La bataille de SARREBOURG 

(18 au 20 août 1914)

 

la situation de la 1e Armée française

 

                                                        

                                                                   

 

  La 1e Armée, comme la 2e a reçu mission d'attaquer avec vigueur, afin de fixer devant elle le maximum de force allemandes.

En cas d'offensive victorieuse, les 1e et 2e Armées devront se porter dans la région de Sarrebruck, puis marquer un temps marquer un temps d'arrêt afin d'organiser de solides positions sur la Sarre, et d'attendre là le développement de l'importante opération que nos troupes doivent entreprendre dans le Luxembourg.

 Mais les 19 et 20 août, ces plans vont être déjoués à la 1e Armée comme à la 2e.

 Le général Dubail verra tous ses efforts se briser contre les fortifications établies par l'adversaire sur ce front approximatif: « Mittersheim‑Gosselming-Rieding »

 

 

En avant et à gauche dans la région des étangs, le Corps Conneau, qui assure difficilement la liaison avec le 16e Corps de la 2e Armée plus a l'est, le 8e Corps d'Armée, entre l'étang de Stock et les derniers contreforts des Vosges. Les troupes du 8e Corps ont enlevé Sarrebourg dans la journée du 18

 

Sur les premiers contreforts des Vosges, s'est établi le 13e Corps Le 21e Corps est divisé en deux : la brigade coloniale (5 et  6e régiment) et la 43e division se trouvent du côté de Saint‑Quirin.

La 13e division a été rattachée au 14e Corps Cette 13e division est installée sur le Donon.

Elle appuie sa droite à la Bruche, à 3 kilomètres en aval de Schirmeck

Le reste du 14e Corps se répartit ainsi 28e division au delà de la Bruche, dans la vallée; 27e division en couverture, à droite, vers Urbeis, où elle se relie à la 58e division de réserve (Armée d'Alsace), en position de part et d'autre du col de Saales.La marche vers le nord de la gauche de la 1e Armée est rendue très difficile par une  puissante artillerie lourde allemande, en position depuis Obersteigen jusqu'à Lixheim : cette artillerie flanque toute la vallée de la Sarre que doivent suivre nos troupes.

Le général Dubail prescrit à la 13e division (14e C. A.) de pousser des fractions en direction d'Obersteigen, et à la 43e division (21e C. A.) de marcher sur Plain‑de‑Valsch, un peu à gauche de la 13e.

La progression de ces troupes doit permettre à nos soldats d'effectuer leur mouvement par la vallée de la Sarre, la 16e division (8e C. A.) se portant par la rive droite sur Rieding, le Corps de cavalerie Conneau avançant vers Gosselming.

La 15e division (10e, 27e, 56e, 134e régiments d'infanterie) reste en réserve au sud de Sarrebourg, de même que le 13e Corps au sud-est de cette ville, et la brigade coloniale dans les environs d'Abreschwiller : ces différentes unités se tiennent prêtes soit marcher vers Sarrebruck, soit à faire face à l'est, en direction de Saverne‑ Obersteigen, où de forts rassemblements ennemis sont signalés, prêts à passer la contre-attaque.

 

La journée du 19 août.

 

 

Brisant une solide résistance, la 16e division progresse de quelques kilomètres vers le nord, et s'établit en fin de journée sur le front Dolving‑Eich.

Plus à gauche, le Corps Conneau se heurte sans succès aux positions de Gosselming.

Dans le secteur montagneux, la brigade coloniale et la 43e division franchissent la vallée de Saint‑Quirin et s'établissent sur la crête à l'ouest du cours de la Bièvre, depuis Trois fontaines jusqu'au Soldatenkopf.

Par contre, la 13e division ne peut progresser vers Obersteigen . Elle est même contre-attaquée par les Allemands au nord-est du Donon. Après avoir éprouvé des pertes sérieuses, les 21e et 109e régiments d'infanterie doivent se replier, en fin de journée, sur la ligne : sommet du Donon‑Grand‑Fontaine.

A droite, le recul s'accentue encore : nous abandonnons Hersbach et Schirmeck, dans la vallée de la Bruche.

Il s'en suit de fâcheuses conséquences : le flanc droit de la 1e Armée peut se trouver menacé, d'autant plus qu'une seule division de l'Armée d'Alsace est en mesure d'intervenir au nord du Bonhomme. Le général Dubail est alors contraint de confier au 21e Corps la garde du secteur montagneux jusqu'à la vallée de la Weiss.

La 71e division, qui appartient à la défense mobile d'Épinal, vient se placer en réserve dans les environs de Saint‑Léonard, et se tient prête à intervenir

La bataille, le 20 août 1914

 

L'offensive de la 1e Armée continue. Le général Dubail ne garde en réserve que le 13e Corps.

La bataille présente, le 20 août, deux allures bien distinctes.

D'une part, dans la vallée de la Sarre, le 8e Corps d'Armée marque un recul très sérieux.

D'autre part, dans la zone montagneuse des Vosges, nous réussissons à maintenir nos positions et à briser tous les efforts de l'ennemi.

 

Zone de plaine.

 

 Le général Dubail a prescrit à la 15e division du 8e Corps de se porter, pendant la nuit du 19 au 20 sur Gosselming, afin d'enlever par surprise ce village où le 1e bavarois s'est puissamment retranché.

L'action ne commence, en fait, qu'au petit jour. A l'ouest de la Sarre, la 15e division, prolongée sur sa droite par les 13e et 29e régiments d'infanterie, progresse à la faveur du brouillard; elle échappe ainsi partiellement au tir des canons lourds, et s'élance à l'assaut. Gosselming tombe entre nos mains.

Sur la rive droite de la Sarre, le 95e régiment d'infanterie (16e division) réussit à enlever Eich.

Mais, à 11 heures, nos succès s'arrêtent. Nos troupes ont déjà subi des pertes sévères : l'artillerie allemande les couvre de projectiles ; elle est supérieure à la nôtre en puissance et en portée. L'action tardive de nos batteries lourdes d'armée, qui prennent position sur les croupes à 4 kilomètres au sud de Sarrebourg, n'arrive pas à éteindre le feu des pièces ennemies : Celles-ci affirment, aux dépens de nos canons, la supériorité de leur tir.

Écrasée par les obus, assaillie par l’infanterie bavaroise qui attaque Gosselming par le nord, la 15e division française fléchit, évacue le village, et se retire en combattant sur les hauteurs qui se trouvent à 3 kilomètres au nord-ouest de Sarrebourg.

Les 13e et 29e régiments d'infanterie de la 16e division résistent avec acharnement le long de la Sarre, et ne reculent que pied à pied, malgré leurs vides, en infligeant à l’ennemi des pertes énormes. Mais ils seront contraints, dans la soirée, de se reporter en arrière du canal de la Marne au Rhin, à la droite de la 15e division, dont le repli atteint 15 kilomètres.

A l'est de la Sarre, à partir de 14 heures, les contre-attaques bavaroises, d'abord infructueuses, commencent à progresser. Elles réussissent à dégager Eich; puis le succès ennemi s'accentue, car le recul de nos effectifs sur la rive gauche a découvert Sarrebourg.

 

A 16 h30, les 85e et 95e régiments d'infanterie française perdent la position de Hoff‑Bühl à laquelle ils s'étaient accrochés, et se retirent dans un ordre impeccable vers lmling, protégés par le 13e Corps, dont l'artillerie et une division d'infanterie interviennent soudain entre la Sarre et la Bièvre.

La retraite se poursuivra dans la nuit jusqu'à Xouaxange.

 

Ce que furent ces combats de Sarrebourg, comment ils atteignirent par moments au sublime de l'épopée, le lieutenant Péricard, nous le dit là : détails des combats de Sarrebourg

 

 

Zone de montagne

 

Le 21e corps était le 19 août en position sur la rive ouest de la  Bièvre, avec sa droite appuyée sur le Soldatenkopf.

Les 5e et 6e régiments d'infanterie coloniale, qui formaient la gauche du dispositif, reçurent l'ordre de poursuivre, le 20 août, leur offensive, en direction de Dabo.

Nos marsouins se portent immédiatement en avant.

Mais, malgré les efforts les plus héroïques, ils ne peuvent gagner un pouce de terrain. Tombant sous les feux de l'artillerie lourde allemande, ils éprouvent un sanglant échec au Haarberg, et sont contraints de revenir sur leurs positions de départ. Les contre-attaques de nos troupes, contre-attaques auxquelles prend part, plus au nord, une division du 13e Corps, réussissent toutefois à contenir l'adversaire qui a franchi le ruisseau, puis à le rejeter sur la rive est.

Le même jour, la 13edivision du 21e Corps, rattachée provisoirement au 14e Corps d'Armée, parvient à se maintenir sur le Donon, malgré les assauts multipliés des Allemands.

Les autres unités du 14e Corps ne furent pas engagées le 20 août.

La retraite

 

En résumé, la 1e Armée réussit à conserver toutes ses positions sur la droite, dans la région montagneuse, ainsi qu'au centre, malgré l'échec du Haarberg.

Mais, à gauche, le 8e Corps a reculé de 12 à 15 kilomètres, et n'a pu s'établir qu'en deçà du canal de la Marne au Rhin.

Le général Dubail ne songe pas cependant à la retraite. Il désire s'organiser sur des positions nouvelles, en poussant même sa gauche de un ou deux kilomètres vers le nord, au delà du canal.

 

L'ennemi a d'ailleurs subi des pertes considérables, malgré les avantages que lui a procurés son artillerie lourde. Le 1e bavarois, entre autres, s'est fait décimer. Considérant la fermeté du moral de la 1e Armée, le général Dubail estime que les revers de la journée du 20 août peuvent encore être réparés.

 

Malheureusement, le 20 au soir, de très graves nouvelles lui parviennent. L'Etat-major de la 2e Armée, puis le Grand Quartier Général lui font connaître l'échec de Morhange : toutes les forces du général de Castelnau battent en retraite vers Nancy.

Il faut bien que le général Dubail se résigne, lui aussi, à cette retraite, sous peine de voir les troupes du Kronprinz Ruprecht le déborder par le nord.

 

Le 21 août, la 1e Armée reçoit de son chef l'ordre de se replier sur Blâmont.

 

Alors, le grand repli de toutes nos forces de l'est commence. Nous évacuons les pays annexés. Au grondement du canon, nos colonnes repassent la frontière. Au loin, des villages flamboient. Des paysans fuient vers l'ouest, éperdument.

Que de pensées agitent l'âme des soldats !

 

Avoir cru conquérir, dés les premiers jours de la guerre, les provinces perdues ; avoir fait flotter ses drapeaux sur des villes, des villages, des hameaux dont tous les habitants accueillaient en habits de fête les Français, au bruit des musiques, des chansons et des rires; s'être senti un moment transporté jusqu'à ce Rhin dont quelques patrouilles de cavalerie purent fouler la rive... Et puis, tout à coup, sombrer en pleine réalité, évacuer la Lorraine, l'Alsace presque tout entière, abandonner les provinces, un instant retrouvées, à la colère du vainqueur, laisser derrière soi tant de tombes pour s'en revenir, en vaincus...

 

L'âme française surgit plus forte de l'épreuve. La grande leçon du 20 août 1914 ne fut pas perdue. Nos soldats apprirent à compter avec l'adversaire. Ils voulurent apprendre à le vaincre, sans tarder.

 

 

Dans le même temps : voir la  bataille de Morhange (2ème armée  française)

 

 

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 » 

 Michelin , guide des champs de bataille ; Nancy et le Grand Couronné , 1919

 

 

 

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