Carnet de guerre de Jean-Marcel ADAMON,

Soldat au 158e Régiment d’Infanterie

 

Mise à jour : Février 2014

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Marcel Adamon à Montpellier le 13 avril 1917

 

 

« En vidant le grenier de la maison des grands-parents de ma femme, j’ai trouvé les documents sur la guerre du grand-père Jean Marcel ADAMON. Il est né le 6/5/1889 à Bourg-en-Bresse, mort le 9/7/1922 à Treffort (Ain).

Incorporé au 158e d’infanterie, le carnet raconte une partie de l’année 1915 et le début de 1916 dans le secteur de Sains-en-Gohelle (62).

A partir de février 1916, le soldat sera évacué pour un abcès au péroné. Il restera hospitalisé par la suite. Le texte ne présente pas de grandes révélations historiques il a surtout un intérêt familial. »

 

« Par contre, le carnet est accompagné d’une série de photos qui montrent des villages et lieux artésiens en 1915-16.

L’ensemble est écrit très fin dans un style télégraphique. Les lettres à son épouse Hermance ne sont conservées qu’à partir de l’hospitalisation à Évreux.

Vous savez donc tout et vous pouvez utiliser toute cette documentation comme vous le souhaitez. »

Hubert, 11 août 2011.

 

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1915

16 janvier 1915

Cantonnement à Manin (Pas-de-Calais).

LAURENT, LAVAL, JACOLIN, ADAMON.

19 mars

Télégramme : Bonne santé.

Lettre chaque jour.

14 juin 1915

Départ de Bourg (-en-Bresse), famille en gare.

 

Arrivée à Lyon 1 heure du matin.

Voyages dans plusieurs gares.

15 juin

6 heures, courte promenade à Lyon.

 

11h, Départ avec 100 tirailleurs algériens. Macon halte au buffet. Chalon, Dijon halte.

 

23h, halte café. Plus de vivres.

16 juin

Nuit fraîche. Arrêts multiples. Chaleur. Point de vivres ni de boissons.

Voyons Paris, tour Eiffel, Sacré Cœur. Avons passé le matin Fontainebleau, Melun.

Paysages magnifiques. La seine. La Marne. À 3 km avant Bourget, longue halte au soleil.

Vu 2 aéroplanes.

Bourget 13h arrêt. Consigne sévère. Il fait chaud. Repas à nos frais.

 

Vers 16h, touchons vivres.

 

À 18h départ. Campagne magnifique. Grande culture.

17 juin

2h Amiens.

 

5h St Pol (sur-Ternoise). Quittons les cuirassiers que nous avons pris au Bourget.

 

À 8h quittons les tirailleurs à Barlin. Quantité d’aéroplanes français nous survolent. Halte.

Sains-en-Gohelle. Arrivée à 11 heures. Halte à 100 m du puits houillère n° 10 (mines de Béthune).

Le coron assez grand a ses maisons de briques rouges pareilles. Jardins entourant chaque maison bâtie pour deux ménages. Location 7 et 8,50 F par mois. Habitations construites par compagnie minière.

Vais en corvée d’eau à la mine. Gigantesques chaudières, machines du puits montant les bennes.

 

15h Buvons café fait sur route. Mangeons à nos frais.

 

16h Rentrons au cantonnement : ancienne briqueterie à quelques centaines de mètres du village. Briqueterie neuve mais dont matériel, briques, planchers, lattes employés par la troupe (artilleurs et leurs chevaux du 59e). Ceux-là ont construit à l’intérieur, tout autour, une chambre pour 4 hommes.

Nous sommes au centre, autour d’un ascenseur, au-dessus des chevaux, sans paille. C’est presque confortable quand avons planté clous et trouvé paille.

 

18h Vais avec PAGE à la mine.

Voyons grosses pièces françaises tirant sur Lens (gare). Poursuite d’aéro boche par les nôtres. Lutte captivante. Boche téméraire, seul contre 6 français. Les amuse et est forcé quand même de rentrer dans ses lignes. Canonnade intense par 75 contre aéro boche. Allemands tirent sur les nôtres. Tous manquent leur but. Lueur d’éclatement, nuage blanc persiste longtemps dans le ciel.

La nuit canonnade et fusillade intense qui continue le lendemain. Nuit fraiche. Bon sommeil.

18 juin

Lever à 5h. Il fait froid. Café à 6 heures. Préparation de fourneaux pour popote. Le riz, la soupe, le bœuf.

1h la bière (0,1f la chope) à l’estaminet.

Repos. Le tantôt 2h, je vais voir les batteries de 155 long tirant sur la gare de Lens (train blindé boche).

Le matin, un 305 autrichien a bombardé ces pièces sans résultat. Trous de 3 m de prof. et de 8 m de diam. Mêmes pièces (155) à gauche. Observateur boche à proximité à Bully à côté du clocher démoli.

À droite, les 75 tirent sur les tranchées boches. Éclats d’obus 305 autrichien pesant 2 kg, 3 cm épaisseur et long. 20 cm.

 

À 4 h, bombardement intense en vue d’une attaque. À la nuit la canonnade continue. Aéros sur le soir.

Temps frais, nuageux sur le soir.

19 juin

Allons voir les obus tomber sur nos pièces aujourd’hui canonnées par 210. Précision absolue. Voyons éclatement de l’un d’eux. Grosse fumée noire.

La nuit passée, canonnade formidable. Temps frais.

Nuit fraiche. Pas eu trop froid.

La batterie de 155 a été indiquée par capitaine français observateur du sphérique captif. Fusillé il y a 15 jours. Après la soupe (riz) visite de la mine. Le puits, la machine, le triage, wagonnets inversés, les trieuses, les pompes.

La canonnade diminue d’intensité. Les batteries françaises qui s’étaient tues ce matin recommencent leur feu.

Duel avec le 220 boche.

Vers 9 heures (riz). Des spahis algériens passent près du cantonnement (environ 200).

20 juin 1915, Dimanche

 La nuit a été relativement calme.

Le bombardement devient plus violent sur le matin. Les pièces ennemies tirant sur les nôtres semblent avoir été changées de place. Hésitation du tir. Obus tombés à quelques centaines de mètres de la tuilerie, sur un tas de briques dans le coron (3 victimes et 1 cheval). Les pièces semblent être prises en enfilade. Elles sont atteintes. Il y a quelques morts parmi les artilleurs. Une pièce hors d’usage, d’autres endommagées.

Toute la journée le canon tonne sans interruption. (Riz, singe)

Je vais avec PAGE me faire photographier.

 

Le matin visite du village commerçant de Sains. Un soldat du 149e (45 ans) a été trouvé pendu à la mine. Visite du cimetière de Sains. 500 soldats inhumés. Quelques tombes d’algériens avec le croissant.

(Riz, mouton).

21 juin

Nuit troublée par une vive canonnade, les autos, les ambulances.

Je fais la lessive. On nous fait quitter la briqueterie. Bivouac dans un parc. On monte les tentes. Point de paille.

On a les côtes brisées le lendemain.

Bombardement très intense toute la nuit. Calme dès le matin.

22 juin

Je reste couché tard car j’ai une angine. Je vais me faire photographier à Hersin-Coupigny. Les copains font une courte marche.

 

À midi des obus tombent à 200 m du parc. Des éclats tombent à quelques mètres des poilus cantonnés contre le chemin. Éclats de 200 g coupants comme un couteau.

23 juin

Déménagement.

Allons dans une chambre au 1er mais sous les toits 2 petites mansardes. Paille, poussière. Voyons passer en auto POINCARÉ, puis plus tard JOFFRE.

Les gens de Bully (Les-Mines) déménagent à cause des marmites.

 

 

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Aux armées, 23/6/15

Cher parents

J’ai pu me faire photographier avec PAGE. On ne fait toujours rien. On n’a encore changé de cantonnement. Ca fait la 3e fois depuis que nous sommes ici.

Tout irait bien si la nourriture était bien meilleure. J’écrirai longuement après-demain.

Je vous embrasse affectueusement tous deux.

Marcel.

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Marcel Adamon (à droite), avec Antonin Page le 23/6/1915

24 juin

Repos toute la journée.

Journée calme jusqu’au soir ou le bombardement recommence. 320 anglais installés en avant du village.

 

De 17 à 20 h, promenade sur la route d’Arras. Gros remorqueurs d’artillerie à 4 roues motrices. Force max (…).

25 juin

Je suis homme de jour avec Page. Corvée de vivres. Je fais le plongeur. Les autres, exercices. Le tantôt corvée de propreté dans le parc, notre ancien cantonnement.

On voit 2 prisonniers boches l’aire rayonnant. Orage, pluie torrentielle.

 

Le soir, nouilles pour la première fois. Depuis notre arrivée nous n’avons que du riz. 2 batteries de 75, 50 véhicules, 200 chevaux environ.

26 juin

Lever à 3h45. Nous devons partir (où ?). On apprend à 7 h que le départ aura lieu à 9h.

On prépare et mange la soupe.

À Hersin (Coupigny), halte devant un joli hôtel de ville.

 

10h, départ pour (où ?). Sur la route, distribution de vivres (1/4 de boule).

Halte à un hameau d’Hersin. Nous y trouvons une partie du 158e revenu cette nuit des tranchées. Une croûte de boue aux vêtements. Dépression morale. (*)

Plusieurs sont presque ivres. Le café est pris d’assaut.

 

15h30 départ.

Nous devons partir en autobus mais la (…) seulement y trouver place. Repas sommaire dans un pré.

21 h bombardement. Départ.

À quelques km, panne qui nous immobilise 2h.

 

Arrivée à 1h30 à 6 km de St-Pol-sur-Ternoise à Hestrus.

Cantonnement peu agréable

 

(*) : Du 16 au 25 juin, le 158e régiment d’artillerie a eu 462 tués, blessés ou disparus, au cours des combats du « Chemin Creux »

 

27 juin

Bonne nuit. Affectation à la 8e Cie. Je change pour rester avec PAGE.

Repas bien préparé.

Le soir, concert par la musique du 158e. Revue d’armes montées par lieutenant.

28 juin

Revue d’armes le matin par d°. Le tantôt par caporal-armurier.

29 juin

Je suis appelé au bureau comme secrétaire. Les camarades partent le tantôt pour visiter emplacement pour corvée de lavage à 4 km sur la route de St-Pol. 30 camarades vont aux douches à la fosse 3. 30 km aller et retour. (*)

La section prend la garde en arrivant. J’en suis exempt.

Je mange une salade avec Prost en bas d’Hestrus.

 

(*) : Le JMO signale qu’ils prennent leur douche à Auchel.

30 juin

Bonne nuit passée dans la grange. Je vais toujours au bureau. La compagnie à l’exercice.

Le tantôt, revue de détail par le capitaine. Je n’y assiste pas.

La section ne sera pas relevée ce soir en prévision de la revue par le général de corps d’armée.

 

Le soir, bière avec PROST et PAGNIER en bas du village.

1, 2 et 3 juillet

Rien à signaler

4 juillet

Déménagement en camion automobile.

Départ d’abord fixé à 10h puis départ à 2 heures. Cahots nombreux. Villages importants traversés. Hersin.

Débarquement, en route pour Sains-en-Gohelle. Le sac est lourd, il fait chaud.

 

Arrivée à Sains vers 5 h. Cantonnés à la ferme Bacon en face du parc où nous avions cantonnés la 1ère fois. Sans paille. Assez bonne nuit

Le canon qui a fait rage dans la soirée s’est tu complètement. Aucun coup de canon.

5 juillet

Lever à 7 heures.

Revue en tenue de départ fixé à 9h30. Très rapidement faite cantonnement consigné. Changement de cantonnement fixé pour 5h puis pour 7h30.

3h départ pour l’exercice vers Nœux-les-Mines. Lancement de grenades par les grenadiers. Pour nous la pause sur toute la ligne.

 

Retour à 5 h. La soupe.

Départ pour la fosse 10. Le 3ème bataillon monte aux tranchées avec le 3ème chasseurs. (*)

Nous cantonnons aux corons dans une petite chambre mansardée. Paille.

Bonne nuit. Réveil par nos 75 sur avions.

 

(*) : Il relève le 1e bataillon du 170e RI

6 juillet

Lever 7 heures.

Départ pour l’exercice à 8h. Même emplacement qu’hier.

 

Retour à 10h. Les marmites tombent à profusion à proximité de la fosse, sur nos batteries. (*)

 

(*) : Au cours de la journée du 8 juillet, le régiment a eu 3 tués et 16 blessés

7 juillet

Lever 6h.

Exercice comme hier, même emplacement. Le tantôt, revue d’armes. La nuit précédente, canonnade très violente. On voit le départ des éclairs.

Roulement continuel. La maison tremble.

 

Vers 11h du soir, calme complet. On n’entend plus aucun coup de canon. On nous annonce que nous serons en cantonnement d’alerte à partir de 21 heures.

 

Après la soupe, promenade quotidienne avec les mêmes. On doit aller à la mine. Un obus est tombé route d’Arras au milieu des maisons. Il a fait voler en éclats toutes les vitres des habitations voisines.

1 soldat et 1 cheval tué. (*)

Les planches remplacent les vitres.

 

(*) : Au cours de la journée du 7 juillet, le régiment a eu 9 tués et 27 blessés

8 juillet

Lever 5h ½.

À 7h, exercice vers la briqueterie, le sac chargé. Escrime à la baïonnette.

Nous montons ce soir aux tranchées. (*)

 

À 4h, revue en tenue de départ. 8h30 Départ. Un peu après Bully, pause. Parcours à travers champ jadis labouré par obus ; Le village de Bully complètement en ruine.

Quelques civils, des soldats.

Les boyaux sont étroits. Canonnade de tous les côtés. Que c’est long. Des carrefours. Les fusées. Un trou de mine aussi grand qu’une maison. Le premier cadavre. Le poste de secours.

La relève. Notre place. Mauvais abri. Nous pouvons l’achever avant le jour. XXX

Les cadavres à côté de nous. Les asticots XXX. (**)

 

(*) : Commencée à 21h, la relève s'est terminée à 3h30 de matin.

(**) : Au cours de la journée du 8 juillet, le régiment a eu 5 tués et 25 blessés.

9 juillet

Les marmites toute la journée. Elles tombent près de nous. Batteries françaises repérées.

Les 75 font remuer le sol derrière nous.

 

Le soir, attaque boche sur notre gauche. Fusillade nourrie.

Chez nous, calme relatif : quelques sifflements de balles sur nos têtes.

Nous travaillons à agrandir un peu notre abri et à approfondir la tranchée ; Plusieurs alertes.

 

Ravitaillement vers 11 h du soir. Café froid, patates, bœuf, vin dont nous n’avons pas goûté car il s’est sauvé du bidon. On voit passer les blessés.

 

(*) : Au cours de la journée du 9 juillet, le régiment a eu 5 tués et 28 blessés.

10 juillet

Les marmites tombent bien autour de nous mais assez loin de la tranchée. Notre 75 atteint le bord de notre tranchée. Le sol en tremble violemment.

Les shrapnels tombent dans la tranchée. 100 obus dans ces conditions.

Plusieurs fois, on fait passer de faire allonger le tir.

Les asticots descendent par colonnes serrées par un trou du soulier du cadavre de devant nous. Qu’il y en a !

 

Ravitaillement vers 9h : pois en salade, mouton, vin café. Les pois se perdent dans la suite au fond de l’abri. La barbaque se remplit de terre : à jeter.

À la nuit du 9 au 10, un obus tombe à 10m au plus de nous. Il ensevelit le sergent BAMES, le caporal PETITLOI et blesse mortellement DUCHIER qui était couché dans la tranchée. BAMES blessé au bras, PETITLOI indemne.

 

Vers 6 h du soir, canonnade violente. Les obus pleuvent assez loin de nous. Nous avons été cependant recouverts par deux fois de terre. Un moment de calme.

 

Reprise du feu vers 9h.

Attaque boche sur notre gauche. Les batteries boches situées à Liévin font rage. Attaque repoussée. Nous sommes sur les dents, prêt à faire feu. On place des défenses accessoires devant la tranchée en prévision d’une attaque (renseignement fourni par un prisonnier du matin).

Bombardement en règle qui se continue jusqu’au jour. Un obus tombe sur le parapet à notre gauche. BLANC, FALCONNET, BOLÈGRE et un autre sont blessés peu grièvement. (*)

Plusieurs fois nous sommes recouverts de terre. Toile de tente percée. Je suis abasourdi. Les oreilles me tintent. Le projecteur. Les fusées.

J’observe pendant 2 heures. L’attaque boche n’a pas lieu.

 

(*) : Au cours de la journée du 10 juillet, le régiment a eu 10 tués et 40 blessés.

11 juillet

Vers 5 heures, calme complet.

 

Vers 9h, le bombardement reprend moins violent.

 

Dans la nuit, on a encore creusé notre abri.

Toujours aussi peu confortable pour les reins et les genoux.

12 juillet

Les marmites se rapprochent.

Vers 6h, PAGE me réveille ou plutôt m’appelle car un obus vient de tomber à côté de notre abri sur celui d’ECUYER. Celui-ci et LONG sont enterrés sous les sacs de l’abri.

Nous les déterrons.

 

Quelques minutes après, PAGE est blessé par une balle. Les boches nous prennent en enfilade (croquis de situation des tranchées française et allemande et de la position de l’abri).

La balle a traversé le poignet gauche et la cuisse gauche (bonnes blessures). Je le panse. Il souffre. Nous le portons dans un abri solide.

Je le soulage presque toute la journée en lui changeant la jambe de place.

 

Le tantôt, vers 15h, je suis assis au fond de la tranchée. Un obus tombe à 1 m de moi et me couvre de terre ; ECUYER vient à son tour me dégager.

Ahuri, brûlé un peu à la tête, j’attends impatiemment la relève qui a lieu vers 9 heures. Nous avons fait 24h de plus que nous devions.

Le 149e qui devait nous remplacer la veille s’est trompé dans les boyaux. Nous n’avons pas été ravitaillés pendant 2 jours. Pas de boisson. Nous souffrons de la soif.

Nous atteignons le poste de secours : 2 quarts d’eau.

 

À Aix-Noulette, un quart de café. Je trouve que tout sent l’odeur de la poudre. Je suis exténué.

En arrivant au coron, nous touchons à manger et à boire. Je ne mange qu’un peu de bouillon. Je vais me coucher et m’endors de suite.

Il est 3 h le matin du 13.

13 juillet

Le tantôt, revue d’armes

14 juillet

Exercices. Le tantôt au bureau.

 

Vers 16h, alerte.

Nous ne partons pas.

15 juillet

Les boches bombardent la mine. Un obus tombe sur les chaudières. Arrêt complet de la mine. Un chauffeur tué, plusieurs blessés.

Nous ne pouvons pas aller visiter le soir.

16 juillet

Rien à signaler

17 juillet

Visite à la mine. Machine démolie ; bâtiments détruits ; wagons mutilés ; trous énormes.

Les mineurs descendent par les échelles.

18 juillet

Quelques obus sur la mine (un train blindé avec canons est garé à l’intérieur de la mine).

Nous montons ce soir aux tranchées.

19 juillet

La relève s’est bien effectuée.

Nous arrivons vers 22h aux abris du ravin. Abris dans un bois sur une pente. 3 gradins d’abris creusés dans le sol et recouverts de tôle ondulée. Assez bonne installation.

Nuit fraiche. Nous suspendons une toile de tente sur des piquets.

20 et 21 juillet

Quelques marmites autour de nous sur batteries. Ravitaillement 3 fois par jour.

En somme 3 bonnes journées.

22 juillet

Nous avons été relevés vers dix heures du soir. Relève épatante. Meilleure route qu’à l’aller.

Arrivée à la fosse 10 vers minuit. Le jus.

23 juillet

Au bureau sans incident.

Douche à Barlin.

24 juillet

Rien à signaler

25 juillet

Nous quittons la fosse 10 à 20h30, arme sur l’épaule, pas cadencé, sac au dos, pour les abris de la carrière du bois du Ravin, où nous arrivons vers 22 h.

Bonne nuit.

26 juillet

Beau temps. Visite aux abris du 144e territorial, creusés dans les trous de la carrière.

Village de troglodytes.

Beaucoup d’ingéniosité. Meubles plus que rustiques.

Fossé d ‘écoulement de l’eau au milieu du sentier recouvert de rondins. Abris bien mieux que les nôtres à tous points de vue : les nôtres couverts de tôles, rien devant, un peu de terre derrière.

 

Le soir, cinématographe et phonographe au milieu des bois. Joli programme, bonne distraction, bon appareil.

27 juillet

Marmitage du ravin.

28 juillet

Préparatifs de départ pour le bois 6.

Départ vers 10 heures.

29 juillet

Quelques marmites pour déménager un peu tout le monde. Je trouve un bon abri avec ECUYER.

Dans la nuit du 29 au 30, travail dans le fond de Buval.

Corvée de sacs en 1ière ligne.

30 juillet

Revenus à la pointe du jour. Sommeil. Revue.

Nuit du 30 au 31, travail dans le boyau en haut du fond de Buval.

31 juillet

Idem au 30.

1er Août

Vers 8h ½, départ pour la première ligne avec toile, grenades, 200 cartouches, outil. Arrivée en 1ière ligne. Travail dans les sapes en avant.

Retour aux tranchées vers 2h.

Repas.

2 août

Journée tranquille. Le soir travail aux sapes.

3 août

Journée tranquille.

Le soir, changement de place. Abris assez bons. On ne va pas travailler car on craint une attaque boche qui ne se produit pas.

À notre droite, deux fois par nuit grenade, fusil, canon.

4 août

Tranquillité.

Le soir, idem au 3.

5 août

Bombardement intense le tantôt. On craint de n’être pas relevé. On attend une attaque.

Enfin vers 1 heure, CHATTERON (3ième c.) nous relève. Fatigue.

On prend le sac laissé au ravin.

À Sains, fosse 10, on arrive au jour.

6 août

Départ pour Hersin vers 5h. Les autos nous transportent à Hestrus. Stationnement sous la pluie. Arrivée au cantonnement vers midi.

Sommeil jusqu’à 5h. puis de 7h au lendemain 7h.

7 août

Au bureau.

11 août

Douche à Eps.

14 août

Marche de 20 km par Eps, Anvin, Monchy-Cayeux.

Quelques veillées moins tristes chez l’instituteur.

25 août

Départ d’Hestrus à 4h. Je pars avec le campement pour préparer cantonnement à la fosse 10.

Bureau jusqu’au 3 septembre où Morin me fait aller travailler.

5 septembre

Départ pour Barlin à 6h. Arrivée à 7h.

Quelles sales rues. Boue épaisse jusqu’aux chevilles. Quel coron malpropre nous est assigné. Nettoyage.

J’apprends officiellement ma nomination comme T.O.

 

Le soir, visite de Barlin. Ce n’est guère joli : corons malpropres, rues étroites, hôpital en planches.

6 septembre

Départ de Barlin pour Hersin-Coupigny où est cantonné la C. H. R. (*)

La section : J’y trouve 6 collègues de l’Isère ou du Rhône. Je loge avec ROUVIÈRE, PORCHER, PERRIER, RANEURET. ROUVIÈRE est très gentil mais trop idéaliste. Il me rase avec ses lectures de poésies.

orcher, je le compare à Sancho : aime bien la cornemuse (bidon). J’apprends l’alphabet morse pour signaler.

Je fournis garde au 1er bataillon.

Jusqu’au 24 sept. Vie heureuse, sans incident.

Le soir, concert militaire.

 

Le 20 sept., revue organisée par mitrailleurs. Ce n’est pas mal.

 

(*) : Compagnie Hors Rang

24 septembre

Départ d’Hersin vers 10h le soir. La pluie.

On passe aux abris du ravin. Bois 6. Je vais avec Chamblay au fond de Buval.

25 septembre

Journée sans incident.

26 septembre

10h, départ pour Maison Rouge, route d’Arras.

27 septembre

Départ pour les 1ières lignes. Le Chemin Creux. Je suis au point K6.

Bon abri. XXX ligne à découvert jusqu’à F6.

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Le Chemin creux d’Ablain-Saint-Nazaire à Angres. M2, septembre 1915

Voir les autres photos

28 septembre

Je me perds à deux reprises dans les boyaux.

29 septembre

Départ à découvert. Arrivée à Maison Rouge.

30 septembre

Maison rouge. Il fait froid.

Jusqu’au 7 octobre, vie monotone à la Maison Rouge. Deux visites à la Fosse 10.

Résultats de l’attaque du 25 septembre : avancée de 800 m. Régiment décimé.

PROST blessé. 3ième bataillon en partie prisonnier.

Le 7 octobre

Départ pour M12 en 2ième ligne. Ça marmite un peu. Avec Chamblay, nous sommes avec le commandant du 3ième bataillon M. ALLÈGRE, charmant homme.

 

(*) : Le commandant ALLEGRE sera tué à Verdun. Un camp militaire portera son nom à partir de juin 1916. Auparavant le camp se nommait « camp du Veau Crevé »

24 octobre

La CHR et le peloton de sapeurs s’installent en cantonnement à Ranchicourt (commune de Rebreuve).

 

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Novembre 1915. Installation de la ligne téléphonique de Rebreuve à Houdain (Pas-de-Calais)

Du 5 au 20 novembre

La situation du régiment est la suivante :

État-major et CHR à Troisvaux

Instruction de la troupe et des cadres dans tous les détails….

 

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Troisvaux (Pas-de-Calais), Ferme où nous étions cantonnés (novembre 1915)

 1916

6 janvier

Arrivée de permission.

Le soir départ pour Aix-Noulette.

7 janvier

À 3h du matin départ pour M2 avec SuryGaden.

10 janvier

À minuit relevé pour le 68.

11 janvier

Arrivée à Verdrel (hameau de Fresnicourt-le-Dolmen) à 9h.

Départ à 11h pour le carrefour routes de Coupigny-Grand Servin / Verdrel-Bouvigny-Boyeffles.

Départ en autos à 2h pour Manin (Beaufort)

Arrivée à 4h.

12 janvier

Installation

13 janvier

Courses à Avesnes-le-Comte en voiture

14 janvier

Visite

15 janvier

T2

16 janvier

Journée mouvementée.

Ordres et contre-ordres : grande revue le 17 par général du corps d’armée. Tout le monde doit marcher, puis plus nous, puis nous devons marcher de nouveau tous.

Quelles idioties !

Le tantôt, exercice pour les bien portants. Personne n’est équipé convenablement.

On me vole ma baïonnette. J’en achète une au TC (*) pendant qu’on ne me voit pas. Ces différentes péripéties ne m’empêchent pas de dormir.

Je vais me coucher à 7h.

 

(*) : Train de combat

17 janvier

Mauvais temps. Cafard.

23 janvier

Photos nombreuses. Le Jean prend une cuite carabinée

23/1/16

 

Ma petite chérie bien aimée :

"Il fait un beau temps magnifique. C’est pourquoi ma lettre ne sera pas très longue. Je vais profiter du bon soleil pour sortir un tout petit peu. J’ai reçu une bien bonne lettre de ma chérie hier. Elle m’a fait bien plaisir.

Cette bonne lettre et le bon soleil font que je suis un peu moins triste aujourd’hui. Mon affaire va bien mieux. Je ne souffre quasi plus. Je vais reprendre mon service la nuit, pas toutes les nuits mais ½ nuit sur 6. Ce ne sera pas terrible.

Le jour, je vais toujours me faire soigner.

Il n’a pas fait trop froid jusqu’ici. Moins froid que chez nous puisque nous avons eu une petite gelée blanche seulement ce matin. Il y a beaucoup de salades.

Je n’ai pas eu mon colis hier. Je l’aurai ce soir, je pense. Je vais tirer une ou deux photos. Quand tu auras l’occasion, fais apporter une boite de 9x12 que tu m’enverras. J’ai bien peu de totos. J’en prends 2 ou 3 tous les 4 ou 5 jours. Ce n’est rien.

Il y a manœuvre mardi pour les TO. Naturellement, je n’en suis pas.

Je vais très bien et mange bien aussi. Sois tranquille, c’est bien vrai, je ne mens pas.

Je vais te quitter pour sortir un peu avant d’aller baigner mon affaire. Embrasse bien maman pour moi.

À toi mes meilleures caresses et bons baisers."

Marcel

31 janvier

Départ de Manin.

Je fais les étapes d’abord en voiture jusqu’à Frévent puis par le chemin de fer jusqu’à Abbeville. Arrivée  6h30.

 

Là, nous manquons le tramway. Nous couchons à Abbeville, Laclide, Vial et moi chez une veuve d’officier. Nous sommes reçus épatamment. Cette bonne dame ne veut pas accepter de paiement.

1er février

Prenons le « tortillard » qui m’amène à Lamotte-Buleux à 9 km d’Abbeville. Nous vivons très bien le 1er et le 2 février avec les 2,05 F que le régiment m’alloue par jour.

2 février

Arrivée du régiment.

Cantonnons, toute la Cie HR, dans la même ferme.

6 février

Je suis évacué pour abcès du périnée. Voyage cahoteux dans un fourgon.

Abbeville, hôpital temporaire n° 2.

9 février

On me perce l’abcès.

 

Abbeville, samedi 12/2/1916 midi

 

Ma chérie bien aimée

"J’ai un gros tas de lettres aujourd’hui.

D’abord quatre de toi et une de chez nous que Jean m’a renvoyées. Une de toi et une de ma mère d’avant-hier. Tu as dû être bien ennuyée de ma réponse d’hier au sujet du voyage que tu projetais. Je pense que tu en as bien compris la raison. D’ailleurs, comme tu le dis, c’est quasi sûr que mon abcès ne sera pas guéri avant la fin de la semaine prochaine.

Alors j’aurai une permission et l’heureux temps que nous avons passé pour nouvel an reviendra sans tous les embêtements que nous avons eu. Mon abcès coule toujours, mais me fait moins souffrir. Néanmoins je ne marche toujours qu’avec difficulté. Patiente donc quelques jours encore et nous serons bien heureux.

Je ne retrouverai pas le régiment à Lamotte d’où il allait faire ses manœuvres au camp de St-Riquier. Le corps d’armée va, paraît-il aller à l’intérieur continuer son repos et attendre qu’on ait besoin de lui au moment de l’offensive. C’est bien juste qu’on donne enfin un long repos à ce pauvre 21e corps qui a tant donné.

 

N’ai crainte, jamais on ne nous enverra à Salonique. Nous changerons sans doute de secteur, mais comme on ne peut pas trouver de plus mauvais, ça n’a aucune importance.

Comme je n’ai pas été évacué à l’intérieur, je retournerai sûrement aux T.O. car on ne peut pas me rayer. Plus de soucis non plus de ce côté."

 

"J’ai assez d’argent, n’en envoie pas d’ici une semaine (si je reste plus longtemps). Je ne crois pas qu’on soit fâché contre toi chez nous. Je joins leurs lettres. Je suis bien sûr que Marg ne l’est pas.

Excuse son silence.

Elle a l’air bien fatiguée. Écris-lui.

Tranquillise aussi la maman. Mon abcès n’est pas dangereux. Embrasse la bien affectueusement. Je t’envoie mes baisers les plus doux et tout plein de caresses bien tendres. "

Marcel

 

 

Abbeville, 18/2/1916

"J’ai reçu tout à l’heure ta bonne lettre de mercredi. Je suis content que tu sois un peu moins ennuyée.

Je commence à m’habituer à l’inactivité. Je connais un peu mes camarades. Comme ce sont presque tous des poilus qui ont « tenus » nos anciens secteurs, on blague sur les horreurs passées.

 

La bonne vieille aux gâteaux vient de venir.

Comme chaque jour ça a été le moment gai de la journée. La pauvre vieille, ces soldats sans cœur lui en font bien chaque jour les mêmes plaisanteries innocentes. C’est le billet qu’on lui présente en sachant fort bien qu’elle ne peut changer ; c’est la demande « En avez-vous à la crème ? » En étant sûr qu’elle n’en a à la crème que le dimanche ; c’est les marchandages d’un sou sur un gâteau à deux sous…on l’accuse aussi de flirter avec un bel anglais.

La pauvre se fâche et rit tout de suite après."

 

"Mon affaire me fait un peu mal aujourd’hui.

Le major m’a fait la même chose qu’hier. D’ici que cette plaie soit cicatrisée, il passera encore bien une semaine. Ce matin, il y avait encore du sang sur le pansement."

"J’ai eu une lettre de mes parents hier soir. Je la joins. J’écrirai demain. Je vais envoyer une carte à Treffort, à Chateaufort et à tante Julie. Il fait un bien vilain temps et je suis bien content d’être à l’abri.

Le 158ème doit avoir repris les tranchées ou doit les reprendre bientôt ( ?) Je n’ai pas de nouvelles fraîches.

Je n’ai pas de place du tout pour remiser mes affaires. Je pose tes chatteries sur une chaise. Je mange toujours à peu près le menu très peu varié de l’hôpital.

Embrasse tout plein la maison et O.

Toi, reçois mes plus tendres baisers et douces caresses."

Marcel

 

22 février

Évacué à Berck-Plage.

Mars

Passé à Berck.

Séjour charmant pour l’été. Grande et belle plage. J’ai fait des excursions à la baie de l’Authie, à Merlimont-Plage et à Bellevue-les-Dunes.

12 avril

Je dois être évacué à l’intérieur.

Nous allons à l’hôpital complémentaire 49 à Kursaal.

J’y reste huit jours mal logés.

19 avril

Départ à 5h du soir.

À Rang du Fliers, attendu le train sanitaire jusqu’à 11h.

Départ, arrêt à Abbeville pour ravitaillement. Nuit sans sommeil.

À Neuchâtel-en-Bray arrêt vers 5h au matin.

Nous n’avons pas le ravitaillement promis. Un peu de lait concentré.

20 avril

Rouen, la Seine, les chalands, le grand Pont.

Les usines de Sotteville, le matériel roulant belge. Ravitaillement.

Nous prenons ensuite la ligne à voie unique d’Évreux.

 

Arrivée à Évreux à 4h du soir. Collation, Débarquement.

Je suis affecté à l’hôpital complémentaire n° 2.

 

Du 20 avril au 10 aout à Evreux

 

Lunel du 30 décembre au 24 janvier 1917

 

Montpellier du 28 janvier au 12 juin 1917

 

Salies de Béarn du 15 juin au 9 aout 1917

 

 

Fin du carnet

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