Page réalisée par Norbert Quint
Merci à lui
Soldats du
10e régiment d’infanterie territoriale. Merci à Michel
Petite commune à 10 km au nord de
Saint-Quentin, Bellenglise va rentrer dans l’histoire en cette fin août
1914. Les évènements qui vont se dérouler autour du village vont mettre en
avant le 10ème régiment d’infanterie territoriale de Saint Quentin.
A l’origine ce régiment de
Territoriaux n’avait que vocation d’être de garde dans sa ville et de ne
combattre qu’en cas, rare, de danger.
Installés à la caserne Saint-Hilaire, ceux que l’on surnommera les
« Pépères » sont des classes 1893 à 1899, donc des natifs de 1873 à
1879 venus du secteur.
Fidèle à sa mission première le 10ème
R.I.T. a rappelé ses conscrits les 13 et 14 août après que les soldats du 87ème
R.I. soient partis au front. C’est donc dans le calme que les bataillons et compagnies sont organisés. Ce
régiment comprend trois bataillons possédant chacun quatre compagnies pour un total
de 38 officiers et 3 127 hommes.
Une semaine après, les hordes de
réfugiés belges et nordistes se présentent sur Saint-Quentin afin de prendre le
train et de fuir vers Paris ou Amiens. Le régiment canalise les foules et leur
prête secours et assistance.
Difficile de transférer ce monde par
trains car ceux arrivant du Nord sont déjà bondés. La compagnie de Chemin de
Fer du Nord va donc accélérer les rotations et mettre en place des nouveaux
convois que le régiment va gérer au mieux.
La physionomie des fuyards change. Ce
sont les troupes britanniques, en pleine débandade, qui arrivent semant un
mouvement de panique en ville. Des
officiers belges et des soldats français en repli font partie de la vague
humaine qui déferle en ville.
Une partie de la population
Saint-Quentinoise s’en va, le chiffre de 6 000 habitants est avancé. Le
Lieutenant-colonel KLEIN, commandant le 10ème R.I.T. prend la
décision d’installer ses troupes par crainte d’une invasion ennemie.
Le 2ème bataillon reste en
alerte à la caserne tout en gérant le flux des soldats et civils en retraite.
Le 1er bataillon est
installé entre la route de Cambrai et la route de Guise, sa
réserve est à Rouvroy.
Le 3ème bataillon est
installé entre la route de Cambrai et Omissy, sa réserve est postée
à Fayet et Francilly.
Les informations qui arrivent sont
contradictoires. Les troupes ennemies ne sont pas annoncées dans le secteur
mais sur Le Cateau-Cambrésis, aussi le régiment est mis en repli sur la
ville mais bien vite remis en positions de départ car la présence allemande se
confirme.
A 15h, une
patrouille d’Uhlans venant de la direction de Bellicourt s’est présentée au
pont du canal de Lehaucourt
occupé par le détachement du sergent MESNARD de la 7ème compagnie.
Des coups de feu sont échangés et l’envahisseur recule.
A 17h30, un
habitant de Nauroy signale la présence d’une batterie allemande, sans
aucune escorte, qui stationne à Étricourt.
Le Général HAIG, comandant le 1er
corps britannique, a informé de très bonne heure le Général LANZERAC que le
gros de l’armée anglaise était hors d’état de combattre et dans l’impossibilité
de participer à la défense de Saint-Quentin.
Face à la menace des 2ème,
3ème et 4ème corps d’armées allemandes, le commandant des
troupes françaises ordonne le déplacement de deux corps d’armées françaises de
quitter la région de Laon et d’avancer sur Saint-Quentin pour
venir en aide au 10ème R.I.T. resté seul à la défense de la ville.
6h00 :
Le Préfet de l’Aisne, Mr LEULLIER,
débarque sur ordre du Président de la République afin d’étudier les moyens de
transporter la collection des pastels de Maurice-Quentin DE LA TOUR jusqu’à
Paris. Une visite perturbée par les avertissements des employés sur l’arrivée
imminente des Allemands.
Pour le 10ème R.I.T. ordre
est donné au 2ème bataillon de se mettre en mouvement pour faire une
reconnaissance dans la direction de Bellicourt ; le
Lieutenant-Colonel se tiendra à hauteur de l’ancien moulin Mennechet vers 7h00 ;
une première halte se fera à 6h40.
7h50 :
Un renseignement imprécis, arrivé à
l’instant, informe le Colonel qu’il y aurait des Allemands à Bellenglise ;
en conséquence le 2ème bataillon continuera son mouvement pour
vérifier ce renseignement, il est soutenu par quelques soldats Russes qui
fermaient la retraite alliée. Les bataillons 1 & 3 avanceront leurs lignes
de surveillance jusqu’à la hauteur de Fresnoy-le-Petit, Gricourt,
Thorigny et
Lesdins.
9h00 :
La 8ème compagnie,
avant-garde du 2ème bataillon, est arrêtée à hauteur de Pontruet, sur la route de Cambrai,
à 800m. environ du pont du canal occupé par l’infanterie ennemie qui ouvre le
feu sur elle.
La compagnie se déploie et est
prolongée sur sa droite par la 7ème Cie. L’artillerie et les
mitrailleuses ennemies en position à Bellenglise ouvrent le feu.
Les 5ème et 6ème
compagnies reçoivent l’ordre de prendre une position de repli à hauteur de Thorigny, à cheval sur la
route de Cambrai.
Elles recueillent vers 10h la 7ème Cie et
quelques survivants de la 8ème qu’accompagnait le Lieutenant-Colonel
KLEIN et le chef de bataillon.
A ce moment des mitrailleuses placées
à la côte 142 et vers Thorigny
ouvrent le feu et prennent en flanc la ligne pendant que des Uhlans la
débordent.
Du haut du clocher de la basilique,
Elie FLEURIE, aperçoit la bataille toute proche sur Bellenglise et Nauroy.
En bas les nouvelles semblent bonnes : les mieux renseignés tiennent de la
sous-préfecture qu’il y a 20 000 Anglo-Français en face de l’armée
allemande et que la ville ne court aucun danger.
L’observateur remonte au clocher pour
s’apercevoir que la situation empire. Omissy et Lesdins sont dans la
fumée ; on aperçoit les mouvements d’artillerie et les poursuites de
cavaliers vers Harly.
Rapports des bataillons :
Le 1er bataillon a été empêché dès le début de
l’action d’exécuter le mouvement sur Lesdins et Thorigny. Aucun élément de
bataillon n’a dû dépasser le chemin qui va de la route de Cambrai à Omissy ; aucun officier
ou soldat de ce bataillon n’étant revenu, il n’est pas possible de préciser ce
mouvement.
Le 3ème bataillon suivant les ordres reçus, envoya dès
8h15 la 10ème Cie sur Gricourt avec mission de gagner les
hauteurs de l’ancien moulin d’En Haut et de se relier avec le 2ème
bataillon.
Cette liaison fût effective à la vue,
mais la Cie n’a pu dépasser le chemin Gricourt - Les Trois Sauvages.
La 11ème Cie, envoyée à 8h25 à Fresnoy-le-Petit avec mission
de couvrir le village au nord et à l’ouest, se trouva en butte avec
l’artillerie ennemie placée à Berthaucourt et à Maissemy.
Elle fût décimée par le feu de cette
artillerie et des mitrailleuses et ne put atteindre sa position.
La 9ème Cie appelée au
mouvement de Fayet, se porta à 9h35
vers Gricourt et prolongea, avec deux sections.
La 10ème Cie entre Les
Trois Sauvages et la route de Cambrai.
La 12ème Cie placée à la Côte 117 (1500 m ouest du
monument de Fayet) devait recueillir la 11ème Cie et
surveiller le flanc gauche sur lequel une brigade de cavalerie ennemie avait
été signalée.
10h30 :
Le gardien du cimetière de l’est
signale la présence de Hussards allemands.
11h30 :
Le colonel donne l’ordre au drapeau
et à sa garde de se replier.
11h35 :
Une fraction de la 7ème
Cie, la 5ème et la 6ème, opèrent leur retraite sur Saint-Quentin.
Ce mouvement est suivi par les
mitrailleuses allemandes qui balaient la route de Cambrai et ses abords.
La direction de retraite donnée par le colonel est La Fère, mais la
ville de Saint-Quentin ayant déjà été tournée par la cavalerie
allemande, les groupes ralliés par différents officiers se dirigent sur Chauny.
12h00 :
Un jeune garçon venant de Ribemont,
signale avoir été arrêté à Itancourt
par un officier allemand qui lui a remis un mot pour que la ville de Saint-Quentin
ne résiste pas.
12h25 :
Les éléments placés à Gricourt
et Les Trois Sauvages durent battre en retraite devant le mouvement de
l’ennemi, vers la côte 92 (1500 m au Sud-Est de Thorigny). La retraite du
bataillon fût dirigée sur la côte 138 et le pont du canal à Oestres.
Les positions dominant la rive gauche
du canal étant occupées par l’ennemi, la retraite fût dirigée sur Ham où
les éléments groupés arrivèrent à 19h00.
15h30 :
Rue de Guise, un négociant se fait alpaguer
devant sa porte par un officier allemand qui demande pour aller à l’hôtel de
ville.
Des tirs sont entendus du côté des
casernes de la ville, les soldats du 10ème R.I.T. et du 87ème
R.I. chargés de la garde de leurs casernes défendent en vain les places. Très
peu en réchapperont. Des blessés parviendront à s’enfuir en ville et seront
cachés et soignés par les habitants. Les autres gisent dans leur sang.
17h25 :
« Ils sont là »; le maire Arthur GIBERT va à la rencontre de l’envahisseur.
22h30 :
L’ennemi étant sur les talons de nos
troupes, la marche fût reprise dans la direction de Noyon.
4h30 :
Les restes du 10ème R.I.T.
sont arrivés à Noyon. L’embarquement par train se fera en direction de Beauvais
puis le régiment reçu l’ordre de se rendre à Quimper, en Bretagne.
Le maire de Saint-Quentin a été
autorisé à faire enlever les corps des soldats du 10ème R.I.T. tués
en ville et dans leurs casernes pour les ensevelir.
Le 2ème corps d’armée
allemand de VON BULOW, passe dans Saint Quentin et se détourne sur Itancourt afin de stopper les
divisions françaises arrivées trop tard pour défendre la ville ; une autre
partie se dirige sur Guise où l’armée allemande est en grande difficulté
face au 1er et 10ème corps d’armée français.
Le Grand Quartier Général de la 2ème
armée allemande s’installe à Saint-Quentin.
6h00 :
Les restes du 10ème R.I.T.
arrivent à Quimper par le train.
Dans la journée, et les jours qui
suivent, divers éléments, environ 500 hommes, rejoignent le régiment. Les
effectifs sont faibles : 15 officiers dont 3 médecins, et 1 180 sous-officiers,
caporaux et soldats. Avec cet effectif le chef de bataillon commandant le
régiment va réorganiser cinq compagnies plus une compagnie hors-rang avec les
blessés légers.
Le drapeau du régiment a été sauvé.
Le 1er bataillon, encerclé
a été fait prisonnier et transféré en Allemagne dans les camps de prisonniers.
Les pertes du régiment sont estimées
à 1 000 hommes tués lors de cette bataille. Le commandant BLANQUET DU
CHAYLA a pris le commandement du régiment, le Lieutenant-colonel étant disparu.
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Concernant le Lieutenant-Colonel
KLEIN, on trouve dans un article de l’Aisne Nouvelle, paru en 2014 pour la
commémoration de cette bataille, qu’il aurait été tué.
On le signale aux avant-postes devant
Bellenglise où il aurait confondu les troupes anglaises avec les troupes
allemandes. S’apercevant de son erreur il aurait ordonné de tirer sur l’ennemi
mais aurait été foudroyé d’une balle dans la tête.
Cette version a été reprise sur
divers sites internet sans que personne ne s’interroge sur ce qu’est devenue sa
dépouille.
En effet, les Allemands faisaient
enterrer les soldats et réservaient un meilleur sort aux gradés avec des
sépultures dignes de leurs rangs. De plus, ils prévenaient rapidement les
forces françaises de ces décès. J’ai
demandé sur le forum Généamil
(généalogie militaire) si un internaute avait des renseignements à me
communiquer ; voici les deux réponses reçues :
Georges KLEIN est né le 17/12/1860 à
Lauterbourg (Bas-Rhin) ; Lieutenant-Colonel, commandant le 10ème
R.I.T. de Saint-Quentin il fût blessé le 28 août 1914 à Bellenglise et emporté
par une ambulance allemande. Interné à Leyssin en Suisse (car blessé) il
est rentré en France, sur Lyon, le 16 juin 1917 avec 500 autres évacués.
Une coupure de presse tirée du
journal L’Homme Enchaîné parue le 17
juin 1917 confirme cette version. On peut la trouver sur Gallica.
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La commune
de Bellenglise possède un cimetière militaire comportant 40 tombes de
soldats : 33 Français et 7 Russes. Les autres tués ont été rapatriés dans
les tombes familiales ou regroupés dans la nécropole de Saint Quentin.
Sources :
J.M.O. du 10ème R.I.T. sur le site « Mémoires des Hommes »
(la fin du rapport de ces journée est mystérieusement masquée sur le JMO, voir page 6)
Vers
des photos de soldats du 10e régiment d’infanterie territoriale