ultérieurement vers Marcheville.

L'attaque était préparée par un tir d'artillerie d'une demi-heure et par l'explosion de mines. Mais notre infanterie, ayant reçu quelques coups de 75 trop courts, fut arrêtée dans son élan et reflua vers les tranchées de départ, après avoir pu, néanmoins, pénétrer dans les tranchées alle­mandes.

A la 72e division, l'opération avait pour but de reprendre cinq éléments de tranchées sur la lisière sud-ouest du bois de Consenvoye. Menée par un bataillon du 165e régiment d'infanterie, l'attaque enleva trois de ces éléments, mais elle fut arrêtée à l'est par des réseaux intacts.

 

Le lendemain, nous ne fûmes pas plus heureux.

Le 27 mars, le 6e Corps devait attaquer à nouveau Aux Eparges, tandis que la division de Morlaincourt tenterait une diversion sur les tranchées au nord de Marcheville. Au 6e Corps, l'attaque est menée par un bataillon du 54e ré­giment d'infanterie et le 25e bataillon de chasseurs. Nous parvenons à enlever à l'ennemi environ 300 mètres de tranchées et nous maintenons nos gains, malgré plusieurs contre-attaques.

La division de marche de Morlaincourt réussit à enlever 250 mètres de tranchées.

Il faut trois contre-attaques allemandes, particulièrement puis­santes, pour l'obliger à abandonner le terrain conquis.

 

3e armée.

 

En Argonne, comme nous l'avons vu précédemment, l'ennemi n'avait cessé de se montrer particulièrement agressif. Dans cette région, il opposait aux troupes de la 3e armée des unités d'élite, telles que son XVIe Corps, et une forte proportion de pionniers et de sapeurs très bien dotés en matériel, rompus aux procédés de la guerre de siège et animés d'un esprit offensif extraordinaire. Si nous avions perdu relativement peu de terrain dans ces attaques presque quoti­diennes, en revanche nous avions subi de très lourdes pertes.

 

Le 29 janvier

Sur le front de la 40e division du 32e Corps, une puissante attaque allemande menée contre le 155e régiment d'infanterie par la 27e division wurtembergeoise, avait rompu notre première ligne sur une largeur de 500 mètres, entre la lisière ouest de l'Argonne et la route de Bagatelle. Nous n'arrivons pas à reconquérir le terrain perdu.

Le général Sarrail estime que seule l'offensive reprise à bref délai par son armée peut redonner aux troupes l'ascendant moral que les échecs pré­cédents lui ont enlevé.

Il propose une double action offensive dans les zones libres qui encadrent l'Argonne à l'est et à l'ouest. L'attaque à l'est est seule approuvée par le Généralissime, en raison de la faiblesse des réserves dont il peut disposer; et le général Sarrail reçoit l'ordre de préparer immédiatement une action sur le front Vauquois­ Boureuilles cote 163, en direction de Varennes.

Pendant notre préparation, l'ennemi manifeste son activité en nous attaquant violemment les 10 et 16 février.

 

Le 10 février

Une brigade allemande rejette en désordre un bataillon du 94e régiment d'infanterie et un bataillon du 328e vers Marie ­Thérèse et Fontaine Madame.

Nous devons lancer un bataillon du 162e et deux bataillons du 94e pour reconquérir la majeure partie de nos positions.

 

Le 16 février

Après un intense bombardement, la 2 brigade coloniale dans la région de Bolante, le 4e régiment d'infan­terie aux Meurissons et le 82e à la cote 263, sont attaqués par trois régiments et deux bataillons de chasseurs ; nous réussissons à enrayer l'avance ennemie, puis à refouler l'adversaire dans ses tranchées de départ.

 

L'attaque de la 3e armée, à l'est de l'Argonne, est lancée le 17 février sur Vauquois, vingt quatre heures après le début de l'offensive de la 4e armée et, par suite, en liaison intime avec elle.

Le 5e Corps agit sur le front cote 263 Boureuilles­ Vauquois ; à sa droite, le 15e Corps marche en direction de Malancourt.

L'action du 5e Corps comprenait trois attaques:

--- Une attaque sur Vauquois par des bataillons appartenant aux 31e et 76e régiments d'infanterie;

---Une attaque sur Boureuilles par des batail­lons appartenant aux 31e et 89e régiments d'infan­terie, et par le 44e Colonial;

---Une attaque sur la cote 263 par des batail­lons appartenant aux 131e, 113e, 281e et 313e ré­giments d'infanterie.

Sur Vauquois, après l'explosion des fourneaux de mine, le 31e régiment d'infanterie réussit à pénétrer dans le village, mais il est refoulé par une contre-attaque; le 76e est arrêté dès sa sortie des tranchées parle feu des mitrailleuses ennemies.

 

A Boureuilles, les 89e régiment d'infanterie et 44e colonial, qui tout d'abord ont progressé, sont arrêtés sur les réseaux par la mousqueterie et par les mitrailleuses, et regagnent les tranchées de départ.

Sur la cote 263, une première attaque, lancée à 11h15, échoue; une nouvelle attaque, tentée à 14h50, n'est pas plus heureuse; enfin, à 17h30, après quatre nouvelles tentatives, nous reprenons un élément de tranchée perdu la veille.

Le 15e Corps a été un peu plus heureux et gagne du terrain au bois de Forges et sur la route d'Avocourt.

Le 5e  Corps, malgré son échec, prépare de nouvelles attaques en concentrant tous ses efforts sur Vauquois.

 

Le 28 février

Les 46e et 89e régiments d'infan­terie s'élancent. Notre préparation d'artillerie fut sérieuse ; les fantassins de la 10e division pénètrent dans le village, qui n'est plus qu'un amas de ruines.

Mais, pris d'enfilade par les bat­teries du bois de Cheppy, contre-attaqués par les Allemands, ils doivent bientôt abandonner Vauquois. Après une nouvelle et violente prépara­tion d'artillerie, les mêmes régiments repartent à l'assaut, réoccupent Vauquois et s'y maintiennent.

A nouveau, de très puissantes contre-attaques nous ramènent aux tranchées de départ; quatre fois l'héroïque 46e se lance à l'attaque, quatre fois il doit abandonner Vauquois.

 

Le lendemain 1 mars, malgré une tempête de neige, l'action est reprise par le 31e et le 76e régiments d'infanterie. Le 31e entre dans le village et s'arrête devant l'église et le cimetière.

Nous ne pouvons progresser au-delà, malgré de nouvelles attaques tentées pendant la nuit par un bataillon du 46e régiment d'infanterie.

Finalement, les Allemands conservent la lisière nord-est et les parties nord et ouest de ce village devenu célèbre par l'héroïsme de nos soldats.

 

Jusqu'aux premiers jours d'avril, la lutte conti­nuera pied à pied sur ce coin de terre française, âprement disputé à l'envahisseur.

 

En résumé, les opérations de l'hiver 1914­ 1915 ont donné des résultats sérieux. Si le front ennemi n'a pas été crevé, nous avons enlevé d'importantes posi­tions, surtout en Champagne et nous avons infligé aux Allemands des pertes sévères.

Notre activité a obligé l'ennemi à restreindre les prélèvements de forces à destination du front oriental, et nous avons facilité la prise de Przemysl où les Russes entraient le 23 mars.

En outre, ces attaques ont contribué à déterminer la mé­thode à suivre dans les offen­sives futures, en nous montrant la nécessité d'augmenter nos moyens matériels, si nous voulions obtenir des succès plus décisifs.

 

 

 

En Woëvre

 

Lorsque les opérations sur le front de Cham­pagne eurent nettement montré que, dans cette région, nous ne pouvions obtenir de succès importants, le Haut Commandement français son­gea à utiliser ses disponibilités pour une action offensive en Woëvre.

 

Le général Dubail, qui com­mandait le groupement provisoire de l'est, fut chargé de préparer cette opération; en plus des effectifs de ses armées, le Général en chef mettait à sa dispo­sition les 1e, 2e et 12e Corps et le 1e Corps de cavalerie à partir du 1e avril, puis le 17e Corps à partir du 8 avril. L'artillerie lourde comprenait plus de 360 pièces des calibres compris entre les 95 et les 220; l'artillerie de campagne comptait plus de 900 pièces de 75 et 100 pièces de 90. Enfin, des canons de 58 en assez grand nombre étaient mis à la disposition des troupes qui, mal­heureusement, savaient à peine s'en servir.

L'opération devait revêtir la forme d'une attaque brusquée, menée rapidement et sans arrêt; si a près quelques jours de bataille les résultats étaient insignifiants, on consoliderait le terrain conquis.

 

La 1e armée, renforcée du 12e Corps, devait attaquer en direction de Thiaucourt, le 6e Corps à sa gauche attaquant le long des côtes de Meuse.

 

L'attaque principale du 12e Corps était flanquée à gauche par une attaque du 31e Corps sur le bois de Mortmare; à droite, par une attaque du 8e Corps sur Fey-en-Haye.

Mais l'attaque principale était confiée à un détachement d'armée provisoirement créé, et confié au général Gérard, qui comprenait le 1e et le 2 Corps et la division de Morlaincourt. Le général Gérard avait pour mission de crever les défenses allemandes sur la ligne de Verdun­ Mars-la-Tour et d'essayer ensuite d'envelopper l'ennemi vers le sud-est. La garnison de Verdun, en attaquant vers Étain, devait couvrir le flanc gauche de cette attaque. Les troupes furent trans­portées par convois automobiles et par chemin de fer dans le plus grand secret.

 

Les opérations préliminaires (30 et 31 mars) sont exécutées par les forces déjà en secteur. La 73e division doit enlever le Quart-en-Réserve, por­tion sud-ouest du bois Le Prêtre. La brigade active de Toul, chargée de l'exécution, conquiert, le 30 mars, une portion des lignes ennemies et tient tête à toutes les contre-attaques. L'action continue le 31 avec succès, et nous emportons toute la pre­mière ligne allemande.

 

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril

Un bataillon du 169e enlève le village de Fey-en-Haye sans pertes importantes. Au Quart en- Réserve, l'ennemi contre-attaque toujours avec des bataillons frais, mais il échoue partout, subissant de très lourdes pertes et abandonnant de nombreux prisonniers.

En même temps, le 12e Corps entre en ligne à la gauche de la 73e division, entre le ravin de l'Ache et le bois Le Prêtre

 

Dans la soirée du 3 avril commence son offensive sur Regniéville et le terrain compris entre ce village et Fey-en-Haye.

Les 63e et 78e régiments d'infanterie progressent normalement.

 

L'attaque est continuée dans la journée du 4 sur Remenauville par les 29e et 300e régiments ; mais nos troupes se heurtent à des treillages verticaux, à des réseaux non

dé­truits, à des trous de loup; soumises à des feux violents elles ne peuvent atteindre leurs objectifs; elles s'accrochent au terrain et tentent d'investir Remenauville par le nord-est.

 

Demande d’une carte plus grande de l'attaque en  Woëvre

 

Le 5 avril

l'attaque générale est lancée. A la gauche du détachement Gérard, Gussainville est pris par un bataillon du 362e régiment d'infanterie ; un bataillon du 351e et le 56e bataillon de chas­seurs enlèvent les hauteurs à l'est de Gussainville; le 164e régiment d'infanterie conquiert, le 6 avril, les fermes du Haut-Bois et de L'Hôpital.

Le 6e Corps, couvrant la droite de l'attaque principale, avait attaqué sur les  Eparges; les 106e et 132e régiments d'infanterie font quelques progrès

dans la journée du 5 ; des éléments du 67e  et le 25e bataillon de chasseurs continuent l'attaque le 6 avril, sans résultats importants ; des contre attaques allemandes très puissantes nous arrachent bientôt les points conquis.

 

L'attaque du centre était menée par le général Guillaumat avec le 1e Corps et la 4e division du 2 Corps. Contrariée par le mauvais temps, qui succède le 5 avril à une période de beaux jours, l'attaque ne peut être déclenchée qu'à 14 h15; les troupes ont à franchir un glacis de 600 à 1200 mètres.

A l'attaque de gauche, le 73e régiment d'in­fanterie est arrêté, à 300 mètres des réseaux de fils de fer, par les mitrailleuses de flanquement; pourtant, à 22 heures, il parvient jusqu'au réseau; au centre, les 127e et 43e régiments d'infanterie s'emparent d'une ligne de tranchées discontinues; mais, à cinquante mètres du bois de Pareid, ils sont arrêtés par des réseaux intacts ; à droite, enfin, les 147e et 91e prennent pied en face de Pareid et au nord de la route de Metz, et s'ins­tallent sur le terrain conquis.

Ce demi-échec de l'offensive est dû au brouillard et à la pluie, qui ont gêné les réglages de l'ar­tillerie ; à la boue compacte et glissante qui alourdit les fantassins, empêche le déplacement et l'installation rapide des batteries et diminue l'efficacité du tir, les obus éclatant mal dans ce terrain détrempé.

 

Le lendemain, 6 avril, les attaques reprennent. Au groupement Guillaumat, les 33e et 73e régi­ments d'infanterie ne font que des progrès insignifiants, arrêtés par le mauvais temps ; au centre, bien que le 84e régiment d'infanterie relève les bataillons les plus éprouvés des 43e et 127e, les réseaux non détruits arrêtent toute avance ; enfin, malgré un violent bombardement de Maizeray, la 4e division ne peut enlever le village. En aucun point, nous n'avons réussi à pénétrer dans la position ennemie.

 

Dans la journée du 7 avril, l'offensive est pour­suivie sans résultats.

Aux Eparges, l'ennemi fait affluer les réserves et contre-attaque constamment le 25e bataillon de chasseurs, les 67e, 106e et 132e régiments d'infanterie résistent avec un héroïsme splendide, supportent un bombardement effroyable et s'élancent à l'assaut, arrachant chaque fois un peu de terrain à l'ennemi.

Mais le général Dubail se rend compte, dans la soirée du 7 avril, que l'attaque brusquée est devenue impos­sible. Les Allemands ont constitué dans cette région une organisation défensive très puissante; tranchées bétonnées, organes de flanquement blindés, lignes de tranchées successives et réseaux épais.

L'artillerie n'est pas en état de ruiner une pareille organisation.

En conséquence, le Commandant en chef prescrit de passer à une attaque méthodique, mais puis­sante, afin de gagner du terrain partout où cela sera possible et de maintenir dans la région attaquée les réserves de l'ennemi.

En même temps, un régiment du 1e Corps, le 8e d'infanterie, était mis à la disposition du 6e Corps pour donner une nouvelle vigueur aux attaques de la posi­tion des Eparges, où nous faisions des progrès constants.

 

Le 9 avril

Dans un élan splendide, un bataillon du 8e d'infanterie, aidé des chasseurs du 25e bataillon, arrache définitivement aux Allemands la crête des Eparges et s'y maintient malgré les contre attaques, en faisant 175 prisonniers.

Mais, en cinq jours, nous avions perdu là 78 officiers et 3900 hommes.

 

Le lendemain, au 1e Corps, les 13e, 27e et 134e régiments d'infanterie enle­vaient à l'ennemi une ligne de tranchées dans le bois d'Ailly, et lui infligeaient des pertes san­glantes.

Le général Gérard se décide alors à ten­ter une offensive nouvelle, en rétrécissant le front attaqué.

 

La journée du 11 avril est con­sacrée à la préparation de l'attaque du front Marcheville-Maizeray ; l'artillerie exécute des tirs de destruction sur les réseaux.

Puis, la 4e division lance trois attaques : à gauche, un bataillon du 120e régiment d'infanterie, appuyé par trois compagnies du 8e bataillon de chasseurs, sur la croupe 225 au nord-est de Maizeray ; au centre, un groupe franc de 90 hommes sur un blockhaus, à l'entrée de Maizeray ; à droite, le 9e bataillon de chasseurs sur le saillant sud-ouest de Maizeray.

A l'attaque de gauche, un peloton parvient à franchir la brèche et saute dans la tranchée allemande ; mais le reste du bataillon est cloué au pied des réseaux par des feux de mitrailleuses et de canons-revolvers ; au centre, le blockhaus paraissait détruit par l'artillerie, mais le groupe franc est arrêté par des feux de mitrailleuses.

L'attaque de droite, partie vingt minutes en retard par suite de la rupture des communications téléphoniques, est prise à partie dès sa sortie par les mitrailleuses et les canons-revolvers, et le 9e bataillon de chasseurs doit rétrograder dans ses tranchées de départ.

A la 3e division, l'attaque est menée par le 51e régiment d'infanterie qui marche, par batail­lons accolés, sur Marcheville et les hauteurs qui bordent le Longeau au nord-ouest.

La première vague d'assaut est prise sous un formidable tir de barrage ; Atteints par des coups trop courts de 75, nos fantassins doivent se terrer.

Leur pro­gression est impossible.

La division de Morlaincourt attaque la croupe 233 avec un bataillon du 165e régiment d'infanterie et un bataillon du 364e. Le bataillon du 165e est arrêté par des mitrailleuses en action dans les vergers de Marcheville ; le bataillon de droite parvient jusqu'au réseau, sans pouvoir le franchir.

Des tentatives sont répétées toute la journée avec appui de l'artillerie ; elles n'obtiennent aucun résultat et accroissent nos pertes.

Le général Gérard n'arrête pas encore l'opé­ration. Le général Chrétien, commandant de la 3e division, devra emporter les tranchées et les entonnoirs au nord de Marcheville.

Dans la nuit, les patrouilles vont reconnaître l'état des fils de fer et des parapets ennemis. La préparation d'artillerie a lieu dans des conditions satisfaisantes, et à 15 heures l'attaque est lancée. Les 51e et 87e régiments d'infanterie parviennent jusqu'aux réseaux; un bataillon pénètre même dans les tranchées allemandes, mais il en est chassé par une très forte contre-attaque.

Au nord de Maizeray, la 4e division, qui avait tenté une diversion, ne peut prendre pied dans les retran­chements ennemis ; il en est de même à la divi­sion de marche de Morlaincourt. Nos pertes étaient lourdes.

Nous étions partout arrêtés par des brèches insuffisantes, des feux de flan­quement et le tir trop court de notre propre artil­lerie.

 

Aussi, le 13 avril, le général Gérard émettait-il l'avis d'adopter désormais une attitude d'offensive puissante, mais très méthodique et pied à pied. Le général Dubail d'abord, le Général comman­dant en chef ensuite, étaient d'un avis analogue, et, le 14 avril, l'offensive cessait.

 

Néanmoins, si les opérations de Woëvre n'ont pas donné les résultats escomptés, elles ont exercé une heureuse influence sur la situation géné­rale, en inquiétant l'adversaire et en lui faisant subir des pertes graves. D'autre part, cette offen­sive a confirmé l'absolue nécessité de la prépara­tion méthodique et puissante des attaques

 

 

 

Dans le Nord, en Flandres belges

Vers le 15 janvier, la situation des armées du nord était la suivante :

La 8e armée, composée des 9e, 16e et 20e Corps, tenait le front entre Saint-Eloi, au sud d'Ypres, et le pont de Knocke.

Elle était encadrée, à droite, par l'armée anglaise, et à gauche par l'armée belge.

A gauche de l'armée belge et appuyé au rivage de la mer du Nord, un groupement de forces françaises, appelé groupement de Nieuport, tenait ce point du front particulièrement délicat.

A droite de l'armée anglaise, la 10e armée française occupait le front depuis La Bassée jus­qu'au sud d'Arras.

 

A la date du 4 avril, la 8e armée est transfor­mée en détachement d'armée de Belgique et le groupement de Nieuport lui est rattaché.

Le chef de l'ancienne 8e armée, le général d'Urbal, reçoit le commandement de la 10e armée; le comman­dant de la 10e armée, le Général de Maud'huy, est nommé au commandement du détachement d'armée des Vosges, qui devient la 8e armée; et le général Putz, qui avait primitivement le com­mandement du détachement d'armée des Vosges, prend le commandement du détachement d'armée de Belgique.

 

Pendant les mois de mars et d'avril, le calme règne sur cette partie du théâtre de la guerre.

 

Toute notre activité, comme celle des Allemands, consiste à échanger une canonnade parfois assez nourrie; mais rien ne fait présager les événements terribles qui se dérouleront sur ce coin de terre des Flandres à la fin du mois d'avril.

 

Le 22 avril, quelques bombes avaient été échan­gées.

Vers 17 heures, les troupes occupant nos lignes, de Langemark au canal d'Ypres, virent s'élever au ras de terre, en avant des lignes allemandes, un épais nuage de vapeurs jaune verdâtre, plus dense vers Bixschoote, que le vent peu violent faisait rouler vers notre front et le front tenu, à droite, par la division canadienne.

Ces fumées, formées par des vapeurs de chlore, atteignirent rapidement nos tranchées, provoquant chez nos soldats un aveuglement et une suffocation épouvantables, accompagnés de vomissements, et déterminant l'asphyxie.

A ce moment, l'ennemi déclenchait une fusillade très nourrie, et son artillerie lourde bombardait violemment notre seconde ligne, nos communica­tions et nos batteries.

Le secteur était tenu en partie par des unités de la 87e division territoriale, qui se replient rapi­dement sur les ponts de Boesinghe.

Le 1er bataillon d'infanterie légère d'Afrique et le 2e bataillon du 2 tirailleurs essaient de tenir tête aux Allemands qui, en formations massives, la bouche et les narines recouvertes d'un tampon d'étoffe, suivent à courte distance la nappe de gaz.

Mais, suffo­qués par les fumées asphyxiantes, en butte au tir de l'artillerie lourde ennemie, la plupart de ceux qui résistent sont tués ou faits prisonniers. Les autres se retirent vers Ypres, tandis que les Alle­mands progressent à leur gauche le long de la voie ferrée Langemark-Boesinghe

 

Ce drame terrible n'avait duré que quinze minutes; la surprise avait été complète et en trois quarts d'heure les Allemands avaient atteint les ponts de Boesinghe.

L'attaque était menée par un effectif d'au moins une division, et l'avance enne­mie avait été si rapide que les commandants des batteries de la 45e division ne s'aperçurent de l'irruption de l'ennemi que quand celui-ci fut à très courte distance. Ils ouvrirent le feu aussitôt, tirèrent jusqu'au dernier projectile et le personnel ne quitta les positions que quand l'infanterie alle­mande les atteignait.

Nous laissions entre les mains de l'en­nemi 29 pièces de 90, 16 de 75 et 6 de 95, plus 4 canons de 120 long, que nous reprîmes quel­ques jours plus tard.

L'avance allemande con­tinuait sur le plateau de Pilkem et vers le canal. Des élé­ments établis­saient même une tête de pont à ­Steenstraat.

 

Mais aux ponts de Boesinghe, l'ennemi, arrêté par des zouaves et des éléments des 14e et 79e régiments territoriaux, ne peut déboucher sur la rive ouest. Le canal entre Het-Sas et le sud de Boesinghe est tenu solidement par les territoriaux des 73e et 79e régi­ments.

Tandis-que nous reculions, la division cana­dienne battait en retraite précipitamment, cédant une profondeur de terrain d'environ trois kilo­mètres.

Alors l'ennemi s'arrête et commence à organiser. le terrain.

 

Détails heure par heure et récit par les combattants de cette journée de la première attaque aux gaz

 

Dès le lendemain 23 avril, le général Foch et le général Putz préparent des contre-attaques avec les élé­ments disponibles de la 45e division, une brigade anglaise, une fraction de la division canadienne et l'appui de l'artillerie de l'armée belge.

Le commandant de la 90e brigade, avec des éléments des 2e bis et 3e bis régiments de zouaves et du 7e zouaves, prononce plusieurs attaques, mais ne fait que peu de progrès, se heurtant à des haies fortement organisées et garnies de mitrailleuses.

 

Dans la journée du 24 avril, le général Foch fait affluer de nouveaux renforts dans le secteur : une bri­gade territoriale, la 153e, puis la 152e division, ainsi qu'une brigade anglaise.

Les contre-attaques reprennent avec une nouvelle vigueur sous la direction des généraux Deligny, commandant la 153e division, et Qui­quandon, com­mandant la 45e division. Nos progrès sont faibles, mais partout nous conte­nons l'ennemi.

 

Ce n'est que le 25 avril que, d'accord avec les Anglais, nous sommes en mesure de re­prendre l'of­fensive surtout le front atta­qué. D'ailleurs le Généralis­sime remet à la disposition du général Putz la 18e division du 9e Corps, ainsi que le général Curé, chef de ce Corps d'armée.

Trois groupements sont immédiatement créés

---Le groupement Curé, comprenant la 18e di­vision et ayant mission de rejeter au-delà du canal les forces ennemies installées sur la rive gauche

---Le groupement Quiquandon, comprenant les troupes de la rive gauche de l'Yperlée, en amont de Hiet-Sas, qui seront prêtes à déboucher sur la rive gauche dès que les progrès des forces plus au sud le permettront ;

---Le groupement Joppé, comprenant la 152e di­vision et les troupes du colonel Mordacq, qui doivent attaquer dans la direction générale de Pilkem, en liaison à leur droite avec les unités britanniques.

Enfin, la 35e brigade à l'ouest d'Elverdinghe constituera la réserve d'armée. Ce groupement de nos forces, dans lequel on sent la savante et énergique manière de Foch, va permettre de con­tinuer notre contre-offensive avec plus de méthode et d'espérer d'heureux résultats.

 

--Au groupement du général Curé, à 15 heures, des fractions du 418e régiment d'infanterie, le 4e régiment de zouaves et les 1e et 3e bataillons d'Afrique attaquent Lizerne, tandis que, plus au sud, un bataillon du 9e régiment de zouaves attaque la tête de pont que l'ennemi a installée à l'ouest de l'écluse de Het-Sas.

Nous ne progressons que lentement, mais nous atteignons enfin le canal ; et, dans Lizerne, nous enlevons la moitié du village où le combat continuera toute la nuit.

--Au groupe­ment Quiquandon, les progrès du colonel Mordacq sont trop peu sensibles pour qu'il nous soit pos­sible de songer à franchir le canal.

--Au groupement Joppé, l'attaque ne donne que de faibles résultats. Entre neuf heures et midi, la brigade marocaine, composée du 1e régiment de marche d'infanterie coloniale et du 8e régiment de marche de tirailleurs, accompagnée d'un groupe de 75, réussit à franchir le canal à la faveur de la brume et reçoit l'ordre d'attaquer vers le nord, en liaison avec la division indienne de Lahore.

 

A quatorze heures, Français et Britanniques se portent en avant et atteignent les tranchées enne­mies; mais les Allemands, qui ont déjà eu le temps de disposer leurs réservoirs, nous arrêtent par une forte émission de gaz asphyxiants.

Reprise à 17 heures, l'attaque échoue encore devant la pro­jection des gaz.

 

Dans la nuit du 25 au 26, le colonel Mordacq tente une attaque à la baïonnette; retardée par la clarté très vive de la lune jusqu'à trois heures du matin, l'attaque ne peut franchir les réseaux ennemis malgré l'héroïsme du 7e régiment de zouaves, des 2e bis et 3e bis régiments de zouaves, renforcés par le 2e bataillon de chasseurs à pied.

 

Le lendemain 27, un bataillon parvient à occu­per la ferme Morteldge ; mais le reste de la bri­gade Mordacq et la division de Lahore sont rejetés par les gaz, dont les Allemands font un usage constant.

 

Les jours suivants, la lutte continue, l'ennemi se bornant à la défensive.

 

Le 29 avril, Dunkerque est bombardée par une pièce à longue portée, qui semble être en batterie à l'est de Dixmude. Est-ce la préparation d'une offensive nouvelle?

Nous continuons de réagir, aidés par une artil­lerie lourde plus nombreuse

 

Le 30 avril, le 32e régi­ment d'infanterie et des fractions du 66e enlèvent deux lignes de tranchées allemandes.

 

A partir du 1er mai, les fronts français et alle­mands semblent fixés.

 

 

Les troupes fatiguées par ces combats incessants ne sont plus aptes à une offensive d'ensemble : l'offensive en préparation au nord d'Arras  réclame impérieusement le déplacement de l'artillerie lourde. On décide, à cette date, d'amélio­rer les positions occupées, de reconstituer les unités et de préparer simplement des opérations de détail.

 

 

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 »

Cartes tirées de l’Illustration

 

 

 

   

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