Carnet de mémoires appartenant à BERNIER Clovis

sergent au 94ème régiment d’infanterie

 

Mise à jour : mars 2019

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Clovis BERNIER pendant son service militaire

 

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Prélude

 

Le 94e régiment d’infanterie était en 1914, constitué de 3 bataillons. Il tenait garnison à Bar-le-Duc.

Le 94e R.I. fait partie de la 83e brigade d’infanterie avec les 8e et 19e bataillons de Chasseurs, de la 42e division d’infanterie.

 

Merci à Jean-Luc pour le carnet de son grand-père :

 « Quand il a été fait prisonnier, il m'a raconté qu'il avait eu juste le temps de mettre à moitié son masque à gaz et qu'il s'était retrouvé avec la moitié de la moustache verte... maintenant ce sont mes souvenirs d'enfance... »

 

Les noms de villages ont été corrigés – J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. Certains noms de village ont été soulignés volontairement, il s’agit des lieux où passe réellement Clovis BERNIER.

 

Merci à Catherine et Pierre pour la recopie du carnet.

 

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Début du carnet


« Parti de Vertain le 3 août 1914 à destination de Verdun pour rejoindre le 94ème, caserne Jardin Fontaine, en arrivant je reçois l’ordre de me rendre à Bar-le-Duc, le régiment ayant changé de garnison.

 

J’arrive à Bar le 4, vers 11H du matin, je suis versé à la 18ème compagnie du 94ème que l’on prépare pour partir immédiatement sur le front.

Me trouvant en surnombre à cause de mon retard, je suis envoyé à la 30ème Cie de dépôt. Au dépôt, c’est la bonne vie : un peu d’exercice le matin, l’après-midi la partie de pêche dans l’Ornain ainsi que la baignade.

Nous sommes une vingtaine de sous-officiers parmi lesquels 2 à 3 bons chanteurs et musiciens. L’on possède un violon et une mandoline, alors presque tous les jours il y a concert.

Mais hélas un proverbe dit « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ».

Le 20 août

Des ordres arrivent à la place, il faut 1100 hommes de renfort pour le 94ème qui se trouve aux environs de Bazeille au Nord de Verdun. (*)

Aussitôt on prépare un détachement qui est prêt vers midi et une heure après il quitte la caserne pour embarquer. J’ai assisté au départ.

Arrivé à la gare, on s’aperçoit qu’il manque des sous-officiers. Je reçois l’ordre de me mettre en tenue et ¼ d’heure après je suis dans le train qui est arboré depuis le premier jusqu’au dernier wagon (joyeux départ).

 

(*) : Le 94e RI venait de laisser 1000 hommes (dont 20 officiers) sur le champ de bataille de Bazailles (54)

 

Nous arrivons à destination vers 3 heures du matin à Charny-sur-Meuse aux environs de Verdun.

Le détachement passe la journée à Vacherauville, 4 km plus loin, en pleins champs, en attendant le régiment qui arrive vers 5 heures du soir (triste cortège de réfugiés qui marchent à la bonne aventure).

Passent ensuite des troupes en masse, artillerie, infanterie, chasseurs à pied etc. (vu MAZINE et DEBIFFE). Nous nous rendons avec le régiment à Charny. Je suis affecté à la 5ème compagnie (capitaine FOUQUEAU).

Le 27 matin

Départ pour Avocourt où nous restons le 29 pour aller embarquer à Verdun à 29 km (marche très dure, soleil très ardent).

 

Nous débarquons le 30 matin à Guignicourt dans l’Aisne.

Le canon se fait entendre très bien. Nous campons toute la journée et la nuit dans un petit bois à 3 km de Guignicourt-sur-Aisne.

Le 31 août

Départ le matin. L’ennemi est signalé sur notre gauche.

Après 2 h de marche environ, le régiment se déploie rapidement, mais ne rentre pas en contact avec nous. Nous restons toute la journée dans un petit bois et le soir, nous prenons les avant-postes près de St Loup-en-Champagne. Les obus ne tombent pas trop loin de nous.

Le 1er septembre

Nous logeons à La Neuvillette où nous arrivons à 11h du soir après une journée de marche très dure. Nous sommes à quelques km de Reims.

Nous cantonnons quelques jours à La Neuvillette (repos bien mérité) (parlementaires ?).

 

Le 3 septembre

Au matin la division est escortée d’un convoi, nous passons au nord de Reims, longeons les casernes des Dragons et le soir nous logeons à Rilly-la-Montagne.

Ma compagnie est désignée pour prendre la grande garde à la sortie nord de Rilly près du cimetière. Un habitant du pays se présente et nous offre du vin. Il nous dit de prendre des bidons pour en rapporter le plus possible (tout le monde se régale).

 

Vers 2 h du matin, l’ennemi est signalé, nous sommes obligés de partir immédiatement.

Le soir nous couchons à Fulaine St Quentin.

Le 5 septembre

À Broyes (*), toujours après de terribles marches.

 

(*) : Nord-est de Sézanne (51)

Le 6 septembre

Au matin, le capitaine prévient tous les hommes de la Cie que nous allons prendre l’offensive, d’avoir du courage, de bien écouter les chefs.

Le canon tonne sans arrêt. La compagnie se déploie. Un bataillon de mon régiment a déjà chargé à la baïonnette.

Nous venons pour le renforcer, les balles sifflent de toute part et l’on ne voit rien. Des blessés en grand nombre retournent au poste de secours, des morts gisent sur le sol (triste spectacle).

La 3ème section dont je fais partie, commandée par l’adjudant DUFIRE doit occuper une crête en plein découvert. L’on se place tout de suite avec le plus grand dévouement, pourtant l’ennemi l’a bien repéré.

Aussitôt avec des pelles bêches, l’on se construit chacun une petite tranchée, plusieurs camarades sont tués ou blessés. L’on donne l’ordre de nous porter en avant coûte que coûte. Nous marchons et allons occuper un petit bosquet à 300 m de la crête, et la section se pose en tirailleur à la sortie de ce petit bosquet.

L’ennemi est à 200m, les balles sifflent, nous exécutons plusieurs feux, mais bientôt plusieurs groupes de tirailleurs placés à notre gauche en terrain découvert dans un champ de betteraves se replient sur nous. Le mouvement est vu par l’artillerie ennemie qui aussitôt balaie le bois avec ses 77mm.

En ¼ d’heure de temps le bosquet est fauché. La moitié de la section y reste, autant en tués qu’en blessés. Je suis culbuté par le déplacement d’air fait par un obus et reçois un Schrappnel au pied gauche (en dessous) qui me coupe toute la semelle. Je ne ressens qu’une contusion. L’adjudant est blessé mortellement, il n’y a plus moyen de tenir.

On est forcé de se replier. Les hommes se sauvent en débandade. Le commandant qui se trouve derrière parvient à les ramener un peu en ordre et tant bien que mal, la ligne est reformée.

 

Vers le soir de cette terrible journée, pour finir la partie, l’on doit marcher à la baïonnette. Tout le monde se précipite au cri de « en avant ». A peine sommes-nous bien en route que notre artillerie bombarde le bois où se trouve l’ennemi. Nous sommes forcés de nous tapir. On fait passer l’ordre en arrière de faire prolonger le tir de l’artillerie.

Pendant ce temps l’ennemi a disparu.

Le soir arrive, nous sommes mélangés avec des hommes de toutes les compagnies du 94ème RI, des chasseurs à pied. Nous allons coucher dans les écuries du château de Chapton.

 

Nota : Le régiment a eu environ 70 tués, le 6 septembre 1914.

 

Le lendemain matin, un lieutenant (St Cyrien) nous rassemble et nous restons jusqu’au lendemain 8 septembre au matin, heure à laquelle nous avons fini chacun de rejoindre notre compagnie respective.

 Le bataillon est soutien d’artillerie, il y a des batteries tout autour de nous qui ne cessent de tirer. L’artillerie ennemie répond de la même manière, pas moyen de s’entendre causer. Les obus tombent dans nos rangs. Il y a des blessés, des morts, mais on ne doit pas bouger.

La nuit arrive tout de même, la canonnade se fait moins entendre, l’on peut enfin lever la tête. La pluie commence à tomber, il fait un temps de chien, pas d’abri pour nous poser (pendant la nuit réveil inopiné).

 

Le lendemain 9 septembre

7 h, la division reçoit l’ordre d’aller renforcer sur la gauche. Nous détournons sur Sézanne et continuons à marcher.

 

Le 10 septembre

Nous passons à Fère-Champenoise (triste champ de bataille) et faisons part à la poursuite de l’ennemi que l’on ne peut pas rattraper.

A Matougues, le pont placé sur la Marne est sauté, ce qui nous donne du retard. Vite tout le monde s’emploie pour rétablir un passage.

Le génie arrive aussitôt et un instant après il y a un petit pont de fait en planches et un radeau.

Quelques hommes tombent à l’eau. Un sergent est noyé, emporté par le courant qui est très rapide. Je suis heureux lorsque je me retrouve de l’autre côté.

Pendant ce temps les Allemands ne cessent de nous arroser avec leurs Shrapnels, sans cependant nous faire trop de mal.

Le 7ème chasseurs est en avant de nous, comme avant garde.

Nous arrivons à la Veuve, la nuit, par un temps terrible. Les habitants nous apprennent que les Allemands viennent de se sauver à l’instant, comme des lièvres en apercevant les premiers chasseurs. Ils abandonnent des blessés dans la mairie et dans plusieurs granges.

 

Le 11 septembre

Matin continuons la poursuite, passons à Bouzy, il y reste des blessés allemands dans les granges, abandonnés par eux.

Après Bouzy, ma compagnie est avant-garde du régiment. Nous rentrons bientôt dans le camp de Chalons.

Les bataillons sont déployés et marchent par deux et par ½ section pendant toute la traversée du camp. A la sortie, les colonnes se resserrent et je suis désigné pour marcher ave les éclaireurs de tête.

On arrive à la manutention du camp, je passe une visite et je suis tout étonné d’y rencontrer 5 soldats allemands (traînards) qui se laissent prendre sans difficultés. Un officier français arrive (interprète) et reste avec eux. Il les fait conduire à Mourmelon.

Le 12, 13, 14,1 5, 16, 17 septembre

Combats de Baconnes où l’ennemi s’est retranché.

Le 17 septembre

Matin, la division doit attaquer. Nous marchons sous bois presque toute la journée sous une pluie battante.

 

Vers 5 h du soir nous passons au dessus des tranchées françaises. A ce moment l’ennemi se trouve à 400 m. Les balles sifflent, les obus tombent.

Vers 5h1/2, le bataillon attaque.

Ma compagnie reçoit l’ordre de se coucher, au sujet de l’installation d’une batterie d’artillerie placée à 20 m derrière qui doit ouvrir le feu. Les obus rasent presque le sol, ils coupent les branches au-dessus de nos têtes.

Elle tire à 700m.

Les 77mm allemands commencent à donner leur tout et je suis blessé par un éclat d’obus avec 3 hommes de ma section.

Dès que je peux je me fais panser et retourne au poste de secours du 12ème régiment d’infanterie situé à Baconnes.

Il fait un temps terrible, la nuit tombe, nous marchons péniblement pendant près de 2 heures avant d’arriver à Baconnes.

 

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Le 18 septembre

Départ pour Mourmelon (vu TURBOT).

De Mourmelon, nous nous dirigeons sur l’hôpital du camp de Châlons en auto. Nous embarquons pour la direction de Moissac (Tarn-et-Garonne).

Arrivons à Moissac le dimanche 20 septembre.

Je suis soigné à l’hôpital temporaire n° 48.

 

Sorti le 27 du même mois pour le camp de Coëtquidan (Morbihan).

Là, la bonne vie recommence, je suis désigné pour faire l’instruction classe 1914.

Je pars pour la 2ème fois au feu, le 28 septembre, en Belgique.

Couchons à Dunkerque le 30 septembre.

1er octobre

À BERGUES (rencontré le bourrelier de Baudignies : LIÉGEOIS).

2 octobre

À Oost Cappel.

3 octobre

Nous arrivons à Bixchoote où je suis affecté à la 11ème compagnie.

Le 4

Nous commençons la vie de gourbi derrière l’Yser, près de la ferme du Paratonnerre.

Nous recevons la visite des gros noirs tous les jours et sans arrêt.

Nous restons en 2ème ligne jusqu’au 8 octobre au matin.

Le 8 octobre

Départ pour Poperinge où nous cantonnons 2 jours.

Le 10

Départ de Poperinge pour Ypres, nous prenons les tranchées de 1ère ligne jusqu’au 28 octobre.

Nous sommes relevés le 28, on nous conduit au repos à Ypres dans les casemates (porte de Lille).

Le lendemain la division doit aller au repos dans la Somme.

Le 30 octobre

Départ d’Ypres pour Vlamertinges.

Le 31

Couchons à Cassel pour 2 jours.

Le 2 janvier 1915

Départ de Cassel pour embarquer à Hazebrouck à destination d’Ailly-sur-Noye où nous arrivons le 3 au matin.

D’Ailly nous avons cantonné à Jumel jusqu’au 11 à midi (repos assez bien mérité).

Le 11 janvier

Nous embarquons à destination de Givry-en-Argonne où nous couchons 3 jours le 11, 12, et 13.

Le 14 nous logeons à la Neuville-au-Bois.

Le 16 janvier,

On nous conduit en autobus jusqu’à Florent. Nous passons à Ste Menehould. On reste à Florent jusqu’au 20 au matin.

Le 20 janvier

Nous allons prendre les tranchées de 1ère ligne dans les bois de l’Argonne au lieu dit « La Fontaine-Madame » près de La Harazée. C’est le 162ème que nous relevons, il est midi.

Pendant la relève les tranchées sont arrosées d’obus. Ma compagnie a une mission d’honneur à remplir. Nous sommes dans une position très critique. La tranchée que nous occupons à la forme d’un V. La pointe qui est rapprochée des tranchées ennemies est tenue par ma section. Nous avons un triste début. L’adjudant est blessé grièvement ainsi qu’une quinzaine d’hommes. Il y a plusieurs morts également tant du 94ème que du 162ème.

Le reste de la journée n’est pas plus calme. Nous sommes bombardés continuellement, mitraillés et repérés de partout.

 

Le soir, une section de la 10ème Cie vient remplacer la notre qui est presque anéantie (triste spectacle). Les brancardiers ne vont plus assez vite pour enlever les blessés et les morts restent dans la tranchée couverts de boue.

Le 21 janvier

Le lendemain la section de renfort a subi le même sort. On appelle à l’aide une deuxième fois. C’est une section du 8ème chasseurs qui vient à notre secours. Le lieutenant commandant de la compagnie nous donne l’ordre de réparer le parapet qui est complètement démoli par la mitraille. L’on se met au travail en profitant de la nuit.

Le 22 janvier

Au matin, à peine le jour est-il venu, que l’ennemi recommence à mitrailler sans arrêt jusqu’à temps que le parapet soit à nouveau démoli. La position est intenable. Mais d’après les ordres il faut tenir coûte que coûte. Les bombes ne cessent de tomber, il y a encore plusieurs morts.

 

Vers 9 heures du matin, nous sommes attaqués à la baïonnette et l’ennemi se sert de bombes asphyxiantes. Il n’y a plus rien à faire d’autre que de se rendre. A peine avons-nous tiré quelques coups de fusil, que les Allemands sont dans notre tranchée (triste quart d’heure).

Nous sommes prisonniers.

L’on nous conduit à travers bois.

A certains endroits nous avons de la boue jusqu’aux genoux. Le premier pays où nous entrons est Apremont.

 

Le soir, nous couchons à Cernay.

Le 23

À Bayonville, le 24 et 25 janvier à Stenay.

Le 26

Nous embarquons à Montmédy pour Giessen où nous arrivons le 27 à 4 h du soir.

Le 15 avril

Départ de Giessen pour Quedlinburg, arrivée le 16 au matin.

 

Désigné pour partir le 27 mai pour le camp d’Hameld, 15 jours plus tard pour Hahn.

 

Parti le 19 juin pour Werben, arrivée vers 3 h du soir.

Werben est un camp de représailles. L’on est conduit à coup de cravache. Il faut travailler à la terrasse.

Le 27 juillet

Nous quittons Werben à destination de Salzwedel.

Arrivée le même jour.

Le 4 août

Départ pour Nendorf, gare destinataire Obisfelde. Nendorf est situé à 5 km.

Pendant 6 semaines je travaille dans les bois à couper une sorte de bois pour en faire de la poudre.

Ensuite, j’ai travaillé dans plusieurs fermes jusqu’au 1er janvier 1919.

Le 2

Départ pour Gardelegen.

Parti du camp pour rentrer en France le 9.

Passé par la Hollande, Enschedé, Engelot et ensuite Rotterdam pour embarquer à destination du Havre, navire marchand « Nirvana ».

 

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