VERDUN

Fév.-avril 1916

L’arrêt          L’attaque sur les 2 rives

 

 

 

L’ARRET  : 26 février-4 mars 1916

 

 

Dans la journée du 25 février, le général de Castelnau, chef d'état-major général, était arrivé à Souilly avec mission du Général en chef de prendre « toutes mesures propres à enrayer l'avance allemande »

 

Le général Joffre avait, en effet, décidé de tenir coûte que coûte Verdun. La question pouvait se poser - et s'était posée -- de savoir s'il ne valait pas mieux rompre le combat pour se replier sur une ligne de résistance plus en arrière, afin d'éviter les pertes

 Pertes nécessairement considérables vu l'efforts déployé par l'adversaire.

Le Général en chef avait opté pour la défensive sur place.

 

Dès le 24, il avait donné l'ordre « de résister sur la rive droite de la Meuse, au nord de Verdun »

 

Et le 25, dans la soirée, il confirmait cet ordre par le télégramme suivant, adressé aux généraux de Castelnau, Pétain et Herr:

 « J'ai donné hier, 24 février, l'ordre de résister sur la rive droite de la Meuse, au nord de Verdun. Tout chef qui, dans les circonstances actuelles, donnera un ordre de retraite sera traduit en conseil de guerre»

 

L'événement montra que le général Joffre avait vu juste.

L'usure des effectifs allemands, le prestige moral prodigieux que nous retirâmes aux yeux du monde de notre victorieuse ténacité, ont fait de la bataille de Verdun une des étapes décisives de la victoire.

A peine arrivé à Souilly, le général de Castelnau y convoquait le général Pétain, auquel il confiait le commandement de la l'Armée, dont la région fortifiée de Verdun allait dépendre désormais.

Le général Pétain prenait son commandement à 23 heures.

 

« Le lendemain matin, dit un des maîtres de l'école historique contemporaine, Louis Madelin, témoin oculaire, je croisai, dans l'escalier qui menait au premier étage de la mairie de Souilly, un homme grand, pâle, les yeux bleus très clairs sous la paupière tombante, la bouche ferme sous la moustache, dont le vermeil blanchissait, la taille droite et jeune sous la capote bleue »

« Le nouveau patron ! » disaient les plantons.

Il restera notre « patron », Pétain, celui qui dit : « On les aura », et qui les eut.

 

« Il pénétra dans la grande salle, serra la main à quelques officiers de son état-major, marcha droit à la grande carte assemblée sur son panneau, prit son fusain et traça des secteurs avec autant de calme que s'il croquait un paysage par une sereine matinée »

 

Tout commençait à être confusion sur le champ de bataille ; il fallait, pour que l'ordre se rétablît, que se fît une délimitation des responsabilités, par conséquent des zones d'action : « Ici Batelière. Ici Guillaumat. Ici Balfourier. Ici Duchêne. »

 

Et il dicta l'ordre 1, où il définissait le rôle de son Armée : « Enrayer à tout prix l'effort que prononce l'ennemi sur le front de Verdun. foute parcelle de terrain qui serait arrachée par l'ennemi donnera lieu à une contre-attaque immédiate. »

Jamais l'expression:« Prendre en main une bataille », ne me parut plus juste.

 

Ainsi le champ de bataille était divisé en quatre secteurs, l'un comprenant la rive gauche, les trois autres se partageant la rive droite. De Bazelaire était placé à la tête du premier, qui allait d'Avocourt à la Meuse. Sur la rive droite, Guillaumat commandait du fleuve jusqu'à Douaumont; Balfourier, de Douaumont à la Woëvre; Duchêne, dans les Hauts-de-Meuse.

 

Nous avons dit que l'on se battait en rase campagne, les Allemands ayant conquis sur tout le front d'attaque, de la Meuse à la Woëvre, la zone organisée.

Le général Pétain entreprit d'en constituer une nouvelle.

Il donna l'ordre, tout d'abord, de creuser sur la ligne même de bataille, de la côte du Poivre à Eix, par Douaumont et Vaux, une ligne de retranchements continus ; il prévit de plus une seconde et une troisième ligne, et affecta à leur organisation, sous le bombardement qui faisait rage jour et nuit, une division toute entière, la 59e.

 

Cependant, l'ennemi devait être contenu par une défensive énergique, une défensive-offensive à chaque coup de l'adversaire répondra immédiatement une riposte.

 

La 37e division d'infanterie a été fort éprouvée pendant ces deux jours d'héroïque défense de la ligne Côte du Poivre – Louvemont - Douaumont.

Elle est relevée par la 39e division d'infanterie (général Massenet), qui barre à l'ennemi la route de Bras (26 février), tandis qu'une batterie géante de cent pièces de 75, installée derrière la côte de Froide-Terre, foudroie tout élément ennemi qui tente de déboucher de Louvemont.

Plus à droite, le 105e régiment d'infanterie prussienne (5e division), essaie d'enlever le village de Douaumont ; il est décimé par les feux de mousqueterie et de mitrailleuses de notre 95e régiment d'infanterie.

 

A cinq reprises, dans les deux jours qui suivent, la 5e division d'infanterie allemande se lance à l'attaque. Elle ne peut arriver à bout de la ténacité de nos fantassins

 

Ce n'est que le 2 mars qu'une division fraîche, la 113e division d'infanterie, parviendra à débusquer les défenseurs des pans de murs qui marquent l'emplacement du village. Encore nous installerons-nous à cinquante mètres de la lisière sud-ouest, empêchant tout débouché. Le 3, deux bataillons de notre 172e régiment d'infanterie et un du 174e reprennent la position. Ils en sont refoulés le 4 au matin, mais se maintiennent à deux cents mètres au sud.

 

Cependant, nos renforts étant arrivés en nombre suffisant (2e, 7e, 1e et 8e Corps d'Armées), nous commençons à réagir vigoureusement.

 

Le 27 fév. , ordre est donné de reprendre Douaumont. Par malheur, le vaillant lieutenant-colonel Joulia, qui avait préparé l'opération, est tué le 28, et le 29 les échelles destinées au franchissement des fossés sont brisées par les obus, au moment même de l'assaut.

Il fallut se contenter d'enserrer le fort de nos sapes, tandis que notre artillerie lourde renforcée l'écrasait de ses feux.

Quoiqu’il en soit, l'avance allemande était désormais bloquée.

A quelques fluctuations près, il n'y aura guère de modifications au front de bataille, sur cette rive droite de la Meuse, jusqu'aux grandes attaques allemandes de juin.

 

 

La Voie Sacrée

 

Mais le Grand Etat-major ennemi et le Kronprinz ne se résignaient pas à faire leur deuil de la tentative avortée. Le Commandement allemand était pris au piège de son propre« bluff. Il s'était trop avancé auprès de l'opinion nationale et aussi de l'opinion mondiale  pour pouvoir reculer.

Sûr du succès, il avait, dans sa présomption, claironné trop bruyamment que Verdun était « le cœur de la France » ; qu'enlever la forteresse, c'était terminer la guerre, obtenir enfin cette paix déjà souhaitée à haute voix d'un bout à l'autre de l'Allemagne et qui semblait s'éloigner à chaque victoire carillonnée.

Il ramenait donc à l'arrière les troupes épuisées par tant d'efforts infructueux, les complétait avec des éléments appelés des dépôts ou avec des recrues de la classe 1916, les remplaçait par des troupes fraîches, préparait visiblement de nouveaux assauts.

 

Il fallait à notre Commandement prendre toutes dispositions pour y parer.

Nous avons vu, plus haut, combien nos voies ferrées étaient insuffisantes.

 

Dès le 21 février, la ligne Sainte-Menehould-Verdun, coupée par le canon entre Aubréville et Dombasle, n'était plus guère utilisable que jusqu'à Clermont-en-Argonne. On s'était mis fiévreusement à la construction de la nouvelle ligne Nettancourt-Dugny.

Mais en attendant qu'elle fût prête et que le meusien, amélioré, eût un rendement suffisant, il fallait pourvoir aux nécessités.

Ce fut au service automobile que revint cette tâche.

 

Le 22 février, à 12 heures, il avait reçu l'ordre de l'assumer. On répartit le travail. Alors que les trois voies ferrées existantes furent réservées aux ravitaillements, à lui incomba la mission de transporter les troupes, les munitions, le matériel du génie.

La grande route Bar-le-Duc-Verdun (la « Voie Sacrée », comme l'on dit bientôt) lui fut exclusivement réservée.

 

Dès sa prise de commandement, le général Pétain avait affecté à son entretien treize bataillons, qui, par un travail constant, surent la maintenir en état, malgré le verglas, la neige, le dégel. , et aussi les obus entre le coude du Moulin-Brûlé et la ville; 1700 camions en moyenne y circulèrent chaque jour, dans les deux sens; 175 sections automobiles furent organisées, comptant un effectif de trois mille cinq cents hommes commandés par trois cents officiers, et ayant à leur disposition près de quatre mille voitures.

 

Exemple merveilleux d'organisation improvisée, improvisée, mais admirable.

Ainsi put être assurée par notre Grand Quartier Général la relève des troupes engagées, la «noria» des divisions, calculée de façon à limiter au strict indispensable l'usure de l'Armée française par la bataille gigantesque.

Ce strict indispensable était encore énorme, puisque l'on ne relevait guère une division avant, qu'elle eût perdu cinquante a soixante pour cent de son effectif. Mais il était encore possible, dans ces conditions, de la reconstituer rapidement; et c'était là le point capital, à cette heure tragique de la guerre.

 

 

 

L’attaque sur les 2 rives (Mars-Avril 1916)

 

Le 4 mars, était lu aux troupes allemandes un ordre du jour du Kronprinz, où ces troupes étaient invitées à se préparer « à de nouveaux combats », car il leur fallait s'emparer de Verdun. Ces nouveaux combats étaient engagés, dès le surlendemain, par l'attaque de notre secteur de la rive gauche.

 

De ce côté, nos premières lignes, entre Malancourt et la Meuse, occupaient les pentes au nord du ruisseau de Forges.

A distance de deux kilomètres à deux kilomètres et demi en arrière, s'allongeait une série de hauteurs - cote 304, Mort Homme (cotes 295 et 265), bois des Corbeaux, bois de Cumières et côte de l'Oie, lesquelles, constituant une défense naturelle et fournissant d'excellents observatoires, allaient être âprement disputées sitôt les premières tranchées enlevées par l'assaillant.

Si l'ennemi jusque là avait négligé de prononcer tout assaut dans cette direction, et s'était contenté de soumettre nos positions de la rive gauche à un violent bombardement, c'est qu'il avait escompté une marche foudroyante par la rive droite. Car il est probable, que si le 21 février, en même temps qu'ils attaquaient entre Consenvoye et Ornes, les Allemands avaient également foncé entre Malancourt et Forges, ils seraient arrivés à Verdun ; en tous cas, ils auraient mis en posture très critique nos troupes de la rive droite, menacées de se voir couper à revers les passages de la Meuse.

 

Cette manoeuvre, qu'il n'avait point faite le 21 février, l'ennemi allait la tenter du 6 au 11 mars. Il était trop tard.

 

Nous avions eu le temps de nous ressaisir. De quelque côté qu'elle se» poursuivît, la bataille de Verdun ne pouvait plus être qu'une inutile tuerie.

 

Le lundi 6 mars, nos positions de la rive gauche, de Forges à Béthincourt, étaient écrasées par un bombardement aussi violent que celui des précédentes attaques. Deux divisions allemandes, les 22e et 12e divisions de réserve, donnaient l'assaut, leur gauche appuyée au fleuve et protégée par l'avance réalisée sur l'autre rive. Devant elles, elles ne trouvaient qu'une seule division française, la 67e (général Aimé).

Nos troupes, inférieures en nombre, mal protégées par nos barrages d'artillerie dont les obus s'enfonçaient dans les marécages du ruisseau de Forges sans éclater, étaient contraintes d'évacuer Forges et Regniéville, mais résistaient opiniâtrement sur la côte de l'Oie. Là aussi, l'avance allemande, malgré la puissance des moyens employés, ne marchait pas au gré des espérances du Kronprinz. Elle se bornait à la prise coûteuse de deux villages, que leur position dans une boucle de la Meuse rendait difficiles à défendre.

 

Le 7 mars, nouveau bombardement ; nouvel assaut parla plaine couverte de neige. Les allemands s'emparent de la côte de l'Oie et du bois des Corbeaux, mais échouent devant Cumières et, plus à l'ouest, devant le Mort-Homme.

 

Nous réagissions aussitôt; et le 8, le 92e régiment d'infanterie, en vingt minutes, reprenait le bois des Corbeaux; il s'y maintenait toute la journée du 9; le 10 au matin, il complétait sa conquête en occupant la corne nord-est du bois de Cumières. Mais son colonel, le colonel Macker, était tué. Et le soir, assailli par une division ennemie toute entière, il lui fallait rétrograder.

 

Notre ligne, à ce moment, passait par les points suivants : Béthincourt-Mort-Homme-lisière sud des bois des Corbeaux et de Cumières. La barrière avait légèrement plié, elle n'avait pas cédé.

Cependant, dès le 8, les Allemands conjuguaient cet effort sur la rive gauche avec un effort plus puissant encore sur la rive droite. Une partie du VIIe Corps de réserve, du XVIIIe Corps d'Armée, le IIIe Corps en entier, deux régiments du XVe Corps d'Armée et deux divisions du Ve Corps de réserve étaient lancés sur notre front, de la côte du Poivre au fort de Vaux.

Le but? Forcer le défilé de Vaux, où aboutissent les ravins permettant de pénétrer jusqu'au plateau de Fleury-Souville : ravins du Bazil, des Fontaines et ravin de la Fausse-Côte, qui grimpe vers Douaumont.

 

Le soir du 8, malgré une débauche d'obus asphyxiants sur le bois de la Caillette et le vallon de Vaux, l'ennemi en était encore à s'emparer du village, à l'entrée même du défilé convoité.

 

Le 9, un de ses radiogrammes annonçait bien au Monde que les 6e et 19e régiments de réserve de Posen, sous la direction du général d'infanterie von Guretzki Cornites, « avaient emporté d'assaut le fort cuirassé de Vaux, ainsi que de nombreuses fortifications voisines, par une brillante attaque de nuit »; mais cette victoire n'existait que dans le radio.

En réalité, l'ennemi avait bien pu s'établir sur les pentes est de la colline portant le fort, lesquelles, abruptes, constituent un angle-mort.

Mais lorsque les compagnies du 19e régiment d'infanterie avaient voulu déboucher sur la pente douce qui monte aux fossés, elles avaient été balayées par nos mitrailleuses et n'avaient pu même atteindre les fils de fer...

Le communiqué n'en était pas moins extrêmement intéressant, par le besoin qu'il montrait chez l'adversaire de remporter des succès à Verdun. Et de fait, malgré la neige et la boue glacée couvrant les pentes, il lançait de nouveaux régiments contre le fort et aussi contre le village (10-11 mars)

Il fallait justifier le triomphant radio.

Comme toujours, en pareil cas, le Commandement allemand ne réussissait qu'à entasser les cadavres, et devait se résigner à masquer son premier mensonge par un second : il déclarait que les Français avaient repris le fort, dont ils n'étaient jamais partis.

De quelque côté qu'il jetât ses bataillons, l'ennemi trouvait une barrière hermétique. Cette seconde attaque, de plus ample envergure que celle du 21 février, puisqu'elle avait intéressé le front sur les deux rives, était un échec sanglant.

Les régiments de plus de dix divisions avaient perdu jusqu'à soixante pour cent de leur effectif... pour occuper l'emplacement jonché des gravats de deux villages démolis, Forges et Regniéville, et l'emplacement de la moitié du village de Vaux.

 

Notre victoire défensive était acquise; et, dès le 10 mars, le Général Commandant en Chef était fondé à publier l'ordre du jour qui la constatait :

 

« SOLDATS DE L'ARMEE DE VERDUN ! »

Depuis trois semaines, vous subissez le plus formidable assaut que l'ennemi ait encore tenté contre nous.

L'Allemagne escomptait le succès de cet effort qu'elle croyait irrésistible et auquel elle avait consacré ses meilleures troupes et sa plus puissante artillerie.

Elle espérait que la prise de Verdun raffermirait le courage de ses alliés, et convaincrait les pays neutres de la supériorité allemande.

Elle avait compté sans vous!

Nuit et jour, malgré un bombardement sans précédent, vous avez résisté à toutes les attaques et maintenu vos positions.

La lutte n'est pas encore terminée, car les Allemands ont besoin d'une victoire. Vous saurez la leur arracher.

Nous avons des munitions en abondance et de nombreuses réserves.

Mais vous avez surtout votre indomptable courage et votre foi dans les destinées de la République.

Le Pays a les yeux sur vous. Vous serez de ceux dont on dira : « Ils ont barré aux Allemands la route de Verdun!.»

 

Mais, comme nous l'avons dit plus haut, la bataille de Verdun était devenue pour le Commandement allemand une question de prestige moral. Ni lui, ni le Kronprinz avec lequel il se solidarisait ici, ne voulaient se résigner à la défaite.

Cette défaite, ils le sentaient, devait entraîner et entraîna en effet à plus ou moins longue échéance, la perte de la guerre. Il fallait donc, coûte que coûte, arracher la victoire au Destin.

Les attaques massives du 21 février et du 6 mars n'ayant pas réussi, l'ennemi adopte une méthode nouvelle. Désormais, il va essayer de démanteler notre front par des attaques locales à objectifs limités qui se poursuivront durant plusieurs semaines ; après quoi, il s'efforcera d'abattre la muraille par un assaut général.

 

Durant tout le reste du mois de mars et le début d'avril, les opérations de détail se multiplient.

 

      Sur la rive droite, village et fort de Vaux sont attaqués le 16, le 18, le 30 au soir. Ce n'est que le 1e avril que les Boches parviennent à occuper la totalité du village, à l'exception toutefois de la « maison-ouest » comme disaient les communiqués, où la 1e compagnie de notre 101e régiment leur tiendra encore tête, lors de la grande ruée du 1" juin.

Il va sans dire que la « maison-ouest » se réduisait à un pan de mur, lequel n'avait pas plus d'un mètre de haut.

Quant au fort, les plus violents assauts, comme ceux du 16 et du 18 mars, ne parvenaient pas même à ses fossés.

 

Cependant l'attaque du 2 avril, menée sur un front de trois kilomètres après une préparation d'artillerie de huit heures, exécutée avec la dernière violence, avait permis aux allemands de s'infiltrer dans le bois de la Caillette, entre Douaumont et le bois de Vaux-Chapitre.

Mais une vigoureuse contre-attaque du 74e régiment d'infanterie l'en débusquait aussitôt.

C'était un régiment de la 5e division d'infanterie : le général Mangin faisait son entrée dans le secteur.

 

      Sur la rive gauche, le 14 mars, les boches enlevaient une des deux crêtes du Mort-Homme, la cote 265, malgré l'héroïsme de la 73e brigade, dont le chef, le colonel Garçon, tombait le fusil à la main; le 20 mars, c'étaient les bois d'Avocourt et de Malancourt qui restaient aux mains de la 11e division bavaroise.

Le village de Malancourt était pris le 31 mars.

Le 4 avril, c'était Haucourt qui subissait l'attaque.

L'ennemi, repoussé, revenait à la charge le 5, et après un dur combat où se couvraient de gloire trois compagnies de notre 79e régiment d'infanterie qui dans l'occurrence tinrent tête à une brigade, l'ennemi occupait l'emplacement du village dans la nuit du 5 au 6, et s'y maintenait.

Notre avant-ligne du ruisseau de Forges était désormais entièrement aux mains de l'adversaire.

Ayant ainsi préparé le front sur les deux rives, le Commandement allemand lançait, le 9 avril, son attaque générale.

A gauche de la Meuse, il donnait assaut à toute la ligne d'Avocourt à Cumières ; à droite, aux positions que nous occupions sur les pentes méridionales et orientales de la côte du Poivre.

La préparation d'artillerie égala celle des deux grandes attaques précédentes : de l'ouvrage de Rieux (à l'ouest du réduit d'Avocourt) jusqu'à la région de Vaux, nos lignes furent écrasées sous les 210, les 150 et les 105, tandis que des tirs d'engagement à obus toxiques interdisaient à nos réserves de secourir les unités attaquées.

 

Partout, néanmoins, la résistance fut admirable.

Sur la rive gauche, où commande le général de Maud'huy, nous avons affaire à onze régiments et un bataillon de chasseurs ; sur la rive droite, au VIIe Corps de réserve.

La lutte est particulièrement âpre au Mort Homme et à la côte 304.

 

Au Mort-Homme, le 8e bataillon de chasseurs, le bataillon de Sidi-Brahim, que commande le capitaine de Surian  le 16e bataillon et 102e bataillon du 151e régiment d'infanterie (42e division, général Deville), résistent avec un héroïsme inégalé.

Un instant, la crête de la côte 295 est occupée par l'ennemi. La 11e compagnie du 151e régiment d'infanterie contre-attaque.

Sous le plus effroyable bombardement, ses colonnes de section par un s'avancent sur l'ouvrage, en chassent les allemands, rétablissent et maintiennent, malgré les obus, la liaison avec le 8e bataillon de chasseurs.

La ligne demeure inébranlable.

 

Devant nos tranchées de la côte du Poivre, le VIIe Corps de réserve n'a pas obtenu plus de succès. Et le lendemain, 10 avril, le général Pétain pouvait, dans son ordre du jour, lancer le célèbre : « On les aura! »

 

Le 9 avril, disait-il, est une journée glorieuse pour nos armes. Les assauts furieux des soldats du Kronprinz ont été partout brisés. Fantassins, artilleurs, sapeurs et aviateurs de la 2e Armée ont rivalisé d'héroïsme.

Honneur à vous.

Les Allemands attaqueront sans doute encore. Que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu'hier.

Courage... On les aura ! »

 

Ce jour même, en effet, l'ennemi renouvelait ses attaques. Elles étaient aussi infructueuses que la veille. Dans le camp adverse, le général Deimling, passant en revue des éléments du XVe Corps d'Armée, pouvait déclarer aux troupes « qu'elles seraient fières, en rentrant dans leurs foyers, de dire qu'elles avaient participé à la prise de Verdun », le moment où le pavillon impérial flotterait sur la citadelle semblait de plus en plus éloigné.

Bien plus.

 

C'était à notre tour de contre-attaquer.

Le 12 avril, nous refoulions les Allemands devant Cumières.

 

Le 15 avril, trois bataillons du 36e régiment d'infanterie et des éléments du 12e enlevaient 160 prisonniers et 2 mitrailleuses entre la Caillette et la Fausse-Côte.

 

Le 18, un coup de main nous permettait de progresser jusqu'à la lisière du bois des Caurettes.

 

Le 19, trois bataillons (du 15e, du 154e et du 306e régiments d'infanterie) faisaient 150 prisonniers sur le Mort-homme, en avant de la cote 295.

 

Sans doute, l'Allemand ripostait : il lançait, le 22, une division toute entière, la 43e division d'infanterie, à l'assaut de nos positions sur ce même Mort-Homme; il renouvelait ses attaques le 30 avril et les jours suivants; mais la muraille résistait à tous les coups de bélier.

 

 

La terre de Verdun devenait un champ de mort effroyable, où les deux Armées s'écrasaient sur place. Et il devait en être ainsi huit mois encore.

 

 

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