256e REGIMENT D'INFANTERIE

HISTORIQUE SOMMAIRE

 

Transmis et saisi par Marie France, merci à elle

 

 

 

 

LA MOBILISATION

CAMPAGNE DES VOSGES (12 août 1914 – 7 octobre 1914)

CAMPAGNE D’ARTOIS (12 octobre 1914 – 5 janvier 1916)

CAMPAGNE DE Belgique (6 janvier 1916- 28 mai 1916)

CAMPAGNE DE LA SOMME (17 juin 1916 – 24 janvier 1917)

CAMPAGNE D’ALSACE  (14 mars – 14 juin 1917)

CAMPAGNE DE CHAMPAGNE (9 août 1917 – 2 mai 1918)

CAMPAGNE DE L’OISE (3 mai – 11 juin 1918)

 

 

 

Encadrement du 256ème d’infanterie à la date du 2 août 1914

 

ETAT-MAJOR

 

 

RIMAUD, lieutenant-colonel       : Chef de corps

ZELLER, capitaine : Officier adjoint

TREVES, médecin major de 2ème classe  : Médecin-major, chef de service

SANGAN, lieutenant         : Officier chargé des détails

GROS, lieutenant    : Officier d’approvisionnement

DECERLE, sous-lieutenant          : Officier téléphoniste

MARET, sous-lieutenant   : Officier porte-drapeau

JAUGEY, sous-lieutenant  : Officier mitrailleur, 1ère section

BEAL, sous-lieutenant       : Officier mitrailleur, 2ème section

 

5ème BATAILLON

 

MEQUILLET           : Chef de bataillon

CHEVRIER  : Lieutenant adjoint

GARDEY      : Médecin aide-major de 2ème classe

 

17ème Compagnie    19ème Compagnie

DUMAS-VENCE, Capitaine         DELPECH, Capitaine

SENARD, Lieutenant         TROLLIET, Lieutenant

LOMBARD, Sous-lieutenant        DROUHIN, Sous-lieutenant

 

18ème Compagnie    20ème Compagnie

RENAUD, Capitaine          BONVALOT, Capitaine

VIGIER, Lieutenant            BRAY, Lieutenant

BRETAGNON, Sous-lieutenant   GRUNER, Lieutenant

 

6ème BATAILLON

 

GEVREY       : Chef de bataillon

MAILLE        : Médecin aide-major de 1ère classe

 

21ème Compagnie    23ème Compagnie

DUROUSSET, Capitaine   DERRIEY, Capitaine

FAILLANT, Lieutenant     LEDEUIL, Lieutenant

DE VALENCE DE MINARDIERE           SIBIEN, Sous-lieutenant

Lieutenant

 

22ème Compagnie    24ème Compagnie

DEMIMUID, Capitaine      BONNE, Capitaine

SILHOL, Lieutenant           BONNEVILLE, Lieutenant

GUILLEMAUT, Sous-lieutenant  SONGLET, Lieutenant

 

 

LA MOBILISATION

Le 256ème R.I. a été formé à Chalon-sur-Saône le 2 août 1914, premier jour de la mobilisation, avec les cadres de la réserve et du 56ème R.I.

Les différentes phases de la mobilisation se déroulèrent dans un ordre remarquable. Dès l’instant où, dans la soirée du 1er août, fut affiché à l’Hôtel des Postes le télégramme officiel annonçant la mobilisation, apparut brusquement chez tous, avec une généreuse ardeur, la volonté calme de mener à bien la tâche qui s’imposait. Aux heures inquiètes et agitées des dernières journées de paix, succéda une période de grande activité dans une atmosphère de confiance : la sincère conviction de la noblesse de la cause française fut encore affirmée par l’intervention de l’Angleterre, et les premiers pas glorieux de nos soldats en Haute-Alsace firent entrevoir la réalisation presque inespérée de nos grandes aspirations.

Un mouvement considérable s’empara de la ville ; les allées et venues des nouveaux militaires, les rassemblements tumultueux sur le boulevard devant les Communiqués, l’arrivée bruyante et le long cortège des évacués de la ville d’Epinal, accueillis par les autorités civiles, les discours vibrants du commandant Méquillet à la population dans la grande salle des Fêtes, contribuèrent à lui donner une belle animation.

Le dixième jour de la mobilisation, 11 août 1914, le régiment, ayant à sa tête le lieutenant-colonel Rimaud, sortait des casernes de la ville.

Aux première et quatrième heures de l’après-midi, sous les rayons d’un soleil ardent, les 5ème et 6ème bataillons, sous les ordres des commandants Méquillet et Gevrey, s’embarquèrent au milieu des acclamations et des effusions d’une foule enthousiaste et émue.

 

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CAMPAGNE DES VOSGES (12 août 1914 – 7 octobre 1914)

A.- OPERATIONS PRELIMINAIRES

Le régiment ayant débarqué dans la nuit du 11 au 12 août à Saint-Loup-sur-Semouze, vient cantonner du 12 au 14 à Corbenay. Il fut dirigé, le 15, sur Remiremont, le 16 sur Gérardmer, après avoir effectué en montagne une marche pénible ; le 17, colonne de gauche de la 58ème division, le régiment ayant pour mission de marcher sur Stosswirth, bivouaquait au col de la Schlutht et à Altenberg, où il était placé en soutien des troupes opérant dans la vallée de Munster.

Le 18, il recevait l’ordre de se tenir à la disposition de la 1ère armée et du 14ème C.A. et, cantonnant à Clefey, arrivait dans la soirée du 19, après une très longue étape, à Colroy-la-Grande.

Le 20, traversant le col de Saales, il suivait la vallée de la Bruche et bivouaquait à Saulxures.

Le 21 et le 22, malgré l’activité des batteries ennemies au Champ de Feu, il organisait et occupait les tranchées de défense du col du Hanz.

 

B. – REMEMONT – TAINTRUX – SAINT-LEONARD

Dans la soirée du 22, le 5ème bataillon, avec le lieutenant-colonel Rimaud, reçut l’ordre de se replier, par Bourg-Bruche, sur Provenchères pour arrêter les colonnes ennemies essayant de déboucher par le col de Sainte-Marie-aux-Mines ; il occupait le 23 des positions élevées, dominant Frapelle, et le 24, des tranchées dans la plaine au sud-est de Beulay.

Le 25, il se dirigeait sur Haute-Mandray et sur le village de Rememont, en avant duquel il creusait des tranchées ; il y fut attaqué le 26 par des forces allemandes qu’il contint jusqu’au soir.

Au cours de cette journée, furent blessés : le commandant Méquillet et le capitaine Bonvalot.

Le 27, occupant le col d’Anozel, il organisait la défense de Taintrux et se plaçait à l’est du village, prêt à attaquer l’ennemi, signalé dans les bois avoisinants, d’où devaient partir un peu plus tard des rafales de mitrailleuses et des obus à shrapnells.

Accompagné du sous-lieutenant Bretagnon, le commandant Méquillet, à la tête de son bataillon, fit charger à la baïonnette dans la direction supposée de l’ennemi, mais après 1500 mètres de parcours, il fut pris sur son flanc gauche par un feu de mitrailleuses et dut s’immobiliser. A la nuit, il reçut l’ordre de se retirer sur le col des Rouges-Eaux.

Le 28, le bataillon eut tout d’abord pour mission de rejoindre les éléments du régiment qui avaient, avec ténacité, défendu le col d’Anozel et d’en achever la reprise complète qui s’effectua dans la journée.

Le soir même, le bataillon fut rapidement dirigé sur Corcieux et le Plafond, pour s’opposer à l’avance ennemie, qui paraissait se dessiner vers le sud.

Le capitaine Renaud, isolé le 27, à l’est de Taintrux, avec une trentaine d’hommes, livrait combat le 28, et parvenait à évacuer un prisonnier sur nos lignes ; mais le lendemain, au cours d’une lutte inégale, il fut tué avec la plupart de ses hommes : quelques-uns seulement parvinrent à s’échapper.

Le 29 août, à midi, le bataillon se dirigea sur le col de Mandray, où l’ennemi était signalé. La marche qui se fit aisément au début, grâce aux couverts assez nombreux dans la région fut arrêtée à gauche du chemin de Saint-Léonard à Mandray par le feu violent des mitrailleuses ennemies.

La 18ème compagnie, sous les ordres des lieutenants Vigier et Bretagnon, réussit pourtant, en rampant, à arriver, malgré de nombreuses pertes, à la hauteur des autres éléments du bataillon ; parmi les blessés, se trouvait l’adjudant Bernigaud, qui ne cessait d’encourager ses hommes. Le commandant Méquillet, à la tête de ces derniers, s’élança alors sur l’ennemi ; mais la plupart tombèrent en route, et on crut un instant que le commandant lui-même était frappé. On fit à ce moment déployer en hâte la section du lieutenant Bray pour l’opposer, avec l’aide du feu rapide et meurtrier de l’artillerie, qu mouvement enveloppant des ennemis qui, de plus en plus nombreux, commençaient à charger à la baïonnette. A la tombée de la nuit, après avoir fait quelques prisonniers, une partie du bataillon fut placée en grand-garde aux abords du village de Saint-Léonard, où bivouaquaient les autres compagnies.

Pendant les journées des 30 et 31 août et des 1er et 2 septembre, le bataillon, après avoir organisé la défense d’Anould sur la croupe du Hardalle, retournait au Plafond et au camp de Corcieux.

 

C. – SAULXURES – MOYENMOUTIERS – SAINT-REMY

Le 22 août, le 5ème bataillon, se repliant vers Provenchères, avait laissé le 6ème en avant du village de Saulxures, déployé face à l’est sur une croupe dominant la vallée de la Bruche.

De cette position, hâtivement organisée, le 6ème bataillon assistait à la retraite du 14ème C.A. et bientôt apprenait que lui était dévolue, avec un bataillon du 99ème, la mission de sacrifice de couvrir, en pointe d’arrière-garde, le mouvement de repli.

 

Dans la nuit du 22 au 23, les derniers convois du 14ème C.A. s’écoulaient vers Saales : le 23 au matin, ses éléments attardés évacuaient la vallée de la Bruche.

Le 23 vers midi, la 4ème section de la 21ème compagnie tirait les premiers coups de feu de la campagne en dispersant près de la gare de Bourg-Bruche une patrouille de dragons allemands qui s’enfuyait en laissant sur le terrain des armes et plusieurs chevaux.

 

Dans la nuit du 23 au 24, l’ennemi se masse au contact de nos lignes, échange des coups de feu entre nos sentinelles.

Le 24, à la pointe du jour, il s’élance à l’assaut de nos positions. Accueilli par une intense fusillade, il doit bientôt s’accrocher au sol à une centaine de mètres de nos tranchées. Et toute la matinée, le feu de mousqueterie se poursuit de part et d’autre extrêmement violent.

Le sous-lieutenant Sibien est mortellement frappé, le capitaine Demimuid, blessé. Bientôt les quelques 75 qui appuient le bataillon sont détruits ou neutralisés ; le tir de l’artillerie allemande s’intensifie et se règle peu à peu sur nos positions.

Néanmoins, malgré les pertes subies, le bataillon se défend avec avantage ; et c’est une douloureuse stupeur quand survient brusquement, au début de l’après-midi, l’ordre de retraite. La rage au cœur, les nôtres sortent de leurs tranchées et se replient sur le col de Hanz. Les Allemands, qui en certains points avaient réussi à pousser quelques éléments à proximité immédiate de nos lignes, fusillent nos hommes dans le dos, à 50 mètres. Beaucoup tombent, la 22ème compagnie est particulièrement éprouvée : le capitaine Bonne, un œil arraché par une balle, est laissé pour mort sur le terrain.

Cependant le sous-lieutenant Béal, à la tête de sa section de mitrailleuses, voyant l’ennemi s’avancer en rangs serrés, ne voulut pas abandonner la position avant d’avoir tiré sa dernière cartouche et, sous un feu violent, réussit à charger ses pièces et à rejoindre nos lignes.

Le bataillon, cependant, après avoir gravi sous un feu de shrapnells intense, mais heureusement mal réglé, les pentes accédant au col de Hanz, s’y ralliait rapidement, y collaborait quelques heures à l’établissement d’une position de défense, puis, après une marche de nuit extrêmement pénible, se reformait au Ban de Sapt.

 

Les 25 et 26 août, le 6ème bataillon restait dans la région de Moyenmoutiers, contenant l’ennemi qui débouchait des crêtes boisées vers Senones et lui faisant plusieurs prisonniers.

Ces combats, livrés en pays très accidenté et couvert, donnèrent lieu à quelques brillantes escarmouches. Le 26 notamment, dans le bois du Fey, une reconnaissance de quelques hommes, dirigée par le capitaine Demimuid, se rencontra avec une section allemande ; le capitaine, sans hésiter, somma de se rendre le lieutenant ennemi qui la commandait ; celui-ci ayant refusé, tombait, frappé d’une balle tirée par le soldat Desplaces, et le petit groupe, au commandement du capitaine Demimuid, s’élançait à la baïonnette sur l’ennemi qui, abandonnant de nombreux morts, fut mis complètement en déroute.

 

Le 27, à l’aube, les derniers éléments du 256ème évacuaient Moyenmoutiers et se repliaient sur Saint-Michel-sur-Meurthe. C’est, sous la pluie, une nouvelle retraite à travers des régions dévastées, dure épreuve pour le moral des troupes péniblement impressionnées par le combat de Saulxures, sérieusement éprouvées déjà par le feu et qui, depuis cinq jours, n’ont touché aucun vivre.

 

Le 28, ravitaillé, regroupé, le 6ème bataillon s’installe défensivement en avant de la Salle, face à Saint-Remy.

 

Et, le 29, c’est avec une superbe ardeur que la 21ème compagnie, aux ordres du capitaine Durousset, s’élance à l’assaut de Saint-Remy, rivalisant d’entrain avec les chasseurs alpins des 7ème et 14ème bataillons ; la 21ème, après une préparation d’artillerie embryonnaire, se jette, la baïonnette haute, dans le village en flammes, le traverse sous un feu meurtrier et va occuper ses lisières nord-est talonnant l’ennemi.

Un vieil engagé volontaire, le sergent Mugnier, est blessé en enlevant, sous un violent tir de mitrailleuses, le corps d’un capitaine du 52ème R.I., grièvement atteint.

Tout l’après-midi, les positions sont maintenues, malgré le bombardement. A la tombée de la nuit, sur ordre, le village de Saint-Rémy est évacué et la 21ème regagne les tranchées de la Salle.

 

Accalmie relative les 30 et 31 août, le bataillon restant sur la défensive.

Le premier avec le 52ème R.I., le 6ème bataillon s’élance à nouveau à l’assaut de Saint-Rémy. Même préparation insuffisante. Cependant, d’un seul élan, sous les rafales de balles et de shrapnells, les clairons sonnant la charge, le bataillon gravit le glacis qui monte vers le village. Il y parvient, mais vient se briser contre une ligne de tranchées d’où les mitrailleuses balaient le terrain avec une violence inouïe. La progression devient impossible. Lourdes sont les pertes. Le lieutenant Bonneville, qui avait remplacé le capitaine Bonne à la tête de la 24ème compagnie, est tué, le lieutenant Sonolet blessé.

Jusqu’au soir, le bataillon se cramponne au terrain conquis.

A la nuit, extrêmement éprouvé, il se replie sur la Salle.

 

Le 2 septembre, il est dirigé sur Bruyères.

Le 3 septembre, il rejoint le camp de Corcieux, où il reçoit des renforts. Pendant cette courte campagne, il avait perdu, par le feu de l’ennemi, 4 officiers et plus de 300 hommes. Le combat de Saint-Remy lui en avait coûté près de 200. La seule 21ème compagnie y avait laissé 8 sous-officiers et 74 hommes.

 

D. – LE LAC BLANC ET LE LAC NOIR

Le 3 septembre, le 5ème bataillon, quittant le camp de Corcieux, se dirigeait sur le Valtin et, le 4 au matin, sur le Rudlin. Du 4 au 15 septembre, il occupait le col du Luschpach et les fermes Violette et Mathieu, puis du 16 au 21, les tranchées du lac Blanc. Il séjourne ensuite jusqu’au 4 octobre à Gérardmer avec l’état-major du régiment.

 

Dès le 4 septembre, de son côté, le 6ème bataillon, quittant le camp de Corcieux, avait rejoint à Longemer l’état-major du régiment, qui faisait alors partie du groupement des Vosges.

Puis, ayant passé à Gerbepal et au Plafond les journées des 5 et 6 septembre, ce bataillon fut placé en réserve à Chalgoutte : après avoir bivouaqué le 12 à Barançon, sur la route du Bonhomme, et occupé jusqu’au 15 les cols de Chipal et des Journaux, il se dirigeait sur Gérardmer par Xonrupt, et y restait jusqu’aux 20 et 21 septembre, relevant à cette date le 5ème bataillon au lac Blanc : le 30, il se rendait au lac Noir et revenait le 4 octobre à Gérardmer.

Ce même jour, les deux bataillons ayant quitté la 115ème brigade et rejoint la 116ème, se dirigeaient par Laveline et Faucompierre, Xonrupt et le Tholy sur la gare d’Arches, où ils s’embarquèrent le 7 octobre pour se rendre en Artois, afin d’arrêter les armées ennemies qui, après s’être immobilisées sur l’Aisne, à l’issue des combats de la Marne, s’efforçaient d’atteindre en toute hâte les rives de la Manche et de la mer du Nord.

 

CAMPAGNE D’ARTOIS (12 octobre 1914 – 5 janvier 1916)

voir la bataille d’Artois

A. – CUINCHY – BULLY – CAMBRIN

Le transport du régiment par voie ferrée à travers la Champagne et la banlieue parisienne qui, tout heureuses, venaient d’échapper à l’invasion ennemie, se fit, sans autre incident qu’une vaine tentative de destruction du train par des avions ennemis, en gare de Plaine-Saint-Denis.

Après avoir débarqué le 8 octobre à Montdidier et cantonné à Villers-Tournelle, Fresnoy-l’Equipée, Warloy-Bayon, Buslès-Artois et Hermaville, le régiment, mis à la disposition du 21ème C.A., se rendit, à marches forcées, sur Sailly-la-Bourse, où il arriva le 14.

Dans la soirée même, il remplaçait devant La Bassée, entre le pont fixe du canal et le bourg de Cambrin, les troupes anglaises qui barraient aux ennemis la route de Béthune.

Cette relève fut très pénible ; sous une grêle de projectiles, le régiment suivit la route de Lille, au milieu d’un énorme fracas, dans une profonde obscurité qu’éclairaient violemment les lueurs des pièces d’artillerie, et prit position en avant de Cambrin, dans un champ de betteraves à peine creusé de faibles tranchées.

Ce fut, pour le régiment, le tragique début de la longue guerre de siège.

 

Le 15 et le 16 octobre, le 5ème bataillon prononce des attaques sur Cuinchy qu’il occupe le soir de ce dernier jour, et se place à 500 mètres en avant de ce village, sous la protection d’immenses tas de briques.

 

Du 17 au 19, ce bataillon renouvelle, dans la direction d’Auchy-lès-La Bassée, des attaques au cours desquelles furent blessés le capitaine Dumas-Vence, les lieutenants Trolliet et Sénard et le sous-lieutenant Decerle, et le lieutenant-colonel Rimaud, remplacé provisoirement dans le commandement du régiment par le chef de bataillon Méquillet.

 

Le 17 octobre, au matin, le lieutenant Trolliet, qui partait reconnaître, à la tête de sa section, les nouvelles positions allemandes, fut pris, à leur approche, sous un feu violent de mousqueterie et de mitrailleuses ; déployant alors sa section face à l’ennemi pour lui répondre, et bien que blessé par cinq balles à la tête, aux deux bras et à la jambe, il continua, assis sur le bord du fossé de la route, à observer et à noter la situation des lignes ennemies, et ne voulut céder son commandement qu’après avoir perdu toutes ses forces.

 

Le 20 et le 21, les Allemands attaquèrent à leur tour nos positions et se heurtèrent à une résistance complète de notre part : ce combat, qui nous coûta, le 20, la perte du lieutenant Noirot, valut à la 116ème brigade une citation à l’ordre de l’armée.

 

Du 22 au 29, le régiment eut à subir aux « Briques », à Cuinchy et à Cambrin, de violents bombardements pendant lesquels furent blessés le sous-lieutenant Béal et le lieutenant Vigier.

Dans la soirée du 25, l’ennemi anéantit par le feu de ses grosses pièces le carrefour de Cambrin, qui fut complètement incendié ; un poste de secours du régiment, périrent cette nujit-là les blessés et les malades qui s’y étaient réfugiés.

 

Le 30, une attaque allemande laisse des prisonniers entre nos mains.

 

Le 31 octobre, les 1er et 2 novembre, le régiment attaquait de nouveau les lignes ennemies et y pénétrait.

Le bombardement continua du 3 au 5 novembre avec intensité.

 

Le 5, une attaque, pendant laquelle fut blessé le lieutenant Jovignot et fut tué le capitaine Demimuid, qui s’était maintenu la journée entière à un poste d’observation très exposé aux balles et aux obus, fut entièrement repoussée, l’ennemi laissant sur le terrain des centaines de cadavres. Nos soldats avaient fait preuve, dans la résistance, d’une grande énergie : à lui seul, le soldat Perrin, blessé grièvement, tuait trois Allemands : d’autres, sous un feu violent, tombaient en réparant nos défenses à quelques mètres de l’ennemi.

Le lendemain matin, les Allemands s’avançaient de nouveau dans une tranchée rapidement creusée à proximité de nos lignes, paraissant vouloir renouveler leur attaque.

Le lieutenant Ledeuil, accompagné du sergent Gillardin, s’adressant aux occupants de cette nouvelle position, réussit à persuader de se rendre, à la faveur du brouillard, 68 ennemis, dont plusieurs officiers.

Les Allemands, parvenant un instant jusque dans nos tranchées, prononcèrent, le 7 et le 8, deux attaques, à la suite desquelles le régiment fut félicité pour les « avoir vigoureusement repoussées et fait subir à l’ennemi des pertes considérables » par la destruction d’un de leurs bataillons et la capture d’un grand nombre de prisonniers.

 

Du 9 au 17 novembre, nos soldats, qui, par un travail incessant au milieu des ces âpres combats, avaient réussi à achever le premier système rudimentaire de tranchées et de boyaux, dut subir encore le coups très violents des pièces ennemies.

Continuellement, les mitrailleuses allemandes des wagons d’Auchy-lès-La Bassée, en position dominante sur le talus de la voie ferrée, et celles de la route de Lille, dénommées plaisamment « le Chef de Gare » et le « Cantonnier » par les troupiers toujours de belle humeur malgré leur pénible existence, tiraient sur les sentiers et les quelques chemins creusés en terre, tracés parfois dans leur axe de tir.

En outre, la situation du régiment était en flèche dans les lignes allemandes ; au nord, les positions anglaises étaient fortement en retrait, et au sud, les mitrailleuses du « Château » de Vermelles resté aux mains des ennemis jusqu’aux premiers jours de décembre, balayaient sans cesse la route de Lille au-delà de Cambrin.

Les communications étaient difficiles.

Le ravitaillement s’effectuait devant l’église de Cuinchy sous des rafales d’obus et de balles : les blessés devaient fréquemment quitter leurs voitures, traversées de projectiles, pour rechercher quelque modeste abri dans les champs.

Cette héroïque ténacité, durant plusieurs semaines, dans la défense et dans l’attaque, valut, le 12 novembre, aux troupes du secteur, à leur chef, le commandant Méquillet, et également à la 58ème division, une citation à l’ordre de l’armée :

 

« Depuis qu’elle est arrivée à la Xème armée, a toujours été en première ligne, a gagné du terrain et n’en a jamais perdu, malgré de fortes pertes et des attaques violentes de l’ennemi. Le commandant Méquillet, commandant le secteur le plus exposé de la 58ème division, a repoussé victorieusement toutes les attaques de l’adversaire ».

 

La lutte de mitrailleuses et d’artillerie pendant laquelle fut encore tué, le 5 décembre, le sous-lieutenant Lombard, se poursuivit jusqu’au 10 décembre, date de notre relève par un régiment cossais, terminant ainsi, avec les précieuses félicitations de l’armée anglaise, notre première occupation du secteur de Cambrin, où, malgré la perte de 200 tués, de 500 blessés et de nombreux officiers, le 256ème se montra à la hauteur d’une tâche importante.

 

Le régiment s’arrêta le 11 à Sailly-la-Bourse, le 12 à Mazingarbe et se rendit, le 13, à Bully-les-Mines, où il fut placé le 23 sous le commandement du chef de bataillon Feracci, promu lieutenant-colonel quelques jours plus tard.

Les bataillons occupèrent, à tour de rôle, sous les ordres de la 92ème division territoriale et de la 116ème brigade, les tranchées de la fosse n°11 de Bully-Grenay, qui faisaient face aux faubourgs de Lens, jusqu’au 31 janvier 1915, jour de leur relève par le 295ème R.I.

Cette période, au cours de laquelle fut blessé l’adjudant Prudent, en allant reconnaître l’occupation des tranchées ennemies, ne fut marquée que par une lutte d’artillerie dont l’intensité augmenta du 5 au 6, du 9 au 15 et du 21 au 28 janvier,  et par deux tentatives d’attaque allemandes les 12 et 25 janvier.

 

Le 1er février, le régiment se rendait à 800 mètres à l’est de Cambrin, pour relever le 295ème R.I., au sud de la route de Lille, ayant pour mission de reprendre le terrain récemment perdu et de rétablir l’intégrité de nos lignes.

 

Le 8 février, le capitaine Gouzien, à la tête de la 24ème compagnie, s’emparait de l’ancien moulin de Cambrin, position avancée de l’ennemi au sud de la route de Lille, et des tranchées qui le défendaient. Appuyés par un tir d’artillerie sur les deuxièmes lignes allemandes, et par des mitrailleuses, deux sections, sous les ordres du lieutenant Jacquelin et de l’adjudant Jondot, attaquaient la position de front ; les deux autres, commandées par le sous-lieutenant Prost et le sergent-major Lagandre, partant des maisons en ruine de la route de Lille l’abordaient de flanc.

L’ensemble des tranchées tombe immédiatement en leur pouvoir, tandis que se produit un corps à corps ; l’adjudant Jondot abat lui-même plusieurs ennemis ; le sergent-major Lagandre tue à bout portant un soldat allemand qui luttait avec le lieutenant Jacquelin. Rapidement, la garnison de l’ouvrage est anéantie, et l’organisation de la position conquise s’effectue malgré la violence du bombardement. Le capitaine Gouzien, voulant s’assurer de la disparition de tout ennemi à proximité de notre nouvelle ligne, sortit de la tranchée pour visiter les ruines du Moulin et tomba frappé d’une balle qui l’atteignit en pleine poitrine ; l’adjudant Jarjat, méprisant les projectiles, dont le nombre s’accroissait sans cesse, se précipita sur le terrain et parvint à ramener son chef : mais celui-ci presque mourant, voulait refuser tout soin et exhortait ses hommes à bien garder la glorieuse conquête, qui, pour perpétuer sa mémoire, reçut le nom de « tour Gouzien ».

A la suite de cette brillante opération, le colonel Bordeaux, commandant la 118ème brigade, transmit au régiment les félicitations du commandement anglais qui, témoin de l’attaque du 8 février, en apprécia hautement la vigueur et la décision.

 

Quelques jours plus tard, le 14 février, une action offensive était dirigée par le 5ème bataillon sur une ancienne carrière, à l’est du Vieux Moulin.

La 19ème compagnie, entraînée par le sous-lieutenant Nersum et le sergent-major Journiac, y pénétra : presque aussitôt isolée par un barrage intense d’infanterie et d’artillerie, elle dut résister toute la journée aux contre-attaques ennemies, survenant de tout côtés. Au milieu des éclatements ininterrompus des grenades lancées d’un talus qui la dominait, elle travailla avec acharnement à établir une communication avec les tranchées françaises, pour évacuer les nombreux blessés, parmi lesquels se trouvait le sous-lieutenant Nersum.

Un officier allemand, voyant leur situation critique, cria aux survivants de se rendre : des coups de fusil furent leur seule réponse ; et le soldat Bernard qui, blessé déjà, devait succomber quelques minutes plus tard, sous de nouveaux éclats de grenade, entonnait le chant de la « Marseillaise ».

Du saillant de nos premières lignes, sous un feu violent qui en frappait un grand nombre, des soldats du génie, protégés par des grenadiers, creusaient hâtivement des sapes pour les rejoindre, et y parvenaient le 15 à la pointe du jour.

De son côté, la 20ème compagnie, sous le commandement des lieutenants Bray et Costes, s’élançant au combat avec un magnifique entrain, atteignit ses objectifs, mais fut également séparée par des feux de barrage des autres unités du bataillon et disparut sous les projectiles ennemis, malgré nos efforts et ceux des Anglais qui, du nord de la route de Lille, tentèrent pendant la nuit d’arriver jusqu’à eux. De cette unité, on ne retrouva cinq jours plus tard qu’un seul blessé tombé entre les lignes et qui mourut d’inanition peu de temps après.

Au cours de cette action, où le régiment perdit 112 hommes, 9 sous-officiers et 4 officiers, fut blessé mortellement le lieutenant Silhol qui, avec une héroïque ardeur, commandait un détachement de soutien, et tombait en s’écriant : « Je suis heureux de mourir pour mon pays ! ».

Dans les tranchées nouvellement conquises, à peine séparées en divers points par quelques mètres de terrain des lignes allemandes, la lutte se poursuivit sévère pendant les mois de février et mars, sous le feu nourri des fusils et des mitrailleuses et l’éclatement des bombes de minenwerfer ; à l’aide des nouveaux engins de tranchée, encore très primitifs, pendant que de part et d’autre se creusaient hâtivement des galeries de mine, des combats incessants à la grenade se livraient toutes les nuits, à la clarté des premières fusées, dans des boyaux communs, fermés de quelques sacs de terre.

Ce fut au cours de cette période difficile, où nous perdions 200 hommes, que fut tué le chef du régiment, le lieutenant-colonel Feracci. Le jour même, 10 mars, où les Anglais exécutaient jusqu’à notre contact la brillante offensive de Neuve-Chapelle, il accompagnait dans nos premières lignes le colonel Bordeaux, venant observer l’explosion d’une mine, qui devait détruire un saillant de la ligne ennemie, et examiner les moyens d’action que nous mettrions à l’appui de nos alliés ; le même obus tua le lieutenant-colonel Feracci, blessa grièvement le colonel Bordeaux en même temps que deux officiers de la brigade, dont l’un mourut peu de temps après.

A son départ, le colonel Bordeaux, dans un ordre qu’il adressait à ses régiments, s’exprima ainsi :

« J’adresse un adieu tout particulier et ému au 256ème dont j’ai vu depuis plus d’un mois les travaux, les luttes, le dévouement et qui vient de perdre un chef admirable, le lieutenant-colonel Feracci, tué glorieusement à l’ennemi. »

 

Le chef de bataillon Méquillet, auquel le commandant Durousset devait succéder à la tête du 5ème bataillon, reprit par intérim le commandement du régiment qui, du 22 au 26 mars, fut relevé par le 285ème R.I. et se rendit à Bully-les-Mines, sous les ordres de la 92ème division territoriale.

Chaque bataillon occupe par période de quatre jours les tranchées et le crassier de la fosse n°5, l’autre étant en réserve à Bully-les-Mines. Le feu de l’artillerie ennemie, qui était alors dirigé sur les différentes fosses, redoubla d’intensité pendant les journées des 4 et 5 avril.

 

Le 9 et le 10 mai, ils furent sous les ordres du 9ème C.A., placés en soutien des bataillons du 90ème puis du 68ème d’infanterie, qui prononcèrent une importante attaque sur Loos et pénétrèrent dans les tranchées ennemies.

voir la bataille d’Artois de début 1915

 

En quittant la 92ème division, le 14 mai, pour revenir à la 58ème et au 21ème C.A., son chef rendit hommage à la valeur militaire et morale du 256ème :

« Grâce à l’habilité de leurs officiers et au travail incessant des troupes, la partie du front qu’ils étaient chargés d’occuper peut être considérée comme inviolable. Malgré les bombardements de chaque jour, les intempéries et les rigueurs de l’hiver passé, jamais la bonne humeur et l’entrain ne leur ont fait défaut. »

 

B. – BULLY - GRENAY

Dans la soirée du 30 mai, les troupes anglaises relevaient le régiment, qui vint cantonner à Ranchicourt et se rendit le 2 juin à Sains et à Bully-Grenay.

Un bataillon occupe tout d’abord les « Ouvrages Blancs » et les tranchées faisant face à Angres et aux faubourgs de Liévin, l’autre bataillon étant en réserve à Sains : pendant cette période fut tué le sous-lieutenant Dollet.

 

Le 16 juin, jour de la deuxième grande offensive d’Artois, le 5ème bataillon, placé à l’extrême gauche des troupes d’assaut, était en ligne avec le 285ème R.I., le 6ème bataillon étant en réserve à Bully.

Les 17ème et 18ème compagnies avec le 6ème bataillon du 285ème et le 5ème bataillon de ce même régiment, qui devait devenir plus tard le 4ème du 256ème s’emparèrent des tranchées allemandes.

Pendant cette opération, qui coûta à ces deux régiments la perte de 600 hommes et de 12 officiers, disparut le sous-lieutenant Morin et fut blessé le capitaine Gruner.

La lutte d’artillerie se poursuivit très vive jusqu’au 22 juin et reprit le 14 juillet très violemment.

 

Le 11 juillet, le général commandant la Xème armée avait cité à l’ordre du jour le 21ème C.A. et la 58ème division « qui sous le commandement du général Maistre, ont fait preuve, au cours d’attaques renouvelées, pendant plusieurs semaines consécutives, d’une ténacité et d’un dévouement au-dessus de tout éloge ».

 

Le 24 juillet, le régiment cantonnait à Haillicourt, où il était placé en réserve de corps d’armée, occupait les tranchées le 1er août, retournait à Haillicourt le 17, puis le 29, après avoir séjourné les 27 et 28 août dans les tranchées des Corons d’Aix-Noulette.

 

C. – LE LABYRINTHE – THELUS

Le 30 août, pendant qu’une partie de la division se dirigeait momentanément vers la Belgique, le régiment se rendait en réserve d’armée à Ourton, qu’il quittait le 22 septembre pour gagner Moncheaux, et cantonnait, le 24, à Lattre-Saint-Quentin au milieu des importants préparatifs d’une prochaine offensive.

voir la bataille d’Artois de sept. 1915

Dans la soirée du 25, rattaché avec la 58ème division au 12ème C.A., il séjournait à Mareuil, occupait, les 26 et 27, les tranchées de soutien de la route de Béthune, au sud de La Targette, où fut blessé le capitaine Drouhin, et avait pour mission de s’emparer de La Folie, puis de Thélus, après l’avance de la 24ème division.

Le 6ème bataillon prenait possession, le 28 au soir, de la tranchée du Moulin, au sud-est de Neuville-Saint-Waast, et s’y maintenait par une lutte ininterrompue à la grenade jusqu’au 2 octobre, les tranchées du Labyrinthe étant alors occupées par le 295ème R.I., remplacé le 3 octobre par le 285ème.

A cette date, le 256ème fut placé en réserve entre le « chemin creux » d’Ecurie, la route de Béthune et Mareuil, où il vint cantonner du 6 au 12 octobre.

 

Alternant ensuite avec les deux autres régiments de la 116ème brigade, il occupa successivement les positions de soutien, les lignes de combat où fut tué le sous-lieutenant Druard et blessé le sous-lieutenant Coreau, puis le cantonnement d’Habarcq, jusqu’à sa relève, le 21 décembre, par des éléments du 12ème C.A.

Pendant cette période particulièrement pénible, sous le déluges des pluies glacées du début de l’hiver, le régiment, recevant l’énergique et savante impulsion du général Niessel, commandant la division, fit preuve d’une endurance remarquable, au milieu des fatigues qui lui furent imposées pour l’aménagement d’un chaos de tranchées et de boyaux sans cesse bouleversés, et l’assainissement d’un vaste champ de batailles farouches, couvert d’une multitude de cadavres.

Le secteur au terrain rendu difficile par la rareté de ses défilements, théâtre désolé des trois grandes offensives d’Artois, où les ruines mêmes avaient disparu, était sans cesse agité dans ses lignes avancées, et sur une grande profondeur, par un ennemi inquiet, redoutant de nouvelles attaques et essayant de les prévenir par un feu violent d’infanterie et d’artillerie.

Toute circulation, jusqu’aux vestiges des premières maisons de Mareuil où le régiment se ravitaillait, ne pouvait s’effectuer que par des boyaux remplis d’une boue épaisse et profonde que devaient parcourir de longues heures, sur une distance dépassant 8 kilomètres, les hommes chargés de porter les aliments aux unités en ligne.

L’abondance des pluies qui désagrégeaient les parapets des tranchées et envahissaient les abris dont les parois s’écroulaient, transformèrent les premières lignes en un vaste océan de boue qui, le 4 décembre, rendit impraticable par notre régiment la relève du 295ème ; celle-ci ne put s’achever, au prix d’héroïques efforts, que le 5 décembre.

 

Nos compagnies furent à leur tour isolées dans une plaine mouvante, en certains points très profonde ; il faillait sans cesse en retirer par des moyens de fortune les hommes qui s’y engloutissaient et dont plusieurs périrent submergés.

Le ravitaillement ne pouvait bientôt s’effectuer que sur le terrain, grâce au dévouement de ceux qui, volontairement, se sacrifiaient pour secourir leurs camarades.

Après avoir cantonné à Beaufort, depuis le 23 décembre, le régiment s’embarquait, le 6 janvier, à Petit-Houvin pour se rendre en Belgique.

 

A la date du 25, le 256ème s’était augmenté du 5ème bataillon du 285ème.

Ce bataillon, appartenant à la division depuis le début de la campagne, avait constamment, depuis octobre 1914, combattu côte à côte avec le régiment. Il s’était héroïquement dépensé aux heures les plus dures de la défense de Cambrin et s’était sacrifié, en fin 1915, lors de l’attaque des positions allemandes devant Angres.

 

Le 24 mai 1916, il devait s’incorporer plus étroitement encore au 256ème en devenant son 4ème bataillon.

 

CAMPAGNE DE Belgique (6 janvier 1916- 28 mai 1916)

Arrivé en gare de Bergues le 7 janvier, le régiment cantonne jusqu’au 14 février à Looberghe, Brouckerque, Mardyck, Grandmille-Bruges, Steene et Petite-Synthe ; il se dirige le 15 sur Killem, le 21 sur Eikhoeck et West-Vleteren et prend possession, du 24 au 28, du secteur de Steenstraate, sous les ordres du 36ème C.A.

 

De cette date au 18 mai, le 256ème occupe successivement les tranchées d’Hetsas-Steenstraate, en liaison à gauche avec l’armée belge ; puis celles de Boesinghe, en liaison à droite avec les troupes britanniques.

Période particulièrement dure. Notre première ligne est constituée par le talus ouest du canal de l’Yser, dont l’autre rive est occupée par l’ennemi. Nos hommes, resserrés sur une étroite bande de boue, entre le lit du canal et un ruisseau : l’Yperlée, doivent rester sans abri et sans feu, piétinant dans l’eau glacée. Chaque jour, des minens ennemis de gros calibre bouleversent complètement nos positions et soulèvent des gerbes énormes d’eau et de vase.

Comme communications avec l’arrière, quelques boyaux, construits en surélévation au-dessus du marais avec des gabions et des sacs à terre, sont coupés chaque matin par le feu de l’ennemi. Aussi, malgré le labeur acharné de nos travailleurs qui chaque nuit, sous les rafales de mitrailleuses, rétablissent tranchées et boyaux, ces derniers n’offrent que la protection la plus précaire. Ainsi fut blessé d’une balle, le 22 mars, alors qu’il visitait les premières positions près du secteur belge, le général Leroux, qui venait tout récemment de remplacer le général Niessel à la tête de la 58ème division.

Les secondes lignes ne sont guère plus confortables ni plus sûres. Dans cette plaine, où la nappe d’eau affleure le sol, aucun abri sérieux, aucun défilement. Toute circulation doit se faire de nuit sur des pistes battues par l’artillerie ennemie, qui incendie à diverses reprises les quelques fermes isolées où se tassent nos réserves.

Ces conditions pénibles ne sauraient abattre le moral de nos hommes. Avec un infatigable dévouement, ils améliorent les positions, créent des boyaux, des abris légers, posent des défenses accessoires, réparent inlassablement les tranchées bouleversées. Conservant leur bonne humeur courageuse, ils tournent en dérision les « crapouillots » allemands, qui les contraignent parfois à tourner pendant des heures autour des troncs d’arbres décharnés qui bordent le canal, en guettant la chute de ces projectiles massifs et bruyants. Chaque manifestation d’activité de l’ennemi amène de notre part une énergique réaction par la mousqueterie, l’artillerie et les engins de tranchée.

Le 256ème, à son arrivée en Belgique, avait relevé, dans des tranchées ruinées, des éléments territoriaux fatigués par un long séjour en ligne et nettement dominés par les troupes allemandes. En mai 1916, malgré les intempéries et les pertes éprouvées, le régiment laissait, avec une légitime fierté, un secteur réorganisé, après avoir, par son endurance et son mordant, intégralement repris l’ascendant sur l’ennemi.

 

 

CAMPAGNE DE LA SOMME (17 juin 1916 – 24 janvier 1917)

Après quelques jours de repos dans la région de Rexpoëde, le 256ème, dans la nuit du 27 au 28 mai, était enlevé par chemin de fer en gare d’Esquelbecq et débarquait le 29 mai à Breteuil (Oise).

De là, il se rendait à Hardivilliers et effectuait au camp de Crèvencoeur une période d’instruction jusqu’au 13 juin.

Entre temps, le général Sorin quittait le commandement de l’infanterie de la division. Il devait être remplacé quelques jours après par le colonel Douce, ancien commandant du 296ème régiment, qui avait appartenu à la 58ème D.I. d’octobre 1914 à janviers 1916.

 

A. - MAUCOURT (17 juin – 16 juillet)

 

Du 17 juin au 16 juillet, le régiment prend les tranchées devant Maucourt ; Assez calme au début, le secteur, pendant les préparatifs de l’offensive de la Somme, ne tarde pas à devenir agité.

L’ennemi, inquiet, réagit violemment par son artillerie, bombarde violemment nos cantonnements de Méharicourt et Vrély, et tente à plusieurs reprises des opérations offensives sur nos lignes.

Le 19 juin, notamment, une reconnaissance est repoussée par la 22ème compagnie et laisse entre nos mains 2 morts et 2 prisonniers.

Le 28 juin, le sous-lieutenant Collinet, qui s’était particulièrement distingué dans cette dernière affaire, est tué par une grenade à fusil.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet, une émission de gaz effectuée par nous, à la suite d’une brusque saute de vent nous occasionne de lourdes pertes.

Le 16 juillet, le 256ème est relevé par le 136ème R.I. et se rend à Ainval-Septoutre, où il prend quelques jours de repos.

 

B. – LIHONS (25 juillet – 16 août)

Le 25 juillet, le régiment s’embarque en camions et prend le soir même les tranchées dans le secteur de Lihons.

Notre artillerie effectue pendant cette période, sur Chaulnes et les tranchées ennemies qui le couvrent, la préparation de l’offensive prochaine. L’ennemi réagit avec une violence extrême. Le secteur du régiment et son cantonnement de repos (Rosières-en-Santerre) sont l’objet de bombardements incessants.

Les ruines de Lihons sont particulièrement battues et l’on peut compter certains jours, en dehors des journées d’attaques, plus de 3000 obus allemands de gros calibre qui bouleversent de fond en comble nos organisations. Les défenses accessoires, tranchées et boyaux ne sont maintenues en état que par un travail sans cesse renouvelé.

L’infanterie ennemie se montre extrêmement agressive et plusieurs reconnaissances offensives échouent sous nos feux.

 

Dans la nuit du 27 au 28 juillet, un groupe d’Allemands, après une intense préparation d’artillerie, pénètre dans notre première ligne et tente de s’emparer d’une mitrailleuse. Déjà ils l’ont saisie et l’emportent, quand quelques hommes de la 5ème compagnie de mitrailleuses, sous la conduite du sergent Foucherot et du soldat Marceaux, se précipitent sur eux et, au cours d’un furieux corps à corps, tuent les ennemis et ramènent leur arme dans nos tranchées.

Dans les premiers jours d’août, le lieutenant Frazer de Villas, les sous-lieutenants A. Barrault et Coreau sont blessés par éclats d’obus.

 

Dans la matinée du 16 au 17 août, le régiment est relevé par le 105ème régiment d’infanterie et va cantonner dans la région de Marestmontiers.

 

C. – GUERBIGNY – ERCHES (19 août – 6 décembre)

Dans la période du 19 au 23 août, le régiment relève le 278ème R.I. dans le secteur de L’Echelle-Saint-Aurin-Erches.

Puis à la suite de modifications intérieures dans l’ordre de bataille de la 58ème D.I., il occupe, du 29 août au 17 octobre, le secteur d’Erches, et à partir du 17 octobre celui de Guerbigny.

Cette zone, très au sud du théâtre de l’offensive, couverte, de plus, en avant de Guerbigny, par les marais de l’Avre, ne subit que faiblement les contre-coups des attaques de la Somme. La région de L’Echelle-Saint-Aurin est particulièrement calme. Le régiment en profite, malgré sa faible densité d’occupation, pour mener à bien des travaux importants et nombreux.

A signaler cependant (1er, 2, 12 et 22 septembre) de violents bombardements d’Erches par artillerie lourde ennemie, qui nous occasionnent des pertes.

 

Les 13 septembre et 5 décembre, des émissions de gaz asphyxiants sont effectuées avec succès dans une partie du secteur du régiment.

 

Le 23 septembre, le sous-lieutenant Guynemer réussit le magnifique exploit d’abattre coup sur coup trois avions dont l’un tombe en flammes dans nos positions, pendant qu’un quatrième était détruit par notre artillerie.

 

Dans la nuit du 24 au 25 septembre, une reconnaissance offensive, conduite par le sous-lieutenant Jondot, pénètre dans les tranchées ennemies et en ramène du matériel.

 

Dans la soirée du 5 décembre, le régiment est en voie de relève quand l’ennemi, à la faveur d’un bombardement intense par obus et minen de gros calibre, tente d’enlever un de nos petits postes du bois des Fougasses.

Vers le soir, le petit poste, complètement nivelé par le tir allemand, doit être évacué. A cet instant l’on put craindre, l’attaque ennemie étant imminente, que des tués ou des blessés ne soient restés dans l’ouvrage, ainsi que des armes ou objets susceptibles de constituer des trophées pour les assaillants.

C’est alors, sous un bombardement d’une violente extrême, que le sergent Marin et le grenadier Beaune, tous deux de la 13ème compagnie, s’offrent spontanément à aller s’assurer de l’évacuation complète du petit poste. Le premier est blessé, le second tué par une torpille, en accomplissant leur mission.

Quelques minutes plus tard, l’attaque ennemie se déclenchait, donnait dans le vide en première ligne et était arrêtée devant la seconde. Un instant après, nous réoccupions le petit poste.

Pendant la nuit, sous un bombardement assez vif, le régiment était relevé par le 21ème R.I.C. et se portait dans la région de Coullemelle.

 

D. – CHILLY (10 décembre 1916 – 24 janvier 1917)

Dans les soirées des 10, 11 et 12 décembre, le 256ème relevait le 16ème R.I. dans le secteur de Chilly.

Pendant cette période et jusqu’au 24 janvier 1917, le régiment prendra les tranchées alternativement en avant de Chilly et au sud-ouest de la gare de Chaulnes, occupation coupée de séjours en réserve au Quesnel.

 

Les deux secteurs présentent les mêmes caractères : conquis lors de la glorieuse offensive menée par le 10ème C.A., en septembre, ils sont encore très sommairement organisés.

Les positions de soutien, constituées par les anciennes tranchées françaises et l’ancienne première ligne allemande, sont assez bonnes, principalement cette dernière, formidable organisation comportant sur plusieurs kilomètres une série ininterrompue d’abris souterrains bétonnés creusés sur trois étages, comportant des cuisines, des puits, des postes de secours, et communiquant entre eux. Encore tout ce terrain a-t-il été effroyablement pilonné par notre préparation d’artillerie.

Notre première ligne, en revanche, ne comporte aucun abri à l’épreuve et offre plusieurs points de friction avec des défenses accessoires très insuffisantes. Les boyaux y conduisant, cheminant dans une plaine labourée successivement par notre artillerie et celles des Allemands, s’éboulent à chaque instant.

De part et d’autre, surtout en décembre, le secteur reste constamment agité. L’infanterie ennemie arrose intensivement nos positions avancées de bombes à ailettes, auxquelles nos hommes ripostent avec leurs grenades V.B. Nos 75 exécutent à chaque instant des tirs de harcèlement très nourris. L’ennemi répond avec ses minens sur la première ligne, ses 150 sur les boyaux et voies de communications.

Les journées des 13 et 14 décembre, 2 et 20 janvier sont marquées par des bombardements d’une particulière violence.

La température vient augmenter encore les difficultés. Ce sera, à partir du milieu de janvier, la neige et le froid, mais c’est surtout, pendant la première partie de l’occupation, une pluie persistance qui transforme la plaine de Santerre en un lac de boue.

Les boyaux et tranchées construits hâtivement dans un terrain bouleversé s’effondrent de toute part. Le ravitaillement, les relèves ne sont plus possibles que de nuit et à découvert.

En vain nos cuisiniers, pour diminuer le trajet que doivent effectuer leurs camarades porteurs de soupe, amènent leurs cuisines roulantes jusqu’à l’entrée de Maucourt, sur une route extrêmement battue où plusieurs d’entre eux sont mortellement blessés : pendant quarante-huit heures, une section qui occupe le saillant du bois Frédéric reste complètement isolée, bloquée par la boue, sans ravitaillement ni liaison.

Malgré ces conditions défavorables et l’extrême difficulté que présente la montée en ligne du matériel, le régiment travaille sans relâche. Grâce à ses efforts tenaces, les tranchées sont rétablies, plusieurs kilomètres de boyaux sont relevés, assainis, caillebottés : un solide réseau de défenses accessoires est posé devant notre front.

Le 256ème, à la veille de sa relève définitive, clôture son séjour sur la Somme par une opération de détail brillamment menée.

 

Le 23 janvier au soir, un groupe de 25 volontaires du 6ème bataillon, sous le commandement du sous-lieutenant Coussy, exécute un coup de main sur un saillant ennemi en avant de Chilly.

La vigilance de l’ennemi constamment en éveil, le sol couvert de neige, le terrain complètement bouleversé par les torpilles et criblé de trous remplis de glace, constituaient autant de redoutables obstacles. Néanmoins les volontaires, vêtus de bourgerons et caleçons blancs, se dirigeaient résolument sur la tranchée allemande. Trompés par la blancheur du sol, ils s’égarent bientôt et reviennent, sans s’en rendre compte, sur notre première ligne. Ce premier insuccès ne saurait abattre la décision de Coussy et de ses hommes. Ils s’orientent et se précipitent à nouveau sur le saillant ennemi, y pénètrent de haute lutte, entraînés par leur chef que secondent le sergent Colas, le caporal Michelet et le soldat Garin. Bientôt, ils brisent l’énergique résistance des Allemands, leur infligent des pertes et ramènent dans nos lignes un prisonnier et tous nos blessés.

 

Le lendemain, 24 janvier, le régiment est relevé par le 317ème R.I. Par un froid extrêmement rigoureux, sur des routes verglacées, il se rendait à La Faloise et y séjournait jusqu’au 3 février, date à laquelle il s’embarquait en gare de Breteuil (Oise).

 

 

CAMPAGNE D’ALSACE  (14 mars – 14 juin 1917)

Après un voyage par voie ferrée rendu pénible par le froid extrême, le 256ème débarquait à Montluel (Ain) dans la matinée du 5 février et allait cantonner à Meyzieux, Jons et Jonage (Isère) parmi des populations accueillantes, dans un aimable pays. Il y séjournait jusqu’au 15 février, puis se rendait dans la région de Saint-Maurice-de-Gourdan, à proximité du camp de la Valbonne, où il effectuait une période d’instruction jusqu’au 9 mars.

 

Les 9, 10 et 11 mars, le régiment est enlevé par chemin de fer en gare de Meximieux et débarque, après vingt-quatre heures de parcours, à Vauthiermont et Fontaines (territoire de Belfort).

Il devait, au cours de la campagne qui s’ouvrait, changer de chef de corps : à la date du 1er avril, le lieutenant-colonel Méquillet, nommé au commandement du 234ème, quittait le régiment, à la tête duquel le remplaçait le 8 avril, le lieutenant-colonel Viard, de l’infanterie Coloniale.

 

Dès le 14 mars, le 256ème avait relevé le 65ème R.I. dans le secteur d’Ammertzwiller, secteur limité au sud par le canal du Rhône au Rhin. Le séjour en ligne, interrompu par des périodes passées en réserve à Soppe-le-Haut, se prolongera jusqu’au milieu de juin.

D’une façon générale, l’artillerie ennemie se montre fort peu agressive et il est des villages, jusqu’à quelques centaines de mètres des lignes (tel Gildwiller-sur-le-Mont) où vit encore la plus grande partie de la population civile. De même voyons-nous  de nos observatoires, par delà la zone de contact, onduler mollement, tranquille, la plaine d’Alsace, ses villages intacts, avec, à l’horizon, les fumées de Mulhouse, la ligne noire de la forêt de la Hart, dans le lointain la Forêt Noire.

Les tranchées ne sont guères plus agitées en temps normal. En un seul point (saillant Vaffier) la proximité des lignes entretient par instants une assez vive activité. Les bombes à ailettes y tombent nombreuses et les minenwerfer d’Ammertzwiller effectuent assez fréquemment sur notre ouvrage avancé des tirs de destruction aussi violents que peu meurtriers.

Aussi bien la caractéristique essentielle du secteur est-elle l’extrême faiblesse réciproque de la densité d’occupation (le front du régiment a près de 8 kilomètres) et la guerre de tranchées y perd quelque peu sa rigidité de sa forme coutumière. Notre ligne de surveillance comporte de larges zones neutres où circulent seulement nos patrouilles de liaison. Chaque nuit, nos compagnies et surtout les groupes francs nouvellement formés et dont le mordant croit de jour en jour, envoient des reconnaissances audacieuses qui battent le no man’s land, couvrent la pose de défenses accessoires, tendent des embuscades à l’ennemi.

Mais ce dernier se soucie peu d’accepter le risque de ces rencontres, et ce n’est que très rarement que le hasard nous donne l’occasion de livrer des escarmouches qui nous permettent d’affirmer notre supériorité.

Aussi nos groupes d’élite doivent-ils entreprendre de véritables opérations minutieusement montées, avec tirs préalables de destruction et de diversion, pour aller chercher, jusque dans ses deuxième et troisième lignes, sous la protection d’un barrage roulant et de tirs d’encagement et de neutralisation, un ennemi qui évacue systématiquement ses positions avancées à la moindre alerte. Opérations difficiles, tant en raison de l’importance des défenses adverses que de la longue distance à parcourir. Si plusieurs d’entre elles ne donnèrent point tout le résultat escompté, toutes du moins purent mettre en relief l’endurance de nos hommes, leur audace et leur entrain.

 

Les nuits des 4 et 15 avril, le groupe franc du 5ème bataillon, sous le commandement du lieutenant Hervieux, tente sur l’ouvrage du Kalberg (secteur de Michelbach) des actions vigoureusement conduites.

 

Le 28 avril, une reconnaissance Prudent (6ème bataillon) pénètre dans la tranchée ennemie dite de Budapest. La fuite rapide des Allemands ne permet point de faire des prisonniers.

 

Le 12 mai, à 1 heure, une reconnaissance Leroux (4ème bataillon) attaque le saillant de la « Cuvette allemande ». Serrant à quelques mètres le barrage roulant, nos hommes se jettent avec une fougue endiablée sur l’ennemi terré dans ses abris, le dominent aussitôt, lui infligent de grosses pertes ramènent 10 prisonniers. Se distinguent particulièrement dans cette affaire : l’adjudant Waeteraere, les sergents Bascou et Montjoin, le caporal Perrin, les soldats Chaloyard et Germain, le sapeur Beynat, de la compagnie 8/13 du génie. Le lieutenant Leroux, pour sa belle conduite, est fait chevalier de la Légion d’Honneur.

 

Le 27 mai, une tentative ennemie échoue contre l’ouvrage du Ponceau.

 

Le 7 juin, le sous-lieutenant Coussy enlève le groupe franc du 5ème bataillon à l’assaut de la tranchée du Transformateur (secteur d’Aspach) et poursuit au-delà de sa troisième ligne l’ennemi, qui n’échappe aux nôtres que par une fuite précipitée, laissant entre nos mains des fusils, des masques, des équipements. En revanche, l’artillerie allemande réagit intensément. Au retour, le sous-lieutenant Coussy, qui avait témoigné comme à l’ordinaire d’une éclatante bravoure, est mortellement blessé. Se sentant perdu, à plus de 1500 mètres des tranchées françaises, et craignant de devenir un danger pour ses hommes, il les prie de le laisser sur place. Mais ces derniers, malgré un bombardement intense, se refusent à l’abandonner et ramènent Coussy mourant dans nos lignes, donnant ainsi au chef qu’ils adoraient un surpême témoignage d’estime et d’affection.

 

Le 14 juin, le 256ème est relevé par le 24ème R.I.C.

 

Cantonnant successivement à Bellemagny, Béthonvillers, Saint-Germain, Giromagny, Fresse, Ternuay-Belonchamp, Ramonchamp, Saint-Amé, il se rend dans la région de Raon-aux-Bois, à proximité du camp d’Arches.

Le régiment y effectue une période d’instruction du 26 juin au 23 juillet, date à laquelle il se met en marche pour se rendre par étapes dans la région du Ban-de-Laveline. Mis à la disposition de la 166ème D.I., il effectue du 26 juillet au 1er août des travaux consistant dans l’organisation d’une ligne de défense aux environs des Grands-Genêts et la réfection d’une route près des Grands-Ordons.

 

Les 1er et 2 août, le régiment est conduit par camions automobiles à Granges-Frambéménil.

 

Le 4 août, il s’embarque en chemin de fer à destination de la Champagne.

 

 

CAMPAGNE DE CHAMPAGNE (9 août 1917 – 2 mai 1918)

A. – LA POMPELLE (8 au 20 août 1917)

 

Arrivé en gare d’Epernay le 5 août, le régiment, cantonné à Pierry-Moussy, puis à Ludes, occupait ensuite du 8 au 20 les tranchées du fort de la Pompelle, sous les ordres de la 2ème D.C. et de la Vème armée.

Pendant cette courte période, des bombardements particulièrement intenses, au cours desquels fut blessé le capitaine Leroy, eurent lieu aux abords immédiats du fort et aux points de ravitaillement, près du canal de l’Aisne à la Marne.

 

B. – REIMS (20 août – 1er janvier)

Le 20 août, revenant à la 58ème D.I., le régiment était placé en réserve du 34ème C.A., sur le versant nord de la Montagne de Reims, dans les cantonnements de Montchenot, Sermiers, Bézannes et Villers-aux-Nœuds. Il restait dans cette situation, partageant son temps entre les travaux et l’instruction, jusqu’au 13 septembre, date à laquelle il montait en ligne dans le secteur de Reims.

 

Jusqu’au 18 janvier 1918, le 256ème devait participer à la défense de la ville, tantôt en avant de Cormontreuil et de Saint-Léonard (du 13 septembre au 21 octobre, puis du 31 décembre au 18 janvier), ces périodes interrompues par des séjours dans les cantonnements de repos.

D’une façon générale, le secteur de Reims resta fort calme pendant son occupation par le régiment. La grande distance séparant les tranchées adverses (500 à 1500 mètres) était au surplus peu propice aux opérations offensives. Certains jours s’écoulèrent sans un coup de canon allemand dans le sous-secteur de Cormontreuil-Saint-Léonard. Dans celui de gauche, où notre première ligne se développait à 1500 mètres au nord du faubourg Cérès, l’activité de l’artillerie était nettement plus marquée, bien que peu considérable.

Le 256ème profita de ces circonstances favorables pour pousser avec une ardeur extrême l’organisation défensive des positions, avec adoption du dispositif en îlots, en prévision de l’offensive ennemie, dont l’éventualité apparaissait de plus en plus certaine de jour en jour.

Des patrouilles répétées chaque nuit, énergiquement conduites, nous assurèrent bientôt le contrôle du terrain séparant les lignes, jusqu’aux défenses de l’adversaire. Des reconnaissances offensives nous permirent de pousser jusque dans la première position.

 

Le 25 septembre, ce sont les lieutenants Jondot et Zuber qui pénètrent dans les tranchées ennemies devant Cormontreuil et infligent aux Allemands des pertes sévères, à la tête des volontaires du 7ème bataillon, auxquels, par une belle émulation, avaient tenu à se joindre 8 artilleurs du 248ème R.A.C.

 

Le 17 octobre, après plusieurs nuits passées sous la pluie à cisailler les réseaux ennemis avec la plus stoïque obstination, une reconnaissance conduite par le sous-lieutenant Dollé (4ème bataillon) fait une vigoureuse tentative pour enlever un poste ennemi.

 

Le 22 novembre, c’est le 5ème bataillon (sous-lieutenant Léger), le 9 décembre le 6ème (sous-lieutenant Coterel) qui poussent leurs groupes d’assaut dans les premières lignes allemandes, sous couvert de préparations d’artillerie.

 

Le 18 janvier, le régiment, relevé par le 23ème R.I.C., se met en route et, par les étapes successives de Bézannes, Nanteuil-la-Fosse, Viney-Moussy, se porte à Epernay où il s’embarque par voie ferrée à destination de Gizaucourt, Auve et Dommartin-la-Planchette (région de Sainte-Menehould).

 

La 58ème D.I. et le 256ème R.I. se trouvaient ainsi rattachés à la IVème armée et, pour la première fois, à leur corps originaire : le 8ème.

 

C. – LA BUTTE DU MESNIL (20 mars – 26 avril 1918)

Après quelques jours de repos à Herpont et Dommartin-sur-Yèvre, le régiment, pendant toute la période du 28 janvier au 20 mars, est employé à des travaux d’organisation défensive, d’abord dans la région de Laval, Hurlus, Wargemoulin, puis dans celle de Suippies et Perthes-lès-Hurlus.

 

Le 20 mars, il relève le 134ème R.I. dans le secteur du Balcon, entre Minaucourt et les Hurlus.

Cette position, face à la Butte du Mesnil et dominée par elle, fut pendant tout le début de la guerre le théâtre de combats acharnés. Le sol y porte profondément marqué le sceau de cette poignante mélancolie de la Champagne Pouilleuse, inoubliable pour ceux qui y ont vécu. Des plateaux déserts, parsemés de sapin rares et rabougris, où campaient les réserves, aux terrains chaotiques des premières positions, bossués d’innombrables tombes, c’est la même blancheur de terrain crayeux, la même impression de misère et d’étonnante tristesse. Derrière nos lignes avancées, un vallon morne, sans un arbre, sans cesse empuanti par les obus toxiques : c’est le Marson, au bord duquel quelques pierres éparses marquent la place de la ferme de Beauséjour, de sanglante mémoire.

Le 256ème débuté dans ce secteur inhospitalier en subissant le 21 mars au point du jour, après un bombardement d’une violence inouïe, une de ces attaques locales par lesquelles l’ennemi voulut marquer sur tout le front le début de ses grandes offensives. Grâce à l’héroïque sacrifice du guetteur Ducroix, grâce à une contre-attaque menée avec entrain par le caporal Acket le le soldat Touzet, de la 17ème compagnie, les assaillants, lourdement éprouvés, furent mis en fuite, laissant 1 officier et 1 homme entre nos mains.

 

Dans les nuits des 25, 27 et 28 mars, de nouvelles tentatives de l’adversaire sont également repoussées.

 

Le 5 avril à l’aube, après une préparation massive, un gros détachement allemand assaille un de nos petits postes tenu par des éléments du 6ème bataillon et y livre un violent combat au cours duquel disparaissent huit des nôtres. L’ennemi, qui subit des pertes sévères, laisse dans nos lignes 5 hommes et une mitrailleuse.

 

Le 12 avril, conduits par le sous-lieutenant Vallot et le sergent Prévost, les volontaires du 6ème bataillon, tenant à cœur de venger leurs camarades, se jettent par surprise dans un saillant ennemi et y tuent 3 grenadiers.

Pendant cette période, en dépit des alertes incessantes, des bombardements fréquents par explosifs et toxiques, le régiment, au prix d’un labeur acharné, avait, sous la direction de chef de bataillon adjoint Koch, improvisé sur les coteaux du Balcon, dominant au sud le ravin du Marson, une position nouvelle, dite position intermédiaire. C’est sur cette position que l’ennemi devait en juillet se briser contre la défense élastique de l’armée Gouraud. Le 256ème peut revendiquer l’honneur d’en avoir été l’un des artisans.

 

Relevé le 25 avril, le régiment se porte dans la région d’Herpont et de Dommartin-sur-Yèvre. Le 2 mai, il s’embarque en chemin de fer à destination de Rethondes (Oise).

 

 

CAMPAGNE DE L’OISE (3 mai – 11 juin 1918)

Le 5 mai, le 256ème fait étape et se rend dans la région de Moyenneville et Moyvillers.

Il fait partie de la réserve de la IIIème armée et entreprend aussitôt des travaux d’organisation qui sont poussés avec une activité extrême, dans la région de Cuvilly, Saint-Maur, Ressons-sur-Matz, Marquéglise.

Le 23 mai, le régiment monte en ligne au nord-ouest d’Orvillers-Sorel. Ce point du front, entre Montdidier et Lassigny, a été fixé par la situation de fin de combat après la grande offensive allemande de mars. Nos lignes, tracées presque entièrement sous bois, dans un sol humide et glaiseux, y sont en maints endroits à quelques mètres des postes adverses. La division qui nous y a précédés a livré pour leur reprise et leur maintien des combats meurtriers qui ne lui ont guère laissé de loisirs. Aussi les tranchées sont-elles extrêmement précaires, discontinues, dénuées d’abris et de défenses accessoires, creusées presque partout à quelque centimètre seulement de profondeur.

Jusqu’au 4 juin, le 256ème devait subir sur ces positions des bombardements fréquents et très vifs, avec usage de plus en plus grand d’obus à ypérite. Notre 4ème bataillon devait y livrer plusieurs escarmouches brillantes pour nos armes.

Le 27 mai au matin, après une préparation d’artillerie extrêmement serrée, l’ennemi prononce une vive attaque contre notre 14ème compagnie. Grâce à une contre-attaque enlevée superbement par le sous-lieutenant Le Bozec et au cours de laquelle le caporal Fayol se distingue par son éclatante bravoure, les assaillants sont rejetés en désordre et notre ligne intégralement maintenue. Nous perdons une trentaine de tués et de blessés. Cinq Allemands restent entre nos mains.

Le 28 mai, le lieutenant Jondot, avec quelques volontaires, s’empare par surprise d’un granatenwerfer.

Le 31 mai, une reconnaissance allemande est mise fuite. Le même jour et le 3 juin, le sous-lieutenant Durix, à la tête des volontaires du 4ème bataillon, pénètre dans les tranchées de l’adversaire et lui inflige des pertes au cours de vifs combats à la grenade.

Le 4 juin, tandis que les premières lignes restent tenues par les deux autres régiments de la 58ème D.I., (281ème et 295ème), le 256ème passe en réserve, avec le poste de commandement du colonel à Saint-Maur et les trois bataillons échelonnées du nord au sud : le 6ème à la ferme du Bout du Bois, le 4ème à la ferme de la Garenne, le 5ème au sud du bois de Séchelles.

L’offensive allemande parait alors imminente. Nos tirs de contre-préparation se poursuivent avec une extrême intensité.

Le 8 juin, au soir, vont travailler aux positions de défense dans la région de Cuvilly et de Séchelles le 5ème bataillon en entier et 500 hommes fournis par moitié par les 4ème et 6ème bataillons.

A minuit, brusquement, toutes nos positions sont prises sous un bombardement d’une violence inouïe, avec forte proportion de fumigènes et de toxiques. C’est le commencement de l’attaque.

La tâche fixée aux unités au travail se trouve alors inégalement avancée. Celles du 4ème bataillon, la majeure partie de celles du 6ème sont déjà sur le chemin du retour et parviennent à regagner leurs emplacements avec des pertes relativement légères.

Le 5ème bataillon au contraire, ainsi qu’un peloton de la 23ème compagnie et une section de la 22ème, sont surpris en plein travail par le bombardement et prennent position sur place, les secondes dans le Grand Bois entre Cuvilly et Mortemer, le 5ème bataillon en avant de Cuvilly et du château de Séchelles.

Ces unités, après la rupture de la première position sous la formidable poussée de l’ennemi, subissent dès les premières heures du jour tout le poids de l’attaque. La demi-compagnie de la 23ème, la section de la 22ème sont bientôt noyées sous le nombre des assaillants et disparaissent. Le 5ème bataillon, débordé par des forces considérables accompagnées de tanks, se voit contraint, après une énergique défense de Cuvilly, de se replier, très lourdement éprouvé, sur le bois de Ressons.

Ainsi, lorsque, à 6 heures, le régiment reçoit l’ordre de se porter sur la deuxième position, la situation est déjà extrêmement grave. Le 5ème bataillon, qui vient d’être refoulé après avoir subi des pertes très sévères, est provisoirement hors de cause ; Il manque au 6ème bataillon 3 officiers et l’effectif d’une compagnie. L’avance foudroyante de l’ennemi est signalée de toute part.

Cependant, tandis que le lieutenant-colonel Viard se porte à Lataule, les 4ème et 6ème bataillons se jettent résolument en avant. Sous le bombardement qui ne ralentit point, le premier pousse jusqu’à la ferme du Moulin-Mahet, le second en avant de la ferme de la Mare, à l’est de Méry. Tous deux sont aussitôt en contact avec les assaillants ;

Le 6ème bataillon cherche en vain une liaison sur sa droite. Un peloton de la 21ème compagnie, envoyé en flanc-garde, tombe au milieu des masses ennemies qui s’avancent et est entièrement détruit. Le lieutenant Jondot qui le commande tombe héroïquement au cours d’une lutte désespérée. Néanmoins, sous l’énergique impulsion du chef de bataillon Thévenard, commandant le 6ème bataillon, ce dernier, formant un crochet défensif à droite, maintient pendant toute la journée ses positions à proximité de la ferme de la Mare, en dépit des attaques réitérées et meurtrières de l’ennemi, chaque fois brisées.

Le 4ème bataillon, de son côté, établi en avant de la ferme du Moulin-Mahet, s’y trouve bientôt complètement en l’air et furieusement assailli. De sanglants corps à corps s’engagent ; l’ennemi est repoussé avec de lourdes pertes. Mais le bataillon est complètement débordé à droite et à gauche et, sur l’ordre de son chef de bataillon, doit battre en retraite jusqu’au sud de Lataule : la manœuvre s’exécute dans un ordre parfait, couverte par les mitrailleuses du lieutenant Thorin et un peloton commandé par le sous-lieutenant Lebrun.

A 15 heures, l’ennemi est parvenu à occuper Lataule. C’est alors que le capitaine Bailly, commandant la 15ème compagnie, organise, avec l’appui d’éléments du 77ème R.I., une contre-attaque ayant pour but de rependre le village. Trois sections des 14ème et 15ème compagnies, superbement enlevées par les sous-lieutenants Durix et Le Bozec et l’aspirant Laferrière, soutenues à l’est par la section du sous-lieutenant Merlet (13ème compagnie) mènent l’affaire avec une fougue endiablée. Le capitaine Bailly, un mousqueton à la main par en tête de ses hommes. L’aspirant Laferrière, dont c’était la première affaire, et qui devait tomber glorieusement un mois plus tard, conquiert l’admiration de tous. Le soldat Julo, de la 15ème compagnie, installe son fusil mitrailleur en batterie au milieu d’une rue, à quelques mètres d’un groupe de mitrailleurs allemands qui enraient la progression et les met hors de combat. En un instant, Lataule est balayé. Au cours de furieux combats à la grenade et au revolver, de nombreux ennemis sont abattus.  Prisonniers, 4 mitrailleuses restent entre nos mains.

Ce succès local ne peut malheureusement être longtemps maintenu. Menacés d’encerclement, nos éléments avancés doivent se replier sur le par et le château de Lataule, qu’ils occupent solidement.

La situation reste alors stationnaire pendant toute la journée du 9, malgré la pression intense de l’ennemi.

Le sacrifice de nos unités qui, surprises au travail, s’étaient fait hacher sur place, les contre-attaques des 4ème et 6ème bataillons, menées en flèche, avec la plus téméraire bravoure, avaient largement participé à canaliser l’attaque allemande. Le grand élan qui devait porter cette dernière jusqu’à Compiègne était brisé. De ce résultat, le 256ème peut légitimement revendiquer sa large part, chèrement payée du reste : outre nos nombreux disparus lors des premiers engagements, nous avions subi des pertes cruelles. Comme officiers, au 6ème bataillon le sous-lieutenant Vallot était grièvement blessé, les lieutenants Baizet (4ème bataillon), Jondot et Zuber (6ème bataillon) étaient tombés.

Deux citations à l’ordre du corps d’armée devaient d’ailleurs, quelques jours plus tard, consacrer la vaillance des 4ème et 6ème bataillons.

 

Dans la soirée du 9, les éléments restant du 5ème bataillon, ralliés sous les ordres des capitaines Bretagnon et Mahet, rejoignent le régiment et sont répartis entre le 4ème et 6ème bataillons, avec lesquels ils continuent la lutte.

A 21 heures, sur ordre du commandement, le 4ème met sa gauche le 6ème bataillon sont ramenés sur la ligne des réduits de la deuxième position (région des fermes du Bout du bois et Bauchemont).

 

Le 10 juin, après une matinée relativement calme, l’ennemi prononce dans l’après-midi une nouvelle et puissante attaque.

Devant le 6ème bataillon, solidement en liaison sur sa gauche avec des éléments du 20ème C.A., l’adversaire ne peut progresser. Il parvient seulement, par un corps à corps acharné et malgré l’opiniâtre défense dirigée par le sous-lieutenant Langlois, à prendre pied dans la ferme Bauchemont, mais n’en peut déboucher. Une de nos patrouilles, commandée par le sous-lieutenant Leroy, fait même quelques prisonniers.

Le 4ème bataillon, en revanche, se voit bientôt débordé à l’est par l’ennemi qui, dès le 9 au soir, s’est emparé de Saint-Maur. Et pendant l’après-midi du 10 se déroule à notre aile droite une lutte extrêmement sévère. Les Allemands, leurs casques camouflés d’épis, s’infiltrent avec ténacité dans les hauts champs de blé qui couvrent la plaine, en dépit de nos feux de mousqueterie qui les éprouvent beaucoup. Les mitrailleuses de l’ennemi balaient sans arrêt la croupe 98 occupée par les nôtres : ses canons d’accompagnement l’écrasent de leurs feux. Nos pertes ne tardent pas y devenir très lourdes. En un instant, le capitaine Gravier, les lieutenants Rouland, Dollé et Lagandre sont blessés.

Le commandant du 4ème bataillon se voit alors contraint de ramener son unité par échelons au nord-est de Wacquemoulin, ce repli étant couvert par les sections Le Bozec et Durix. Cette dernière passe la nuit entière en surveillance à plusieurs centaines de mètres en avant de nos lignes. L’ennemi, épuisé, ne tente même pas d’exploiter son avance.

Ainsi se terminait la participation active du régiment dans la bataille.

 

La nuit du 10 au 11 devait se passer sans incident, ainsi que la matinée du lendemain.

 

Le 11, à 11h 30, nos éléments en ligne étaient dépassés par les tanks précédant la contre-attaque Mangin, que le lieutenant Prudent avec sa compagnie accompagnait jusqu’à 16h 30.

Le 256ème était alors retiré de la lutte et allait cantonner à Laneuvilleroy.

 

Le 12, drapeau et fanions déployés, les débris du régiment (certaines compagnies, telle la 19ème, étaient réduites à moins de 20 combattants) défilaient, musique en tête, à Fournival, devant le général Leroux, commandant la division, au milieu de l’émotion générale.

Ce défilé, devait être le dernier.

 

Le 20 juin, par ordre du général commandant en chef, le 256ème était dissous et versé à la 125ème D.I.,. Le 4ème bataillon part au 76ème R.I., le 5ème au 113ème et le 6ème au 131ème     

 

Ceux qui se séparèrent alors se rappelleront toujours avec un serrement de cœur la dislocation de ce régiment que tant de luttes communes leur avaient fait si cher.

La fortune, du moins, leur fut miséricordieuse, puisque à ceux qui restèrent elle réservait une double consolation : celle, entre château-Thierry et Dormans, en juillet 1918, de saluer sur les bords ensanglantés de la Marne l’aurore de la victoire : et celle, en octobre, à Monthois, Challerange, Olizy, Vouziers, de goûter dans la poursuite de l’ennemi en déroute l’ivresse du triomphe définitif.

 

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