CAMPAGNE  1914-1918

HISTORIQUE   DU

20e REGIMENT  D’INFANTERIE

 

 

 

 

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Merci à Jean Paul

 

 

 

22 Août 1914 – 9 Novembre 1918

 

 

Nouvelle épopée

 

 

Deux dates marquant deux faits bien différents dans l’histoire du 20e.

Le 22 août 1914, en Belgique, le 20e éprouvait le premier choc dans une lutte inégale et participait à la retraite de l’Armée Française, battue matériellement, mais gardant intacts son courage et sa confiance.

Le 9 novembre 1918, ayant chassé l’ennemi du sol meurtri des régions du Nord, le 20e, le premier de toute la 1re Armée Française, franchissait la frontière et reprenait sur le même sol Belge, l’éclatante et ultime revanche du combat initial, contraignant directement le monstre germanique à demander plus qu’un armistice : à signer la capitulation du 11 novembre 1918.

 

 

22 Août 1914 - 11 Novembre 1918

 

 

Deux dates que séparent quatre années de fatigues, de souffrances physiques et morales mêlées de visions hideuses de la Mort, choses inconnues jusqu’alors d’une humanité qui se croyait devenue civilisée.

Quatre années au cours desquelles le soldat Français a montré les belles qualités de sa race : abnégation, esprit de sacrifice, courage, restaient toujours vivaces.

Les souffrances endurées, les actes d’héroïsme accomplis ne doivent pas rester ignorés.

L’histoire du soldat de la Grande Guerre doit être connue de tous ; elle contribuera à vivifier les forces morales de la Nation et donnera au héros modeste et très souvent obscur la gloire justement méritée.

Cette histoire du combattant est celle du 20e et de tous ceux qui, à des époques différentes, servirent sous son numéro et l’illustrèrent.

Composé en majeure partie, au début de la campagne, de Gascons et d’hommes des départements de l’ancienne province de Guyenne, le régiment vit son recrutement d’origine modifié au cours de la guerre par l’incorporation d’importants renforts de braves Limousins et de soldats de la Marche qui constituaient sa classe 1915, de Bretons résolus et de courageux gars Normands que lui amenait la classe 1916, de délurés et jeunes soldats de la région parisienne, de l’Eure et du Maine, des classes 1917 et 1918, les derniers venus dans la bataille.

Le régiment compta aussi des représentants de toutes les régions de la France.

C’est ainsi que l’on vit le Flamand réservé se lier d’amitié avec l’exubérant Gascon. On vit les anciens choyer, à leur arrivée, les soldats des classes nouvelles, les initier à

tous les détails de la vie du poilu et leur donner les conseils du guerrier averti.

On vit les jeunes, s’efforçant, dans une noble émulation, de faire aussi bien que leurs aînés, d’être aussi crânes sous le feu.

On entendit le gamin de Paris lancer ses lazzis sous la rafale ; on le vit au cantonnement distraire et amuser ses camarades.

Tous ces tempéraments divers, tous ces caractères différents s’unissaient cependant aux heures de danger ou dans l’action commune, montrant, dans leur ensemble, autant de résolution dans l’attaque que de ténacité et d’opiniâtreté dans la défense.

Incluse dans les deux dates du 22 août 1914 et du 9 novembre 1918, l’histoire du 20e se confond avec l’histoire même de la guerre.

Sur tout le front, du Pas-de-Calais aux Vosges, il n’est que bien peu de points où le 20e n’ait pas été appelé à combattre.

Ardennes et la Meuse, Marne, Champagne (Perthes-les-Hurlus), Artois, Lorraine, Champagne (Butte-du-Mesnil, Moronvilliers), Verdun (Thiaumont, côte du Poivre, bois des Caurières et bois Le Chaume), Hauts-de-Meuse (d’Eix aux Eparges), Woëvre, Forêt d’Apremont, Ourcq, Ailette (Coucy et Forêt de Saint-Gobain), Oise (Mont d’Origny et Guise), Anor et Momignies  (frontière Belge) tels sont les noms glorieux dont le régiment s’enorgueillit à juste titre.

Et ce n’est pas l’une des moindres gloires du 20e que de pouvoir dire que depuis la retraite de Belgique d’août 1914, non seulement il ne perdit jamais un mètre de terrain confié à sa garde, mais qu’il eut au contraire la constance de toujours l’améliorer par de nouveaux gains, parfois même de sa propre initiative.

Sept citations, dont 3 à l’ordre de l’Armée, 2 à l’ordre du corps d’armée et 2 à l’ordre de la brigade, attestent désormais sa vaillance et ses succès.

Vaillance ! Oui, certes ! et les chiffres de ses morts et de ses blessés, dans toute leur rigueur et toute leur tristesse, pourraient aussi l’attester.

Soldats qui n’êtes plus et dont les familles vous pleurent ; soldats qu’une blessure mutila, et vous plus heureux que les projectiles épargnèrent, soyez assurés qu’au double point de vue de la grandeur des sacrifices et des succès réalisés, vous avez élevé bien haut l’honneur du régiment.

Braves poilus, chers camarades, tombés en pleine gloire avant d’avoir connu la victoire de nos armes, vous dont les tombes jalonnent tous les points du front où l’ennemi se heurta au 20e, nous vous devons, nous que la chance favorisa et dont la mort ne voulut point, d’être vos historiens.

Nous devons mettre tout notre cœur et toute notre âme au service d’une si belle tâche qui honorera les vivants, mais qui glorifiera les morts, et qui sera notre façon d’élever vers eux une prière, car

 

Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie,

Ont droit qu’à leur tombeau la foule vienne et prie.

 

Vous êtes trop, hélas ! et vos gestes sont trop semblablement magnifiques pour être tous cités dans cet historique au cadre limité. Mais les faits et les dates qu’il mentionne rappelleront à tous, à vos familles comme à vos compagnons d’armes, des souvenirs plus particulièrement chers ou douloureux.

A vous tous que le 20e compta dans ses rangs, cet historique sera le souvenir d’une longue et terrible guerre qui demeurera entre vous comme une sorte d’initiation à jamais close à tous les autres, une sorte d’immense secret incommunicable aux humains et dont un simple regard, une expression de visage, suffiront à révéler d’âme en âme, l’indéfinissable présence.

Une date, un nom de hameau, l’évocation d’un certain bois ou d’un bout de chemin, des vestiges d’un moulin ou d’une ferme, suffiront pour faire revivre dans vos mémoires les plus pathétiques souvenirs.

 Ces feuillets ajouteront à l’histoire du régiment de nouvelles pages que les jeunes soldats des classes futures liront pour se représenter la grandeur et la constance de l’effort de leurs aînés de la Grande Guerre, leur ténacité dans le succès ou leur abnégation dans l’adversité, pour comprendre les sacrifices immenses que représentent les sept Croix de Guerre qui, sous la fourragère, insigne des régiments d’élite, ornent l’écharpe du Drapeau, pour comprendre enfin quel héritage de gloire leur ont légué les soldats de la Champagne et de Verdun qui, dans la France de la Marne, ont perpétué les pures traditions de la France de Valmy.

Gloire et honneur au 20e et à tous ses soldats !

 

        Mobilisation

 

Ayant effectué sa mobilisation dans l’enthousiasme patriotique qui exaltait tous les cœurs révoltés par l’agression allemande, le 20e, à l’effectif de 50 officiers et de 3.315 hommes de troupe s’embarque dans la nuit du 5 au 6 août, ses trois bataillons se suivant à quelques heures d’intervalle.

Dans la matinée du 8 août, les bataillons débarquent aux gares de Suippes et de Cuperly et vont cantonner à Perthes, Tahure, Les Hurlus, Mesnil-les-Hurlus, jusqu’au 11, jour où commencent les marches de concentration de la 4e Armée.

Le régiment suit l’itinéraire: Maison-de-Champagne, Cernay, Bouconville, Montchetin, Senuc, au confluent de l’Aire et de l’Aisne, traverse l’Argonne au défilé de Grandpré, Beffu, Thenorgues, défile à Buzancy devant la statue du général CHANZY, poursuit sa route sur Sommauthe, Stonne qui se dresse au sommet d’une colline abrupte.

 La Besace, Yoncq, franchit la Meuse à Mouzon et arrive à Euilly, petit village situé sur les hauteurs entre la Meuse et la Chiers.

Pendant les cinq jours que dure son stationnement à Euilly, le régiment organise une position sur la rive sud de la Chiers, puis l’idée d’offensive qui a succédé à celle de défensive, porte résolument nos troupes à la rencontre des armées allemandes qui ont envahi la Belgique.

Brusquement alerté le 21 à 5 heures, le régiment, par Tetaigne, Sachy, Messincourt, franchit la frontière Belge vers 10 heures dans le Bois de Pure et atteint au début de l’après-midi Sainte-Cécile, bourg de 500 habitants qui se dresse dans une immense clairière de la forêt des Ardennes. Les unités se casent tant bien que mal dans le village, où en cette chaude soirée d’août, se trouve un extraordinaire et formidable rassemblement de troupes. Il y a bien là 8.000 à 9.000 hommes.

 

  Combat d’Ochamps et retraite de Belgique  (22 au 25 Août 1914)

 

Toute la nuit, une animation intense emplit la petite commune d’ordinaire si paisible et quand, à 4 heures, le lendemain, le régiment reçoit l’ordre de partir, personne n’a pu prendre un repos réparateur.

L’outil est mis au ceinturon et chaque homme reçoit un supplément de cartouches.

Le régiment s’engage dans la sombre Forêt d’Herbeumont, puis, par la pittoresque route qui suit les méandres de la rivière, passe dans la vallée de La Semoy, aux pentes abruptes parsemées des éboulis des ardoisières, d’un beau reflet changeant violacé.

A Cugnon, la colonne quitte La Semoy, franchit la lisière nord de la forêt des Ardennes et pénètre dans la plaine Belge qui s’étend à l’ouest de Neufchâteau, par la route de Bertrix.

Son arrivée aux portes de la localité est marquée par un incident d’un caractère nouveau, qui restera gravé dans toutes les mémoires parce qu’il marqua le début de tous ces drames de l’air, de tous ces combats aériens, toujours profondément émouvants.

Survolant la colonne à faible attitude, un avion allemand se trouve soumis au feu de mousqueterie soudainement déclanché tout le long de la colonne. Tout à coup, il semble désemparé et tandis qu’il pique vers le sol, des milliers de poitrines poussent des acclamations.

Quelques instants après, en passant sur la route de Bouillon à Recogne, les tireurs peuvent voir dans un champ et brisé, le taube qu’ils ont abattu.

Tandis que le régiment poursuit sa marche, une émotion presque joyeuse parcourt toute la colonne. On vient de percevoir des coups de fusil dans la direction de la Forêt de Luchy, située sur l’axe de marche et où la présence de patrouilles de cavalerie ennemie était déjà signalée.

Le contact est pris par les éléments de pointe de l’avant-garde composée de six compagnies du 20e  (le 3e bataillon et les 1re et 4e compagnies).

Dans la colonne, tous les soldats ont la plus grande confiance dans l’issue du combat prochain. Ils devisent sur l’effet de la première rencontre avec le Boche (l’Alboche, comme on disait au début de la campagne) et, pour bien s’y préparer, bourrent de cartouches le magasin du fusil.

Le colonel DETRIE s’est porté en tête, au delà de Bertrix, avec les éléments de pointe et donne ses ordres.

Il est 10 heures, l’avant-garde se déploie à travers bois.

 La colonne elle-même quitte la grand’route de Recogne pour prendre à gauche un chemin qui, à travers la Forêt de Luchy, conduit à Ochamps. Ses formations prises, ses liaisons assurées, le 3e bataillon débouche, vers 13 heures, de la lisière nord du bois et attaque la croupe sud d’Ochamps, dont on aperçoit le clocher, et se trouve aussitôt soumis au feu intense des tirailleurs ennemis installés sur cette crête.

Ce ne sont plus des patrouilles que les unités d’avant-garde trouvent en face d’elles, mais bien un ennemi dont la force ne s’était toute dévoilée et qui paraît vouloir résister sur une position où il s’est solidement installé.

La fusillade crépite de part et d’autre. Des sections de première ligne progressent par bonds tandis que celles de soutien sortent des bois dont la lisière est bientôt battue par le tir des batteries de 77 et de 105.

Les obus s’abattent dans un vacarme assourdissant dans le court espace où les unités sont venues se tasser.

Les compagnies de tête multiplient leurs attaques et, brusquant le mouvement, se lancent farouchement à l’assaut de positions retranchées, mais avant de les aborder, nos factions, emportées dans une noble furia, sont fauchées par les mitrailleuses et les tirailleurs ennemis abrités.

Au cours de l’un de ces assauts, le clairon DUCLA, debout sous les rafales, sonne inlassablement la charge jusqu’au moment où un obus lui emporte la tête.

Notre artillerie ne peut appuyer la progression.

Imprudemment engagé dans le bois, formé en colonne sur un unique chemin, tout un groupe de 75 cherche vainement à prendre position.

Les 2e et 3e compagnies opèrent par doublement le renforcement des unités qui sont en avant du bois. A son tour, le 2e bataillon est porté en renfort sur la ligne pour prolonger vers la gauche le 3e bataillon et couvrir sur ce flanc le régiment maintenant engagé en entier.

Ayant ainsi renforcé par leurs propres moyens la puissance de feux de l’attaque mais n’ayant pas davantage l’appui de l’artillerie, les 1er et 3e bataillons tentent désespérément de bousculer la résistance et de  se frayer un passage.

Vains efforts ! l’ennemi, terré, enraye toutes les tentatives, fauche les vagues dont la dépense d’énergie n’a pas diminué le courage. Des vides se créent. Des blessés poussent des cris déchirants, se traînent, courent ou rampent à l’abri d’un pli de terrain pour échapper aux rafales de balles qui balayent le sol..

Il y a deux heures que le combat est engagé, les effectifs ont fondu. Des officiers sont tombés et parmi eux le commandant GREGORY et le commandant FIAMA, les capitaines ROCCHESANNI, SEGUELAS, les lieutenants et sous-lieutenants FINCK, FILLAIRE, PASCAL et CAPELLE. D’autres sont blessés ;des fractions ne sont plus commandées ou le sont mal.

La progression n’étant pas soutenue ne peut être poursuivie. Certains éléments sont trop avancés et dangereusement exposés. Ordre est donné de les faire replier et à tout le monde de tenir et de s’établir sur la position atteinte pour parer à toute contre-attaque de l’ennemi. C’est la seule tactique qui convienne à la situation.

Sur la ligne, la perte de quelques chefs se répand très vite. La nouvelle de la mort du commandant du régiment ajoute une autre émotion à celle du combat.

Ce n’est que plus tard, lorsque des témoins purent en faire le récit, que l’on connut les circonstances de la mort du colonel DETRIE, qui doivent être relatées pour honorer la mémoire de ce chef aimé et respecté, tombé en pleine gloire, face à l’ennemi, et parce qu’elles constituent le plus bel exemple d’héroïsme et de sentiment de l’honneur.

S’étant porté dès le début de l’engagement en lisière du bois, presque en première ligne, pour surveiller le déroulement de l’action, le colonel DETRIE exhortait les hommes, leur rappelant 1870, les gloires du 20e. Par sa présence, il ranimait les courages. Vers 16 h.25, le capitaine NEGRIER, commandant la 3e compagnie, qui venait se mettre en liaison avec son camarade commandant la 1re compagnie, le capitaine FAUQUEUX, fut atteint d’une balle à la poitrine et tomba inanimé.

Tandis que le combat faisait rage, que les fusils et les mitrailleuses crépitaient, que la mitraille des obus s’abattait sur le bois en le hachant, le colonel DETRIE se précipita vers le capitaine NEGRIER, et, s’étant agenouillé pour le panser, fit signe que tout secours était inutile.

Ayant l’atroce vision de la mort décimant ses unités, sentant que tout effort était vain et que son régiment tout entier engagé là il ne reviendrait que des débris, le colonel se releva très calme, parfaitement maître de lui, alla s’adosser à un arbre, à la lisière du même bois, en pleine vue. Là, les bras croisés sur la poitrine, il tomba en héros.

Jusqu’au dernier moment, le colonel DETRIE, qui ne voulut sans doute pas survivre à la perte de son régiment, ne cessa d’encourager les hommes et de leur inspirer, par son attitude héroïque, le mépris de la mort.

Les deux autres chefs de bataillon ayant été tués, le commandant DIZOT, du 1er bataillon, prend le commandement du régiment.

A la gauche du 20e, les unités voisines tiennent bon ; à droite, au contraire, la liaison fait défaut dès le début de l’engagement avec le 12e corps d’armée : un trou existe dans la ligne, par où l’ennemi s’infiltre.

Arrêté de front, et très en flèche, découvert sur son flanc droit que l’ennemi attaque, le régiment est contraint d’abandonner ses positions. Et vers la fin de l’après-midi ce fut, à travers le bois que l’artillerie allemande arrosait de ses projectiles, le repli de tous les éléments dont certains tombèrent aux mains de l’ennemi, qui avait déjà contourné par le sud la Forêt de Luchy.

La nuit tombe. Sur toute la ligne, la fusillade cesse peu à peu. Les batteries ralentissent leur tir. Au vacarme infernal accompagnant ce baptême du feu, qui pour beaucoup ne fut en même temps que la première, l’épreuve dernière, succède le calme du champ de bataille.

Tandis que ciel rougeoie à la lueur des incendies allumés dans Bertrix, Assenois, Offagne, le repli se transforme en retraite générale.

Sur toutes les routes, c’est un inextricable encombrement de piétons et de convois, où il y a de tous les régiments et de toutes les armes. Des blessés sont juchés sur toutes les voitures, sur tous les caissons.

La retraite se poursuit pendant toute la nuit et pendant les journées du 23 et du 24 août jusque dans la région d’Amblimont (La Cendrière, Château de Lombut), où les différentes fractions du régiment qui ont retraité les unes par Bouillon, les autres par la route Muno-Messincourt-Osnes, sont regroupées.

 

26 officiers et 1.350 hommes manquent à l’appel. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’on saura que ces chiffres comprenaient 220 tués, dont 10 officiers.

 

Combats sur la Meuse (MOUZON 27 Août--RANCOURT 28 Août) 

Après avoir évolué pendant toute la journée du 25 sur les hauteurs de la rive droite de la Meuse, pour couvrir la retraite de la 4e Armée, le 20e franchit à son tour la Meuse à Mouzon, dans la matinée du 26, mêlé au triste exode des habitants que l’invasion chasse de leur foyer.

Le régiment occupe une position défensive sur un mouvement de terrain de la rive gauche, à l’ouest de Pourron.

Le 27 août, la 7ecompagnie, sous le commandement du capitaine de l’ESTOILE, est envoyée à Mouzon pour renforcer la section du sous-lieutenant NAZAT, de la même unité, qui, seule, détachée à 4 kilomètres de nos lignes, a reçu la veille mission d’interdire aux Allemands le franchissement de la Meuse et d’empêcher l’établissement d’un pont. Cette compagnie remplit si bien sa mission, fait une telle hécatombe dans les rangs ennemis qui se pressent dans les rues, que les Allemands, que cette résistance exaspère, ne trouvent d’autre moyen pour avancer que d’aller quérir une douzaine d’otages et de marcher derrière ce rempart humain.

Dans le combat qui s’engage de part et d’autre du fleuve, la compagnie perd son chef et le lieutenant ROBINET, tous deux tués, et une trentaine d’hommes.

Le lendemain, 28, après avoir bivouaqué à Flaba, le 20e participe, à la droite du 17e corps d’armée, à un retour offensif de l’armée LANGLE DE CARY. La bataille a pour pivot le village de Raucourt, et le bois de Cogneux, situé à l’Est, constitue l’objectif du régiment.

De Maisoncelle, 2e bataillon en tête, les unités progressent sur le plateau de Villiers dans un ordre parfait, bien que soumises au tir fusant des 77 et 105. Elles traversent le ravin de Raucourt où l’artillerie ennemie a établi un barrage très dense d’obus de gros calibre qui cause des pertes sérieuses.

Le 2e bataillon atteint le sommet du mamelon, au sud du Bois de Cogneux, sans pouvoir dépasser la crête que l’infanterie allemande tient sous le feu intense de ses mitrailleuses dissimulées dans les blés.

Les batteries de 75, violemment contre-battues par l’artillerie lourde ennemie, ne soutiennent pas l’attaque. Encore une fois, nos éléments s’avancent à découvert contre un adversaire terré qui, nullement pris à partie par l’artillerie, garde son entière liberté d’action.

L’engagement est inégal. De nouveau le repli est ordonné et, par une marche qui dure toute la nuit, le régiment arrive le 29 aux premières lueurs du matin à Mongon, près de Le Chesne-Populeux.

En cours de route, à Tannoy, les unités perçoivent, au train régimentaire, des vivres que, depuis trois jours, elles n’ont pas touchés.

     

Retraite et bataille de la Marne (29 Août--13 Septembre 1914)

 

Le mouvement de repli continue vers le Sud-Ouest. Tandis que la 5e compagnie, formant la pointe d’arrière-garde de la colonne de corps d’armée et laissée à Voncq, interdit les passages sur le Canal et sur l’Aisne, le régiment s’engage sur les hauteurs de la rive gauche, à l’ouest de Vouziers, où il organise des centres de résistance (Plateau de Mazagran, Ferme de Constantine, Loizy) pour permettre l’écoulement du 17e corps d’armée vers Châlons.

Il abandonne d’ailleurs ces positions sans les avoir occupées, l’ennemi n’étant pas intervenu, et poursuit sur route par Bourcq, Contreuve, Semide, Somme-Py, Sainte-Marie-à-Py (1er septembre), Ferme Navarin, Souain, Suippes, Cuperly (2 septembre), Saint-Etienne-au-Temple, Châlons. A Moncetz, le régiment défile devant le général J. B. DUMAS, qui vient de prendre le commandement du corps d’armée, tandis que le général GUILLAUMAT prend celui de la 33e division.

Vitry-la-Ville, Cheppes, les hauteurs entre Marne et Coole, à l’ouest de Songy, Coole, Sompuis, Humbeauville et Saint-Ouen jalonnent, avec les précédents villages, la route suivie par le 20e du 30 août au 6 septembre.

A cette date, la retraite de l’Armée française est arrêtée. Ordre est donné à tous et en tous lieux de faire front à l’ennemi qui avance triomphalement croyant à notre défaite. La bataille reprend et tout de suite avec une extrême intensité. La 66e brigade étant en réserve d’armée n’est pas engagée dès le début. Le régiment évolue de positions en positions, le 6 et le 7 à l’est et au nord-est de Saint-Ouen, puis chacun de ses bataillons est mis le 8 à la disposition des unités engagées dans cette même région.

Le 2e bataillon, porté en renfort du 50e, occupe la Crête sud d’Humbeauville, à cheval sur la route de Saint-Ouen à Sompuis et enraye la progression des Allemands qui tentent en vain de déboucher du village. Ceux-ci se heurtent à leur tour à l’énergique résistance de nos fantassins qui ne parvient pas à réduire un déluge effrayant d’obus de gros calibre déchaîné pendant toute la journée du 9 sur la crête qu’ils ne lâchent pas parce qu’on leur a dit de tenir coûte que coûte sur ce point considéré comme la clé de la défense.

Et, de fait, les Allemands ne purent jamais franchir les lisières sud d’Humbeauville qui marque l’extrême limite de leur avance pendant la bataille de la Marne.

Ses trois bataillons ayant été regroupés, le 20e est mis de nouveau à la dispo­sition du général commandant la 67e brigade, et reçoit l’ordre de reprendre, en liant son action à celle du 14e régiment d’infanterie, la Ferme de La Certine.

Ce résultat atteint, le combat est poursuivi sans arrêt. Successivement, les Fer­mes de La Perrière et de La Croix sont reprises à l’ennemi dont la farouche résis­tance cède sous nos coups, au cours d’engagements poussés jusqu’à l’assaut de ces positions.

Le 10 au soir, le 2e bataillon s’empare de la croupe au nord de la Ferme La Croix sur laquelle le 1er bataillon le relève peu après.

Fantassins et artilleurs ont fait bonne besogne.

Les 75, qui ont tiré sans relâche, ont fait des hécatombes dans les rangs saxons. La bataille qui se livre depuis quatre jours tourne à notre avantage, et son succès est tangible. L'avance réalisée, les cadavres ennemis, le matériel de toute nature, les pièces d’artillerie et les caissons abandonnés attestent bien l’importance de la victoire de l’Armée Française.

Voilà qui dédommageait de bien des journées d’épreuve que le régiment venait de traverser et des fatigues qu’il avait endurées, marchant jour et nuit durant la retraite, presque sans arrêt et le plus souvent sans ravitaillement.

L’ardeur et l’entrain n’avaient pas fléchi, mais ce succès de nos armes venait les décupler.

C’est dans de telles conditions que s’entama la poursuite des armées allemandes.

            Maisons-en-Champagne, Pringy (11), Songy, Ablancourt, Aulnay-l’Aître, Coupeville (12) ,Le Fresne, Poix, Somme-Vesle, Tilloy, La Croix-en-Champagne, Somme-Tourbe et Saint-Jean-sur-Tourbe marquèrent les étapes de notre avance victorieuse au cours des journées du 11 au 13 septembre. La plupart de ces villages étaient incendiés systématiquement. De Somme-Tourbe, notamment, dont le 20e traversa les ruines fumantes peu après le passage des Allemands, il ne restait intactes que l'église, l'école et une ou deux maisons.

   

Combat des Hurlus et du Mesnil (14 au 26 Septembre 1914) 

 

De bonne heure le 14, la poursuite reprend. Abandonnant, dès la sortie de Saint-Jean, la route de Minaucourt qui suit la Vallée de la Tourbe, le 20e, qui forme une colonne avec un groupe de 75, s’engage à travers champs en direction du Nord-Ouest, dans la région si caractéristique d’entre Tourbe et Suippes aux larges mouvements de terrain coupés d’étroits ravins et parsemés de boqueteaux de pins aux formes géométriques, aux lisières régulières et droites.

Le 2e bataillon constitue l’avant-garde. Il tombe une pluie fine et le sol crayeux, détrempé, rend la marche difficile.

Après avoir franchi la route Hurlus-Le-Mesnil et en atteignant la crête à 800 mètres au nord de ces villages, dans lesquels une quinzaine d’Allemands ont été faits prisonniers, les éléments de tête sont assaillis par un feu violent, parfaitement ajusté, de mitrailleuses et d'infanterie.

Le 2e bataillon opère son déploiement et continue sa progression, mais, soumis à un feu d’enfer, sa première ligne de tirailleurs est bientôt obligée de se coucher.

L’artillerie de campagne et l’artillerie lourde allemandes entrent en action. Dès le début du combat, plusieurs officiers sont blessés : le capitaine MIRAN, comman­dant le bataillon, les capitaines COSTEMALLE et BAENZIGER, le sous-lieutenant MOUSSET.

            Le chef de bataillon DIZOT, qui commande le régiment, engage successivement les deux autres bataillons de part et d’autre du bataillon de tête pour manœuvrer la résistance ennemie par les ailes. Mais toute tentative de notre part est déjouée par l’adversaire qui a choisi son terrain, a assisté sans se dévoiler, dans des positions déjà organisées, à notre progression de la matinée et a attendu que nous nous engagions sur ce glacis à bonne portée de fusil.

L'action des 75 est molle, leur aide inefficace. Les munitions sont limitées, les caissons vides pour la plupart.

            Lorsque la nuit vient, quelques unités sont maintenues sur la position ; le reste du régiment est regroupé et dispute dans les journées suivantes, du 17 au 20, et dans des attaques quotidiennes, la possession définitive de la crête où l'ennemi l’empêche de s’établir.

Le 20 septembre, à 17 heures, le 3e bataillon, prolongé à sa droite par un peloton de la 7e compagnie, dans un superbe élan et dans un suprême effort, franchit résolument la crête sous un feu terrible et s’installe sur la pente opposée. Le capitaine HUTARD, commandant la 9e compagnie, est tué au cours de l’assaut. L’en­nemi couvre d’un déluge de projectiles la position dont l’organisation est poursui­vie fébrilement toute la nuit et sur laquelle, dans la nuit du 21 au 22, le 11e régi­ment d'infanterie vient relever le régiment.

Entre temps, le 18, le 2e bataillon va renforcer le 9e régiment d'infanterie, dans la région de la Ferme Beauséjour, sur le Marson, à l’est du Mesnil, mais n’a pas à intervenir.

Cantonné à Laval, le régiment, dont le lieutenant-colonel MOLLANDIN, qui vient de l’état-major de la 4e Armée, prend le commandement, profite du repos pour dénombrer ses pertes, réorganiser ses unités éprouvées par quinze jours d’opérations continues.

Certaines compagnies qui avaient perdu 150 hommes jusqu’à la bataille de la Marne et ont été recomplétées depuis à l’effectif de 250 , ne comptent déjà plus que de 110 à 150 hommes, soit en un mois de combats, une perte égale en blessés et tués à leur effectif total.

Le lieutenant-colonel MOLLANDIN prend le commandement du régiment le 25 septembre au soir. A la même date, le chef de bataillon ALLEHAUT, venu de l’état­-major du 17e corps d’Armée, prend le commandement du 2e bataillon, tandis que le capitaine ESPINET cesse ses fonctions d’officier adjoint pour être mis à la tête du 3e bataillon.

Brusquement, le 26 septembre, à 5 h.15, le régiment est alerté dans son cantonnement. On apprend avec stupeur que la position acquise si chèrement le 20 a été bousculée et enlevée au début du jour par les Allemands. Le régiment reçoit l’ordre de barrer la route à l’ennemi dont l’attaque se développe.

Débouchant à l’ouest de Wargemoulin, le 20e régiment d’infanterie se porte à la contre-attaque menée opiniâtrement par le 3e bataillon dans le ravin de la cote 147, et par le 2e bataillon dans la région de ce ravin.

Les Allemands déferlent de tous les bois en masses compactes et s’approchent jusqu’à 200 mètres des positions de batteries qui tirent à mitraille sans arrêt.

Notre contre-attaque, survenant à point, se déclenche sur le flanc gauche ennemi. Sa violence, et plus encore l’énergie farouche dont les hommes font preuve, ébranlent l’adversaire. Non seulement notre contre-attaque enraye son avance, mais elle l’oblige immédiatement à reculer dans un inexprimable désordre, poursuivi par nos baïonnettes et par nos feux. Sur une profondeur de près de 3 kilomètres, les cadavres et les blessés de la division de landwehr saxonne qui vient d’attaquer, jonchent le terrain. Une cinquantaine de prisonniers restent entre nos mains. Les Alle­mands regagnent leur base de départ, notre première ligne est intégralement rétablie.

            Deux mois plus tard, en citant à l’ordre le 20e, le général SAVATIER dira que «  le 26 septembre, deux bataillons eurent la gloire de faire reculer plus d'une brigade ennemie et de transformer sa retraite en complète déroute ».

Au cours de cette action, le sous-lieutenant MALBREIL a été tué, les sous-lieutenants MUSSIGNY et CHABAL blessés.

   

Période de stabilisation DU FRONT DE CHAMPAGNE (26 Septembre  au 20 Décembre 1914)

 

La contre-offensive du 26 septembre marque la fin des opérations offensives dans le secteur de Perthes. A partir de cette date, le front se stabilisera ; il y aura de chaudes alertes, des tentatives d’attaque de la part de l’ennemi, mais dans l’en­semble, la ligne ne bougera pas et l’on procédera à l’organisation solide des positions.

C’est à cette époque que prend véritablement naissance ce réseau formidable de retranchements nécessités par le caractère nouveau de la guerre. Progressivement, dans leur forme et dans leur étendue, ces travaux seront poursuivis pendant plus de trois ans, exécutés chaque nuit par plusieurs centaines de mille de travailleurs éche­lonnés de la mer du Nord aux Vosges. Ils constitueront, par leur extrême développement, un travail herculéen ; ils attesteront l’immensité de l’effort des armées en présence.

L’origine en a été le trou de tirailleur, relié ensuite aux trous voisins et par groupes. Creusés d’abord pour tireurs couchés, ils ont été rapidement approfondis pour que le soldat debout puisse s’y tenir à l'abri. Dès la tombée de la nuit, les occupants de ces trous précaires laissent le fusil pour prendre la pelle et la pioche et, inlassablement, se relayant pour mettre à profit le maximum des heures d’obscurité, ils améliorent leur position : tranchées continues que protège un mince réseau, boyaux étroits, abris légers, si légers que leur souvenir fait sourire maintenant.

Aucun technicien n’a guidé le premier travail. Le fantassin, exposé aux balles sournoises, à la mitraille des obus, a immédiatement fait sienne cette besogne, construisant selon les nécessités qu’il était mieux que quiconque à même de comprendre, et selon une expérience qui grandit très vite.

Chaque nuit la masse silencieuse des travailleurs continuait l’œuvre de la nuit précédente.

            Et l’obstination que les soldats du 20e mirent pendant des semaines à creuser dans le sol crayeux un réseau aussi complet d’ouvrages judicieusement établis sous l’impulsion méthodique du lieutenant-colonel MOLLANDIN, chef de corps dont l’énergie égalait la froide bravoure et la tranquille assurance, fut aussi méritoire que la tenue qu’ils montrèrent au feu.

Pour couvrir les travailleurs et pour maintenir l’esprit offensif du régiment, d’incessantes patrouilles parcourent chaque nuit le terrain, fouillent les bois entre nos tranchées et celles de l’ennemi, et s’avancent au contact de ses lignes.

Le sergent HUMEAU, qui s’est signalé au cours de la contre-attaque du 26 septembre, exécute une patrouille hardie. Surpris au moment où il franchissait le réseau ennemi, il est mortellement blessé. Les soldats qui l’accompagnent, et parmi eux les soldats DUBOURG, MEUNIER et CHAUMONT rapportent sous la fusillade son corps, après avoir rempli leur mission.

Dans la nuit du 3 au 4 novembre, la 7e compagnie s’installe sans coup férir à 600 mètres en avant de nos positions, dans un bois dénommé Bois des Allemands, qu’une hardie reconnaissance, exécutée par le sous-lieutenant NAZAT, qui en avait eu l’initiative, avait parcouru de jour à quelques dizaines de mètres des tranchées allemandes. Cette occupation, due à l’initiative même des exécutants, permit à toute la ligne de s’avancer au contact immédiat des ouvrages ennemis. Elle fut le point de départ des opérations offensives qui se déroulèrent pendant l’hiver 1914 -1915.

                Toute l’œuvre du 20e pendant les mois d’octobre et de novembre se trouve résumée par la citation que lui décerna le colonel SAVATIER, commandant la 66e bri­gade.

 

Ordre de la brigade n° 7  du 26 Novembre 1914 

En modifiant aujourd’hui les conditions de relève du 2e secteur et en apportant aux fatigues du 20e un allègement que les circonstances n’avaient pas permis d’accorder jusqu’à ce jour, le colonel commandant la 66e brigade tient à citer à l’ordre de ce régiment pour son héroïque garde des tranchées de première ligne.

Depuis le 26 septembre, jour où deux bataillons ont eut la gloire de faire reculer plus d’une brigade ennemie et de transformer par leurs feux ajustés sa retraite en complète déroute, les 1er et 3e bataillons ont occupé avec un effectif restreint toutes les tranchées 10, 11, 12, 5, 6, 8, et comme aucune autre troupe n’était disponible, ils ont demeuré stoïquement douze jours sans aucune relève, passant leurs journées à recevoir avec la plus grande bravoure des marmites dans les tranchées, les nuits à enterrer les nombreux cadavres allemands restés dans nos lignes, à creuser sous le feu ennemi les retranchements et à les doubler de fils de fer.

Le 6 octobre, la rentrée du 2e bataillon (commandant ALLEHAUT) dans le secteur permit enfin d’accorder aux défenseurs des deux centres de résistance deux jours de repos à Laval pour quatre jours aux tranchées. Mais comme chaque fois la relève dut se faire avant le jour, le repos de la deuxième nuit était forcément écourté.

Malgré ces fatigues réelles, et qu’en bons Français les soldats du 20e ont supportées fièrement, ils surent creuser encore de nuit des kilomètres de tranchées et de boyaux ainsi que de nombreux refuges, puis, quand ils furent solidement établis sur une ligne, ils n’eurent qu’une préoccupation : refouler le service de sûreté ennemi et se rapprocher encore des tranchées allemandes que leurs patrouilles reconnaissaient sans cesse avec la plus grande activité. Ils eurent ainsi la constance de progresser jusqu’aux bois qui gênaient leur vue, puis, d’un bel élan, jusqu’au Bois des Allées (Allées NAZAT) et Bois des Allemands (Bois ASSEMAT) où ils se dressent aujourd’hui à 100 mètres des tranchées allemandes.

Le colonel commandant la brigade félicite le lieutenant-colonel MOLLANDIN de commander un si beau régiment et adresse à tous les officiers, sous-officiers et hommes qui le composent ses compliments les plus sincères. Il sait que je jour où il le demandera, les 100 mètres qui leur restent à parcourir jusqu’aux Allemands seront rapidement franchis par de tels soldats.

 

Côte 147, le 26 novembre 1914.

 

Le colonel Savatier, commandant la 66e brigade.

 

Signé : Savatier.

 

 

   

Offensive de Champagne-Perthes (20 Décembre 1914 - 30 Mars 1915)

 

Après la bataille de l’Yser, le front s’est partout stabilisé ; la guerre de mou­vement a vécu. Le haut commandement veut sortir d’une situation indécise qui pour­rait se prolonger et songe à percer le front ennemi au centre, c’est-à-dire en Champagne. Dans la deuxième quinzaine de décembre, la bataille se rallume dans la région de Perthes. Elle prend une forme nouvelle : la guerre de tranchées, terrible par les moyens qu’elle oppose, tant pour vaincre que pour résister.

Le 20 décembre, comme le général de brigade le prévoyait dans l’ordre précé­dent, les 100 mètres qui séparaient nos positions des « Tranchées Grises » furent vite franchis. Le 1er bataillon, sous le commandement de l’héroïque commandant HEBRARD parti en tête de son unité au son de ses clairons dressés sous la mitraille et sonnant la charge, vint briser l’élan de ses vagues contre les défenses laissées intactes par la préparation d’artillerie, dans une courtine de lignes ennemies. Alignés le long du réseau, les tirailleurs furent décimés à quelques mètres du but par le feu croisé des mitrailleuses placées en flanquement de la courtine. Des sections entières furent fauchées.

De ce bataillon qui, en s’élançant de nos tranchées, savait qu’il marchait à la mort, on ne comptait le soir venu qu’un seul officier et 150 survivants. Neuf offi­ciers avaient été tués dont le chef de bataillon et ses quatre commandants de com­pagnie (capitaine MERCHERZ, lieutenants DHERS, MOREREAU, SOUQUE, GUILLOT, SAUJON). Les pertes en hommes de troupe se chiffraient à 718.

Remise successivement au 21, puis au 22, par suite de retards dans la prépa­ration d’artillerie, l’attaque fut reprise le 23 décembre par le 2e bataillon qui avait pour objectif l’ouvrage dénommé « Tranchées Brunes », auquel le commandement attachait une grande importance pour le développement des opérations. Cet ouvrage en notre possession, c’était une partie des positions voisines qu’il flanquait qui tom­bait à son tour. A l’heure fixée, 12 h. 52, après une préparation violente de six minutes exécutée par une quinzaine de batteries de tous calibres, la 7e compagnie, sous le commandement du lieutenant NAZAT, menait un assaut légendaire, bientôt suivie des autres unités du bataillon ALLEHAUT.

            Sans dévier de leur axe, malgré le barrage d’artillerie de campagne et des minen que l’ennemi avait déclenché, les compagnies en vagues successives déferlèrent sur la position, chassant les défenseurs allemands des tranchées où ils essayaient encore de résister et poussèrent au delà de l’objectif assigné. Outre une vingtaine de prisonniers, un important matériel, 6 mi­trailleuses, un canon-revolver, un canon de 5m/m  sous coupole blindée, un minen­werfer figuraient parmi les prises.

L’ennemi tenta de furieux retours offensifs qui tous furent enrayés par notre feu. Nos pertes étaient moyennes, mais la plupart des officiers du 2e bataillon étaient hors de combat : sous-lieutenants MARTINI, GAUTHIER, SEILHEAN, NAZAT; le sous-lieutenant DECHE, commandant la 8e compagnie, était tué.

Prononcée au début sur un front de compagnie, l’attaque victorieuse s’étendait le soir à plusieurs kilomètres de tranchées.

 

 Ces deux dernières actions du régiment lui valurent d’être cité en ces termes à l’ordre de la brigade n° 10 du 25-12-1914 ;

 

Le colonel commandant la 66e brigade cite à l’ordre le 20e régiment d'infanterie. Il adresse un hommage plein d’émotion aux braves du 1er  bataillon, morts dans le plus bel élan patrioti­que, sous la conduite de l’héroïque commandant HEBRARD.

Le 2e bataillon s’est illustré le 23 dans un assaut magnifique qui arrachait des cris d’admiration aux chefs qui l’observaient de leur poste de commandement. Honneur au commandant ALLEHAUT , à ses braves officiers, sous-officiers et soldats.

 

Signé : SAVATIER.

 

 

Quelques jours après, le 27, une compagnie du 3e bataillon reçoit l’ordre d’enlever le Bois Jaune, que l’ennemi tient encore sur notre droite et d’où il gêne nos positions avancées. L’ouvrage est emporté. En une nuit, un boyau de 200 mè­tres est creusé qui relie la nouvelle position aux anciennes tranchées.

A partir de ce jour, le régiment n’a qu’une mission : maintenir les organisations conquises contre les entreprises de l’ennemi et il s’y emploie bravement, notamment le 29, où le 3e bataillon repousse une violente attaque de nuit déclenchée à 23 heures.

Toutes les positions confiées à la garde du régiment sont maintenues intactes au cours des relèves successives des bataillons qui alternent jusqu’au 20 janvier, jour où l’organisation du secteur de la 33e division d’infanterie est à modifier ; le régiment est relevé aux Tranchées Brunes.

Le 20e est alors affecté au sous-secteur de gauche, limité à l’est par le boyau du Moulin de Perthes, à l’ouest par le Bois I (Côte 200, Bois Triangulaire, Bois en Equerre, 800 mètres est de 204). Le poste de commandement du commandant du sous-secteur est au bois côte 181.

Le 3e bataillon, cantonné à Laval, prend dans la nuit du 21 au 22 la place des unités de la 34e division d’infanterie et du 207e régiment d’infanterie qui tiennent les tranchées devant Perthes et, la nuit suivante, le 1er bataillon, dont le chef de bataillon BONNAFONT vient de prendre le commandement, relève dans la partie ouest du sous-secteur le 59e régiment d’infanterie.

Le régiment n’y fait qu’un court séjour et, le 29, il est mis au repos dans la zone Cabane et Puits, Somme-Suippes, Bussy-le-Château. Chaque nuit, il fournit les travailleurs pour les premières lignes.

Le 11février, à Somme-Suippes, le régiment assiste à une soirée récréative donnée par la troupe théâtrale du corps d’armée et dont le cours est soudainement troublé par un ordre de départ.

Les compagnies rentrent au cantonnement, s’équipent et, dans la nuit, mon­tent en ligne en vertu d’un ordre de la 4e armée qui prescrit le 12 une opération d’ensemble dont le but, pour le 17e corps d’armée, est l’enlèvement, l’occupation et l’organisation de la ligne côte 170 (est du Bois Sabot-Trou-Bricot-Bois I88).

            Dans l’intervalle la neige s’est mise à tomber et lorsque le jour est venu, les observateurs d’artillerie ne peuvent procéder à aucun réglage. Contre-ordre est donné. Le régiment revient à Somme-Suippes et Bussy. Dans la nuit du 15 au 16, il quitte à nouveau ses cantonnements et à la pointe du jour les unités occupent les places d’armes assignées.

Le commandant VAGNON, du 207e, remplace à la tête du 2e bataillon le commandant ALLEHAUT, nommé précédemment chef d’état-major de la 33e division d’infanterie.

Dès 8 heures, l’artillerie française commence un tir d’écrasement. Les objectifs sont respectivement pour les bataillons d’assaut, 3e et 1er : tranchées sud et nord du Bois Rectangulaire et du Bois 3. A 10 heures, l’attaque se déclenche au nord-ouest de Perthes. En quelques secondes, le 1er bataillon enlève la tranchée qui lui a été assignée puis, sous l’impulsion énergique des lieutenants LEVY (commandant la 1re compagnie) et LUMEAU, pousse de l’avant et atteint la deuxième ligne.

Dans le même moment, le 3e bataillon enlève le Bois Rectangulaire dont la lisière se devine à peine, tant il est haché par nos obus. Il est encore occupé par des tirailleurs ennemis qui ne font aucune résistance et sont capturés. Au total, 3 officiers et une centaine de prisonniers.

Le 2e bataillon, en réserve au début de l’action, est appelé à renforcer les compagnies du 1er bataillon que des contre-attaques ont fortement éprouvées.

Celles-ci, au nombre de trois, la première déclenchée vers midi 30 , molle d'abord, mais prenant par la suite plus de vigueur, sont toutes enrayées par le feu de nos fantassins dont l’exaltation est grandie par le succès.

Le sous-lieutenant MERCADIER, bien que n’ayant plus autour de lui qu’une vingtaine d’hommes, parvient à conserver la tranchée enlevée par la 9e compagnie.

Le capitaine DUCHE, commandant la 12e compagnie, est grièvement blessé. Les sous-lieutenants AURICES, DONNIZEAU, LOUPIAC, TOURRON, DE CROZEFOND et HUBERT sont tués.

Les pertes s'élèvent à 650 hommes, dont une centaine de tués.

Ce jour, c’était Carnaval. On cite ce mot d’un vieux soldat facétieux, pro­noncé au début de l’attaque: « Il y aura des masques ce soir. »

La continuation de l’attaque par les 2e et 3e bataillons sur les tranchées nord du Bois Rectangulaire et du Bois 3a lieu le 17 février. Les débris du 1er batail­lon, fortement éprouvé la veille, ayant été ralliés pendant la nuit à la côte 181.

            Les tentatives répétées restent sans résultats. Arrêtées par des défenses intactes à l’intérieur de ces bois, les unités subissent de très lourdes pertes.

Sans arrêt, ces attaques sont poursuivies quatre jours durant, dans le but de purger les tranchées reliant le Bois Rectangulaire au Bois 3 de tous les Allemands qui s’y accrochent désespérément.

Pendant ces dures journées, les Gascons firent preuve d’une combativité que des efforts déployés sans arrêt et des pertes considérables n’étaient pas parvenus à amoindrir.

Après une tentative infructueuse dans l’après-midi du 21 février, une attaque de nuit exécutée à 23 heures réussit sans grandes pertes à enlever l’objectif.

            Toutes les unités sont très éprouvées. Pour cette période de quatre jours, il faut ajouter aux pertes précédentes 42 morts et 115 blessés.

Relevés dans la nuit du 22, les 2e et 3e bataillons rejoignent à Somme-Suippes les éléments du 1er.

Le régiment se reforme, incorpore de nouveaux renforts.

Il en est à son 4.700e hommes depuis le début de la campagne.

Subitement alertées le 26 février, 6 compagnies (2e bataillon, 9e et 10e com­pagnies) relèvent les troupes de la 14e brigade dans le sous-secteur de Perthes, mais le quittent quatre jours après, pour rejoindre le régiment qui va cantonner à Bussy-le-Château.

Détente jusqu’au 8 mars, date à laquelle le 20e remonte et s’installe au bivouac à Cabane-et-Puits.

De nouvelles opérations sont en préparation.

Le 9 mars, le 20e relève au nord de Perthes un régiment de la 13e brigade et prend le dispositif qui lui a été fixé : 2e bataillon, tranchées au sud-est en vue de l’attaque du Bois Carré, 3e bataillon, tranchées entre le chemin Perthes­-Tahure et le chemin Perthes- Ravin de la Goutte en vue de l’attaque du Bois Triangulaire et de la tranchée nord-est du Bois Violet .

            1er bataillon, en réserve à la carrière de Perthes.

Le 10 à 14 heures, les bataillons de première ligne partent à l’assaut, mais se trouvent arrêtés bientôt par un feu intense de mousqueterie, de mitrailleuses et de canons-revolvers.

Cependant, deux sections de la 7e et de la 8e réussissent à gagner le Bois Carré, mais ne peuvent aller plus loin.

A droite, la 12e compagnie, entraînée par le sous-lieutenant VIAUD, s’est jetée en avant, mais ne peut atteindre son objectif. Dans le courant de la journée du 11, notre position est améliorée par des coups de main ou par infiltration dans les boyaux. La 4e Armée, dans la poursuite ininterrompue des opérations, cherche maintenant moins à percer le front allemand en direction de Tahure que de s’emparer de la ligne de hauteurs que tient l’ennemi, pour ensuite le rejeter dans la val­lée de la Dormoise.

Une attaque d’ensemble de l’Armée doit avoir lieu le 12 mars. Le 17e corps d’armée y participe. Appuyé à l’est par l’action du 16e sur la Butte du Mesnil, à l’ouest par celle de la 60e division d’infanterie sur le Bois Sabot.

 Le dispositif et les objectifs du régiment restent les mêmes que pour l’attaque du 10.

La préparation, d’artillerie s’exécute dans la matinée.

Vers la droite, devant la 11e compagnie, les défenses du Ravin de la Goutte ont échappé à la destruction. Au centre, par contre, devant la 9e compagnie, le champ est libre.

L’heure de l’assaut, primitivement fixée à 10 heures, successivement remise à 11 heures et midi, est finalement reportée à 13 h. 30.

La 11e compagnie, commandée par l'adjudant SAINTOURENS, nommé depuis sous-lieutenant, déclenche le mouvement.

 Les 50 hommes qui la composent, entraînés par leur chef dont les qualités de bravoure et de présence d’esprit assurent le succès d'une manœuvre difficile, passent par les brèches faites devant le front de la compagnie voisine et se rabattent ensuite entre les défenses non détruites et les tranchées ennemies. A ce même moment, la 9e compagnie se lance à l’assaut du Bois Triangulaire que l’ennemi vient d’évacuer et que son artillerie arrose de projectiles.

Toujours entraînés par l’adjudant SAINTOURENS, les éléments de ces deux compagnies se ruent à l’assaut des tranchées du Bois Violet où les Allemands se sont retirés. Surpris par la rapidité du mouvement et par le mordant des assaillants, l’en­nemi fléchit dans sa défense. En quelques minutes, nos braves Gascons ont fait place nette, se sont emparés de 350 mètres de tranchées et ont capturé 150 Alle­mands, dont 3 officiers.

L’attaque de gauche a moins bien réussi.

A 14 heures, l’ensemble des 9e et 11e compagnies, respectivement comman­dées par le sergent AUNE et l’adjudant SAINTOURENS , est placé sous les ordres du lieu­tenant DUCRET qui tombe peu après, frappé d’une balle à la tête.

Un peu plus tard, la 9e compagnie et une section de la 12e, commandées par le sergent RODES, viennent renforcer les éléments avancés qui continuent un combat opiniâtre. Exténués par l’effort fourni sans relâche depuis trois jours, ces groupes dis­sociés voyant leurs munitions s’épuiser tiennent cependant la tranchée enlevée jusqu’à la tombée de la nuit. A ce moment, les Allemands contre-attaquent à la grenade avec une grande violence.

Assaillis à coups de grenades et n’en ayant pas pour riposter, submergés de tous cotés, nos hommes doivent céder peu à peu le terrain conquis. A 17 h. 30, des hommes tiennent encore 30 mètres de tranchées, mais quelques instant après, dans l’impossibilité de résister à la pression ennemie, tout doit être abandonné et les fractions se replient sous une grêle de balles.

Relevé le 14 par le 103e, retiré de la bataille, le régiment est dirigé le 15 mars sur Bussy-le-Château. C’est ce jour-là que ceux qui descendent boueux , mais glo­rieux, ouvrent leurs rangs décimés à des camarades dont la nouvelle tenue bleue semble découvrir un horizon de jours meilleurs.

Effectivement, à la fin du mois de mars, après un séjour en secteur, au nord de Perthes, du 20 au 26, la 33e division d'infanterie quittait définitivement la région de Champagne.

Une des grandes phases de la campagne du 20e prenait fin. Elle était digne d'inspirer un poète soldat, et le sergent GUERRY en a marqué le souvenir dans ces vers :

 

Perthes ou Le Mesnil, Beauséjour, Les Hurlus !

Ces noms, dans les journaux, qui donc ne les a lus ?

Dans notre régiment, hélas ! qui ne tressaille

Se rappelant d’antan l’héroïque bataille.

O Champagne pouilleuse ! As-tu compté tous ceux

Qui sont morts bravement sur les tertres crayeux ?

Il n’est pas un sapin, il n’est pas une pierre

Qui ne réclamera demain une prière,

Car il n’est sûrement de ton sol pas un pas

Qui ne fut le témoin de quelque obscur trépas.

Et ce coin de Champagne, et triste, et solitaire,

N’est plus en ce moment qu’un immense suaire.

Ce plateau devant nous, tel un Antre en hiver,

Tant il a l’air de loin de neige recouvert,

Pourrait avec le sang qui coulait au soleil,

Au lieu d’un tertre blanc, être un tertre vermeil !

 

Le 20e quitte Somme-Suippes, le 1er avril et par Auve, Saint-Mard, Noirlieu, Pretz-en-Argonne, gagne en six étapes Rambluzin, où il demeure en réserve prêt à intervenir dans les opérations qui se déroulent aux Eparges et dans les Hauts-de-­Meuse.

Le régiment n’est pas engagé et est ramené à proximité de Bar-le-Duc (Rozières et Naives).

Le 22 avril, il est embarqué en chemin de fer à Mussey et dirigé dans la région sud d’Amiens. Il débarque à Ailly-sur-Noye et Moreuil et, après huit jours de repos dans les cantonnements de Mailly-Raineval (2e bataillon), Sauvillers (3e bataillon), Louverchy (1er bataillon), le 20e est de nouveau dirigé par voie ferrée sur Saint-Pol et va cantonner à Grand-Bullecourt qu’il quitte le 5 mai pour se rendre à Habarcq.

 

Offensive d’Artois--Ecurie—Roclincourt  (9 au 16 Mai 1915) 

Dans ce dernier cantonnement, le régiment procède aux opérations préparatoires de l’offensive générale de la 10e Armée au nord d’Arras, à laquelle il doit participer.

La 66e brigade, placée en avant de la ligne Ecurie-Roclincourt, a pour objectifs successifs deux lignes de tranchées à cheval sur la route de Lille, puis, si la conquête en est faite, doit poursuivre son attaque sur la Crête de Thélus.

Les deux régiments de la brigade doivent s'engager successivement dans l’ordre 11e - 20e. Ce dernier occupe, le 9 mai, à 4 h 30, les emplacements suivants :

 

2e bataillon à l’ouest de la route de Lille, dans le petit collecteur.

1er bataillon à l’est de la route de Lille, dans le grand collecteur.

3e bataillon dans l’abri du Mouton et grand collecteur ouest.

 

En passant à Anzin-Saint-Aubin, les hommes ont déposé les havresacs. Ils ne portent en sautoir que la couverture roulée dans la toile de tente.

En raison du rapprochement des premières lignes adverses la préparation d’artillerie ne peut se faire que sur la deuxième ligne ennemie.

A 10 heures, l’attaque se déclenche ; le 11e part à l’assaut et n’a parcouru que quelques mètres quand une mine qui devait, selon le plan d’opérations, faire sauter la tranchée allemande, ouvre un énorme cratère sous le bataillon de tête qui disparaît englouti, projeté avec la terre au milieu des tourbillons de poussière et de fumée.

L’ennemi alerté riposte furieusement. Les bataillons suivants ne peuvent déboucher.

A gauche, l’attaque du 26e (20e corps d'armée) a également avorté. Reprise à 16 heures, elle n’a pas plus de succès. Le soir même, le 20e relève le 11e en première ligne.

Les difficultés d’attaquer de front une position aussi formidablement organisée que la Crête de Thélus étant apparues, le régiment est seulement chargé, du 10 au 13 mai, d’appuyer de ses feux le déroulement des actions à sa droite et à sa gauche. Rôle purement démonstratif, mais qui lui attire, quatre jours durant, des répliques violentes de l’ennemi et notamment des tirs d’écrasement par obus de 210.

Un nouvel ordre d’attaque parvient le 15 mai. Il rappelle que l’objectif définitif est la Crête de Thélus et que l’enlèvement des premières tranchées n’étant con­sidéré que comme phase initiale, la poussée doit être incessante et menée avec une extrême vigueur. La préparation d’artillerie, toujours pour le même motif, est faite sur la deuxième ligne.

A l7 h. 05, au moment même où commence le tir d’efficacité de nos batte­ries, l’artillerie allemande déclenche un barrage d’une violence inouïe sur les places d’armes occupées par le 1er bataillon qui doit déboucher quelques minutes après. Dès l’apparition des premiers casques au sommet des échelles de franchissement, les mitrailleuses ennemies arrosent les tranchées. L’attaque ne peut déboucher.

Un deuxième assaut, ordonné pour 19 h. 15, est arrêté comme le premier par la même violence de feu d’un adversaire qui se tient sur ses gardes. La 65e brigade à droite, le 20e régiment d’infanterie à gauche n’ont pas progressé.

Une attaque de nuit avec les mêmes éléments, en cours de préparation, est contremandée par ordre de l’Armée.

 Les opérations offensives sont arrêtées le 16 mai. Les troupes s’emploient immé­diatement à réparer les dégâts causés par les bombardements auxquels nos positions ont été soumises pendant une semaine.

 Dans cette période, le régiment vient de perdre 250 hommes, dont 70 tués.

   .

Secteur d’Arras--Achicourt--SAINT-Sauveur  (21 Mai --24 Septembre 1915) 

 

Le 21 mai, le régiment relève au sud-est d’Arras dans le secteur Agny-Achicourt, le 25e régiment d’infanterie, du 10e corps d’armée. Ce secteur se divise en deux quartiers :

 

Quartier d'Achicourt, 2e bataillon ,

            Quartier Ronville, 3e bataillon.

            Le 1er bataillon en réserve à Achicourt.

 

Le lieutenant-colonel VERLEY , nommé sous-chef d’état-major du corps d’armée, est remplacé le 25 mai par le lieutenant-colonel MARTINET.

Le capitaine MONTAURIOL prend le commandement du 1er bataillon.

Le 11 juin, sur la partie du Chemin de Bucquoy parallèle à la voie ferrée, le colonel MARTINET remet pour la  première fois la Croix de Guerre aux braves qui se sont distingués en de précédents combats.

La disposition des unités se trouvant modifiée dans le front tenu par la 33e division d’infanterie, le régiment appuie vers la gauche et relève, le 12 juillet, le 11e dans les quartiers de Ronville, Saint-Sauveur, Blangy, où les deux régiments alternent par période de huit jours.

Le 20e au repos à Arras, Dainville et Simencourt, puis ultérieurement, à Fos­seux et Barly. Le bataillon stationné à Arras fournit des travailleurs. Les deux autres sont à l’instruction.

 

Offensive d’Artois (25 Septembre 1915) 

A partir du 14 septembre, le front défensif d’Arras se transforme en front offensif. Sur la partie comprise entre la route de Bapaume et le chemin de Neuville-Vitasse, deux parallèles sont creusées par le régiment à 175 mètres en avant de notre ligne avancée. L’ennemi est inquiet des travaux dont il constate les progrès chaque matin. Son artillerie réagit fortement. Malgré la gêne qui en résulte et les pertes éprouvées, les travailleurs, couverts par des patrouilles qui se glissent dans la nuit jusqu’aux lignes allemandes, font preuve d’entrain et de froide résolution.

            La 10e Armée doit prendre l’offensive, le 25 septembre, pour enlever au com­mandement allemand la possibilité de retirer des troupes dans le secteur d’Artois et les amener sur le front de Champagne, où, le même jour, l’armée française déclenche une puissante attaque.

La zone de la division d’infanterie est comprise entre la Briqueterie de Beaurains et les tranchées allemandes au sud de ce village.

Le 25 à 4 heures, le régiment réalise le dispositif suivant :

2e bataillon face à Beaurains, à cheval sur la route de Bapaume (5eet 8e compagnies en première ligne, 7e et 6e compagnies en deuxième ligne) ;

3e bataillon, à droite du précédent ;

1er bataillon, en réserve, à la disposition du commandant de la brigade.

L’action du régiment doit être liée au nord à celle du 11e sur la Briqueterie, au sud à celle du 9e régiment d’infanterie.

 

Attaque de la 5e Compagnie.

 

A 12 h. 15, le fourneau de mine préparé par le génie fait explosion. C’est le signal de l’attaque.

Le commandant VAGNON, debout sur le parapet, au centre de son bataillon, canne à la main, pipe à la bouche, électrise ses hommes par sa calme attitude.

Le peloton du sous-lieutenant ROLLAND, en deux vagues, bondit d’un seul trait jusqu’à la première tranchée, en partie détruite par l’explosion, mais ne peut réa­liser la liaison avec le 11e dont on n’aperçoit aucun élément. Le peloton progresse en repoussant les Allemands à la grenade.

A droite, le peloton de l’adjudant-chef MERLATEAU, conduit par le capitaine PHALIP, atteint la première tranchée, puis la Maison Brûlée et se ressoude à l’autre fraction à 12  h. 45.

Depuis un quart d’heure, des mitrailleuses ennemies sont entrées en action vers le talus qui limite les Vergers de Beaurains. Elles balayent la tranchée conquise et tout le glacis qui s’étend en avant de cette tranchée.

Le capitaine PHALIP, blessé une première fois à la cuisse, maintient ses hom­mes sur place par son énergie et l’exemple qu’il donne ; il est blessé un nouvelle fois et tombe pour ne plus se relever. L’adjudant-chef MERLATEAU est également blessé : son peloton souffre beaucoup.

 

Attaque de la 8e Compagnie.

 

 

La 8ecompagnie se porte à l’assaut immédiatement derrière la 5ecompagnie, le capitaine SOUBEYRAN en tête du peloton CHASSAIGNE. La compagnie arrive sans trop de pertes jusqu’à la hauteur de la Maison Brûlée, mais un feu violent de mitrail­leuses fauche les premières vagues et cloue le restant de la compagnie sur place. Le capitaine SOUBEYRAN est blessé.

Les sections de soutien se portent en rampant à hauteur de la première ligne jalonnée par plus de morts que de vivants, se relient aux unités voisines, entament avec l’ennemi un dur combat, mais maîtrisent toutes ses contre-attaques.

Le commandant VAGNON, qui marchait en tête de la 8e compagnie, se porte à la barricade allemande de la route de Bapaume. Quelques instants après, ce chef aimé de tous y est tué.

 

Attaque de la 7e Compagnie.

 

Traversant les réseaux aux brèches qu’avaient empruntées les éléments de tête, la 7e compagnie pénètre dans la première tranchée, y trouve encore 11 chas­seurs saxons, mais à peine a-t-elle essayé de progresser au delà qu’elle est prise de flanc par deux mitrailleuses abritées dans une maison du village.

De tous les boyaux qui accèdent à cette tranchée débouchent des grenadiers ennemis qui refoulent les nôtres sans défense, la plupart des grenades ayant leurs allumeurs mouillés n’éclatant pas.

Le capitaine FAUVEAU, qui a pris le commandement du bataillon, et le sous-­lieutenant MERMET sont tués. Tous les cadres sont éprouvés et les éléments désor­ganisés de la 7e compagnie sont sous les ordres de l’aspirant MIRAMBEAU.

 

 

6e compagnie

 

 

 Entraînée par son chef, le lieutenant LAGRIFFE, arrive d’un seul bond aux fils de fer ennemis qu'une déclivité de terrain masquait à la vue de nos observateurs et dont les brèches, que l’on croyait faites, étaient à peine amorcées.

Les assaillants doivent s’arrêter, mais cherchent aussitôt à s’infiltrer à travers le réseau. Trois nouvelles mitrailleuses se révèlent, causant de lourdes pertes. Les hommes se terrent dans les trous d’obus.

 

 

4e compagnie

 

 

 Aux ordres du capitaine LE MATELOT, est alors dirigée en soutien des 5e et 8e avec mission d’assurer la liaison, qui fait toujours défaut, avec le 11e, vers la gauche.

A 14 h. 45, cette compagnie rejoint les fractions de la 8e, mais, n’ayant trouvé aucun élément du régiment voisin, son capitaine décide de renforcer le peloton ROLLAND, avancé très en flèche, qui lutte toujours désespérément contre les Allemands qui tentent de le déloger. Le capitaine LE MATELOT est tué. La position est intenable. Les éléments mélangés des deux unités refluent et se reportent à hauteur de la 8e compagnie. Soumis aux feux croisés des mitrailleuses qui fauchent impitoyablement, ces groupes dissociés, repoussant cependant toutes les contre-attaques, tiennent héroïquement dans cette situation terrible qui n’a qu’une issue : la mort , ou bien la captivité si leur énergie vient à faiblir.

Tant d’efforts vont rester vains, car les unités de droite et de gauche n’ayant pu progresser, le régiment reçoit l’ordre, en fin de journée, de revenir sur ses positions de départ.

Le 2e bataillon a perdu son chef et tous ses commandants de compagnie. Sur 12 officiers partis à l'attaque, 2 seulement reviennent { lieutenants JACQUEMETet BEGARD), 6 autres ont été tués.

Au 3e bataillon, les sous-lieutenants SIRE et DE NOE sont tombés ; 3 autres officiers blessés.

La nuit venue, tandis que tout ce qui reste du 2e bataillon et de la 4e compagnie est rassemblé au collège des Dominicains, à Arras, le 3e bataillon prend position dans les parallèles de départ qui deviennent notre première ligne.

 

Occupation du secteur d’Arras--Ronville--SAINT-Sauveur (26 Septembre 1915 - 1er Mars 1916)

 

 

L’offensive générale est arrêtée. Ordre est donné d’organiser défensivement les nouvelles positions et, par suite d’une modification dans la répartition des unités de la 33e division d’infanterie, le régiment occupe à partir du 27 le quartier de Ronville, du cimetière Saint-Sauveur à la route de Saint-Quentin, avec :

 

1 bataillon en première ligne ;

1 bataillon en soutien aux Dominicains et Rue de Bapaume et Rue de Saint-­Quentin

Le 3e au repos à Berneville.

 

Les relèves comportent une période de trois jours aux tranchées alternant avec des périodes de six jours en soutien et en réserve.

Sous l’énergique impulsion du lieutenant-colonel MARTINET, le 20e transforme les organisations défensives d’Arras, très précaires lors de son arrivée, en une posi­tion de tout premier ordre. De nombreuses lignes de tranchées et de nombreux boyaux sont créés, ceux-ci pavés, celles-là clayonnées, pourvues de banquettes de tir et garnies de caillebotis sur toute la longueur. D’épais réseaux sont construits et de grands abris à l’épreuve sont creusés. Le secteur atteint toute sa perfection en décembre. Le 10 janvier 1916, le 20e reçoit la visite du Président de la Répu­blique qui, venu de la gauche, suit la première ligne et revient à Arras par le Boyau de l’Ecole Normale qui, à dater de ce jour, prend le nom de Boyau du Président Poincaré.

Quand, le 1er mars, à l’heure tragique où la ruée germanique se produit à Ver­dun, l’Armée Britannique vient occuper Arras, c’est un des plus beaux secteurs du front que le 20e régiment d’infanterie cède à la 42e brigade de fusiliers.

 

  Lorraine--Champenoux—Arracourt (Mars - Avril 1916)

 

 

Transportée aussitôt au sud de Nancy, dans la région de Pont-Saint-Vincent (Neuves-Maisons-Chaligny pour le 20e), la division fait désormais partie du déta­chement d’armée de Lorraine.

Poussé le 12 mars dans la zone Champenoux-Herbéviller, le régiment s’emploie, avec une ardeur qui lui vaut les félicitations du commandement, aux travaux d’organisation défensive nécessaires pour couvrir la grande cité lorraine contre la me­nace ennemie qui se dessine. Le Président de la République vient inspecter ces tra­vaux, s’arrête le 19 mars à La Neuvelotte, où stationnent l’état-major du régiment et le 3e bataillon, et visite les cantonnements.

Le 6 avril, le régiment relève dans le secteur d’Einville, au quartier de Béna­mont, des unités de la 6e division de cavalerie. Le 3e bataillon en première ligne occupe le centre de résistance d’Arracourt avec les points d’appui de la Ferme de Vaudrecourt et du Bois de Bénamont.

­            Le colonel et le 2e bataillon, en soutien, se trouvent à Valhey.

Le 1er, en réserve de sous-secteur, est à Sommervillers.

Remplacé le 18 avril par le 335e (59e division d’infanterie), le régiment prend quelques jours de repos à Bayon, embarque en chemin de fer le 23, débar­que à Coolus, au sud de Châlons, et cantonne en entier à Nuisement.

En vue de la relève de la 123e division d’infanterie, qui tient le secteur entre la Butte du Mesnil et Maisons-de-Champagne, le régiment est transporté le 30 en camions jusqu’à Hans, quartier général du 15e corps d’armée, que le 17e va rem­placer.

 

   

Champagne--Butte du Mesnil  (14 Mai - 2 Juillet 1916) 

Après des arrêts successifs aux Camp des Boyaux, Camps des Pins, Du Marson, le 20e prend possession, le 14 mai, des quartiers A et B du sous-secteur du Bois Allongé et du quartier C du sous-secteur des Walkyries, sur la face est du saillant allemand de la Butte du Mesnil. Ce secteur est particulièrement pénible parce que boule­versé par la guerre de mines et par les violents combats qui n’ont cessé de s’y livrer et qui maintiennent une continuelle agitation sur cette partie délicate du front.

L’ennemi, qui craint le renouvellement de nos attaques sur la Butte du Mesnil, cherche à les prévenir en exécutant de fréquentes opérations locales mais de grande envergure, préparées et soutenues par une artillerie nombreuse et puissante qui, cha­que fois, bouleverse complètement nos organisations.

Deux de ces opérations ont lieu le 15 mai et le 22 juin et, comme toutes, res­tent sans aucun gain pour l’ennemi. La première est complètement repoussée avec pertes pour les Allemands grâce au sang-froid et au courage du sous-lieutenant SAINTOURENS qui exécute avec sa section une contre-attaque mordante et opportune.

Ces offensives de l’ennemi valent de notre part des ripostes sous forme de coups de main exécutés notamment dans les nuits du 29 juin et du 1er juillet par le sous-lieutenant LOUBIERES, secondé par le sergent BOUCHAUD.

Remplacé le 2 juillet dans ce secteur par le 88e, le régiment se porte par Auve, Poix et Marson, sur Vesigneul et Saint-Germain-la-Ville où il est mis au repos pendant une semaine. Il est à noter que, depuis le début de la campagne, le 20e  n’a jamais eu de repos d’une durée supérieure à huit jours.

Le 11 juillet, il reprend son mouvement et, par Coupeville et Possesse, se rend à Charmont où il cantonne jusqu’au 17 juillet. Transporté en camion de Vau­becourt au circuit de Nixéville, le régiment bivouaque au Bois-la-Ville en vue de sa prochaine participation à la bataille de Verdun.

De la route de Bar-le-Duc à Verdun, où règne une extraordinaire animation, monte un bourdonnement ininterrompu.

            Sur la Voie Sacrée, deux chaînes de camions filant en sens inverse, constituent d'interminables convois de munitions, de matériel, de soldats de France qui, depuis cinq mois, vont s’illustrer devant Verdun.

Le colonel MARTINET réunit ses officiers et les met au courant de la situation. II n’en cache pas la gravité, mais, en montrant la grandeur de la tâche, il exalte le moral de chacun. Dans le lointain, on entend le bombardement comme un roule­ment de tonnerre.

La bataille de Verdun fait rage. Lançant divisions sur divisions, l’armée du Kronprinz fournit un effort désespéré. La grosse offensive allemande du début du mois a fait encore reculer notre front ; l’ennemi tient le village de Fleury et l’ou­vrage de Thiaumont, il est aux pentes de Souville, il a pris pied dans le Ravin des Vignes.

 

     Verdun—Thiaumont (22 Juillet - 8 Août 1916) 

Le 20 juillet, le régiment se porte à Verdun, à la caserne d’Anthouard et dans la rue Saint-Louis ; il y prend la tenue de secteur car là-bas, dans la four­naise, on ne saurait emporter d'inutiles impedimenta. Il faut au contraire se pour­voir du nécessaire pour trois ou quatre jours, car le ravitaillement en ligne est problématique. Vivres, grenades et artifices, panneaux de signaux sont emportés par tous les hommes qui se préparent à prendre leur part de gloire dans les luttes titanesques qui se livrent sur la rive droite de la Meuse. Le régiment fait sien le mot du général PETAIN « On ne passe pas. »

Le 22 juillet, le 20e est mis à la disposition du général commandant la division d’infanterie Marguerite   (8e D. I.).

Le 1er bataillon va au Ravin de La Folie dans le secteur du 115e.

Le 2e au Ravin des Trois-Cornes à M. 6, à la disposition du colonel comman­dant le 117e. Enfin, le 3e est placé en réserve à M. F. 2 dans le Ravin du Pied-de­-Gravier.

Le 24 juillet, le 1er bataillon est chargé d’enlever les batteries C, ancien organe de flanquement de l’ouvrage de Thiaumont, dont la possession par l’ennemi lui procure une base indispensable pour le développement de ses attaques.

La 2e compagnie, sous le commandement du lieutenant DEBIA, s'élance à 11 heures au cri de : « En avant la 2e, et vive la France ! » Nos poilus parcourent les 250 mètres de terrain littéralement bouleversé qui les séparent des Alle­mands. Les grenadiers, commandés par le sous-lieutenant DESCHAMPS, chassent les tirailleurs ennemis des trous d’obus ou les forcent à se rendre. La compagnie, con­tinuant sa progression, aborde l’ouvrage C dont elle s’empare, après une vive résis­tance des occupants. Les sous-lieutenants MAILLETet TISNE sont blessés ; l’adjudant PIGRENIER tué. Les défenses de l’ouvrage sont retournées ; à droite, une section com­mandée par le sous-lieutenant PALEIRAC montre un mordant extraordinaire en fran­chissant un violent tir de barrage et va s’établir, ainsi que l’ordre en a été donné, à 200 mètres à l’est de la batterie C.

La 1ère compagnie se porte en avant sous de terribles rafales de mitrailleuses et d’artillerie de tous calibres pour soutenir la 2e, bientôt suivie par la 3e compagnie.

Trois cents mètres de terrain ont été gagnés, un ouvrage enlevé de haute lutte, 44 prisonniers ont été capturés et de nombreux Allemands mis hors de combat.

Le 2e bataillon ayant relevé le 117e et le 3e les unités du bataillon MONTAURIOL, le régiment se trouve le 26 entièrement engagé.

La 11e compagnie, qui cherche à améliorer la position en fermant une poche où l’ennemi s’est glissé, entame un combat à la grenade (grenades à main et V. B. dont ce sont les débuts) des plus meurtriers qui, en une matinée, fait fondre plus de la moitié de son effectif.

Le soir du même jour, à 19 heures, le 3e bataillon prononce une attaque dont l’objectif est le Dépôt, ouvrage qui figure bien sur les plans mais qui a disparu, réduit en poussière, nivelé par les bombardements terrifiants dont les abords de Thiaumont ont été le théâtre.

            L'attaque de la 9e compagnie, précédée du groupe de grenadiers, qui a à sa tête le sous-lieutenant RENE COURREGES, se trouve bloquée par un tir de barrage écrasant d’obus de 150 et de 210. Le lieutenant COURREGES avec ses hommes, dont les munitions ont été rapidement épuisées, lutte désespérément pour défendre les 30 mètres qui viennent d’être parcourus. Il tombe blessé à mort et jamais plus son corps ne sera retrouvé.

De part et d’autre, les compagnies VIAUD et SEVERAC (10e) ont progressé, mais faiblement. La journée a été particulièrement dure, les pertes très lourdes. Le sous­-lieutenant FROMENT a été tué. Cinq officiers, dont trois de la même compagnie, sont blessés. Parmi les hommes, une quarantaine de tués et 130 blessés.

            Dans la journée du 27, les Allemands contre-attaquent furieusement pour nous reprendre le terrain dont la perte lui est sensible, car son point d’appui de Thiau­mont, menacé, c’est pour lui le renoncement à pénétrer dans le Ravin des Vignes pour nous rejeter sur l’ultime ligne de défense de Verdun : la Crête Saint-Michel­-Belleville.

Les soldats de la 3e compagnie et du bataillon ESPINET tiennent bon. Leurs efforts surhumains assurent la conservation intégrale de tout le terrain conquis, mais au prix de très lourds sacrifices.

Notre position est cependant précaire, car notre avance locale du 24 a créé un saillant aussi avancé qu’étroit. Il importe de l’élargir, notamment vers l’Est, vers le Dépôt qu’en vain, le 26, on a attaqué.

Les 1re et 2e compagnies, sous les ordres du commandant MONTAURIOL, sont chargées de l’opération le 25.

            A 12 h. 45, la compagnie CASTAING, avec un entrain magnifique, se porte en avant, de trous d’obus en trous d’obus, et s’établit à l’est du Dépôt. Son chef, qui donne le plus bel exemple de bravoure, tombe en atteignant le but.

 A gauche, la 2e compagnie a progressé pareillement et vient se souder à la première. Le succès est complet. Malgré le bombardement dirigé sur elles, malgré les retours offensifs, ces unités se maintiennent sur place.

 Pendant ce temps, le 2e bataillon, en ligne à l’est du Ravin du Bois en T, est très fortement canonné. Il repousse brillamment et sans céder un pouce de terrain, une très grosse attaque dirigée sur sa droite et sur la gauche du 117e.

Toujours en ligne, épuisées par dix jours d’efforts ininterrompus, les unités escomptent la relève. L’ordre arrive le 3 août, mais à peine les bataillons sont-ils établis en réserve à M. F. 3 et M. F. 4 qu’ils sont alertés et reçoivent l’ordre de remonter en ligne.

Les Allemands, dans la nuit, ont enfoncé nos premières positions, ont réussi à reprendre le Dépôt, à déboucher dans le Ravin des Vignes et sont parvenus jusqu’à l’ouvrage des Quatre-Cheminées.

Le 4 août, à 4 heures, le 1er bataillon s’engage, dans une contre-attaque qui refoule les Allemands et nous rend la pleine possession du Dépôt, déjà pris par la même unité quelques jours avant.

L’ennemi est ébranlé, désorienté ; il faut profiter de son désarroi pour lui reprendre encore du terrain si âprement disputé. Le 1er bataillon s’élance de nou­veau le 5 août en liaison avec le 81e régiment d’infanterie, avec, pour objectif, la route Thiaumont-Fleury.

L’objectif est atteint. L’ouvrage Thiaumont est enlevé et une progression de 700 mètres a été réalisée.

Le général commandant la 31e division d’infanterie (division Marguerite) félicite les troupes qui ont combattu sous ses ordres et ont reconquis, le 4 et le 5 août, avec l’ouvrage de Thiaumont, une grande partie du terrain pris par les Allemands lors de leur dernière offensive du 10 juillet.

 

La brillante conduite du 1er bataillon lui vaut d’être cité à l’ordre de la 33e division d’infanterie, n° 77, du 16 septembre 1916.

 

Sous le commandement du commandant MONTAURIOL, a participé les 26 et 28 juillet 1916, à la suite d’un combat acharné, à l’enlèvement de haute lutte d’ouvrages fortifiés, s’emparant de mitrailleuses et faisant de nombreux prisonniers.

Bien que très éprouvé par les affaires des journées précédentes, a réussi, les 4 et 5 août, non seulement à contenir une violente contre-attaque ennemie et à rétablir la situation un moment compromise, mais encore à porter sa ligne de plusieurs centaines de mètres en avant.

 

Le régiment a perdu 7 officiers tués, 17 blessés et 1.100 hommes de troupe, dont 350 tués.

Une des plus belles pages de son histoire vient d’être écrite par le 20e régiment d’infanterie.

Sur ce sol de Thiaumont, dont le bouleversement attestera pendant de longues années la violence des luttes qui s’y livrèrent, au milieu de ces crêtes lunaires que forment en se joignant, en se chevauchant, en se mordant l’un l’autre les cratères des monstrueux éclatements d’obus, s’accomplirent d’innombrables actes d'héroïsme et de suprêmes sacrifices dont un grand nombre resteront ignorés.

Entre tous les soldats de France, les soldats du 20e peuvent être fiers de la part glorieuse qu’ils ont prise dans cette bataille symbolique de Verdun.

Par les sacrifices consentis, les succès réalisés, ils ont affirmé une fois de plus les brillantes qualités de leur race.

 

Verdun--Cote du poivre  (19 Août au 23 Novembre 1916) 

Après une semaine de repos à Nant-le-Grand et Nant-le-Petit, le régiment, transporté à Nixéville, remonte à Verdun, passe un jour à la Citadelle et relève le 19 août le 40e régiment d’infanterie dans le secteur de la Côte du Poivre.

Deux bataillons tiennent la première ligne: celui de droite, à cheval sur le Fond d’Heurias et la route de Louvemont, en liaison avec le 11e régiment d'infan­terie au Bois Nawé ; celui de gauche, accroché aux pentes sud de la Côte, dont les Allemands tiennent la totalité de la crête militaire. Le bataillon de soutien occupe au sud du Ravin de Bras les Tranchées de Lille, Kitchener et Galliéni.

Ce secteur est moins agité que celui de Thiaumont.

Il possède les éléments d’une organisation défensive, mais néanmoins son occu­pation est des plus pénibles. Un nouvel ennemi s’y révèle : l’eau, qui jaillit en sour­ces de toutes parts dans les tranchées et les boyaux, l’eau qui cause d’incessants dégâts que chaque nuit il faut réparer et qui rend le séjour intenable dans les abris.

De la crête d’où il nous domine, l’ennemi règle à son gré les tirs de son artil­lerie dans la Plaine de Bras sur laquelle aucun mouvement ne lui échappe.

Chaque nuit, pendant plus de trois mois, les hommes partent chercher le ravitaillement que les cuisines ont préparé à Verdun et que les avant-trains apportent sur les bords du canal, près de la Ferme de La Folie.

Les hommes accomplissent en silence leur rude besogne sur un terrain malaisé, sur des pistes balayées par des balles de mitrailleuses, traversant le Village de Bras où rares sont les accalmies dans le tir de l'artillerie ennemie.

Du 19 août au 23 novembre, nos braves troupiers ne peuvent prendre aucun repas chaud. Pendant ces 97 jours, le régiment ne connaît d’autre repos que la faible détente créée par l’alternance des bataillons sur la position de soutien.

Aussi, pendant cette longue période durant laquelle nos poilus endurèrent le froid, l’humidité, la boue, essuyant de violents bombardements, notamment pendant l’attaque et la prise du fort de Douaumont (24 octobre), le 20e prouve-t-il à nou­veau la constance d’un effort jamais démenti.

Après le séjour prolongé qu’il vient de faire en avant de Verdun, le régiment est mis au repos à Void et à Vacon où il a été transporté, partie en chemin de fer, partie en camions.

C’est comme un renouveau de la vie pour tous ces soldats, exclus pendant un trimestre du monde civilisé et éloignés de toutes ses manifestations. Cette détente fut de courte durée et, quelques jours après, on apprend qu’en vue de la relève de la 128e division d’infanterie, dans le secteur de Commercy, le régiment doit faire étape à Lérouville.

   

Forêt d’Apremont (1er Décembre 1916 au 4 Mars 1917) 

Du 1er au 3 décembre, le régiment relève le 169e dans la zone « Tête à Va­che », formée des quartiers Dupin et Perrin, séparés par l’avenue de la Grande­ Armée.

Le bataillon réserve de secteur est à Boncourt.

Le secteur est bien établi et fortement organisé dans une belle forêt de hêtres. En extrême pointe de la hernie de Saint-Mihiel, il n’est pas le siège de combats violents, mais ses organisations présentent d’assez curieuses situations de fin de com­bat datant de l’année 1915 qui en rendent l’occupation délicate. La distance entre les lignes est très faible et disparaît même en plusieurs points de friction dont le plus remarquable est le « Tir aux Pigeons ».

La ligne, très tourmentée, possède une série de saillants et de rentrants dont quelques-uns, comme « l' Ouvrage du 134e » , sont hardiment accrochés à des mouvements de terrains abrupts .

Le régiment repousse de nombreux coups de main, fréquents en cette région, violemment préparés et soutenus par des quantités de minenwerfer.

Le 3 mars, le régiment exécute une riposte sur la Tranchée des Tonnelles.

Deux groupes d’une vingtaine d’hommes chacun, respectivement sous les ordres des sous-lieutenants BOUCHAUD et de MARION, ont reçu l’ordre d’aborder la ligne ennemie en deux points différents et de la nettoyer en allant à la rencontre l’un de l’autre.

A l’heure fixée, les deux groupes abordent les défenses ennemies. Le sous-­lieutenant BOUCHAUD saute le premier dans la tranchée et se trouve face à face avec un Allemand qui lui brise la crosse de son fusil sur le casque. L’officier tombe évanoui, mais ses hommes, qui l’ont suivi, le dégagent bien vite et s’emparent du Boche.

De son côté, le sous-lieutenant de MARION, ne trouvant pas de passage dans les défenses accessoires ennemies se couche résolument dans les réseaux pour les aplatir. Le passage ainsi frayé, il se précipite dans la tranchée et y capture un gefreite.

C’est sur cette opération remarquablement réussie que le 20e quitte la forêt d’Apremont, relevé par le 115e régiment d’infanterie.

Le régiment fait mouvement par voie de terre. Lérouville, Nançois-le-Petit, Bar-le-Duc, Robert-Espagne, Heiltz-le-Naurupt, Outrepont, Saint-Lumier-en-Champagne jalonnent son itinéraire et marquent ses étapes. Le 9 mars, le 20e, moins le 1er bataillon, qui exécute des travaux près de Saint-Dizier, cantonne dans la plaisante Vallée du Fion, dans le grand village de Saint-Amand, et y reste jusqu’au 18 mars, date à laquelle la 33e division entre dans la composition du groupement ouest de la 4e Armée.

 

 

Champagne -- secteur de Prosnes offensive de Moronvilliers

(20 Mars au 2 Mai 1917)

 

 

Pour la troisième fois, le régiment revient en Champagne. Il occupe le tranquille secteur de Prosnes que, dès son arrivée, il est chargé d’aménager en vue d’une opération offensive.

Tandis que nos premières lignes sont situées dans la plaine un peu au nord de la voie romaine, l’ennemi possède, à 3 kilomètres à l’intérieur de ses positions, le massif de Moronvilliers, constitué de l’Est à l’Ouest par le Mont Sans Nom, le Téton, le Casque, le Mont Perthois, le Mont Haut, le Mont Blond, le Mont Cornillet. Cette ligne de hauteurs, qui commande entièrement le Camp de Châlons, forme autant de remarquables observatoires et constitue une position presque inex­pugnable.

La première quinzaine du mois d’avril se passe dans les préparatifs de l’atta­que, dans le creusement des parallèles de départ que le régiment exécute non seu­lement dans sa future zone d’attaque, mais aussi dans celle de la division marocaine, afin, comme l’explique le commandement qui impose cette tâche supplémentaire, que l’ennemi n’ait pas son attention éveillée par la présence nouvelle de trou­pes kaki.

Les réglages d’artillerie commencent le 10 et la préparation atteint toute sa violence dans les journées des 14, 15 et 16 avril.

Dans l’après-midi de ce dernier jour, l’aspirant BAUDISSON va reconnaître le fortin du Bois Horizontal, mais il est blessé au moment où il va pénétrer dans l’ouvrage. Le sous-lieutenant LEDUC part avec un détachement de nettoyeurs et, avec une décision et un sang-froid remarquables, il s’élance dans l’ouvrage, met l’ennemi en fuite après avoir tué 2 occupants et avoir fait prisonnier un sous-officier du 50e.

 Le jour de l’attaque est fixé au 17 et l’heure du déclenchement à 4 h. 45. Cette heure a été choisie pour bénéficier de la surprise et soustraire notre première vague au tir de barrage ennemi.

Le régiment, en position dans les parallèles au nord de la Ferme de Moscou, doit attaquer successivement le Bois Horizontal, le Bois du Chien, la Tranchée d'Ol­denburg, la série des Bois 304, 307, K 51 , les Tranchées de Rendsburg et de Got­tingen, le Casque, le village de Moronvilliers.

 

Les bataillons, dans leur tenue d’assaut, munis de vivres pour 4 jours, prennent dans la nuit leurs emplacements :

1er bataillon en première ligne ;

2e bataillon en deuxième ligne ;

3e bataillon réserve de brigade à Moscou.

 

L’heure approche et le temps devient de plus en plus mauvais. Il fait entière­ment noir. Il tombe une pluie glaciale mélangée de neige fondue, le vent souffle en tempête, la boue crayeuse de Champagne colle aux souliers et rend la marche très pénible. L’émotion étreint les cœurs, mais rien ne peut cependant diminuer l’allant de tous car chacun comprend la grandeur de l’effort que la France tente en ce jour. L’ordre du général en chef en a consacré la gravité dans ces simples mots : « L’heure est venue, courage, confiance et vive la France

A 4 h. 45, le 1er bataillon s’élance d’un seul bond dans l’obscurité vers les tranchées ennemies; il est précédé par un barrage roulant et immédiatement suivi du 2e bataillon.

La première ligne est bientôt atteinte et enlevée sans opposer aucune résis­tance. La progression se poursuit acharnée.

Arrivée à la lisière nord du Bois Horizontal, la 3e compagnie est prise à revers par de violents feux de mitrailleuses provenant d’un fortin qui ne se dévoile qu’après le passage de notre première vague. Elle se trouve ainsi momentanément coupée en deux, mais le lieutenant DAUSSONNE, commandant la 1re compagnie, a vu le vide se former et sans un instant d’hésitation, de sa propre initiative, il déploie son unité qu’il lance dans l’intervalle. La ligne est rétablie, la progression continue. L’avance résolue de cette compagnie sur les pentes de la côte 188 surprend et affole l’en­nemi qui, attaqué par l’équipe de nettoyeurs de tranchées du sous-lieutenant BOUCHAUD , se rend par groupes.

A droite, la 2e compagnie est parvenue sans grandes difficultés au milieu du Bois du Chien, mais la résistance commence. Quelques fractions ennemies restées dans les éléments de tranchée se défendent énergiquement à la grenade. Un nid de mitrailleuses, resté à la corne nord-ouest du bois, ouvre un feu violent sur les assail­lants. Tandis que trois sections de la 2e compagnie continuent leur progression, la section du sous-lieutenant LEDUC fait face à l’îlot de résistance et l’attaque au fusil et à la grenade V. B.

Deux actions, une de la 5e compagnie (sous-lieutenant LAGANNE) et une de la 6e compagnie (sous-lieutenant BOREL) viennent appuyer le mouvement. Toutes deux s’emploient à faire tomber ce nid de mitrailleuses. Une section de la 1re compagnie de mitrailleuses vient encore s’adjoindre à ce détachement et finit par réduire l’en­nemi au silence, en n’hésitant pas à ouvrir le feu à moins de 20 mètres de l’adver­saire. Ce combat a été acharné. Le sous-lieutenant LEDUC est tombé mortellement frappé d’une balle à la tête. De nombreux cadavres jonchent le ter­rain. Aussi les nôtres, exaspérés de cette résistance, se battent-ils comme des lions.

Tous les mitrailleurs ennemis sont passés par les armes.

La progression reprend aussitôt et, d’un bond, le 1er bataillon atteint la tranchée du Bois du Chien qui est vivement nettoyée à la grenade. Les pertes sont déjà sévères : le commandant MONTAURIOL a été mortellement blessé ; le capitaine DUTREIX, son adjudant-major, également atteint.

 Arrivé sur ces emplacements, le bataillon de tête est arrêté par les feux de nombreuses mitrailleuses provenant des Bois 304, 307 et k 51 qui interdisent toute circulation en terrain découvert et gênent considérablement la progression dans les Boyaux de Posen et du Marteau, tous deux partiellement nivelés. Les unités du 1er bataillon profitent de cet arrêt forcé pour se regrouper et se réorganiser. Le capitaine BARTHE  prend le commandement du bataillon.

Bien qu’en deuxième vague, le 2e bataillon a eu, lui aussi, à vaincre une grande résistance opposée par de nombreux centres qui ne se dévoilent qu’après le pas­sage des premières unités.

 Des Allemands restés dans les profonds abris des Tranchées sud du Bois du Chien sortent, mettent des mitrailleuses en batterie et ouvrent le feu sur le 2e bataillon qui débouche du Bois Horizontal. C’est ainsi que la 5e compagnie, le lieutenant-colonel MARTINETet sa liaison, se trouvent arrêtés sur le glacis qui sépare les deux bois. Mais tandis que des fractions font face à cet ennemi inattendu, d’autres mitrailleuses se dévoilent à l’intérieur du Bois Horizontal, puis c’est tout un groupe de grenadiers allemands qui viennent attaquer la 5e compagnie par derrière. La situation devient critique. Le sous-lieutenant BARDOT est tué d’une balle à la tête. Le sous-lieutenant CAILLOT, n’écoutant que son courage, s’élance revolver au poing au devant des grenadiers allemands, mais il tombe à son tour. Le sous-lieutenant BERGE qui, avec ses pionniers, a voulu faire feu sur les mitrailleuses du Bois du Chien, tombe aussi mortellement frappé. Puis c’est le lieutenant-colonel MARTINET  dont la cuisse est traversée par une balle. Tandis qu’on se précipite vers lui, il refuse tout secours et donne à chacun l’ordre de le laisser et de poursuivre le combat. Et c’est étendu dans un trou d’obus, au milieu des morts et des blessés, qu’il suit des yeux son régiment qui monte à l’assaut de la côte 188.

Peu à peu, le 2e bataillon se rend maître de toutes les résistances et rejoint le premier à la Tranchée du Bois du Chien.

            Le 3e arrive à son tour et le commandant GEHIN prend le commandement du régiment.

Ordre est aussitôt donné à la 1re compagnie de pénétrer dans la Tranchée d’Oldenburg par le Boyau du Marteau, à la 2e par celui de Posen, mais ces boyaux étant pris d’enfilade par des mitrailleuses, la progression rendue difficile s’effectue lentement.

Le lieutenant BESSE, commandant la 7e compagnie, voyant les difficultés du mouvement, s’élance à la tête d’une poignée de braves en terrain découvert, bondit de trous d’obus en trous d’obus, prend pied le premier dans la Tranchée d’Oldenburg d’où l’ennemi s’enfuit.

Le 1er bataillon vient occuper cette tranchée.

Trois fois pendant le courant de l’après-midi, la 1re compagnie, précédée de la vaillante équipe de grenadiers du sous-lieutenant BOUCHAUD, essaie d’avancer dans le Boyau du Marteau. Trois fois la tentative est arrêtée net par le feu des mitrail­leuses. Le sous-lieutenant MOURGUES est blessé et chacun de ces échecs est accompagné de pertes sérieuses.

De son côté, la 2e compagnie essaie à plusieurs reprises de progresser dans le Boyau de Posen. Après un tir de 75 sur le Bois 304 où semblaient être placées de nombreuses mitrailleuses, le sous-lieutenant DE MARION parvient à enlever ce bois avec sa section à 17 h. 45. Le régiment s’organise alors sur ces positions pour passer la nuit.

Pendant cette première journée de combats, le 20e s’est emparé de haute lutte d’organisations et d’ouvrages très puissamment défendus. Il a eu à lutter contre un ennemi tenace qui, en maintes circonstances, a préféré se faire tuer sur place que de céder.

Le régiment a réalisé une progression de 1.800 mètres, faisant plus de 100 prisonniers, s’emparant de minenwerfer et de nombreuses mitrailleuses.

Pendant la nuit, l’ennemi abandonne de lui-même les Bois 305, 307 et K 51. Profitant de ce recul, le 1er bataillon reprend son mouvement en avant, le 18 au lever du jour. La première ligne est constituée par le Bois 307 avec deux postes avancés, l’un dans le Boyau du Marteau, l’autre dans le Boyau de Posen.

Le 2e bataillon occupe la Tranchée d’Oldenburg, le 3e la tranchée nord du Bois du Chien.

            A 18 heures, après une préparation d’artillerie, le régiment en entier essaie de ­reprendre sa progression mais est arrêté par les feux des mitrailleuses venant du Mont Perthois. Le sous-lieutenant BAZILLE est tué pendant cette opération.

            Le 19 à 5 heures, le régiment tente de nouveau de reprendre sa progression, mais il est bloqué tout comme la veille. Cependant, à droite, la résistance est moins vive, et le 11e régiment d’infanterie a réussi à s’emparer du Téton. Une section de la 3e compagnie va immédiatement assurer la liaison avec cette unité. Afin d’ex­ploiter le succès obtenu par le 11e régiment d’infanterie, la 7e compagnie reçoit l’ordre de progresser derrière ce régiment par le Boyau de Moronvilliers et de se rabat­tre ensuite vers l’Ouest dans les tranchées de Rendsburg et de Gottingen. Vaillamment entraînée par le lieutenant BESSE , elle atteint rapidement ces tranchées et entame un combat à la grenade des plus meurtriers. Ses pertes sont si sérieuses que cette unité doit s’arrêter après avoir nettoyé et occupé 200 mètres de tranchées à l’ouest du Boyau de Moronvilliers.

Dans l’après-midi, le commandant MALVY, du 9e régiment d’infanterie, prend le commandement du régiment.

A la tombée de la nuit, les 9e compagnie et 3e compagnie de mitrailleuses, mises à la disposition du 11e, vont occuper les nouvelles positions du Téton, où le reste du 3e bataillon viendra les rejoindre le 20.

Dans la nuit du 19 au 20, le lieutenant DEBIA, commandant la 2e compagnie, est tué d’une balle à la tête.

Pendant l’après-midi, la préparation d’artillerie a repris sur le Casque ; à 17 heures, du Bois 307, le 1er bataillon s’élance à l’assaut. Un feu de mitrail­leuses de la plus grande violence se déclenche aussitôt du Mont Perthois, des tranchées de Rendsburg et de Gottingen ; le barrage d’artillerie se déclenche à son tour, mais la chaîne de nos tirailleurs progresse hardiment sans un seul mouvement de faiblesse malgré les vides que font les balles et les obus. Elle atteint les tran­chées où un combat acharné se livre, au cours duquel presque tous les occupants sont tués et une douzaine de mitrailleuses tombent entre nos mains. Déjà les sections, énergiquement entraînées par leurs chefs, gravissent les pentes du Casque, mais elles ne tardent pas à refluer, car ces pentes, balayées par les mitrailleuses de la lisière sud du Bois du Casque et de flanc par celles du Mont Perthois, constituent un gla­cis infranchissable.

Cette brillante opération nous a coûté des pertes irréparables. Le lieutenant DAUSSONNE est tué en tête de sa compagnie, alors que, debout pour l’entraîner à l’as­saut, il venait de prononcer ces stoïques paroles : « En avant, mes amis, vous allez voir comment meurt un vieux territorial. »

Le lieutenant BESSE qui, depuis 24 heures, luttait désespérément dans les tran­chées de Rendsburg et de Gottingen, est tué d’une balle à la tête alors qu’il fai­sait le coup de feu en avant de ses hommes. Le sous-lieutenant BOUCHAUD a été aussi mortellement blessé en entraînant ses grenadiers à l’assaut. Son courage légendaire ne l’abandonne pas jusqu’au dernier moment; au poste de secours où des amis cherchent à lui cacher la gravité de sa blessure, il répond : « Vous me dites courage et c’est vous qui pleurez. Je ne suis pas à plaindre cependant, puisque c’est pour la France que je meurs. »

La journée du 21 se passe sans opérations. L’artillerie ennemie et les engins de tranchées réagissent vigoureusement. Le sous-lieutenant LAGANNE est tué.

            Dans la nuit du 21 au 22, le régiment relève le 11e .Le 3e bataillon est depuis la veille en première ligne sur le sommet du Téton.

 Le 2e bataillon est en soutien dans les tranchées de Rendsburg et de Gottin­gen ; le 1er bataillon en réserve au Bois 320.

La réaction de l’artillerie se montre très vive pendant les journées des 22, 23 et 24.

De plus, les Allemands se sont organisés très puissamment dans la tranchée nord du Téton et y ont amené une quantité considérable de granatenwerfer avec lesquels ils arrosent de bombes meurtrières les trous d’obus occupés par nos hommes.

Des détachements de nettoyeurs, sous les ordres du sous-lieutenant GUY et de l’adjudant LAFFITAU vont parachever les destructions de notre artillerie. Mais l’ennemi réagit plus violemment encore. Le 3e bataillon, pilonné à coups de 150 et de 210, souffre terriblement sur le Téton où, dans les immenses trous qui en font un terrain chaotique, les vivants voisinent avec les morts.

Dans la nuit du 25 au 26, le 20e, relevé par le 207e  va au repos à Mourmelon d’où il remonte en ligne le 29 avril pour remplacer à son tour le 207e. Au cours de la relève, les unités du régiment sont surprises aux abords de la Ferme de Moscou par un bombardement très dense d’obus asphyxiants qu’elles ont la plus grande difficulté à franchir.

Le 2e bataillon va occuper la première ligne, le 3e la position de soutien et le 1er bataillon va en réserve au Bois 320. L’action de notre artillerie est très vive pen­dant toute la matinée sur le Téton et, pour permettre le bombardement de la pre­mière ligne ennemie, le 2e bataillon est replié dans les tranchées de Rendsburg.

Les 9e et 10e compagnies reçoivent l’ordre de s’adjoindre au 2e bataillon comme première vague et viennent se placer à sa droite.

A 12 h. 40, ces unités partent d’un bel élan et gravissent le sommet du Téton, mais elles y sont accueillies par des feux de flanc et par un barrage d'artillerie d’obus de tous calibres. Les défenses du Bois L. 61 sont intactes et l’ennemi s’y est fortement retranché. L’aspirant LAMBERT et ses grenadiers, tombent mortellement frappés dans les fils de fer qui en défendent la lisière. Devant cette résistance, les unités se replient dans la tranchée de l’observatoire du Téton. Plusieurs contre-atta­ques aperçues à temps sont enrayées net par nos feux.

La 11e compagnie vient renforcer la ligne. Le bombardement continue très violent pendant la journée du 1er mai. Il atteint une violence inouïe dans l’après-­midi et les pertes sont élevées au 2e et au 3e bataillon. Cependant l’ordre de relève arrive et, dans la nuit, le régiment est remplacé sur le Téton par le 115e régi­ment d’infanterie.

Les efforts fournis par le 20e et sa brillante conduite au cours des opérations qui se sont déroulées victorieuses devant le Massif de Moronvilliers, citadelle cependant jugée inexpugnable, lui valent sa première citation à l’ordre de l’Armée.

 

ordre de l’armée n° 10.456 ( D)

Le général commandant en chef cite à l’ordre de l’Armée le 20e régiment d’infanterie.

 

Sous le commandement du colonel MARTINET, blessé au cours de l’action, s’est emparé, le 17 avril 1917, de plusieurs lignes de tranchées défendues avec acharnement, a continué sa progression les jours suivants pour arriver, après quatre jours de lutte, aux tranchées de Rendsburg et de Gottingen, à 3.500 mètres du front de départ, faisant de nombreux prisonniers et enlevant 20 mitrailleuses. Le 29 avril 1917, reprenant l’attaque, s’est porté en ligne malgré un intense bombardement d’obus asphyxiants, se maintenant victorieusement sur les positions conquises, sous un feu écrasant d’artillerie lourde.

Signé : Pétain

 

 

Ses pertes ont été très lourdes :

13 officiers tués, 14 blessés ; 610 hommes blessés et 150 tués.

 

 

Foret d’Apremont (22 Mai  au 15 Novembre 1917)

 

Mis au repos du 7 au 17 mai dans la région Saint-Jean-devant-Possesse- Bussy-­le-Repos, le régiment est ensuite acheminé par Nançois-le-Grand, Chonville, Lé­rouville, Pont-sur-Meuse, sur Boncourt, d’où il relève dans la zone « Tête à Vache », qu’il a tenue pendant l’hiver précédent, le 246e régiment d’infanterie (55e division d’infanterie).

La physionomie du secteur a peu changé. Relativement calme, il est extraor­dinairement agité de temps à autre par la préparation et l’exécution de violents coups de main.

De notre côté, les principales opérations sont conduites par les sous-lieute­nants DE MARION, ENTREMONT,TOUCHE,CHARPAIN, ROUSSEL,GUTTIN, l’adjudant LAFFITAU, l’aspirant BAUDISSON, les sergents ESCATAFAL et ESTRADE , avec pour objectifs les organisations ennemies des Ravins de la Source et de Vosel, du saillant des Sapes, de l’ouvrage Archer, des tranchées de Gratz et de Solgau.

Mais alternant régulièrement avec les dix jours de tranchées dans les quartiers DURIN et MONTAURIOL , des périodes de cinq jours à Boncourt assurent largement le repos. Les séances récréatives qui y sont organisées avec l’aimable concours féminin qui restera dans toutes les mémoires, complètent la détente.

La petite ville de Commercy, encore vivante et animée malgré le bombardement sauvage et intermittent que les Boches viennent d’innover, offre des ressources et des agréments dont sont privés la plupart des secteurs. Les cours qui fonctionnent au C. I. D. y attirent de nombreuses séries d’officiers et d’hommes de troupe et leur assurent une plus grande détente.

Le lieutenant-colonel NELTNER, qui commandait le 207e, vient prendre à la dissolution de ce régiment le commandement du 20e. Le chef de bataillon COISSAC est nommé au 1er bataillon ; le capitaine ISSALY, du 122e, au commande­ment du 2e bataillon.

Le régiment quitte le 3 novembre la Forêt d’Apremont et les Hauts-de-Meuse pour occuper, immédiatement à droite, dans la partie ouest de l’immense plaine de Woëvre, les quartiers Broussey et Brichaussard, du sous-secteur des Etangs. Le poste de commandement du colonel est à Gironville.

L’occupation de ce front prend fin le 15 du même mois par la relève par les 33e et 53e régiments d’infanterie.

            Le régiment se rend alors par voie de terre à Culey, Longeville et Tannoy, où, le 1er décembre, le général GUILLAUMAT, commandant la IIe Armée, ancien commandant de la 33e division, vient visiter les éléments de son ancienne unité.

Fait à noter dans l’histoire du 20e : pour la première fois depuis le début de la campagne, le régiment bénéficie d’un repos supérieur à huit jours. Il reste en effet dans cette zone un peu plus de trois semaines, s’embarque du 10 au 12 décembre à Nançois-Tronville et de Dugny, où il est débarqué, va cantonner aux abords de Verdun, au Faubourg Pavé et caserne Miribel.

 

   

Verdun--Secteur des Chambrettes (18 Décembre 1917 - 22 Janvier 1918)

 

Pour la troisième fois, le 20e est appelé dans un secteur de la rive droite de la Meuse. Il prend possession, dans la nuit du 18 au 19, du sous-secteur Herbebois, formé des C. R. Azannes et Hadimé, en avant de la Ferme des Chambrettes et de la cote 353, position capitale, dont l’ennemi nous dispute la maîtrise. Cette région a été, depuis notre offensive du 20 août 1917 le théâtre de combats acharnés ; l’activité de l’artillerie s’y est toujours maintenue considérable depuis cette époque et les organisations défensives y ont été entièrement détruites.

La première ligne est constituée par une chaîne de trous d’obus, protégée çà et là par quelques éléments de réseaux Brun. Derrière cette ligne ne subsiste plus un seul abri, plus un seul boyau. Il n’existe pas un pouce de terrain qui n’ait été bouleversé par le bombardement. Sur une profondeur de plusieurs kilomètres, ce n’est qu’un désert mouvementé de trous d’obus. On dirait une mer figée au plus fort de la tempête.

L’occupation d’un tel secteur est particulièrement pénible, surtout pendant un hiver rigoureux comme celui de 1917-1918. Les relèves et les corvées de ravitail­lement, obligées de parcourir pendant la nuit les pistes rocailleuses et glacées, bat­tues par les mitrailleuses, soumises aux rafales soudaines d’obus explosifs ou toxi­ques, s’exécutent au prix de mille difficultés. Par endroits, une main courante em­pêche le glissement fatal dans les énormes trous d’obus où la mort par enlisement attend le malheureux qui y tombe.

Aux pertes par le feu s’ajoutent les pertes par le froid et les unités fondent rapidement.

Le régiment change de sous-secteur, occupe plus à l’Est celui du Chaume, dont la première ligne passe sur la crête au delà de l’Hermitage et qui surplombe le Fond des Rousses. Il repousse brillamment toutes les opérations tentées par l’ennemi, notamment celle très violente du 26 décembre, menée par deux bataillons de la Garde, ne laisse pas faire un seul prisonnier, maintient ses positions sur lesquelles il commence un réseau de tranchées et de boyaux malgré les tirs de harcèlement incessants de l’ennemi.

A tour de rôle, une compagnie du bataillon de réserve renforce la garnison du fort de Douaumont.

Au cours de la période de rafraîchissement que le régiment passe à Bassu et Le régiment est relevé dans le C. R. 2 Bois et Quatre-Chemins par le 418e (153e division d’infanterie) du 21 au 22 janvier.

Au cours de la période de rafraîchissement que le régiment passe à Bassu et Bassuet , après avoir été transporté à Blesmes par voie ferrée, le généralissime PETAIN vient inspecter le 26 janvier, à Vannault-les-Dames, le corps des officiers de la 33e division et leur exprime toute sa satisfaction pour la brillante tenue des unités dans le secteur des Chambrettes.

Dans une allocution qui fait une profonde sensation, tant par la gravité de ses paroles que par l’autorité qui émane de sa prestigieuse personne, le général PETAIN annonce que le haut commandement allemand, ne pouvant rester sur ses échecs antérieurs, va chercher, dans un ultime mais considérable effort, dépassant en vio­lence les précédents, l’écrasement des armées alliées pour obtenir le triomphe que le peuple germanique attend toujours mais ne voit jamais venir.

Le général ne cache pas la gravité de la situation, mais il montre d’autre part, toutes les raisons d’espérer et, dans ses grandes lignes, le plan adopté pour faire échec de nouveau aux puissantes offensives que l’ennemi prépare.

Avec un tel chef, au grand cœur, à la vision claire et à la raison froide, dont tout le passé de gloire répond pour les temps futurs, l’Armée ne peut douter d’un avenir plus rayonnant. Bien mieux, elle entrevoit derrière les nuages qui s’amoncel­lent l’horizon lumineux de la victoire.

On ignore le point où le grand état-major allemand prononcera son offensive, mais dans tous les secteurs où celle-ci est possible, on organise activement une deuxième position.

C’est ainsi et dans ce but que le régiment est mis à la disposition du 20e corps d’armée, placé en avant de Verdun, à cheval sur la Meuse.

Le 5 février, le 20e  débarque en chemin de fer à Dugny.

 

   

Verdun -- Hauts-de-Meuse  (4 Février au 11 Mai 1918)

 

Le 1er bataillon se rend au Bois bourru et travaille à l’organisation de la deuxième position entre le Fort de Marre et la Ferme La Claire

Le 2e est occupé à la construction d’abris dans la zone, Ferme Vanneaux–Villiers-Les-Moines.

Le 3e bataillon, stationné à la caserne Niel, est transporté chaque jour sur le canal en péniches automobiles et organise la deuxième position, en arrière de la route de Bras à Fleury. La 3e compagnie de mitrailleuses est détachée à Ippecourt pour le service des cantonnements.

Le lieutenant-colonel AMIOT remplace le colonel NELTNER, qui, affecté à l’Armée d’Orient, a fait ses adieux au régiment avant le départ de BASSUET.

Le 20e, ayant terminé la tâche qui lui était confiée, reçoit par lettre n° 255 3/B, du 15 février 1918, les félicitations du général BERDOULAT, commandant le 20e corps d’armée, pour la façon dont il s’est acquitté de sa mission et pour l’ardeur et l’entrain déployés dans l’exécution des travaux.

Aussitôt, le 20e change de zone et travaille désormais à la deuxième position dans les secteurs Souville-Fleury et Fort du Rozellier-Ouvrage Déramée.

Puis, cette tâche achevée en un minimum de temps, le régiment passe dans la partie des Hauts-de-Meuse située au nord des Eparges et relève, à la fin de février, dans le sous-secteur Bonchamp, le 47e régiment d’infanterie qui occupe les C. R. de Mont-sous-les-Côtes et de la Côte des Hures.

Ce secteur est tranquille. Les premières lignes adverses, établies dans les fonds marécageux de la Woëvre, sont distantes de plus d’un kilomètre. Chaque nuit, des reconnaissances vont au contact des lignes ennemies devant Manheulles et devant Fresnes.

Entre temps, l’offensive allemande s’est déclenchée dans la région Amiens - Montdidier.

L’Armée américaine, sans attendre une plus complète instruction de ses troupes, veut apporter son aide immédiate et soulager l’Armée Française de ses charges.

A cet effet, à partir du 13 mars, la 2e division d’infanterie américaine coopère dans une fraternelle entente à la défense du secteur de la 33e division d’infanterie. Le régiment partage le sous-secteur Bonchamps avec le 6e régiment de marche Amé­ricain qui a pour chefs le colonel CATLIN et le lieutenant-colonel LEE.

A la fin du mois, laissant le sous-secteur à la garde des Américains, le régiment appuie vers le Nord pour occuper le sous-secteur Ronvaux, qui comprend les quartiers d’Haudiomont et de Watronville. Le bataillon de réserve s’installe aux camps Joffre et des Réunis et aux Carrières de Moulainville.

Le général TANANT prend le commandement de la division.

Dans la nuit du 18 au 19 avril, un détachement franco-américain, sous le commandement du lieutenant VIAUD, et composé pour une partie par une section de la 1re compagnie (lieutenant CHARPAIN) exécute un coup de main sur la route de Verdun à Etain, devant Eix.

De nouveau, le 20e permute avec le 6erégiment de marche Américain et va reprendre ses anciennes positions de Mont et de la Côte des Hures. Cette dernière, par la situation unique et remarquable de ses observatoires, commande toute la plaine de Woëvre, d’Etain à Briey, dont les hauts fourneaux sont exploités par l’ennemi en pleine vue de nos lignes.

Relevé par le 9e régiment d'infanterie Américain du 5 au 7 mai, le 20e descend vers le Sud-Est, toujours dans les Hauts-de-Meuse, passe quelques jours dans le sous-secteur de Ranzières (C. R. Riga et Bizerte) où il remplace le 328e et où il est relevé le 11 mai par le 355e.

Par étapes, le régiment fait mouvement sur Nubecourt, Bulainville et Evres, où il prend un court repos ; puis, toujours par voie de terre, il revient à Verdun pour la cinquième fois.

 

 

Verdun--Secteur des Chambrettes  (21 Mai au 3 Juin 1918) 

 

Après des haltes successives aux camps de La Valtoline et des Vignes, aux abris Helly-Couleuvre, les bataillons montent dans le sous-secteur des Fosses pour y relever le 2e régiment d’infanterie.

Le front présente, en mai, à peu près le même aspect au point de vue de l’organisation défensive qu’en janvier, à l’époque du précédent séjour du régiment. Ni tranchées ni boyaux, mais seulement des trous d’obus reliés entre eux et presque pas de défenses. Le ravitaillement, toujours pénible, se fait à l’Estacade du Helly où les corvées se rendent chaque nuit.

Tout le front de Verdun, de la Meuse à Bezonvaux, est violemment agité car l’ennemi, qui sait que notre ligne est dégarnie, cherche à nous faire craindre une attaque de ce côté. Et de fait, en même temps que s’engage, le 27 mai, sa nouvelle offensive du Chemin-des-Dames, l’ennemi déclenche dans le secteur Beaumont-Le Chaume, une violente opération que nos observations de la veille et notre vigilance font échouer.

Le commandement allemand a si peu réussi dans le résultat qu’il cherchait, que notre ligne se dégarnit encore. La 33e division d’infanterie est retirée du front par extension des divisions voisines et va se grouper dans la zone de Nettancourt.

Le 20e cantonne à Charmont et Nettancourt pendant la première quinzaine de juin.

Le 9, le régiment, subitement alerté dans l’après-midi, s’embarque à Som­meilles.

Les Allemands viennent de prononcer une troisième offensive au nord-ouest de Compiègne et ont enfoncé nos lignes sur le Matz.

Lorsque, le 11 juin, à la pointe du jour, le régiment débarque à Verberie et Longueil-Sainte-Marie, la situation est très imprécise. Bien que l’attaque ennemie ait été enrayée, une menace sérieuse subsiste pour nos lignes de l’Oise et pour y parer, la 33e division d’infanterie est établie en réserve du G. Q. G. sur la position Fayel-La Buyère-Le Meux, mais elle n’a pas à intervenir, une contre-attaque heureuse du général MANGIN sur le plateau de Méry , ayant rétabli la situation dans la journée du 11.

 

 

Foret de Villers—Cotterets (19 Juin - 18 Juillet 1918) 

Le 17 juin, le régiment est enlevé en camions de Canly, sans qu’on connaisse, au départ, sa destination. Déposé dans l’après-midi à Ivors, à l’ouest de la Forêt de Villers-Cotterets, le 20e va bivouaquer pour la nuit au Buisson de Walligny, et la nuit suivante au Bois de Billemont. De là, il relève à la lisière est de la forêt au nord de l’Ourcy , le 92e régiment d’infanterie, dont le bataillon de première ligne tient la route de Faverolles à Troësnes, face au Buisson de Cresnes.

Le bataillon de soutien est en position dans la forêt à Silly-la-Poterie et Ferme Mortefert.

Le bataillon de réserve est à Billemont.

L’organisation de ce secteur est à peine ébauchée. C'est une situation de fin de combat.

Aussitôt, le régiment se met à la besogne. Il avance sa première ligne au delà de la route, vers le Moulin de Neufvivier, sur la Savière, et organise activement de solides positions à l’intérieur de la sombre et splendide Forêt de Villers.

Cette partie du front, le long de la lisière est de la forêt, entre Aisne et Marne, forme le fond d’une vaste poche que l’ennemi pourrait prendre comme base de sa prochaine offensive que l’on prévoit pour le 14 juillet.

La présence de notre division inquiète cependant l’ennemi puisque, dans un document que capturera plus tard la 10e Armée, il écrit ceci à la date du 5 juillet :

« La 26e division d’infanterie a été relevée devant le front de la division par la 33e division d’infanterie Française, qui passe pour une des meilleures divisions d’attaque. Il faut s’attendre de façon certaine à une attaque de grand style dans notre secteur. »

 

Ne faut-il pas admirer la perspicacité de ce commandant de division allemand quand on songe que, le 17 juillet, nous ignorions encore qu’une « attaque de grand style » à laquelle nous participerions allait être livrée le lendemain.

 

 

Offensive de l’Ourcq (IVe Armée, 18 au 31 juillet 1918)

 

L’ordre d’attaque pour la journée du 18 arrive au régiment dans l’après-midi du 17.

Réduit à deux bataillons, le 1er sous le commandement du commandant LABEYRIE et le 2e sous le commandement du commandant ISSALY (le 3e est mis à la dis­position de la 41e division d’infanterie, 10e Armée, qui opère au nord de l’Ourcq), le 20e, immédiatement placé au sud de cette rivière, a pour mission d’attaquer face à l’Est dans la direction Marigny-Saint-Mard-Moulin-le-Comte.

Le 2e bataillon est en première ligne.

Journée du 18 juillet.

 

A 4 h. 35, l’attaque se déclenche. Les bataillons se portent en avant derrière un barrage roulant. Aucune préparation d’artillerie n’a précédé ce déclenchement et dès le départ le feu des mitrailleuses adverses est des plus vifs. Le bar­rage allemand ne tarde pas à s’établir mais, malgré toutes ces difficultés, malgré les pertes déjà subies, les bois sont résolument abordés et le nettoyage méthodique en est aussitôt commencé.

Les mitrailleuses allemandes tombent une à une et, à 6 heures, le premier objectif est aux mains du 20e. L’aile gauche qui s’appuie sur l’Ourcq est très sérieusement gênée par des mitrailleuses du Buisson de Cresnes. Elle parvient néan­moins à s’aligner sur les éléments les plus avancés et, à 7 heures, elle atteint le Mou­lin de l’Isle dont elle s’empare.

Pendant ce temps, une patrouille sous les ordres du sous-lieutenant DEWEZ, char­gée d’aller assurer la liaison à notre gauche au nord de l’Ourcq , pénètre dans Noroy et s’empare de deux canons de 75 contre avions.

La ligne atteint les pentes ouest du ravin du Ruisseau du Gril et, à 16 heures, grâce aux dispositions judicieuses et au courage déployé par le lieutenant CHARPAIN, le lieutenant GATINEAU et leurs hommes, une batterie de 105 est enlevée en dépit de l’énergique défense des servants munis de mitrailleuses et de grenades.

A 18 heures, nos premiers éléments occupent les bois à l’est du Gril et pren­nent un dispositif de sécurité pour la nuit.

 

Journée du 19 juillet 1918.

 

Le régiment a pour objectif le Moulin de Saint-Mard et la Sucrerie. Un fran­chissement de ligne est effectué par le 1er bataillon qui remplace en première ligne le 2e, devenu soutien.

A 4 heures, l’attaque se déclenche, mais les unités sont accueillies par des feux nourris de mitrailleuses échelonnées le long des rives de l’Ourcq .Par la manœuvre et par des tirs de canons de 37, ces îlots sont réduits et le mouvement continue en avant.

Tandis que la chaîne progresse résolument en tirailleurs dans les champs de blé au nord de Marisy - Sainte-Geneviève, une batterie de 77 est vue en action sur la rive droite du Gril, au delà de Marisy-Saint-Mard. Immédiatement signalée à l’ar­tillerie, cette batterie est prise sous le feu de nos canons et ne peut s’enfuir, tous ses chevaux ayant été tués aux avant-trains.

Le Moulin de Saint-Mard, où se trouve un poste de commandement de colo­nel d’artillerie, est atteint, nettoyé, dépassé en dépit des nombreuses mitrailleuses qui tirent depuis la voie ferrée et peu après, la Sucrerie est en notre possession.

 Le régiment s’arrête alors, ayant atteint tous les objectifs qui lui étaient assi­gnés et devient provisoirement réserve de division d’infanterie.

Dans les deux premières journées de combat, les 1er et 2e bataillons ont pro­gressé de 5 kilomètres, pris 3 canons de 105, 2 canons de 75 contre avions, 20 mi­trailleuses lourdes et 60 prisonniers dénombrés. Des mitrailleuses légères, des munitions, du matériel de toute nature sont laissés sur le terrain.

 

3e bataillon

 

Le 3e bataillon (commandant GEHIN) en secteur au sud de Faverolles, où il a été relevé par le 39e régiment d’infanterie Américaine, la nuit même de l’attaque, est mis à la disposition de la 41e division d’infanterie et par conséquent se trouve à l’extrême droite de l’Armée MANGIN.

Il a pour mission d’attaquer au nord du Buisson de Cresnes, de tourner ce bois et d’assurer la protection du flanc de la 41e division d’infanterie.

Cette mission est des plus délicates, le bataillon ayant à longer le Buisson de Cresnes, point d’appui redoutable, très solidement tenu par l’ennemi et propice aux embuscades.

 

Journée du 18 juillet.

 

A 4 h. 35, le 3e bataillon, d’un superbe élan, part à l’attaque derrière un barrage roulant. Sans une minute d’hésitation, tous les hommes se jettent derrière leurs chefs dans la Savière, qui ne présente aucun pont en cet endroit. L’eau monte jusqu’aux poitrines et déjà des mitrailleuses ennemies entrent en action, mais débor­dant d’enthousiasme et riant de sa baignade forcée, le bataillon gravit les pentes est du ravin et se dirige à la boussole dans l’épais nuage des obus fumigènes, sur la corne nord-est du Buisson de Cresnes. Là, il est assailli par des feux de mitrail­leuses de la plus grande violence partant de l’intérieur du bois et le prenant d’enfilade. Avant de reprendre la progression, il faut entreprendre le nettoyage méthodique du Buisson. C'est à cette lourde tâche que le bataillon s’emploie résolument, faisant preuve des plus belles qualités de mordant et de ténacité. Tous les îlots de résistance sont successivement attaqués et réduits et à plusieurs reprises il faut en venir jusqu’au corps à corps. C’est au cours de l’un de ces engagements que le clairon DIEUX, de la 9e compagnie, est mortellement atteint d’une balle à la poitrine, au moment où il bondit vers une mitrailleuse dont peu après les servants sont mis en fuite. Etendu, perdant son sang en abondance, il dit à son chef de section qui est près de lui : « Serrez~moi la main, mon lieutenant. Quand vous irez là-bas, à Paris, vous direz à ma mère comment j’ai fait mon devoir. »

 

Journée du 19 juillet.

 

A l’aube du 19, le 3e bataillon prend son dispositif d’assaut en avant de la route d’Ancienville à Noroy. A 6 heures, il part à l’attaque en liaison étroite à gau­che avec le 23e régiment d’infanterie Américaine. La conquête de la croupe entre Noroy et Chouy et la prise de ce village furent le résultat, malgré l’énergique dé­fense ennemie et les pertes éprouvées (sous-lieutenant DELAY tué), d’une progression soutenue qui s’accomplit dans un ordre parfait, comme à la manœuvre, avec alter­nance du feu et du mouvement, chaque élément cherchant à tour de rôle dans une entente parfaite à faciliter la progression des voisins.

Poursuivant avec le même entrain son avance, le 3e bataillon atteint à midi son objectif le plus éloigné, la croupe à l’est du Ru de Pudeval, face au Bois de Rozet. Cette dernière progression a été particulièrement délicate car, à partir de Chouy, le bataillon a été découvert sur sa gauche et dès lors s’est trouvé très fortement en flèche.

 

Le butin fait pendant deux journées est de :

­            Un canon de 210 ;

Un canon de 77 ;

Un grand avion de bombardement ;

Cinq mitrailleuses lourdes et 75 prisonniers dont un officier.

 

Le 21 juillet, le colonel BERAUD-REYNAUD, commandant l’I.D. 33, et tous les officiers de son état-major étaient tués par un obus qui tombait sur le poste de commandement installé à Brény.

Mis en réserve de division, les 20 et 21, le régiment se porte en ligne le 22. Le 1er bataillon a mission d’attaquer les positions allemandes à l’ouest d’Armen­tières et d’atteindre la cote 122 à l’est de ce village.

Malgré un bombardement très vif, subi pendant plusieurs heures sur sa posi­tion de départ, le bataillon se porte vaillamment à l’attaque, ne marquant qu’un court temps d’arrêt sur le plateau à l’ouest d’Armentières pour permettre aux 37 et à nos mitrailleuses de réduire les îlots de résistance.

La progression reprise à 6 h. 25, la section du sous-lieutenant GRANDIER-VAZEILLE aborde les lisières d’Armentières. Le village est rapidement nettoyé. Dix-sept civils, pour la plupart femmes et enfants, sont libérés. Leur joie de revoir des sol­dats français est indescriptible et nos hommes, électrisés à cette vue, s’élancent à l’attaque de la croupe est du village. Ils s’y installent en enrayant net une contre-attaque ennemie. La situation du bataillon est cependant délicate et difficile. Très en flèche, il est découvert sur ses flancs, notamment à gauche du Belvédère, des mi­trailleuses ennemies prennent la ligne d’enfilade.

La progression du bataillon de tête a été constamment appuyée par le 3e ba­taillon. Ce dernier relève dans la soirée le 2e bataillon du 9e en première ligne. 50 prisonniers allemands, dont 2 officiers, et 3 mitrailleuses sont au tableau de la journée.

Soumis, le 24, durant tout le jour, sur la position à l’est d’Armentières, à un violent bombardement par obus de gros calibre et à des feux de mitrailleuses venant de la rive nord de l’Ourcq, ayant subi de nombreuses pertes, le 3e bataillon se porte en avant, le soir venu, en liant son mouvement avec celui des unités de droite. Il atteint la voie ferrée de Château-Thierry aux abords de Nanteuil-Notre-Dame, réalisant ainsi une nouvelle avance de 1.700 mètres et capturant 10 prisonniers (1officier),1mitrailleuse lourde et 1minenwerfer de 150. Le commandant GEHIN, blessé, est remplacé par le capitaine NAZAT, qui prend le commandement du bataillon. La veille, le 3e bataillon avait perdu le sous-lieutenant LOCRE, tué.

Le 25 juillet, le 2e bataillon continue la progression au nord de Nanteuil-No­tre-Dame. Il se trouve à hauteur du bataillon du 11e qui occupe le village et assure la liaison avec la 2e division d’infanterie.

La situation très en flèche de notre division pouvant à la longue inciter l’ennemi à nous attaquer par la vallée de l’Ourcq, sur le flanc gauche, le 2e bataillon opère le 27 une conversion face au nord pour venir se placer le long de la voie ferrée de Reims. Le mouvement s’effectue sous le feu des mitrailleuses de la rive nord de l’Ourcq. Trois officiers sont blessés. Quelques prisonniers et 3 mitrailleuses restent entre nos mains.

Dans la soirée du 28, toujours pour parer à la situation difficile créée par le retard de la division d’infanterie de gauche à se porter à notre hauteur, le régiment se forme face au nord, le long de l’Ourcq.

La convergence des attaques des divisions de droite et de gauche réduit petit à petit le front du régiment, qui est retiré du combat dans la nuit du 30 juillet.

            Le colonel PETIN prend le commandement de l’infanterie divisionnaire en remplacement du colonel BERAUD-REYNAUD, tué à Brény.

En dix jours de combat, le régiment a fait 200 prisonniers.

Il a capturé :

1 canon de 210 ;

1 minenwerfer de 150 ;

3 canons de 105 ;

4 canons de 77 ;

2 canons de 75 utilisés par les Allemands pour les tirs contre avions ;

30 mitrailleuses lourdes, un grand nombre de légères et un matériel considérable, en particulier d’énormes dépôts de munitions accumulés par l’ennemi en vue de ses offensives futures.

Les pertes du régiment pour la période s’élèvent à :

61 tués, dont 3 officiers, et 507 blessés, dont 15 officiers.

 

Le 2e bataillon est cité à l’ordre de la division n° 254,du 5 août 1918, en ces termes.

 

 

2e  bataillon du 20e régiment d’infanterie

 

Le 18 juillet 1918. Le 2e bataillon du 20e régiment d’infanterie s’est élancé à l’assaut des positions ennemies fortement défendues. A enlevé de haute lutte plusieurs lignes de défenses malgré les feux extrêmement violents de l’artillerie et des mitrailleuses, atteignant tous les objectifs qui lui avaient été assignés. A capturé au cours du combat 60 prisonniers, 2 pièces d’artillerie de campagne, 6 canons d’accompagnement et plus de 20 mitrailleuses. A fait preuve pendant les dix jours de combat qui ont succédé, des plus belles qualités de courage et d’endurance.

 

La brillante conduite et les succès du régiment dans les débuts heureux de la contre-offensive Française du 18 juillet lui valent sa deuxième citation à l’ordre de l’Armée n° 626 :

 

 

Le 20e régiment d’infanterie

 

Sous les ordres du lieutenant-colonel AMIOT, a, pendant l’offensive du 18 au 30 juillet 1918, entre Aisne et Marne, mené la lutte sans arrêt ; bien que souvent placé en flèche et ayant dû exécuter plusieurs marches de flanc sous le feu de mitrailleuses ennemies, a toujours atteint ses objectifs, enlevé de vive force plusieurs villages et positions fortement défendus. A capturé plusieurs canons, de nombreuses mitrailleuses et un énorme matériel de guerre.

 

Au G.Q.G., le 2 septembre 1918.

 

Le général Degoutte, commandant la 6e Armée

 

Signé : Degoutte.

 

Après trois semaines de repos passées dans la charmante région au sud de Coulommiers, à Saint-Augustin, Paradis, Glatigny et Chailly, où le régiment a profité d'une large détente favorisée d’ailleurs par un temps exceptionnel et durant lesquel­les il a développé dans de nombreux exercices ses aptitudes manœuvrières, il em­barque en camions, le 23 août, à 20 heures et, après un voyage de toute une nuit, débarque à la lisière nord de la Forêt de Villers-Cotterets, près de Montgobert.

Le régiment va bivouaquer dans les bois à proximité de cette localité ; il en repart de nouveau en camions, le 26, pour être transporté sur le plateau de Tou­vent, au nord de Vic-sur-Aisne, dans la région Nampcel-Bellon-Audignicourt.

La 33e division d’infanterie fait désormais partie de la 10e Armée, que commande le général MANGIN.

 

 

Attaque de l’Ailette-COUCY Forêt de Saint-Gobain

(27 Août – 28 Septembre 1918)

 

 

Dans la nuit suivante, le régiment rentre en secteur entre Guny et Pont-Saint-Mard, sur le Canal de l’Ailette. Il relève le 289e régiment d’infanterie et le 1er bataillon du 43e Sénégalais. Il est en liaison à droite avec le 110e régiment d’infanterie, à gauche avec le 9e régiment d’infanterie. Sa première ligne (1er bataillon) est constituée par le canal de l’Oise à l’Aisne.

 

Le 2e bataillon est en soutien aux Carrières de Guny.

Le 3e bataillon en réserve aux Creutes de Selens.

 

Dans une opération de grande envergure qui doit être incessamment déclenchée, le régiment a pour mission de déborder par le sud le Bois à l’est de Coucy et de progresser dans la direction générale de La Feuillée, Coucy-le-Château et Fresnes.

            Le génie a reçu l’ordre d’établir des passerelles, d’abord sur le canal, puis sur l’Ailette. Dans cette opération particulièrement périlleuse qu’il accomplit sous le feu des tirailleurs ennemis embusqués sur les berges opposées, le génie est aidé par la 9e compagnie.

Le 29, à 0 heure, sous la protection du barrage d’artillerie, la section du sous-lieutenant GRANDIER-VAZEILLE commence son mouvement, suivie de la section LOMBARD et, à l’aide de sacs Hebert, réussit à passer le canal. Mais à peine arri­vées sur la rive est, elles sont accueillies par les feux de mitrailleuses venant de trois côtés, notamment de la droite, du Haricot qui est aux mains de l’ennemi. Les deux sections se voient obligées, une heure après, de revenir sur leur base de départ.

A 1 h.15, deux passerelles sommaires ont pu être établies.

Le sous-lieutenant GRANDIER reprend le mouvement et, toujours suivi de la sec­tion LOMBARD traverse le canal en tête de sa fraction. Des mitrailleuses ouvrent le feu, mais au lieu de se terrer, le sous-lieutenant GRANDIER, dans un magnifique sursaut d’énergie, entraîne ses hommes à l’attaque de la mitrailleuse la plus proche et s’en empare de haute lutte, faisant prisonniers les servants du 460e .

Du même élan, ces deux sections poussent en avant et atteignent l’Ailette où elles se heurtent à un ruisseau de 6 mètres de large. Elles doivent s’arrêter et atten­dre que le génie ait construit de nouvelles passerelles. Pendant ce temps deux autres sections de la 2e compagnie ont également passé le canal. La progression se fait lentement, l’ennemi défendant le terrain pied à pied.

La 1re compagnie s’empare encore de 3 mitrailleuses et de quelques prisonniers et, à 5 heures, cette unité tout entière est parvenue à franchir le canal et atteint les rives de l’Ailette.

L’ennemi, qui cherche à tout prix à nous en interdire le passage, riposte très violemment avec ses mitrailleuses et son artillerie et empêche le génie d’établir des passerelles sur l’Ailette. De plus, les régiments de droite et de gauche n’ont pu franchir le canal.

La progression est alors arrêtée et la vaillance des unités qui ont fourni tous ces efforts est encore durement mise à l’épreuve pendant toute la journée par un bombardement d’obus de tous calibres, exécuté sur le canal, dans le but évident de détruire les trois passerelles construites par le génie.

Cette situation difficile subsiste en fin de journée et le 1er bataillon, pour pas­ser la nuit, doit se couvrir sur son front et sur ses flancs.

Au cours de la nuit, le génie parvient à établir un passage sur l’Ailette.

Les 1re et 2e compagnies (capitaine PAUCET) reçoivent l’ordre de franchir la rivière et de s’emparer de la Ferme de Nogentel. Les sections des sous-lieutenants de GERPHANION et LECAMP, de la 1re compagnie, s’acquittent de cette mission pen­dant que les sections de la 2e compagnie viennent border la route de la Sucrerie des Michettes à la Ferme Nogentel.

L’opération se termine au milieu de l’après-midi et l’ennemi se retire jusqu’à la lisière du Bois de Nogentel.

Le 110e régiment d’infanterie, à droite, ne franchissant pas le canal et le 9e régiment d’infanterie, à gauche, n’ayant pu dépasser le Moulin du Tempet, le 1er bataillon se trouve dans l’obligation d’arrêter sa progression et de rester ainsi en flèche tandis que l’ennemi procède à un bombardement continu sur toute la zone comprise entre la Ferme de Nogentel et le canal.

            Vers 21 heures, l’adversaire s’étant rendu compte de l’isolement des sections de la ferme, tente une contre-attaque.

Un fort parti ennemi se glisse dans les hautes herbes en cherchant à déborder par le sud nos éléments avancés. Profitant de la nuit très noire, l’ennemi réussit à s’avancer entre les sections de soutien et la première ligne, menaçant cette dernière d’encerclement. Mais le mouvement est éventé. La lutte s’engage ; nos sections se replient légèrement pour tenir tête à l’adversaire, ce pendant que le caporal FOURTONintervenant avec sa mitrailleuse, oblige les assaillants à s’arrêter, puis à battre en retraite. Au petit jour, on constate que l’ennemi laisse sur le terrain dix cadavres. Quelques heures plus tard, les Allemands qui étaient restés aux abords de la Ferme Nogentel semblent se préparer à attaquer de nouveau les éléments de la 10e compagnie dont l’effectif est très réduit.

Le lieutenant DE MARION, commandant cette compagnie, que vient de renforcer la section FONPUDIE, de la 3e, décide immédiatement d’attaquer le centre de résis­tance ennemi. Tandis que le fusilier-mitrailleur CARPENTIER s’avance résolument en faisant du tir en marchant, le reste de la section, ayant à sa tête le sergent BERTHAULT réussit par une manœuvre audacieuse et habile à contourner l’îlot de résistance et à s’emparer de 4 mitrailleuses et de 15 servants. A 16 heures, avec une bravoure et un élan admirable, les unités du 1er bataillon se portent en avant sous le feu des mitrailleuses et de l’artillerie ennemie. Les éléments de tête sont obligés de se terrer après un bond de 200 mètres, car les pertes sont sérieuses. Les sous-lieutenants MALAQUIN et LECAMP tombent glorieusement à la tête de leur section. L’ennemi bombarde sans relâche par obus explosifs et par toxiques entre le canal et l’Ailette.

            Le 1er septembre, à 13 heures, le 3e bataillon exécute un mouvement difficultueux. Passant derrière le régiment de gauche, il doit franchir le canal et l’Ailette puis exécuter une conversion vers la droite pour faire tomber la Sucrerie des Michettes en la prenant à revers. Cette position est conquise dans la soirée et, à la nuit, le 1er bataillon, relevé, descend aux grottes de Guny. Le régiment a alors deux bataillons en ligne : le 2e à droite (Ferme Nogentel), le 3e à gauche, à la Sucrerie des Michettes.

Pendant les journées des 2 et 3 septembre, le 3e bataillon exécute une pénible progression sous le bois Claudin, à cheval sur la Laie du Tempet. L’adversaire, le 116e régiment d’infanterie qui a relevé le 460e, se défend pied à pied et, dans l’épais fourré du bois, il faut en venir au combat à la grenade pour le déloger de ses retranchements. Au cours de ces combats, le bataillon prouve les plus belles qua­lités de mordant et de ténacité : tous, gradés et hommes, rivalisent de vaillance et d’entrain. Le sous-lieutenant TOUCHE tombe avec sa fraction, au cours d’un combat sous bois, dans un centre de résistance et se trouve entouré d’ennemis. Il entraîne résolument ses hommes dans un violent combat corps à corps. Le fusilier-mitrailleur BRISSE n’hésite pas alors à ouvrir le feu à bout portant sur l’adversaire et réussit à dégager les nôtres. Sept prisonniers, dont un sous-officier, restent entre nos mains.

Le 2e bataillon s’empare du Bois de Nogentel tandis que le 3e poursuit sans relâche le combat, de jour et de nuit, dans le bois de la Sucrerie des Michettes, qu’il occupe morceau par morceau.

Le sous-lieutenant de La VILLESBRET, de la 9e compagnie, reçoit l’ordre de se porter au contact du point vital de la défense ennemie à l’intérieur du bois. Sachant ce qu’avait de périlleux une telle mission, il se place à la tête de ses hommes qu’il entraîne par son exemple et son audace, sous une grêle de balles. Il se maintient au contact de l’adversaire pendant toute une journée, gardant le terrain conquis malgré deux contre-attaques.

Le sergent MARCHAND et le soldat MONTALENT, de la 9e compagnie, se font tuer à bout portant par une mitrailleuse qui arrêtait la progression de leur unité et sur laquelle ils s’étaient vaillamment élancés dans l’espoir de s’en emparer.

Les actes de bravoure et de dévouement se multiplient dans ces durs combats sous bois, mais beaucoup et des plus beaux restent ignorés.

            A 8 heures, le 5 septembre, le régiment attaque en direction de Coucy-la-Ville et Coucy-le-Château. Son premier objectif est la voie ferrée de Laon. A droite le 2e bataillon, à gauche le 3e. Dès le déclenchement du mouvement, ces ­bataillons s’aperçoivent qu’ils n’ont devant eux que de faibles arrière-gardes qui s’enfuient devant leur progression résolue.

            Arrivées rapidement à la voie ferrée, nos unités ne peuvent plus progresser en raison du tir de notre artillerie et demandent, notamment de la gauche, par fusées, l’allongement du tir. Les bataillons demandent par tous les moyens qu’on les laisse s’élancer à la poursuite de l’ennemi que les combats opiniâtres des journées précédentes ont contraint au repli.

La 11e compagnie, sous les ordres du sous-lieutenant TOUCHE, pénètre à 11 heures, à la suite d’un mouvement habile et résolu, dans Coucy-la-Ville  malgré les feux de l’ennemi embusqué sur les crêtes au nord du village. Un peloton de la 9e compagnie, commandé par le sous-lieutenant FREZEFOND, négligeant le feu des mitrailleuses, contourne Coucy-la-Ville, pousse droit sur la crête d’Aumont et jusqu’à la cote I75, poursuivant de ses tirs les Allemands en retraite.

A 13 heures cet élément, bien en avant sur les autres unités de la division, signale sa position par l’envoi de deux fusées.

Le lieutenant POTTIER, de la 5e compagnie, a pénétré dans le village de La Feuillée, puis a grimpé sur le Château de Coucy pour se mettre en liaison avec la division de droite qui n’y est point encore parvenue. Il n’y trouve que des Alle­mands qui lâchent la position.

Dans la nuit, cet officier exécute une reconnaissance à la Ferme Rozières qu’il trouve fortement occupée et avec laquelle il garde le contact. Le 6 septembre le 1er bataillon, qui a relevé le 3e, reçoit l’ordre de s’installer dans les anciennes tran­chées Françaises, situées à 500 mètres à l’ouest du village de Fresnes. Précédé des sections du sous-lieutenant POMAREDE et du sergent BONIN, qui s’emparent de deux mitrailleuses et de 11 prisonniers du 394e, le bataillon remplit complètement sa mis­sion.

De son côté, le 2e progresse jusqu’à la Ferme Rozières dont le sous-lieutenant LEROUX s’empare après un combat au cours duquel il force le détachement ennemi à s’enfuir.

Du 28 août au 8 septembre, le 20e, après avoir brisé la résistance d’un adver­saire tenace sur le canal de l’Oise à l’Aisne, sur l’Ailette et dans les bois à l’est de cette rivière, a réussi à mettre, après 9 jours de combats sans merci, l’ennemi en pleine déroute, réalisant une progression de sept kilomètres, reportant notre front jus­qu’aux anciennes tranchées françaises, devant la ligne Hindenburg, et usant successivement les forces de trois régiments allemands, capturant :

 

Plus de 70 prisonniers ;

Un canon de 77 et un mortier de 240 ;

Une quarantaine de mitrailleuses ;

Un parc important du génie comprenant plus de 10.000 outils et 10 kilomè­tres de voie de 0,60.

Mis pendant quelques jours en réserve de division et stationné à Saint-Paul-­aux-Bois et aux Creutes des Crocos et d’Orgival , le régiment remonte en ligne et tient, du 16 au 28 septembre, le secteur à l’ouest de Fresnes, face à la Forêt de Saint-Gobain.

Entre temps, un détachement de la 11e compagnie exécute en plein jour un coup de main audacieux sur une tranchée ennemie du Ravin de Normézières, en bouleverse les organisations, rapporte une mitrailleuse, du matériel, des munitions et identifie le régiment adverse.

Les brillantes qualités offensives du régiment, l'entrain qu’il a déployé et les succès qu’il vient d’obtenir lui valent une nouvelle citation à l’ordre de l’Armée, la troisième.

 

 

ordre de l’Armée n°344, du 12 octobre 1918.

Le 20e régiment d’infanterie :

 

Ayant reçu la mission, sous le commandement du lieutenant-colonel AMIOT, de forcer le passage d’un canal puis d’une rivière, a montré une fois de plus ses brillantes qualités offensives et son ardeur en triomphant d’un seul élan des obstacles accumulés par l’ennemi. Puis, au cours de durs combats de bois, a refoulé pied à pied l’adversaire pendant six jours, sous les rafales incessantes de très nombreuses mitrailleuses et sous un violent bombardement de tous calibres. A talonné l’ennemi en retraite, poussant de l’avant sans s’inquiéter des progrès des unités voisines et a, le premier, réoccupé les anciennes tranchées françaises devant la ligne Siegfried. A fait de nombreux prisonniers, pris un canon, des engins de tranchée et un grand nombre de mitrailleuses.

 

Au G.Q.G., le 12 octobre 1918.

 

Le général commandant la 10e Armée

 

Signé : Mangin.

 

 

Un événement marquant qui réjouit les cœurs prend place à la fin du repos que le régiment vient de prendre dans la région d’Attichy.

Au cours de la revue de la 33e division d’infanterie massée sur le plateau de Croutoy, le 9 octobre 1918, le général Fayolle, commandant le groupe d’armées, remet au 20e la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de Guerre.

A partir du 11, la division se porte tout entière dans la direction du Nord. Le régiment, par la Ferme Touvent, Blérancourt, Apilly, Marest-Damcourt, Cugny, Saint-Simon, gagne le 13 octobre le faubourg d’Isle, à Saint-Quentin, et, le 14, la zone de Fieulaines-Fontaine-Notre-Dame, au nord-est de Saint-Quentin.

            La 33e division d’infanterie, momentanément en réserve du 36e corps d’armée, entre dans la composition des troupes de la Ire Armée, puis change de secteur et passe aux ordres du 31e corps d’armée.

 

 

Opérations sur l’Oise --Mont d’Origny—Guise   Poursuite en Belgique

(Du 17 Octobre au 10 Novembre 1918)

 

 

Mis à la disposition de la 56e division d’infanterie, le régiment, des bois Fer­nina et de la Pépinière, où il est bivouaqué, pousse dans la journée du 17 le 3e  bataillon au Bois des Fleurs, et le 1er au Vieux Colombier. Dans la matinée du 18, la 9e compagnie se porte en renfort du 8e tirailleurs à Mont-d’Origny, où ce régiment est relevé la nuit suivante, par les 3e et 1er bataillons. Ce dernier occupe la partie nord-est du village jusqu’à l’église avec les 1re et 3e compagnies en lignes et la 2e en soutien. Le 3e bataillon tient la lisière nord-est du village et le versant ouest de la cote 103 avec les 10e et 11e en ligne, la 9e en soutien.

Du 19 au 26 octobre, ces deux bataillons restent en secteur dans des conditions très dures. Une faible partie seulement de Mont-d’Origny est entre nos mains et l’ennemi ne cesse de la pilonner avec des obus de gros calibre. Nos unités cherchent en outre continuellement à progresser par infiltration, mais l’ennemi se montre vigilant et toute tentative entraîne un combat de rue.

De plus, ces bataillons, sur la rive gauche de l’Oise, ne disposent que de com­munications très précaires avec l’arrière. Les rares passerelles sur le canal et sur l’Oise sont battues par l’artillerie ennemie et la vallée est prise d’enfilade par les mitrailleuses d’Origny-Sainte-Benoîte, toujours aux mains de l’ennemi. Une crue soudaine et violente de l’Oise submerge les frêles passerelles et menace de les emporter.

            Néanmoins, après cette période, le régiment prend part le 26 octobre à une opération d’ensemble.

 

1er bataillon. -- A 9 h. 30, le 1er bataillon se porte à l’assaut de son premier objectif, les lisières sud-est de Mont-d’Origny. Dès le commencement du mouvement, les 1re et 3e compagnies, appuyées par une section de lance-flammes, des mitrailleuses dissimulées dans les maisons et dans les caves, voire même perchées sous les toits, ouvrent le feu de toutes parts.

La section du sous-lieutenant GRANDIER-VAZEILLE, malgré ces difficultés, atteint bien avant toutes les autres unités la route de Guise, à l’intérieur du village, s’empa­rant d’une mitrailleuse et de quatre servants.

A gauche et à droite, les éléments voisins n’ont pu effectuer qu’une petite progression et de ce fait, la position de la section GRANDIER est très critique. Se ren­dant compte du danger couru par cette unité, le lieutenant JOANNY entraîne énergi­quement une section de renfort, arrive à la route et commence à organiser la résis­tance au moment où il tombe grièvement blessé.

Son exemple est suivi par le sergent CHALAND qui, à la tête d’un groupe de grenadiers et de lance-flammes, cherche à rejoindre la section GRANDIER. Ce brave est tué d’une balle à la tête.

 Le sergent GODIVEAU renouvelle cette tentative et tombe à son tour mortelle­ment frappé.

La 2e section de mitrailleuses, qui a suivi le lieutenant JOANNY, est presque anéantie et la 4e section est envoyée pour la remplacer. Son chef, le sergent OUSTRIN, l’entraîne résolument, mais une forte contre-attaque ennemie le surprend en plein mouvement; encerclée et recevant des grenades de toutes parts, la section se défend désespérément. Le sergent OUSTRIN, un chef de pièce et 5 servants tombent mortellement blessés. Les survivants et les éléments de la 1re compagnie se défendent encore, avec rage au fusil et à la grenade, mais ils succombent sous le nombre. Quelques hommes réussissent à se replier.

Le lieutenant BOUQUIN est blessé en se portant en renfort et sa section, qui ne peut dégager les éléments encerclés, parvient à conserver la plus grande partie du terrain conquis.

 A 15 h. 15, l’attaque est reprise avec vigueur. Le sergent BOUCHETARD, de la 3e compagnie, aborde avec sa section une maison puissamment fortifiée où l’ennemi se défend jusqu’à la dernière extrémité. Après un combat, il brise la résistance de l’adversaire, s’empare de trois mitrailleuses et fait 14 prisonniers, dont un officier.

 Cette opération permet un mouvement débordant par la gauche qui fait tomber une à une les dernières résistances ennemies dans Mont-d’Origny. De nombreux pri­sonniers sont faits.

La 1re compagnie parvient, dans un retour offensif, à dégager des mains de l’ennemi le lieutenant JOANNY et deux soldats, tous les trois grièvement blessés.

A 16 h. 25, le 1er bataillon a atteint son premier objectif.

 L’ennemi poursuivi se replie en pleine déroute. Aussi, le deuxième objectif, situé à un kilomètre au delà, est-il atteint sans difficultés.

 

3e bataillon. --A 9 h. 30, en même temps que le 1er bataillon, les 10e et 11e compagnies (lieutenants COURREGES et DESGRANGES) sortent des trous d’obus qu’elles occupent pour monter à l’assaut de la route de Guise et de la côte 103. La côte 103, située à la sortie nord-est de Mont-d’Origny, commande entièrement la position, et l’ennemi attribue à sa possession la plus grande importance.

Dès que nos premiers éléments apparaissent, de violents feux de mitrailleuses partent de cette hauteur, des talus de la route et des dernières maisons de Mont ­d’Origny. Impossible de progresser sur la pente de la côte 103 qui constitue pour l’assaillant un redoutable glacis.

Néanmoins, à deux reprises, la dernière à 12 heures, les compagnies de tête renouvellent leur tentative de progression, mais elles ne peuvent avancer que de 50 à 60 mètres et sont arrêtées par le feu des mitrailleuses.

Une nouvelle attaque est montée pour s’emparer de la côte 103. Un tir de 75 très précis et très nourri est exécuté de 15 h. 30 à 15 h. 45 et oblige les défenseurs ennemis à se terrer. Entraînées par leurs chefs, les unités de tête s’élancent à l’ins­tant opportun, d’un seul bond, sur l’objectif qu’elles atteignent au moment où les derniers obus de 75 tombent sur la position.

De tous leurs abris sortent des mitrailleurs ennemis qui sautent à leurs pièces, mais il est trop tard. Les fractions qui ont pris pied du côté opposé de la route pren­nent de flanc et à revers les défenseurs allemands.

Une section de mitrailleuses, commandée par l’adjudant CLEMENT, qui a suivi avec la première vague, s’établit sur le talus sud de la route qu’elle prend d’enfi­lade et vient vite à bout de toutes les résistances. (64 cadavres sont dénombrés après l’opération sur la côte 103.)

L’enlèvement de cette position amène immédiatement un repli général de l’ennemi. Quelques instants après la prise de la côte 103, l’adversaire se retire à gauche de la route de Guise et, à droite, il évacue le village de Mont-d’Origny.

Au cours de l’opération, le capitaine BAUDEL a trouvé une mort glorieuse et le sous-lieutenant DELMAS a été très grièvement blessé.

            Les actes individuels de courage se sont multipliés et on peut citer parmi les plus brillants celui du tambour BEN BARUCK qui, envoyé par son commandant de compagnie au chef de bataillon pour rendre compte que la position était enlevée, et blessé en cours de route, ayant la mâchoire fracturée, fit comprendre par signes, tandis qu’on le pansait, qu'il désirait de quoi écrire. Et sur une carte il griffonna ces simples mots: « Je venais rendre compte au commandant : Objectif atteint. »

Dans cette journée, le 20e a atteint tous les objectifs qui lui étaient assignés, s’emparant de deux points d’appui de la plus haute importance, la côte 103 et Mont-d’Origny, brisant entièrement la résistance opiniâtre d’éléments de trois excel­lents régiments allemands (463e, 464e, 465e), le contraignant à un repli important et capturant :

 

166 prisonniers, dont 3 officiers ;

18 mitrailleuses lourdes ;

1 minenwerfer chargé et amorcé.

 

A la suite de cette brillante opération, le 3e bataillon est cité à l’ordre de la division n° 354, du 23 janvier 1919

 

Le 3e Bataillon du 20e régiment d’infanterie

 

Le 3e bataillon, sous le commandement du chef de bataillon NAZAT, a, le 26 octobre 1918, enlevé un point d’appui très fortement organisé devant Mont-d’Origny, provoquant ainsi le repli général de l’ennemi, capturant 75 prisonniers dont 1officier et 32 mitrailleuses dont 12 lourdes. Le 9 novembre, sans repos, a bousculé les arrières-gardes ennemies à l’est de La Capelle et, par une marche rapide, a franchi le premier la frontière, surprenant l’ennemi au moment où il allait évacuer de nombreux trains d’approvisionnements et capturant entre Anor et Momignies un matériel considérable.

 

 

Le régiment obtient également la citation  suivante à l’ordre du corps  d’Armée n° 365 ( P)  

 

Le 20e régiment d’infanterie

:

A puissamment contribué, au cours de la journée du 26 octobre 1918, à rompre de solides positions ennemies vigoureusement défendues, capturant 166 prisonniers, dont 3 officiers, et s’emparant d’un important matériel.

Au G.Q.G., le 12 décembre 1918.

 

Le général commandant le 31e corps d’Armée

 

Signé : Toulorge.

 

 

Pendant la nuit du 26 au 27, le régiment arrête par ordre sa progression pour se laisser dépasser par les unités de droite et de gauche. Ainsi retiré du front par élimination, il passe en réserve de division d’infanterie, mais continue à suivre à dis­tance la progression générale de la ligne.

 En position vers la Ferme Jonqueuse pendant les journées du 28 et du 29, le régiment relève ensuite le 106e régiment d’infanterie à l’ouest de Guise, dont on aperçoit le donjon du château.

Le 20e reste sur ses positions avancées jusqu’au 3 novembre, dans des condi­tions matérielles des plus médiocres, sans abris, par un froid très vif et sous la pluie. Multipliant ses patrouilles et ses reconnaissances de nuit, harcelant l’ennemi par ses coups de sonde, le régiment subit une très vive réaction d’artillerie avec emploi en masse d’obus toxiques.

Relevé dans la nuit du 3 au 4 novembre pour aller à Mont-d’Origny, le régi­ment en repart le 5 au lever du jour pour se porter sur Guise où les Français viennent d’entrer et s’établit pour la nuit aux lisières est de la ville.

Le mouvement reprend le 6 et, le soir venu, le 20e stationne dans la région Crupilly-Le Boujon où de nombreux habitants viennent d’être délivrés et rendus à la mère-patrie.

A 6 h. 30, le 7 novembre, le 2e bataillon passe en première ligne et continue immédiatement la poursuite de l’ennemi. Arrivé à La Rue-du-Haut, des mitrailleu­ses installées dans les maisons ouvrent le feu et obligent le bataillon à s’arrêter quel­ques instants. Mais, grâce à la manœuvre hardie de la section LAVAL, de la 5e com­pagnie, le principal centre de résistance ennemie, menacé d’encerclement, tombe et ses défenseurs s’enfuient en abandonnant leurs armes.

La progression reprend jusqu’aux abords de la route nationale de Guise La Capelle. là, le 2e bataillon doit stopper, car les maisons et les talus de la route sont garnis de mitrailleuses.

La section du sergent LAVAL réussit pour la deuxième fois l’encerclement d’un centre de résistance, mais au prix de grandes difficultés et grâce au courage et à la décision de son chef, qui tombe grièvement blessé au moment où il s’empare de deux mitrailleuses.

La 5e compagnie parvient à atteindre la route nationale de La Capelle à Hir­son ; le 2e bataillon reprend sa progression et, en fin de journée, arrive devant le village de Rue-de-Paris, à 3 kilomètres à l’est de La Capelle, après avoir réalisé une avance de 8 kilomètres.

Pour permettre le passage des parlementaires ennemis, dont l’arrivée immi­nente a été annoncée le matin au milieu de la plus profonde émotion, le feu est sus­pendu de 18 heures à 6 heures.

Dans la journée du 8, le 2e bataillon continue sa progression jusqu’à la voie ferrée d’Hirson et, à nouveau, le feu est suspendu de 18 heures à 4 heures pour permettre le retour des parlementaires.

Par suite de l’extension du front de la 33e division d’infanterie, le 3e bataillon doit opérer, dans la nuit du 8 au 9 novembre, sans reconnaissance préalable, dans un pays inconnu, par une nuit noire et le plus mauvais temps, la relève du 14e ba­taillon de chasseurs alpins. Il se trouve alors aux lisières est de Cour-de-Bray, à droite du 2e bataillon.

Or, dès la fin de cette relève, sentant que la résistance ennemie a fléchi, le 3e bataillon s’élance sans ordres à la poursuite des Allemands en retraite, entraînant bientôt dans sa vigoureuse progression les unités voisines.

Grâce à l’ardeur et à l’allant dont chacun fait preuve, les différents éléments du bataillon, pressant l’ennemi, s’avancent rapidement, malgré les coupures de ter­rain, les obstacles accumulés sur les routes et les agglomérations nombreuses de La Thiérache délivrée.

Talonnant l’ennemi, emportés par leur élan, ne sentant point la fatigue, ne vou­lant point prendre de repos, les compagnies de tête du bataillon délivrent successive­ment de nombreux villages au milieu de l’enthousiasme mêlé d’intense émotion des habitants qui se précipitent au devant des premiers soldats Français qu'ils ont la joie de revoir. Rue-Neuve, Mondrepuis, Rue-d’Hirson, Anor sont dépassés.

La marche rapide du 3e bataillon qui progresse sans s'inquiéter de ses voisins de droite et de gauche, restés très en arrière, a pour effet de faire rebrousser chemin à des locomotives venues pour atteler les nombreux trains de ravitaillement qui station­nent sur la ligne d’Anor à Momignies et dont le 3e bataillon s’empare. Ne s’attar­dant pas aux résistances qui se révèlent sur ses flancs et même en arrière, notam­ment dans le Bois d’Anor, repoussant les arrière-gardes de cavalerie, le bataillon pousse droit devant lui, continuant sa progression vers la frontière belge, qu’il fran­chit le premier de l’Armée, et atteint Beauwelz et Momignies, ne s’arrêtant qu’en fin de journée et parce qu’il en a reçu l’ordre.

En plus des trains de ravitaillement et d’habillement que l’ennemi n’a pas eu le temps d’emmener et qui représentent un butin considérable, le 3e bataillon s’empare d’un parc d’artillerie comprenant plusieurs centaines de pièces et de voitures.

De son côté, le 2e bataillon a enlevé La Rue-de-Paris, Rue-des-Cendreux et Les Muternes, où il s’arrête, conformément aux ordres qui lui ont été donnés.

Le 10 novembre, tandis que les parlementaires prennent connaissance des con­ditions d’un armistice que la nécessité de sauver leur armée battue leur fait deman­der, le 20e, à l’avant-garde de la 33e division, est installé en territoire belge.

 

Une citation à l’ordre du corps d’armée, la septième, termine la série des témoignages d’une brillante carrière.

 

Le 20e régiment d’infanterie :

 

Sous le commandement du lieutenant-colonel AMIOT a, pendant tous les combats sur l’Oise, du 17 octobre 1918 au 9 novembre 1918, fait preuve des plus brillantes qualités militaires. Du 19 au 26 octobre, a attaqué la partie nord de Mont-d’Origny, soutenant de très durs combats de rues et repoussant de violentes contre-attaques de l’ennemi. Le 26 octobre, s’est emparé de tout le débouché est de Mont-d’Origny, capturant dans cette journée plus de 250 prisonniers et 50 mitrailleuses. Du 31 octobre au 3 novembre, a attaqué les avancées de Guise : a poursuivi l’ennemi du 7 au 9 novembre, ne lui laissant aucun répit. S’est emparé à Anor d’un énorme matériel de guerre. A franchi le premier la frontière belge.

 

Le général commandant le 31e Corps d’Armée ;

 

Signé : Toulorge

 

 

­Lorsque, le 11 novembre, le 20e est retiré du front, il apprend la triomphante nouvelle de l’armistice.

Une ultime et suprême récompense était réservée au 20e, que ses sept citations classaient en tête des régiments du 17e corps d'armée.

A la Fête de la Victoire, le 14 juillet 1919, au milieu de toute la France représentée, venue saluer dans le cortège sublime de tous leurs drapeaux les plus grands soldats de toutes les époques, le 20e, au nombre des régiments d’élite, défi­lait, dans une auréole de gloire, sous l’Arc de Triomphe.

 

 

 

 

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