1914 - 1918

135ème Régiment d’Infanterie

EXTRAIT

DE L’HISTORIQUE DU RÉGIMENT

 

 

 

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Merci à Marie Paule

 

 

ANGERS

Lithographie Militaire P. DEMANGE

1920

135ème RÉGIMENT D’ INFANTERIE

 

 

 

  Créé en 1813, le 135ème R.I. ne tarda pas à s’inscrire au livre d’or ; 6 mois en effet, lui suffisent pour qu’on lise sur son drapeau les trois noms de LUTZEN, où pendant 11 heures il arrêta les Prussiens au pont de Halle, payant le succès du quart de son effectif, GOLDBERG où il fut lancé trois fois à l’assaut des Russes occupant le plateau de WOLFSBERG, et HANAU où ses baïonnettes lui ouvrirent la route de France, barrée par les Bavarois.

 

  Aussi hardi, à l’attaque que tenace dans la défense, le 135ème R.I. prit part à toutes les actions de la campagne de France de 1814. Supprimé en 1815, il reparaît en 1873 et depuis cette époque, il s’est employé tout entier à forger des volontés, à élever des cœurs, à préparer des âmes, en un mot à former des hommes.

 

  Le 135ème, déjà couvert de lauriers, devait encore subir des chocs plus sanglants, essuyer des pertes plus cruelles, d’où il devait sortir plus glorieux encore.

 

 

ANNÉE  1914

  Lors de l’agression allemande de 1914, le 135ème, commandé par le Colonel DE BAZELAIRE, est entièrement composé de Bretons et d’Angevins. Dès l’ordre de mobilisation, c’est une hâte fébrile jusqu’au 5 août, jour où le Régiment quitte ANGERS, montant vers les frontières de l’Est où se concentrent nos troupes. Il débarque en Lorraine, dans la région de PONT-SAINT-VINCENT, avec la 18ème D. I. à laquelle il appartient. C’est alors une série de marches, de déplacements, d’organisation défensives, depuis l’arrivée au col de MILLERY, près NOMÉMY, jusqu’au 21 août où le régiment, franchissant la Meuse, entre en BELGIQUE. Ce n’est que le 22 août au soir que la 135ème prend contact avec l’ennemi dans la région de BIÈVRES. L’artillerie ennemie, à cette époque bien supérieure à la nôtre, nous cause des pertes cruelles : 17 officiers, 1 500 hommes tués, blessés ou disparus, tel est le bilan de la première journée de bataille.

Le repli des forces françaises a commencé. Le 135ème chargé de maintenir l’ennemi pendant le repli de sa Division, soutient pendant 5 heures un combat héroïque et s’illustre par une brillante charge à la baïonnette.

Il reçoit alors l’ordre de se replier, après avoir perdu son colonel, blessé dans le courant de l’action. La retraite a lieu par MÉZIÈRES, CHARLEVILLE, sous une chaleur torride, par des routes encombrées de troupes de toutes armes, qui se conforment elles aussi au grand mouvement de repli de l’armée française.

 

  Le 29 août, la 18ème D. I. arrive dans la région de RETHEL et y prend position. Le 135ème établi dans la région de FAUX est attaqué le 30 août à 7 heures. L’artillerie allemande appuie son infanterie par un feu d’une violence extrême qui nous cause de lourdes pertes.

 

  Pressé de plus en plus par des forces supérieures, le Régiment est obligé de se retirer ; un ordre du Général de brigade survient à cet instant, ordonnant une contre-attaque, pour arrêter des éléments du 12ème Corps Saxon qui menacent de nous déborder. Le Régiment décimé na plus que deux compagnies disponibles, la 4ème et la C. H. R. Le Colonel GRAUX qui a remplacé le Colonel DE BAZELAIRE n’hésite pas un instant, donne l’ordre d’attaque et part en avant, entraînant ses deux compagnies, qui chargent héroïquement avec le drapeau. Mais la violence du feu ennemi les oblige à s’arrêter après quelques centaines de mètres, et même à se replier pour sauver le drapeau lacéré par les balles et les obus. Ce fut une des plus dures journées du Régiment ; il avait perdu 11 officiers, 1 100 hommes.

 

  Les hommes qui restent, accablés de chaleur ou de fatigue, n’ont plus de sacs, soit qu’ils n’avaient pu les porter plus longtemps, soit qu’ils les aient déposés pour ne plus les retrouver pour l’héroïque contre-attaque du 30 août.

 

  Néanmoins, la poussée allemande diminue d’intensité. Notre retraite se poursuit sans trop de difficultés, mais fatigante à cause de la chaleur toujours accablante. L’ennemi martèle continuellement nos avant-postes, mais ne prononce pas d’attaque bien sérieuse. Sur la Marne, il est nécessaire de hâter le passage ; dans la nuit du 3 au 4 septembre, après une marche forcée de plus de 5 heures, le régiment franchi la Marne à CONDÉ-SUR-MARNE. Le 5 au soir nous occupons la ligne VERT-LA-GRAVELLE, TOULON-LA-MONTAGNE. Ce même jour à 21 heures, un officier de cavalerie vient apprendre que des cavaliers ennemis stationnent dans le Château de VERT-LA-GRAVELLE. La 12ème compagnie attaque immédiatement, et tombe sur une batterie montée, au lieu et place des cavaliers ; elle attaque les servants, tue les chevaux, s’empare du château, et bientôt du village de VERT-LA-GRAVELLE, seuls les canons ne purent être pris, les Allemands avaient eu le temps de les retirer. Le 6 au matin, le régiment est violemment attaqué par des forces supérieures soutenues par une puissante artillerie. Le 135ème refoulé à travers les marais se reconstitue, le soir, au sud du MONT - AOUE. Nos pertes sont de 12 officiers et 634 hommes.

 

  Le 9, au matin, violente canonnade ; le régiment est engagé cote 166 (N. de FÈRE-CHAMPENOISE) et bientôt le combat devient très meurtrier. L’artillerie ennemie se démasque subitement, prenant nos mitrailleuses d’enfilade, elle les contraint à se replier malgré une héroïque résistance. Le lieutenant-colonel GRAUX et son adjoint le capitaine PONS sont blessés et faits prisonniers. Le colonel GRAUX parvint à regagner nos lignes la nuit suivante, le capitaine PONS était mort quelques heures après sa blessure. Tous les chefs de bataillon sont tués ou blessés, c’est le capitaine SANCERET qui commande le régiment. Les hommes sans ravitaillement depuis 2 jours, sans eau, sont exténués. Le 10, la marche reprend vers FÈRE-CHAMPENOISE, sous le commandement du commandant DELETOILE, qui rentre de convalescence. L’ennemi a laissé de nombreux cadavres sur le terrain. On retrouve les corps des commandants NOBLET et PONS qui sont inhumés à FÈRE-CHAMPENOISE. Nous retraversons la Marne à CONDÉ-SUR-MARNE. Le 12 nous atteignons les GRANDES-LOGES, où les puits sont contaminés ; le 13, nous ramassons quelques traînards ennemis à MOURMELON-LE-PETIT. Le quart du régiment traverse PROSNES et reprend le contact avec l’ennemi qui tient les hauteurs de MORONVILLIERS. Malgré de violents feux d’artillerie et de mousqueterie nous conservons le village de PROSNES. Le commandant DELETOILE est blessé, le capitaine ABBADIE prend le commandement du régiment. C’est le commencement de la période de stabilisation et de l’interminable guerre de tranchées, qui convient mal à notre caractère audacieux, mais à laquelle nous sommes obligés de nous plier, jusqu’au jour où nos moyens d’attaque deviendront supérieurs aux moyens de défense de l’ennemi.

 

  Le 26 septembre, les Allemands tentent en vain de nous reprendre le village de PROSNES, quelque uns de leurs éléments parviennent jusqu’au moulin à 2 ou 300 mètres du village; mais une résistance héroïque et plusieurs retours offensifs nous permettent de conserver entièrement nos positions.

 

  Le 135ème jouit ensuite d’un repos bien gagné, le premier depuis la mobilisation, puis il reprend les lignes au nord de THUISY, où il reste jusqu’au 20 octobre. A ce moment la 18ème division d’infanterie est regroupée pour aller en Belgique, où les Allemands viennent de déclancher leur fameuse attaque sur CALAIS. Le 22 octobre, le régiment embarque à MOURMELON et débarque le lendemain à HAZEBROUCK et BAILLEUL, d’où il est transporté rapidement en auto-camions jusqu’à YPRES. L’ennemi faisant des efforts de plus en plus violents pour atteindre la mer, il fallait se hâter pour lui barrer le passage. C’est à cette époque que le régiment a trouvé un des plus mauvais secteurs de toute la campagne. Le terrain n’est plus qu’un vaste bourbier coupé par des tranchées et des boyaux presque remplis d’eau, par lesquels le ravitaillement est presque impossible ; la température, s’abaissant de plus en plus, vient augmenter encore la souffrance physique de nos glorieux « Poilus ».

 

  Le 25 octobre, le 135ème en liaison avec le 114ème attaque et s’empare de ZONNEBECKE, malgré la violence de l’artillerie et la forte résistance de l’infanterie allemande. Le régiment fait une centaine de prisonniers et prend plusieurs mitrailleuses ; le lendemain 26 et surlendemain 27, nous poursuivons notre avance et dépassons la route de ZONNEBECKE-BECELAERE. Dures journées pour le 135ème qui perd le Colonel MAURY tué en avant de nos lignes. La bataille fait rage, l’ennemi veut à tout prix s’emparer d’YPRES chaque jour et renouvelle ses attaques, mais le 135ème tient bon malgré les pertes cruelles qu’il éprouve. Le commandant de SOLNINIHAC, qui a remplacé le colonel MAURY, est blessé ; le commandant MARIANI prend le commandement du régiment jusqu’à l’arrivée du commandant COLLIARD, qui est tué presque aussitôt. Pendant trois semaines, le régiment reste dans la fournaise de l’YSER. Les compagnies n’ont plus que quelques dizaines d’hommes, transis, affamés, boueux et déguenillés, qui se battent comme des lions. Le 12 novembre nouvelle attaque allemande, d’une rare violence ; grâce au brouillard notre première ligne tombe entre leurs mains, mais le 92ème régiment d’infanterie, composé de troupes fraîches, rétablit la situation dès le lendemain. Le 135ème tient la position jusqu’au 21 novembre grâce aux renforts de la classe 14 qui arrivent. Après quatre jours de repos à l’ouest d’YPRES, le régiment remonte en secteur sous le commandement du colonel AUDIAT-THIRY, sur la ligne HOOGE-ZILLEBECKE .

 

 

ANNEE 1915

 

 

  Au début de l’année, le régiment ne prend part qu’à quelques opérations de détails dans les secteurs nord-est d’YPRES. Le 25 avril, après trois semaines de repos à l’ouest d’Arras, le 135ème part par alerte en auto-camions et débarque en Belgique vers LIZERNE. L’ennemi ayant passé le canal de FURNES à YPRES grâce à l’emploi de gaz asphyxiants, est parvenu à installer une tête de pont à STEENSTRAETE. La brigade CODET et le 135ème ont pour mission de reprendre ce terrain. Le 26, une première attaque reste sans succès ; dans la nuit du 26 au 27, une seconde est aussi infructueuse, ce n’est que le 27 que les Allemands sont forcés de repasser le canal. Le colonel AUDIAT-THIRY avait été tué au cours des opérations, le capitaine BALEDENT, qui l’avait remplacé, avait subi le même sort, et successivement le commandant NACQUART, les capitaines TOURLET et ABBADIE sont blessés. Après les intérims du commandant PORTIER et du capitaine RICHET, le colonel GABON prend le commandement du régiment.

 

  Le 135ème est relevé au début de mai et revient vers ARRAS. Le 10, il monte dans le seceur de BERTHONVAL-NEUVILLE-SAINT-VAAST et y reste deux mois. Le 15 juin, le commandant NICLOUX est nommé au commandement du régiment. Après deux mois de repos et d’instruction le 135ème prend le secteur d’AGNY le 29 août. Le 25 septembre, il attaque les positions allemandes en trois vagues successives ; et malgré la fatigue de quatre journées de travaux et de préparations, il pénètre dans les premières et deuxièmes lignes ennemies, mais les régiments voisins ne progressent pas et le 135ème est bientôt débordé, malgré l’héroïsme de ses soldats. Les trois chefs de bataillon de la VERRERIE, LACOSTE et RICHET sont tués en entraînant leur bataillon. La journée nous coûte 38 officiers et 1 162 hommes. Mais les Allemands ont énormément souffert. Le 37ème régiment de Landwehr allemand, qui résista à l’attaque du 135ème, fut cité à l’ordre des armées allemandes « pour avoir subi le choc le plus impétueux de l’offensive, sur ce point du front ».

 

  Le village de Loos ayant été enlevé par les Anglais, le 9ème corps d’armée est chargé de l’organisation des nouvelles lignes, le 135ème passe l’hiver 1915-16 jusqu’au premier jour de janvier dans ce secteur ou l’activité ennemie se traduit par de violents bombardements et de continuels combats d’avant-postes.

 

ANNEE 1916

  Après une période d’instruction au camp de SAINT-RIQUIER, le régiment par en février au bois en HACHE, près d’AIX-NOULETTE. Le 21, il subit la contre-attaque allemande de GIVENCHY, diversion aux attaques de VERDUN. Du 3 au 8 mars, occupation du secteur de la côte 109 (SOUCHEZ) dans des conditions pénibles. Après quinze jours de repos à BERCK-PLAGE, le régiment gagne par étapes MONTDIDIER. Le 18 avril, le 9ème corps d’armée est embarqué en auto-camions pour VERDUN.

 

  Le 21 avril, le 135ème est en seconde ligne à la cote 304. Le 27 il passe en première ligne au bois e CAMARD et dans le ravin d’AVOCOURT. Sa mission se borne à des travaux d’organisation défensive sous un bombardement terrible. Le 3 mai, il est relevé. L 5, à peine arrivé au cantonnement, « alerte », sur le régiment remonte dans le même secteur rendu méconnaissable en deux jours par le bombardement. Le 6 mai, les 2ème et 3ème bataillons doivent relever en première ligne deux bataillons décimés du 66ème. Seules trois compagnies peuvent avoir des guides. Le terrain bouleversé permet à peine de se reconnaître. Le bombardement est d’une intensité effrayante et nous cause des pertes énormes. Le 66ème, affaibli, n’ayant pu empêcher de fortes patrouilles allemandes de pénétrer dans nos lignes, notre relève en de nombreux points est accueillie à coups de fusils, et plusieurs groupes sont faits prisonniers, entre autres, les liaisons des 2ème et 3ème bataillons. Dans la journée du 7, l’effort ennemi redouble, nos pertes sont cruelles, le bombardement bouleverse tellement le terrain que les communications sont impossibles. Néanmoins le 114ème parvient à monter en ligne, et malgré ces effroyables feux d’artillerie, nous tenons les positions que nous réussissons même à consolider. VERDUN coûte au régiment 31 officiers, 979 hommes. Le 10 mai, le 135ème est relevé et part au repos dans la région de SAINT-DIZIER, VITRY LE FRANÇOIS, où il reste une vingtaine de jours. Le 2 juin, il monte en secteur à la BUTTE DE SOUAIN, ferme de Navarin, il devait y rester trois mois; lutte à la grenade, alerte continuelle, mais aucune action offensive sérieuse. La première quinzaine de septembre est passée au repos vers ARCY SUR AUBE et après une courte période d’instruction au camp de MAILLY, le régiment retourne vers les plaines de la Somme, où notre offensive se poursuit sans relâche. Le 8 octobre, sous les ordres du colonel RICHARD, le 135ème prend les lignes près de COMBLES, face à SAILLY SAILLISEL. Le 10 octobre, le 3ème et le 1er bataillons attaquent et gagnent du terrain. Le 12, la progression continue mais dans des conditions très difficiles, les régiments qui nous encadrent arrêtés par des feux de mitrailleuses très violents ne suivent pas, et les deux bataillons isolés et menacés reçoivent l’ordre de regagner leurs anciennes tranchées. Le 13 au matin, le 77ème vient relever les deux bataillons d’attaque. Le 2ème bataillon seul reste en secteur et la 7ème compagnie parvient à progresser dans la nuit du 15 octobre.

 

ANNEE 1917

  Le régiment remonte en secteur à BOUCHAVESNES, où il arrête un coup de main ennemi. Le 14 janvier, le 135ème quitte la 18ème division d’infanterie et passe à la 152ème, c’est avec cette nouvelle division d’infanterie qu’il prend les lignes de BIACHES, la MAISONNETTE. Après quatre mois dans les secteurs de la Somme, secteurs très pénibles à cause de l’état du terrain qui n’est qu’un vaste bourbier, le 135ème alerté subitement part en chemin de fer et débarque à SAINT MENEHOULD. Après quelques jours d’attente dans cette région, il s’achemine vers le camp de MAILLY pour y faire une période d’instruction en vue de l’offensive d’avril.

 

  Au début d’avril, le 9ème corps d’armée est dirigé vers la Marne, puis vers la Vesle. Le 16 avril, la 152ème division d’infanterie est dirigée sur HERMENON-VILLE, et doit faire partie des troupes d’exploitation du succès. Le 135ème, sous les ordres du colonel CAMORS, est prêt à toute éventualité. Le 17, le 1er bataillon est poussé en soutien de la 41ème division d’infanterie sur LOIVRE. Le 23, le 2ème et 3ème bataillons vont relever les Russes, très durement éprouvés, dans le secteur de COURCY, devant BRIMONT. Le 28 avril, le 1er bataillon qui a rallié le reste du régiment, passe la canal de l’Aisne et s’empare de 300 mètres de tranchées. Après un court repos, le 135ème se retrouve en réserve de la 152ème brigade (41ème division d’infanterie) les 4 et 5 mai, devant BERMERICOURT. Puis, successivement en ligne dans le secteur de VILLERS-FRANQUEUX du 19 au 22 mai, et dans le secteur de BERRY AU BAC LA NEUVILLE après un repos  de trois semaines à CUMIÈRES.

 

  Du 10 au 27 août, instruction au camp de SAFFAIS. Du mois d’août à la fin de l’année, le 135ème tient les secteurs de DOMJEVIN et de la forêt de PARROY.

 

ANNÉE 1918

  Le 12 janvier, sous les ordres du colonel RÉGNIER-VIGOUROUX, le régiment revient dans la région de SAFFAIS-ROSIÈRES aux SALINES et y reste jusqu’à la fin du mois. Il part ensuite effectuer des travaux sur la deuxième position dans le secteur de HOEVILLE, REMEREVILLE, COURBESSAUX. Le 20 février, le lieutenant CAILLEAULT, commandant les trois compagnies marocaines, prend part au coup de main de MONTCEL-SUR-SEILLE ; Le 23 mars, le régiment est alerté et transporté en auto dans la région de BACCARAT pour parer à toute éventualité Alerté pendant trois jours, le 135ème fait mouvement le 28 vers CHARMES.

 

  Le 30, embarquement à CHARMES. Dans la nuit du 31 au 1er avril, débarquement à GANNES et BRETEUIL. La 152ème division d’infanterie a pour mission de faire face à un ennemi qui tenterait de s’infiltrer entre les 1ère et 3ème armée sur la ligne SAINT-MORAINVILLERS-MAIGNELAY. Le 4 avril, l’ennemi attaque fortement la 1ère armée. Le 135ème reste alerté sur son emplacement de combat. Le 14 et 15, il va occuper le secteur d’ESCLAINVILLERS où il restera jusqu’au 30 mai ; malgré les tirs d’obus toxiques, malgré un coup de main allemand sur la 9ème compagnie, ce qui lui vaut une citation, malgré la fatigue et l’épuisement le régiment tient. L’aviation allemande est particulièrement active, mais nous avons le plaisir de voir plusieurs avions tomber dans nos lignes ; l’un deux est descendu par le mitrailleurs ROGER, de la C.M. 3 et un autre par BASSET Léon, de la même compagnie. Le 10 mai, appuyé par les feux du 2ème bataillon et de la C. M. I. le 135ème enlève brillamment le parc de GRIVESNES. Du 23 au 25, le 2ème bataillon perd une grande partie de son effectif dans le bois de COULLEMELLE, sous des tirs violents d’obus à gaz. Dans la nuit du 1er au 2 juin, le 272ème régiment d’infanterie vient nous relever. Dans la nuit du 2 au 3, le 135ème se porte à BRUNVILLIERS-LA-MOTTE, bientôt l’offensive allemande se déclenche après une préparation d’artillerie par obus toxiques sur tout le front de la 3ème armée. Les Allemands avancent rapidement. Le 135ème fait partie des troupes d’élite placées sous le commandement du général MANGIN, pour briser l’attaque ennemie qui devrait ouvrir la porte de PARIS.

 

  Le 11 juin, à 10 h 30, le régiment montant sur la croupe de MERY franchit la base de départ, ses trois bataillons en profondeur dans l’ordre 3ème, 2ème, 1er, 1 500 mètres nous séparent de l’ennemi bien protégé par un barrage de gros calibres. Le régiment reformé dernièrement avec un gros renfort de jeunes de la classe 18 se montre d’une bravoure indomptable.

 

  L’ennemi qui se voit enlever l’initiative du combat oppose une résistance acharnée, malgré de violents tirs de mitrailleuses, malgré les feux de barrages, malgré la destruction de nos chars d’assaut qui sont en grand nombre la proie des flammes, MERY est dépassé vers 14 heures. Nos troupes tiennent bon, les contre-attaques furieuses des Allemands se brisent sur la barrière désormais infranchissable de l’armée MANGIN. PARIS est sauvé. – Grosses pertes le 11 au 3ème bataillon dont le commandant est blessé vers midi. Le 2ème bataillon vient relever le 3ème au début de la nuit du 11 a 12. L’ennemi contre-attaque les 12 et 13. Le 2ème bataillon est cité à l’ordre du corps d’armée avec le motif suivant :

  « A peine reconstitué, le 2ème bataillon du 135ème régiment d’infanterie a pris part avec entrain, sous le commandement du capitaine de la ROCQUE, à la puissante attaque du 11 juin, et résiste très brillamment, le 13, à de nombreuses contre-attaques, conservant le terrain conquis et causant à un ennemi très supérieur en nombre de très graves pertes. »

 

  Après ce coup terrible, le régiment part au repos dans la région de CAMPRENY-BONVILLIERS ; Le 6 juillet il remonte en ligne près de GRIVESNES. Dans la nuit du 21 au 22 il se porte dans les bois de MONTGIVAL, ALLONGE et FOUCHON. Le 23, à 5 h 45, ave un élan superbe, le 135ème attaque AUBVILLIERS, le 2ème bataillon face au village, le 1er au nord et le 3ème en soutien. A 6 h 25, après de durs combats le village est occupé par le 2ème bataillon. Le 1er bataillon, de son côté, enlève trois lignes de tranchées permettant l’avance du régiment voisin, 380 prisonniers, 12 officiers, dont en E. M. de bataillon, une grande quantité de matériel, tel est le tableau de cette belle journée qui vaut au 135ème une citation à l’ordre de l’armée :

 

  « Sous le commandement du lieutenant-colonel REGNIER-VIGOUROUX, dont l’action personnelle fut pour une large part dans le succès du 23 juillet 1918, a enlevé en moins de trois heures, sur une profondeur de 3 kilomètres, toutes les organisations ennemies couronnées par le village fortifié d’AUBVILLIERS, s’y est maintenu malgré les violents efforts de l’ennemi, faisant 380 prisonniers, dont 12 officiers, et capturant un important matériel de guerre dont 5 canons de 77, 3 canons lance-bombes, 10 minenwerfers légers et 39 mitrailleuses. Avait déjà pris une part glorieuse à la contre-offensive des 11, 12 et 13 juin 1918, en enlevant les positions ennemies au nord de MERY et en s’y maintenant malgré les terribles contre-attaques ».

 

  Le 135ème fait partie ensuite des troupes de poursuite, place qu’il tiendra avec honneur jusqu’à l’armistice.

 

  Le 9 août, à 12 h 45, le 135ème, 2ème bataillon en tête se porte à l’attaque du bois RAOUL LEMAIRE et du parc de DEVENESCOURT. Malgré des efforts répétés, le bois RAOUL LEMAIRE ne peut être atteint avant la nuit à cause du nombre considérable de mitrailleuses ennemies. Le lieutenant SIFFROY est tué glorieusement en entraînant sa section. Le lieutenant PAUMARET a la cuisse brisée, et continue à encourager ses hommes. Le matin du 10, le 1er bataillon reprend l’attaque à son compte et après un court mais violent bombardement s’empare du bois RAOUL LEMAIRE, du parc, du château et même du village de DAVENESCOURT, faisant de nombreux prisonniers. Continuant son avance, il atteint BECQUIGNY, passe l’Avre, prend le bois de la FAMILLE, MARQUIVILLIERS, mais ne peut en déboucher. Le 11, l’attaque reprend, le 1er bataillon s’empare d’ARMANCOURT. Le 135ème avance toujours et, le 16, toute l’ancienne position française est entre nos mains, mais LAUCOURT hérissé de mitrailleuses est défendu énergiquement. Le 17, après une attaque infructueuse avec chars d’assaut où la 7ème compagnie et le lieutenant DELATTRE se sont fait remarquer par leur audace et leur courage, le 135ème, aux abords du village, n’est relevé que le 23 août et part dans la région de CROISSY.

 

  De telles qualités de mordant et d’endurance valent au régiment une citation à l’ordre de la première armée :

  « Sous le commandement du lieutenant-colonel REGNIER-VIGOUROUX, après avoir, du 8 au 9 août, rompu la résistance de l’ennemi, s’est emparé de plusieurs positions fortifiées et de villages, a réalisé une avance de 12 kilomètres, capturant près de 200 prisonniers, 150 mitrailleuses et un très important matériel. N’a cessé, jusqu’au 23 août, de combattre, donnant ainsi les preuves d’un magnifique entrain et de la plus grande vaillance.»

 

  La 7ème compagnie est également citée à l’ordre de l’armée.

  Enlevé en auto-camions, le 135ème débarque le 3 septembre à RETHONVILLIERS. Le 3ème bataillon prend immédiatement les avant-poste, le pont de QUIQUERY et marche sur OFFOY. Le 5, au petit jour, par une action audacieuse et d’une extrême rapidité, la 10ème compagnie et des éléments de la 9ème et de la 11ème, durement éprouvée la veille, s’empare du passage de la Somme à OFFOY. Malgré de violentes contre-attaques des Allemands, le 6, la tête de pont est suffisamment élargie pour permettre le passage de toute la 152ème division d’infanterie. Le 3ème bataillon est cité à l’ordre du corps d’armée.

 

  « Le 5 septembre 1918, le 3ème bataillon du 135ème régiment d’infanterie, sous le commandement du chef de bataillon HOLL, a enlevé brillamment et par surprise un village formant tête de pont après avoir traversé une rivière et un canal sur une passerelle improvisée A conservé le terrain conquis malgré deux fortes contre-attaques précédées de bombardements d’une violence extrême avec obus explosifs et toxiques. »

 

  La poursuite continue rapide, ce sont successivement RANCOURT, VILLERS-SAINT-CHRISTOPHE, AUBIGNY, BRAY-SAINT-CHRISTOPHE, qui tombent malgré de vies résistances. Le 7, le 1er bataillon attaque HAPPENCOURT qui ne tombe que le 8 à 17 heures, après une lutte acharnée à la grenade.

 

  Le régiment passe alors en réserve de division d’infanterie. Le 17, il reçoit l’ordre d’attaquer la cote 102. Après 30 minutes de préparation d’artillerie, le 2ème bataillon s’élance mais se trouve arrêté, en arrivant aux fils de fer ennemis, par des mitrailleuses qui le déciment rapidement. Le 18 l’attaque reprend sur un plus large front, menée par les trois bataillons. Les mitrailleuses arrêtent à nouveau nos hommes qui arrivent néanmoins à s’emparer, par infiltration, de CASTRES et des lisières ouest de CONTESCOURT, marchant vers les cotes 102 et 103 qui sont dépassées le lendemain. Dans la nuit du 29 au 30, le 135ème se prépare à attaquer un système de tranchées au nord de la route CASTRES-URVILLERS, mais les Allemands n’attendent pas le choc et se replient jusqu’à la ligne HINDENBURG, ligne formidable protégée par des réseaux épais et intacts, des mitrailleuses sous abris bétonnés et qui nécessitera une grosse dépense d’artillerie avant de tomber entre nos mains. Le régiment relevé dans la nuit de 3 au 4 octobre part au repos vers DURY.

 

  A partir du 16 octobre, le 135ème est à la disposition de la 15ème division d’infanterie. Dans la nuit du 16 au 17, les 1er et 3ème bataillons prennent les lignes devant la corne sud de BERNOVILLE et le cote 153.

 

  Le 17, l’attaque se déclanche, mais arrêtée par les feux de mitrailleuses, nos vagues d’assaut restent toute la journée en butte à des tirs d’artillerie très meurtriers.

 

  Le 18, la poursuite reprend à 5 h 30 et nos vagues collant au barrage arrivent jusqu’à la route de BERNOVILLE, où elles se heurtent à des réseaux intacts, nos pertes sont lourdes. A 14 heures, le 114ème, ayant pris BERNOVILLE et AISONVILLE, une action est ordonnée en direction du sud-est. Le 2me bataillon surprend l’ennemi par son attaque soudaine et lui fait 150 prisonniers. Le régiment est récompensé par un grand nombre de citations à l’armée, dont une à son chef, le commandant CONSCIENCE, et une autre au 2ème bataillon.

  « Sous le commandement habile et ardent du chef d’escadron de la ROCQUE, a attaqué par surprise, en la tournant, une position ennemie fortement organisée et défendue, s’en est emparée, a pris une centaine d’Allemands et deux canons, puis a exécuté un changement de pont difficile et a entamé la poursuite. »

 

  A partir du 26 octobre, le régiment se tient prêt à prendre part à la grande offensive de la 1ère armée, c’est-à-dire forcer le canal de la Sambre à l’Oise. L’opération présente des difficultés qui paraissent insurmontables A l’heure fixée cependant, le 1er bataillon, utilisant quatre passerelles lancées par le génie, franchit le canal et élargissant son action s’empare de deux lignes de tranchées. A force d’énergie, le régiment passe sur la rive est. Le 3ème bataillon s’empare de la ferme de Jérusalem et pousse dans la direction d’IRON qu’il ne peut atteindre dans la soirée. Le 5, au matin, le 3ème bataillon s’emparait d’IRON ainsi que de quelques prisonniers et d’un important matériel. Le 135ème passe ensuite réserve de division d’infanterie. Pour sa brillante conduite, le 1er bataillon est cité à l’ordre du corps d’armée :

  « Le 4 novembre 1918, devant HANNAPES, sous l’habile et énergique direction de son chef, le commandant CHATEIGNON, a réalisé le passage de vive force du canal de la Sambre à l’Oise, malgré une défense acharnée d’un ennemi auquel il a fait 90 prisonniers et pris 8 mitrailleuses lourdes, 17 légères et 1 minenwerfer. »

 

  A la suite de cette série de faits d’armes, le 135ème est cité pour la 3ème fois à l’ordre de l’armée :

  « Le 4 novembre 1918, sous le commandement du Colonel REGNIER-VIGOUROUX, a forcé le passage du canal de la Sambre à l’Oise, au sud d’HANNAPES, triomphant grâce à la superbe énergie du Commandant CHATEIGNON, commandant les unités de tête, de la défense acharnée de l’ennemi, a progressé au cours de la journée du lendemain de plus de 4 kilomètres, enlevant tous les objectifs assignés y compris le village d’IRON et capturant : 167 prisonniers, 61 mitrailleuses et 7 canons. »

 

  Bientôt d’armistice était signé, le 11 novembre, à 11 heures du matin, la grande souffrance, les privations, l’horrible cauchemar, le voisinage constant de la mort, tout cela n’était plus que de l’histoire.

 

  Le 135ème redescend alors à pied de la frontière belge jusque dans la région de BEAUVAIS, qu’il devait quitter le 10 décembre pour entrer en Lorraine, et passer ensuite dan l’armée d’occupation en attendant la signature de la paix. Le 1er mai 1919, le Colonel REGNIER-VIGOUROUX est obligé de se séparer du 135ème qu’il a conduit continuellement à la gloire, le Lieutenant-Colonel BOISSELET prend le commandement du Régiment.

 

  Nous ne saurions terminer ce petit exposé de l’historique du 135ème, sans adresser à nos camarades tombés sous les plis du drapeau, l’hommage de notre éternelle reconnaissance et de nos sentiments les plus émus. Gloire aux combattants du 135ème morts pour la France, ils furent les premiers artisans de la victoire et c’est grâce à leur martyre que nous avons retrouvé nos provinces perdues, libéré notre sol envahi et assuré le triomphe de la justice et du droit sur la barbarie teutonne.

 

 

 

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