1915

La Première attaque aux gaz

SUITE

Secteur de  d’Ypres (Belgique)

                                                                                                                                                       Général Mordacq

 

 

LE DRAME DANS LA TRANCHÉE DE PREMIÈRE LIGNE


RÉCIT D'UN TÉMOIN

Ce récit toutefois ne serait pas complet si l'on n'évoquait pas, également, ce qui s'est passé dans les tranchées françaises de pre­mière ligne, au moment même du drame, c'est-à-dire pendant l'émission des gaz et pendant la marche en avant de l'infanterie allemande, à travers ces tranchées.

Or, ce récit, nous le possédons, et d'un témoin oculaire : le médecin du 1er bataillon d'Afrique, qui se trouvait « aux pre­mières loges », à Pilkem même.

Fait prisonnier par les Allemands, il fut libéré, par eux, trois mois après, et adressa la lettre suivante à son chef de corps, le commandant Trousson :

 

Angoulême, le 23 juillet 1915.

« Mon Commandant,

« Après trois mois de captivité en Saxe, je suis de retour dans notre belle France. Je tiens à vous exprimer, aussitôt, toute ma reconnaissance pour l'affectueuse sympathie que vous avez mani­festée à ma femme et à moi-même.

« J'ai eu l'énorme chance de sortir de cette épouvantable affaire du 22 avril sans une égratignure. Si vous le permettez, je vais vous donner les quelques détails qu'il m'a été possible de noter.

.« Il était environ 18 heures ; j'étais avec le capitaine Weber, dans le petit jardin de la maison du poste de commandement. Nous avons d'abord assisté au bombardement intense d'un avion français qui, à ce moment-là, survolait les lignes ennemies. Aus­sitôt après le départ de notre avion, un aéro boche est venu faire un signal (fusées éclairantes). J'ai pensé qu'il devait donner le signal de l'ouverture de tous les robinets de gaz ; quelques instants' après nous entendons une fusillade intense et nous pensons à une attaque.

L’adjudant Cordier et moi allons voir ce qui se passe du côté des tranchées, en nous plaçant derrière le petit mur attenant au dépôt de munitions.

Nous voyons alors, de tous les côtés, les hommes sortir des tranchées et se replier vers le village, sans qu'il fût pos­sible, à ce moment, de nous expliquer la cause de cette panique.

« Quelques secondes après, en nous retournant vers la gauche, nous avons vu le ciel absolument obscurci par un nuage jaune-vert qui lui donnait l'aspect d'un ciel d'orage.

Nous étions alors dans les  vapeurs asphyxiantes.

J'avais l'impression de regarder au travers de lunettes vertes. En même temps l'action des gaz sur les voies respiratoires se faisait sentir : brûlures de la gorge, douleurs thora­ciques, essoufflement et crachements de sang, vertiges. Nous nous crûmes tous perdus ; ce pauvre Cordier faisait peine à voir, il était violet, incapable de marcher.

« Mon poste de secours étant vide, le capitaine Weber m'a donné l'ordre de me replier avec mes infirmiers sur Pilkem ; j'ai regagné à travers champs la ligne du chemin de fer sous une grêle de balles, mais la voie était repérée et les obus tombaient avec une précision effroyable. J'ai essayé ensuite de suivre la route, mais là encore, les marmites tombaient ferme.

Je me suis décidé alors à prendre à travers champs, mais je n'avais pas fait 100 mètres que ma route était barrée par des fils de fer. J'ai tout de même pu traverser le réseau de fils de fer en rampant dans un fossé.

Mais j'avais perdu du temps et, quelques instants après, j'avais les Boches à 15 mètres de moi. Ils défilaient tranquillement, l'arme à la bretelle, sans tirer un coup de fusil. En me voyant, l'un d'eux me met en joue et m'a manqué à 15 mètres.

« J'en ai eu une veine !... Les autres me firent signe de m'en aller en arrière. « Zut ! » j'étais prisonnier.

J'ai croisé alors des colonnes qui s'avançaient à l'attaque. 21-Dix

Au milieu d'elles, j'ai remarqué d'immenses panneaux avec des signes différents qui devaient probablement signaler à l'artillerie les positions occupées par l'infanterie. J'ai vu aussi des porteurs de cylindres à gaz qui sui­vaient les soldats à l'attaque. Tous avaient sur le nez des masques protecteurs.

Avec un groupe de prisonniers, nous avons été dirigés à travers la forêt d'Houthulst (qui était pleine de troupes) vers Staden où nous sommes restés toute la nuit dans l'église.

« J'ai retrouvé là quelques officiers, un grand nombre de soldats du bataillon et des tirailleurs. Nous étions bien 800 environ. Tous ces malheureux toussaient d'une manière effrayante ; quelques-uns, très malades, furent évacués sur l'hôpital.

« Le lendemain matin, nous étions dirigés sur l'Allemagne, et dans quel état !...

Par suite, a-t-on dit, d'une erreur, nous sommes allés à Bischofswerder au lieu de Bischofwerfa. Bischofwerder est à côté de Thorn, à 12 kilomètres de la frontière russe. Nous avons voyagé pendant huit jours et huit nuits dans un wagon de 3e classe complet, tous malades, éreintés ; trois jours de diète presque complète, probablement pour favoriser l'élimination des poisons ingérés.

En revanche, nous avons été internés dans un camp convenable. Évidemment, ce ne sont pas des menus de Maire ou Marguery, mais c'est presque suffisant. Le plus dur, c'est la privation de la liberté. Trois mois à tourner en rond dans la cour d'une caserne entourée de fils de fer barbelés, ce n'est pas drôle, et dire que de pauvres camarades sont là depuis onze mois... et qu'ils sont peut-être encore bien loin du jour de leur libération

« Quelle triste journée pour le bataillon. Que s'est-il passé le soir? On a dû voir du joli à Boesinghe!...

« Veuillez agréer... »

 

 

LE RÉCIT ALLEMAND

On possède aussi un récit de source allemande.

 

Il est donné par le général von Deimling (Général VON D IMLING, Souvenirs de ma vie. Éditions Montaigne.) qui, en avril 1915,commandait le XVe corps d'armée allemand devant Ypres.

 

Le 25 janvier 1915, avec mon chef d'état-major, je fus con­voqué à Mézières au G. Q. G., pour conférer avec Falkenhayn.

« Il nous confia qu'on allait mettre en service un nouvel engin de guerre, les gaz toxiques, et que c'était dans mon secteur qu'on avait pensé faire les premiers essais. On livrerait ces gaz toxiques en bouteilles d'acier, qu'on installerait dans les tranchées et qu'on laisserait se vider dès que le vent serait favorable.

« Je dois reconnaître que la mission d'empoisonner l'ennemi comme on empoisonne les rats, me fit l'effet qu'elle doit faire à tout soldat honnête : elle me dégoûta. Mais si ces gaz toxiques amenaient la chute d'Ypres, peut-être gagnerions-nous une vic­toire qui déciderait de toute la campagne? Devant un but aussi grand, il fallait taire les objections personnelles.

Allons-y donc et advienne que pourra. La guerre est un cas de légitime défense et ne connaît pas de loi. Et il en sera ainsi tant qu'il y aura des guerres. Que celui qui proteste contre cette assertion veuille bien nous aider à combattre et à abolir la guerre en tant que moyen politique.

« En février le conseiller secret Haber, le célèbre chimiste, était arrivé à mon état-major. Son rôle était celui de conseiller technique pour l'emploi des gaz toxiques, mais la conduite mili­taire de cette opération, en particulier l'installation des réservoirs, dépendait du colonel Peterson du « comité des ingénieurs ».

Ces messieurs amenaient avec eux, pour voir d'où venait le vent, une mystérieuse section météorologique de campagne.

« Au ;début de mars, on se mit à installer dans les tranchées avancées les sinistres bouteilles en acier. Quelque temps après, deux réservoirs, atteints en plein par des obus ennemis, éclatèrent. Les hommes qui se trouvaient à proximité furent, gravement malades.

L'un d'eux décéda après avoir craché beaucoup de sang. Peu de temps après, l'accident se reproduisit, dû cette fois à des balles de fusil. Trois hommes moururent intoxiqués par le gaz ; cinquante furent malades. Je les ai vus à l'ambulance. Ils souf­fraient horriblement. Ces accidents ébranlèrent gravement la confiance des troupes en ces nouveaux engins. On distribua aux soldats de primitifs tampons protecteurs, qu'en cas de danger et intoxication, on devait se nouer devant le nez et la bouche c'étaient les ancêtres des masques à gaz.

« Au milieu de mars on avait fini d'installer les bouteilles ; nous attendîmes les vents favorables. A plusieurs reprises la station météorologique prophétisa les vents désirés. Alarmés dans la nuit et le brouillard, nous nous préparions à l'attaque. Mais, au tout dernier moment, le vent tournait, et il nous fallait revenir sans avoir rien fait.

« Le 22 avril, les troupes à notre droite procédèrent à une attaque par les gaz contre le front nord et le front est du saillant d'Ypres. A 5 heures du soir, le gaz s'échappa en sifflant des cylindres d'acier et un nuage épais de chlore jaune verdâtre fut poussé par le vent du nord-est contre les lignes ennemies. Ce fut une véritable catas­trophe ; partout où les nuages empoisonnés apparurent les défen­seurs - canadiens et coloniaux français - cherchaient à échapper par la fuite à une mort certaine. Tous ceux qui étaient dans, les tranchées de première ligne périrent étouffés. Derrière le nuage s'avançaient les colonnes d'assaut allemandes qui enlevèrent tout jusqu'à la ligne Steenstraat-Langemark.

Plus de cinquante ca­nons tombèrent entre nos mains. Si, de notre côté, nous avions disposé de réserves suffisantes, nos troupes auraient pli percer le front et arriver jusqu'à Ypres. »

 

Après un tel récit, point n'est besoin, pensons-nous, de commen­taires !

 

 

 

LE DRAME SUR LE FRONT DES TERRITORIAUX FRANÇAIS ET DES BELGES

 

Les Allemands, sachant qu'à la gauche des territoriaux, vers Steenstraat, la surveillance était quelque peu relâchée, manœuvrèrent surtout de ce côté, si bien que les deux régiments terri­toriaux furent immédiatement tournés : presque tous leurs hommes furent tués, asphyxiés, blessés ou pris ; les quelques isolés qui purent s'échapper, s'enfuirent par les ponts de Boe­singhe et de Steenstraat.

Les deux autres régiments de la division territoriale, 80e et 76e, qui cantonnaient non loin, furent aussitôt alertés et dirigés sur le canal pour barrer la route aux Allemands.

Le 76e territorial se porta sur Het-Sas et n'y arriva qu'assez tard, sans essayer d'ailleurs d'assurer la liaison avec la 90e brigade ; le 80e territorial se dirigea sur Steenstraat, mais les Allemands s'étaient déjà emparés du pont de Steenstraat et avaient lancé sur Lizerne des patrouilles auxquelles se heurtèrent les premières compagnies du 80e.

Le colonel Turin, qui commandait le régiment, donna l'ordre de pousser sur Steenstraat, mais se heurta alors à une puissante organisation de mitrailleuses que les Allemands avaient installées à l'ouest de Steenstraat ; le régiment ne put dépasser la route de Boesinghe-Lizerne. Il réussit cependant à souder sa droite au 76e,vers Het-Sas.

 

 

LE RÉCIT DU GRENADIER BELGE

 

Nous avons, grâce au commandant Willy Breton (Les combats de Steenstraat. Ed Berger)) une des­cription particulièrement émouvante, dans sa simplicité, de l'at­taque allemande sur le front belge ;

elle émane d'un grenadier belge qui se trouvait à Steenstraat même :

« J'étais aux tranchées, dit-il, quand commença l'attaque allemande du 22 avril.

Ma com­pagnie occupait l'extrémité du secteur tenu par notre armée. Entre le front belge et le front français il existait un intervalle d'environ 200 mètres où s'élevaient une dizaine de maisons du hameau de Steenstraat, notamment une petite brasserie où nous avions installé un poste d'écoute. Nous étions là huit hommes et un caporal. Obligés de veiller attentivement pendant la nuit, nous pouvions nous reposer durant le jour. Nous devions être relevés le soir même.

« Il faisait une journée de printemps radieuse; un léger vent du nord soufflait. Tout était si calme que nous ne pensions pour ainsi dire plus à la guerre quand, soudain, vers 17h30 de l'après-midi, nous vîmes une épaisse fumée s'élever au-dessus des tranchées allemandes en face de nous.

La surprise et la curiosité nous clouaient au sol.

Nul de nous n'aurait pu se douter, en ce moment, de quoi il s'agissait.

Comme le nuage de fumée s'épais­sissait, nous crûmes que les abris de la tranchée allemande avaient pris feu.

 Le nuage pourtant se dirigeait lentement vers nous, mais, sous l'action du vent, nous le vîmes dériver vers la droite au-dessus des lignes françaises. L'extrémité de la couche de vapeur nous atteignit seule ; elle était moins épaisse, mais dégageait une si singulière odeur et me saisit à tel point, à la gorge, que je crus un moment que j'allais étouffer.. brusquement, j'entendis crier autour de moi : « Une attaque, les Boches sont là... »

« Je regardai dans la direction d'où provenaient ces cris, c'étaient des soldats français qui occupaient les environs du pont de Steenstraat et couraient vers nos tranchées. Plusieurs tom­bèrent en chemin. A notre caporal, qui les interpellait pour savoir ce qui se passait, j'entendis qu'ils répondaient : « Nous sommes empoisonnés. »

« Nous reçûmes l'ordre de quitter le poste d'écoute pour re­joindre la tranchée de première ligne. Dans celle-ci tous mes camarades, muets mais étonnants de calme, restaient immobiles, les yeux braqués sur la ligne allemande, le fusil prêt à tirer.

« Le commandant et le lieutenant, qui avaient sorti leur revolver de sa gaine, parcouraient rapidement la tranchée, allant de l'un à l'autre, s'assurant que chacun était à son poste. J'entends encore la voix du commandant : « Allons, mes braves, voici le moment de montrer aux Boches que nous sommes là et que les Belges ne reculeront pas ; je compte sur vous et que chacun se défende jusqu'à la mort. »

« Entre temps le nuage de fumée autour de nous s'était presque dissipé. Nous aperçûmes alors 4 ou 5 Allemands qui se dirigeaient vers le pont. Les fusils partirent tout seuls, 2 Boches tombèrent.

A côté de moi, un homme cria : « Ce sont peut-être des Français... » Mais non, là-bas, en avant de notre droite, des rangs entiers d'en­nemis, baïonnette au fusil, s'avançaient derrière le nuage de fumée; ils avaient atteint la ligne française. Je vis distinctement des officiers allemands frapper leurs hommes à coup de plat de sabre pour les faire marcher plus vite. Un feu d'enfer partit de notre tranchée, nous tirions à toute vitesse ; le canon de mon fusil me brûlait les doigts, mais ces damnés Boches avançaient toujours, dépassant les lignes françaises.

   Il pouvait être environ 19 heures, quand craignant d'être pris en flanc, notre commandant donna l'ordre à la moitié de la compagnie d'élever une barricade à angle droit avec notre tranchée. »

En présence de cette situation, voyant les Allemands maîtres de la tête du pont de Steenstraat, le major de Kempeneer, du régiment de grenadiers (1), organisa, en effet, immédiatement, un crochet défensif vers le sud et fit venir les réserves.

A ce mo­ment toute liaison était rompue avec les troupes françaises.

Mais, bientôt, les Allemands, à 19h30 environ, à la tombée de la nuit, se lancèrent à l'assaut de la droite des tranchées belges (au nord de Steenstraat).

Là encore, laissons la parole à un témoin, le grenadier belge De­fraeys :

« Nous disposions d'un projecteur et d'une bonne provi­sion de cartouches. Avec trois de mes camarades, j'avais été dési­gné pour le service du projecteur.

Tout était prêt pour recevoir une attaque. Personne ne la craignait. La première surprise était passée; on ne demandait qu'à descendre le plus de Boches pos­sible. Bientôt on perçut le bruit d'une approche ennemie dans les débris des maisons démolies par l'artillerie. Le projecteur fut mis tout de suite en action et ses rayons éclairèrent, aussitôt, l'ennemi qui s'était avancé jusqu'à 30 ou 40 mètres de nous. Nos hommes tiraient sans répit ; les mitrailleuses, de leur côté, déroulaient leurs bandes de cartouches. On tapait juste, car des cris et des plaintes de blessés s'élevaient des rangs ennemis qui, bientôt, firent demi­ tour, poursuivis par notre feu.

A ce moment, des fusées allemandes, rouges et vertes, jaillirent dans le ciel.

« C'était un signal, sans doute pour demander le concours de l'artillerie, car, quelques instants plus tard, les obus se mirent à déferler sur nos tranchées. Le bombardement crut progressivement en violence, en même temps qu'un tir de barrage balayait le terrain derrière la première ligne. L'ennemi lançait des obus as­phyxiants ; bon nombre d'hommes furent incommodés plus ou moins gravement, mais on tenait bon quand même. »

 

(1) Un des héros belges de ces journées tragiques. Blessé dans les tranchées de première ligne, on veut entraîner à l'arrière pour se faire panser. C'est préci­sément au moment où les grenadiers se sentent de plus en plus gênés par les va­peurs des obus asphyxiants. Et il répond au médecin qui insiste : « Ce n'est pas le moment d'abandonner mes hommes » .. Et le vaillant commandant reste à son poste de combat.

 

Les Allemands essayèrent encore de lancer des passerelles sur le canal mais sans résultat.

Le général de Ceuninck, qui commandait la 6e division belge, avait approuvé les premières mesures prises et, lui aussi, faisait avancer toutes ses réserves disponibles.

Sollicité par le comman­dant de la 45e division française de faire exécuter une contre­ attaque sur le flanc des Allemands, il répondait, avec raison « que dans une pareille confusion, une telle opération lui paraissait difficile à organiser, mais qu'il allait soutenir, aussi puissamment que possible, les troupes françaises au moyen de son artillerie. »

Un peu plus tard il mettait, toutefois, un bataillon du régiment de grenadiers (major Borremans) à la disposition des Français.

 

 

LE DRAME SUR LE FRONT ANGLAIS

 

Le front britannique ne fut qu'effleuré par les gaz, mais de leurs positions, les Anglais se trouvaient aux premières loges pour voir se dérouler le drame et leur extrême gauche ne tarda pas à subir le contre-coup des assauts allemands.

Voici la version anglaise, telle que l'a écrite Arthur Conan Doyle (le célèbre Arthur Conan Doyle), d'après le récit des officiers anglais qui se trouvaient sur le terrain même :       

« Vers 17 heures, le 22 avril, un furieux bombardement d'artil­lerie fut déclenché sur les lignes françaises entre Bischoote et Lan­gemarck ainsi que sur la gauche canadienne ; on annonçait bientôt que la 45e division française était violemment attaquée.

Au même moment les Anglais purent observer un phénomène dont la des­cription semblerait mieux à sa place dans l’œuvre d'un roman­cier que dans le récit d'un historien.

« Des tranchées allemandes, sur une étendue considérable, s'échappaient des jets de vapeur blanchâtre, s'unissant d'abord en tourbillonnant pour finir par se muer en un nuage dense et bas, d'un brun verdâtre à ras du sol et d'aspect jaunâtre à sa partie supérieure, qui réfléchissait les rayons du soleil couchant. Cette épaisse couche de vapeur, poussée par une brise du nord, progresse rapidement à travers l'espace qui séparait les deux lignes adverses.

Les troupiers français observaient, par-dessus le parapet de leurs tranchées, ce nuage bizarre qui leur assurait une protection tout au moins temporaire contre le feu de l'ennemi, quand on les vit soudain lever les bras, porter les mains à la gorge, puis s'écrouler sur le sol en proie aux affres de l'asphyxie.

Beaucoup tombèrent pour ne plus se relever, tandis que leurs camarades, impuissants contre le procédé diabolique, s'enfuyaient éperdus vers l'arrière, comme saisis de folie, afin d'échapper à ce brouillard méphitique, dépassant, dans leur course, les lignes de tranchées établies derrière eux.

Un grand nombre ne s'arrêtèrent pas avant d'avoir atteint Ypres, tandis que d'autres se dirigeaient vers l'ouest afin de placer le canal entre eux et l'ennemi.

« Les Allemands, entre temps, avancèrent et prirent possession des lignes de tranchées successives, occupées seulement par leur garnison de morts, dont les faces noircies, les traits contractés, les lèvres souillées de sang et de l'écume jaillis de leurs poumons éclatés, disaient assez les tortures de leur agonie atroce.»

 

 

C'est une version à, peu près identique que donne Mr John Buchan, l'écrivain de la Nelson's History of the War.

« Un temps agréable et calme régnait à la fin de cette journée du 22 avril, un vent léger et régulier soufflait du nord-est.

Vers 18h20 nos observateurs d'artillerie annoncèrent qu'une étrange vapeur verdâtre se déplaçait au-dessus des tranchées françaises. Alors, comme tombait la nuit d'avril et que les gros obus continuaient de pleuvoir sur Ypres, d'étranges scènes se déroulèrent entre le canal et la route de Pilkem.

« On vit, dans le crépuscule, dévaler un torrent de soldats français aveuglés, toussant et littéralement affolés. Victimes d'une machination diabolique, ils avaient cédé devant elle, bien plus que devant la terreur humaine.

Derrière eux, gisaient des centaines de leurs camarades frappés à mort, les lèvres tordues par un rictus effroyable, la face horriblement bleuie.

« La panique se propagea au delà du canal et la route conduisant à Vlamertinghe était encombrée par de l'infanterie débandée et par le galop d’attelages ayant abandonné leurs pièces. Nul dis­crédit à ceux qui durent lâcher pied. L'épreuve dépassait ce que la chair et le sang peuvent supporter. »

La droite du 1er tirailleurs et les deux compagnies du 2e bis zouaves, en réserve derrière cette droite, étant relativement peu atteintes par les gaz précédés eux-mêmes d'un barrage roulant des plus denses, restèrent d'abord en position, puis se rabattirent sur la gauche des Canadiens (13e Canadiens), et, avec eux, défen­dirent le terrain pied à pied.

Deux pelotons de Canadiens, au nord du hameau de Keerselare, se firent tuer jusqu'au dernier homme; ils ne reculèrent pas.

Cependant les Allemands (51e division de réserve, suivie de la 26e) avançaient toujours, mais leur marche, dans cette région, fut des plus gênées par deux pièces de canon que les Anglais purent mettre en ligne au nord de Saint-Julien et qui tirèrent jusqu'à ce que leurs coffres fussent vides.

Dès le début de l'attaque, très intoxiqué par les gaz, le bataillon du 7e zouaves, qui était en réserve à l'est du canal, battait en retraite sur la ferme Zwaanhof sans subir de trop grandes pertes ; une petite fraction de ce bataillon, qui était isolée, se retira sur la ferme Mortledje.

 

Au cours de ces heures tragiques, les bruits les plus pessimistes coururent aux états-majors français et anglais; on alla jusqu'à téléphoner que la gauche anglaise avait été complètement enfoncée et s'était rabattue jusqu'à Wieltje (un kilomètre au nord d'Ypres).

En réalité, il n'en était rien; la gauche anglaise tenait toujours. Un certain nombre d'unités canadiennes, avec les quelques groupes de tirailleurs et de zouaves échappés de la bagarre, tenaient ferme leur le flanc découvert (jusqu'au sud de Saint-Julien.

 

Le commandement anglais fit donc venir aussitôt les réserves disponibles, et toutes les batteries qui avent des vues sur le terrain de l'attaque ouvrirent le feu sur les fantassins allemands.

Ceux-ci s'arrêtèrent à la tombée de la nuit, fort heureusement d'ailleurs pour les Alliés, car, de Poelcappelle (gauche britannique) à la ferme Zwaanhof, c'est-à-dire sur un espace de 4 kilomètres environ, ils n'avaient devant eux que quelques groupes isolés ayant déjà subi de grosses pertes et qui n'étaient pas en état de fournir une longue résistance. Et même entre Saint-Julien et la ferme Zwaanhof (2 kilomètres), il n'y avait pour ainsi dire personne.

On comprend, dès lors, la crainte très justifiée des Anglais de voir toute leur ligne située au nord d'Ypres complètement enveloppée.

L'angoisse fut donc grande au G. Q. anglais et tous les postes téléphoniques du secteur ne cessèrent, pendant la soirée, de trans­mettre aux troupes qui étaient en réserve l'ordre « de hâter à tout prix leur marche vers la région attaquée ».

 

Telle était la situation sur le front anglais le 22 avril vers 19 heures, c'est-à-dire à la nuit.

 

En résumé, à ce moment, sur tout le front attaqué par les Alle­mands, la situation était la suivante : les Alliés n'avaient à leur opposer, comme troupes, que de la « poussière » avec deux énormes brèches de 2 kilomètres chacune, l'une entre Saint-Julien et la ferme de Zwaanhof, l'autre de Boesinghe à Steenstraat.

Ce soir-là, le GQG britannique fit connaître au général Foch « qu'il envisageait l'éventualité d'abandonner le saillant d'Ypres et de reporter ses troupes à l'ouest du canal , d'où violente protestation du général.

C'était là une belle occasion pour les Allemands de pousser, d'exploiter leur succès inespéré, ils n'avaient plus qu'à enfoncer... une porte ouverte.

Heureusement pour les Alliés, les Allemands s'arrêtèrent.

 

Le communiqué allemand pour la journée du 22 avril donna les renseignements suivants :

« Hier, au nord et au nord-est d'Ypres, nous avons rompu le front ennemi : Langemarck et Steenstraat, où nos troupes se sont portées en avant sur un front s'étendant sur 9 kilomètres au sud et à l'est de Pilkem.

« Après un combat acharné, elles ont forcé le passage du canal à Steenstraat et à Het-Sas et se sont établies sur la rive ouest. »

Ainsi qu'on peut le constater, les Allemands se gardent bien de parler des gaz asphyxiants, et pour cause !... D'ailleurs, pendant toute la durée de la deuxième bataille d'Ypres, il n'en feront jamais mention.

 

 

LA NUIT DU 22 AU 23 AVRIL

 

Dès que le commandant de la brigade fut rentré à son PC , il confirma les ordres donnés sur le terrain, à Boesinghe et s`enquit de ce qui se passait à ses deux ailes, se rendant bien compte que, sur chacune d'elles, s'était formée une brèche où les Allemands pou­vaient s'engouffrer d'un moment à l'autre.

Mais il ne put obtenir aucun renseignement précis ; partout les transes, les inquiétudes, les angoisses étaient les mêmes.

A 22 heures, il reçut la visite du général de division qui, lui non plus, n'avait aucune précision sur la situation des Anglais, des Belges et de nos territoriaux. Il annonça seulement que par­tout des renforts avaient été demandés et accouraient en toute hâte.

 En particulier quatre batteries britanniques seraient mises, dès le jour, à la disposition de la 90e brigade ainsi que l'autre brigade de la division.

La situation était donc particulièrement angoissante.

On n'avait qu'une chance d'en sortir : c'est que les Allemands n'exploitent pas, immédiatement, leur succès de la journée et nous donnent le temps de contre-attaquer dès que nous en aurions les moyens.

En attendant le commandant de la 90e brigade, afin de pouvoir agir plus vite, transporta immédiatement son PC dans une petite ferme située à 400 mètres environ à l'ouest du canal.

On y arriva vers 4 heures du matin et, là, on apprit que les Allemands, après avoir fait plusieurs tentatives pour s'emparer des ponts, semblaient s'être arrêtés et même se mettaient à creuser des tranchées.

C'était tellement invraisemblable que l'on n'ajouta pas grande foi à ce renseignement.

Nous étions à ce moment assez fatigués et même assez souf­frants ; nous venions de traverser une région encore infectée par les gaz et, la petite ferme où nous arrivions, entourée d'arbres, ne l'était pas moins.

Nous fûmes tous plus ou moins atteints de violents malaises au nez, aux oreilles et à la gorge, qui, pendant plusieurs heures, nous rendirent ce nouveau séjour particulièrement pénible et cela malgré les moyens de fortune, auxquels nous recourûmes : mou­choirs imbibés d'eau, ouate, etc...

Cette odeur pénétrante de chlore devenait, à la longue, vraiment insupportable.

Pendant ce temps la fusillade et la canonnade continuaient sans relâche tout le long du canal. Cependant les coups de canon les plus violents semblaient venir surtout du côté des Belges et des Anglais, ce qui était plutôt rassurant.

 

 

LES SCÈNES TRAGIQUES AUX PONTS DE BOESINGHE

 

C'est également en arrivant au nouveau PC que nous apprîmes les scènes atroces qui s'étaient déroulées au pont de Boesinghe, pendant la nuit, après le départ du commandant de la brigade.

Les Allemands, profitant de l'obscurité, avaient cherché, à plusieurs reprises, à atteindre le canal et à le franchir, mais les nôtres, malgré les nombreuses mitrailleuses mises en ligne par l'ennemi, tinrent bon.

On se battit presque à bout portant; des groupes français et allemands se rencontrant à l'improviste, s'entre-tuèrent à la baïonnette.

Des tirailleurs, des joyeux, des artilleurs, des territoriaux, restés sur le terrain plus ou moins asphyxiés, étaient revenus à eux ; ils essayèrent de profiter de la nuit pour rallier les Français, mais pris pour des Allemands, ils furent reçus à coups de fusil par les défenseurs du pont.

C'est ainsi que fut tué l'aumônier de la division, l'abbé Caillot qui, ayant franchi le pont de Boesinghe pour aller chercher des blessés français qui « appelaient », fut, au retour, pris pour un Allemand et tué d'un coup de revolver.

Encore une victime du devoir qu'il faut saluer bien bas.

Au cours de cette nuit tragique, nombreux furent chez nos poilus les actes de dévouement et de sacrifice, mais il en est un qui ne doit pas tomber dans l'oubli et prendre place ici : c'est la mort héroïque du lieutenant du génie Hardelay.

 

Voilà comment son chef, le capitaine Durand l'a rapportée :

 « Conformément aux ordres reçus, Hardelay passa toute la nuit à préparer la destruction du pont de Boesinghe et du pont de chemin de fer qui en était voisin. Pendant tout ce temps il fit preuve du plus magnifique dévouement et du plus admirable sang-froid et cela sous la fusillade incessante dirigée par l'ennemi sur les ponts. A deux reprises, au cours du travail, il était tombé dans le canal et était aussitôt remonté. Il ne quitta le pont de chemin de fer qu'avec la certitude que tout était paré et encore ne le fit-il que pour s'assure Ne le nécessaire était fait pour le pont-route situé 300 mètres plus au nord. Il revint ensuite au pont de chemin de fer. Malheureusement le petit jour était sur­venu.

 L'ennemi avait franchi aisément les 5 kilomètres qui sépa­rent Langemarck et Boesinghe et il était posté sur la rive droite du canal en face de nous qui gardions l'autre rive. Une mitrail­leuse était déjà installée par lui dans la maison du garde-barrière et prenait en enfilade la voie ferrée et le pont du chemin de fer.

« Hardelay gravit le talus de la voie et, arrivé en haut du remblai, il hèle un sergent et lui demande s'il peut passer. « Faites vite, en tout cas, » lui répond le sous-officier.

Hardelay se dresse alors et prend son élan pour franchir les voies mais une balle l'atteint à l'épaule ; il tombe et ne se relève plus. La mitrailleuse continue de tirer et toute la journée l'ennemi s'acharnera à tirer sur son cadavre. Un sapeur, Jouvin, essaie de ramener le corps ; il est tué aussitôt et, malgré la douleur que nous éprouvions, ordre est donné aux volontaires d'attendre. Ce n'est qu'à la nuit que deux sapeurs réussirent à rapporter le cadavre criblé de balles du malheureux officier. »

 

Toute la nuit se passa en alertes et en fusillades continuelles. Des groupes d'Allemands, les uns venant de l'est, les autres du nord, se heurtèrent et s'entre-tuèrent.

Heureusement l'ennemi ne poursuivit pas la grande attaque que nous redoutions tant. Et cependant la route d'Ypres était largement ouverte.

Mais les contre-attaques de notre côté étaient déjà lancées; au petit jour, le 1er bataillon du 7e zouaves et un du 2e bis de zouaves contre-attaquaient déjà dans les environs de la ferme Zwaanhof et tâchaient d'établir la liaison avec les Canadiens.

A ce moment les ponts ou passerelles de Boesinghe et de Zwaanhof étaient encore en notre pouvoir, mais, sur chacune de nos ailes, une immense brèche nous séparait, d'une part des Canadiens et, d'autre part, des territoriaux français et des Belges.

 

 

LA NUIT DU 22 AU 23 AVRIL CHEZ LES TERRITORIAUX ET LES BELGES

 

Les deux régiments territoriaux , au cours de la nuit, ne purent empêcher les Allemands de franchir le canal à Lizerne et à Steen­straat et ce ne fut que dans la matinée du 23 avril qu'ils arrivèrent à établir une liaison, assez précaire d'ailleurs, avec les Belges et les zouaves.

Quand aux Belges, ils eurent beaucoup de peine à empêcher les Allemands de tourner leur droite complètement découverte à la suite du recul des territoriaux français. Au lever du jour ils s'apprêtaient à soutenir avec leur artillerie une contre-attaque

française mais celle-ci fut remise et exécutée seulement à la fin de la journée (18 heures). Elle ne donna d'ailleurs aucun résultat.

 

 

LA NUIT DU 22 AU 23 AVRIL SUR LE FRONT ANGLAIS

 

A la fin de la journée du 22 avril, lorsque la nuit tomba, les Anglais étaient particulièrement inquiets pour leur gauche et il y avait de quoi : entre Poelcappelle et le canal s'étendait une im­mense brèche de 6 kilomètres qui n'était tenue que par des groupes insignifiants. Des espaces de 1, 2 et 3 kilomètres étaient complètement vides, alors que les Allemands présentaient, eux, un front continu.

En somme, plus rien ne pouvait empêcher ces derniers d'entrer à Ypres. La situation était donc particulièrement angoissante.

On demanda naturellement des renforts et, en attendant, confor­mément aux instructions envoyées par le général Foch, les Anglais contre-attaquèrent partout où ils en eurent les moyens, mais sans grand résultat et sans pouvoir rétablir la liaison avec les Français.

Heureusement, dans la matinée, les réserves britanniques arrivè­rent et, à midi, plus de dix bataillons étaient à pied d’œuvre dans la brèche qui s'était ouverte entre la gauche anglaise et les Français.

L'inquiétude au cours de cette nuit n'en fut pas moins très grande au GQG britannique où l'on se demanda si les Alle­mands, dès le lendemain, n'allaient pas balayer jusqu'à Ypres les quelques troupes qu'ils avaient devant eux.

 

 

LA JOURNÉE D'ANGOISSE (23 AVRIL)

 

La journée du 23 avril sur tout le front anglais, français et belge fut une véritable journée d'angoisse; on se demanda partout ce qui allait se passer si les Allemands poursuivaient leur attaque.

Les renforts n'arrivaient qu'au compte-gouttes, insuffisants en tout cas pour boucher, d'une manière efficace, les nombreuses brèches qui existaient sur toute la ligne.

Et alors partout on contre-attaque, seul moyen, en pareil cas, de se tirer d'affaire.

Certes ces contre-attaques ne permirent pas de reprendre les positions perdues mais... elles arrêtèrent les Allemands ; c'est tout ce que l'on désirait.

On put même arriver jusqu'aux nouvelles tranchées que les assaillants avaient cons­truites hâtivement pendant la nuit et prendre ainsi ces derniers à la gorge. Cette progression se fit en terrain découvert et sans appui efficace d'artillerie : il y eut, au cours de cette journée, chez les Anglais, les Français et les Belges, des faits d'armes magni­fiques que malheureusement nous ne pouvons relater ici.

 

Quoi qu'il en soit les Allemands, le 23 avril, au lieu de continuer leurs attaques qui avaient toutes chances de réussir, se laissèrent contre-attaquer et c'est ce qui les perdit. Au cours des journées suivantes les renforts alliés arrivèrent et, à nouveau, la route d'Ypres et des ports de la Manche fut définitivement fermée. Le succès du 22 avril ne put être dès lors exploité par nos ennemis ; ce fut pour eux, une belle occasion perdue.

 

 

CONCLUSION

 

Quel but poursuivirent exactement les Allemands en lançant cette attaque? Il est assez difficile de le savoir.

Il semble que, le 22 avril, ils poursuivaient un but purement tactique et voulaient simplement pousser jusqu'au canal pour prendre le saillant d'Ypres dans une véritable tenaille et le réduire, ainsi, facilement. Plus tard ils devaient passer à des opérations d'ordre stratégique.

Rien à dire à ce sujet : conception très sage et parfaitement logique. L'exécution toutefois ne répondit pas à la conception et l'on se demande, surtout, pourquoi, le 23 avril, ils n'ont pas exploité à fond leur immense et inespéré succès.

Les généraux von Deimling (qui commandait ce jour-là un des corps allemands d'attaque) et Schwarte déclarent l'un «que si l'on n'a pas exploité le succès du 22 avril, c'est que l'on manquait de réserves» et l'autre « que si l'on avait disposé de réserves suffisantes on pouvait percer le front et aller jusqu'à Ypres ».

Or les documents officiels, publiés jusqu'ici, montrent nettement que les Allemands disposaient, à ce moment, sur le front belge, de réserves suffisantes.

Il vaut donc mieux s'en remettre à l'opinion d'un autre général allemand, le général Balck, qui affirme « que si le 23 avril on n'a pas poussé de l'avant, c'est que la valeur de l'infanterie allemande, à ce moment-là, ne le permettait pas ».

Elle ne valait donc pas nos poilus qui, eux, ont été capables de remplir leur mission : empêcher les Allemands de franchir le canal tandis que ceux-ci manquèrent, comme toujours, de ce « nerf » qui est indispensable, pour aller jusqu'au bout.

Quoi qu'il en soit ce fut, pour les Allemands, une occasion qu'ils ne retrouvèrent pas, malgré la longue et acharnée bataille qu'ils livrèrent aussitôt aux Anglais (deuxième bataille d'Ypres) qui dura plus d'un mois et qui ne leur donna aucun résultat soit tac­tique soit stratégique.  

 

 

Inscription gravée sur le monument élevé, à Steenstraat, aux victimes des gaz asphyxiants

« Le 22 avril 1915 les troupes de la 45e division et de la 37e division territoriale furent empoisonnées par la première nappe de gaz. Depuis il meurt encore, chaque jour, dans la paix, des vic­times de ces procédés de guerre abominables. »

Les grandes heures de 1915 – la guerre des tranchées Général Mordacq-PLON-1939

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