L’offensive allemande en Champagne   

La bataille défensive française

15 au 19 juillet 1918

 

 

 

 

Pourquoi les Allemands sont passés à l’offensive en 1918 ?

Cette offensive fait suite à l’offensive allemande vers Compiègne du 1 au 12 juin 1918

 

Ludendorff eut le talent de concilier tous les points de vue en annonçant, non pas la paix, mais une offensive pour la paix « Friedensturm »

Ce fût là le nom qu’il décida de donner à la bataille qu’il préparait depuis plus d’un mois

Il s’agit cette fois, en lançant toutes les ressources de l’Allemagne sur un front de 90 kilomètres, depuis la région de Massiges, par Reims, jusqu’à celle de Château-Thierry, d’arriver à Châlons et à Vitry, pour faire tomber; à gauche l’Argonne et Verdun; au centre Reims; à droite la défense de la Marne.....

 

 

L’offensive allemande

 

Le 14 juillet 1918, la machine est au point.

Suivant les procédés du 21 mars et du 27 mai ont consacré l’excellence, renforts et matériel ont été accumulés à pied d’œuvre; chars d’assauts, pièces de tous calibres, dépôts de munitions jusque dans les tranchées de première ligne; matériaux pour la construction de passerelles sur la Marne, abrités dans les bois, au nord de Dormans et de Jaulgonne.

Une nouvelle base d’attaque contre Paris sera ainsi créée, loin du massif dangereux de Villers-cotterêts, et peut-être que devant cette formidable menace, le moral de la France s’écroulera.

 

 

 

Le 15 juillet, à minuit, une préparation d’artillerie, avec obus toxiques et large emploi d’ypérite, ébranle le sol sur plusieurs centaines de kilomètres.

Des obus monstrueux s’écrasent en même temps sur Châlons, sur Epernay, sur Dunkerque, sur Paris, où la «  Bertha » annonce le commencement de la plus grande bataille de tous les temps. Cette débauche de munitions dure quatre heures.

A sa faveur, l’infanterie allemande s’est portée en avant, prête à bondir; des ponts et des passerelles ont été jetées sur la Marne, depuis Gland jusqu’à Mareuil, sur un front de 20 kilomètres .

 

De Longpont à Bligny, c’est la 7e armée allemande du général Von Boëhm, avec 30 divisions allemandes, dont 16 en première ligne; Devant Reims, de Bligny à Prunay, c’est la 1ere armée, à la tête de laquelle le général Allemand Von Mudra vient de remplacer le général Fritz Von Below, avec 15 divisions Allemandes en première ligne et 7 divisions en soutien; De Prunay à l’Argonne, c’est la 3e armée Allemande du général Von Einem, avec 20 divisions Allemandes dont 12 en première ligne.  

 

A 4h45, ces masses allemandes se lancent à l’assaut, à travers nos tranchées bouleversées, les divisions allemandes ayant sur un front de 2 km 500 deux régiments en première ligne et un régiment en soutien. Presque toujours deux et souvent trois divisions sont disposées les unes derrière les autres.

L’ordre est d’avancer, coûte que coûte, à raison de 1 kilomètre à l’heure.

Or, la manœuvre se déroule exactement comme elle avait été prévue par le Haut-Commandement français.

 

En Champagne, dans un magnifique ordre du jour, Gouraud avait demandé à ses soldats de faire preuve d’héroïsme :

 «  Le bombardement sera terrible, leur avait-il dit le 7 juillet; vous le supporterez sans faiblir. L’assaut sera rude, mais votre position et votre armement sont formidables; cet assaut, vous le briserez, et ce sera un beau jour. »

 

La tactique employée fut celle-ci : Pétain avait ordonné d’abandonner la première ligne Française, des îlots de résistance avaient été installés entre la première ligne Française et la seconde ligne.

Les Allemands pénétreront dans la première ligne française, ils ne rencontreront aucune résistance, mais en sortant de cette première ligne pour conquérir la deuxième ligne, ils seront surpris et repoussés par les Français installés dans les îlots de résistance.

Les soldats français contre attaqueront et reprendront leur première ligne de défense.

 

L'attaque des Allemands sur le front de Champagne était depuis longtemps prévue. Nos observatoires et nos avions avaient signalé devant nos lignes de formidables approvisionnements d'obus. Des minenwerfer nouveaux se découvraient chaque jour.

Enorgueillis de leurs succès vers Amiens et au Chemin des Dames, les Allemands ne doutaient pas de la victoire. Leurs aviateurs avaient plusieurs fois survolé Châlons et laissé tomber d'insolents défis : « Mesdames les Châlonnaises, préparez nos chambres ! »

On savait, par l'expérience des années précédentes, qu'une attaque, menée avec des forces suffisantes et un matériel approprié, est assurée du succès, à ses débuts du moins. Afin de réduire nos pertes au minimum, le Commandement avait, dès les premiers jours de juillet, réglé dans ses plus petits détails l'évacuation de notre première position.

 

Les troupes de première ligne devaient, au signal donné, se replier sur la position intermédiaire devenue position principale de résistance, et permettre l'arrivée de réserves sur la deuxième position. Seuls, des petits postes d'observation demeureraient sur les parallèles principales et les réduits de la première position, avec mission de lancer des fusées lorsque l'ennemi arriverait devant eux.

 

L’artillerie Française aura pour rôle de contre battre l’artillerie Allemande, puis d’empêcher les deuxième et troisième vagues d’assauts Allemandes de venir épauler la première vague.

L’artillerie aura pour second rôle d’infliger des pertes les plus lourdes aux différentes vagues allemandes. C’est la défense en profondeur, appelé aussi défense en élastique.

 

Le bombardement fut terrible, en effet. Les îlots de résistances (composés de soldats français qui s’étaient portés volontaires, on ne peut que se prosterner devant une telle bravoure), restés en avant des positions pour disloquer l’attaque allemande, le supportèrent stoïquement jusqu’au bout, et se laissent détruire.

 

Quand les colonnes d’assaut allemandes se présentèrent, les soldats français survivants des îlots, poussant l’héroïsme jusqu’aux limites extrêmes du sublime, attendirent la mort d’un cœur ferme, et se laissèrent submerger.

Cependant les soldats français ne se laissent pas impressionner, ils sautent sur leurs mitrailleuses, leurs fusils, leurs revolvers, leurs grenades et abattent tout ce qui se présentent devant eux, certains qui ne trouvent pas d’armes foncent et embrochent des Allemands au couteau.

 

Les Français passent ensuite à la contre attaque et au cours d’actions superbes, reprennent la première ligne qu’ils avaient volontairement abandonné au début de l’assaut.

Les Allemands sont repoussés, ils sont de plus décimés par nos canons qui en font une véritable boucherie, ils se brisent sur tout les points défensifs Français.

Dès midi, les trois divisions de la Garde Prussienne, la division de Chasseurs Prussiens, les trois divisions Bavaroises avaient perdu plus de la moitié de leurs effectifs et étaient clouées au sol : « coup dur pour l’ennemi, s’écriait le général Gouraud, en remerciant ses héroïques soldats Français, et belle journée pour la France ! ... »

 

Les marsouins du 1er corps colonial, les 53e,  142e,  415e,  101e,  124e,  130e,  166e,  330e,  366e,  21e,  109e,  149e,  158e,  17e,  116e,  215e,  363e,  27e,  85e,  95e régiments d’infanterie ; les 1er, 3e,  10e,  20e,  21e,  31e bataillons de Chasseurs à pied; les 44e,  101e,  62e,  244e,  12e,  1er régiment d’Artillerie de campagne avaient poussé jusqu’à l’extrême limite du sublime l’abnégation et l’esprit de sacrifice .

 

 

 

Sur la Marne, de Château-Thierry à Reuil

 

Le 15 juillet.

Dans la soirée du 14 juillet la préparation d'artillerie commence vers minuit et l'attaque, dont l'heure est décalée, semble-t-il, de l'ouest à l'est, se déclenche à 1h20 au sud de la Marne, à 1h40 à Chaunuzy.

Pendant la nuit, l'ennemi jette des ponts et des passerelles, sur la Marne, deux entre Tréloup et Dormans, les plus importants, de 5 à 10 mètres de large, d'autres en face de Soilly, Courthiézv, Leuilly, Jaulgonne, Mézy et Chartèves.

Avant le lever du jour, l'ennemi franchit la Marne, et attaque à Mareuil le Port, les divisions de première ligne établies sur la rive sud.

Les positions de Courthiézy, Soilly, Chavenay, Troissy, Nesle-le-liepons sont âprement défendues. Le terrain n'est cédé que pied à pied et toute cette région est le théâtre de combats héroïques.

Les 33e,52e,53e  coloniaux entre autre unités, se couvrent de gloire par leur défense de Mareuil-le-Port et par leur résistance dans les bois de Nesle-le-Repons.

Les Allemands sont arrêtés sur la ligne Celles-lès-Condé, la Chapelle-Monthodon, Comblizy (où déjà les réserves françaises passent à la contre-attaque), Oeuilly, Reuil.

Au nord de la Marne l'attaque, contenue toute la matinée sur la première position par 2 divisions françaises et le 2e corps italien, progresse dans la soirée jusqu'à la seconde position où elle est arrêtée.

Pendant toute la journée, malgré les épais rideaux de fumée qui les dissimulent, les avions alliés repèrent les ponts jetés sur la Marne et les bombardent à faible hauteur ; ils en détruisent plusieurs, précipitant les troupes et les convois dans la rivière ; ensuite, ils attaquent à la mitrailleuse les troupes qui ont débouché sur la rive sud.

Dans la seule journée du 15, les bombardiers français, aidés par leurs camarades américains et britanniques, jettent 44 tonnes de projectiles sur les passages de la Marne et infligent à l'ennemi des pertes considérables.

« Il n'y a guère de fleuve qui ait été aussi bien défendu », dira le journal de Berlin

 

les 16 et 17 juillet

Grâce à une formidable débauche d’obus toxiques qui a permis aux pontonniers allemands d’établir de nombreuses passerelles au moyen de câbles d’acier, six divisions allemandes ont réussi à franchir la rivière avant l’aube.

Mais ce succès est vite enrayé. A gauche, une division américaine se précipite à la contre attaque dans une fougue magnifique, et rejette l’ennemi dans la Marne, empêchant de ce côté tout élargissement de la tête de pont.

 

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Vers Celtes-les-Condé, c’est à la fois le 502e régiments de Chars d’assauts qui brise l’élan de l’ennemi.

 

Au centre, Saint-Aignan et la Chapelle-Monthodon nous restent, grâce à l’héroïsme des 125e et 51e divisions (76e, 113e, 131e, 33e, 73e, 273e régiments d’infanterie).

 

En particulier la division du général Boulangé, la 51e, a perdu 77 officiers et 3300 soldats, les héroïques 33e et 73e régiment d’infanterie sont décimés.

A droite, Oeuilly et le bois de Châtaigniers sont conservés et une vigoureuse contre-attaque de l’infanterie de la 73e division ( 346e,  356e et 367e régiments d’infanterie) ainsi que l’existence de tranchées de deuxième ligne protégées par des réseaux de fils de fer, limitent la poche dans cette région. Vers Épernay, le chemin est barré aussi.

 

Accroché aux pentes de Damery et de Venteuil , devant Epernay, le 103e régiment d’infanterie, appuyé par un groupe du 26e d’artillerie, oppose à tous les efforts de l’ennemi une résistance victorieuse .

Le soir, la tête de pont des Allemands au sud de la Marne, large d’une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau, ne dépasse pas 5 kilomètres en profondeur .

 

En outre, sa conservation parait des plus précaires, car les renforts ennemis ne peuvent arriver que lentement, puisque Reims nous reste, par où on pourrait passer la seule ligne de ravitaillement commode. 

 

Le général Pétain n’en est pas moins inquiet. La présence des Allemands au sud de la Marne menace la ligne Sézanne Vitry Bar-le-Duc, la seule rocade qui lui reste.

Il inclinerait donc à rejeter les Allemands dans la Marne, avant de déclencher l’offensive Mangin, prévue et toujours maintenue pour le 18 juillet, mais qu’il voudrait compléter par une contre-offensive de Gouraud en Champagne. Mais Foch, entêté, ne veut rien entendre .

 

Ludendorff veut s’engager au sud de la Marne ? Qu’il y aille ! Qu’il y enfourne surtout le plus de divisions allemandes possibles ! Ce sera autant de moins à combattre pour Mangin, et autant de plus à ramener vers le nord dans des conditions difficiles.

 

 

L’offensive Française de Mangin se déclenchera le 18 juillet : « Victoire égale volonté », a écrit Foch dans ses cours de l’école supérieur de guerre .

Ce ne sont pas là des mots creux.

C’est une vérité gravée en lettres de feu dans le cerveau et dans le cœur du généralissime. 

 

La 4e armée Française du général Gouraud venait de remporter un succès défensif indiscutable, les Allemands n’avaient gagné aucun gain territorial, et avaient perdu 40 000 soldats contre 5000 Français.

 

 

 

 

 

 

Suite des opérations : La Marne  18 au 31 juillet 1918

 

 

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A la Main de Massiges :

Les exploits du 95e R.I.

 

 

La 4e Armée était commandée par le général Gouraud, un colonial, célèbre par la capture de Samory qu'il avait faite étant capitaine. Gouraud avait perdu un bras aux Dardanelles.

Il était populaire parmi ses hommes pour son sang-froid, une extrême douceur qui savait s'allier à l'occasion à une extrême fermeté, une indépendance de caractère et une largeur de vues qui lui permettaient de revenir sur des décisions arrêtées par lui, lorsque ses subordonnés lui soumettaient des décisions qui lui semblaient préférables.

 

Nous n'étudierons les opérations que sur un seul point, à la Main-de-Massiges.

 

Les péripéties de la bataille furent partout identiques, et la manœuvre de la Main-de-Massiges, exécutée par le 95e régiment d'infanterie, mérita d'être citée en modèle.

La Main-de-Massiges avait été prise en 1914 par les Allemands et reprise par nous en 1915. Le 95e régiment d'infanterie occupait les secteurs de cette position depuis le 6 juillet 1917.

 

 

Les hommes pouvaient s'y diriger les yeux fermés. Cette connaissance parfaite du terrain doit être mise en avant, sur le même plan que le courage des hommes et la science des chefs, pour expliquer le succès surprenant de la manœuvre qui nous occupe.

La connaissance des lignes ennemies était presque aussi complète.

Presque chaque nuit, des groupes de volontaires allaient dans le terrain neutre, traquant les patrouilles allemandes, enlevant les petits postes ennemis.

 

Les lieutenants Fontaine et Cayré et le capitaine Galy devinrent légendaires par l'audace avec laquelle ils menaient ces coups de main.

Un régiment Américain de noirs avait été détaché à la 4e Armée, et se trouvait immédiatement à droite de la 16e division . Les officiers de ce régiment, enthousiasmés par les exploits du 95e de ligne demandèrent à participer aux patrouilles comme simples volontaires, afin de s'initier à notre tactique.

 

A plusieurs reprises, les Allemands dirigèrent sur la Main de Massiges de fortes reconnaissances, chargées de ramener des prisonniers. Pas une seule fois le succès ne couronna leurs efforts.

Un officier allemand, capturé dans la nuit du 4 au 5 juin, avoua le dépit du Commandement allemand, qui n'avait pu parvenir à identifier le régiment qui lui portait des coups si rudes.

 

 

Le 7 juillet parut l'ordre célèbre du général Gouraud aux soldats Français et Américains de la 4e Armée :

 

« Le bombardement sera terrible, vous le supporterez sans faiblir.

L'assaut sera rude, dans un nuage de poussière, de fumée et de gaz, mais votre position et votre armement sont formidables.

Dans vos poitrines, battent des cœurs braves et forts d'hommes libres.

Personne ne regardera en arrière, personne ne reculera d'un pas.

Chacun n'aura qu'une pensée : en tuer, en tuer beaucoup, jusqu'à ce qu'ils en aient assez..”.

 

 

Le 14 juillet, vers 20h30, l'ennemi commençait un violent bombardement par obus toxiques. L'ordre de repli, qui fut aussitôt donné, ne s’exécuta pas aisément, tant à cause de la nuit noire que des nappes de gaz que les hommes devaient traverser, le masque au visage.

 

Le bombardement continua toute la nuit du 14 au 15, et toute la journée du 15. Il était particulièrement violent sur la première ligne où les minenwerfer s'abattaient en trombes. Notre artillerie à nous ripostait avec vigueur.

 

Une attention spéciale doit être accordée aux hommes demeurés dans les petits postes d'observation. Ce sont tous des volontaires.

Qu'on se représente la situation de ces soldats, abandonnés de leurs camarades, traqués par les obus de l'un et l'autre parti, presque assurés de leur mort, et qui, cependant, doivent garder leur cœur ferme et leurs nerfs solides, car c'est sur eux que repose le salut de l'Armée, de la France peut-être.

Ils ont étudié avec soin leur itinéraire de retour, agité les diverses hypothèses. Dans un groupe, il a été décidé qu'on ne s'arrêterait pas pour soigner les blessés.

Dans un autre, au contraire, tous devront se sauver ensemble ou mourir ensemble. Une seule hypothèse n'a pas été envisagée : celle de la capture par les boches. Tous ont juré de mourir plutôt que de tomber vivants aux mains de l'ennemi.

 

Dans la nuit du 15, vers 23 heures, l'infiltration ennemie commence. Le petit poste Bugeaud se replie après avoir lancé ses fusées-chenilles.

 

La compagnie Néron (1ere Compagnie du 95e), qui avait, dans la soirée, réoccupé une partie de notre première position pour retarder l'avance ennemie, s'acquitte magnifiquement de sa mission. De nombreux éléments boches sont repoussés à la grenade ou aux V. B.

 

Le 16 juillet, à l'aube, la progression ennemie continue. Le petit poste du Balcon (trois hommes commandés par le caporal Rousselet), s'aperçoit soudain qu'il est coupé de sa ligne de retraite.

Les hommes lancent leur fusée chenille, sortent de leur abri, se jettent dans le Creux de l'Oreille, à travers les éléments adverses, gagnent la plaine sous le feu des mitrailleuses, rampent vers les lignes du régiment voisin (le 27eme) qui, les prenant pour des boches, les accueille à coups de fusil, à, sitôt en sûreté, l'uniforme déchiré, les mains et le visage ensanglantés par les réseaux ces hommes n'ont plus qu'une pensée : retourner à leur compagnie. Une heure après son arrivée dans nos lignes, le caporal Rousselet avait repris le commandement de son escouade !

 

Les Allemands manifestent l'intention de prendre à revers le réduit de l'Annulaire. Néron les disperse à coups de V. B. et leur cause de telles pertes qu'il leur enlève toute idée d'attaque pour ce jour-là.

Nous sommes, vers 9 heures du matin, établis sur la ligne : réduit de l'Annulaire, croupe de l'Annulaire, ouest de Massiges.

 

Mais à gauche la situation n'est pas aussi favorable. Le Promontoire, évacué par le régiment voisin, a été occupé par l'ennemi. C'est le capitaine Néron lui-même qui s'aperçoit de cette occupation, au cours d'une des nombreuses randonnées qu'il effectue d'un poste à l'autre et à travers la plaine, seul, suivi seulement de son chien.

Or, qui tient le Promontoire, tient la vallée de la Tourbe et, par conséquent, la position tout entière. Sans hésiter, Néron fait avancer une demi-section, reprend le Promontoire par une attaque brusquée, repousse les contre-attaques, et envoie au colonel Andréa, par un agent de liaison, le rapport de son opération : « 10 heures, le Promontoire a été occupé par l'ennemi; 19h30, j'ai repris le Promontoire ».

 

Mais sa ligne s'étend maintenant du Promontoire au Cratère, et il n'a qu'une compagnie avec lui. Une, contre-offensive n'est-elle pas à craindre ?... Néron supplé au nombre par l'audace. D'heure en heure, il change de place ses demi-sections, dissimulant parfois ses mouvements et parfois les exécutant à découvert, de façon à donner à l'ennemi qu’il a devant lui des troupes nombreuses.

Les Allemands tentent pourtant plusieurs sorties. Nos V. B. les brisent dès les premiers pas.

 

A 13 heures, le reste du 1er bataillon (capitaine Daval) vient renforcer la 1ere compagnie. Malgré un bombardement assez violent, nos éléments s'avancent par infiltration à travers la vallée de la Tourbe et s'établissent sur le Balcon.

 

A 17 heures, tout était terminé, et nous avions arraché à l'ennemi un nouveau morceau de sa conquête.

Les Allemands étaient visiblement stupéfaits de notre manœuvre. Et ne la comprenaient pas. Ils avaient cru trouver la première ligne, avec ses réduits, ses abris profonds, ses champs de tir magnifiques, formidablement occupée : elle était vide.

Et pourquoi ce recul d'hier ? et pourquoi cette avance d'aujourd'hui ?

Il faut admettre cette stupéfaction et aussi la crainte d'un piège de notre part, pour expliquer les hésitations des boches et leurs paniques soudaines.

 

Le même jour, à 10 heures, un nouvel effort est demandé à la compagnie Néron. Hommes et chefs sont exténués par une nuit sans sommeil et une journée saturée de dangers et de fatigues.

N'importe! En moins d'une heure, Néron établit son plan.

 

A 21 heures, la compagnie s'élance à l'assaut.

 

A 21h30 elle s'installe sur le Plateau, jusqu'au Col des Abeilles, en capturant trois mitrailleuses Allemandes.

 

Une vingtaine de mitrailleuses se démasquent sur la ligne Balcon Verrue Index et empêchent le développement de l'offensive. Les hommes passent le reste de la nuit à s'organiser sur les positions conquises.

 

Le rôle de la 1ere compagnie est maintenant terminé. « C'est au capitaine Néron et à sa compagnie que nous devons d'avoir pu conserver la Main-de-Massiges » écrira, -quelques jours plus tard, le colonel Andréa, dans son rapport.

 

Parmi tant de soldats complets, qui se sont distingués au 95e,  Néron fut l'un des premiers, par un sang-froid étourdissant, une maîtrise de soi qui tenait du prodige, une sûreté de coup d'œil qui ne se démentit pas une seule fois, un courage surhumain qui faisait dire à ceux qui en étaient le témoins: « Pas de doute: Néron cherche à se faire tuer ! “Cette digression ne paraîtra pas un hors-d'œuvre. L'histoire d'une guerre est surtout l'histoire de ceux qui la font avec leurs pieds, leurs mains, leurs yeux, leurs nerfs, leur cœur, leur intelligence. La part des grands chefs est belle aussi, mais dans un autre plan, bien loin derrière.

 

Le 17 juillet, une opération est montée en vue de reprendre la ligne Balcon Verrue Index, que l'ennemi occupe avec un effectif évalué à plusieurs compagnies, étayées par de nombreuses mitrailleuses, comme l'a montré l'attaque de la veille.

Six sections d'infanterie et trois sections de mitrailleuses doivent prendre part à l'attaque sous le commandement du capitaine Galy.

Le colonel Andréa, qui commande le 95e et qui a été à plusieurs reprises, comme un incomparable manœuvrier, se surpassa lui-même dans l'élaboration minutieuse du plan d'attaque. Aucun détail ne fut laissé au hasard.

Deux sections d'infanterie se porteront sur les faces est et sud-est de la Verrue par le col des Abeilles ; une section enlèvera le Balcon et Kellermann; deux sections traverseront le haut du Médius; et, pendant que l'une attaquera la face sud de la Verrue, la deuxième filera, sous sa protection, vers l'Index, avec l'ouvrage Merlin pour objectif.

La sixième section partant du bas de l'Annulaire s"emparera du Médius (partie sud) et s'y installera. Une septième section aura pour mission de protéger, dans le ravin de l'Étang, le flanc gauche de l'attaque.

Une section de mitrailleuses, installée au Cratère, flanquera le Balcon à droite; une autre sur le Promontoire flanquera l'Index dans le ravin de l'Étang; une troisième section marchera avec l'attaque et aura pour mission de s'installer à Kellermann et d'ouvrir le feu sur le col de la Verrue pour flanquer cet ouvrage et tirer sur les éléments ennemis qui viendraient à se replier.

 

L'artillerie fera un tir de destruction de quinze minutes sur le Balcon, Kellermann, la Verrue et l'Index.

 

Chaque unité connaît à fond sa mission et l'itinéraire qu'elle doit suivre; l'enthousiasme des hommes est très visible; la confiance se lit sur tous les visages.

 

A 20h15, l’artillerie lourde exécute un tir de destruction très précis et des plus efficaces.

 

Le barrage roulant (allure 50 mètres à la minute) prend, naissance sur la ligne : Balcon-col des Abeilles - Médius, se reporte pendant deux minutes sur la Verrue et l'Index, et va se fixer sur le ravin du Faux-Pouce et le col de la Verrue.

 

A 20h30, l'infanterie part à l'assaut, très bien encagée par l'artillerie de campagne. Tout se passe ainsi qu'il a été prévu.

Le mouvement se fait an pas de course, les hommes n'ont pas à reconnaître le terrain: ils le connaissent « par cœur »

En quatre minutes le sous-lieutenant Palémon s'empare du Balcon.

Le lieutenant Rey avec sa section se heurte à des mitrailleuses qui flanquent la porte annamite vers l'ancien PC. Kellermann. Il laisse des hommes pour escarmoucher avec les mitrailleuses, saute dans le bled, contourne l'ouvrage, tombe sur les mitrailleurs allemands par derrière et les tue ou les fait prisonniers.

La section Cayré suit le boyau des Abeilles. Au boyau 33, elle est arrêtée par un groupe important d'ennemis.

Nos V. B. entrent en action et font terrer les boches pendant que le reste de la section se déploie en plein terrain, déborde les Allemands par la gauche du boyau, en tue trois dont un sous-officier, en capture trois autres avec deux mitraillettes Allemandes, cependant que le reste des Allemands prend la fuite.

La section continue jusqu'à hauteur de la tranchée Dumouriez, qu'elle suit pour atteindre le poste de commandement Chapelle.

Le groupe de tête continue, cependant que le groupe de queue rejoint le capitaine Bourbon. Sa liaison nettoie l'abri du poste de commandement et capture 28 Allemands.

L'élément de tête entraîné par le lieutenant Cayré se porte à Deshaires et pousse quelques hommes dans le boyau 31. Le caporal Soulié et un homme détachés en liaison à droite, avec la section Rey, trouvent trois Allemands à l'observatoire Périgueux et les capturent.

 

Le lieutenant Cayré (vingt-deux ans) est d'une imprudence folle; à plusieurs reprises le capitaine Galy doit le rappeler à l'ordre et le menacer de huit jours d'arrêt pour l'obliger à ne pas rester sur le parapet, bien en vue.

La demi-section Bellidon nettoie le boyau Lefaucheux où elle trouve deux Allemands, que le sergent tue lui-même à coups de fusil du haut du parapet.

La demi-section de l'adjudant Parent occupe le col des Abeilles.

Le caporal Mercier descend dans une sape avec une bougie pour l'explorer; il croit la sape vide et comme son fusil l'embarrasse il le laisse en route.

En bas de la sape, il se heurte à six boches.

Mercier remarque un marteau contre une paroi; il s'en empare, le braque à la façon d'un revolver sur les boches, et ceux-ci font « camarades ».

 

 

Vers 21 h15, tout était terminé; les deux fusées annonçant la fin de l’opération étaient lancées de la Verrue, et on procédait immédiatement au nettoyage. Le mouvement avait demandé trois quarts d'heure.

Nous avions atteint tous les objectifs prévus en bousculant un bataillon, fait 55 prisonniers, tué une centaine d'ennemis dans nos lignes, sans compter les cadavres échelonnés jusqu'aux anciennes lignes boches, ramassé une vingtaine de mitrailleuses et un matériel considérable.

De notre côté, 5 tués et 5 blessés.

 

Aux noms déjà cités, il convient d'ajouter ceux des lieutenants Python, Kuntz, Mignot, Odin, de l'adjudant Conrad, du sergent Bailly.

Il convient également de donner une mention spéciale au capitaine Galy qui prit la succession de Néron et sut demeurer digne d'un pareil exemple. Une fois les boches en fuite, Galy assura lui-même la liaison avec ses divers éléments; Et, comme Néron la veille, il l'assura seul, au milieu de la pétarade des mitrailleuses et des éclatements des obus.

 

 

« Avec des chefs comme ça, on irait, partout !»

Cette parole, dite le lendemain par un des soldats de Galy, est la plus belle citation dont puisse s'enorgueillir un homme.

 

Le 18, l’ennemi, visiblement démoralisé, se retirait sur notre ancienne première ligne, sur la simple poussée de nos patrouilles.

 

Le 19, il retournait à ses positions d'avant l'attaque.

 

 

La Main de Massiges était à nouveau en nos mains tout entière. La grande offensive qui devait, au témoignage des prisonniers, mener les Allemands à Chalons en quarante-huit heures, était noyée dans le sang.

 

 

 

 

Suite des opérations : La Marne  18 au 31 juillet 1918

 

 

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