> historique du 31e BCP

HISTORIQUE  

DU

31e  BATAILLON de CHASSEURS à PIEDS

 

Livret édité par l'institution militaire à la fin de la guerre, ce qui explique le ton héroïque, parfois excessif, choisi par son auteur.

Recopié par Philippe MAUGARD…. merci à lui   p.maugard@laposte.net

 

 

SOMMAIRE

1913  SA FORMATION

1914  LES VOSGES  LA RETRAITE  LA MARNE  LA POURSUITE  LA CHAMPAGNE  CARENCY  L'YSER

1915  LORETTE

1916  VERDUN  CHAMPAGNE   SOMME

1917  CHEMIN DES DAMES   LA MALMAISON

1918    VOSGES  AISNE  CHAMPAGNE  ORFEUIL  BANNOGNE  RECOUVRANCE

 

SA FORMATION

Formé en juin 1913 de 5 Compagnies venues de 5 Bataillons différents, le 31ème est groupé dans les baraquements de Corcieux, village perdu  climat sévère.

N'importe, dès le début de son existence, la fusion est complète et le Bataillon frappe par sa tenue remarquable et son alerte application. Au premier jour de la Campagne, son attitude sera magnifique. C'est que ses Officiers et ses Cadres, chasseurs convaincus, sont animés de l'amour-propre rayonnant, du feu sacré communicatif qui donnent à tous, d'abord, la fierté de leur Bataillon. C'est que ces Officiers formés à la frontière, sentent, eux, que la menace est flagrante, que la guerre est fatale.

Apôtres de l’œuvre de salut national, ils façonnent avec passion les unités à la tête desquelles ils sauteront prochainement à la gorge de l'envahisseur.

C'est qu'enfin, ils ont un Chef, le Commandant Hennequin, dont l'énergie domine et guide toutes les autres - sa conviction profonde de l'urgence de l'effort, sa confiance dans le succès illuminent la foi du 31ème Bataillon.

LES VOSGES : 1914

  Au reçu de l'ordre de mobilisation, le 31ème est prêt ; sans geste, sans cris superflus, il va à une guerre qu'il sait fort rude, sans merci ; mais il sait  aussi qu'aucune troupe au monde ne peut dépasser sa volonté de faire bien, sa résolution de produire tous les efforts, de consentir tous les sacrifices.

 

Le 2 août, il prend dans la région de Coinches ses positions de couverture.

Une reconnaissance audacieuse, conduite par un sergent alsacien s'infiltrant par des sentiers détournés dans les lignes ennemies, pénètre jusqu'en                Alsace et, le 7, ramène le premier prisonnier de la campagne.

Le 3 août, le Bataillon reçoit l'ordre d'attaquer le Col de Sainte-Marie. Après une marche d'approche sous les bois de hêtres et de sapins, la Compagnie d'avant-garde arrive au Col qui se présente à elle, dominé, au nord par le Château de Fête, au sud par le Hochsbruck d'où part une violente fusillade. Les deux Compagnies suivantes se déploient et s'élancent sur les pentes: la 4ème occupe le Château de Fête, la 5ème, délogeant l'ennemi du Hochsbruck, prend position sur un mamelon qui domine Sainte-Marie. Les pertes ont été légères.

Pendant ce temps, la 1ère Compagnie a été détachée vers le nord, avec mission d'occuper le Renclos des Vaches. Mais l'ennemi y est retranché dans des positions garnies de mitrailleuses. Sous une grêle de balles, malgré la pente abrupte, le Capitaine Méry entraîne les tirailleurs de sa section de tête : les hommes tombent, le Capitaine s'abat, mortellement atteint.

Le Sous-lieutenant Rondeau engage une deuxième section, lui-même est tué ; le mouvement est à nouveau arrêté. Le seul Officier restant enlève alors à la baïonnette les sections disponibles ; une fois de plus, l'élan est brisé par le tir précis des mitrailleuses. La 4ème accourant du Col, attaque encore, est encore repoussée avec de lourdes pertes.

  Le 4  août, deux Bataillons du 149ème d'Infanterie se feront décimer sans plus de résultats. Leurs hommes déclareront que les Allemands ont criblé  de coups de baïonnette les chasseurs restés blessés sur le terrain.

 Relevé dans la nuit du 9 au 10, le Bataillon est porté vers le nord de la Vallée de la Fave.

Là, il aborde la frontière, le poteau frontière, morceau de bois bariolé, ridicule, qu'un désastre et une voracité insatiable à vue courte, ont jeté entre nous et les nôtres : les Alsaciens et les Lorrains. Les nôtres qui nous furent arrachés malgré leurs larmes, leur sombre désespoir ou leurs protestations indignées. Les nôtres dont les plaintes, les appels, nous mettaient le rouge au front, la rage au cœur.

 Les nôtres enfin que nous retrouvons aujourd'hui, car le poteau frontière, inique, révoltant, n'a plus de sens à présent qu'il s'est abattu, sous le brodequin ferré du premier chasseur à pied. Une émotion subite, poignante, étreint le Bataillon tout entier - les lèvres sont muettes, serrées, les paupières retiennent les larmes. Et puis l'heure des réalités sonne à coups précipités. Officiers et Chasseurs se retrouvent âprement appliqués à l’œuvre de salut, à l’œuvre de délivrance.

En avant…..

Le 31ème passe le Col de Saales, entre en Alsace et descend en flanc-garde de la Division la vallée de la Bruche, traverse Rothau et Schirmeck où la population l'accueille avec un enthousiasme indescriptible. Dirigé vers la région du Donon, le Bataillon abat pendant sa marche un avion ennemi

.

Le 21, il reçoit mission de reprendre en liaison avec la 1ère Division Coloniale le Col de Saint-Léon. En une charge endiablée, rivalisant de furie, à la baïonnette et à la crosse, marsouins et chasseurs, sans souci des pertes, traversent le col à toute allure, laissant derrière eux un terrain jonché de cadavres et de blessés ennemis.

L'action a duré un quart d'heure. Les Compagnies de réserve n'ont pas eu à intervenir.

 

LA RETRAITE.

 Et puis brusquement, il faut lâcher la position conquise. Des actions ennemies, puissantes, ont fait céder la ligne ; le 31ème reçoit l'ordre de se replier. Surprise terrible après la ruée victorieuse de la veille. Épreuve passagère probablement.

Pourtant, les jours suivants, c'est bien la retraite, du moins un repli profond. Cirey, Angomont, Badonviller, la Meurthe, la Mortagne.

Au demeurant, rudes combats d'arrière-garde qui tiennent l'ennemi en respect ; masses allemandes de plus en plus fortes, soutenues par une artillerie dont la puissance surprend ; marches rapides qui épuisent.

Les beaux villages qui flambent ; les malheureux qui fuient, femmes, enfants à peine vêtus, tirant ou portant la harde et le pain hâtivement serrés ; ceux qui restent et nous supplient de ne pas les abandonner : tout ajoute à l'horrible fatigue, à la stupeur où jette les hommes cette retraite indéfinie.

Mais ceux qui conduisent les unités savent, et la masse sent confusément que ce recul est un incident dans la bataille immense, et que tout effort droit devant soi concourt au succès général. Enfin, il y a chez tous l'accumulation de haine et de dégoût qu'apportent les fumées d'incendie, les abominables traits de sauvagerie racontés par les fuyards horrifiés. Et tous les gestes de cette troupe en retraite sont marqués d'une résolution muette, obstinée, recueillie jusqu'à la ferveur.

Le 24 à Saint-Maurice

Le 26 à Baccarat, avec la D. I., toute entière, le 31ème attaque à fond, obligeant à un temps d'arrêt un ennemi puissant. Il faut encore se replier, atteindre Saint-Benoît.

Et puis, c'est la Chipotte, ligne de faîte entre Meurthe et Mortagne et route de première importance. L'ennemi est victorieux, résolu, pressé d'aboutir. Ses "drachens" monstrueux nous dominent ; ses pièces à longue portée, fouillant les ravins, semblent deviner nos retraites ; mais la position est essentielle, elle ne doit pas tomber. Six Bataillons de chasseurs auront l'honneur de résister là en attaquant.

Le 30, 5 Bataillons sont engagés : le lendemain, c'est le tour du 31ème. Sous les grands sapins clairsemés, un premier assaut du Bataillon est fauché dans son élan par les balles serrées. Deux 75 amenés en hâte, à bras d'homme, tirent de plein fouet sur la première ligne, dont les défenseurs cèdent à une nouvelle ruée des nôtres. Plusieurs tentatives sur une deuxième ligne sont impuissantes sous les feux des mitrailleuses. On s'ancre au terrain.

Dès lors, c'est la défense âprement obstinée, indomptables patrouilles audacieuses, attaques incessantes, sous bois perfides, coups de feu d'écharpe, à revers ; toutes les rudesses de la bataille et toutes les inquiétudes. Ce qui se passe ailleurs? Nul ne le sait. Un vague bruit nous apprend la chute de Manonvillers !! La présence de cavaliers allemands dans la Forêt de Compiègne !! Contingences.

Sur les cadavres ennemis, on ramasse des lettres et cartes postales. Écrites par des fiancées, des épouses, des mères, toutes redisent en un chœur cynique : " Allez détruire les Gaulois "

Cruauté basse et folle présomption. S'indigner serait vain, vaincre est essentiel. Et dans le présent, à la Chipotte, l'Allemagne ne foulera pas plus avant la terre des Gaules.

 

LA MARNE. - LA POURSUITE. - LA CHAMPAGNE. sept 1914

-         Embarqué à Thaon le 5 septembre, le Bataillon débarque à Vassy, d'où, à travers la Champagne pouilleuse, sans eau sous le soleil de plomb, par des étapes très dures, il se jette sur les traces de l'ennemi battu à la Marne.

-         Il le rejoint le 12, bouscule ses éléments d'arrière-garde, fait des prisonniers, ramasse des blessés nombreux. La Brigade s'empare de Suippes qui flambe, et continue la poursuite dans la nuit rouge d'incendies.

Ceci dans l'ineffable joie de la délivrance et l'ivresse de la victoire, « La Patrie est sauvée », mais aussi dans la fourbure physique, la chaleur cruelle et presque la faim.

Puis toute la division se butte aux positions de Souain qui résistent à nos attaques répétées. L'ennemi est fortement établi, le lacis de ses tranchées marqué par la blancheur éclatante des parapets crayeux vient nous barrer la route. On se retranche hâtivement aux abords de cette ligne.

Cependant, le 24, on tente de rompre le barrage : 3 Compagnies du 31ème enlèvent le Moulin de Souain, font des prisonniers, conservent le terrain conquis malgré le tir d'écharpe de l'artillerie qui leur fait perdre 100 hommes.

Le 27, profitant du brouillard, les tirailleurs et les colonnes par quatre de l'ennemi réussissent à reprendre le Moulin, mais ils ne peuvent faire un pas de plus et subissent de grosses pertes.

 

LA COURSE A LA MER : CARENCY ; oct 1914

 La 43ème Division étant relevée, le Bataillon embarque à Châlons le 3 octobre, remonte vers le nord et, dans le brouillard, marche au canon, vite car le temps presse.

Le 8, succédant aux bataillons qui ont échoué la veille, le 31ème attaque Carency, réussit à y prendre pied ; mais violemment contre-attaqué, doit se replier.

La rage au coeur, le Caporal Poupon, de la 4ème compagnie, refuse de quitter ce village de France si vaillamment reconquis. L'ennemi est à 20 mètres, qu'importe. Il accepte de mourir ! Jusque-là, de toutes ses forces, il tuera. Et debout, muet, impassible, il vise, tire ; une, balle au cœur l'étend raide mort, mais indompté.

Une nouvelle poussée ennemie, enlevée par le son lugubre des fifres et des clairons, est arrêtée sur la croupe nord-ouest du village où l'Adjudant Hacquard, debout, dirige, magnifiquement calme, le feu de sa section.

Le lendemain, avec le 10ème Bataillon, le 31ème repart sur le village où il pénètre à nouveau. Dans la brume épaisse, on se bat à bout portant, on se fusille de maison à maison, de fenêtre à fenêtre, mais on progresse quand même. A hauteur de l'église, il faut cependant s'arrêter, l'organisation est trop forte.

La 4ème Compagnie, pour sa belle conduite, est citée à l'ordre de la 10ème Armée

" S'est emparée de la partie basse de Carency ; s'y est maintenue et fortifiée malgré les feux violents de l'ennemi ; S’est distinguée déjà dans quatre affaires."

 

Mais les pertes sont telles que c'est réduit à 4 Compagnies que le Bataillon, sous le feu de l'artillerie lourde, doit organiser le terrain conquis.

Il reçoit enfin, le 20 octobre, un renfort de 500 hommes qui assistent, tout vibrants, à la remise par le Général de Maud'huy, de la Médaille Militaire au Drapeau des Chasseurs, le premier de tous qui, à côté du rouge, ait porté le ruban jaune et vert.

L'YSER : nov 1914

Retirée de la lutte, le 29 octobre, la 43ème D. I., en camions, gagne rapidement la Belgique.

Le 1er novembre, le 31ème attaque aux abords de Saint-Eloi, fait des prisonniers. Là, c'est la ruée massive, tête baissée, de l'ennemi qui, ayant manqué la victoire, veut au moins réaliser un large succès local et tenter la mainmise sur Calais. C'est aussi chez nous le sens très net de ce danger. L'effort de la Chipotte est reproduit dans la brume et les marais du Nord, sous des attaques de plus grande envergure, préparées par des feux d'artillerie d'une violence inconnue jusqu'ici.

Dangereusement étiré sur un grand front, le Bataillon tenace gardera, là encore, l'intégralité de la ligne et verra s'augmenter devant lui, 10 jours durant, le nombre des cadavres ennemis.

C'est, du reste, au prix de pertes élevées et d'épuisement total.

Descendus au repos le 10 novembre, les chasseurs passeront devant Ypres deux autres périodes très dures.

LORETTE : 1915

Le 6 décembre, le Bataillon est relevé. Depuis le 25 novembre, le commandant de Lalene-Laprade a remplacé à sa tête le Commandant Hennequin, appelé à l'Etat-major de la 8ème Armée.

On regagne, par des étapes accablantes, la région de Bouvigny où l'on exécute une série de travaux très pénibles, subissant journellement des pertes par le bombardement.

C'est le 22 janvier que le Bataillon monte pour la première fois dans le secteur nord de la Colline de Notre-Dame-de-Lorette. La vie y est rude : on est au contact, à 50 mètres ; les guetteurs sont à l'affût à 15 mètres. Regarder par-dessus le parapet, c'est la mort : partout la balle vous guette, claque, va chercher les têtes même derrière les créneaux. Et l'on continue de se rapprocher.

Le Plateau est battu terriblement, sans répit. Obus de tous calibres, en rafales rageuses ou par coups réguliers qui semblent rythmer l’œuvre de mort ; bombes et torpilles, engins nouveau-nés dont le fracas déchirant tord douloureusement les nerfs, trouble des cervelles. Chaque jour, on relève des morts et des blessés nombreux.

Le 28 février, des bruits de travaux souterrains sont perçus ; le bombardement devient plus violent.

Le 1er mars, il est formidable, les tranchées sont bouleversées, partout des tués et des ensevelis. A deux reprises, l'ennemi tout proche a pu voir, stupéfié, à la lueur rouge des éclatements, des hommes travaillant dans l'épaisse fumée.

C'est le Lieutenant Sébastia, Commandant la 6ème Compagnie et ses hommes qui, à la sape 5 écrasée de torpilles, secourent leurs camarades deux fois enterrés. Le Commandant de Lalene-Laprade, avançant dans le feu, monte lui-même à la sape 5 ; il y voit les chasseurs calmes et résolus, prêts à recevoir l'ennemi.

Le 3 mars, le Bataillon en partie descendu à Bouvigny et Marqueilles a encore en secteur 3 Compagnies : les 2ème et 3ème en première ligne sentant les mines sous leurs pieds, la 5ème en réserve.

A 6 heures, dominant formidablement le tonnerre du feu roulant, les cratères s'ouvrent, puis laissent retomber avec une pluie de pierre, des corps et des membres sanglants. La masse de trois régiments ennemis se précipite : arrêtés de face par les survivants des 2ème et 3ème Compagnies, les Allemands, qui ont pu pénétrer dans le secteur voisin, débouchent dans leur dos.

Saisissant l'arme qu'ils trouvent, la hache, la pioche ou le couteau, les chasseurs s'accrochent aux assaillants qu'ils étreignent en un corps à corps sans merci ; mais sous le nombre, il faut succomber.

Seuls, quelques isolés et quelques petits groupes sont ralliés par le Capitaine de Boishue, grièvement blessé et resté quand même à son poste, et qui les dégagera malgré la fusillade qui les poursuit et les abat.

Le reste du Bataillon remonte aussitôt pour contre-attaquer ; en liaison à droite avec le 10e Bataillon, à gauche avec le 149ème  Régiment ; objectif, la tranchée allemande continuant le boyau 6. Mais la préparation d'artillerie est insuffisante : sous les feux de l'Infanterie allemande, qui n'a pas souffert et sous les tirs d'écharpe, on ne peut conquérir que cent mètres.

L'attaque est reprise le lendemain 4 mars. A 16 heures, méprisant l'extrême violence du tir de contre-préparation, les chasseurs bondissent sur le parapet, puis s'élancent, superbement, enlevés par le capitaine Dubarle et le Chef de Bataillon. Mais le tir de barrage, les feux de mitrailleuses sont trop meurtriers. En trois quarts d'heure, le Bataillon ne progresse que de 100 mètres et subit des pertes graves.

Le Commandant revient à ses Compagnies de réserve (1ère et 6ème )

«  L'Honneur du Bataillon est en jeu ! » leur crie-t-il dans l'ouragan de fer et de feu ; puis, sous la protection des mitrailleuses servies par des Officiers, il enlève cette vague nouvelle qui dépasse la première, gagne elle aussi du terrain, de trou d'obus en trou d'obus. Mais c'est encore de la lenteur extrême, malgré l'héroïsme déployé ; le succès ou même le résultat limité n'apparaissent pas.

Alors, ce Chef de courage intrépide, de résolution sublime, le Commandant de Laprade, jette dans la balance tout son élan personnel, toute son énergie rayonnante':

«  Clairons, sonnez la charge... »

« 31ème  Bataillon, en avant.., à la baïonnette…. »

Et ces débris d'unité, qu'une parole, qu'un geste électrisent, insoucieux de l'horreur et de la mort étalées, se ruent tête baissée en une charge de chasseurs à pied, abordent dans les tranchées l'ennemi stupéfié, le bousculent et lui font 70 prisonniers. Puis, poursuivant l'avance à une allure endiablée qui entraîne les Corps voisins, ils atteignent la tranchée du Gros Arbre et ses sapes où s'engage une terrible lutte.

Le lieutenant Bertrand, Commandant la 1ère Compagnie, est tué au moment où il vient de décharger sur un groupe d'Allemands deux revolvers qu'il tient un dans chaque main. Le Lieutenant Sébastia, Commandant la 6ème Compagnie est grièvement blessé.

Sans renfort, non soutenues, les unités organisent la nouvelle ligne, nettoient les boyaux voisins, continuent de faire des prisonniers.

Les chasseurs redescendent dans la nuit du 5 au 6, glorieux et fiers, tout de même attristés par la perte de tant de camarades.

Ceux de la 4ème Compagnie sont particulièrement affectés : leur Chef, le Capitaine Dubarle est tué. Figure rayonnante - beauté morale - à laquelle on n'atteint guère, le Capitaine Dubarle était vraiment l'âme de cette unité dont il avait gagné l'esprit et le cœur par sa sollicitude affectueuse, son sens exact des situations, son indomptable énergie et son irrésistible exemple. La 4ème Compagnie et  le 31ème perdaient en lui le plus pur modèle de toutes les vertus militaires.

 

Le Bataillon est félicité par son Commandant :

« Le Bataillon a repris l'offensive dans un élan magnifique qui marquera une heure de gloire inoubliable dans son histoire et dans le coeur de ceux qui l'ont vécue.Il peut être fier de ces dures journées au cours desquelles il a montré une ténacité et un élan admirés de tous et où il a perdu glorieusement la fleur de ses cadres et de ses chasseurs. Le souvenir de ces braves restera tout le temps parmi nous et l'exemple qu'ils nous ont donné ne sera pas perdu.

Chasseurs du 31ème ,votre Commandant vous remercie et compte sur vous dans l'avenir comme dans le passé. Dans la lutte que nous soutenons victorieusement depuis sept mois contre un ennemi qui perd de plus en plus chaque jour l'espoir du succès, les Chasseurs à pied, arme d'élite, doivent « être les premiers artisans de la victoire nécessaire, certaine, inéluctable.

Pour l'obtenir, toutes les énergies doivent être mises en oeuvre, tous les sacrifices peuvent vous être demandés. Vous avez déjà vu l'ennemi, jetant ses armes, fuir devant vous. Rappelez-vous au jour de la prochaine Bataille et n'ayez qu'une idée, l'aborder bravement à la baïonnette, à la Française. »

 

On défile devant le Général de Maud'huy, Commandant l'Armée, on reçoit des récompenses. Un frisson d'orgueil court dans les veines des chasseurs : le Bataillon est cité à l'ordre de la 10ème Armée

« Le 31ème  Bataillon de Chasseurs à Pied ; Commandant de Lalène-Laprade :

Pendant les journées des 3-4 et 5 mars s'est couvert de gloire en contre-attaquant à plusieurs reprises un ennemi qui avait forcé une partie de nos retranchements du Plateau de Notre-Dame-de-Lorette ; lui a repris cinq lignes de tranchées successives et fait de nombreux prisonniers. A été retiré du feu après avoir eu 9 officiers, 58 Sous-Officiers et 643 hommes hors de combat. »

 

A peine reposé par un séjour à Chelers, le Bataillon remonte au Plateau de Lorette, toujours pour attaquer, sur le Fond de Buval cette fois. On est plein d'espoir. Après une marche d'approche dans le Bois d' Aix-Noulettes, les Compagnies de tête débouchent pour prendre position. Un feu extrêmement violent les accueille. Debout sur la plaine, dans les balles et les obus, le Commandant de Lalene-Laprade regarde, infiniment triste, ses chasseurs tomber avant l'attaque.

Le 10 mai, à 4 heures, à la sonnerie de la charge, les 2ème et 3ème Compagnies s'élancent ; fauchées par les mitrailleuses, écrasées par l'artillerie, elles sont arrêtées.

Le 11, à la même heure, les Compagnies de tête renouvellent l'attaque, mais, prises comme celles de la veille sous un feu terrible, elles sont, elles aussi, une fois de plus clouées au sol.

Comme au 4 mars, le Commandant de Laprade fait sonner la charge, enlève ses unités de réserve.

Un obus : le Commandant est tué.

Il est tombé à la tête de ses Chasseurs qu'il aimait tant, le Chef magnifique, le soldat énergique et indomptable, au patriotisme ardent, à la foi inébranlable dans la sainteté de la cause et la certitude du succès, et dont la bravoure sublime imposait à tous une religieuse admiration. Il est fauché en plein élan, en donnant magnifiquement l'ultime exemple de l'action farouchement résolue et du sacrifice.

Une vague de tristesse est passée sur le Bataillon.

La lutte continue acharnée, les Chasseurs, la rage au cœur, meurent sans pouvoir avancer.

Seul, un petit groupe a pu s'emparer d'une sape, où complètement isolé, il se maintiendra héroïquement 36 heures durant.

12 Officiers (6 tués, 6 blessés), 21 sous-officiers, 466 caporaux et Chasseurs viennent de tomber.

 

Le Commandant de Lalène-Laprade est cité à l'Ordre de l'Armée .

« Officier de la plus haute valeur, d'une bravoure comunicative. Tué glorieusement à la tête de son bataillon qu'il

entraînait à l'attaque des tranchées ennemies. »

 

Le Capitaine Doudeuil avait pris le commandement du Bataillon où lui succéderont le Capitaine Delacroix, le Commandant Garcin et enfin le Commandant Perrin.

Quelques jours plus tard, le Bataillon remontait à nouveau.

Depuis 4 mois, il était en secteur à Notre-Dame de Lorette.

Pendant 6 mois encore, il reprendra sa lourde tâche au plateau dont le nom revient chaque jour au communiqué.

Attaquant sans cesse, sans cesse attaqués : attaques de grande envergure où les gains se comptent par 100 mètres, attaques de Compagnie, de section, pour prendre, reprendre une tête de sape, un barrage. Luttant au milieu des cadavres, dans les fils de fer et les boyaux, à la mitrailleuse qui étend net des Compagnies entières, à la grenade, parfois même au couteau, écrasés constamment sous un déluge d'obus, de bombes et de torpilles, brisés de fatigue par la reconstruction incessante des tranchées sans cesse comblées par les projectiles, les Chasseurs avec une acceptation stoïque remonteront toujours, toujours, au Plateau où tant de leurs camarades demeurent étendus, où ils tomberont eux-mêmes pour un dixième en période calme, pour moitié au jour d'attaque ; au plateau qu'ils regagnent sous le paquetage écrasant, à peine remis du douloureux épuisement du précédent séjour ; séjour d'où, boueux, perclus, la tête vide, hallucinés, ils revenaient dans la nuit noire en théories lamentables, à travers le lacis interminable des boyaux étroits, souvent pleins d'eau et toujours battus par les pièces ennemies ; au plateau où la terre bouleversée ne peut plus garder les morts qui partout montrent leurs côtes décharnées, agitent hors des parapets de longs fémurs blanchis, des membres pourrissants, et dont les crânes, où tiennent encore quelques touffes de cheveux, servent parfois d'oreillers aux vivants qui se réveillent en frissonnant.

 

Déjà janvier et février avaient été très durs. Outre les pertes journalières :

 

 Les 3,4 et 5 Mars, en 3 jours avait coûté au Bataillon, 9 Officiers, 58 Sous-Officiers, 643 Chasseurs pour garder quelques mètres de terre française, les chasseurs  continuent de tomber                  

                              

Les 9-10-11 mai avait coûté au Bataillon 12 Officiers, 21  Sous-Officiers,466 Chasseurs

Le 15 mai avait coûté au Bataillon 40 Chasseurs

Le 25 mai avait coûté au Bataillon 5  Officiers, 23 Sous-Officiers,134 Chasseurs

Du 15 au 20 juin, attaque française (60 mètres de terrain), 3 Officiers, 25 Sous-Officiers, 320 Chasseurs

Du 2au 5 juillet : 128 Chasseurs (série d'attaques allemandes)

Du 21 au 29 juillet : 15 Chasseurs

Du 21 août au 3 septembre : secteur est calme : 33 Chasseurs

25 et 26 septembre : Attaque générale : 14 Officiers, 45 Sous-Officiers, 447 Chasseurs

Du 30 septembre au 5 oct. 3 Officiers, 7 Sous-Officiers, 128 Chasseurs

Du 11 au 18 oct. : attaques allemandes : 1 Officiers, 14 Sous-Officiers, 114 Chasseurs

 

 

 

Et pourtant, dans cette effroyable tuerie, dans cet enfer, dans ce chaos, se renouvelle chaque jour le miracle de l'énergie lucide, active, indomptable.

C'est qu'au milieu des chasseurs il y a les cadres, calmes, intrépides, qui sourient à la misère atroce, à l'horreur étalée, et dont le généreux exemple groupera, entraînera toujours tous les hommes de cœur. C'est aussi, chacun le sent, qu'il faut, au prix de cette farouche étreinte, contenir un ennemi formidablement armé, jusqu'au jour où les usines de l'intérieur nous auront enfin pourvus des canons et des engins qui rendront notre tâche moins cruellement coûteuse et qui permettront plus tard d'intervertir les rôles.

Le Capitaine Delacroix, nommé chef de Bataillon, avait succédé au Commandant Perrin, l'homme à la foi rayonnante, à l'esprit de devoir total, qui pendant cette période de sacrifices indéfiniment consentis, avait soutenu, reformé, conduit superbement le 31ème Bataillon.

 

Il était à sa mort l'objet d'une citation à l'ordre de l'armée.

« Officier supérieur d'une grande valeur militaire et d'un courage à toute épreuve. A dirigé avec beaucoup de coup d'oeil et de sang-froid les attaques de son bataillon dans les journées des 25 et 26 septembre et a complètement rempli la mission qui lui était confiée. Tué glorieusement à son poste de commandement le 2 octobre 1915. Cité trois fois à l'ordre de l'Armée »

 

Le Bataillon qui, aux attaques de septembre, partant dans un élan admirable, chantant la Sidi-Brahim, avait gagné les lisières du Bois en Hache, après des alternatives d'avance et de recul ; qui le 26 s'était réemparé, malgré ses pertes sanglantes, de la moitié du Bois en Hache, arrêtant ensuite toutes les attaques en force ou par surprise de l'ennemi, partageait avec les autres troupes du Nord et de Champagne, les félicitations du Général Commandant en Chef :

« Le Général Commandant en Chef adresse aux troupes sous ses ordres l'expression de sa satisfaction profonde pour les résultats obtenus jusqu'à ce jour dans les attaques. 25.000 prisonniers, 350 Officiers, 150 canons, un matériel qu'on n'a pu encore dénombrer sont les trophées d'une victoire dont le retentissement en Europe a donné la mesure.

Aucun des sacrifices consentis n'a été vain. Tous ont su concourir à la tâche commune. Le présent nous est un sûr garant de l'avenir. Le Commandant en Chef est fier de commander aux troupes les plus belles que la France ait jamais connues »

 

Le 21 novembre, le Bataillon monte dans le secteur sud de Notre-Dame-de-Lorette. C'est le calme dans la boue glacée des boyaux éboulés, inexistants. Il alterne là avec le 1er.

Le 8 janvier 1916, le 31ème s'embarquant en autos à Hersin quitte le secteur de Lorette où il était monté le 22 janvier 1915.

La Division venait de défiler devant le Général d'Urbal, Commandant la 10ème armée, qui lui avait exprimé sa satisfaction pour le magnifique rôle rempli au plateau et ses regrets de la voir partir.

 

VERDUN 1916

Enlevé par autos le 8 janvier à Hersin, le Bataillon cantonne à Hautvillers (Camp de Saint-Riquier) puis dans la région de Hesdain.

Le 25 février, il est transporté en chemin de fer à Mussey, dans la Meuse, et va cantonner à Loupy-le-Petit.

Le 7 mars, il remonte en autos ; le 8, il est à Haudainville, d'ou il se porte le 9 au Fort de Tavannes.

Il entre alors dans la zone de ruines et de mort : les entonnoirs sont jointifs, la terre est partout bouleversée, les arbres sont brisés, anéantis. Les boyaux arrivent au genou, les tranchées sont des trous reliés à la hâte, les défenses accessoires n'existent pas.

C'est la guerre à l'air libre, en rase campagne, sous le pilonnage effroyable, éternel. Dans l'infernal fracas, dans les obus qui frôlent, bousculent et tuent, la tranchée se comble, les armes se brisent, les munitions s'enlisent, les hommes meurent un à un. Mais fidèles dépositaires de la volonté sacrée de ceux qui gisent à leurs côtés, ceux qui demeurent creusent, réparent le fossé tutélaire, nettoient l'arme et les grenades qui tueront quand la ruée du Boche suivra l'horrible rafale de fer. Et il semble que rayonne au front de ceux qui vont et qui reviennent et de ceux qui font tête, une auréole d'acceptation, de résolution, de grandeur plus qu'humaines.

Le Bataillon lui aussi apporte sa pierre à la digue sacrée sur qui les vagues monstrueuses s'écraseront en vain les unes après les autres

Le 10, il est au Fort de Vaux qu'il trouve enfin après avoir erré toute la nuit dans le désert des entonnoirs. Le déluge de fer bat la carapace de béton, les morts s'amoncellent au creux des fossés.

Le 14 au soir, il relève au nord-ouest du Fort les éléments restants des 3ème et 1er Bataillons. Les tranchées sont ruinées ou seulement ébauchées. On travaille ferme malgré la fusillade de l'ennemi, ses barrages incessants et les incursions de ses reconnaissances.

Recru de fatigue, le Bataillon doit être relevé dans la nuit du 16 au 17.

Mais vers le soir, le bombardement prend brusquement une violence inouïe et 2 heures après, l'ennemi se précipite sur nous: Il est rudement accueilli : rageusement, à la grenade, les chasseurs étalent les premiers assaillants sur le parapet, fauchent l'élan des suivants.

Les Compagnies, enfin relevées, descendent à la caserne Bévaux. Resté en lignes un jour de plus, ayant pris part à l'attaque d'un corps voisin et brillamment enlevé 150 mètres de tranchées, le peloton des pionniers rejoignait lui aussi Bévaux.

En 8 jours, nous avons perdu 203 tués et blessés.

Le Commandant Clayeux prend le 28 mars le commandement du 31ème qui vient d'effectuer des travaux sur la rive droite de la Meuse.

Un deuxième effort va nous être demandé.

Alerté, le 31ème Bataillon monte au Tunnel de Tavannes : les 5ème et 6ème Compagnies relèvent le 1er avril, avant le jour, des unités du 1er ; les 4 autres Compagnies, réservées pour une contre-attaque, gagnent par le Ravin des Fontaines, surnommé « Le Ravin de la Mort », leurs positions de départ.

L'attaque est pour 4h30 le 1er avril

A 4 h15, les Allemands se ruent tout à coup sur nos Compagnies de droite qui les rejettent après une lutte acharnée. Puis à l'heure prévue, les unités foncent à leur tour sur leurs objectifs. La droite y parvient rapidement. Accueillies par un barrage de grenades, prises d'écharpe par les mitrailleuses de Vaux-Village, les Compagnies de gauche sont plaquées au sol ; immédiatement assaillies elles-mêmes, manquant de grenades, elles sont ramenées à leurs tranchées dont elles perdent une partie malgré leur résistance désespérée.

L'adjudant Reynaud (Sous-Lieutenant depuis quelques heures) est tué, alors qu'en bras de chemise, à la tête d'une sape, dépourvu de munitions, il crible les assaillants de pierres ou de grenades allemandes non éclatées.

Fléchissement rapidement redressé : des éléments du 158ème R.I. et du Bataillon rejettent l'ennemi à la baïonnette et reprennent la tranchée.

Pas de répit dans la lutte.

A 16 heures, autre tentative acharnée. Les Grenadiers de la Garde se poussent sur nos lignes par vagues successives. Ils sont impitoyablement fauchés par nos mitrailleuses avant de pouvoir aborder.

La ligne est intacte, mais la situation reste précaire : les grenades manquent encore, la liaison n'est pas rétablie, les pertes sont lourdes ; 340 hommes hors de combat dont 10 Officiers. Enfin, une accalmie légère permet, les jours suivants, de consolider la position.

Habilement relevé dans la nuit du 7 au 8 avril, le Bataillon se regroupe à Dugny.

A Verdun, le 31ème n'a pas reculé d'un pas. Écrasés dans les trous d'obus par l'artillerie, exténués de fatigue, à peine alimentés, tirant péniblement un peu d'eau croupissante de l'Etang de Vaux où pourrissaient les cadavres, les chasseurs ont néanmoins brisé les efforts répétés de l'ennemi, fauchant à la mitrailleuse, tuant à la grenade, accumulant les longs cadavres des Grenadiers de la Garde devant nos tranchées inviolées.

 

CHAMPAGNE 1916

Le Bataillon, descendu en autos, embarque le 15 à Ligny-en-Barrois, arrive en Champagne et vient finalement cantonner à Coutault-le-Maupas

Le 4 mai, il est baraqué au Camp du Veau-Gravé (nord de Sommes-Tourbes),

Le 18 mai, le Bataillon est en ligne, au secteur du Bois des 105, secteur calme mais triste, partout s'étend la blancheur de la craie.

Deux nouvelles périodes dans ce secteur, 11 au 23 juin, 6 au 10 juillet, où un coup de main, écrasé par l'artillerie ennemie, échoue malgré le courage déployé. Mais le sacrifice n'a pas été vain.

Le 149ème, que les pièces ennemies concentrées sur nous n'ont guère inquiété, a pu conquérir un élément de tranchée et faire des prisonniers.

Le Bataillon remonte encore, au secteur de Tahure cette fois, du 16 au 24 juillet et gagne ensuite Pogny en autos.

LA SOMME. - L'ATTAQUE DU 4 SEPTEMBRE 1916        voir l’ensemble de cette bataille

Embarqué le 13 août à Vitry-la-Ville, le Bataillon gagne le théâtre de la Somme.

Il cantonne à Harbonnières.

Le 22, il monte en secteur au sud-est de Soyécourt et reconnaît son prochain terrain d'attaque.

Il en reviendra le 27 pour s'apprêter à l'offensive, s'exercer à l'armement nouveau : (fusil-mitrailleur, tromblon V. B., canon de 37).

Il remonte dans la nuit du 1er au 2 septembre. C'est déjà la préparation de l'attaque. Risquant la tête au-dessus du parapet, les chasseurs regardent tomber sur la plaine, sur les maisons croulantes de Soyécourt. les projectiles de tous calibres. Partout des éclairs rouges et blancs, une fumée épaisse et lourde, blanche ou noire. Jamais ils n'ont vu pareil tir d'écrasement. Celui-ci durera cinq jours.

Les reconnaissances et les patrouilles dépassant la tranchée des Gémeaux, poussent jusqu'à la tranchée de doublement, bouleversée et inoccupée.

Le 3 septembre à 20 heures, on prend le dispositif d'attaque. Le Bataillon en liaison à gauche avec le 149ème d'Infanterie, à droite avec le 158ème, doit attaquer en direction générale d'Ablaincourt-Le Pressoir. Les objectifs sont connus de tous. Le 5ème : Ablaincourt-Le Pressoir, ne doit être attaqué que sur l'ordre du Général Commandant le Corps 'd'Armée.

Le 4 au matin, on se chuchote tout bas l'heure H : 14 heures. A midi, le Commandant Clayeux, qui observait le tir de l'artillerie, est blessé par un éclat d'obus et passe le commandement au Capitaine Adjudant-Major Doudeuil.

13 heures 51. - Les chasseurs sautent sur le parapet, collent aux éclatements du barrage roulant ; dans sa fumée, les quatre vagues déferlent sur la plaine...

Il n'y a pas de réaction ennemie, pas de barrage qui vous écrase et vous arrête ! ! On avance ! ! Les cœurs un peu serrés au départ se dilatent et les chasseurs, joyeux et calmes, progressent rapidement sur le champ d'entonnoirs jaunâtres, suivis attentivement par les lourdes saucisses et une nuée d'avions français maîtres du ciel. Sur la gauche, la 1ère Compagnie réduit, au fusil-mitrailleur, un groupe de résistance ; sur la droite, la 4ème, sous les feux de mitrailleuses, voit tomber son chef le Capitaine Derville et tous ses Officiers.

Mais partout défilent des prisonniers verdâtres et terreux levant les bras d'un geste machinal. Des groupes sortant des trous font « Kamarad » devant la première vague ; des mitrailleurs surgissent derrière elle, essaient de mettre en batterie, niais, ahuris par l'arrivée des vagues suivantes qui les bousculent, ils imitent le mouvement. Ayant conquis 2.100 mètres d'un terrain bouleversé, coupé de tranchées, couvert de cadavres, bourré de mitrailleuses, de mines, de canons, les Compagnies de tête, à 14h50, atteignent le 3ème objectif : le Boyau de Prunier.

Un îlot qui résistait à la limite droite du secteur d'attaque se rend enfin avec 50 prisonniers.

Le Bataillon, très en flèche, reçoit l'ordre de s'arrêter ; il s'organise, rétablit les liaisons.

L'ennemi, qui s'est repris, contre-attaque avec acharnement, nous écrase d'un bombardement serré qui chaque jour nous coûte du monde. Mais pendant 4 jours, en dépit de l'horrible fatigue et de la pluie persistante, les chasseurs lutteront et ne perdront pas un pouce de tranchée.

Relevé le 9 septembre, le Bataillon descend à Herleville, puis à Guillaucourt, bien diminué ; le 4 septembre, 8 Officiers, 229 Sous-Officiers ou chasseurs ont été mis hors de combat. Les journées suivantes nous ont encore coûté 7 tués, dont 2 Officiers et 32 blessés par le bombardement. Mais le 31ème peut être fier de son succès : 350 cadavres jonchent le terrain conquis, 300 prisonniers, Grenadiers de la Garde pour la plupart, 2 pièces lourdes (1 de 105 et 1 de 210), 15 minenwerfer, une vingtaine de mitrailleuses ! ! !

 

Pour sa magnifique conduite, le Bataillon est pour la 2ème fois cité à l'Ordre de l'Armée

« Le 31ème Bataillon de Chasseurs à Pied, sous le commendement du Capitaine-Adjudant-Major Doudeuil.

 Corps d'élite qui a fourni le 4 septembre 1916, un remarquable effort, enlevant dans un superbe élan,, toutes les organisations ennemies et prenant de haute lutte à l'adversaire, deux canons et dix mitrailleuses.

S'est organisé rapidement sur les positions conquises, a repoussé toutes les contre-attaques de l'ennemi, faisant preuve d'une endurance et d'une énergie au-dessus de tout éloge »

Par décision du Général Commandant en Chef, le Bataillon a droit au port de la Fourragère.

 

 Remonté dans la nuit du 14 au 15 septembre, au secteur conquis, le Bataillon perd en trois jours 21 tués - dont un officier - 61 blessés.

Dans la nuit du 18 au 19, il descend à Framerville et gagne en camions Harbonnières, où le Commandant Clayeux vient le 14 octobre, reprendre son commandement.

Redescendant dans l'intervalle à Harbonnières, le Bataillon passe encore trois périodes au secteur de Bovent, au sud-ouest de la Sucrerie, par une pluie glaciale, dans la boue et dans l'eau, sous un bombardement incessant.

Les journées sont épuisantes et meurtrières.

 

Du 16 au 23 octobre, les pertes s'élèvent à 6 tués   43 blessés

Du 29 au 7 novembre 14 tués 44 blessés

Du 10 au 18 novembre 28 tués 64 blessés

 

Relevé par le 21ème Régiment d'Infanterie, le Bataillon est transporté en autos, le 18 novembre, à Troissereux et villages environnants, où les chasseurs peuvent enfin goûter un repos bien gagné.

Ramené par autos à Harbonnières, il en repart le 22 décembre, embarque dans l'Oise, le 26, et débarque à Lure. Pendant un mois, cantonné à Gouhenans et les Aynans, il manoeuvre au camp de Villersexel. Puis il gagne par étapes Rechesy et Courtelevent où il exécute une série de travaux, le long de la frontière suisse.

Le 20 mars, il regagne Gouhenans, par des marches de nuit.

Les 12 et 13 avril, il embarque à Montreux-Vieux, débarque le 14, à Montmirail et vient cantonner à Viels-Maisons, Craly, Villiers-sur-Marne, Pavant.

Le 23 avril, le général Fayolles passe en revue la division et remet officiellement la fourragère au Bataillon.

Le 28 avril, on cantonna à Montreuil-aux-Lions, d'où l'on gagne Ciry-Salsogne, dans l'Aisne, et le 30 mai, le Chemin-des-Dames.

 

L'AISNE - 1917 - LE Chemin des dames

Le Bataillon occupe un secteur au nord d'Aizy ; deux compagnies et une compagnie de mitrailleuses sont accrochées au plateau, face au fort de la Malmaison, leurs réserves sont aux carrières ouvertes du Mont des Roches et du Mont Sans-Pain ; le P.C. et le reste du Bataillon, séparés des lignes par un ravin durement bombardé, sont à la vaste carrière souterraine du Projecteur. L'organisation du secteur nouvellement conquis est à peine ébauchée. Les tranchées arrivent à la ceinture, peu de fils de fer, pas de boyaux. L'artillerie ennemie est puissante et très active. Chaque matin à l'aube, un avion « Fantomas » rase nos tranchées et nous mitraille. C'est que l'ennemi ne s'est pas encore résigné à la perte de ces formidables positions qu'il essaiera tout l'été de nous reprendre.

Dans la nuit du 15 au 16, le 31ème relevé par le 1er Chasseurs, redescend à Ciry-Salsogne.

Remonté le 27 juin, il subit une série de tirs de réglage qui fait prévoir une attaque.

Elle se produit le 8 juillet, après une heure de préparation violente. L'ennemi aborde la ligne à notre droite où il progresse; accueilli à la grenade, il échoue complètement sur le front de notre première compagnie. Là un crochet défensif rapidement organisé permet de fusiller les assaillants sur la droite. Une contre-attaque vigoureuse rétablit la situation du voisin, bouscule l'adversaire et lui fait des prisonniers. Les Généraux de Division et de Corps d'Armée du secteur de droite félicitent le Bataillon pour sa belle attitude.

Toujours sous la menace d'une attaque nouvelle, par le mauvais temps qui survient, il faut ensuite remettre en état les tranchées démolies. Le Bataillon en éprouve un surcroît de fatigue considérable. Il est relevé à bout de forces.

Durant les périodes suivantes, du 21 au 28 juillet et du 14 au 27 août, même régime intermittent de calme et de violents bombardements par obus, par torpilles, par projectiles à gaz, que signalent les sirènes dont la plainte lugubre nous fait tressaillir au plus profond des creutes.

Le 25 août, le Bataillon exécute sur les lignes ennemies tenues par la Garde (Régiment Elisabeth), un raid audacieux qui lui vaut les félicitations du Général de Division.

Redescendu à Billy, Septmonts, Le Carrier, il remonte pour effectuer des travaux, puis prend à Condé des camions qui le conduisent à Orrouy, où il manœuvre avec les chars d'assaut.

 

L'ATTAQUE DE LA MALMAISON : octobre 1917     voir l’ensemble de cette bataille

Transporté en autos à Chaudun, le Bataillon y répète la prochaine offensive.

Le 16 octobre, il est ramené à Billy et, le 17, il gagne par fractions successives son secteur d'attaques.

Les chasseurs sont confiants. Ils sont montés dans la nuit illuminée d'éclairs blancs et rouges ; ils ont entendu les coups assourdissants de nos pièces de 400, des canonnières, des trains-blindés ; ils ont vu dans tous les ravins, dans tous les boqueteaux, à découvert ou sous des camouflages, les batteries innombrables qui prépareront l'action 6 jours durant.

Ils croisent déjà des détachements de prisonniers.

Une partie du Bataillon est en ligne, et, du 20 au 22 octobre, il pousse des reconnaissances dans les premières tranchées ennemies, retournées et abandonnées.

Le 22, à minuit, en place dans leurs parallèles de départ, sur le Plateau des Marraines, les chasseurs attendent impatiemment le moment, déjà deux fois retardé, de se précipiter sur leurs objectifs

La Ferme de la Malmaison,

La tête du ravin de Chavignon où l'on doit s'arrêter.

Deux compagnies sont en première ligne : 3ème à gauche, 2ème à droite ; la 4ème aidée de sections « Z » (gaz) et Schild (lance-flammes) doit nettoyer la ferme ; les compagnies de mitrailleuses échelonnées ; 5ème et 1ère Compagnies en réserve.

Une grande heure avant l'attaque, un bombardement violent s'abat sur notre ligne, cause des pertes, casse des mitrailleuses. L'événement ne se produit pas moins à l'instant fixé.

A 5 h15, les vagues se profilent sur le terre-plein, s'enfoncent dans la nuit noire, traversent un dur barrage ennemi, puis collent au rideau de feu de notre barrage roulant que ponctuent les fusées-signaux.

Dans l'embrasement des explosions, les chasseurs ont aperçu les murs écroulés de la ferme. Franchissant en hâte le terrain chaotique, les boyaux nivelés, ils abordent la tranchée du Hérisson où ils bousculent et capturent des mitrailleurs ennemis, puis atteignent leur objectif : la Malmaison ; les compagnies de tête bordent le ravin.

Dans le jour naissant, gris et pluvieux, le fanion du Bataillon flotte sur les décombres, et malgré le feu des mitrailleuses qui tirent de Montparnasse, on nettoie les abris, on organise les abords, mais la crête, sous la ferme, est vivement défendue ; plusieurs des nôtres sont déjà étendus à l'entrée ; les lance-flammes n'obtiennent pas de résultats, les sapeurs « Z » ne trouvent pas la cheminée d'aération.

Pendant ce temps, dans un ronflement sonore, passent nos obus de 400, qui continuent d'écraser les carrières Montparnasse.

L'avion, de division, traversé par un obus, s'enflamme, atterrit et capote sur la gauche du bataillon ; les aviateurs filent sous les rafales de mitrailleuses pendant que l'appareil flambe.

On ne perd pas de vue la garnison de la Creute dont les entrées sont étroitement bloquées. Cette garnison se rend enfin à 9 h.50 ; deux compagnies de la Garde, 4ème Régiment « Augusta », Officiers et Chef de Bataillon en tête passent devant les chasseurs, tandis que par un pigeon voyageur trouvé dans la creute, on avertit les Allemands que le 4ème Régiment de la Garde est tout entier prisonnier.

Au même moment, le 1er Bataillon dépasse le 31ème pour continuer le mouvement sur les carrières Montparnasse et Chavignon.

Jamais le champ de bataille ne fut plus animé ; de tous côtés, les prisonniers affluent - à la Bascule, venant de Montparnasse, ils défilent en longues colonnes ; à droite, sortis du fort de la Malmaison, ils se profilent sur les crêtes ; à gauche, où les tanks du 149ème les ont délogés du Bois.

Les chasseurs sont transportés d'enthousiasme. Le nettoyage de la creute est soigneusement poursuivi. Les 1ère et 5ème Compagnies gagnent les carrières Montparnasse, en soutien du 1er Bataillon.

Cette journée du 23 nous a coûté 41 tués, dont 3 Officiers et 147 blessés.

Le 24 octobre, on s'organise ; et le 25, alors qu'on s'attendait à relever en 1ère ligne, l'ordre de pousser en avant nous arriva soudain à 16 heures.

Le temps de sortir des carrières, puis le Bataillon tout entier, en colonne par un, descend face à l'ennemi vers Chavignon, par la grande route de Maubeuge.

Les chasseurs avancent au milieu des arbres abattus, des voitures, des canons brisés, des cadavres de chevaux gonflés et noirs, puis voient s'étaler à leurs pieds, la plaine marécageuse de l'Ailette, le village de Bruyères ; et juste en face, entre deux collines sombres, Laon, tout proche, se dresse sur sa montagne.

Surpris, l'ennemi a laissé passer les compagnies de 1ère ligne (1ère, 5ème,2ème). A la Sapinière seulement, elles sont prises sous un violent tir de barrage, tandis que les obus de gros calibre commencent de s'abattre sur les réserves.

On aborde Chavignon dans le fracas et la fumée des 150, on le traverse et... « En Avant... », sans souffler, les Compagnies déployées partent, comme à la manœuvre, sur le sol marécageux où l'on s'enlise. La 5ème  Compagnie et le peloton des pionniers grenadiers enlèvent le village de Bruyères malgré les mitrailleuses, capturent ou tuent les Allemands qui sortent des caves; au mépris des groupes qui résistent encore, avec une poignée d'hommes, le Capitaine pousse jusqu'au canal et occupe le pont de l'Écluse.

Les Compagnies des ailes, à gauche la 1ère, à droite la 2ème, qui a dû repousser une contre-attaque, se portent à l'alignement, capturent des prisonniers ; Cependant que la 5ème, sautant à la gorge de mitrailleurs et de ravitailleurs qui abordent le pont, augmente d'autant le chiffre de ses prises.

Dans un superbe élan, en rase campagne, le Bataillon, à peine soutenu par quelques pièces d'artillerie, attaquant seul, en plein jour, a franchi deux kilomètres et bordé l'Ailette. Les pertes s'élèvent à 8 tués, dont un Officier, 97 blessés ; mais le chiffre des prisonniers dépasse largement 100, et 11 canons sont tombés entre ses mains.

Le 27, le 1er Bataillon prend les premières lignes et le 31ème revient en réserve aux carrières Montparnasse.

Relevé dans la nuit du 29 au 30, par le 410ème d'Infanterie, il est enlevé en autos et va cantonner à la Chapelle-Véronges.

A Soissons, le Général Maistre, Commandant l'Armée, passe une revue à laquelle assistent les drapeaux et les fanions des unités, les Chefs de Corps, les décorés sur le Champ de Bataille.

 

Le 24 novembre, le Bataillon est pour la 3ème fois, cité à l'Ordre de l'Armée

« Corps d'élite qui vient de donner encore une fois la mesure de sa valeur. Le 23 octobre 1917, sous les ordres du Chef de Bataillon Clayeux, a enlevé un secteur de la première position ennemie particulièrement bien défendu, réduisant après un corps à corps de trois heures, un centre de résistance défendu par un Bataillon qui fut entièrement détruit ou fait prisonnier, prenant 13 canons dont 10 lourds et un matériel considérable. A complété son succès, le 25 octobre, en effectuant une nouvelle progression au cours de laquelle il a fait, dans de brillants engagements, plus de 100 prisonniers appartenant à 4 corps différents »

 

LES VOSGES.1918

Embarqué le 5 décembre à la Ferté-Gaucher, le Bataillon gagne la Haute-Saône : Montjustin, Autrey-les-Serres. De là, suivant la vallée du Doubs, il se rend par étapes à Seloncourt où il séjourne jusqu'au 26. Il est passé en revue par le Général de Boissoudy, Commandant l'Armée, qui le félicite pour sa belle tenue. Le 26, nouveau déplacement, nouveau cantonnement : Beaulieu, Voujeaucourt et Dampierre.

Le 18 janvier, il est transporté par chemin de fer à Bruyères ; le 24, il occupe le secteur de la Chapelle-Sainte-Claire et Combrimont, à cheval sur la vallée de la Fave. Le coin est tranquille, sous les pins ; à l'exception toutefois du ravin de Graingoutte où les torpilles de 360 ne cessent de tomber, et du Bénitier, où l'ennemi tente, sans pouvoir déboucher, un coup de main le 26.

Du 19 février au 16 mars, le Bataillon cantonne à la Croix-aux-Mines et Coinches. Remonte, en secteur, il est brusquement relevé le 2 avril, passe quelques jours à Brouvelieures et s'embarque à Bruyères le 13. Débarqué à Orrouy, il est le 27 avril, à Compiègne, constamment bombardé par les avions : en une nuit, 11 tués et 8 blessés.

Les Compagnies cantonnent alors dans les caves du Château ou dans la Forêt.

Sur la Place du Palais, le Commandant Clayeux reçoit la Croix d'officier de la Légion d'honneur.

Le 20 mai, le Bataillon revient dans la région d'Orrouy pour manœuvrer avec les chars d'assaut. Il reçoit les félicitations du Général Degoutte, Commandant le Corps d'Armée.

 

RETRAITE DE L'AISNE

Le 27 mai, le Bataillon qui se trouve dans la région Morienval-Fresnoy est alerté et part en camions sous le commandement du Capitaine de Rohan-Chabot. Le Commandant Clayeux, alors en permission, rejoindra le 29.

Débarqué le 28 mai, à Arcy-Sainte-Restitue, Il doit aussitôt se déployer : l'ennemi n'est plus qu'à quelques kilomètres. Puis, en réserve de division, il s'établit entre Loupeigne et Branges, sur un front de quatre kilomètres où il est violemment assailli le soir même. C'est la ruée puissante qui se hâte, se jette à 5 contre 1 sur toute la ligne, puis fonce au point qui cède pour tourner les éléments solidement ancrés au terrain.

Le 28 au soir, le groupe des 2ème et 4ème Compagnies subit un choc très rude : la 4ème ne rejoindra que deux jours après ; encerclée dans un village par deux bataillons ennemis, munis de lance-flammes, la 2ème luttera tout un jour, puis succombera après avoir brûlé toutes ses cartouches.

Cruellement éprouvé, le Bataillon reçoit l'ordre de se replier.

Ainsi, jusqu'au 1er juin, sans repos ni sommeil, manquant parfois de vivres et de munitions, il accrochera ses Compagnies squelettes aux positions successives, se débattra sous des enveloppements répétés, échappera chaque fois à l'étreinte, puis se rétablira obstinément après avoir transporté sur des kilomètres ses blessés et son matériel. Branges, Loupeine, le Bois de Veux, Saponay, La Poterie, Coincy, Grisolles, le Bois de Bonnes, sont les points que le 31ème dut abandonner l'un après l'autre, sur ordre, après une résistance opiniâtre.

Mais les replis s'effectuent chaque fois en bon ordre et, devant les positions qu'on cède, s'alignent les cadavres allemands.

Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, le Bataillon passe en réserve ; mais c'est pour être reporté en ligne, à Licy-Clignon, le 1er vers 14 heures ; puis le 2 à 19 heures, à 2 kilomètres au nord de Champillon, à l'aide du groupement Michelin violemment attaqué, et dont la droite complètement en l'air est dangereusement menacée. Toute la nuit, les reconnaissances profondes et l'établissement rapide des Compagnies échelonnées du 31ème combleront là le vide existant dans la ligne, vide singulièrement troublant devant un ennemi qui fonce.

Réduit à 200 combattants à peine, recru de fatigue, le Bataillon, relevé le 5 juin, va cantonner à la Trousse-Crépoil, où il creuse des tranchées de deuxième position.

Jetés en plein combat en descendant de camions, les chasseurs ont accompli avec un héroïsme, une abnégation et une énergie physique extraordinaires leur dure mission de sacrifice qui retardait pendant cinq jours, l'avance d'un ennemi d'une supériorité numérique écrasante, et permettait le rétablissement sur un front nouveau.

Ils ont été forcés de reculer, mais ils n'ont pas été vaincus ; ils en ont pleinement conscience et ils attendent impatiemment la revanche sûre et prochaine.

CHAMPAGNE.  1918.

 Le 8 juin, le Bataillon est transporté en autos à Coulvagny ; le 16, il est en ligne dans le morne secteur de Champagne, occupent deux positions en profondeur, la première à Tahure, la seconde vers Perthes.

Le 23 juin, le Commandant Clayeux quitte le Bataillon dont le Chef de Bataillon Lambert prend le commandement. Un raid par surprise, d'une audace inouïe, exécuté dans la nuit du 2 juillet, n'a pas donné de résultats ; mais le 9 juillet, dans un brillant coup de main, la 3ème Compagnie fait des prisonniers.

L'ATTAQUE ALLEMANDE DU 15 JUILLET 1918

 Depuis quelques jours, toute l'armée Gouraud attend l'offensive allemande. Des dispositions spéciales ont été prévues et sont mises à exécution dans la nuit du 13 au 14 ; Dans la 1ère position qui sera écrasée par les minen, tous les abris sont ypérités, et on n'y maintient que des éléments sacrifiés qui signaleront la sortie de l'ennemi et le forceront à se déployer. La véritable ligne de résistance sera la position intermédiaire où les troupes ont l'ordre de ne pas reculer et de résister jusqu'à la mort.

« Aux Entonnoirs », en avant de Perthes, le Bataillon occupe cette position. Dans la nuit du 14 au 15 juillet, à 23h30. notre contre-préparation se déclenche brusquement. La préparation ennemie, brutale, serrée, commence peu après : obus de tous calibres, obus à gaz à profusion écrasent nos lignes ou noient les ravins.

Au petit jour, fermes à leurs emplacements de combat, les chasseurs attendent l'ennemi ; à leurs pieds, le ravin de Marmara est noyé dans la fumée, mais la crête en face apparaît nettement.

Tout à coup, aux éléments avancés, les fusées jaillissent, les mitrailleuses crépitent.

C'est l'ennemi, dont on suit ainsi la marche pas à pas.

A 5 h30, sur la gauche du Bataillon, derrière un barrage roulant d'obus de gros calibre, deux tanks surgissent à la crête, énormes et redoutables. Les vagues d'infanterie les suivent. Celles-ci sont fauchées par les mitrailleuses, et des éléments qui s'infiltrent par les vieux boyaux sont arrêtés par des barrages de grenades V.-B.; un des chars est en panne à la Fourche du Trou Bricot et l'autre, atteint par une pièce anti-tanks, brillera jusqu'à 10 heures dans une fumée pourpre, à la joie des chasseurs qui respirent plus librement.

Sur la droite, l'attaque ennemie est également arrêtée par nos feux. Mais la lutte n'est pas finie ; il y aura quelques heures d'une angoisse infinie. Au centre du Bataillon, un fort groupe ennemi force le boyau Duchet, fonce rapidement, dépasse la ligne de soutien derrière laquelle il fait sa jonction avec un autre groupe d'assaillants heureux venus du secteur à droite du 31ème, où ils ont enlevé le village de Perthes.

A droite, nos 1ère et 3ème Compagnies sont complètement encerclées. A gauche, nos éléments qui tiennent quand même ont l'ennemi à dos à 1.200 mètres. Les Allemands nous ont pris du monde et croient à leur succès : il sera de peu de durée.

Les compagnies encerclées demeurent inébranlables, enracinées au sol ; les fractions de réserve contre-attaquent tête baissée, rejettent l'ennemi sur Perthes, puis joignent la 1ère Compagnie après avoir fait des prisonniers. La 3ème,  rompant alors le cercle qui l'étreint, aborde à son tour l'adversaire, nettoie le village de Perthes où elle capture des hommes et des mitrailleuses. Enfin, les unités rétablies poussent devant elles des patrouilles audacieuses, qui rétablissent partout la liaison et tirent des mains des Boches une vingtaine des nôtres.

A 15 heures, le danger était conjuré, la ligne solide, l'Allemand vaincu. Il nous restait comme trophées, 70 prisonniers dont plusieurs officiers.

Des actes de bravoure magnifiques ont été accomplis :

Le Chasseur Jeanpierre, seul, rencontre dans un boyau 15 ennemis. Sens hésitation, il saute à la gorge du premier. Stupéfiés, les autres font « Kamerad ».

Le Chasseur Lacoste, d'une bravoure légendaire, est tué, alors que debout sur le rebord d'un boyau, avançant dans les balles, il cherche à capturer un groupe ennemi.

Le 18 juillet, on attaque l'ennemi fixé au terrain ; par les boyaux, la 1ère Compagnie progresse : une de ses Sections perd deux tués, treize blessés, mais son Chef et ses chasseurs sanglants ramènent 27 prisonniers, dont un Officier ; une Section de la 5ème Compagnie capture des prisonniers, deux mitrailleuses, s'empare du carrefour York-Duchet, où elle se maintiendra malgré toutes les contre-attaques.

Le 23 juillet, le Bataillon relevé descend au Camp Courtes.

 

Pour sa belle défense, la 1ère Compagnie est cité à l'Ordre de la Division :

« Superbe Compagnie, pleine d'entrain et d'esprit de sacrifice. Le 15 juillet 1918, sous l'énergique commandement de son Chef, le Capitaine Daniel, a. maintenu intégralement l'occupation du terrain qui lui était confié, brisant une attaque des plus puissantes et appuyée d'un bombardement extrêmement violent. Prise à revers par l'ennemi qui avait réussi à pénétrer dans les organisations françaises et complètement encerclée, a repoussé pendant plus de 6 heures, les assauts furieux de l'adversaire en lui faisant subir de lourdes pertes. A ensuite puissamment contribué au succès de la contre-attaque qui est venue la délivrer et rétablir complètement la ligne de résistance fixée à l'avance par le commandement ».

 

On a saisi sur les Officiers prisonniers, une note dont les Chasseurs écoutent la lecture avec un sourire narquois. Cette note déclare que la 43ème Division - bonne division d'attaque française - très durement éprouvée dans l'Aisne, a été mise en Champagne pour se refaire et ne peut pas offrir une résistance sérieuse ! ! !

Ils l'ont vu ! ! !

Le Général Gouraud félicite le Corps d'Armée pour sa défense inébranlable et offre à Châlons, aux décorés sur le Champ de Bataille, un banquet grandiose.

Le 25 juillet, le Bataillon est à nouveau en secteur, en deuxième position ; le 31 juillet, en première position, dans le région du Mesnil.

Le 1er août, dans un coup de main magnifiquement mené, il fait des prisonniers.

Le 11, le Bataillon redescend au camp Courtès où le Général Naulin le passe en revue, tandis qu'une délégation défile à Châlons.

ATTAQUES DE SEPTEMBRE 1918 : ORFEUIL.

En septembre, le Bataillon s'entraîne activement, puis il repart à l'attaque. Il est, le 23, sur ses positions de départ, au centre de résistance « Arras » au sud de Perthes.

Dans l'offensive générale, l'armée de Champagne a une mission très dure : elle doit s'emparer du secteur organisé par excellence, de cette plaine et de ces monts de Champagne, de ces croupes dénudées et blanches. on grises sous leurs pins rabougris, hérissées de fils de fer, sillonnées de tranchées, fourmillant de mitrailleuses, de mines, de canons, creusées de tanières profondes, bourrées d'hommes. Mais les vainqueurs du 15 juillet savent que cette tâche n'est pas au-dessus de leurs forces et c'est vibrants d'enthousiasme qu'ils écoutent l'ordre d'offensive générale, lancé aux armées par le Commandant en Chef.

Debout sur les parapets, exultants de joie, ils contemplent le grandiose préparation d'artillerie qui, déclenchée le 25 à 23 heures, avec ses lueurs fantastiques, son grondement immense, transforme brusquement une nuit paisible en nuit d'apocalypse.

Le 26 septembre, à 5h25, les chasseurs démarrent, impatients du moment où le Mont Murret, submergé par le 1er  Bataillon, ils pourront à leur tour se précipiter à la conquête de leur objectif « La Pince », au nord de la voie ferrée de Challeranges à Somme-Py. On avance dans le brouillard, longeant les boyaux pour conserver la direction, capturant des éléments de résistance et des mitrailleuses qui surgissent de leurs abris profonds. Enfin, le 1er Bataillon a enlevé le Mont Murret ; le 31ème le dépasse, et dans un élan splendide, malgré les feux de mitrailleuses et la résistance de l'ennemi, les éléments avancés atteignent à 11 heures la voie ferrée. On a pris 233 prisonniers, des chevaux et des mitrailleuses.

L'ennemi se ressaisit vite ; à 16 heures, dans une contre-attaque puissante, il met à rude épreuve nos Compagnies de 1ère ligne, dont l'une perd trois Chefs de Section.

Le lendemain 27, l'attaque est pour 5 h25. Les unités de tête s'élancent, font un bond, puis sont plaquées au sol par les mitrailleuses.

On fait appel aux tanks.

A 9h10, au milieu de nos vagues, trois sections de chars roulent, tanguent, tirent, détruisent ou terrifient les mitrailleurs ennemis. Le Bataillon progresse à toute allure, fait 237 prisonniers dont 9 officiers du 31ème Régiment. Un peu plus tard, nouvelle résistance opiniâtre, nouvel appel aux chars ; après quoi, une avance alerte nous amène à point nommé sur un régiment de la garde qui débarque des camions. Vivement abordés, les Grenadiers s'affolent, et bientôt de ces guerriers farouches, on ne voit que les dos immenses filant sous les pins rabougris.

A 11h30, on est au Bois du Bouc, l'objectif assigné.

Le 28 septembre, la 13ème Division dépasse la 43ème  Division et continue l'avance.

Le Bataillon revient en ligne le 3 octobre pour attaquer Orfeuil. le village est garni de mitrailleuses invisibles. Pour l'aborder, il faut dévaler une pente très battue, puis remonter un long glacis complètement rasé par les feux de l'ennemi. Devant les murs épais, sous les tirs à courte distance, les tanks eux-mêmes perdront, leur avantage.

On attaque résolument quand même.

Le 3, deux Compagnies s'élancent successivement avec des chars ; décimées, elles s'accrochent au sol, sous les nappes de balles qu'elles ne peuvent franchir.

Le lendemain, deux autres Compagnies repartent à l'assaut après une courte préparation d'artillerie. Comme le veille, le glacis fatal fauchera l'élan des chasseurs, accumulera les morts et les blessés. Un peu plus tard, une tentative pour déborder le village échouera sous les mêmes coups.

L'héroïsme le plus admirable est impuissant contre des mitrailleuses intactes, en action.

Si Orfeuil eût pu être enlevé les 3 et 4 octobre, il l'eût été par le 31ème. Le nombre de ses morts accrochés eu glacis, l'opiniâtreté des fractions squelettes qui s'ancraient au terrain sous les rafales de balles, témoignent de sa rude audace et de son esprit de sacrifice total.

Le Caporal Jeanpierre, un héros du 15 juillet, avait eu dans l'un des assauts du 3, une attitude d'une particulière beauté. Exaspéré d'être cloué sur place par les coups d'un ennemi invisible, malgré la défense de son Chef, il se dressait de toute sa taille pour découvrir ses adversaires sur lesquels il tirait froidement, posément. Ce geste devait lui coûter la vie.

Le Bataillon est relevé dans la nuit du 4 au 5.

 

Une nouvelle citation à l'armée vient récompenser ses efforts héroïques.

« Bataillon de choc, fidèle à ses traditions de bravoure, engagé en deux fractions les 26, 27 et 28 septembre 1918, en Champagne, a rompu le front ennemi et réalisé une avance de plus de 8 kilomètres. Le 26 septembre, triomphant des résistances tenaces opposées par l'adversaire sur deux lignes successives, s'est emparé par un effort soutenu de la deuxième position ennemie.

Le 27 et le 28, avec la même ardeur, malgré l'effort fourni la veille, a continué la lutte et atteint tous ses objectifs, capturant plus de 300 prisonniers, dont 13 officiers, prenant 13 canons, dont 6 canons lourds et 7 de 77, plus de 100 mitrailleuses et un matériel considérable. »

Le Bataillon avait droit au port de la Fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire.

 

ATTAQUES D'OCTOBRE 1918 : BANNOGNE – RECOUVRANCE

Transporté en autos au Camp Berthelot, le 6 octobre, le Bataillon se rend à Matougues où le commandant Davy en prendra le Commandement le 14.

Mais l'ennemi ne veut pas encore s'avouer vaincu.

Dès le 17, le Bataillon alerté repart au feu par Rilly-la-Montagne, Courcy, Evergnicourt et, dans la nuit du 20 au 21 octobre, relève le 85ème Régiment d'Infanterie à Le Thour.

On a confiance, on les aura quand même, bien qu'on soit fatigué par quatre jours de marche sous la pluie, bien que les Compagnies comptent à peine 50 hommes ! ! !

Le 31ème doit attaquer sur l'axe , le Thour, Bannogne, Recouvrante et s'emparer des avancées de la position Hunding qui s'étendent sur plus de 3 kilomètres de profondeur.

Dans la nuit du 21 au 22, dans celle du 22 au 23, les 1ère et 4ème Compagnies poussent une série d'audacieuses reconnaissances, brisent, malgré les feux de mitrailleuses, la résistance des postes ennemis, les refoulent et permettent ainsi d'avancer de 1.500 mètres la base de départ.

C'est le 25 à 7 heures, que les 4ème et 1ère Compagnie (95 chasseurs) s'élancent à l'attaque.

Dès 8h15 la 4ème Compagnie est au contact de la ligne Hunding, mais la 1ère Compagnie à droite rencontre plus de difficultés : il lui faudra s'ouvrir la route à la cisaille, exécuter en marchant des tirs de F.-M., manœuvrer les nids de mitrailleuses pour rompre enfin la ligne et bousculer l'adversaire

A 8h45, les objectifs sont atteints. On a fait 67 prisonniers dont 5 Officiers, pour la plupart de la Garde, on a pris dix mitrailleuses.

Dans la nuit du 27 au 28, le Bataillon relevé va cantonner à Pignicourt, Reims, et enfin à Fleury-la-Rivière. Un service émouvant est célébré pour les gradés et chasseurs du Bataillon tombés au Champ d'Honneur.

Le 6 novembre, le Bataillon se rend par étapes à Villers-Allerand, Aumenancourt, Pongivert, Givron, ou il arrive le 10. Il apprend là le couronnement de ses efforts et le succès définitif de nos armes :

L'Allemagne a signé l'armistice imposé par le Maréchal Foch ! ! !

 

 

Le 31ème Bataillon a terminé sa tâche.

Il peut maintenant regarder derrière lui, évoquer avec un légitime orgueil, le souvenir des étapes parcourues. Ce sont des étapes glorieuses.

Aux jours de premier élan et de premières épreuves, il a conquis les cols des Vosges, brisé la poussée victorieuse à la Chipotte, poursuivi les Allemands au lendemain de la Marne.

Quand la ligne fut fixée, on l'a jeté en travers de la course à la mer, où il arrêtait net les attaques massives de Carency, d'Ypres et de l'Yser.

Puis, dans ce front pour longtemps intangible et qui va de la Suisse à la Mer du Nord, on lui confiait le tronçon le plus terriblement disputé, la Colline Sacrée de Notre-Dame-de-Lorette, qu'il gardait malgré tout, arrachant même sur ses lignes, en mai, en juin, à l'offensive de septembre, des lambeaux de terre française.

Relevé du Plateau pour défendre Verdun, il a enrayé par deux fois la sombre ruée sous l'enfer des obus, et n'a pas perdu un mètre de terrain.

A son tour, dans la Somme, il prenait à la gorge l'ennemi qui chancelait sous nos assauts acharnés.

En 1917, après avoir tenu longtemps au Chemin-des-Dames, il a conquis la Malmaison, poussé jusqu'à l'Ailette.

En 1918, il s'est sacrifié dans l'Aisne pour couvrir la route de Paris. Il a brisé le 15 juillet, avec l'armée Gouraud, l'ultime offensive et les derniers espoirs de l'Allemagne de proie.

Enfin s'élançant audacieux et confiant, il a bousculé l'ennemi, en septembre, en octobre, à Orfeuil, à Bannogne, jusqu'au jour où l'Allemand dut avouer sa défaite et crier grâce.

Dans ces combats héroïques, barrant de leurs, poitrines la route de l'invasion ou se jetant résolus sur le Boche embusqué, les Chasseurs ont partout trouvé comme adversaires les Grenadiers de la Garde et les troupes d'élite. Partout ils les ont vaincus.

60 Croix de la Légion d'Honneur ;

244 Médailles Militaires

213 Citations à l'Armée ont été décernées pour faits de guerre.

Le 31ème eut aussi sa part de sacrifices

Tués : Officiers, 59 ;

Hommes de troupe, 2.300.

 

O vous, Chasseurs du 31ème, chevronnés ou bleuets qui vécûtes les heures de cette lutte épique, vous qui, fidèles aux traditions d'héroïsme des Chasseurs à pied, avez fait de votre Bataillon l'un des plus glorieux et l'un des plus beaux, vous savez ce que les palmes accrochées au fanion représentent d'efforts inouïs, de résolution sublime et de sang répandu.

Soyez justement fiers de la fourragère jonquille veinée d'espérance que vous portez si crânement aujourd'hui. Mais souvenez-vous de ceux qui l'ont si durement méritée : gardez un souvenir ému à ceux qui ont souffert, à nos blessés ; découvrez-vous devant nos mutilés ; inclinez-vous bien bas devant nos grands morts qui, eux, ont tout donné pour que la France vive librement avec ses frontières rendues et ses martyrs vengés.

Et vous, Chasseurs des classes futures. qui porterez à votre tour l'écusson 31, lorsque vous entendrez vos clairons sonner

« Le dernier venu n'est pas le plus mal f.... »,

souvenez-vous que ce refrain. vos aînés l'ont magnifiquement justifié. et qu'ils l'ont signé, baptisé de leur sang.

Souvenez-vous qu'ils ont lutté sans répit, sans faiblesse quatre années passées, clans toutes les horreurs, dans toutes les angoisses, jusqu'à l'épuisement de leurs forces, et bien après l'épuisement de leurs forces, et qu'ils sont morts pour le salut du Pays.

 

Et quand vous verrez frissonner la soie de votre fanion cinq fois décoré, songez à tout ce qu'il symbolise d'amour pour la Patrie. d'héroïsme... et de gloire... et redressez-vous.

 

 

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