Les offensives allemandes de 1918

Pourquoi ?

 

 

Prélude

La situation début 1918,les forces en présence

       Du côté des Alliés

            L'Armée française

            L'Armée britannique

            L'Armée belge

            L'Armée américaine

            Le manque de commandement unique : l’erreur de début 18

      Armée allemande

La ligne Hindenburg

La préparation allemande

 

Prélude

 

L'année 1917 avait vu se produire deux événements mondiaux, dont la répercussion devait se faire sentir directement sur notre front pendant tout le cours de 1918, et y régler exactement les grandes phases du drame qui s'y préparait.

Ce furent :

 

   L'écroulement de la Russie, qui se manifesta militairement en trois étapes : l'armistice du 3 décembre 1917; Les traités de Brest-Litowsk : du 9 février 1918 avec la Pologne, du 3 mars avec la Russie.

Cette catastrophe, survenue au moment où l'Allemagne, à court de ressources, n'envisageait pas sans une légitime terreur la prochaine campagne de printemps, allait donner à son Grand État-Major la libre disposition des forces qui se trouvaient sur le front russe : 81 divisions présentant une masse de près de 800000 hommes avec un matériel considérable. Appoint paraissant légitimer l'espoir de nos ennemis de terminer les affaires par une attaque brutale sur le front occidental, avant la fin de 1918

 

   La déclaration de guerre des États-Unis d'Amérique à l'Allemagne, lancée le 3 avril 1917, qui nous assurait malgré tout la victoire pour l'époque où l'immense force du Nouveau Monde aurait eu le temps de se déverser sur le continent européen. Malheureusement, cette force irrésistible n'était pas encore organisée, ni à plus forte raison transportée à pied d’œuvre.

A pied d’œuvre c'était au delà de l'océan, que sillonnaient les sous-marins ennemis et qu'il fallait franchir, en dépit du manque de moyens de transport, puisque les marines anglaise, américaine et française suffisaient à peine au ravitaillement des populations civiles des pays de l'Entente.

 

L'Allemagne aura-t-elle le temps de briser la résistance du front occidental avant que l'Amérique ait pu mettre en ligne ses légions?

Voilà, formulée en deux mots, tout le poignant problème dont les grandioses événements de 1918 vont porter la solution.

Solution compliquée, dont l'allure sera très exactement calquée sur le développement des grands événements directeurs que nous venons d'évoquer : d'abord, le choc allemand, toutes forces réunies, choc formidable qui fait plier notre front et semble, un moment, sur le point de le rompre ; puis, égalisation lente des forces au fur et à mesure que le colossal facteur américain fait sentir davantage son action, et renversement progressif des rôles.

Cela, c'est la mathématique brutale des faits, ce que le moral concède à l'élément, le seul processus que le manque de psychologie de nos adversaires eût vaguement entrevu et qu'il comptait régir.

Malheureusement pour le grand État-major allemand, il avait négligé de tenir compte de l'héroïsme et de la constance de l'Armée et de la Nation française qu'il supposait épuisées, toutes deux, par quatre années d'une terrible guerre d'usure, dont la France avait supporté jusque-là le plus grand poids.

C'était, en effet, le territoire de la France qui, seul, allait encore être pillé, ruiné, souillé ; la chair meurtrie de la France qui allait, encore une fois, servir de rançon à l'indépendance du monde, en attendant que le monde eût  le temps de forger ses armes.

 

 

La situation début 1918,les forces en présence

 

Au 1e décembre 1917, la situation générale sur le front occidental était celle-ci :

 

Du côté des Alliés:

 

L'Armée française comptait 99 divisions, dont 65 en première ligne, 9 en deuxième ligne (réserves locales à la disposition des Groupes d'Armées ou des Armées), 25 en réserve (masse de manœuvre à la disposition du Grand Quartier Général)

C'était un ensemble d'un peu plus d'un million de combattants, tenant un front de 560 kilomètres, depuis les environs de Saint-Quentin jusqu'à la Suisse, avec une densité moyenne d'un peu moins de deux combattants par mètre courant; ils étaient appuyés par 6000 canons de campagne et 4000 canons lourds.

Le général Pétain la commandait depuis le 16 mai 1917, date à laquelle il avait succédé au général Nivelle. Il portait le titre de Commandant en chef des Armées françaises du nord et du Nord Est; son Grand Quartier Général était à Compiègne.

Son chef d'état-major était le général Buat.

 

L’œuvre magnifique qu'il avait réalisée depuis six mois avait été de rendre à l'Armée et au Pays la confiance qu'une campagne de démoralisation, savamment conduite par les agents allemands dans les usines, dans les campagnes, jusque dans les tranchées, avait été sur le point de leur faire perdre.

 

Grâce à la fermeté du Général en chef, a sa douce et inébranlable ténacité, à son amour du soldat, à sa perspicacité, à sa merveilleuse prévoyance, à son inlassable activité, le mal était définitivement réparé.

L'artillerie était refaite, elle aussi, complétée et en bon état; les dépôts de munitions regorgeaient de projectiles, et le fantassin n'avait plus l'impression d'être abandonné sans défense aux coups d'un ennemi invisible.

 

Depuis les derniers jours d'octobre 1917, où, après le désastre italien de Caporetto, il avait fallu envoyer la 10e  Armée au-delà des Alpes, les forces françaises n'étaient plus divisées qu'en deux Groupes d'Armées : le Groupe des Armées du Nord (G.A.N.), et le Groupe des Armées de l'Est (G.A.E.)

 

Le Groupe des Armées du nord était commandé par le général Franchet d'Esperey, dont le quartier général était à Avize.

Il comprenait :

La 3e Armée, général Humbert, quartier général à Clermont ;

La 6e Armée, génèral Duchêne, quartier général à Belleu ;

La 5e Armée, général Micheler, quartier général à Jonchery-sur-Vesle;

La 4e Armée, général Gouraud, quartier général à Sainte-Memmie, près de Châlons;

Le 36e Corps d'Armée.

 

Le Groupe des Armées de l'est était commandé par le général de Castelnau, dont le quartier général était à Mirecourt.

Il comprenait :

La 2e Armée, général Hirschauer, quartier général à Souilly ;

La 1e Armée, général Debeney, quartier général à Toul;

La 8e Armée, général Gérard, quartier général à Flavigny ;

La 7e Armée, général de Boissoudy, quartier général à Lure.

 

L'Armée britannique comptait 66 divisions, dont 46 en première ligne, et. 20 en deuxième ligne (réserves locales).

Elle ne disposait d'aucune réserve générale.

Son effectif combattant était d'environ 900000 hommes, tenant un front de 200 kilomètres, entre Saint-Quentin et Ypres, avec une densité moyenne d'un peu plus de 4 hommes par mètre courant. Elle était armée de 3700 canons de campagne et de 1600 canons lourds.

Le Field-Marshall sir Douglas Haig en était le Commandant en chef; son Grand Quartier Général était à Montreuil.

 

Ces forces se divisaient en quatre armées.

C'étaient, du nord au sud :

La 2e Armée, général Rawlinson, quartier général à Cassel ;

La 1e Armée, général Morne, quartier général à Ranchicourt ;

La 3e Armée, général Byng, quartier général à Albert ;

La 5e Armée, général Gough, quartier général à Villers-Bretonneux.

Un contingent portugais, de deux divisions, était joint à la 1e Armée.

 

L'Armée belge comprenait 6 divisions d'Armée d'un effectif sensiblement supérieur à celui des divisions françaises.

4 de ces divisions d'Armée étaient en première ligne, et 2 en réserve.

L'artillerie disposait de 430 canons de campagne et de 160 pièces lourdes.

L'effectif global était d'environ 140000 hommes, tenant un front de 32 kilomètres.

Le roi Albert commandait lui-même effectivement son Armée.

Son Grand Quartier Général était à Routhem, et il avait le général Ruquoy comme chef d'État-major Général.

Les Quartiers Généraux des 6 divisions d'Armée étaient à Nordschoote, La Panne, Wulpen, Oostvleteren, Alveringhen, Hoogstade.

 

L'Armée américaine

Cette Armée est encore à l'état embryonnaire.

Elle comprend 4 divisions complètes, une cinquième non encore pourvue d'artillerie, et une sixième en cours de débarquement.

Incapables de figurer sur un champ de bataille, les divisions sont à l'instruction dans les camps.

L'artillerie compte 192 canons de campagne de 75 millimètres, et 120 canons de 155 millimètres, fournis par les arsenaux français.

Le général Pershing, dont le Grand Quartier Général est à Chaumont, est le Généralissime de cette Armée en formation; et, pour le moment, son rôle consiste à instruire ses États-majors et ses troupes, hommes et cadres, à l'école de la rude guerre que mènent depuis longtemps les Armées de France.

 

Il s'y emploie avec une merveilleuse activité, hâtant les débarquements et les transports, signalant les imperfections, et rectifiant tout ce qui peut être immédiatement rectifié, inspectant les camps d'instruction, visitant les secteurs de combat, s'installant dans les quartiers généraux français avec les officiers de son Etat-major, pour assister à l'élaboration des plans d'attaque quand une opération de quelque importance est en préparation.

 

Il est l'observateur froid et méthodique, l'homme d'action plein d'énergie, le mieux caractérisé pour mener à bien la lourde tâche de transformer en un instrument de guerre redoutable les ressources américaines mises à sa disposition.

 

Le manque de commandement unique : l’erreur de début de 1918

L'Entente dispose donc, en somme, sur le front occidental, de 177 divisions, présentant un effectif global d'environ 2.800.000 combattants, appuyés par 10000 canons de campagne et par 7000 canons lourds.

 

Chiffres formidables, qu'il convient d'accompagner d'un commentaire pour être entièrement fixé sur leur valeur exacte.

Le principal défaut de cette immense agglomération d'hommes est la bigarrure de ses diverses parties.

Chaque Armée a son organisation spéciale, ses méthodes de guerre, sa langue, son armement nécessitant des munitions appropriées, souvent même, ce qui est plus grave, sa conception du but a atteindre.

Bien mieux, chacune d'elles a son Grand Quartier Général particulier, indépendant des autres et obéissant à ses inspirations ou aux directives qu'il reçoit de son gouvernement.

Fait inouï : la sympathie et la communauté d'intérêts sont entières dans les nations de l'Entente, et leurs Armées qui combattent coude à coude n'obéissent pas à un généralissime !

 

Cette grave lacune, bien plus que toute autre cause, a déjà rendu inévitable l'effondrement du front oriental; c'est elle seule qui a permis aux Empires Centraux de résister pendant plus de trois ans à un ennemi supérieur en nombre, en matériel et en ressources de toutes sortes, simplement parce que les ressources et l'armement sont en Occident, le matériel humain en Orient, et qu'aucune autorité n'existe, qui ait pu ordonner en temps utile les échanges indispensables entre les deux fronts.

 

Cependant, en novembre 1917, le désastre italien de Caporetto a commencé à dessiller les yeux. On s'est vaguement rendu compte que le front occidental va s'effriter et finalement s'écrouler comme le front russe si l'on ne parvient pas à assurer, là au moins, une unité de direction.

L'organe de cette direction a donc effectivement été créé à Versailles avant la fin de 1917 : c'est le Conseil Supérieur de la Guerre, composé des chefs des gouvernements français, anglais et italien, qui devaient se réunir périodiquement.

La continuité des travaux était assurée par des conseillers techniques, généraux assistés d'états-majors convenablement choisis dans toutes les Armées de l'Entente, qui siégeaient en permanence, étaient tenus rigoureusement au courant des événements et préparaient les directives générales à donner aux divers généraux en chef.

L'action de ce Conseil devait pourtant se révéler insuffisante pour triompher du particularisme des gouvernements.

S'il obtint la réorganisation de l'Armée belge sur le modèle français, en douze divisions, il ne put décider le Généralissime italien à envoyer sur le front français autre chose que des travailleurs.

Quant au Gouvernement britannique, préoccupé du sort de ses possessions d'Asie, et obligé d'alimenter les opérations militaires entreprises dans ces régions, il profitait de la réorganisation des divisions anglaises en trois régiments, sur le modèle français, pour appeler en Angleterre les quatrièmes régiments et réduire ainsi de près de 200000 hommes l'effectif de ses Armées de France.

Et pourtant, en janvier 1918, pour soulager l'Armée française, dont le secteur était réellement trop étendu, le front du maréchal Haig avait dû se développer depuis Saint-Quentin jusqu'à l'Oise, libérant la 3e Armée française qui avait été mise en réserve.

 

De nouveau, un état-major de Groupe d'Armées de Réserve était créé, dont le général Fayolle prenait le commandement à Verberic, dans les premiers jours de mars.

L’œuvre capitale du Conseil, elle-même, devait demeurer lettre morte.

C'était la création d'un Comité exécutif, placé sous la présidence du général Foch.

Le général Foch recevait, à ce titre, le commandement d'une réserve générale composée de 12 divisions françaises, 8 divisions britanniques et 6 divisions italiennes, disponibles en tout temps et prêtes à intervenir partout où il serait besoin. Etape bien timide, certes, vers la réalisation du commandement unique, mais décisive tout de même parce que contenant un principe, et susceptible, si la mesure décidée eût été appliquée, de produire de grands résultats.

Au demeurant, la réserve générale prévue n'exista jamais que sur le papier; elle ne fut jamais réunie et, en mars 1918, elle était encore en projet quand se produisit la ruée allemande.

 

 

 

Armée allemande

 

En face des Armées alliées, encore disparates et mal soudées, se dresse la seule Armée allemande, encore inférieure en nombre pour quelques jours, mais admirablement homogène comme organisation, valeur, armement et commandement.

Elle comprend 173 divisions identifiées, et probablement davantage, dont 126 combattent en première ligne et 47 sont maintenues en réserve.

C'est un effectif global d'environ 2.500.000 combattants, appuyés par 8000 canons de campagne et par 6000 canons lourds

 

Ces forces sont sous le commandement nominal de l'empereur Guillaume, mais sous la direction effective du feld-maréchal Hindenburg, chef d'État-major Général et du général Ludendorff qui, avec le titre de Quartier maître Général, est véritablement l'inspirateur et le metteur en scène de tous les plans militaires, ainsi que l'âme de la plupart des décisions politiques et économiques du gouvernement de Berlin.

L'union intime de ces deux hommes, les Dioscures, suivant la dénomination pittoresque par laquelle on les a désignés, réalise le type du commandement fort, dans toute la puissance de ce terme.

 

Le Grand Quartier Général est à Kreuznach.

Au 1e décembre 1917, les forces allemandes sont divisées en 3 Groupes d'Armées :

 

1e Le Groupe d'Armées du Kronprinz de Bavière, dont le quartier général est à Mons, et qui comprend

La IV* Armée (général Sixt von Arnim), quartier général à Thielt;

La VIe Armée (général von Quast), quartier général à Tournai ;

La IIe Armée (général von Marwitz), quartier général au Cateau

 

2e Le Groupe d'Armées du Kronprinz Impérial,

dont le quartier général est à Charleville, et qui comprend

La VIIe Armée (général von Böhn), quartier général a Marle ;

La Ie Armée (général Fritz von Below),quartier général à Thugny ;

La 3e Armée (général von Einen), quartier général à Vouziers ;

La Ve Armée (général von Gallwitz), quartier général à Montmédy;

 

3e Le Groupe d'Armées du duc de Wurtemberg

dont le quartier général est à Strasbourg, et de qui relèvent

Le Détachement d'Armée du général Fuchs, quartier général à Saint-marcel;

Le Détachement d'Armée dugénéral von Mudra, quartier général à Saint-Avold ;

Le Détachement d'Armée du général von Gundel, quartier général à Colmar.

 

La masse principale des forces fait face à la partie de notre front qui s'étend de la mer à l'Argonne, correspondant aux Groupes des deux Kronprinz.

Le Kronprinz de Bavière a sous ses ordres 51 divisions et le Kronprinz impérial 43, tandis que le groupe du duc de Wurtemberg ne compte que 22 unités

 

 

La ligne Hindenburg

Jusqu'ici, il n'a guère été question que de défensive sur le front occidental, pendant que le destin de la Russie s'accomplissait.

Aussi la défensive a-t-elle été renforcée de ce côté d'une manière formidable.

Une gigantesque muraille de Chine a été créée, qui, dans l'esprit du Haut Commandement allemand, constituera le front inviolable destiné à paralyser les efforts des Alliés supérieurs en nombre, et à laisser libre le plus de forces possible pour combattre en Orient.

 

Cette barrière est déjà vaguement connue sous le nom de ligne Hindenburg; elle sera célèbre plus tard.

Par le développement et la perfection de ses ouvrages, par l'abondance des matériaux qui y ont été employés, elle laisse bien loin derrière elle tous les travaux de champ de bataille et même de fortification permanente que le monde ait connus avant 1914.

 

Elle comprend quatre systèmes, dessinant ensemble un croissant dont la convexité est tournée vers Paris.

 

Le premier de ces systèmes, utilisant généralement des lignes d'eau ou des accidents de terrain, est continu et se moule à peu près sur la forme du front.

Il a une profondeur d'une dizaine de kilomètres, comprenant cinq tranchées parallèles, protégées par des réseaux de fils de fer et que relient de multiples tranchés de communication, permettant de cloisonner la défense à l'infini et de constituer de véritables pièges pour les régiments adverses trop hardis.

Les secteurs de ce système s'appellent, du nord au sud, la Franken Stellung, la Preuss Stellung, la Bayern Stellung ; puis, en souvenir des héros de l'Allemagne des Niebelungen : Wotan, Siegfried, Alberick, etc.

 

Le second système, moins convexe que le premier et discontinu, prend appui, à droite, sur le camp retranché de Lille, puissamment organisé, et, à gauche, sur la région fortifiée de Metz Thionville.

Il court parallèlement au premier depuis Lille jusqu'à hauteur de Saint-Quentin; puis, il s'en détache nettement pour emprunter les fossés de la Serre, de l'Aisne et les hauteurs de la Moselle, sous les noms de Hunding, Brunehilde, Kriemhilde et Michel Stellung.

 

Le troisième système, encore moins convexe que le second et prenant appui sur les deux camps retranchés, n'est pas entièrement terminé, mais son achèvement est poussé avec activité.

 

On emploie même sans scrupule à ce travail des prisonniers de guerre russes, anglais ou français, au mépris des lois internationales.

Jalonnée par Douai, Hirson, Sedan et Montmédy, cette ligne est déjà susceptible d'une résistance très sérieuse entre Douai et Mézières, dans les secteurs Hermann et Hagen, qui interdisent les vallées de la Sambre et de la Meuse.

 

Le quatrième système, qui relie Valenciennes à Givet, par Maubeuge et Philippeville, est destiné à renforcer la défense des vallées de la Sambre et de la Meuse, de manière que, même si le troisième système était, forcé, les Armées engagées dans les Flandres aient le temps de se dégager par Gand, par Bruxelles ou par Namur.

Cette ligne, incomplètement terminée, n'est pas encore en état de rendre les services que l'on attend d'elle, mais on y travaille activement.

 

Les quatre systèmes sont renforcés, aux points les plus particulièrement exposés, par des lignes intermédiaires, dont quelques-unes sont à peine ébauchées, mais dont d'autres sont susceptibles de permettre une résistance prolongée contre des troupes déjà épuisées par l'enlèvement des positions principales.

 

Ils sont, en outre, reliés par de nombreuses bretelles (riegelstellung) qui permettraient de localiser un succès ennemi important et d'enfermer dans un cercle infranchissable des divisions ou même des Corps d'Armées victorieux.

 

Seule, l'Alsace a été négligée. Elle n'est protégée que par le premier système qui se prolonge jusqu'à la frontière suisse.

En Haute-Alsace cependant, une série d'organisations tracées dans la région de Mulhouse semble avoir pour but d'enrayer un mouvement débordant par la Suisse, tandis qu'une sérieuse tête de pont couvre Neuf Brisach, sur le Rhin.

Enfin une ligne, reliant le camp retranché de Strasbourg au Donon, prépare une réduction éventuelle du front de ce côté, par l'évacuation de la Haute-Alsace.

Derrière ces puissantes organisations, les communications sont grandement facilitées par l'existence d'un réseau ferré très dense : nos chemins de fer du Nord et ceux de Belgique.

Deux lignes principales de rocade permettent le jeu latéral des réserves :

1e La ligne Strasbourg Thionville Montmédy Mézières Lille;

2e La ligne Sarreguemines Luxembourg Namur Mons Tournai.

Et d'innombrables lignes de pénétration permettent les évacuations ou l'arrivée des renforts d'Allemagne, par Cologne, par Coblentz, par Bingen ou par Mayence.

 

En somme, l'invasion est puissamment rivée dans le territoire français, et il est évident que son refoulement nécessiterait la mise en oeuvre de moyens que, malgré l'admirable prévoyance de notre Haut-Commandement et l'activité de nos arsenaux, nous ne possédons pas encore.

En outre, elle est outillée pour passer à une offensive vigoureuse dès qu'elle en jugera l'occasion favorable; car il ne s'agit vraiment plus, maintenant, pour l'Allemagne de rester sur la défensive.

Le colosse russe est abattu ; il s'agit d'en finir, par un choc décisif, avec les puissances occidentales.

 

La préparation allemande

 

Nous avons dit que l'unité de commandement était parfaitement réalisée dans l'Armée allemande.

Cette unité n'excluait pas quelques tiraillements entre les deux chefs qui se partageaient le Commandement suprême. Le principe même des modalités de l'offensive les divisa.

 

Sentant le prix du temps, Hindenburg aurait voulu attaquer au plus vite à tout prix, même avec une préparation moins parfaite, pour abattre l’Entente avant l'intervention efficace des Américains

Ludendorff, lui, ne voulant rien laisser au hasard dans cette entreprise scabreuse, pousse à ne déclencher l'opération qu'après avoir réuni tous les moyens matériels qu'il juge indispensables pour la victoire.

En décembre 1917, c'est Hindenburg qui impose sa volonté. Il veut emporter l'affaire à coups de divisions et les transports d'hommes du front russe et du front italien se multiplient, intenses.

12 divisions sont transportées en décembre ; 13 en janvier 1918.

En février, la thèse de Ludendorff paraît l'emporter. On ne transporte plus que 8 divisions; mais, en revanche, ce sont des apports considérables de matériel : canons lourds et de campagne, minenwerfer, mitrailleuses, toute l'ossature du front russe.

Au total, le 10 mars, 38 divisions nouvelles ont été identifiées sur notre front; 7 n'ont pu être identifiées, mais y sont signalées par de multiples renseignements ; 5 demeurent douteuses, parce qu'ayant échappé au contrôle sur tous les fronts.

C'est un supplément de forces d'une cinquantaine de divisions, et un ensemble de plus de 200 sur les 241 divisions que compte, en totalité, l'Armée allemande.

 

En même temps, deux états-majors d'Armée ont été transportés en France : celui de la XVIIe Armée, du général Otto von Below, s'est établi à Valenciennes entre les Vie et IIe Armées, dans le Groupe d'Armées du Kronprinz de Bavière; celui de la XVIIIe Armée, du général von Hutier, le vainqueur de Riga, le spécialiste en attaques brusquées, s'est intercalé entre les IIe et VIIe Armées, face à la soudure des Armées française et britannique.

 

Ce point de soudure était donc incontestablement menacé; mais les Flandres, la Champagne, l'Argonne l'étaient aussi, et une rupture de front sur l'un quelconque de ces points eût été également désastreuse.

 

Or, l'ennemi qui avait pu pourvoir abondamment de matériel tous les secteurs, était parfaitement en mesure d'attaquer partout sans avoir, au préalable, attiré l'attention de nos guetteurs par des transports plus particulièrement intensifs sur le point visé.

Malgré toute l'activité d'un service des renseignements remarquablement organisé, le Grand Quartier Général français demeurait donc à la devine.

Il était tenu au courant, globalement, de l'importance des transports venus de Russie.

Il savait jusqu'à quel point les divisions laissées sur le front oriental avaient été privées de tous leurs soldats aguerris, qu'avaient peu à peu remplacé des recrues ; il n'ignorait pas que les trains s'acheminaient principalement vers le front britannique; mais, jusqu'au dernier moment, il fut réduit à des conjectures sur le point d'attaque que choisirait l'adversaire. Il était seulement certain que, quel que fût ce point, l'ennemi disposerait toujours, au début, de moyens incomparablement supérieurs à ceux que la défense pourrait lui opposer, et il se préparait à des heures d'angoisse.

Une idée réconfortante le soutenait et lui permettait d'envisager l'avenir avec espoir : c'est que la classe 1919, incorporée en Allemagne dès juin 1917, figurait déjà dans les secteurs calmes du front français et même dans les réserves des Flandres. Or, cette jeune classe était pour longtemps l'ultime ressource de l'Empire. En résistant aux plus formidables assauts, ce que le Haut Commandement français allait observer attentivement, ce ne sont pas les quelques kilomètres carrés de terrain ruiné qu'il faudrait abandonner, mais seulement le prix que l'ennemi mettrait à les conquérir. L'usure des réserves allemandes, réserves non renouvelables, tel va être décidément, dans les opérations qui vont commencer, le seul critérium de la victoire.

Il est le seul critérium parce que, de son côté, la France est froidement résolue à tenir, quoi qu'il arrive.

Elle sait fort bien, car on ne le lui a pas caché, que dans la partie formidable qui va s'engager, l'ennemi disposera pendant quelques mois d'une supériorité très sensible en effectifs, en matériel, en moyens d'action de toutes sortes.

 

 

 

Donc l’Armée allemande doit et va passer à l’offensive en ce début de 1918

 

               Dans la Somme : la bataille de L’empereur ; 21 au 31 mars

               Dans le Nord : la bataille de la Lys ; 9 au 20 avril

               Dans la Somme : Vers Amiens ;  19 au 25 avril

               En Flandres : Ypres, Le Kemmel ; fin avril

               Dans l’Aisne : le Chemin des Dames ; 27 mai au 1 juin 1918

               Dans l’Oise : vers Compiègne ; 1 au 12 juin 1918

               Dans la Marne : en Champagne ; 15 au 19 juillet 1918

 

 

 

 

 

 

 

 

   

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