La bataille et le siège de MAubeuge 

27 août - 8 septembre 1914

 

 

 

 

Le Gouverneur; ses essais de réorganisation

L'organisation de défensive avant l'investissement

État de la garnison

Les premières semaines de guerre

Maubeuge est isolée

L'investissement

Le bombardement

L’attaque d'infanterie.

La ville de Maubeuge est maintenant sur la ligne de feu.

La capitulation

 

 

 

 

A fin de juillet 1914 la place de Maubeuge est ainsi constituée :

 

Tout autour de la ville, l'enceinte, datant de Vauban.

A une distance d'environ trois à six kilomètres de cette enceinte, six forts : Boussois  Les Sarts  Leveau  Hautmont  Le Bourdiau  Cerfontaine. Ils sont tous antérieurs à 1885, c'est à dire à l'apparition de l'obus torpille qui a révolutionné l'art de la fortification.

 

Seul, Le Bourdiau est revêtu d'un cuirassement de béton à l'épreuve de l'artillerie lourde de campagne.

Dans les autres ouvrages, les abris en maçonnerie sont recouverts d'une simple couche de terre de 3 mètres d'épaisseur (0.50m  parfois: Les Sarts)

Du type à massif central ou à cavalier, ces forts constituent des objectifs parfaitement visibles de tout le terrain environnant.

Entre chacun de ces forts existe un ouvrage intermédiaire (deux entre Le Boussois et Les Sarts). L'ouvrage de Rocq, dans le secteur sud est, est constitué par un simple parapet d'infanterie avec de mauvais abris en maçonnerie, tandis que les autres sont pourvus de faibles abris bétonnés pour hommes assis.

Les garnisons de ces ouvrages n'auront à leur disposition ni magasins, ni cuisines, ni infirmeries. L'eau est tirée de puits qui seront facilement détruits par un bombardement.

Les ouvrages intermédiaires sont séparés des forts par des intervalles considérables.

Les forts ne disposent, comme matériel de flanquement, que de pièces de 80 ou de 90, à l'air libre: elles seront bien vite mises hors de cause par l'artillerie adverse. Seuls, Le Boussois et Cerfontaine sont pourvus de deux tourelles Mougin en fonte dure pour canon de 155, et de trois tourelles de 75.

 

 

A signaler que, contrairement à ce qui existe dans nos grandes places de l'Est, Maubeuge n'a pas de chemins de fer Péchot pour relier les différents organes de la défense.

 

Le Gouverneur; ses essais de réorganisation. 

 

Depuis le 17 mars 1914, le gouverneur de Maubeuge est le général Fourrier, qui sort de l'arme du génie et qui a eu déjà l'occasion de se distinguer en temps de paix, lors de l'organisation de la place de Bizerte.

En arrivant à Maubeuge, le général Fourrier a été péniblement impressionné par l'état lamentable de la place.

 Il a mis, dés lors, toute son énergie à  la réfection de la forteresse et exigé de chacun de ses subordonnés (effort maximum en vue de l'intérêt commun.

Le général Fourrier sent, en effet, que la guerre est prochaine. Ses prévisions ne le trompent pas

Le conflit mondial vient le surprendre en pleine période de réorganisation.

Son activité redouble dés le 2 août 1914: bien que le plan de défense ne lui prescrive de commencer l'exécution des travaux prévus que le sixième jour de la mobilisation, le général Fourrier ne veut pas perdre une heure.

 

Il sait tirer parti de toutes les ressources nouvelles mises à sa disposition. Il réquisitionne 6.000 civils, auxquels il adjoint 25.000 territoriaux ou réservistes envoyés à Maubeuge, et les emploie, sous la direction d'officiers du génie, aux travaux les plus urgents.

 

L'organisation de défensive avant l'investissement

 

Dés lors, c'est une période d'activité fébrile qui commence. Le jour commence à poindre et déjà les corvées de travailleurs sont rendues sur les chantiers.

Elles s'emploient à renforcer la zone principale de résistance, devant laquelle doivent venir se briser les efforts des Allemands, si ceux ci arrivent jusque devant Maubeuge. Sans trêve les hommes remuent la terre; ils édifient en toute hâte des ouvrages nouveaux: Le Fagnet, qui doit boucher entre Le Boussois et La Salmagne la trouée pouvant conduire l'ennemi dans la ville.

Les autres intervalles qui séparent les forts sont également rétrécis par (établissement d'ouvrages de fortune, par le renforcement de points d'appui déjà existants, comme La Salmagne, Bersillies, Gréveaux, Ferriére la Petite et Rocq, tous convertis en Centres de Résistance.

 

Voir des photos actuelles de tous ces forts

 

Tandis que des travailleurs portent à six mètres l'épaisseur des parapets d'infanterie, des équipes amènent des rondins, des plaques en fer de 5 cm qui servent à l'édification d'abris recouverts de 1 à 5 mètres de terre ; Mais ce ne sera là qu'une bien précaire protection pour les combattants.

Plus loin, des soldats du génie s'emploient à abattre les arbres, à faire sauter les maisons qui pourraient gêner la visibilité ou rétrécir les champs de tir. Le village d'Elesmes, en particulier, subit d'importantes destructions.

 

D'autres équipes vont poser en trois semaines 1500000 piquets autour desquels s'enlacent des milliers de kilomètres de fil de fer barbelé; ces immenses réseaux, couvrant une superficie totale de 100 hectares, entourent bientôt chacun des ouvrages et s'étendent dans les intervalles qui séparent les points d'appui.

En arrière de la ligne des forts, des terrassiers s'emploient à niveler le sol pour permettre la pose d'une voie ferrée étroite, qui reliera entre eux, et jusqu'au cœur de la place, chacun des ouvrages de la défense : 20 kilomètres de rails sont établis en vingt-sept jours.

Des artilleurs amènent leurs canons tout prés de la première ligne : il n'y a pas d'échelonnement des batteries en profondeur, car les instructions ministérielles de 1910 prescrivent que « l’armement de Maubeuge doit permettre, dés le début, une action aussi lointaine que possible des ouvrages actuels ».

 

Les dépôts de fortune pour munitions sont installés à proximité des pièces : chaque canon disposera immédiatement d'environ 300 coups à tirer.

 

Une position de soutien a été également ébauchée : elle est marquée dans le secteur est par les villages d'Élesmes et d'Assevent, distants de deux à trois kilomètres de la première position; elle possède donc là des champs de tir assez étendus, et sa défense peut être envisagée comme très possible après la chute de la zone principale.

 

Par contre, au delà du secteur Élesmes Assevent, la ligne de soutien passe immédiatement en arrière de la ligne des forts et des ouvrages, et il est à craindre qu'en cas d'évacuation de la zone principale, les combattants ne puissent s'accrocher à la ligne de soutien (Mairieux bois des Saris Douzies Louvroil lisière est du bois des Bons Pères). Et en arrière il n'y a rien, rien que les vieux remparts de Vauban, qui datent de deux siècles.

En avant de la zone principale, une position avancée n'est constituée que dans le secteur sud-ouest : Dans les bois d'Hautmont et du Quesnoy qui sont très rapprochés de l'important village d'Hautmont, inclus dans la zone principale.

On pourrait peut être faire mieux, mais le temps manque aux défenseurs de Maubeuge.

État de la garnison

 

 La garnison a d'ailleurs fourni un tel effort par ces journées torrides d'août 1914 qu'elle commence à être sérieusement fatiguée.

Une conséquence plus grave encore découle de la nécessité de pousser activement les travaux.

 

Les territoriaux et les réservistes n'ont pu être remis en main et soumis à un entraînement progressif. Et pourtant l'instruction des troupes aurait besoin d'être sérieusement revue. C'est ainsi que les régiments de territoriale qui, jusque là, n'étaient pas dotés de mitrailleuses, viennent d'en recevoir. Dans ces corps, bien peu d'officiers connaissent le maniement des armes automatiques; trois semaines ne suffiront pas à la formation des équipes, surtout avec un outil aussi délicat que la Saint Étienne.

De plus, il est à prévoir que ces troupes n'auront pas à combattre seulement derrière les murs et les fossés des forts ; les ouvrages permanents seront transformés bien vite en nids à projectiles : il faudra lutter en rase campagne, avoir la possibilité de transporter rapidement ses mitrailleuses sur un point critique ; comment feront les territoriaux ? Ils n'ont pas de moyens de transport : ni mulets, ni voitures légères spéciales, ni bicyclettes.

Faute de mieux, on chargera les pièces sur des voitures de réquisition, système bien primitif, et qui offre de nombreux inconvénients.

Dans toutes les parties de la défense de Maubeuge, on retrouve ainsi le même caractère d'improvisation, qui va mettre les Français en bien mauvaise posture vis à vis des Allemands, superbement dotés en moyens de toutes sortes.

Et à l’origine de ce défaut de préparation, apparaît toujours la même cause : le manque de crédits qui n'a pas permis d'organiser solidement Maubeuge en temps de paix.

Le général Fournier va donc avoir à sa disposition des effectifs importants, mais en majeure partie constitués par des territoriaux, impropres à être engagés dés le début de la guerre.

 

Infanterie.

Ces effectifs comprennent

à Un seul régiment d'active : le 145e régiment d’infanterie de ligne, qui formait, en temps de paix, la garnison de la place;

à Quelques régiments de réserve : le 345e

                                                    Deux bataillons de marche tirés du dépôt des 145 - 345e

                                                    Deux régiments d'infanterie coloniale 31e et 32e, dont une forte partie de l'effectif est constituée par des soldats de métier, et dont la majorité des cadres est formée par des officiers et sous officiers de carrière : ces unités sont excellentes

àLes régiments territoriaux suivants 1,2,3,4e, un bataillon du 5e, deux bataillons du 85e. Beaucoup d'officiers de ces régiments sont vieux et fatigués, absolument inaptes à faire campagne

àDeux bataillons de douaniers de 250 hommes chacun;

àUn millier de G. V. C.

Soit 33.000 fantassins, dont 20.000 soldats de la territoriale.

 

Artillerie

 L'artillerie comprend un groupe de quatre batteries territoriales de 75 montées.

 De plus, 69 pièces sont affectées à la réserve d'artillerie, et des groupes d'attelage sont constitués pour les mouvements éventuels à faire exécuter à ces pièces ; mais, là encore, le nombre des groupes est insuffisant, et l'on ne pourra atteler à la fois la totalité des canons.

Le reste de l'artillerie (350 canons courts ou longs, de 220, 155, 120 95, 90, 80) est réparti entre les différents secteurs du camp retranché pour leur défense propre.

 Malheureusement, la portée de ces pièces varie entre 5 et 9 kilomètres, tandis que certaines batteries allemandes tireront de 14 kilomètres de distance, ce qui leur permettra de se tenir à l'abri des obus français.

Le nombre total de coups à tirer par l'artillerie de la défense s'élève à 250000

Le personnel consiste en vingt-six batteries a pied, dont huit qui proviennent de Cherbourg et de Brest.

 

Cavalerie.

La cavalerie est représentée par deux escadrons de réserve du 6e chasseurs.

 

Génie.

Le génie comprend sept compagnies.

 

Divers.

Pour communiquer avec l'extérieur, Maubeuge dispose d'un poste de T. S. F. de fortune.

Un colombier militaire assure la liaison avec Paris et Reims. Le service aéronautique est réduit à rien : deux dirigeables qui étaient à Maubeuge et tous les avions jusque là disponibles, quittent la place, après Charleroi.

Il ne reste dans le camp retranché qu'un ballon captif qui sera rapidement détruit, et un vieil avion très endommagé qu'un officier, le lieutenant d'artillerie Leliévre (d'une batterie de côte venue de Brest), remettra tant bien que mal en état, mais qui sera vite hors d'usage sans avoir pu rendre de services sérieux.

Des hôpitaux sont organisés dans la ville :Ils pourront recevoir jusqu'à 3.000 blessés.

L'Intendance a constitué des approvisionnements très importants, qui suffiraient au moins pour un siège de trois mois.

Les troupes et les services représentent un effectif total un peu supérieur à 49000 rationnaires, y compris un millier d'officiers. En dehors du gouverneur, il y a trois généraux dans la place : les généraux Vinckel Mayer, Ville et Peyrecave

 

Le général Fournier répartit ses troupes en quatre secteurs, puis en cinq, dés la mi août :

1e secteur (général Peyrecave),

 à l'ouest du chemin de fer de Mons jusqu'à la Sambre. il est tenu par quatre bataillons territoriaux ; un bataillon du 32e colonial reste en réserve à Douzies.

2e secteur (colonel Guérardel)

au sud ouest de Maubeuge, de la Sambre à la Solre.

Cinq bataillons et demi de territoriaux en assurent la défense. Un bataillon du 3e colonial, cantonné à Ferriéres la Grande, les étayerait en cas de besoin.

3e secteur (colonel de La Motte),

 de la Solre à l'ouvrage du Fagnet. Sa garnison consiste en cinq bataillons et demi de territoriaux, un bataillon de douaniers.

4e secteur (général Ville)

de l'ouvrage du Fagnet jusqu'à Héronfontaine exclus. I1 est également défendu par cinq bataillons de territoriaux et un bataillon de douaniers.

5e secteur (colonel Cambier), d'Héronfontaine au chemin de fer de Mons.

N'y sont affectés qu'un seul bataillon territorial, un bataillon et une compagnie de marche, tirés du dépôt du 145e. La garnison du noyau central est formée d'un bataillon de marche (provenant du même dépôt)

 

La réserve mobile comprend, sous les ordres du général Vinckel Meyer, tout le reste des éléments actifs et de réserve, à savoir le 145e, 345e, et 31e colonial; les deux escadrons du 6e chasseurs; le groupe de quatre batteries montées de 75.

Les premières semaines de guerre

Jusqu’à la mi-août, la population de Maubeuge n'a pas manifesté une grande anxiété.

L'afflux des troupes qui arrivent dans le camp retranché contribue d'ailleurs à donner à la ville une physionomie très animée, bruyante, presque joyeuse.

Les cafés ne désemplissent pas ; chacun vient reconnaître des amis, des camarades d'autrefois, que la mobilisation appelle dans la place.

Les gens échangent leurs impressions; on fait des plans de campagne, ou plutôt des plans de victoire. La masse de la population doute de l'éventualité d'un siège. Les Allemands se battent encore à Liége; ils sont loin delà frontière française.

Ceux qui craignent l'approche de l'ennemi sont généralement taxés de pessimisme, et vite pris dans la fièvre générale, étourdis par l'animation de la foule, ils oublient leurs soucis d'un instant.

Mais le 15 août, brusquement, une véritable angoisse s'empare de la population.

Quelques Belges, qui se retiraient en toute hâte devant l'invasion, sont venus annoncer les progrès des Allemands. Ils racontent que le massacre et l'incendie accompagnent l'envahisseur.

Comme pour corroborer les dires des fugitifs, la voix du canon se fait entendre dans l'est.

Chacun, le cœur palpitant, écoute ces détonations, qui éclatent là bas, dans la direction de la vallée de la Meuse.

Vers le soir, les nouvelles se précisent : les Allemands ont forcé le passage du fleuve à Dinant et se sont emparés de la ville; ils se rapprochent.

L'inquiétude augmente.

Quelques heures plus tard, on annonce que les soldats du 1e corps d'Armée, dans une brillante contre-attaque, ont rejeté l'adversaire au delà de la, Meuse : Ce succès est transformé en grosse victoire; aussitôt, c'est une joyeuse animation qui s'empare de Maubeuge.

Les Allemands continuent de progresser en Belgique; ils entrent à Louvain, à Bruxelles. Leur marche semble devoir les conduire droit vers Maubeuge et Lille.

L'armée française est encore loin... où pourra t elle intervenir ?

Et les Anglais, dont on annonce le débarquement en France, et qui sont impatiemment attendus ?

 

Une mesure indispensable, prise par le gouverneur, contribue à semer l'inquiétude: sur les murs de la ville, on appose des affiches qui prescrivent à la population civile, en prévision d'un siège, de quitter la place.

Aussitôt, beaucoup S'affolent; les départs se précipitent. En quelques jours, 25000 personnes abandonnent Maubeuge : elles ne savent souvent où aller.

Beaucoup ne pourront se résoudre à laisser leurs foyers déserts, et malgré toutes les mesures prises, elles reviendront sur leurs pas, avant l'investissement.

L'arrivée d'avions britanniques, puis, le 22 août, le passage d'un régiment écossais suscitent encore un certain enthousiasme. Mais celui ci s'éteint bien vite, car les progrès des Allemands se précisent

L’Armée von Kluck arrive vers Mons; l'Armée Bülow franchit la Sambre à Charleroi.

 

Depuis le 17 août, la garnison de Maubeuge est placée sous le commandement du général Lanrezac, qui dirige la 5` Armée.

Le général songe un instant à faire appel au 145e, au 345e, aux 31e et 32e coloniaux pour renforcer les effectifs dont il dispose, â, la veille d'une grosse bataille.

Mais il se rend compte de la nécessité de laisser au Gouverneur tous ses moyens en hommes pour compléter à la hâte l'organisation d'une Place gui peut se trouver d'un jour à l'autre sous le feu des canons ennemis.

Les 22 et 23 août, une furieuse bataille s'engage de part et d'autre de la Sambre; au sud de Charleroi entre la 5e Armée française et la I Ie Armée allemande ; à Mons, entre les Anglais et les troupes de von Kluck.

Le soir du 23, nos troupes de campagne battent en retraite.

Le général Lanrezac fait connaître au général Fournier que « la 5e Armée se replie en direction générale de Chimay Aubenton, et qu'il appartient au Gouverneur de Maubeuge « de prendre toutes dispositions utiles pour la défense de la Place »

 

Maubeuge est isolée

Le général Lanrezac ne veut pas ,emmener avec lui les régiments actifs et de réserve de Maubeuge pour les joindre à ses troupes, car il estime que ce serait affaiblir dangereusement la garnison.

Le général Fournier se trouve livré à lui même. A quelle décision va t il se résoudre ?

Aux termes des instructions ministérielles de 1910 le rôle de Maubeuge consiste à appuyer les manœuvres d'une Armée de campagne. « La résistance de la Place n'a pas de raisons pour se prolonger isolément. »

Telle était la conception au temps où l'on croyait que Maubeuge n'aurait â, subir qu'un siège de peu de durée, dés le début des hostilités, et serait rapidement secourue par nos forces de campagne, sitôt après leur concentration.

Les circonstances sont tout autres le 23 août 1914

Maubeuge, qui n'a pas servi de pivot de manœuvre dans la bataille de Mons Charleroi, est maintenant presque isolée; nos armées de campagne, battues, se retirent vers le sud ouest.

Le général Fournier doit il prescrire l'évacuation immédiate de la garnison et se lier à la retraite de la 5° Armée?

Il considère que s'il a été nommé au poste de donner la ville, mais pour en assurer la défense.

Il se décide donc à résister jusqu'au bout, coûte que coûte.

L'investissement

Les Allemands poursuivaient leur marche en avant sans se laisser retarder par Maubeuge.

Ils laissent seulement en arrière un corps de siège, à l'effectif de 40000 hommes environ, sous les ordres du général Zwehl.

Autant que les renseignements actuels permettent de l'affirmer, ce corps de siège ne comprend que le VIIe corps de réserve, la 26e brigade du VII` corps actif et un groupement de grosse artillerie (aux ordres du général lieutenant Steinmetz). Un certain nombre de pièces de 395 (matériel et personnel autrichiens), font partie de ce groupement.

Les Allemands se tiennent d'abord assez loin de Maubeuge; ils se contentent de couvrir le déploiement de leur artillerie lourde, sans se risquer, avec des effectifs relativement faibles, dans une attaque brusquée contre le Camp Retranché.

Sur tout le pourtour de celui ci, les détachements ennemis s'étendent, précédés de cavalerie, et coupent peu à peu les communications de Maubeuge avec l'extérieur; ils s'établissent ensuite en observation, face à la ville.

Le général Fournier, sur l'ordre du général Joffre et du général Lanrezac, prescrit la destruction des voies ferrées, en vue d'entraver le ravitaillement des armées ennemies.

C'est ainsi que des détachements du génie font sauter les ponts de Jeumont, de Berlaimont et de Fourmies.

De plus, du 24 au 28 août, le général Fournier, qui a reçu de ses agents secrets des renseignements sur la progression allemande et qui se voit peu à peu privé de toutes ses liaisons avec le cœur du pays, se préoccupe de pousser des reconnaissance en dehors du périmètre de la place : il veut se rendre compte des intentions du Commandement ennemi, inquiéter le corps de siège, et, en même temps, aguerrir ses propres troupes.

Une première reconnaissance a lieu le 25 août, au nord de Maubeuge, vers Quévy et Havay.

Toute la réserve générale y participe. Au cours de cette opération, le génie opère des destructions sur la voie ferrée étroite qui longe la frontière belge. Quelques engagements de patrouilles se produisent : dans un de ces combats, le prince de Saxe Meiningen est mortellement blessé par un cavalier du 6e chasseurs.

Le lendemain 26 août, une nouvelle sortie a lieu sur La Longueville pour reconnaître des forces ennemies qui ont été signalées dans cette région seuls, le 145e régiment d'infanterie, deux batteries de 75 et un escadron y prennent part.

Tout comme la veille, la journée n'est marquée que par des combats insignifiants contre de fortes patrouilles ennemies, qui se dérobent.

Vers le soir du 26, l'attention de la Place est fortement surexcitée : une canonnade lointaine roule dans l'ouest; durant deux jours, on percevra encore ses échos; puis le bruit de la bataille  s'éteindra peu à peu, et on devra renoncer à voir les armées alliées réapparaître sous les murs de la ville.

Depuis le 27 août, le général Fournier, a déclaré Maubeuge investie. L'artillerie de la Place commence à exécuter des tirs fréquents sur des objectifs assez variables localités, croisements de routes... En général, ces tirs sont dirigés un peu au hasard et ne donnent que de très faibles résultats.

Par contre, ils offrent l'inconvénient de faire repérer successivement chacune de nos batteries

L’ennemi se garde bien de laisser perdre les renseignements que la défense lui fournit ainsi.

 

Le 28 août, une troisième reconnaissance a lieu, vers le sud cette fois. Un petit combat s'engage, au delà du bois Leroy, mais pas plus que les précédents, il ne permet à la réserve générale de se rendre compte de la situation de l'adversaire.

Aucune de ces reconnaissances n'a été poussée assez loin; et surtout aucune d'entre elles n'a été dirigée dans le secteur est, où se prépare contre Maubeuge une formidable menace

A cette date du 28 août, l'artillerie allemande a, en effet, achevé son déploiement.

Elle a pris position vers Solre sur Sambre, Peissant, Fauroeulx, Haulchies, Givry, entre la Sambre et la Trouille.

L'infanterie, dans ce secteur, s'est établie avec ses gros sur le ruisseau de Grand Reng et vers Erquelines, pour couvrir les batteries de siège.

Le bombardement

Brusquement, le 29 août, à 13 heures, le bombardement se déclenche : les obus tombent sans interruption sur Le Boussois, le Fagnet, La Salmagne et Bersillies.

 

Avant d'étudier les effets du bombardement, il est nécessaire de signaler que les Allemands disposent, à l'intérieur de la Place, de tout un système d'espionnage ; ce dernier va leur fournir les plus précieux renseignements, et leur permettre de diriger leur tir sur les objectifs principaux.

 

Le commandant Cassou raconte :

« Au centre de résistance du Boussois, un paysan revêtu d'une énorme blouse suivait avec intérêt toutes les phases de la lutte. Sa présence continuelle éveilla nos soupçons; on le vit s'arrêter derrière une haie et lâcher un pigeon voyageur. Arrêté immédiatement, il fut fouillé; on le trouva possesseur d'autres pigeons cachés sous sa blouse. Il avoua qu'il était un espion: il fut fusillé... On découvrit un fil téléphonique souterrain, reliant Maubeuge à Jeumont, dans une usine dont le directeur était allemand, et qui fournissait par un conduit souterrain la force électrique à Maubeuge »

Avant la guerre, en effet, la place fourmillait d'étrangers, et l'on n'avait pu expulser tous les individus suspects.

 

Ces derniers ne se contenteront pas d'envoyer des renseignements à l'ennemi ; ils s'efforceront, par des propos habilement répandus, de semer la panique dans la ville.

Un malheureux incident leur fournira le prétexte d'accuser le Gouverneur de faiblesse, d'incapacité, voire même de trahison.

Le général Fournier avait, au début d'août, adressé au Ministre de la Guerre un télégramme lui rendant compte de l'état lamentable de Maubeuge et de l'impossibilité de résister longtemps en cas d'attaque.

Très ému de ce message, craignant que le Gouverneur ne fût au-dessous de sa tâche, M. Messimy avait envoyé dans la Place le général Pau pour se rendre compte de la situation, et prendre, au besoin, des mesures extrêmes contre le général Fournier.

 

L'enquête avait été tout à l'éloge de ce dernier, et le général Pau avait même cru nécessaire de réclamer « les trois étoiles  pour le Gouverneur. Mais M. Messimy n'avait pas attendu ces rapports; et, dés le 8 août, par décret ministériel, il révoquait de ses fonctions le général Fournier.

 

On juge de l'effet produit à Maubeuge, lors de la lecture de l'Officiel. Au retour à Paris du général Pau, M. Messimy, renseigné, envoyait au Gouverneur ses félicitations pour le zèle qu'il avait déployé dans l'organisation de la Place et le rétablissait dans ses fonctions. Le décret nouveau paraissait également dans un numéro de l'Officiel; mais celui ci n'arrivait jamais à Maubeuge, en raison des événements militaires.

Jusqu'à la reddition, le siège de Maubeuge consistera plutôt dans une action d'artillerie. L'infanterie du VIIe corps allemand de réserve se contentera généralement d'occuper le terrain que les troupes de la défense auront évacué, à la suite des effets destructeurs du feu.

Le bombardement aurait pu être retardé d'un jour ou deux, si les Français avaient occupé des positions avancées dans le secteur est du camp retranché.

Mais le général Fournier a évité, peut être à tort, de prendre cette mesure, par crainte d'élargir le périmètre de la Place qu'il défend avec des effectifs déjà insuffisants, et d'aventurer hors de la zone principale des troupes non aguerries, généralement fort peu instruites. Il redoute que celles ci ne soient bousculées dés le premier choc, et que l'ennemi ne réalise, à cette occasion, une avance importante en direction de Maubeuge

 

Dirigé le 29 août, le bombardement, sur le secteur de la zone principale : Le Boussois La Salmagne, gagne peu à peu en largeur et en profondeur. Les canons allemands arrosent le fort de Cerfontaine aussi bien que l'ouvrage des Saris; les plus gros calibres (210,280,305, puis 420 à partir du 2 septembre) prennent part à l'action.

 

Maubeuge elle-même reçoit des obus de 12 centimètres; le quartier de la Porte de France est particulièrement éprouvé; des incendies se déclarent; leurs ravages sont considérables dans la rue de France. Les pompiers, sans cesse au travail, malgré la pluie des projectiles, subissent des pertes très sérieuses. Par contre, la population réfugiée dans les caves, ne souffre pas beaucoup du bombardement. Le tir de l'artillerie ennemie se fait très précis, toujours en raison des renseignements fournis par les espions aux troupes de von Zwehl.

Le faubourg de Sous le Bois, occupé par la réserve générale, est particulièrement repéré, de même que le faubourg de Louvroil, où les cantonnements sont nombreux.

Les conduites d'eau et de gaz sont coupées ; Les liaisons télégraphiques et téléphoniques toutes aériennes rompues.

Dans la zone principale, les effets du bombardement sont encore plus considérables.

Les ouvrages permanents et les ouvrages de circonstance sont transformés en véritables nids à obus : aucune casemate ne peut résister ; les abris bétonnés des ouvrages d'infanterie sont fissurés ; une perpétuelle menace plane sur ceux qui s'y réfugient : les gaz, dégagés par les explosions, s'y sont accumulés et produisent de rapides asphyxies.

Le fort du Boussois est ravagé par les obus; la tourelle Mougin est décalottée; les pièces à l'air libre, prévues pour le flanquement des intervalles, sont détruites ; Le magasin à poudre où une section s'est abrités, est crevé par un 305 autrichien : Les murs s'effondent et soixante français meurent assommés où asphyxiés.

En vain, le Gouverneur essaye de combattre l'artillerie ennemie. A défaut des canons des secteurs non attaqués, qu'il ne peut faire transporter, faute de moyens et de temps suffisants, il envoie entre Cerfontaine et les Sarts, des batteries de la réserve. Mais nos pièces sont mises successivement hors d'usage.

Les troupes de première ligne (des territoriaux ) sont épouvantées par les effets insoupçonnés d'un bombardement semblable.

Certaines unités sont prises de panique.

Le 30 août

Le commandant du fort du Boussois se fait évacuer pour troubles nerveux, à la suite de l'explosion d'un obus.

Dans la nuit, privée de son chef, la garnison lâche pied et se reporte précipitamment jusque dans Maubeuge.

Des fugitifs annoncent même que Le Boussois a été pris par les Allemands.

La situation créée par cet incident est très grave : si l'ennemi s'est emparé où s'empare du fort, toute la position principale se trouve compromise. La place tombera en peu de jours.

Le Gouverneur porte aussitôt un bataillon du 145e dans le secteur menacé. Les Allemands ne se sont heureusement pas aperçus de l'évacuation du Boussois.

Le 31 août, Le général Fournier désigne, comme commandant de ce fort, un officier énergique, dans lequel il a toute confiance : le capitaine Thabar. Celui ci voit placer sous ses ordres, comme nouvelle garnison du point d'appui, la compagnie Champeaux, du 11e génie territorial.

Avec cette unité, le capitaine Thabar réoccupe Le Boussois.

Les circonstances sont telles, qu'il faut, à tout prix connaître les emplacements des batteries allemandes afin de pouvoir les contrebattre. Des renseignements erronés, fournis parles habitants, annoncent au général Fournier, le 1e septembre au matin, que l'artillerie ennemie a pris position dans les sablières d'Erquelines, et immédiatement en arrière des villages de Grand Reng, Vieux Reng, Rouveroy.

Aussitôt, le gouverneur organise une grosse sortie pour tenter la destruction des batteries adverses.

Toute la réserve générale doit participer à cette opération. Mais les circonstances paraissent si pressantes que le Commandement n'a pas le temps de prendre les mesures capables d'assurer une parfaite liaison entre les batteries de place et l'infanterie.

Un fait plus grave contribuera à l'échec de la sortie : Le commandant de la réserve générale se contente de transmettre à ses troupes les ordres du Gouverneur, sans assurer la direction de l'attaque.

Dés lors, les différentes unités d'infanterie, mal soutenues déjà par l'artillerie, vont agir sans aucune liaison entre elles.

Pendant que deux bataillons territoriaux couvrent les flancs de la réserve générale, d'une part en direction de Villers Sire Nicole, d'autre part au sud de la Sambre, en direction de la ferme Watissart, deux colonnes se portent au centre, l'une vers Vieux Reng, l'autre vers les sablières d'Erquelines.

1 septembre

A la première colonne, le 31e colonial se lance en avant à une allure très rapide, malgré les effets d'un feu d'enfer déclenché par toutes les batteries allemandes (aussi bien par les batteries de siège que par les batteries de campagne)

Il aborde déjà les lisières de Vieux Reng. Mais le régiment est tout entier déployé ; les unités de renfort sont venues se fondre dans la première ligne décimée.

Les coloniaux sont incapables d'emporter le village. Ils sont cloués sur place par le tir des mitrailleuses ennemies, installées dans les maisons.

Les Allemands accourent de toutes parts, pour défendre le secteur menacé.

A bout d'efforts, les marsouins reculent.

A ce moment seulement, le 345e, placé plus en arrière, intervient : il est trop tard. Le défaut de direction amène un repli général de la gauche française.

La colonne de droite n'a pas été plus heureuse le 145e n'a pu dépasser la route Vieux Reng Marpent.

A y heures, sur tout le front, les chefs des différentes colonnes ordonnent la retraite; et la réserve générale se reporte sous les murs de Maubeuge

Après ce sanglant insuccès, la Place devra subir son destin.     

 

Le feu des Allemands, qui s'était un instant retourné contre les troupes de la réserve générale, reprend contre la ligne principale de défense et contre la ville de Maubeuge.

Un bombardement infernal s'abat sur les ouvrages du 3e secteur, depuis Cerfontaine jusqu'à la Sambre. Au fort de Cerfontaine, en particulier, un obus de 420 traverse les voûtes en maçonnerie après avoir percé le revêtement de terre. Il éclate dans une casemate où une soixantaine d'hommes se sont réfugiés. Tout comme au Boussois, quelques jours plus tôt, il n'y a pas un soldat qui échappe parmi les occupants de la casemate.

Ceux qui ne sont pas écrasés par les blocs de pierre sont asphyxiés par les gaz provenant de la déflagration de la poudre.

 

Deux ans plus tard seulement, en 1916, les corps de ces infortunés pourront être dégagés des décombres et recevoir la sépulture.

 

Le 2 septembre

L'action de l'artillerie allemande n'est pas moins puissante sur le front Boussois La Salmagne.

Les batteries, les ouvrages d'infanterie deviennent bientôt intenables; le général Fournier donne l'ordre de les évacuer durant le bombardement pour chercher un refuge dans les tranchées moins repérées, creusées dans les intervalles.

Les Allemands lancent leurs fantassins à l'attaque; il semble que les troupes françaises, engagées sur la ligne principale de résistance, pourront difficilement tenir: elles sont trop éprouvées moralement et physiquement.

Aussi, le Gouverneur prescrit il, le 2 septembre, de reporter sur la position de soutien la plus grande partie des batteries de la première ligne.

Au sud de la Sambre, il fait garnir d'artillerie le bois des Bons Pères pour prendre éventuellement sous son feu un ennemi qui aurait pris pied entre Le Boussois et Le Fagnet, et s'avancerait en direction de Maubeuge.

De même les batteries de la réserve d'artillerie et celles de l'ouvrage des Épinettes doivent s'installer au sud d'Élesmes, en prévision de la lutte qui peut s'engager d'un instant à l'autre en avant de la ligne de soutien.

En fait, le temps et les moyens manqueront pour reporter sur ses nouvelles positions l'artillerie de la zone principale.

Le 3 septembre

La situation s'aggrave encore; le moral des troupes engagées fléchit visiblement, sous la violence du feu.

Persuadé que l'ennemi va passer bientôt à une grosse attaque au nord de la Sambre, et qu'il entreprendra en même temps une action secondaire au sud de la rivière, entre Rocq et Cerfontaine, le Gouverneur se préoccupe d'assurer l'unité de direction dans chacune des zones menacées : il élargit le secteur du général Ville, en l'étendant à droite, jusqu'à la Sambre.

Le général Fournier est conduit, peu après, à agrandir aussi ce secteur

Le général Ville aura sous ses ordres toutes les troupes établies entre Héronfontaine et le chemin de fer de Mons.

Il reçoit également la libre disposition de la réserve générale. Le Gouverneur espère que les unités d'active et de réserve réussiront à étayer les territoriaux épuisés.

La réserve générale s'établit sur la position de soutien, dans le 4e secteur: le 145e à Asseyent et Élesmes ; le 345e entre ces deux villages. Le 31e colonial et un bataillon de marche du dépôt du 145e viennent occuper à l'ouest du « Champ de Tir », une troisième position, hâtivement organisée par l'utilisation de la fortification de campagne.

 

L'artillerie de 75 de la réserve générale prend position entre Asseyent et la route de Mons.

Le général Ville s'établit au carrefour d'Assevent pour diriger la défense.

Sa mission sera lourde à remplir; il devra tout faire par lui même, car il n'a pas d'état major à sa disposition, mais seulement un officier d'ordonnance.

Et cependant il va falloir à tout prix tenir, gagner du temps. Maubeuge a un rôle à remplir. La Place maintient au tour d'elle

40000 Allemands

Si elle tombe trop tôt, ces forces ennemies pourront se reporter contre les troupes de campagne françaises, et peut être, par leur intervention en un moment critique, décider du sort de la guerre.

Le général Fournier est décidé à résister coûte que coûte

L’attaque d'infanterie.

Dans les journées des 2 et 3 septembre

Déjà, des détachements ennemis se sont approchés des ouvrages de la Salmagne, et du Fagnet. Reçus à coups de canon et à coups de fusil, ils se sont repliés vers Vieux Reng et Grand Reng, en annonçant que la résistance des Français n'était pas encore brisée.

La violence du tir déclenché par l'artillerie allemande s'est encore accrue; du fort des Sarts au Boussois une grêle d'obus s'abat sur nos positions; nos troupes plient sous la violence du feu ; des défaillances se produisent.

 

Au fort des Sarts, dans la matinée du 4, la garnison a fait bonne contenance sous un bombardement de 150 mais à partir de 13h30, des 420 arrivent sur l'ouvrage, percent les minces revêtements de terre argileuse, épais de 0.5 m seulement, défoncent les casemates. Vers 15 heures, la majeure partie de la garnison évacue précipitamment l'ouvrage et s'éloigne dans la direction de Maubeuge.

Le soir, le fort est abandonné par ses derniers occupants.

Nos soldats continuent à tenir dans le reste du point d'appui des Sarts.

Le personnel de nombreuses batteries abandonne ses pièces sur le terrain sans les détruire, faute d'explosifs : on se contente d'emporter les culasses.

 

L'ennemi occupe l'ouvrage du Fagnet, dont la garnison s'est retirée un peu rapidement.

Par contre, la résistance est très vive au point d'appui de La Salmagne.

Dans l'ouvrage principal, le capitaine Eliet lutte désespérément pour arrêter l'adversaire qui débouche de Vieux Reng et de Grand Reng; il réussit à briser sur son front les assauts des Allemands. Mais ces derniers parviennent à s'installer dans la ferme de la Salmagne.

Plus au sud, contre Le Boussois, tous les efforts sont vains

 

Dans cette journée du 4

 La zone principale se trouve néanmoins entamée; le général Fournier comprend que, dés lors, les événements vont se précipiter.

Dans la soirée, il réunit le Conseil de défense pour lui poser la question suivante :

 « Vaut il mieux résister jusqu'au bout dans Maubeuge, ou tenter de se faire jour à travers le cercle d'investissement dans la direction du Quesnoy Arras, pour tenter de regagner les lignes françaises ? »

Mais les membres du Conseil sont unanimes à préconiser la résistance.

Toutefois, certaines mesures paraissent nécessaires pour le cas d'une catastrophe ; c'est ainsi que les neuf drapeaux de la garnison sont réunis, le 5 au soir, à la caserne Joyeuse : ils y seront brûlés le lendemain matin.

Le 5 septembre

 Le bombardement continue avec la même violence; le colonel Viard, qui commande le centre de résistance de Bersillies La Salmagne, se voit contraint d'en prescrire l'évacuation : il ne maintient ses troupes que dans l'ouvrage de La Salmagne.

A 16 heures, les Allemands s'installent dans Bersillies abandonné, puis ils passent à l'attaque de l'ouvrage de la Salmagne qu'ils encerclent complètement.

Le capitaine Éliet veut lutter encore ; ses soldats tombent les uns après les autres. Enfin l'ennemi donne l'assaut et s'empare de la position

il ne reste plus que 51 hommes valides dans l'ouvrage.

Dans la vallée de la Sambre, le fort du Boussois tient toujours, tel un flot battu par la tempête. Il barre aux Allemands la route de Jeumont à Maubeuge; tout le reste du point d'appui a été évacué par ordre du général Ville, qui a compris combien sa garnison était aventurée.

Au sud de la Sambre, les batteries de Rocq sont écrasées par les obus de gros calibre.

Au soir du 5 septembre, la plus grande partie de la zone principale du secteur n° 4 est tombée aux mains des Allemands. Le général Ville organise la défense de la position de soutien Elesme Mairieux. En arrière, il rallie toutes les troupes qui évacuent la position principale ; il porte à Asseyent le 31e colonial qui vient relever le 145e épuisé. Ce dernier est ensuite placé en troisième ligne, à Pont Allant.

En raison du bombardement, qui redouble sur la ville, le maire de Maubeuge a obtenu du général Fournier l'autorisation de diriger la population civile sur Hautmont.

Jusqu'ici, le fort du Boussois a tenu, grâce à l'énergie de son commandant, le capitaine Thabar. Mais le bombardement a brisé les nerfs d'une partie de la garnison

Au matin du 6

Sur la rive sud de la Sambre,ennemi venant du nord prend pied dans Recquignies; il déborde par l'ouest les batteries de Rocq : la garnison, déjà menacée de front, doit se replier,sous peine d'être encerclée ; elle n'a que le temps de faire saute:la poudrière pour ne pas laisser ses stocks de munitions tomber aux mains de l'ennemi.

Le colonel de la Motte essaye de résister sur la ligne de soutien du 3e secteur: Bois des Bons Péres - Fort de Cerfontaine.

Mais le bombardement redouble : à midi, le fort de Cerfontaine est évacué ; la seconde position française s'écroule. Le colonel de la Motte s'accroche à la ligne de la Solre, en couvrant son flanc gauche par la Sambre, en appuyant son flanc droit à l'ouvrage de Ferriére. A la faveur du crépuscule, il rassemble ses unités éparses,pour tenter de combattre encore.

Au nord de la Sambre, le général Ville, après la perte de la ligne Mairieux‑Élesmes, a essayé vainement de se rétablir sur la position Centre des Saris‑Grand‑Camp‑Perdu‑Petit‑Camp‑Perdu.

Ses bataillons semblent à bout de résistance : il rompt délibérément le contact pour tenter de remettre un peu d'ordre parmi ses troupes dés qu'elles ne seront plus aux prises avec les Alle­mands. Il occupe une position qui s'étend du        carrefour de Mons, par le hameau et le bois des Sarts, jusqu'à l'ouvrage d'Héronfontaine.

La ville de Maubeuge est maintenant sur la ligne de feu.

 L'ennemi l'arrose copieusement d'obus : tout le quartier de la Porte de France commence à flamber. Soirée tragique où se mêle, au fracas des bombes, le crépitement de la fusil­ Jade, pendant qu'au centre du front de bataille juste au‑dessus de la cité, de grandes flammes montent vers le ciel, comme pour éclairer l'agonie de Maubeuge En arrière des positions françaises, de longues colonnes se pressent, s'entremêlent; des cris de douleur et de rage s'échappent de cette multitude où sont épars les civils qui abandonnent leurs habitations ravagées par le bombardement, et de malheureux soldats qui oublient où le devoir les appelle, qui ne pensent plus qu'à fuir, n'importe où, mais loin des obus dont les détonations les poursuivent encore.

 Ces vagues humaines roulent toutes vers Hautmont, où déjà des milliers et des milliers d'individus sont venus s'entasser dans un indes­criptible désordre

Le Gouverneur est resté dans Maubeuge : très sombre, il attend que le sort de la Place s'accom­plisse. Les nouvelles qui arrivent sont de plus en plus navrantes. A 18 heures, l'ennemi s'est emparé de la moitié du Camp Retranché.

Le général Fournier convoque le Conseil de défense, pour le consulter (selon les termes du règlement) « sur les moyens de prolonger le siège ».

L'avis est unanime: la résistance est impossible. On ne peut tenir que quelques heures encore et la prolongation de la lutte ne conduira qu'à de nouveaux et cruels sacrifices, absolument inutiles.

Mais le Gouverneur ne peut se résoudre à une capitulation.

Il envoie de nouvelles instructions au général Ville : rompre le contact à la faveur de la nuit et s'installer sur la ligne faubourg Saint Guillain Hameau de l'Ouvrage Fort Leveau, la droite appuyée à l'enceinte, regrouper les unités sur cette nouvelle position.

L'ordre est exécuté par le commandant du 5° secteur; pour appuyer l'infanterie, les canons du fort Leveau sont retournés face à l'est; les huit dernières pièces de 75 sont mises en batterie vers Douzies.

Le général Fournier sait que l'instant suprême approche; il prend ses dernières précautions avant la chute de Maubeuge, fait détruire les archives, prescrit de faire sauter l'arsenal de Falize.

Une gerbe de flammes prodigieuse, une énorme explosion qui ébranle le sol à trois kilomètres à la ronde, une pluie de cendres qui retombe : c'est fini, l'arsenal n'est plus qu'un monceau de ruines.

Durant la nuit du 6 au 7 septembre

Le bombardement atteint une effrayante intensité.

La réserve générale, rassemblée à l'ouest de la route de Leveau à Maubeuge, est réduite à six compagnies du 145°, cinq du 345°. Elle attend l'attaque d'infanterie qui va sans doute se renouveler au point du jour.

Les deux batteries de 75, en position pris du petit bois de Douzies, se tiennent prêtes â, intervenir; Les canons du fort Leveau doivent flanquer l'ensemble de nos positions sur la rive gauche de la Sambre.

Soudain, le 7, à 5 heures, les 305 et les 420 s'abattent sur l'ouvrage d'Héronfontaine.

Le tir dure jusqu'à 11 heures, moment où Héronfontaine est évacué. L'infanterie allemande s'infiltre par tous les plis du terrain; elle pénètre dans le bois des Sarts, prend à revers les défenseurs de l'ouvrage : les Français doivent se retirer vers l'ouest. Les gros canons des assiégeants concentrent maintenant leurs feux sur le fort Leveau.

Une demi heure de bombardement suffit pour ruiner la position et obliger nos soldats à l'évacuer.

D'autres obus de moyen calibre tombent sur le front de bataille du général Ville; la plus grande partie de notre artillerie est mise hors de cause; la gauche de la ligne fléchit ; la garnison de l'ouvrage du chemin de fer de Mons, bat en retraite.

Le général Ville a son centre entièrement découvert. Il voit avec angoisse s'approcher le moment critique de l'assaut allemand.

Sur la rive droite de la Sambre, la situation n'est pas moins grave : l'ennemi a amené vers Asseyent des 305 autrichiens qui prennent à revers l'ouvrage de Ferriére et le fort du Bourdiau. Ces positions deviennent intenables; la droite du colonel de La Motte, en arrière de la ligne de la Solre, est ébranlée: bientôt l'infanterie allemande va pouvoir passer à l'attaque.

La capitulation

Toutes ces graves nouvelles parviennent successivement au général Fournier.

On l'informe que son infanterie est diminuée de moitié, qu'il n'y a plus d'artillerie pour la soutenir, que le moral du soldat est brisé, que tous les forts (â l'exception d'Hautmont) sont successivement écrasés.

Le commandant du noyau central considéré la chute de Maubeuge comme certaine dans la journée.

Dans ces conditions, il est impossible de tenter une résistance sérieuse sur la rive droite, comme le Gouverneur en avait primitivement l'intention

On serait rejeté immédiatement sur Hautmont, où s'entassent maintenant 40000 fuyards.

La prolongation de la lutte ne peut qu'amener le massacre de ces malheureux, incapables désormais de se défendre.

Dés lors, le général Fournier « se voit contraint de recourir aux négociations pour prolonger la durée de résistance de la Place jusqu'au 8 septembre au soir, si possible »

Un peu avant midi, il ordonne au capitaine Grenier, de son état major, de se rendre comme parlementaire auprès du général von Zwehl

L'officier emporte la lette suivante :

Maubeuge, 7 septembre 1914

Le Général, Gouverneur de Maubeuge, au Général commandant les troupes de siège

Je vous demande un armistice de 24 heures pour enterrer les morts et discuter de la reddition de la Place.

Le général von Zwehl refuse un aussi long délai; il n'accorde que quatre heures au capitaine Grenier pour rapporter la capitulation pure et simple. En attendant, il refuse de suspendre les hostilités; il a hâte de s'emparer de Maubeuge pour rallier le gros des armées allemandes.

Durant ces pourparlers, les événements se sont précipités.

En même temps qu'il envoyait au général von Zwehl le capitaine Grenier, le général Fournier faisait hisser le drapeau blanc sur le clocher de Maubeuge. Le général PeyreCave fit répéter partout ce signal dans le 1e secteur.

En voyant monter dans le ciel ce qu'elles croient être l'emblème de la reddition, les troupes, commencent à jeter leurs armes ; de nombreux fugitifs cherchent à franchir les lignes ennemies (mille à quinze cents d'entre eux réussiront ainsi à rallier les armées françaises)

Resté presque seul prés de Douzies, le général Ville voit les troupes allemandes se rapprocher à deus ou trois cents mètres. Lui aussi, il croit la capitulation signée ou prés d'être signée ; il fait suspendre le feu.

Et quand le général ennemi Neuhauss, à la tête d'éléments de cavalerie, surgit et veut le faire prisonnier, le général Ville proteste, déclare que le Gouverneur achève de négocier; il montre le drapeau blanc qui flotte sur Maubeuge.

L'allemand conclut alors avec le Français une convention aux termes de laquelle les troupes adverses resteront sur place de part et d'autre de la route Douzies Hautmont.

Quelques minutes plus tard, un parlementaire ennemi vient informer le général Ville que le général de division von Harbou veut le voir.

Le commandant des troupes françaises croit à une continuation de l'entretien relatif à la trêve qu'il a conclue. Sans défiance il se porte au sud  ouest du  fort Leveau, auprès du général allemand.

Mais celui ci lui montre douze pièces de 77 en position et lui déclare que s'il n'a pas rendu ses troupes avant dix minutes, les canons commenceront à les arroser d'obus.

Le général Ville voit ses soldats débandés, la plupart sans fusils; il n'a plus d'artillerie.

Le désespoir au cœur, il se résigne à capituler peur saurer la vie de ses hommes.

Ainsi finit cette bataille de sept jours, engagée depuis le 29 août dans le 4e secteur, et qui, selon les termes du général Fournier,

 « n'a pu durer si longtemps que grâce à la bravoure, à l'énergie et au sang froid du général Ville »

Désormais, le Gouverneur n'a plus la moindre ressource à sa disposition ; et quand le capitaine Grenier rentre, il ne peut que le renvoyer au général von Zwehl pour lui porter la capitulation de la Place.

45000 soldats (dont 3000 blessés), 400 canons (la plupart en mauvais état), tombent aux mains du vainqueur qui n'a payé ce succès que de 2500 des siens

De plus, la garnison de Maubeuge a eu 1300 tués dans ces tragiques journées d'août septembre.

Le Gouverneur, voulant retenir encore les Allemands devant la Place, a eu bien soin de spécifier que, vu l'heure tardive, il ne remettra la forteresse entre les mains de ses ennemis que le 8 septembre à midi.

Cette clause est acceptée par le général von Zwehl.

Celui ci, « pour reconnaître la bravoure de la défense, laisse son épée au général Fournier. »

 

 

Le lendemain 8 septembre, à partir de midi, de longues colonnes françaises sortent de Maubeuge par la Porte de Mons. Sans armes, ces soldats défilent devant les Allemands et devant le général Fournier qui se tient un peu à l'écart : silencieusement, chacun salue en passant le chef infortuné.

Beaucoup des nôtres se retournent encore : Ils veulent apercevoir une dernière fois la ville qu'ils n'ont pu sauver ; puis ils continuent leur marche douloureuse vers le nord, vers la Belgique, vers les prisons d'Allemagne qui se refermeront sur eux durant plus de quatre années.

Mais tous, jeunes soldats de l'active ou de la réserve, ou vieux troupiers de la territoriale, veulent espérer encore.

Les Allemands de von Zwehl vont pouvoir se lancer à marches forcées vers le sud. Mais maintenant ils arriveront trop tard pour décider du sort de la bataille qui s'engage.

On dirait que les nôtres entendent gronder tout là-bas, sur la Marne, les canons, de leurs frères d'armes ; On dirait qu'ils sentent prochaine la première défaite allemande.

  

On dirait même qu'ils entrevoient l'aube lumineuse de novembre 1918 où les Alliés rentreront dans Maubeuge, et où ils feront flotter sur les murs de la Place reconquise leurs drapeaux victorieux, après avoir enfin vengé les vaincus de septembre 1914

 

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes. Aristide Quillet, 1922 »

 

Voir l'historique du 145e qui a participé à cette bataille

 

Voir les combats des 3 et 4ème armées pendant la même période

 

Voir les combats de la 5ème armée pendant la même période

 

Voir les combats des 1 et 2ème armées pendant la même période

 

 

 

Suite des Opérations : La Marne

 

 

 

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