Du 8 au 15 août 1918
Le maréchal Foch n’a pas attendu d’avoir recueilli tous les fruits de sa victoire de la Marne pour continuer son oeuvre.
Le 24 juillet, tandis que nos troupes françaises entraient à Fère-en-Tardenois, les commandants en chef avaient été réunis au château de Bombon et avaient reçu des directives pour les opérations ultérieures.
Ces opérations étaient de deux sortes : 1 celles à réaliser immédiatement; 2 celles à réaliser dans un avenir plus éloigné.
La 1ere catégorie comprendra :
A ) Le dégagement de la voie ferré Paris-Avocourt devant
résulter :
a ) de la
bataille en cours pour la partie comprise entre Château-Thierry et Épernay;
b ) de
l’étranglement de la hernie de Saint-Mihiel pour la partie comprise entre
Bar-le-Duc et Nancy;
B ) Le dégagement de la voie ferrée Paris-Amiens;
C ) Le dégagement des mines de Béthune et de Bruay.
La 2e catégorie consistera dans une offensive
générale, tout moyens en ligne, ne laissant à l’ennemi aucun répit jusqu’à ce
qu’il ait été réduit à merci.
Le 7 août, la première partie de ce programme est
en pleine voie de réalisation. Le secteur de la voie ferrée Paris-Avricourt,
compris entre Château-Thierry et Epernay, est dégagé, et on poursuit activement
la réduction complète de la poche de Château Thierry . Mais l’occupation de
Saint-Mihiel ne peut être tentée, car l’Armée américaine, à qui
doit revenir l’honneur de l’exécuter, n’est pas encore prête à agir.
Le général Pétain reçoit donc l’ordre de préparer une offensive en Woëvre pour la deuxième quinzaine d’août; et immédiatement, Foch songe à dégager la voie ferrée d’Amiens .
Le moment est favorable pour cela.
Déjà le 13 juillet,
le général français Debeney, avec l’appui des chars britanniques, a occupé
Mailly-Raineval et s’est assuré une excellente base offensive, tout en enlevant
à l’ennemi 1800 prisonniers allemands et 300 mitrailleuses allemandes.
Ce sont les régiments de la 3e division française : le 272e, le 51e et le
87e régiment d’infanterie qui ont inscrit ce beau succès sur leurs
drapeaux.
En outre, l’armée Anglaise a été renforcée, et les
réserves Allemandes sont fortement engagées vers Château-Thierry .
Foch a vu Haig le 3 août, à Mouchy-le-Châtel, et les détails de l’opération ont été arrêtés.
Il s’agit d’une offensive
combinée de la 4e armée britannique du général Rawlinson et de la 1e
armée française du général Debeney.
Rawlinson qui a en première ligne 7 divisions britanniques et en soutien 5 divisions, attaquera entre Morlancourt et la route d’Amiens à Roye, sur un front de 18 kilomètres.
Debeney qui dispose de 8 divisions françaises en première ligne, et sera renforcé par 4 divisions, n’agira que par sa gauche, au sud de la route de Roye, et sur un front de 7 kilomètres, jusqu’à Moreuil inclus.
On poussera “ le plus loin possible “ .
Le
front d’attaque sera donc de 25 kilomètres depuis Albert jusqu’à Moreuil.
Il y a dans cette région, depuis Ville-sur-Ancre jusqu’à
l’Avre, l’armée allemande du général Von Der Marwitz qui a encore 10 divisions
allemandes en première ligne et 8 divisions en soutien; de l’Avre à l’Oise,
l’armée Allemande du Général Von Hutier avec 12 divisions Allemandes en
première ligne et 4 divisions en réserve; soit en première ligne un total de 22
divisions, qui pourront être renforcées plus ou moins rapidement par 12
divisions Allemandes a peu près fraîches .
Les préparatifs de l’attaque ont pu être poussées très
loin en grand secret, car la pluie, qui n’a cessé de tomber depuis plusieurs jours,
a empêché les avions allemands de prendre l’air pendant le jour, et les nuits
sans lune n’ont pas permis les vols nocturnes
.
Or justement, dans la nuit du 7 au 8 août, la pluie
cesse; le temps est favorable aux Alliés.
A 4h20, tandis qu’une brume épaisse obscurcissait
encore le ciel, on entend trois coups d’une pièce de gros calibre, comme si
quelque formidable impresario eût donné le signal d’une gigantesque lever de
rideau.
Immédiatement un barrage roulant d’artillerie se déchaîne devant les divisions canadiennes et Australiennes de Rawlinson, qui, précédées par 400 chars de toutes dimensions, suivies par leur artillerie et par leurs camions de ravitaillement, survolées par des centaines d’avions, se portent en avant, comme une marée irrésistible...
Affolés, les
Allemands s’enfuient sans tenter la moindre résistance.
Ludendorff, dans ses mémoires, signale cette journée,
comme l’un des plus pénibles de la guerre “ qui scellèrent le destin “
...... “ Six ou sept divisions Allemandes, écrit-il, que l’on pouvait
considérer comme des plus particulièrement résistantes, furent complètement
mises en pièces .” Des unités entières avec leurs cadres se sont rendues sans
combattre . »
Le brigadier français Cellier, avec 15 soldats alliés, a
capturé 700 allemands, 14 officiers dont un colonel, et 2 pièces d’artillerie.
Le
soir, la ligne anglaise a progressé de 12 kilomètres. Elle passe par Chipilly,
Harbonnières, Beaucourt-en-Santerre . Mais l’ennemi a largement évacué le
terrain, si bien que, ce soir là, le contact n’est même pas entièrement repris
par les cavaliers et par les auto-mitrailleuses à 10 kilomètres plus à l’est,
sur la ligne Proyart-Bouchoir .
La vague ennemie est brutalement refoulée à 30 kilomètres
d’Amiens.
Les Allemands ont laissé 7000 prisonniers, dont un général
et un état-major de corps d’armée aux mains de nos alliés.
Seule, au milieu de la débâcle générale, la garnison de
Morlancourt résistera jusqu’au lendemain.
Le général français Debeney disposait de moyens moindres.
Il fut obligé d’avoir recours au
procédé classique de la préparation d’artillerie. Cette préparation dura 45
minutes et l’attaque se déclencha à 5 heures.
Le terrain était difficile; il fallut manœuvrer.
Les soldats français de la 37e division ( 2e et 3e Zouaves, 2e et 3e Tirailleurs), débouchèrent
d’abord de la Luce, en liaison avec l’offensive Anglaise.
Là, l’ennemi inquiet des progrès britanniques, résista
mollement, et il fut possible à nos troupes françaises de gagner un terrain
moins accidenté et plus favorable aux chars d’assauts.
Par surcroît ce mouvement, qui débordait Moreuil par le
Nord et par le Sud, faisait tomber ce point d’appui dont n’avait pu triompher
un assaut de la 66e division Française (plusieurs
régiments de chasseurs) .
Puis, l’attaque se développe de proche en proche vers le
sud; et le soir, la 1ere armée Française a dépassé la Neuville-Sire-Bernard, et
largement Villers-aux-Erables, ayant gagné 8 kilomètres en profondeur .
Ludendorff sent le besoin de réserves pour faire face à un choc qui, si rude dès le premier moment, annonce de terribles lendemains.
Ces réserves, il ne peut guère les prendre que dans le
Nord, entre Ypres et la Bassée.
Il va donc évacuer le saillant de Merville, que la gauche de l’armée Sixt Von Armin et l’armée Von Quast abandonnent aux armées Britanniques Plumer et Birdwodd .
Commandé discrètement le 8, du côte de Bailleul, ce
mouvement prendra plus d’ampleur dans quelques jours.
Foch qui a transporté son Quartier Général du château de
Bombon à Sarcus y reçoit Haig, Fayolle et Persching, et leur prescrit de ne
plus prendre de repos avant que les objectifs assignés n’aient été atteints.
Pershing doit hâter les préparatifs de son opération de Saint-Mihiel,
Fayolle et Haig exploiter à fond les grands résultats obtenus sur l’Avre.
Donc, Canadiens et Australiens progressent encore ce jour-là de plusieurs kilomètres en direction de Chaulnes et de Lihons.
Debeney continue à gagner du terrain, la gauche en avant
débordant les lignes allemandes successives et triomphant de leur résistance
par la seule manœuvre, presque sans combattre.
Il a l’ordre de gagner Roye, nœud de routes d’une importante
capitale, dont la chute fera vider la poche de Montdidier.
Mais pour aller à Roye, Debeney doit passer par Montdidier,
et il voudrait épargner à ces pauvres ruines les horreurs d’une dernière
bataille .
Tandis qu’une nouvelle offensive débouche au nord de
Pierremont et progresse jusqu’à la ligne Le Quesnoy-Dave-Nescourt-Gratibus, le
corps d’armée du général Français Jacquot se lance à l’attaque, à 16 heures, au
sud de Montdidier, sur le
front Gonnelieu, le Ployron, face au nord-est.
D’un élan magnifique, les
régiments Français de la 169e divisions d’infanterie (13e, 29e et 296e régiments d’infanterie)
appuyés par deux bataillons du 225e R.I.,
prêtés par la 60e division; Ceux de la 133e division (401e, 321e régiment d’infanterie Française, 32e et
116e bataillons de chasseurs à pied), poussent jusqu’aux abord de
Faverolles, en plein Est de Montdidier.
Alors, dans la nuit du 9 au 10 août, les Allemands
s’empressent d’évacuer Montdidier et, sous
l’ardente pression des colonnes Franco-Britanniques, leur ligne se replie
depuis Méharicourt jusqu’à Rollot.
Le maréchal Foch s’adresse à l’armée du général français
Humbert. Il sait bien que cette armée n’a aucune réserve, mais il compte sur
l’énergie de son chef et sur la démoralisation de l’ennemi.
C’est un coup d’audace qu’il demande : Humbert doit
pousser sa gauche de 3 kilomètres en avant dans les organisations allemandes. “
Je n’ai rien “ observe Humbert par acquit de conscience. “ Allez-y tout de
même!” Répond Foch. Et Humbert heureux d’avoir carte blanche, va.....
Le corps d’armée Français du général Nudant attaque; à 7
heures, c’est le corps d’armée Français du général Fonclare qui le prolonge à droite .
Les Allemands essaient de résister; ils sont bousculés.
Dès 9 heures, les régiments de Nudant (154e, 155e, 287e régiments d’infanterie de la 165e division; 24e, 28e, 119e régiments d’infanterie de la 6e division; 404e, 36e, 11e groupe de chasseurs de la 121e division) sont dans la région de Ressons-sur-Matz; et ceux de Fonclare ( 230e et 299e régiments d’infanterie de la 74e division; 6e, 12e, 411e régiments d’infanterie de la 123e division; 283e, 288e, 369e régiments d’infanterie de la 67e division) dépassent la région de Vendelicourt.
Haig et Debeney progressent, eux aussi, sur toute la
ligne.
Le soir, tout le front Allemand a été refoulé, malgré une
résistance acharnée; et il finit par se fixer, à la nuit, à peu près sur les
lignes de 1914 à l’Echelles-Saint-Aurin, Marquivillers, Grivilliers, Bus,
Boulogne-la-Grasse, Conchy-les-Pots, Roye-sur-Matz, le Plessier, Elincourt,
Chevincourt .
Humbert mène la poursuite, en dépit d’une résistance
acharnée de l’ennemi qui dispose d’une puissante artillerie. A midi, il atteint
Gury et Ribécourt, ayant fait dans ces deux journées plus de 2000 prisonniers
allemands et pris une centaine de canons de tous calibres.
Debeney progresse aussi, malgré l’acharnement de
l’adversaire qui a été renforcé et qui utilise, avec les organisations
défensives de 1917, une formidable artillerie.
La division Française du général Mathieu (55e, 112e
et 173e régiments
d’infanterie) mène battant l’ennemi par Arvillers et Fresnoy-les-Roye .
Le soir, toute la 1e armée Française est
aux abords de Roye, à Tilloloy, à Beauvraignes, Popincourt, Dancourt,
Villers-les-Roye .
Les allemands ont essayé, un moment, de contre-attaquer
par Villers-les-Roye, mais leur effort a été brisé et notre progression en a
été à peine ralentie.
Le 12 août au soir, Rawlinson a atteint les abords
de Bray-sur-Somme; Debeney a occupé les positions tenues par nous de 1914 à
1917, et Humbert a pénétré dans le parc du Plessier-de-Roye.
Le 14 août, il enlève même Ribécourt.
L’opération que le maréchal Foch a appelé “ l’aventure d’Amiens ” est terminée.
C’est une belle victoire qu’il convient maintenant de ne pas pousser d’avantage, car les pertes qu’elle occasionnerai seraient hors de proportion avec les résultats à entrevoir.
Elle a d’ores et déjà largement dégagé Amiens, ainsi que la voie ferrée reliant cette ville à Paris; Résultat stratégique des plus importants, qui rend au Haut-commandement français la disposition de ses voies de rocade depuis la mer du Nord jusqu’à Verdun.
Comme le saillant de Château -Thierry (fin juillet), le saillant de Montdidier est réduit.
Enfin l’ennemi, dont 40 divisions allemandes ont été fortement éprouvées, a perdu plus de 30 000 prisonniers allemands et de 500 canons, tout cela entre les mains des Français et des Anglais.
Mais le maréchal Foch ne songe déjà plus à ceci.
Sans repos, calmement, inlassablement, il poursuit
son plan qui se déroule comme mû par un mécanisme d’horlogerie. “ Travail
d’horloge “ ( like clock work) disaient les Britanniques en parlant du maréchal
Foch.
Du 18 juillet au 12 août, Foch avait remporté deux
très grandes victoires stratégiques aux poches de Château-Thierry et d’Amiens.
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