Le combat pour Berry Au Bac, Juvincourt et la côte 108

16 avril –début mai 1917

 

un combat faisant partie de l’offensive française au Chemin des Dames d’avril 1917

 

Depuis la fin du mois de janvier, on préparait la grande offensive du Chemin des Dames.

Des territoriaux en nombre travaillaient à l'arrière de nos positions, créant des routes, des voies de chemins de fer. Les artilleurs installaient leurs batteries un peu partout. Les régions boisées entre la Vesle et le canal latéral à l'Aisne ne formaient qu'un vaste camp, d'Hervelon à Hermonville, d'Hermonville à Châlons-le-Vergeur, des bois Blancs au bois de Gernicourt, aux bois des Geais et des Pies, entre Guyencourt, Bouffignereux, Gernicourt et Coimicy. Les crêtes qui dominent la vallée de l'Aisne entre Gernicourt (face a la ferme du Choléra), et la ferme de Moscou (face à Berry-au-Bac), se transformaient en forteresses sillonnées de boyaux, peuplées d'abris profonds, de postes de commandement robustes.

 

 

 

Depuis décembre 1916, le 32e Corps d'Armée comptait quatre divisions au lieu de deux. A la 40e commandée par le général Leconte, et à la 42e commandée par le général Deville, on avait ajoute la 69e commandée par le général Monroë, et la 165e, commandée par le général Caron.

Le 32e Corps d'Armée n'était plus sous les ordres du général Debeney, qui l'avait conduit à la victoire de la Somme. C'était le général Passaga, dont la division « La Gauloise » s'était illustrée en Argonne, qui était à sa tête.

 

Pour l'attaque du 16 avril, la 69e division, qui comprenait les 151e, 162e et 267e régiments d'infanterie, se trouvait face à la ferme du Choléra et devait atteindre Juvincourt, puis obliquer à l'est et marcher sur Prouvais.

La 42e division, qui comptait les 94e et 332e régiments d'infanterie et les 8e et 16e bataillons de chasseurs, occupait Berry-au-Bac et devait marcher sur Condé-sur-Suippe et Guignicourt.

Entre ces deux divisions, la 165e (nouvellement formée), comprenant les 154e, 155e et 287e régiments d'infanterie, devait aller directement à Prouvais.

La 40e division, composée des 150e, 161e et 251e régiments d'infanterie, avait pour mission d'attaquer au sud de la cote 108, dans la région de Sapigneul.

Les 25e, 40e, 42e, 235e ,268e, régiments d'artillerie de campagne accompagneraient par leurs pilonnages les progressions de l’infanterie.

 

Si vous voulez la carte en plus grand et en une meilleure résolution ;envoyer moi un mail 

 

La 40e division se fit écraser sur place, sans pouvoir avancer, et la 42e division d'infanterie n'avança guère, toutes deux étant sous les feux venus de la cote 108 (120e RI), dont nous prîmes aisément le sommet, mais dont nous ne parvînmes jamais - quoi qu'on en ait dit -- à déloger les Allemands qui avaient là des sapes formidablement organisées. En revanche, les 69e (151e, 162e et 267e régiments d'infanterie) et 165e division (154e, 155e et 287e régiments d'infanterie) avancèrent considérablement dès les premières heures de l'attaque ; et, si elles durent reculer en partie, c'est qu'à leur droite comme à leur gauche nos éléments n'avaient que peu ou pas du tout progressé.

A gauche du 32e Corps d'Armée se trouvait le 5e Corps (général de Boissoudy).

A droite, le 7e Corps (général Bazelaire) ne réussit pas à s'emparer de Berméricourt.

 

 

    L'attaque était prévue pour le 14 avril. Elle fut décalée de vingt-quatre heures et fixée au 15 avril. Mais le 14 avril, à 6 heures du soir, nouvel ajournement.

Le jour J devenait le 16 avril; l'heure H 6 heures du matin.

 

Dans la nuit du 15 au 16 avril, en prévision d'une avance importante, on massa des régiments de cavalerie à la lisière des bois de Gernicourt. La 1e Armée se tenait prête à venir exploiter le succès et à s'intercaler entre les 5e et 6e Armées.

Des tanks, péniblement amenés sur les bords de l'Aisne, partirent à l'assaut au signal de l'attaque. Ils s'élancèrent dans la plaine qui relie l'Aisne à la Miette, en même temps que nos soldats sortaient des tranchées et marchaient sur les positions ennemies.

Depuis cinq jours, l'artillerie crachait sans arrêt, démolissant les réseaux de barbelés, s'efforçant de détruire les « stollen » et casemates cimentées des Allemands.

On sait ce qu'il advint de la douzaine de petits tanks qui, sur ce point, arrivèrent aux bords de la Miette. Les deux tiers furent détruits par l'ennemi, prirent feu, et leurs servants furent brûlés vifs. Les trois ou quatre qui échappèrent à ce massacre ne purent accomplir oeuvre utile.

 

Cependant, du Choléra à Berry-au-Bac, les admirables soldats du 32e Corps d'Armée triomphaient.

        

Dès 8 heures du matin, les trois premières lignes de « stollen » étaient en notre pouvoir.

 

A 10 heures, l'avance réalisée était, dans cette partie, de plus de 3 kilomètres.

Et pourtant la température ne nous était pas favorable. Il tombait une pluie fine, le sol était marécageux et collant.

Il faut dire que nos obus avaient tait à assez larges brèches dans les réseaux de fils de fer boches.

La progression s'effectua rapide et nos soldats ne rencontrèrent pas grande résistance.

 

La 69e division (151e, 162e et 267e régiments d'infanterie) s'empara des fortifications de la ferme du Choléra (voir l’historique du 151e RI) et atteignit la Miette dont elle longea le cours jusqu'à la ferme Mauchamp (voir l’historique du 162e RI), où elle fit sa jonction avec la 165e division (154e, 155e et 287e régiments d'infanterie), partie des tranchées de l'Autobus.

 

Toutes deux, alors, progressèrent jusqu'au bois, au sud de Juvincourt, qui renfermait d'abondants nids de mitrailleuses.

Là, les combats furent particulièrement meurtriers et nos troupes furent arrêtées dans leur marche en avant. Mais elles purent continuer leur avance à l'est et aborder le bois Claque-Dents, au sud de Prouvais. Hélas !.. aussi les mitrailleuses arrêtèrent leur élan.

 

En même temps, la 42e division réalisait une belle avance. Le 94e régiment d'infanterie marcha aisément, mais les chasseurs (8e et 16e bataillons) ne purent aller aussi vite, et il y eut bientôt un écart de 700 à 800 mètres entre les fantassins et les chasseurs. A 10 heures du matin, des feux de mitrailleuses croisés enrayèrent la marche du 94e régiment d'infanterie. L'artillerie (61e régiment d’artillerie) fut sollicitée de réduire au silence ces mitrailleuses. Mais l'artillerie répondit qu'elle n'avait plus assez de munitions et qu'elle réservait les quelques obus qui lui restaient en cas de contre-attaque.

Pour maintenir sa liaison, le 94e rebroussa chemin d'environ 1200 mètres. Cependant, on avait atteint le Camp de César sur lequel des 280, tirés du bois des Geais, poursuivaient la destruction des fortifications allemandes. (Voir l’historique du 94e RI)

 

 Quelques hommes atteignirent, affirme-t-on, les lisières de Condé-sur-Suippe, mais aucun d'eux n'en est revenu.

A droite, entre l'Aisne et le canal, nos poilus avaient atteint le sommet de la cote 108, mais ils ne purent le dépasser, car l'ennemi avait là des sapes formidables de plusieurs centaines de mètres, puissamment organisées, et riches en mitrailleuses qui tiraient par des meurtrières et semaient la mort dans nos rangs.

 

Plus au sud, sur Sapigneul, la 40e division d'infanterie (150e, 161e et 251e régiments d'infanterie), se fit tuer sans pouvoir progresser. (Voir l’historique du 150e RI)

Cependant, les admirables fantassins de cette division bousculèrent les deux premières lignes allemandes, malgré des pertes énormes.

 

Mais, rapidement décimée et désorganisée par la mort de la plupart des officiers, la 40e division ne put résister à une violente contre attaque, et il lui fallut regagner les tranchées de départ. Il est heureux que les boches n'aient pas poursuivi leur offensive sur ce point, car personne ne résistait plus, et nous aurions été, sans contredit, bousculés de l'autre côté du canal.

Nos pertes étaient grandes, et le résultat mince. Cependant nous n'eûmes pas le chiffre de pertes qui fut mis en circulation â cette époque et entraîna l'arrêt de l'offensive a la suite d'incidents parlementaires que l'on connaît.

 

Durant les jours qui suivirent, il n'y eut pas de changements appréciables dans le secteur. Nous subîmes de furieuses contre-attaques que la valeur de nos troupes réussit à arrêter. Nous essayâmes de progresser à la grenade, notamment dans la région de la cote 108 (147e RI)

A plus de huit reprises, nous réussîmes à avancer de quelques centaines de mètres, au prix de pertes élevées. Chaque fois, les Allemands nous firent revenir sur nos positions.

La grosse contre-attaque boche, qui suivit l'offensive du 16 avril, se déroula le 18 avril et eut pour théâtre principal le bois situé au sud de Juvincourt, dans lequel l'ennemi était formidablement retranché et dont nous tenions les lisières. Grâce â une puissante intervention de nos 75, qui couchèrent les vagues ennemies lorsqu'elles débouchèrent des taillis, et grâce à nos mitrailleuses, cette contre-attaque fut brisée.

 

A partir du 19 avril, le secteur resta calme et nous pûmes nous organiser sur les positions. Il en fut ainsi jusqu'aux premiers jours de mai.

Dans cette période n'eurent lieu que des escarmouches, coups de mains à la grenade et combats d'artillerie. Quand nous avancions de 300 ou 400 mètres, presque aussitôt il fallait abandonner le terrain conquis. Quand les Allemands, de leur côté, nous faisaient reculer de quelques centaines de mètres, nous revenions à la charge et les ramenions à leurs lignes.

Cependant, à l'est de la cote 108, entre la ferme de Moscou et Sapigneul, la légère avance que nous avions réalisée dans les premiers jours de l'offensive était perdue.

 

Le 4 mai, nouvelle offensive à gauche et à droite de nos troupes. Mont-Spin est pris pour peu de temps, Brimont tenant toujours. L'avance sur le plateau de Craonne s'affirme, et, la, nos positions se consolident. Nous en profitons pour reprendre les emplacements perdus à l'est de la cote 108. Le communiqué chante victoire : la cote 108 est à nous.

 

Hélas !  ce n'est pas exact. Le sommet de la cote 108 est à nous. Il l'a été trois fois depuis le 16 avril.

Mais, sous terre, des casemates blindées abritent des servants de mitrailleuses qui, par des meurtrières, nous assassinent ; nous ne parvenons point à les réduire au silence, non plus qu'à nous emparer de ces « stollen » qui forment un labyrinthe redoutable dans lequel il est impossible de pénétrer. Chaque tentative coûte la vie aux soldats qui la font.

 

Du 16 avril au 19 mai, sans répit, le 32e Corps d'Armée demeura en ligne. Quand il alla au repos, ses régiments n'étaient plus que des squelettes. On mit plus d'un mois à les reformer au camp de Mailly.

 

Au mois de juillet, le 32e Corps allait à Verdun, où il devait se couvrir de gloire dans l'offensive de l'automne 1917.

 

 « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 »

 

 

D’autres épisodes de la bataille du chemin des Dames :

Les combats à Soupir

Bataille de Laffaux

Combats pour Loivre et Berméricourt

 

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Passage de l’historique du 94ème RI (IMPRIMERIE A. COLLOT)

 

Le 16 avril, à 6 heures du matin, le Régiment tout entier sort des tranchées de départ avec un élan magnifique, ayant à sa tête le Lieutenant-Colonel Détrie qui l'entraîne aux cris de: « En avant ! En avant ! »

C'est la ruée en bloc dans les premières lignes allemandes. Puis les Bataillons s'échelonnent l'un derrière l'autre : 1er Bataillon (Commandant Sauget), 3e Bataillon (Commandant Wauthier), 2e Bataillon (Commandant Bouchacourt). Presque au départ, le Sous-Lieutenant Thibaut (1re compagnie) est tué par un obus; mais le barrage allemand a tardé et le Régiment y échappe.

 

A 6h50, le 1er Bataillon enlève la Riegelstellung (position intermédiaire) et marque un temps d'arrêt. Le Capitaine Lefébure étant blessé, le Lieutenant Jacquet prend le commandement de la 2e compagnie, avec laquelle il va suivre l'Aisne pour établir la liaison avec le Régiment de droite, qui est chargé d'enlever la cote 108.

 

A 7h52, l'attaque reprend sur la deuxième position (tranchées d'Auguste et du Pylône), qui opposent une vive résistance.

 

A 8h15, la position est enlevée. Le chef de Bataillon Bouchacourt est blessé.

Mais les difficultés sont de plus en plus fortes. L'artillerie allemande réagit violemment.

L'attaque de la cote 108 n'a pas réussi et le Régiment est soumis à des feux de flanc partant de la rive gauche de l'Aisne. La 2e compagnie réduit au silence quelques mitrailleuses et continue sa marche le long de la rivière jusqu'au bois de Pergame, où le Lieutenant Jacquet l'installe avec un calme et un sang-froid imperturbables.

Le Lieutenant Fortis, blessé au pied, continue, pieds nus, après un pansement sommaire. Le Lieutenant Pierre, de la C.M.3, est blessé mortellement.

 

Vers 9 heures, le Régiment, battu à courte distance par des feux rasants de mitrailleuses, stoppe.

Seule, entraînée par son vaillant chef, le Capitaine Léturmy, secondé par l'Adjudant Thoveron, la 3e compagnie, que le soldat Philippot déride par ses plaisanteries, continue à progresser en utilisant le boyau du Camp-de-César.

En même temps, le Sous-Lieutenant Massard, coutumier des faits héroïques, se jette, revolver au poing, avec le Caporal Boisenfray, sur des mitrailleuses. Ils s'emparent de deux pièces après en avoir tué les servants.

En dépit des plus grosses difficultés, le Capitaine Léturmy continue à entraîner sa compagnie, qu'il établit perpendiculairement au boyau, devant une batterie allemande installée au carrefour du Capitole et qui débouche à zéro. Cette batterie, contrebattue à coups de grenades et d'obus V. B., est réduite au silence.

Mais l'ennemi s'est ressaisi, car, partout ailleurs, l'attaque est déjà enrayée et des renforts, sortis de Guignicourt, garnissant la crête au sud du village, balayent le glacis de feux violents. La reprise du mouvement en avant est impossible.

Le seul espoir est mis dans l'intervention des chars d'assaut, dont l'arrivée est annoncée. Mais un retard de plusieurs heures se produit dans leur arrivée et ce n'est qu'à 15 heures qu'ils apparaissent, voulant en dépit des circonstances, prendre leur part à la bataille.

A peine arrivent-ils à hauteur des premiers éléments que, pris à partie par l'artillerie allemande prévenue, ils sont mis hors de combat.

A cent mètres du 1er batai1lon, quatre d'entre eux sont en feu; leurs braves servants en sortent comme des torches vivantes, deux d'entre eux peuvent être recueillis par nous. En dépit de cet élan superbe, et d'une avance de plus de trois kilomètres, force est au Régiment, qui déjà se trouve dans un saillant dangereux, de s'organiser sur place. A la nuit, des tranchées sont immédiatement creusées, avec bastions flanquants vers l'Aisne, car le 94e, qui vient d'inscrire une nouvelle page glorieuse à son histoire, ne veut pas céder un pouce de ce terrain si chèrement conquis, après avoir fait 250 prisonniers, dont 4 officiers, pris 7 mitrailleuses et 1 canon-revolver.

 

Le 17 au matin, après une nuit de travail acharné, la position est solide et, lorsque, dans l'après-midi, deux contre-attaques successives sont lancées, elles sont brillamment arrêtées et laissent de nombreux cadavres sur le terrain.

 

 

 

 

Passage de l’historique du 150ème RI (Anonyme, Frémont, sans date)

 

…Le 16 avril 1917, à 6 heures, les trois bataillons, échelonnés l'un derrière l'autre dans l'ordre de bataille, se portent magnifiquement à l'attaque et grimpent les glacis du Mont Sapigneul formidablement organisés. L'ennemi, aux aguets, déclenche immédiatement un feu terrible sur nos rangs qui s'avancent résolument.

Des feux croisés de mousqueterie et de mitrailleuses balaient les pentes et créent des vides considérables, ce qui n'empêche pas le 1er bataillon d'enlever la première ligne et de continuer au-delà. Son chef, le commandant Lhermitte, est blessé. Le 2e bataillon, poussé en renfort du 1er, submerge la deuxième tranchée allemande mais le commandant De Marolles, promu la veille, est tué en guidant l'attaque et son dernier geste montre l'ennemi à ses hommes.. La troisième ligne allemande est atteinte et une lutte violente s'y engage à la grenade ; les unités sont dissociées et mélangées; la liaison avec le 161e n'existe plus.

 

Dès 6h30, l'ennemi, en formations serrées, lance une contre-attaque sur le 2e bataillon ; le commandant Baccavin rallie quelques fractions et, debout sur le parapet, il crie à ses hommes : « En avant nous allons montrer ce que vaut le 2e bataillon ». A peine a-t-il proféré ce cri qu'il tombe frappé à mort. Le capitaine Sarrola, qui veut continuer le mouvement, est tué aussi, mais la contre-attaque est repoussée, ainsi que plusieurs autres, venant se briser sur la ténacité des défenseurs.

Les pertes sont énormes, tranchées et boyaux sont enfilés de bout en bout par le feu plongeant des mitrailleuses du Mont Spin et du Mont Sapigneul. Ce feu est tellement intense que la liaison par coureurs est impossible, tout homme qui ne se couche pas à plat ventre au fond de la tranchée est un homme mort.

Les Allemands attaquent sans arrêt. Six barrages de fortune sont construits et défendus héroïquement par nos grenadiers.

 

Jusqu'à 14 heures, la position conquise est intégralement maintenue, mais il reste seulement quelques officiers et gradés, les munitions sont à peu près épuisées et il est impossible d'en recevoir d'autres. L'ennemi entreprend alors sur toute la position tenue par nous, un tir systématique d'une violence inouïe ; sous un déluge d'obus de tous calibres, les braves soldats du 150e tiennent toujours.

 

A 18 heures, le feu redouble d'intensité, puis, bientôt l'ennemi se précipite en masse : un combat farouche s'engage à la grenade, à coups de crosse, car nous n'avons plus de cartouches. La position est submergée mais, devant les débris du régiment regroupés dans la parallèle de départ et décidés à s'y faire tuer autour du colonel, l'ennemi épuisé arrête son effort ; seule, son artillerie continue à faire rage.

A la nuit, le colonel Rollet est grièvement blessé à la tête par deux obus de gros calibre. Sous la direction du chef d'escadron De Bonnefoy, adjoint au colonel, les survivants organisent quelques points de résistance sous un feu d'artillerie qui continue jusqu'au jour.

Cette sanglante journée du 16 avril, commencée dans un rayonnement d'espérance, se terminait dans le deuil et la tristesse. Le 150e avait pourtant écrit de son sang, sur les pentes de Sapigneul, une belle page de son histoire et il obtint une glorieuse citation à l'Ordre du 32e Corps d'Armée, transformée en octobre en citation à l'Ordre de l'Armée :    

« Le 16 Avril 1917, le 150e régiment d'infanterie, sous le commandement du lieutenant-colonel Rollet, s'est élancé avec un enthousiasme superbe et une farouche énergie à l'attaque du Mont Sapigneul et a atteint d'un seul bond la troisième ligne ennemie. Décimé par un feu terrible d'artillerie et de mitrailleuses, il a résisté toute la journée à de furieuses contre-attaques, montrant une énergie et une ténacité admirables, accomplissant des prodiges de valeur et ne s’est replié que le soir après avoir perdu son lieutenant-colonel, ses trois chefs de bataillon, la majeure partie de ses cadres et plus de la moitié de son effectif »

 

 

Passage de l’historique du 151ème RI (IMPRIMERIE BERGER-LEVRAULT)

 

Offensive de l'Aisne (16 avril 1917).

 

Le 151e tient successivement sans incident, les secteurs du Choléra, de Berry-au-Bac, de Sapigneul; retourne au Choléra qu'il organise en terrain d'attaque, pendant un mois et demi. Une offensive est, en effet, projetée pour le 16 avril 1917, dans l'Aisne. Le régiment est élément de gauche de la 69e DI.

Il doit opérer le long de la Miette, enlever la première ligne ennemie comprenant la fameuse ferme du Choléra, puis les deuxième et troisième positions ennemies.

 

Le 16, à 16 heures, le régiment, d'un seul bond, 2e bataillon en tête (commandant OBLET), avec une vigueur admirable, enlève la première et la deuxième positions. Capturant de nombreux prisonniers, s'emparant de plusieurs mitrailleuses et minenwerfers et de 3 canons lourds.

Il n'est arrêté dans sa progression de 3 kilomètres que par la position des corps voisins, moins favorisés. Il résiste à toutes les contre-attaques que l'ennemi lance furieux sur ces positions perdues par lui. Au cours de l'attaque, un fait, d'une beauté militaire incomparable montrant bien le bon, esprit de corps qui règne au régiment et l'admiration profonde qu'il a pour son chef, le lieutenant-colonel MOISSON, s'est produit.

Momentanément retardées entre la première et la deuxième positions par un tir de barrage et un régressif d'une extrême violence, les compagnies du 3e bataillon se sont arrêtées et ont formé «carapace », par section. Le colonel, voulant se rendre compte de la situation, se porte en avant et traverse le bataillon couché. A sa vue, la 11e compagnie, au commandement de son capitaine (capitaine WEBANCK) se leva et lui présenta les armes. Un fait aussi beau n'a pas besoin de commentaires.

Un trait remarquable de camaraderie et de sang-froid mérite encore d'être-mentionné : Le brancardier HENON (6e compagnie) apprend que des camarades blessés sont dans un abri allemand.

N'écoutant que son devoir, avec deux autres brancardiers imitant son exemple, il pénètre dans l'abri, mais tombe dans un tunnel occupé par toute une compagnie ennemie qui s'apprête à contre -attaquer les nôtres par derrière cet abri était resté inaperçu des nettoyeurs.

HENON est fait prisonnier et emmené au commandant de compagnie boche; interrogé, il donne de faux renseignements et, payant d'audace, dit à l'officier qu'il sait qu'une très forte attaque française va avoir lieu dans quelque instants pour s'emparer des Allemands qui ont échappé au nettoyage. L'officier allemand impressionne, se croyant impuissant, prie HENON de lui servir de parlementaire pour la reddition du fortin. HENON avertit ses chefs et 180 Boches sont ainsi cueillis sans coup férir.

Ce brave devait être tué plus tard, en 1918, après avoir reçu la médaille militaire du maréchal PÉTAIN. Dans cette offensive, le régiment a perdu 700 hommes et plusieurs officiers: capitaine CARRERE, lieutenants BOUFFARD, TRIAUREAU, de MONTCALM, HUCLIEZ.

 

Une deuxième citation à l'armée vient dignement récompenser cette belle conduite.

 

« 151e RÉGIMENT D'INFANTERIE « Régiment d'élite qui vient d'affirmer à nouveau sa réputation au cours des récents combats. Le 16 avril 1917, sous les ordres d'un chef brave et énergique, le lieutenant-colonel MOISSON, s'est porté, dans un ordre parfait, à l'assaut des tranchées ennemies puissamment organisées et fortifiées. A enlevé les première et deuxième positions, puis a progressé au-delà, évoluant comme à la manœuvre, sous le feu des mitrailleuses et des barrages d'artillerie lourde. A brisé net de puissantes contre -attaques et s'est maintenu sur le terrain conquis sous un bombardement d'une violence extrême.

A fait de nombreux prisonniers, pris des canons et des mitrailleuses. »

 

Dès lors, le 151e porte la fourragère aux couleurs de la croix de guerre, se classant définitivement parmi les troupes d'élite.

 

 

Passage de l’historique du 162ème RI (IMPRIMERIE BERGER-LEVRAULT)

 

Le 162ème, qui fait maintenant partie de la 69ème DI. (Général MONROË), est alors commandé par le colonel de cavalerie BERTRAND. Depuis le début de l'année, il n'a pas connu de repos véritable. En vue de l'offensive du 16 avril, entre la Miette et l'Aisne, les différents objectifs du régiment sont : sur la première position allemande, la Courtine du Choléra ; sur la deuxième, la ferme Mauchamp : au delà la tranchée de Wurtzbourg, et enfin Prouvais, à 8 kilomètres de la base de départ.

Le 162ème part à l'assaut, colonel en tête, sous un tir de contre-préparation formidable qui, dès avant l'attaque, lui a causé des pertes sérieuses. Un magnifique enthousiasme anime les poilus, et l'exemple de leur colonel contribue beaucoup à les exalter.

La première position allemande est prise d'un bond ; de nombreux prisonniers y sont faits dans un immense tunnel qui court sous la deuxième ligne de tranchées.

La marche continue vers le deuxième objectif ; elle se heurte à une résistance opiniâtre de l'ennemi, qui barre terriblement le chemin d'une incessante d'obus et de balles que déversent à l'envie les mitrailleuses de terre et les mitrailleuses des nombreux avions qui ne cessent de nous survoler à très basse altitude.

 

Cependant, dès 8 heures 30, le 1er bataillon est au bois des Vestales ; à 10 heures, la ferme Mauchamp est prise. Plus de 4 kilomètres ont été parcourus dans les lignes ennemies.

Le régiment est en pointe très avancée puisque à droite la cote 108 n'a pas été prise et qu'à gauche Juvincourt est encore aux Allemands. L'ordre arrive de stopper : bien que 800 de leurs camarades et plusieurs chefs soient déjà tombés, les hommes brûlent de marcher encore, et ce n'est pas sans une tristesse générale que l'on est obligé de s'arrêter et de s'organiser défensivement à 600 mètres au delà de la deuxième position allemande.

 

On travaille sous un bombardement intensif, mais le courage est encore si ferme que, dès le lendemain 17, le bois du Sous-Marin est enlevé par un groupe de 100 hommes (glorieux reste d'un bataillon) et que le 17 une puissante contre-attaque allemande, menée par deux divisions fraîches, vient se briser devant nos fusils, nos mitrailleuses et s'écrase sous un barrage extrêmement précis des artilleurs du 268ème.

 

Quand le régiment est relevé, le 28, il n'a pas perdu un pouce de ses gains, mais il laisse dans les plaines de Mauchamp, 29 officiers et plus de 1 100 hommes.

 

 

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