57ème REGIMENT D’INFANTERIE

« LE TERRIBLE QUE RIEN N’ARRÊTE »

HISTORIQUE DU REGIMENT

PENDANT LA GRANDE GUERRE 1914-1918

ROCHEFORT

IMPRIMERIE NORBERTINE

Rue Pierre Loti (Place Colbert), 1921

 

- AVERTISSEMENT -

L’historique numérisé dans un premier temps en mode « images » est visible à http://raymond57ri.canalblog.com, mais sa taille est de 6,5 Mo.

Arnaud Carobbi l’a téléchargé, puis converti en format « texte » à l’aide d’un logiciel de reconnaissance de caractères. Il a du effectuer de nombreuses corrections de lettres et chiffres non reconnus par le système.

Qu’il en soit ici remercié.

Il m’a suffit ensuite de mettre en pages ce travail en respectant au mieux la présentation de l’original.

La liste des morts du régiment est absente de ce fichier. En effet, elle aurait nécessité plusieurs centaines de corrections de patronymes non reconnus avec suffisamment de précision par le logiciel. (On pourra la consulter sur le fichier 57ème RI (2) pdf 6,5 Mo qui reste en ligne)

Pour de plus amples informations n’hésitez pas à me contacter.

Bernard Labarbe.

 

 

 

1914

Lorraine. Belgique. Bataille de Charleroi : combats de Lobbes-Thuin (23 août).

Retraite de Belgique. Bataille de Guise (28 août). Bataille de la Marne (6-7 septembre). Corbeny (13 septembre). La Ville-au-Bois (14-19 septembre). Plateau de Vauclerc (12-14 octobre). Secteur de Verneuil. Plateau de Verneuil (2 novembre). Tranchée à claies (24 décembre).

 

2 Août 1914 ! C'est la Mobilisation, la Guerre avec l'Allemagne, la France accomplissant loyalement ses devoirs d'alliée, enfin l'occasion, attendue depuis quarante-quatre ans, de prendre la Revanche de 1870, de reconquérir l'Alsace et la Lorraine, de reconstituer la Patrie mutilée.

La mobilisation s'accomplit dans un ordre parfait au milieu d'un grand enthousiasme.

 

De Rochefort et Libourne, où il tenait garnison, le 57e R.I. est transporté par chemin de fer en Lorraine. Embarqué les 5 et 6 août, il débarque, le 7, à Maxey-sur-Vayse et se dirige vers la frontière.

Mais l'ennemi, déchirant les traités qu'il avait signés, envahit la Belgique et, par un large mouvement, se précipite en masses profondes sur ce noble petit pays, menaçant la France par le Nord. Le 18e C.A. (de Mas-Latrie) est appelé à faire face au danger. Quittant la IIe Armée (de Castelnau), ses divisions sont enlevées en chemin de fer et envoyées en Belgique, notamment la 35e D.I. (Excelmans), à laquelle appartient le 57e R.I., qui, après avoir stationné à Rogéville, du 14 au 17 août, s'embarque, le 19, à Pagny-sur-Meuse.

 

Débarqué à Liessies (Nord) le 20 août, il traverse la frontière franco-belge le 22 août, en présentant les armes, rendant ainsi un juste hommage à l'héroïque Belgique qui, au déshonneur, a préféré l'invasion.

C'est le 23 août que le 57e R.I. reçoit le baptême du feu. Pendant toute la matinée, le canon avait grondé vers Lobbes et Thuin, s'étendant progressivement vers La Fontaine-Valmont et Labussière. La bataille de Charleroi, engagée depuis déjà plusieurs jours, se déroulait inexorablement. Malgré l'héroïsme des troupes alliées, l'ennemi, grâce à son écrasante supériorité en moyens humains et matériels, avançait.

 

A 14 heures, la 70e brigade (Général Pierron) reçoit l'ordre de se porter vers Lobbes, pour empêcher toute offensive de l'ennemi sur le rive gauche de la Sambre et le rejeter au besoin sur la rive droite. Le mouvement en avant de la brigade s'effectue sur l`axe : route de Leers et Fostau, 2 bataillons du 144e sont en 1re ligne, à cheval sur la route ; en 2e ligne, le 3e bataillon de ce régiment. Le 2e bataillon du 57e R.I. marche en soutien à gauche de la route avec la C.H.R. et le drapeau, sous les ordres du colonel Dapoigny. Le 1er et le 3e bataillons avaient été détachés au début de l'après-midi. Le 1er, en soutien des troupes de la D.I., à notre droite, le 3e, au pont de Lobbes, sur la Sambre, dont il devait garder le débouché sur la rive gauche.

 

La marche d'approche sur Lobbes se fait sans pertes, sous un violent bombardement. Cependant, les bataillons du 144e R.I. obliquent de plus en plus vers la droite et le 2e bataillon du 57e se trouve brusquement en présence de l'ennemi. Ce dernier attend, retranché dans les bois, derrière des clôtures de fil de fer. Les 5e, 6e et 7e compagnies donnent l'assaut à 100 et 200 mètres, la 8e compagnie restant en soutien d'artillerie. Mais le feu de l'ennemi et les obstacles à franchir ne permettent pas à ce superbe élan de donner son plein effet. Arrêtés en plein bois après avoir perdu le tiers de leurs effectifs, les unités, mélangées, doivent s'arrêter puis se reformer autour du drapeau, qui avait été déployé, pour, enfin, revenir à la charge.

 

Cependant, l'ennemi manoeuvre et par une attaque de flanc débouchant dans la prairie, dans laquelle le 2e bataillon se reforme, il met en grand péril le drapeau et le Colonel. La situation est au plus haut point critique et il faut l'heureuse et énergique intervention du lieutenant Joubé, commandant la 2e section de mitrailleuses, pour faucher les vagues de l'ennemi, qui doit s'arrêter et se terrer à son tour, après avoir subi de fortes pertes. Profitant de cet arrêt dans le combat, le drapeau, passé de mains en mains, est sorti de la fournaise ; le bataillon se décroche et, par sections, rejoint Beaumont dans la nuit. Il y retrouve les deux autres bataillons du Régiment que le Colonel ne peut rejoindre que le lendemain matin.

 

C'est alors que commence cette pénible période de replis successifs, où, par longues étapes, toute l'armée retraite vers le Sud. L'ennemi, en nombre et puissamment armé, précédé de groupes légers : cavaliers, cyclistes, auto-canons, précipite sa marche pour empêcher le rétablissement de l'armée française. Les marches sont longues et fatigantes, exécutées soit de jour, soit de nuit, selon les circonstances. Le ravitaillement est irrégulier ou même nul parfois. Bien souvent, il faut renverser la marmite avant d'avoir fait la soupe ou le café, enterrer la viande pour éviter que l'ennemi en profite. N'importe, les braves du 57e, toujours confiants aux moments les plus durs où tous autres pouvaient désespérer, toujours prêts à se battre dans les combats d'arrière-garde, pour ralentir la pression de l'ennemi, sont animés de cet esprit magnifique, qu'ils conserveront jusqu'à la fin de la guerre.

Nombreux sont ces engagements où, profitant de la surprise pour lui causer des pertes, les unités d'arrière-garde savent s'engager avec tous leurs moyens, en imposer à l'ennemi, puis profiter de son étonnement pour se dégager rapidement.

C'est ainsi que le 57e se battit au Nouvion (27 août), à Condé-en-Brie et à Montmirail.

 

Mais c'est le 28 août, à Guise, que le 57e, engagé à fond dans cette victorieuse bataille, montra un mordant et une ténacité remarquables. Malgré les fatigues des étapes précédentes, il se déploie dans un ordre parfait. 2 bataillons sont en ligne :

1er (Picot) à droite, 2e à gauche (De Saint-Martin Lacaze). Le 3e bataillon (Coudoux) est en soutien derrière le 2e. Les 24e et 28e R.I., déjà aux prises avec l'ennemi, sont dépassés, et le 57e s'avance, par bonds successifs, approchant l'ennemi au plus près, malgré la fusillade et le tir des mitrailleuses, qui lui causent déjà des pertes sensibles. Le 2e bataillon, particulièrement éprouvé, est cloué au sol et ne peut plus avancer. Le 3e bataillon est poussé en avant pour le renforcer, mais éprouve à son tour de fortes pertes. Plus heureux, le 1er bataillon réussit à progresser. L'artillerie française appuie le mouvement ; mais sous le feu des canons ennemis, bien supérieurs en nombre, elle est obligée de ralentir son tir.

En fin de journée, attaquant l'ennemi, qui, par endroits, cède, repoussant de violentes contre-attaques sur les points où il réagit, toutes les unités sont en 1ère ligne. Par suite de l'absence de réserves, le Général de Division donne alors l'ordre de rompre le combat. Mais le 1er bataillon (Picot), que son élan a porté jusque dans Guise, n'est pas touché par cet ordre et le repli commence de nouveau pour les deux autres bataillons. Ce n'est qu'à la nuit que le Régiment, regroupé, cantonne à Parpeville.

 

Le 2 septembre, la Marne est traversée vers Dormans et le 5 septembre trouve le 57e à Rupereux-Voulton, où, à la tombée de la nuit, l'ordre est donné de s'arrêter, de creuser des tranchées et de s'accrocher au terrain. On se repose sur place ; le ravitaillement apporte des biscuits, des boites de conserve, du sucre et du café. Le 6 au matin, c'est l'annonce de la fin de la retraite et de la reprise du mouvement en avant : enfin ! C'est la grande bataille préparée et voulue par nous. C'est le moment solennel, où toutes les forces de chacun, tendues dans un geste suprême, vont culbuter l'ennemi et le battre.

 

C'est la première bataille de la Marne.Devant nous, le 123e attaque à Montceau-les-Provins, et dans cette journée mémorable, l'ennemi, vaincu, cède et bat en retraite. Usés, fatigués par une période de marches déprimantes, les hommes, forçant malgré tout la victoire, reprennent leur marche cri avant avec ce même esprit d'abnégation qui leur avait permis, dans la retraite, de retenir un ennemi puissamment agressif.

 

La 35e Division engage la poursuite avec vigueur et traverse Courlandon Romain, Ventelay, Rouey. Le 57e, pointe d'avant-garde, arrive ainsi, le 13 septembre, à Pontavert, talonnant l'ennemi qu'il se met en mesure d'attaquer à Corbény, fortement occupé. Le Régiment se déploie face à l'objectif. Le 2e bataillon (Couraud), peu à peu absorbé, face au N.-N.-O. dans les couverts qu'on ne peut négliger, le 3e bataillon (Lyonnet) est tenu en réserve, face à l'Ouest, d'où une contre-attaque reste menaçante. Le 1er bataillon (Picot), appuyé par la 8e compagnie et une section de la 7e compagnie, est chargé de donner l'assaut.

A 7 heures du soir, après une marche d'approche exécutée comme sur le terrain de manoeuvres, ce bataillon, dans un élan superbe que n'arrêtent ni les obus, ni les balles ennemies, enlève brillamment Corbény. Les soldats, emballés par l'élan de leur chef, pénètrent dans le village en chantant la Marseillaise.

Le 1er bataillon se porte en avant du village, pour en assurer la défense, tandis que tout le Régiment s'y installe pour y passer la nuit.

Ce brillant succès a entraîné le 18e C.A. qui, au nord de l'Aisne, forme une pointe accentuée. Les autres troupes, à droite et la gauche, sont très en retrait. L'ordre est donné de se fortifier sur le terrain conquis et d'attendre que les autres troupes soient arrivées à la hauteur du Régiment. Mais, dès le 14, à partir de midi, il est soumis à une violente canonnade par obus de gros calibre.

 

Quelques heures après, l'ennemi passe à l'attaque. Nos troupes résistent, mais les feux de mitrailleuses se dévoilent très nombreux, l'ennemi se renforce toujours et de fortes colonnes venant du Nord-Est et de l'Est menacent de les tourner. A tout prix, il faut éviter d'être coupé, et, devant cette menace, qui, de moment en moment, devient plus pressante, force est de se replier sur la Ville-aux-Bois.

 

Le Régiment s'installe à la lisière nord des bois de la Ville-aux-Bois, et, dans la nuit du 14 au 15 septembre, s'emploie à creuser des tranchées. Pendant cinq jours, le 57e va s'efforcer de conserver ses positions. Il supportera de violents bombardements ; parfois, sur certains points, il sera obligé de céder du terrain, mais, par de violentes contre-attaques, il reprendra le terrain perdu.

 

Le 15 marque une journée particulièrement rude. L'ennemi, renforcé par de nouvelles troupes, devient de plus en plus entreprenant. Son intention évidente est de rejeter les Français jusque dans l'Aisne. Avec l'appui d'une nombreuse artillerie, il semble un moment devoir y réussir; le village de la Ville-aux-Bois, perdu une première fois, est repris et passe ainsi trois fois de mains en mains. Des contre-attaques parviennent chaque fois à refouler les Allemands, qui reviennent à la charge avec plus de fureur. Des corps à corps terribles s'engagent à la lisière sud et aux abords ouest du village, aux maisons duquel s'accroche désespérément l'ennemi.

 

Néanmoins, 150 prisonniers sont faits, avec le concours d'une compagnie du Génie, après plusieurs sommations, ils ne se rendent que sous la menace de charges d'explosifs destinées à faire sauter leur repaire.

Du 16 au 18 septembre inclus, la bataille continue de faire rage, les assauts de l'ennemi se font plus nombreux.

Mais, malgré les fatigues, les privations (les ravitaillements n'arrivent pas), malgré un temps exécrable et malgré des pertes considérables, le 57e réussit enfin à arrêter la poussée de l'ennemi, après lui avoir imposé de sanglants sacrifices.

Le 18 au soir, lorsque sa relève eut lieu, le 57e se retira affaibli en hommes et en cadres, mais heureux d'avoir si brillamment accompli son devoir.

 

La superbe citation à l'ordre n° 17 du 18e C.A., qui lui fut décernée par le Général de Maud'huy, Commandant le 18e C.A., témoigne de sa vaillance à cette occasion :

Sur la brèche pendant six jours consécutifs, le 57e a, malgré de nombreuses pertes et des fatigues de toutes sortes, montré un courage et une ténacité qu'on ne saurait trop admirer. Le 57e est le digne fils de la "Terrible 57e demi-brigade".

 

Après ces sanglantes, mais héroïques journées, la 35e D.I. est relevée par des unités du 1er C.A. L'ennemi tient et s'accroche au terrain, qu'il a si chèrement acquis. Pendant qu'il cherche, par une manoeuvre de grande envergure, vers le Nord et l'Ouest, la décision dont la victoire de la Marne l'a frustré, il stabilise son front sur l'Aisne, où il occupe les fortes positions que représentent les falaises nord de cette vallée.

C'est ainsi qu'il tient et organise la fameuse ligne des hauteurs qui court de Corbény à Soissons par Craonne et qui suit le Chemin des Dames, positions dominantes redoutables, qui rendent impossibles, de jour, nos ravitaillements et nos relèves. C'est la guerre de tranchées qui commence.

Après un repos de près de deux jours, dans la région de Cuiry-les-Chaudardes, la 35e D.I. monte en ligne, le 20 septembre, et va prendre un secteur face au plateau de Vauclerc.

Ne voulant pas laisser à l'ennemi le temps d'organiser complètement ces positions, le commandement donne l'ordre d'attaquer le plateau de Vauclerc.

Le 12 octobre, l'attaque est donnée à 5 heures du matin. Mais le feu de l'ennemi, les tirs d'artillerie causent de grandes pertes au 1er bataillon (Orieux) chargé de donner l'assaut ; à 6 h. 30, le 2e bataillon (Bonnaudet) attaque à son tour, mais il est arrêté aussi.

Le 14 octobre, l'attaque est renouvelée à 15 heures. Menée avec un mordant et un esprit de sacrifice que l'échec de l'avant-veille n'a pu abattre, le 2e bataillon réussit, sous un feu meurtrier, à atteindre le plateau des Quatre-Arbres et à s'y maintenir toute la soirée et toute la nuit, à peu de distance des tranchées ennemies, que protègent de solides rangées de fil de fer. Devant l'organisation et la résistance de l'ennemi, et après avoir repoussé deux contre-attaques, le 2e bataillon revient, le 15, au petit jour, dans ses tranchées de départ.

Relevée du secteur de Blanc Sablon, la 35e D.I. est reportée plus à l'Ouest. C'est ainsi que le 57e, relevé le 16 octobre, va occuper le secteur de Beaulne-Verneuil.

Malgré les violents bombardements et les nombreuses fusillades, le 57e s'accroche au terrain et se met en mesure de défendre le secteur qui lui est confié. Boyaux et tranchées sont construits. Pelles et pioches travaillent hardiment.

Deux actions particulièrement violentes marquent la fin de cette année 1914 glorieuse et héroïque où, avec des moyens inférieurs, l'armée française réussit à arrêter l'invasion de l'ennemi et à le stabiliser.

 

Le 2 novembre, dès la pointe du jour, l'ennemi pénètre dans les positions qu'occupaient, plus à l'Ouest, les 267e R.I. et 48e B.C.P. A midi, il déclanche une violente attaque sur le bois des Boules et les carrières du plateau de Verneuil, occupés par les 2e et 3e bataillons. Quoique les organisations soient bouleversées par l'artillerie de gros calibre allemande, le 57e se défend héroïquement et l'ennemi ne parvient qu'au prix de pertes sévères à arracher à leurs défenseurs les carrières du plateau.

Dans la nuit du 23 au 24 décembre, le 144e R.I., par surprise, réussit à enlever une tranchée nouvellement construite par les Allemands, la "Tranchée à claies", au sud de Chivy, face à la gauche du 144e. Au petit jour, une section et demie de la 9e compagnie en renforcent la garnison, mais les Allemands contre-attaquent et reprennent la "Tranchée à claies". A 13 h. 40, une nouvelle attaque est exécutée, mais ne peut réussir, et, à 16 h. 15, une nouvelle attaque reste encore sans résultats.

 

Dans l'acharnement de ces assauts successifs, l'élan des magnifiques soldats n'est arrêté que par le feu intense que l'ennemi déclenche, du haut des carrières du plateau de Verneuil et du plateau de Vendresse. Sous ces feux croisés de mitrailleuses et sous les barrages de l'artillerie ennemie, les vagues d'assaut vinrent se briser avant même d'arriver à la tranchée, sur le parapet de laquelle on les vit, officiers en tête, tomber glorieusement.

Au cours de cette période de combats fréquents, certaines unités ont l'occasion de se distinguer particulièrement.

 

C'est ainsi que :

1° Les 1re, 3e et 9e compagnies sont citées, par le lieutenant-colonel Huguenot, à l'ordre du Régiment n° 7 bis, du 25 décembre 1914, pour leur bravoure et leur résistance admirables dans la journée du 24 décembre, au cours de leurs mouvements offensifs répétés.

2° Les 1re, 2e et 4e sections de la 9e compagnie sont également citées à l'ordre du Régiment n° 8 bis du 26 décembre 1914, pour leur magnifique défense d'une tranchée enlevée aux Allemands la nuit précédente, et s'être fait hacher à leur poste de combat 3° Les 1re, 2e et 4e sections de la 1ère compagnie, pour la hardiesse avec laquelle, à la sonnerie de la charge, elles sont sorties de leurs positions abritées et se sont portées à l'assaut des tranchées allemandes sous un feu terrible de mitrailleuses et d'artillerie (1).

 

(1) Les pertes du Régiment en officiers, au cours des combats de cette année 1914, sont résumées dans le tableau ci-après :

23 Août 1914 : Capitaine Embrun, tué à Fontaine-Valmont. Capitaines Burdy, Lallemant, Constant, lieutenants Delitat, Duclos, sous-lieutenant Faure, tués à Lobbes.

28 Août 1914 : Capitaine de Saint-Martin-Lacaze ; sous-lieutenants Souabaut, Dumartin, Simon, tués à Guise.

14-18 septembre 1914 : Chefs de bataillon Triaud, Lionnet; capitaine Pougnet ; lieutenants Mollier, Cau ; sous-lieutenants Lacoste, Schroder, Lapouble, tués à Corbeny et à la Ville-aux-Bois.

12-17 octobre 1914 : Lieutenant Mandin ; sous-lieutenants Marceron, Gachie, tués au Moulin de Vauclerc.

2 Novembre 1914 : Sous-lieutenant Berne, tué à Beaulne.

Soit, au total, 23 officiers.

 

1915

Secteur de Verneuil (suite) (du 25 octobre 1914 au 15 avril 1916).

Durant toute l'année 1915, le 57e R.I. occupe le secteur de Verneuil. Il s'emploie entièrement à en fortifier les organisations défensives et à en rendre la position inexpugnable. Des réseaux de fil de fer sont tendus, très denses, en avant de nos lignes; des abris profonds sont creusés pour abriter la garnison des tranchées de 1re ligne. Divisé en deux secteurs de bataillons : "Plateau de Verneuil" et "Beaulne", il conserve un bataillon au repos. D'abord à Vauxtin, puis à

Bourg-et-Comin, ce bataillon s'exerce, à l'abri de la cote 175, s'entretient pour les combats futurs et travaille aussi aux organisations de la deuxième position située au nord de l'Aisne.

 

Au bout de quelque temps, le 1er bataillon est maintenu en permanence avec deux compagnies en 1re ligne sur le plateau et deux compagnies au repos à Verneuil. Les 2e et 3e bataillons alternent entre eux dans le secteur de Beaulne. Au cours de cette période ingrate, sous les bombardements constants d'obus et de minens de tous calibres, les "Poilus" utilisent la pelle et la pioche, avec une ardeur et un courage constants. À partager les mêmes dangers et les mêmes fatigues, officiers et soldats acquièrent dans les tranchées de Beaulne et de Verneuil cette confiance mutuelle et cette cohésion qui devaient plus tard, sur les champs de bataille, de 1916-1917 et 1918, porter à son maximum l'ardeur combative du 57e.

 

Au surplus, en quittant le secteur où il fut relevé le 15 avril 1916, par le 73e R.I, le régiment eut la fierté de passer à ses successeurs un secteur parfaitement organisé, qui assurait, à cette partie du front, une inviolabilité absolue.

C'est dans le secteur de Verneuil que, le 25 janvier 1916, le lieutenant-colonel Bussy prend le commandement du régiment, en remplacement du colonel Huguenot, placé à la tète d'une brigade. Le lieutenant-colonel Bussy restera à la tête du beau 57e pendant toute la durée des hostilités.

1916

Secteur de Verneuil (suite). Verdun (5-21 mai). Fort de Vaux et Ferme Thiaumont.Secteur de La Harazée (Argonne). Secteur Est de Berny (Somme).

En quittant le secteur de Verneuil, le 57e se rend par étapes sur Ies bords de la Marne, dans la région de Boursault, où il se prépare aux engagements futurs. Une quinzaine de jours après, il est embarqué en chemin de fer pour la région de Verdun. Depuis plus de deux mois, l'ennemi lançait attaques sur attaques et avait réussi à avancer jusqu'aux portes du fort de Vaux et à s'emparer du fort de Douaumont. Il allait revenir au 57e de jouer un rôle dans cette bataille de géants qui, en raison des moyens formidables accumulés par l'ennemi et sa prétention hautement proclamée de briser en ce point définitivement la résistance française, forçait l'angoissante et admirative attention du monde entier.

C'est le 5 mai, que le Régiment entre en secteur, au fort de Vaux, échelonné en profondeur : un bataillon (Boudon) en avant des abords immédiats du fort, un (Amilhat) au tunnel de Tavannes, un (Bonnaudet) au fort de Tavannes.

Le 7, les Allemands, après un bombardement d'une extrême violence qui bouleverse nos organisations de 1re ligne, tentent d'attaquer. Ils doivent rentrer très vite dans leurs tranchées de départ devant l'énergique attitude de tous, officiers et hommes, et l'intervention de notre artillerie qui leur fait subir de grandes pertes.

 

Jusqu'au 15 mai, dans un terrain chaotique, sous un feu d'artillerie qui ne ralentit pas, l'organisation de la défense est poursuivie sans relâche.

Sous les barrages d'obus de tous calibres, ravitailleurs en vivres et en munitions, travailleurs des unités de secondes lignes, hommes et gradés qui avaient la consigne de se faire tuer sur place plutôt que de reculer, brancardiers et infirmiers qui, comme toujours, sous l'impulsion de leurs chefs, notamment du docteur Ferron, médecin chef, se dévouent inlassablement à leur noble mission de secours aux blessés, en dépit des plus violents  bombardements, de leurs pertes, de leur épuisement, tous accomplirent sans se plaindre leur mission.

A tenir ainsi dans des conditions extrêmement difficiles, le 57e perdit de superbes officiers et de nombreux braves soldats.

 

Le chef de bataillon Amilhat, commandant du bataillon de 2e ligne, est tué par un éclat d'obus aux côtés du Colonel, en portant secours à quelques-uns de ses hommes dont les abris viennent de s'effondrer.

Les lieutenants Latour, officier téléphoniste, Petriac, officier pionnier, Castaings, commandant de la 1ère compagnie, et Descorps, de la 1ère compagnie, sont grièvement blessés.

 

Et, lorsque relevés de ce secteur infernal, le 15, il fallut, le 17, remonter en ligne, dans le secteur de la ferme Thiaumont, devant le fort de Douaumont, chacun s'apprêta de nouveau à faire face à l'ennemi et à l'arrêter.

Le 18 mai au soir, les éléments de gauche du 57, sont relevés par le 36e R.I. qui, le surlendemain, doit attaquer le fort de Douaumont. Ses éléments de droite ne le sont que le 20 mai, dans la nuit, par le 129e R.I.

Pendant cette période, sous le feu de l'artillerie ennemie qui tirait sans discontinuer, dans des trous qu'il fallait à chaque instant recreuser, le 57e a fait preuve d'une endurance et d'une ténacité à toute épreuve. "Ils ne passeront pas" avait-on dit, et, animé du plus pur esprit de sacrifice, le 57e joua dans la grande bataille un rôle ingrat, mais avec cette abnégation et cet entrain qu'il n'a cessé de montrer au cours de toute la campagne.

 

Après un bon repos aux environs de Ligny-en-Barrois (Meuse), le 18e Corps d'armée va tenir un secteur en Argonne. Le 57e occupe le secteur de La Harazée jusqu'au 30 septembre. Pendant son séjour, son activité se montre autant par les travaux d'amélioration qu'il ne cesse d'effectuer que par son mordant dans les patrouilles et les coups de main, comme le 31 juillet, ou dans la défensive contre les incursions ennemies, comme le 15 août. Dans toutes ces opérations, il sait conserver un très réel ascendant sur l'ennemi, auquel il réussit à en imposer. Du 30 septembre au 25 décembre, le 57e se rend par étapes dans la région de Fleury (Somme).

 

Le 25 décembre, embarqué en autos, il est transporté à Proyart, et, le 26, il va tenir le secteur est de Berny, où, dans la boue liquide des tranchées de la Somme, que transforme bientôt en roc une température rigoureuse, il montre les mêmes qualités de ténacité et d'allant.

1917

Est de Berny (Somme). Sous-secteur de Guerbigny (5-14 mars). Plateau deVauclerc (5-6 mai). G.C.R. de Badricourt (Alsace). Sous-secteur Capron  (Champagne).

 

Relevé le 1er février, il passe au 144e R. I. un secteur parfaitement organisé.

Le 10, les Anglais relèvent la 35e D.I., qui se rend au camp de Crèvecoeur, pour se préparer à la grande offensive projetée pour le printemps.

Du 5 au 15 mars, le 57e, mis avec toute la Division à la disposition du 14e C.A., occupe, sur l'Avre, le secteur de Warzy-Guerbigny, où, par son activité constante et ses reconnaissances dans les lignes ennemies, il prépare l'action offensive que le 52e doit exécuter.

Du 16 au 22 mars, il est mis à la disposition du 1er C.A.C. (IIIe Armée), pour le service routier dans la région de Méry-Tricot-Rollot.

 

Au début d'avril, après un court stationnement dans la région de Bouillancy (Oise), il se rend dans l'Aisne par étapes, pour participer à l'attaque générale de nos troupes, comme unité d'exploitation stratégique du succès. A la suite de l'arrêt de cette offensive, après avoir stationné dans la région de Fismes, il se porte au nord de l'Aisne, pour relever, avec tout le 18e C. A., le 11e C. A., qui est en ligne dans le secteur Moulin de Vauclerc - Craonne. Le 30 avril, après relève par le

144e R.I, il descend à Beaurieux pour se préparer à l'attaque du plateau de Vauclerc. Il reprend son secteur d'attaque dans la nuit du 3 au 4 mai, face au plateau des Casemates.

L'opération doit être menée par tout le corps d'armée : à droite, la 36e D.I, qui, le 4 mai au soir, enlève Craonne, à gauche la 35e D.I. Le 57e tient la droite du dispositif de la 35e D.I, en liaison à l'Est avec le 49e R.I, et à l'Ouest avec le 123e.

 

L'attaque est lancée le 5 mai, à 9 heures, par les trois bataillons dans l'ordre :

2e (Bellon), 3e (Pimouguet) et 1er (Boudon), de l'Est à l'Ouest. Les hommes partent à l'attaque avec un entrain merveilleux. Dès 9 h.15 et 9 h.30, tous les objectifs sont atteints, c'est-à-dire la lèvre nord du plateau, sauf au centre du dispositif où, dans le boyau de Stauffen, deux points casematés, 2615 et 2617, signalés la veille comme insuffisamment détruits par les préparations d'artillerie, résistent avec des mitrailleuses. Tout ce qui se présente dans cet espace est tué ou blessé. Tous les essais faits pour réduire ces casemates restent vains. Le lieutenant Duffourcq, magnifique officier, accouru du Mexique au premier appel aux armes de la mère patrie, se fait tuer à la tête de ses pionniers en cherchant à réduire la casemate 2615.

A 11 heures, puis à 16 heures, les unités de soutien du 2e bataillon et de réserve du 3e bataillon échouent dans leurs tentatives d'enlèvement de ces deux points. Pendant ce temps, le 144e est appelé à étayer le 57e, dont les pertes

augmentent du fait de l'artillerie et des mitrailleuses de l'ennemi, ainsi que de ses contre-attaques furieuses. Face à ces deux points 2615 et 2617, des crochets défensifs sont formés et notre front, solidement tenu par des poignées de braves,

résiste à tous les assauts de l'ennemi, qui ne peut se résoudre à son sanglant échec et auquel nous faisons subir de grandes pertes.

Toutes les compagnies du Régiment, dans une lutte continuelle font tête à l'ennemi de plus en plus agressif. Ayant éprouvé de fortes pertes, elles conservent avec une ténacité extraordinaire le terrain si chèrement acquis, sauf sur la droite où, sous un tir trop court de notre artillerie, notre 1re ligne doit se reporter à une cinquantaine de mètres en arrière.

Et le 6, lorsque le 144e relève le Régiment épuisé, chacun peut songer avec fierté aux actions héroïques accomplies, à la belle page que le Terrible vient d’ajouter à sa glorieuse histoire (1)

 

(1) Les pertes subies au cours de ces actions acharnées furent sévères, et leurs chiffres éloquents donnent la mesure de l'âpreté de la lutte.

12 officiers tués: capitaines Cavaignac, Danguin ; lieutenants Duffourcq, Prisonnier, Maubaillarcq : sous-lieutenants Baylac, Gilson, Bourles, Jutes Roy, Circan, Michel, Jean Roy. 10 officiers blessés, dont quelques-uns très gravement, tels les lieutenants Mormiche, Caquet René, David.

Troupes: Tués ou disparus, 245 ; blessés, 461.

 

 

Les 5 et 6 mai 1917, tous, officiers, gradés et soldats, ont combattu dans des conditions très dures sur un front d'attaque de 1.600 mètres de développement à hauteur des objectifs assignés, contre des obstacles matériels insoupçonnés, avec un entrain et une abnégation superbes, tels :

Le capitaine Cavaignac, tué d'une balle à la tête dans un furieux corps à corps en chargeant à la baïonnette avec sa 6e compagnie.

 

Le soldat Pelardy, de la 7e compagnie, agent de liaison qui, la nuit, trompé par l'obscurité dans un terrain bouleversé, dépasse nos lignes, tombe chez l'ennemi, et, blessé, la mâchoire fracassée par un coup de feu, détruit l'ordre écrit de son chef de bataillon, rentre en rampant dans les lignes françaises, après s'être évanoui deux fois en route, et, ne pouvant parler, rend compte de sa mission par écrit avant de se laisser évacuer.

 

Le lieutenant David, commandant la 11e compagnie qui, blessé grièvement, le 5 mai, d'une balle en pleine poitrine, n'en continu pas moins de diriger le combat, encourageant ses hommes de la voix et du geste.

 

L'adjudant Lefèvre, de la 1re compagnie, qui, dans la nuit du 4 mai et la journée du 6, pousse deux patrouilles hardies dans les lignes ennemies et ramène des prisonniers chaque fois, en même temps que des renseignements précieux.

Ce brave sous-officier, patrouilleur enragé, devait tomber glorieusement en Champagne, le 8 novembre 1917, au cours d'une nouvelle reconnaissance à l'intérieur des lignes allemandes.

 

Le soldat Maille, de la 2e C.M., qui, ses gradés hors de combat, prend spontanément le commandement de sa 2e section de mitrailleuses, et, pendant deux jours, isolé de son unité, rejette victorieusement avec les cinq camarades de combat qui lui restent toutes les attaques ennemies, fauchant inlassablement les colonnes allemandes qui tentent de remonter les pentes de l'Ailette. Il rejoint sa compagnie, le 6 mai au soir, au moment de la relève, avec ses braves camarades Sabourin, Ragonnaud, Guillou et Lamarque. Maille reçoit la Médaille militaire pour sa belle attitude.

 

 

Après sa relève, le 57e se rend à Beaurieux, puis à Blanzy-les-Fismes et à Mézy, d'où il s'embarque en autos, du 12 au 14, pour la région de Crézancy Après un repos de quelques jours, il est transporté dans la région de Villersexel, où il stationne jusqu'au 8 juillet et d'où il part, par étapes, pour se rendre en Alsace, à Badricourt, où il relève, le 14 juillet, le 7e R.I.C. dans le G.C.R. de Badricourt (Ballersdorff ).

C'est au cours de ce séjour en Alsace que le général d’ Armau de Pouydraguin prend le commandement du 18e C.A. en remplacement du général Hirschauer, nommé à un autre commandement.

Par son observation constante, son activité inlassable, ses patrouilles actives, le 57e domine de nouveau l'ennemi, qui occupe Altkirch et Carspach.

Relevé de ce secteur le 12 septembre, par le 97e R.I., après avoir séjourné jusqu'au 20 septembre dans la région de Sévenans (près de Belfort), et jusqu'au 8 octobre dans la région de Retzwiller, il s'embarque en chemin de fer pour la Champagne, où il relève dans le sous-secteur Capron, face à la butte de Souain, le 138e. R.I., le 9 octobre.

 

Jusqu'au 3 mars 1918, date de sa relève par le 5e R.I., le 57e reprendra son activité dans la défense qui interdira à l'ennemi les incursions qu'il avait l'habitude d'y faire. Peu à peu, en effet, l'ennemi, tout d'abord très agressif et encouragé par un ou deux coups d'audace, devient plus passif et doit subir, à son tour, les incursions des nôtres, comme le 8 novembre 1917 (patrouille de l'adjudant-chef Lefèvre), le 16 décembre 1917 (enlèvement par le sergent Gouin, de la 1re compagnie, de 2 prisonniers), et notre coup de main du 18 novembre 1917 (compagnie Famin).

1918

Noyon. Mont-Renaud. Sous-secteur de Dive (25 mars-9 mai). Ferme du Mont-Lavé. Saconin et Breuil (31 mai-3 juin). Secteur Biesme (Argonne). Offensive deSaint-Quentin. Passage de l'Ingon. Cote 77 Voyenne. Cote 99. Fontaine Les Clercs(26 août, 15 septembre). Chevresis-les-Dames, Cote 120. Cote 126 (22 octobre-8 novembre).

 

Après un repos de quinze jours dans la région de Cramant (Marne), le Régiment reçoit, le 23 mars, à 14 heures, l'ordre de se préparer à être enlevé en camions automobiles. Le 21 mars, l'ennemi a attaqué en masses dans la région de Saint-Quentin, à la liaison entre les armées françaises et anglaises et il progresse rapidement vers le Sud-Ouest, vers Noyon et Compiègne: Paris est ni menacé.

La 35e D.I. est appelée à l'honneur d'arrêter l'ennemi. Le 57e, dont les unités bien encadrées, bien reposées, entraînées par la défensive active qu'elles ont menée dans tous les secteurs où elles ont eu à intervenir, va, de nouveau, sous l'impulsion de son chef, le lieutenant-colonel Bussy, donner toute la mesure de son esprit de sacrifice et de son magnifique courage. Embarqué le 23 mars, à 2 heures, dans la région de Chouilly-Oiry, il débarque, le 25, à partir de 5 heures, à Ribécourt. Alerté à 10 heures, il se dirige à midi, par Noyon, vers Baboeuf, où il doit cantonner. Mais l'ennemi est déjà là, retenu difficilement par la 1re D.C.P., qu'il va falloir soulager par l'attaque de la cote 92 et u village d'Appilly. A 18 heures, contre-ordre ; l'ennemi attaque violemment la 1re .I. au nord de Noyon et le 57e vole à son secours, malheureusement trop tard our lui permettre de conserver ses positions. L'ennemi redouble de fureur et ouscule les troupes franco-anglaises, qui refluent vers Noyon et Compiègne. Le 57e, enfin, arrive à Noyon, d'où, à la nuit, il débouche à 20 heures.

C'est là que l'ennemi va voir son élan brisé.

 

Insensibles au découragement que pourrait leur communiquer le spectacle des convois militaires et civils qui refluent vers l'arrière sous la pression de l'ennemi, malgré les fatigues d'un long voyage en camions-autos et les marches et contremarches effectuées sous le soleil ardent de cette belle journée de printemps, mitrailleurs traînant à bras leurs voiturettes, fantassins portant leurs sacs pesants et leurs lourdes cartouchières, marchent allègrement où le devoir les appelle. Leur belle humeur et leur confiance étonnent ceux qu'ils viennent secourir et sauver.

Au débouché de Noyon, les bataillons, en formation de combat, avancent et tombent brusquement au contact de l'ennemi. Enhardi par ses succès de la journée, celui-ci fonce, mais en vain. Il est arrêté net à la sortie nord de la ville et ne petit plus avancer. Seules quelques fractions, profitant de l'absence de liaison sur la droite, réussissent à atteindre la station, d'où elles n'osent déboucher. C'est alors que s'engagent les combats de rues, où les Allemands s'épuisent en vains efforts et d'où le 57e sort absolument maître de la situation, quoique isolé de toute unité française à sa droite ou à sa gauche. Dans ces combats magnifiques, il tient notamment le carrefour du cimetière, où, appuyé de mitrailleuses, un fort groupe, aux ordres du capitaine adjudant-major Laureux, repousse toutes les tentatives de l'ennemi, auquel il fait subir des pertes considérables.

A 1 heure du matin, le 26 mars, l'ennemi avait cessé ses attaques, et ce n'est que sur l'ordre formel du général Dauve, commandant l'I.D.I., à la disposition de qui il avait été mis, et qui tint à l'apporter lui-même pour exprimer de vive voix au

Régiment ses admiratives félicitations, que le 57e, dans un ordre parfait, sans que l'ennemi déconcerté songe à l'inquiéter, se reporte avec le 1er bataillon (Genais) sur le Mont-Renaud, qu'il organise défensivement, avec le 2e bataillon (Gouraud) à Sempigny, sur la rive gauche de l'Oise. Le 3e bataillon (Pimouguet) se tient en réserve à Passel

 

ORDRE GÉNÉRAI, N° 41, DU 31 MARS, DU 5e C.A.

Pendant les rudes journées du 23 au 26 mars, les unités du Ve corps, lancées en pleine bataille dans des conditions difficiles, ont combattu avec honneur et bien mérité du pays. La 1ère, D.C.P., la 1ère D.C., la 1ère D.I. et la 35e D. I. ont mérité le même témoignage.

Nos grands chefs m'ont exprimé leur satisfaction. Je suis heureux de la reporter sur tous et de remercier tous de tout coeur.

Le Général commandant le Ve C.A., PELLÉ.

 

La brillante intervention du 57e dans cette partie, que l'ennemi croyait déjà gagnée, retourne complètement la situation : Compiègne est sauvée, la route de Paris est désormais fermée aux Allemands.

C'est alors que commence une période héroïque, particulièrement glorieuse pour le 57e, qui, dès le 26 mars, est chargé, avec ses trois bataillons de la défense du Mont-Renaud, point capital du front, qui commande la vallée de I'Oise et est l'obstacle principal opposé à l'invasion ennemie. Du 26 mars au 20 avril, accroché au sommet de cet îlot, faisant face aux attaques furieuses et répétées de l'ennemi, sans souci du danger des explosions formidables, que causent dans un grand dépôt de munitions situé en arrière du Mont les obus de gros calibres ennemis, le Régiment, dans un élan soutenu d'héroïsme, conserve le terrain qui lui a été confié, repousse jusqu'à vingt-deux assauts, contre-attaque pour élargir ses gains, fait de nombreux prisonniers. Devant son héroïsme, l'ennemi est contraint de cesser ses attaques, après avoir épuisé une division. Le 57e, avant sa relève, a l'immense satisfaction de constater que, devant lui, le commandement allemand a dû envoyer une division fraîche (1).

(1) Le régiment est, lui aussi, à bout de ses forces physiques, et seul son moral magnifique, tendant ses nerfs, a pu lui permettre de fournir un pareil effort pendant près d'un mois de luttes ininterrompues.

7 officiers particulièrement braves ont été tués ou blessés mortellement : lieutenants Becker, Orliange, Robert; sous-lieutenant Caunier, Bérard, Lesgoires et Fourcade. 19 officiers ont été plus ou moins grièvement blessés, et l'un d'eux, le sous-lieutenant Dunck, affaibli par ses blessures, devait succomber peu après de maladie.

Troupe : tués : 135 ; blessés: 479, malades d'épuisement: 131.

Parmi les sous-officiers glorieusement tombés, une mention spéciale doit être réservée aux adjudants Genet et Chassériaud, du 1er bataillon, vaillants parmi les plus braves, que leurs hommes tinrent à inhumer sur le Mont-Renaud même, sous leur garde immédiate, pour bien marquer, dans un sentiment sublime, leur résolution de conserver le terrain où dormaient deux de leurs chefs aimés.

 

Au cours de cette période, les journées les plus glorieuses sont les 26, 27, 28, 29 et 30 mars, où toutes les attaques de l'ennemi sont repoussées, les 4, 5, 6, 10 et 12 avril, où nous réussissons à élargir nos gains et à prendre pied à la lisière sud du bois qui couvre les pentes nord du Mont; enfin, le 13 avril, où, conduite avec une extrême violence, une attaque furieuse avec flammenwerfer réussit à porter les Allemands jusqu'à la Chapelle du château du Mont-Renaud. Mais, par une série de contre-attaques à la grenade, les fractions des trois bataillons réussissent héroïquement à rétablir la situation, en faisant subir à l'ennemi des pertes considérables. L'attitude splendide du 57e, observée par les régiments de droite (201e) et de gauche (123e), arrache à ses camarades de combat des cris d'admiration (1).

 

Renforcé, du 14 au 19 avril, par le bataillon Wagner, du 319e d'infanterie, dont l'ardent concours lui est des plus précieux, et relevé, le 20 avril, par le 123e R.I., dont il va occuper le secteur (sous-secteur de Ville) jusqu'à sa relève, le 9 mai, par le 324e R.I., le 57e a encore l'occasion de se signaler, le 30 avril, en contre-attaquant l'ennemi sur le flanc, à la ferme du Mont-Renaud, dont il avait réussi à s'emparer. Une demi-compagnie (9e), sous les ordres du lieutenant Wascowiski, par son intervention énergique, aide ainsi le 123e à reprendre la totalité de ses positions au Mont-Renaud, que l'ennemi lui avait enlevé au cours d'une attaque semblable à celle du 13 avril.

 

Une citation à l'ordre du 34e C.A. sanctionne, sous le n° 181, à la date du 26 mai, l'entrain superbe avec lequel les 2e et 3e sections de la 9e compagnie, sous le commandement du lieutenant Wascowiski, de l'adjudant Clion, des sergents

Garnier et Gadiou, se sont portés rapidement et énergiquement à l'attaque, réussissant, dans un magnifique élan, à conquérir l'objectif assigné et à rétablir ainsi une situation particulièrement critique, sous un bombardement intense par minens et obus de tous calibres.

 

(1) « Nous sommes camarades de combat depuis le 23 mars, écrit le lieutenant-colonel Mougin, commandant le 201e, au colonel Bussy. Mes officiers, mes hommes et moi connaissions peu votre beau régiment. Tous, aujourd'hui, sommes remplis d'admiration... Vingt fois vous avez mérité la fourragère, et si elle était donnée à l'élection, je n'hésite pas à vous dire qu'au nom du 201e, vous en auriez une d'honneur immédiatement… ».

Du lieutenant-colonel Rouchon, commandant le 123e : « Des officiers et des hommes du 123e (compagnie de droite de mon sous-secteur) ont pu voir, à certains moments, quelques détails de votre combat de ce matin, sur le Mont-Renaud. Ils ont témoigné hautement leur admiration pour la bravoure et la ténacité de leurs camarades du 57e. Tous nos compliments pour ces braves. Nous sommes de coeur avec vous. »

 

 

A son héroïsme pendant la période du 23 au 30 mars, le 57e doit, à son tour, d'être cité à l'ordre de la IIIe Armée, dans les termes ci-après :

ORDRE DE LA IIIe ARMÉE, N° 409, DU 15 MAI 1918

Régiment au moral superbe et plein d'allant. Jeté dans la bataille le 25 mars 1918 au soir, et appelé à intervenir dans un combat qui a brusquement tourné en combat de rues, a, sous les ordres du lieutenant-colonel Bussy, lutté pied à pied, endiguant la ruée adverse et en imposant à l'ennemi à tel point qu'il arrêta son mouvement. Le 30 mars, chargé de la défense d'un point capital du front, a subi sans faiblir de fortes attaques appuyées par l'artillerie, a brillamment contre-attaqué et maintenu toutes ses positions en faisant des prisonniers.

 

En portant à la connaissance des braves du 57e cette juste récompense de leurs inlassables et admirables efforts, le colonel Bussy leur exprimait « toute sa fierté de commander ce magnifique Régiment dont il avait appris, au cours de deux années de vie commune en campagne, à apprécier hautement l'allant, le bel esprit continu et auquel il savait d'avance pouvoir demander l'impossible. »

Il manifestait l'espoir que les héroïques efforts d'avril seraient à leur tour reconnus officiellement et qu'une nouvelle citation viendrait les sanctionner.

« Le 57e, ajoutait-il, est de taille, au surplus, à la conquérir par de nouveaux exploits. »

C'est cette dernière éventualité qui devait se produire. Une proposition de seconde citation à l'ordre de l'Armée, adressée le 19 avril, par le Commandant de l'I.D.35 au haut commandement, à l'issue de la rude et particulièrement glorieuse journée où l'ennemi venait de subir un nouveau et sanglant échec, n'ayant pas obtenu le succès que tous escomptaient et avaient conscience d'avoir largement mérité.

 

Déjà, par son ordre général n° 567/O.A., du 1er mai, le général Humbert, commandant l'armée, avait félicité le 57e pour avoir lutté pied à pied avec une grande énergie, avoir maintenu nos positions sous des bombardements ininterrompus, et, dans les journées des 6, 11, 13 avril, repoussé les attaques violentes de l'ennemi.

 

Et le 6 mai, dans son ordre d'adieux n° 340, le général Leconte, commandant le 33e C.A., disait toute sa fierté d'avoir eu sous ses ordres les belles troupes de la 35e D.I. « qui, au Mont-Renaud, par leur brillante conduite, ont ajouté une belle page à un historique déjà glorieux ».

 

 

Se distinguent tout particulièrement parmi cette phalange de braves, au cours de cette rude période de luttes incessantes :

Le lieutenant Marcelin, commandant la 2e compagnie, fait chevalier de la légion d'honneur sur le champ de bataille pour sa bravoure froide, son cran communicatif et son énergie indomptable.

 

Le lieutenant Orliange, commandant la 9e compagnie, qui, le 26 mars, entraîne ses hommes à la contre-attaque, en criant « En avant, les poilus, c'est pour la gloire ! » et tombe glorieusement, le 1er avril, alors qu'à la tête d'un groupe de ses grenadiers il brisait encore l'élan d'une furieuse attaque allemande avec flammenwerfer.

 

Le caporal clairon Morisset, médaillé militaire sur le champ de bataille pour son cran habituel et son attitude particulièrement brillante le 30 mars, où, guidant une section de contre-attaque, il tue de sa main deux Allemands et contribue à la capture d'une vingtaine de prisonniers.

Le sergent Froment, de la 11e compagnie, médaillé militaire sur le champ de bataille pour sa belle et intelligente attitude, le 30 mars, où, avec sa section, au cours d'une furieuse contre-attaque, il capture 22 prisonniers, dont 1 officier et 2 sous-officiers.

 

Le soldat Macouillard qui, son équipe de F. M. ayant été mise hors de combat, continue seul le tir, en criant à pleine voix « Ils ne passeront pas » et cloue effectivement au sol, en avant de lui, plusieurs furieuses contre-attaques allemandes.

 

Le soldat Bourra, qui, blessé, le 26 mars, au cours du combat, ne consent à aller se faire panser dans un moment d'accalmie que sur l'ordre de son chef, et revient aussitôt après reprendre sa place près de ses camarades.

Le lieutenant Becker, tombé magnifiquement, le 13 avril, dans un corps à corps farouche avec l'ennemi, en criant « C'est pour la France ! Tenez ferme ! »

 

Les sous-lieutenants Drouault et Tufferaud, blessés le 13 avril en donnant à leurs hommes le plus bel exemple d'allant et en leur communiquant leur superbe esprit de sacrifice.

 

Après moins d'un mois de repos dans la région d'Elincourt, Sainte-Marguerite de Compiègne et de Rethondes, pendant lequel il peut, reformer ses unités et recevoir les renforts nécessaires pour compenser les pertes subies à Noyon et sur le Mont-Renaud, le 57e devait prendre une nouvelle et brillante part dans la bataille.

 

L'ennemi venait d'enlever le Chemin-des-Dames et de percer jusqu'à la Marne, en direction de Château-Thierry. Soissons avait été enlevé et le front passait à l'ouest de cette ville, se dirigeant à peu près Nord-Sud vers Château-Thierry. La

35e D.I. appelée d'abord à participer à une contre-attaque d'ensemble au sud-ouest de Soissons, doit prendre seule l'affaire à son compte. Le 57e R.I., enlevé par camions dans la nuit du 30 au 31 mai, doit attaquer le plateau à l'est du ravin de Saconin, la Ferme du Mont-Lavé, et pousser jusqu'aux croupes est de la Crise, après un passage des lignes occupées par des troupes de la D.M. Il doit avoir à droite le 144e R.I., à gauche le 123e R.I.

 

Par suite de retards dans le transport par camions, le Régiment prend en plein jour, dans la matinée du 31, ses emplacements de départ, sous l'oeil et les mitrailleuses de nombreux avions ennemis. A 10 h. 45, tout est prêt pour l'attaque qui se déclenche à 11 heures. Le 57e part seul à l'attaque (la modification de l'heure H, qui avait été décalée d'une heure par le commandement, n'ayant pu lui parvenir à temps) et il s'élance avec sa fougue et son brio habituels. Le 1er bataillon (commandé, en l'absence du commandant Genais, évacué, par le capitaine adjudant-major de Lavayssière de Verduzan) progresse avec une énergie indomptable et occupe la ferme du Mont-Lavé, à 13 h. 50. Il y capture 1 commandant de bataillon, 4 officiers, 121 prisonniers et des mitrailleuses, tout ce qui reste du bataillon allemand chargé de la défense de cette position. Une contre-attaque ennemie se déclanche; elle est brisée net. On a l'impression que, sur ce point, l'ennemi ne peut rien contre le mordant du 57e et que, si ces héros étaient soutenus, ils descendraient les pentes ouest de la Crise et perceraient.

 

Mais, à droite et à gauche, le mouvement n'est pas suivi et force est au 57e de s'arrêter et de s'organiser sur place, d'où il repousse, le 1er et le 2 juin, de furieuses contre-attaques de l'ennemi, qui semble se ressaisir. Le 2 juin, en raison de la situation générale et du saillant que forme le 57e, un repli est ordonné par le commandement dont l'exécution ne peut se faire que dans la nuit du 2 au 3. Ce mouvement n'était pas terminé que les Allemands, perçant le front plus au Sud,

devant la division à droite du 144e, obligent ce dernier régiment à se retirer rapidement, découvrant ainsi la droite du 57e. Le 2e bataillon (Couraud) et le 3e bataillon (Pimouguet), en ligne à ce moment, résistent ; mais la situation empire

rapidement, l'ennemi menaçant de prendre à revers le ravin de Saconin. Il faut se retirer par échelons et en combattant. L'ennemi subit de grandes pertes pendant sa progression, qu'il doit enfin arrêter sur le plateau à l'ouest du ravin de Saconin, vers la Râperie, où tout ce qui restait du 57e, rallié autour de chefs héroïques, résista victorieusement et maintint ses nouvelles positions.

 

Ces journées, qui comptent parmi les plus sévères que le 57e ait eu à enregistrer, fourmillent de traits d'héroïsme des braves qui se sont sacrifiés pour briser l'élan de l'ennemi (1).

 

(1) Tombent héroïquement pour la France et pour la gloire de leur régiment : 10 officiers: lieutenants Save, Sempé, Chauveau, Dubois, porte-drapeau ; sous-lieutenants Deforge, Bourdelais, Ducuron, Arosteguy, Parenteau, Lafosse, officier téléphoniste ; 169 sous-officiers, caporaux et soldats. Sont blessés : 7 officiers ; 450 sous-officiers, caporaux et soldats.

Disparus : 5 officiers, dont un médecin ; 534 sous-officiers, caporaux et soldats, tués ou blessés pour la plupart pendant les combats acharnés du repli du 3 juin.

 

Le lieutenant Chauveau, commandant la 11e compagnie, blessé pendant le repli, continue, avec une ardeur farouche, à faire le coup de feu sur les groupes d'assaillants qui l'entourent et se fait tuer sur place plutôt que de se rendre.

Le lieutenant Sempé, commandant la 1re C.M., tombe glorieusement aux abords de la ferme de Saint-Amand, à côté de ses pièces qui, jusqu'à la dernière minute, fauchent les vagues ennemies dans le ravin de Saconin et Breuil.

Le capitaine Durat, avec quelques éléments de sa 3e compagnie, s'accroche à la ferme de Saint-Amand, où il retarde, avec son énergie coutumière, la progression de l'assaillant; il ne l'évacue, pour rejoindre vers la Râperie le gros du régiment, qu'après avoir épuisé toutes ses munitions et dans l'impossibilité où il se trouve, du fait de cette situation, de réaliser son intention, manifestée à plusieurs reprises au Colonel, de contre-attaquer le boche avec sa poignée d'hommes.

C'est le même capitaine Durat, qui, l'avant-veille, dans la carrière du Mont-Lavé, attaqué et entouré par des forces ennemies très supérieures en nombre, et sommé de se rendre, répond à tue-tête le mot historique de Cambronne, résiste à toutes les attaques et réussit à se replier sur nos lignes dans la nuit, à l'heure qu'il s'était fixée, emportant tous ses blessés et le corps du lieutenant Save, glorieusement tombé, la veille, à l'assaut de la ferme du Mont-Lavé.

Le sergent Florentin, de la 3e compagnie, le 31 mai, à la tête d'une escouade de grenadiers, enlève, avec le plus bel entrain, le petit poste allemand en avant de la ferme du Mont-Lavé, fait 4 prisonniers et, sans s'arrêter, au pas de course, se précipite à l'assaut de la ferme, située 2 00 mètres plus loin.

Le lieutenant Save et le sous-lieutenant Deforge, tués à la tête de leurs hommes dans la ferme de Mont-Lavé, où, après avoir enlevé la sentinelle double placée à l'entrée de la ferme, avant qu'elle ait eu le temps de donner l'alarme, ils viennent de capturer 8 officiers, 76 hommes, 2 mitrailleuses lourdes et 8 mitrailleuses légères.

 

Le lieutenant Berlay, à la tête de sa 1re compagnie, capture, le 31 mai, dans son élan, 49 hommes et 3 mitrailleuses, aux carrières de la ferme du Mont-Lavé.

Les sergents Laporte et Guibert, durant toute la journée du 1er juin, défendent farouchement l'unique entrée de la carrière de la Ferme où s'est retranché le détachement du capitaine Durat et repoussent à la grenade deux violentes attaques précédées d'un bombardement de minenwerfer.

Le lieutenant Aigneren, commandant le 5e compagnie, grièvement blessé en plein combat, le 2 juin, en brisant, au milieu de ses hommes, de violentes attaques ennemies.

 

Les sergents Havard et Boisseau, le caporal Jardinier, debout sur le parapet de leurs tranchées, enrayent à coups de grenades quatre tentatives d'infiltration de l'ennemi en un point de la ligne particulièrement délicat.

 

L'héroïsme dont venait, une fois de plus, de faire preuve le Régiment au cours de ces rudes journées d'ardents et ininterrompus combats, et notamment son élan endiablé du 31 mai, ne pouvaient manquer de retenir l'attention du commandement.

Le 57e fut proposé, à cette occasion, par le Commandant de l'I.D.35, pour une nouvelle citation à l'ordre de l'armée.

Pas plus que celle concernant la glorieuse période d'avril sur le Mont-Renaud, cette proposition n'aboutit. Du moins, reste-t-il à ces vaillants l'intime satisfaction d'avoir déconcerté l'ennemi par le mordant de notre attaque du 31 mai et des combats furieux qui s'ensuivirent.

 

Dès le 2 juin, dans un récit officiel, la presse allemande parle des combats acharnés qui se sont déroulés au sud-ouest de Soissons, « où les meilleures troupes françaises, en particulier « le corps de fer » et une Division Marocaine, furent jetés dans la bataille »

Dans un autre récit officiel du 4 juin, il est dit que : « l'on se bat depuis trois jours avec acharnement à l'ouest et au sud-ouest de Soissons, et qu'une glorieuse Division allemande, soutenant une lutte terrible pour la possession des positions fortement établies à Vauxbuin, n'eut pas à combattre moins de sept divisions ennemies, parmi lesquelles figuraient des troupes d'élite, la fameuse « Division de fer" surtout... »

Le général Von Ardenne écrit dans le Berliner Tageblatt, du 10 juin, que « les Français viennent de donner une dernière preuve remarquable de leur esprit de sacrifice et d'énergie au cours de la contre-attaque de grande envergure qu'ils ont déclenchée dans les premiers jours de juin ».

Ainsi, il a donc suffi que, seule, là 35e D.I. ait attaqué les positions ennemies, et que, dans la division, seul des trois régiments, le 57e soit parti à l'assaut et ait poussé jusqu'à son premier objectif le 31 mai, pour que l'ennemi ait eu l'impression d'avoir à lutter contre sept divisions françaises, dont une « Division de fer ».

 

Cet éloge, rendu involontairement au 57e, est sans contredit le plus bel hommage qui ait été adressé au « Terrible que rien n'arrête » au cours de la campagne.

Relevé le 3 juin au soir, le 57e, après un repos dans la région de Persan-Beaumont (Seine-et-Oise), relève, le 18 juin, dans le sous-secteur Biesme Ouest, le 216e R.I. Ce secteur est organisé défensivement en vue de l'attaque de grande envergure que l'ennemi projette (kaisersschlacht) et qu'il n'exécute, le 14 juillet, que sur le front de Champagne.

 

Le 57e est l'objet d'un ordre de félicitations du Général commandant le 13e C.A., en date du 12 juillet, n° 5638/3, pour son ardeur, son énergie, son intelligence dans les travaux d'organisation d'un secteur créé de toutes pièces en l'espace de quelques jours.

 

Le 12 août, le 90e Régiment Italien vient relever le 57e qui, par chemin de fer, arrive, le 21 août, à Breteuil.

 

Après son échec retentissant en Champagne, l'armée allemande a été attaquée avec succès par les armées alliées, qui ont gagné la deuxième bataille de la Marne et remporté une victoire importante dans la région de Montdidier et Moreuil.

Le 24 août, la 10e brigade Canadienne est relevée dans la région de Fransart, et, le 27 août, le 57e s'élance à la poursuite de l'ennemi qui, sous la pression des événements, veut rééditer sa retraite du printemps 1917.

 

Le 28 août, après avoir franchi une première fois l'Ingon et dépassé Nesles, le 57e arrive devant un obstacle que l'ennemi utilise à son profit : le ruisseau de l'Ingon avec ses marécages boisés et le canal du Nord. Deux seuls passages sont possibles, l'un au Nord, par la route de Rouy-le-Petit, dont les ponts sur le canal de l'Ingon sont coupés, et au Sud, les ponts de la voie ferrée de Nesles à Ham. Mais ces passages, violemment battus par l'artillerie ennemie, sont sous les feux croisés des mitrailleuses qui tirent principalement de Rouy-le-Petit et des pentes ouest de la cote 77. Les 28, 29 et 30 août, malgré ces difficultés, le 57e attaque et essaie, mais en vain, de prendre pied sur la cote 77. Enfin, le 31 août, sous la protection d'un violent tir d'artillerie, l'attaque est menée simultanément sur ces deux points.

 

Devant Rouy-le-Petit, elle ne peut déboucher. Par contre, par un coup d'audace héroïque du sous-lieutenant Carayon de Talpeyrac, de la 9e compagnie, elle obtient un plein succès du côté de la voie ferrée.

Profitant de ce succès, le Colonel donne l'ordre de manoeuvrer par la droite pour occuper sur le front du régiment les pentes ouest de la cote 77 et attaquer à revers Rouy-le-Petit. Glissant sur la droite par le passage ouvert par la 9e compagnie, qui, soutenue par la 7e, s'installe solidement en tête de pont, les 10e et 11e compagnies exécutent superbement la manoeuvre prescrite, et, en dépit de la résistance de l'ennemi, réussissent à occuper Rouy-le-Petit, en s'emparant de ce qui restait de ses défenseurs.

 

Les pionniers du régiment, sous l'ardente direction du lieutenant Dupuy, construisent bravement, en plein combat, sous les feux ennemis, plongés dans l'eau boueuse jusqu'au dessus de la ceinture, deux passerelles au travers des marais de l'Ingon, assurant ainsi, dans les conditions les plus périlleuses, la liaison entre les éléments de 1re ligne et les unités de soutien restées sur la rive gauche.

 

Au cours de la nuit, la compagnie du génie 18/1 établit à son tour, avec un esprit de dévouement et d'abnégation digne d'éloges, une nouvelle passerelle de 160 mètres de longueur dans les mêmes marécages, au centre du dispositif.

Journée glorieuse, tant par la conception de la manoeuvre que par la hardiesse déployée par les exécutants, le 31 août devait être suivi de deux journées de combats très durs, et, en dépit des pertes et de la fatigue, le 57e se rua sur les organisations ennemies de la cote 77, garnies de mitrailleuses, avec un acharnement prodigieux. Malheureusement, la division avec laquelle il était en liaison à droite eut moins de succès et ses éléments avancés se trouvèrent très en retrait par rapport aux premières vagues du 57e.

Il y avait là un danger très réel, qui, cependant, n'altéra ni la fougue, ni la ténacité du 57e. L'ennemi, qui s'était rendu compte de la situation, prenait de flanc nos vagues d'assaut et leur fit subir de grandes pertes.

 

Etayé sur la droite par un bataillon du 144e, le 2 septembre, le 57e poursuit quand même ses attaques et quelques éléments parviennent jusqu'aux abords immédiats de Voyennes. Mais, par son feu et de violentes contre-attaques, l'ennemi réussit à se maintenir sur ses positions. Le 144e relève alors le 57e, dont les bataillons ne comptent plus qu'une centaine d'hommes chacun. Dans ces combats épiques, le 57e s'est surpassé et a surmonté tous les obstacles, a manoeuvré sous le feu comme à l'exercice et a ébranlé l'ennemi à ce point que ce dernier profitait de la nuit du 4 au 5 septembre pour se retirer, énergiquement poursuivi par la 35e D.I.

 

Pour ces remarquables exploits, « Le Terrible » fut cité une deuxième fois à l'ordre de l'armée. Il avait enfin conquis la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre, qu'il avait un moment espéré avoir méritée par ses prodiges réitérés de vaillance, de hardiesse et d'esprit de sacrifice, d'abord sur le Mont-Renaud, enfin de sa période de durs combats (1er au 30 avril 1918 puis au sud-ouest de Soissons, à la ferme du Mont-Lavé et à Vauxbuin, 31 mai-2 juin).

 

L'ordre général de la 1ère Armée, n° 189, du 27 novembre 1918, consacrait ainsi la belle page que venait d'inscrire à nouveau le Régiment à son histoire :

Régiment d'élite qui, depuis le début de la campagne, fait preuve de superbes qualités combatives et d'un très haut moral. Vient une fois de plus, sous l'impulsion du colonel Bussy, de donner au cours des actions offensives du 30 août au 2 septembre 1918, le plus bel exemple d'allant et d'esprit de sacrifice. Après avoir enlevé de haute lutte, sous un feu puissant de mitrailleuses et d'artillerie, par une manoeuvre rapide, les deux seuls passages permettant le débouché de la Division, a continué au cours des journées qui ont suivi à fournir un effort remarquable et à progresser, en dépit des résistances, faisant 400 prisonniers, capturant 50 mitrailleuses et abattant deux avions

.

Cette haute récompense avait été chèrement gagnée.

9 officiers étaient glorieusement tombés pour la France: chef de bataillon Pimouguet, belle figure de soldat, adoré de ses hommes; capitaine Taravan, lieutenants Famin, Levaillant, Berlay, Coullon ; sous-lieutenants Salinier, Montalibet, Drouault, mort des suites de ses blessures.

15 officiers avaient été blessés, dont certains grièvement, tels les capitaines adjudants-majors Lacampagne et Laureux, le lieutenant Saujeon, le sous-lieutenant Riffaud.

 

Poursuivi par le 123e et le 144e, l'ennemi se retire. Le 57e est en réserve. Il traverse la Somme vers Béthencourt, le 6 septembre, et parvient, le 7, dans la région de Villers-Saint-Christophe, où il stationne. L'ennemi résiste en avant de ses anciennes lignes de la position Hindenburg. Le 12 septembre, le 57e, réduit à deux bataillons de marche, relève le 144e dans la région d'Happencourt et réussit à progresser encore vers Fontaine-les-Clercs, jusqu'au 15 septembre, où il est relevé par le 401e R.I.

Au cours du glorieux passage des marécages de l'Ingon et des assauts furieusement menés pour la possession de la cote 77, devant Voyennes, le magnifique esprit des braves du 57e a maintes occasions de se manifester encore, et d'héroïques actions qui y sont accomplies méritent de passer à la postérité.

 

Le 31 août, quelques secondes avant l'attaque, le sous-lieutenant Carayon de Talpeyrac, collé au barrage roulant de notre artillerie, s'élance brusquement sur le pont du chemin de fer au moment où un sous-officier et deux Allemands vont le faire sauter, tue le sous-officier, fait prisonnier les deux hommes et capture le reste de la section allemande (37 hommes) avant qu'elle ait pu faire la moindre résistance.

 

Sa belle action permet à tout le bataillon de passer le canal et d'atteindre les objectifs.

Il est décoré, pour ce fait d'armes, de la Légion d'honneur. Le même jour, le soldat Marey poursuit un groupe d'Allemands qui se retire dans une tranchée, saute au milieu d'eux avant qu'ils aient pu installer deux mitrailleuses et fait à lui seul 22 prisonniers.

 

Le 1er septembre, le sous-lieutenant Drouault, un des héros du Mont-Renaud, se glisse avec quelques hommes jusqu'aux abords de l'îlot de résistance de l'ancien moulin de Rouy-le-Petit ; il arrive prés d'un blockhaus de mitrailleuses qui nous gêne, s'arrête, écoute et s'aperçoit que la corvée de soupe approche. Il se cache, la laisse entrer, saute brusquement dans le blockhaus, fait toute la garnison prisonnière (21 hommes) et capture 3 mitrailleuses.

Très grièvement blessé, le lendemain, et transporté au poste de secours, il répond doucement au médecin qui l'encourage : « Ce n'est rien, c'est pour la France. »

Ce même jour, quelques instants avant l'attaque de la cote 77, le lieutenant Famin, un autre brave du Mont-Renaud, galvanise l'ardeur de ses soldats en leur disant : « Mes amis, nous allons à l'attaque pour notre France, notre belle France, France si belle que nous pouvons mourir dix fois pour elle. En avant ! » D'un seul élan, la 7e compagnie s'élance et, dès les premiers pas, le lieutenant Famin est blessé. Le sang coule de sa blessure, il ne s'arrête pas ; en vain, on veut

le retenir, il continue en criant : « En avant, toujours ! » Quelques instants après, il tombe mortellement frappé par plusieurs balles.

 

Le 2 septembre, le capitaine Taravan, commandant la 6e compagnie, vient d'être bravement tué. Son unité, fortement éprouvée, ne compte plus que quelques hommes, le caporal-fourrier Briez en prend spontanément le commandement, dispose son groupe sous le feu des mitrailleuses qui fait rage et remplit pleinement les fonctions de chef dont il s'était imposé la responsabilité.

En ralliant ses hommes, Briez avait dit : « Je tiendrai ». Il tint et resta sur place jusqu'à l'arrivée de la relève au milieu de la nuit. Le sous-lieutenant Fischer, entraîné par son ardeur combative, dépasse tous les éléments de son bataillon, arrive aux lisières de Voyennes et s'aperçoit tout à coup qu'il est isolé des nôtres avec sa poignée d'hommes. Il se terre, retourne contre l'ennemi les deux mitrailleuses qu'il a capturées et se défend bravement.

Sommé plusieurs fois de se rendre, il répond par le feu de ses mitrailleuses, résiste jusqu'à la nuit et réussit à regagner son bataillon avec tout son groupe.

Après un séjour à Nesle, jusqu'au 21 septembre, puis jusqu'au 10 octobre, à Haramont, prés Villers-Coteret, ou il est transporté en auto pour reformer ses trois bataillons, le 57e se porte, par Soissons, Richaumont et Amigny-Rouy, vers la

Serre, que la 35e D.I. a mission de franchir. Le 57e est en 3e ligne.

Le passage de la Serre, forcé par le régiment de tête de la Division (123e), est franchi, le 17 octobre, à Anguilcourt, et la Division se porte sur Renansart.

 

Le 20 octobre, le 57e est à Nouvion-le-Comte, en liaison étroite, par une compagnie avancée, avec le régiment de droite (144e), qui doit s'emparer de la Ferté-Chevresis. Le 2e bataillon (commandé provisoirement par le capitaine adjudant-major de Lavayssière de Verduzan, pendant que le commandant Couraud exerce le commandement du régiment, le Colonel étant en permission), bataillon de tête du 57e, est mis, le 22 octobre, à la disposition du 144e, qui, les jours précédents, n'a pu réussir à faire reculer l'ennemi, lequel paraît décidé à défendre énergiquement ses positions. La journée du 22 octobre n'apporte aucune modification dans la situation et, le 28 octobre, le 57e relève le 144e devant

Chevresis-les-Dames, avec deux bataillons en ligne : le 2e (de Verduzan) à droite et le 3e (Poujol) à gauche. Le 1er bataillon (Denoyelle) est en arrière du 123e, à la disposition de ce régiment pour étayer l'attaque, qu'il mène sur la cote 120, mais il revient se placer en réserve du 57e, le 24 octobre, pour soutenir l'attaque de Chevresis-les-Dames. L'ennemi a accumulé tous les moyens de défense pour s'opposer à la violente poussée des 2e et 3e bataillons, qui, sous les feux des mitrailleuses et sous un bombardement intense, ne peuvent parvenir à enlever le village ; mais, le 26, il tombe comme un fruit mûr aux mains de la division de droite, qui avait relevé le 57e devant ce village.

 

La 35e division, regroupée et resserrée sur sa gauche, reprend, le 26 octobre, la poursuite de l'ennemi avec les 123e et 144e R.I., le 57e est en réserve. Le 27, il passe en 1ère ligne et traverse le Perron, vers la station de la Ferté-Chevresis, enlève la ferme Valécourt et arrive devant les cotes 120 et 126 que, pendant sept jours, il ne va cesser d'attaquer avec la même endurance, le même mordant, dont il avait fait preuve sur le Mont-Renaud et sur la cote 77.

 

Le 29, à la pointe du jour, par une habile manoeuvre de flanc, exécutée par surprise, le 3e bataillon (Poujol), renforcé par des unités du 2e bataillon (Couraud), s'empare d'une série d'ouvrages fortement défendus, le 1er bataillon (Denoyelle), à son tour, enlève, le 30, un fortin, qui gênait considérablement notre progression. La cote 126 enfin est à nous ! L'ennemi, harassé par ces attaques incessantes, ne réagit plus que par son artillerie et ses mitrailleuses. II arrive à grand-peine à maintenir son front ; ses unités sont mélangées, car, pour boucher les vides que créent dans sa ligne nos attaques continuelles, il jette dans la bataille ses unités une à une. C'est ainsi que, sur la cote 126, le 57e capture des fantassins de deux divisions et des pionniers. On sent que la partie est gagnée et qu'il suffit d'un nouvel effort pour l'abattre définitivement.

 

Malgré ses pertes et les fatigues des combats incessants, le 57e se préparait à cette nouvelle tâche, lorsque, le 2 novembre, il est relevé par des éléments du 283e R.I., (67e D.I., division de droite) et du 412e R.I. (58e D.I., division de gauche).

En cette période finale de la grande guerre, fidèle à ses belles et ardentes traditions, le Régiment continue à se montrer digne de son passé glorieux en se dépensant sans compter. Attaquant des positions que l'ennemi avait mission de tenir coûte que coûte pour éviter un désastre, il le contraint à reculer sous sa poussée incessante et à abandonner ses formidables retranchements. Les actes individuels de bravoure accomplis au cours de ces combats ajoutent un nouveau lustre à la gloire du Régiment et témoignent du bel esprit combatif de ses « Poilus », que rien, ni les fatigues, ni la longueur de la lutte, n'a réussi à émousser, à amoindrir. Les jeunes, à l'ardent contact de leurs anciens, s'inspirent de leurs exemples, s'imprègnent de leurs vertus, continuent leurs magnifiques traditions (1).

 

(1) Sont tués ou blessés mortellement : 5 officiers : capitaines Potet, Wascowiski; lieutenants Peyloubet, Madrignac, Pourrut ; 48 sous-officiers, caporaux et soldats.

Sont blessée : 6 officiers, 309 sous-officiers, caporaux et soldats.

 

Le 24 octobre, un vide s'étant produit entre deux de nos sections, un parti ennemi, fort d'une vingtaine d'hommes, pénètre dans notre 1re ligne.

Spontanément, le sergent Coldefy, le caporal Vidal et les soldats Allard et Larronde, de la 1ère compagnie, se portent en avant, sous un feu meurtrier de mitrailleuses, enrayent le mouvement d'infiltration et réussissent à rétablir la liaison momentanément perdue. Pendant ce temps, l'adjudant Ducau, les caporaux Roy et Ollivier, de la même unité, à coups de grenades, rejettent l'ennemi hors de nos lignes. Le soir, deux sections de la 2e compagnie viennent boucher ce trou, qu'une poignée de braves avait interdit à l'ennemi.

 

Le 24 octobre, à l'attaque de Chevresis-les-Dames, le lieutenant Madrignac (7e compagnie), voyant ses vagues d'assaut fléchir légèrement sous les feuxmeurtriers des mitrailleuses ennemies, se porte spontanément sur la ligne de feu.

Par son exemple, il anime sa compagnie d'un nouvel élan et l'entraîne vers l'objectif. Il tombe peu après mortellement blessé.

 

Les soldats Neu et Pignon, fusiliers-mitrailleurs, s'installent à courte distance d'un nid de mitrailleuses sur lequel ils ouvrent le feu pour le réduire au silence. Ces deux braves se font tuer sur place.

 

Le sergent Siouville, ayant atteint le premier objectif avec sa fraction d'assaut, se porte seul en avant, pour reconnaître le terrain, avant de pousser ses hommes sur le deuxième objectif ; grièvement blessé au cours de cette action, il fait preuve d'une énergie peu commune malgré ses vives souffrances, il renseigne son commandant de compagnie sur les organisations ennemies qu'il a reconnues et s'évanouit aussitôt après.

 

Le capitaine Wascowiski (11e compagnie), qui s'est déjà distingué au Mont-Renaud, le 30 avril, s'élance à la tête de sa compagnie sous un barrage de balles et d'obus extrêmement dense. Il tombe blessé à mort en atteignant son objectif.

 

Le lieutenant Cocut (10e compagnie), au cours de l'attaque de la cote 126, le 28 octobre, s'élance le premier sur la ligne allemande, s'imposant à l'admiration de ses hommes qui le suivent, en chantant.

 

Le sous-lieutenant Laurencet-Clottes, chargé d'une mission par le Chef de bataillon et se trouvant en première ligne au moment où l'ennemi déclenche une contre-attaque sur un de nos petits postes, rassemble les quelques hommes d'une corvée de ravitaillement, les porte en avant, bouche la fissure et arrête net la contre-attaque ennemie, bien que blessé grièvement au cours de l'action.

La croix de la Légion d'honneur vient sanctionner son héroïque attitude.

 

Le 27 octobre au soir, le 3e bataillon est arrêté sur les pentes sud-ouest de la cote 126 par des feux de mitrailleuses. Un mouvement débordant est aussitôt entamé par une section qui, en s'infiltrant le long de la route de Montceau-le-Neuf, doit prendre la cote 126 à revers et provoquer la chute de cette position. La 3e section de la 6e compagnie, mise à la disposition du 3e bataillon et commandée par l'adjudant Antoine Michard (6e compagnie), est chargée de cette opération, le 28 au matin. Couverte par une patrouille composée de 1 sergent et 2 hommes, Antoine Michard avance sa section et capture, en avant d'un petit poste allemand, 3 prisonniers et une mitrailleuse. Puis, continuant sa progression, il se heurte à un élément fortement tenu par l'ennemi. En même temps, des mitrailleuses se dévoilent à sa droite, rendant sa position très critique. L'adjudant Michard, malgré des feux violents le prenant de face et de flanc, établit sa section en position défensive.

Le lendemain matin, 28 octobre, à 4 heures, le 3e bataillon, attaquant de front la cote 126 et la section de l'adjudant Antoine Michard attaquant à revers à la même heure, la position est enlevée dans un élan superbe, nous permettant de capturer une cinquantaine de prisonniers et de nombreuses mitrailleuses.

 

Le 30 octobre, le caporal Flament (2e compagnie) réussit à situer un petit poste ennemi au nord-ouest de la cote 126, tenu par des mitrailleuses qui nous gênent considérablement. Le 31, à la pointe du jour, sous la protection d'un tir nourri de V.B. sur cet emplacement, il se porte en avant, accompagné du soldat Pavageau (2e compagnie).

A la faveur du brouillard, il parvient à 30 mètres du petit poste et, par un tir ajusté de grenades à main, met trois des occupants en fuite et en blesse un autre. Nos volontaires sautent dans l'élément d'où l'ennemi venait de s'enfuir, laissant 2 cadavres, 2 mitrailleuses et 4 fusils.

Le caporal Flament et le soldat Pavageau rentrent dans nos lignes, rapportant des documents pris sur les cadavres, les munitions et les mitraillettes, qui sont aussitôt retournées contre l'ennemi.

 

Aussitôt après sa relève, le 57e se rend au repos à Danizy (près de La Fère) jusqu'au 8 novembre, puis, à partir du 10 novembre, à Machemont, où, le 11, lui parvient la nouvelle de la signature de l'Armistice.

 

C'est la Victoire, dont il a été un des glorieux artisans, à laquelle il a sacrifié, sans hésiter jamais, le plus pur de son sang, aussi bien en secteur hors de l'enthousiasme des combats qu'au cours des grandes affaires auxquelles il a brillamment participé, ainsi qu'en témoignent les chiffres émouvants du tableau ci-après :

Tués :

Officiers : 75

Sous-officiers : 172

Caporaux et soldats : 1991

Total : 2238

Blessés :

Officiers : 107

Sous-officiers, caporaux et soldats : 4525

Total : 4632

Disparus :

Officiers : 13

Sous-officiers, caporaux et soldats 445

Total : 458

 

 

Et, le 13 novembre, le colonel Bussy avait la joie d'adresser à ses hommes l'ordre du Régiment n° 203 ci-après :

ORDRE N° 203

Les hostilités ont cessé depuis le 11 novembre à 11 heures. L'armistice a été signé avec l'Allemagne, consacrant la victoire totale et définitive de la France.

Après plus de quatre ans d'une guerre sans précédent dans l'histoire du monde, l'Armée française recueille le fruit de tant d'heures d'angoisses et de tant d'heures d'espérances. Avec l'appui des Armées alliées, sa volonté inflexible s'est enfin imposée à l'ennemi d'une manière éclatante. Le 57e Régiment d'Infanterie, au cours de ces quatre années de luttes héroïques, s'est montré à la hauteur des plus belles traditions du « Terrible que rien n'arrête ».

 

Sur la brèche depuis le 2 août 1914.à Charleroi, à Guise, à Corbeny, à La Villeaux-Bois, à Verdun, à Vauclerc, tantôt attaquant, tantôt repoussant les furieux assauts de l'ennemi, il a montré aux boches combien solidement était attaché le coeur des Basques, des Landais, des Charentais, des Girondins et autres braves de tous les coins de la France.

Mais c'est pendant cette année 1918 que son courage s'est élevé aux plus hauts degrés de l'héroïsme le plus pur.

 

Soldats de Noyon et du Mont-Renaud, qui avez brisé vingt-deux attaques allemandes et sauvé Paris.

 

Soldats du Mont-Lavé, qui, à vous seuls, en avez imposé à ce point à l'ennemi,qu'il vous décerna le titre de « régiment de fer ».

Soldats de l'héroïque passage de l'Ingon, de Rouy-le-Petit et de la cote 77, soldats de Chevresis-les-Dames et de la cote 126, vous pouvez maintenant contempler votre oeuvre.

L'ennemi lève les bras !

Grâce aux sacrifices héroïquement consentis par tous les camarades glorieusement tombés sur les champs de bataille, grâces aux privations et aux fatigues de toute nature que vous avez joyeusement acceptées, grâce au courage et à l'entrain que, sans la moindre défaillance, vous avez déployés depuis plus de quatre ans, vous avez gagné la victoire, vous avez bien mérité de la Patrie.

Gloire aux héros qui sont morts pour la France ! Leur souvenir restera à jamais dans nos coeurs, leur mémoire y vivra impérissable.

Honneur à vous tous, soldats du Régiment, que la chance a favorisés et à qui va incomber, désormais, le devoir de maintenir intacte la magnifique réputation de bravoure et de discipline de notre cher et beau Régiment et d'en répandre plus tard les échos, lorsque vous serez rentrés dans vos familles.

Votre Colonel garde et cultive jalousement la fierté de n'avoir jamais fait appel en vain à votre bel esprit de sacrifice et d'héroïsme, au cours de ces trois dernières années de luttes rudes et glorieuses.

Il vous doit les plus saines et intenses émotions de sa longue vie militaire.

Vive la France !

Vive le 57e !

Le 13 novembre 1918

Le Colonel commandant le 57e R.I.

BUSSY

 

 

CITATIONS OBTENUES PAR LE 57e RÉGIMENT D'INFANTERIE AU COURS DE LA CAMPAGNE 1914-1918

CITATION A L'ORDRE N° 17, DU 18e CORPS D'ARMÉE

Le Général commandant le 18e Corps d'armée cite à l'ordre du Corps d'armée le 57e Régiment d'Infanterie, sous le commandement de son chef le colonel Debeugny, pour sa belle conduite au cours des journées des 13, 14, 15,16, 17 et

18 septembre. Sur la brèche pendant six jours consécutifs, le 57e a, malgré de nombreuses pertes et des fatigues de toute sorte, montré un courage et une ténacité qu'on ne saurait trop admirer. Le 57e est le digne fils de la « Terrible 57e demi-brigade ».

Au Q. G., le 21 septembre 1914.

De Maud’huy.

 

CITATION A L'ORDRE N° 408, DE LA IIIe ARMÉE

Régiment au moral superbe et plein d'allant. Jeté dans la bataille, le 25 mars 1918 au soir, et appelé à intervenir dans un combat qui à brusquement tourné en combat de rues, a, sous les ordres du lieutenant-colonel Bussy, lutté pied à pied, endiguant la ruée adverse et en imposant à l'ennemi à tel point qu'il arrêta son mouvement. Le 30 mars 1918, chargé de la défense d'un point capital du front, a subi sans faiblir de fortes attaques appuyées par l'artillerie, a brillamment contre-attaqué et maintenu toutes ses positions en faisant des prisonniers.

Au Q. G. A., le 15 mai 1918.

Le Général commandant la IIIe Année,

HUMBERT.

 

CITATION A L'ORDRE N° 189, DE LA Ire ARMEE

Régiment d'élite, qui, depuis le début de la campagne, fait preuve de superbes qualités combatives et d'un très haut moral. Vient une fois de plus, sous l'impulsion du colonel Bussy, de donner, au cours des actions offensives du 30 août au 2 septembre 1918, le plus bel exemple d'allant et d'esprit de sacrifice. Après avoir enlevé de haute lutte, sous un feu puissant d'artillerie et de mitrailleuses, par une manoeuvre rapide, les deux seuls passages permettant le débouché de la division.

a continué, au cours des journées qui ont suivi, à fournir un effort remarquable et à progresser en dépit des résistances, faisant 400 prisonniers, capturant 50 mitrailleuses et abattant deux avions.

Par ordre, n° 136 F., le droit au port de la Fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de Guerre est conféré au 57e Régiment d'Infanterie.

Au G.Q.G., le 23 novembre 1918.

PÉTAIN.

 

 

PRÉSENTATION DU DRAPEAU AUX SOLDATS DE LA CLASSE 1920

Depuis votre arrivée au Régiment, je vous ai suivis pas à pas dans votre instruction militaire, dans vos progrès, que votre bonne volonté incessante, votre désir visible de vous instruire ont activés et rendus des plus satisfaisants.

Aujourd'hui que, grâce à vos efforts persistants, vous êtes sur le point de devenir des soldats complets, pénétrés de l'esprit du devoir et des nécessités d'une stricte discipline nullement pénible à de bons Français, - avant que nous aient quittés, leur devoir militaire accompli, vos anciens de la classe 18, qui ont pris une si belle part à nos derniers combats, à nos ultimes victoires, - et auxquels je souhaite bonne chance dans leurs foyers, dans leurs futurs travaux de la paix, je vous présente le Drapeau du Régiment que désormais je confie à votre garde, à votre honneur de soldats.

Je suis assuré d'avance que, comme vos héroïques devanciers, vous saurez le maintenir fermement, sans défaillance, toujours plus haut dans son auréole de gloire.

 

 

C'est un magnifique Drapeau, que celui du 57e, et vous avez le droit légitime d'en être fiers.

 

Il porte dans ses plis les noms flamboyants de quatre des plus fameuses victoires auxquels il a puissamment contribué :

La Favorite, Austerlitz, La Moscova, Sébastopol.

Créé en 1667, sous le nom de « Sainte-Maure », le Régiment et son étendard ont, depuis lors, sous les appellations successives de : « Régiment de Jonzac »,

« Régiment de Beauvoisis », « 57e demi-Brigade », « 57e Régiment de ligne », été glorieusement mêlés à tous les grands faits de notre histoire nationale.

Ils prennent part :

A l'expédition de Candie en 1668 ;A la campagne de Hollande en 1672 ;Ils sont aux batailles de Sénef en 1674, de Nerwinden en 1693, de Fontenoy en 1745, de Raucoux en 1747, de Bergen en 1759 ;

Ils s'illustrent pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire :

A Mayence, en 1795, avec Kléber ;

A Arcole, à Rivoli, à La Favorite, pendant l'immortelle campagne d'Italie, avec Bonaparte en 1796-97 ;

A Zurich, avec Masséna, en 1799 ;

A Moeskirch et Hohenlinden, avec Moreau, en 1800 ;

Aux légendaires victoires d'Austerlitz en 1805, d'Iéna en 1806, d'Eylau en 1807, de Thann, d'Eckmüll, de Wagram, d'Essling en 1809, de Mohilew et de La Moscova en 1812, de Dresde et de Leipzig, - cette bataille des nations, - en 1813.

Ils font l'expédition de Morée en 1830, celle de Crimée en 1855 et jouent un rôle des plus glorieux au siège de Sébastopol, où le colonel Dupuis, Commandant le Régiment, est tué à la tête de sa troupe en se portant à l'assaut du Petit Redan.

 

Pendant la guerre malheureuse de 1870-71, ils font partie de l'armée de Metz, participent héroïquement aux batailles de Borny, de Rezonville, où le Régiment s'empare d'un drapeau prussien, de Saint-Privat, et si la magnifique armée de Metz en est réduite, sans avoir été vaincue, à mettre bas les armes par les tractations criminelles d'un chef indigne, du moins le 57e ne livre pas son drapeau à l'ennemi.

Le glorieux emblème est déchiré en menus morceaux, répartis entre les officiers, qui cachent et conservent religieusement en captivité leur précieux dépôt.

Sur notre Drapeau actuel, remis au Régiment par le Président de la République, le 14 Juillet 1880, vous pouvez voir rassemblés et cousus quelques-uns de ces vénérés vestiges restitués, depuis lors, par leurs détenteurs : symbole émouvant de l'union indissoluble d'un passé chargé de gloire et d'un présent plus radieux encore !

 

A cette même date du 14 Juillet 1880, en commémoration de la prise du drapeau du 16e régiment prussien à Rezonville, le Drapeau du 57e recevait la Croix de la Légion d'Honneur que vous voyez scintiller au haut de sa hampe.

Honneur insigne que peu d'étendards ont la fierté d'arborer et dont nous devons avoir un juste et constant orgueil.

C'est pour la seconde fois, au surplus, que notre beau Régiment est décoré de la Légion d'Honneur au cours de sa prestigieuse histoire.

A la suite de la bataille de La Moscova, où le 57e se surpassa, le Régiment fut autorisé par Napoléon 1er à porter des boutons en métal ayant en relief une Croix de la Légion d'Honneur.

Déjà, en 1797, à la bataille de La Favorite, la 57e demi-Brigade avait été saluée par Bonaparte du nom de « LA TERRIBLE 57e QUE RIEN N'ARRETE »

Et, en 1800, au lendemain de la victoire de Moeskirch, où le 57e avait, par cinq fois, chargé les Autrichiens à la baïonnette et les avait culbutés, le Général Moreau, Commandant l'armée du Rhin, s'écriait que la 57e venait de prouver, une fois de plus, combien elle était digne de son surnom "La Terrible".

 

Enfin, en 1809, en annonçant à la France la brillante affaire de Thann, Napoléon déclarait, dans son Bulletin de la Grande Armée :

« Il y a treize ans, le 57e a été surnommé « Le Terrible »" ; il a bien justifié ce surnom à la bataille de Thann, où il a abordé et successivement défait sixrégiments autrichiens ».

Dans l'immortelle journée d'Austerlitz, le 2 décembre 1805, la Brigade Ferey, dont faisait partie le 57e, gagnait, par son intrépidité, le surnom de « Brigade de Fer », qu'au cours de la dernière grande guerre, dans les brillantes affaires de la Ferme du Mont-Lavé et du plateau de Vauxbuin, du 31 mai au 2 juin 1918, les Allemands déconcertés devaient nous décerner eux-mêmes une seconde fois.

 

La lumineuse histoire de notre Drapeau n'est donc qu'un long passé de gloire et l'on pouvait se demander, au début de la grande guerre de libération que nous venons de terminer victorieusement, si notre génération serait de taille à le maintenir intact.

Avec une légitime fierté, en toute confiance, nous pouvons, nous qui avons fait cette grande guerre de 1914-1918, laisser à l'impartiale histoire le soin de nous juger.

Elle dira, cette histoire, que, si grands qu'aient été nos anciens, les « poilus » de 1914-1918 furent plus magnifiques encore au cours de la lutte titanesque qui leur fut imposée par un ennemi sans scrupules et qu'ils ont menée jusqu'à la complète victoire.

 

Elle dira, cette histoire, que les soldats de Charleroi, de Guise, de Corbény et de la Ville-aux-Bois, de Verdun, du plateau de Vauclerc, de Noyon et du Mont- Renaud, de la Ferme du Mont-Lavé et du plateau de Vauxbuin, de Rouy-le-Petit,

de l'Ingon et de la cote 77, de Chevresis-les-Dames et de la cote 126, à hauteur de Montceau-le-Neuf, furent des vaillants parmi les plus braves, les dignes et ardents dépositaires d'un long passé d'héroïsme et de gloire auquel ils surent ajouter encore, en les écrivant de leur sang généreux, des pages pour le moins aussi belles que celles léguées par leurs aînés.

 

Sans doute ajoutera-t-elle aussi que leur vaillance ne fut peut-être pas récompensée à la mesure de leurs mérites.

La fourragère, qu'ils ont si chèrement conquise par leurs rudes, ininterrompus combats de quatre ans, et que le Maréchal Pétain a tenu à honneur d'épingler lui-même à notre Drapeau, est un témoignage vivant de la bravoure indomptable, de l'esprit joyeux de discipline, du moral sublime et sans défaillance, de vos camarades qui ont fait la grande guerre.

 

Votre Colonel, qui les a commandés et vus à l'oeuvre pendant les trois dernières années de cette lutte opiniâtre, témoigne hautement que nul Chef n'eût jamais sous ses ordres de plus magnifiques soldats.

Il vous demande, votre Colonel, en ce jour de fête de la présentation du Drapeau, de faire en vous-mêmes le serment solennel, - pendant que vous rendrez les honneurs au glorieux emblème dont la garde, désormais, va vous incomber, de rester en toutes circonstances dignes de vos aînés et de leurs vertus, de faire vôtre la belle devise qui fut la leur, pour laquelle ils souffrirent sans la moindre plainte, donnèrent leur sang et leur vie, - devise qui est écrite en lettres d'or sur notre Drapeau: « HONNEUR ET PATRIE ».

 

Élevons nos pensées reconnaissantes vers nos glorieux morts et blessés ! Ils restent pour nous tous le noble et fécond exemple de l'esprit d'héroïque sacrifice auquel sauraient, s'il en était besoin, venir puiser nos âmes et nos coeurs, se retremper nos énergies.

AU DRAPEAU !

Rochefort, le 15 mai 1920.

Le Colonel Commandant le 57e R.I.,

BUSSY

 

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