Publication :
Mai 2010
Mise
à jour : novembre 2024
Henri, à droite, avec un sergent inconnu.
Prologue
Alain COMANDINI nous dit en mai 2010 :
« Comme
vous je suppose, l'intérêt de nos travaux est bien de transmettre la mémoire de
nos anciens, en découvrant l'histoire du carnet d'un oncle à mon beau-père
instituteur, j'ai vu que je ne savais pas grand-chose de la guerre de 14-18 et
donc cela m'a incité à fouiller d'ailleurs votre site m'y a éclairé notamment
sur les batailles. J'ai recopié le carnet tel quel pour préserver l'authenticité
et l'esprit du moment. Je l'ai traduit tel quel mais certains noms sont
illisible du fait du crayon papier et du temps et je vous le confie »
Contacts avec des internautes depuis la mise en ligne (en 2009) :
Caroline ARSENEAU, contact en avril 2016 :
« Bonjour. J’ai en ma possession le
journal du soldat Adrien Saby du
122e régiment d’infanterie. Dans son journal, il mentionne le décès d’Henri Bleys le 28 octobre. On peut lire : le
sergent Bleys a reçu une balle à
la tête et a succombé dans la nuit… J’ai pensé que ça vous
intéresserait. »
Yves THERON, contact en novembre 2012 :
« Bonjour. Juste un témoignage. j’ai lu
sur internet le carnet d’Henri Bleys . Mon grand-père maternel Odilon LEYGUES (aveyronnais) a
fait partie du 122 régiment d’infanterie. Il a eu la
chance de revenir de cet enfer. Je suis dépositaire de ses citations et de sa
croix de guerre ainsi que d’un petit livre qui relate le vécu du 122eme. »
Alain
SALLES, contact en
février 2011 :
« Je m'appelle Alain SALLES et j'habite Valdériès, dans le Tarn, chef-lieu de canton dont fait
partie la commune de Saint-Jean de Marcel. Et je fais un travail de mémoire sur
les poilus morts pour la France. Quelle n'est pas ma surprise de trouver ce
carnet d'Henri BLEYS ? Êtes-vous un de ses descendants ? Auriez-vous des photos
de lui ? Des lettres ? Des médailles ? »
Remerciements
Merci à Alain pour le carnet.
Merci à Philippe S. pour les
corrections éventuelles et certaines recherches.
Nous avons ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin »
dans l’analyse du récit. Pour une meilleure lecture, j’ai volontairement ajouté
des chapitres, sinon le reste est exactement conforme à l’original.
Introduction
Henri Germain Julien BLEYS est né
en juillet 1891 à St Jean de Marcel (Tarn). À son incorporation, il déclare
être élève-maitre et est intégré au 122ème régiment d’infanterie de Rodez.
Caporal, puis sergent en octobre 1913, il débute logiquement la guerre dans ce
régiment en août 1914.
1er Escouade :
FERREOL
LACAM
SENTI
LABADIE
FERRE
SABAU
REY JULES
GUILHEM
LESCURE H
BAUMEL
ARQUIER
URIBAUT
JAU
ROUSSEL
ELBAILE
SUDRE
COMBY
2é Escouade
CARME DELOR
RANEL
PASTRE
COMBES P
RAYNIER
ROUQUETTE R
SALLES
FAURE A
CHAOEFAUX
INGUIMBERT
DELRIEU
TEISSANVIER
VALIERE
MAURIES
VIALARS
PORTES
MAZARD
3é Escouade
GIROU
BUZET
VIGNOLLES
NEGRE FRANÇOIS
CALVIGNAC
TARISSE
VIDAL
FABRYAL
GARRIGUES
JUSTE
LARUE
PERIFARE
BORIES
COMBES L
4é Escouade
DELBOSC
FRAISSINE
FABRE S
AURIOL
DURAND
ASSIE
CORMARY
GALONNIER
BRUGIER
GAUBERT
VIALAS
MILLET
LACOMBE S
ROC
TRUILHET, Brancardier
ASSIE RENE, Cuisinier
CAVALIE
Début du carnet
Depuis mercredi soir, en voyage par Albi, Carcassonne, Montpellier, Lyon, Dijon et Mirecourt où nous avons débarqué.
Pas souffert du voyage.
Grand enthousiasme des populations, bonnes nouvelles de la guerre. J’ai beaucoup de courage et très bon espoir pour la victoire. Quant au prix, je n’y pense pas ; je pense très peu à ma maison et je ne me fais pas l’idée que je ne pourrais bien ne pas y revenir.
Samedi à 10h du matin.
Descendu à 10h du matin en gare de Méricourt et cantonnement à 4km Puzieux. Passé le dimanche en repos. Mlles Mathieu très gentilles.
Dentelles.
Départ lundi 10, à 5h à Bayon pour Lunéville. Journée chaude et très fatigante.
Les hommes tombaient en masse. A.P. vers Lunéville dans un village à
Bonne nuit dans une grange, lait à volonté et bière. Pas de pain ni œufs.
Très courbaturé, blessé aux pieds, on attend l’ordre de départ vers Lunéville.
Nègre François, Nègre Elie, Calvignac, Assié se portent à peu prés bien. (*)
Quand on est bien
fatigué, on a aucun instinct agressif, on se laisserait tuer assez facilement,
surtout quand on est découragé..
Le mardi 11 on est à Brémoncourt. On est content et joyeux. Avec de l’argent on
trouve de la bière, du lait.
Jour de repos, demain départ à 4 heures.
État-major de la division ici. Maisons et villages très propres. Soins minutieux aux jardins.
Départ 4 heures, arrivé à Lunéville à 10h30 avec grosse chaleur. Vu 56é artillerie, Fournials en route.
Gens de Lunéville nous ont donné du vin, des melons, des conserves de la bière.
Très contents, pays boisé de pins, forêts comme à St Maur (Joinville). Soif accablante.
On entend le canon assez près. Bientôt nous lutterons, tant mieux.
On s’habitue à
tout, même à la mauvaise vie que l’on mène. On est sale, fatigué, les pieds
blessés, découragés.
Parfois on n’est pas trop sûr du temps et il faut faire la cuisine le plus vite
possible. D’autres fois on est content et l’on rie.
En somme on n’a pas peur de la guerre, non, mais les fatigues abattent le moral.
Nous couchons à
l’usine Lorraine Dietrich (autos, wagons). Nous sommes bien, on dirait un marché
couvert.
Ah ! La guerre c’est autre chose que les grandes manœuvres, on vous menace de
la mort, on est rude, mais tout est sacrifié par avance et l’on s’en fou.
Arrivera que pourra.
Reverrons-nous St Jean et Carmaux ? C’est douteux.
Nous allons dormir à la musique du canon. Les lettres n’arrivent pas. Pourquoi écrire ?
Repos à Lunéville. Vu château et hôtel de Ville.
En marche vers
l’est, on a touché les cartouches de la voiture à munitions de la compagnie. On
entend le canon à 8h du matin, on se prépare au combat.
Enfin nous en verrons des Prussiens ?
Il nous tarde de tirer le fusil et je suis très heureux d’être ici à la guerre.
Vu le général de
division Vidal très calme.
Toujours beau temps depuis Rodez, car on s’est embarqué avec la pluie.
Nous avons fait vers l’est puis vers le nord-est la marche sous le feu de l’artillerie; un fort nous protégeais à droite mais pas vu
d’obus.
Marche par la chaleur pénible, avons trouvé d’abord chevaux morts puis
cavaliers allemands tués. C’est triste à voir on supporte les méfaits de la
guerre un instant puis on repart plus agressif que jamais.
Maintenant nous attendons derrière une crête dans un bosquet devant nous, à cent mètres, le 56éme d’artillerie de Montpellier placé en batterie.
Léon Bousquet est venu nous voir car la 3éme batterie est là devant nous.
Depuis ce matin, nous sommes bourrés, farcis de cartouches, ce qui nous épuise, mais on peut en avoir si besoin qu’on ne s’en séparera pas.
Des soldats
fatigués préfèrent jeter leur veste (Mauriès)
ou les souliers qui sont sur le sac.
J’écris au son du canon, là devant moi c’est pas mal cette cadence mais gare si
ça pleut sur nous. En tout cas je n’ai pas peur encore, il est vrai que je n’ai
rien vu excepté quelques morts Allemand.
Mon fusil est plein de cartouche et l’on peut se défendre et mieux attaquer. On
ne pense à rien encore on n’a pas souffert de la faim de la soif ni du froid ni
de la pluie.
On ne peut qu’être content.
Quelle vie, sale, campestre, sans confortable, que l’on mène tout de même. On serait mieux chez soi et l’on ne pousse plus de cris « A Berlin » car s’est trop loin trop pénible et bien dangereux.
On pense très peu à la maison où à son passé. Que doit faire ma mère, mes sœurs ? Camille n’est pas parti encore (classe 14) mais cela m’est égal.
Reviendrai-je chez moi ?
Ca m’est égal, je n’y pense pas et je n’y ai pas a y penser.
Ceux de chez moi, Calvignac l’aîné, Nègres François, Fabryal, pensent comme moi sans doute.
Et cela ne finira
pas d’ici trois mois cette vie de brute et de sauvage mais tant pis il ne
faudrait pas mourir en Allemagne car c’est trop loin.
Sous une rafale d’artillerie allemande on forme une carapace on a chaud mais on
rigole car il n’y a que des sifflements et pas d’atteints. On est bien reposé.
8h30 : toute la soirée nous avons été sous les rafales, on suait on se pressait, de temps à autre on voyait un blessé aller en arrière. L’un avait la capote percé l’autre un bras ensanglanté etc..
Des morts aussi,
3 à la 5e compagnie, 60 blessés, 15 morts dans le régiment. (*)
C’est pas mal
pour un début on entendait venir les obus, l’on fourrait le nez dans la terre
et ils éclataient aussitôt l’on regardait où il avait porté et s’il le fallait
on changeait de place.
L’artillerie ennemie tirait sur le 56e d’artillerie que nous soutenions aussi
nous en avons pris, on aurait dit l’orage avec sa grêle et son tonnerre.
Ce n’était pas gai mais on riait quand même les artilleurs n’ont eu qu’un mort,
en somme beaucoup de bruit pour peu de mal. On respirait quand les rafales
étaient passées et maintenant que nous sommes à la nuit, cantonnés dans le
village d’Emberménil nous sommes tout à fait heureux.
Dans la nuit, on entend le canon.
Les boulets sont
traîtres pour nous. On n’y voit rien, on n’est caché dans une vallée et l’on
nous trouve quand même.
Le bel entrain se refroidit un peu devant la réalité. Non parce que l’on
tremble, non, mais on risque sa vie et il faudrait revenir chez nous.
Encore nous ne
sommes pas à Berlin et si cela continu nous allons payer cher le voyage.
Demain 15 août, Samedi fête à Moularès, Y
pensons-nous que c’est l’Assomption ? Pas beaucoup.
(*) :
Le journal des marches et opérations (JMO) du régiment signale « 14 tués, 27
blessés et disparus ». On devine donc ici qu’Henri BLEYS est sergent à la 5e
compagnie, donc au 2e bataillon du 122e RI.
Nous nous préparons à la grande bataille ; autour du village d’Emberménil, nous faisons des tranchées.
Il menace de
pleuvoir, hier soir nous n’avons rien touché pour manger.
Aujourd’hui Grt ??
Ils sont arrivés
vers 8h30, on est reparti sans entrain sans courage et bien à regret l’on
s’attend à une rafale comme hier.
Alors on se demande avec peine le nombre de jours que l’on a à vivre. Mourir
aujourd’hui plutôt que demain. Le courage tombe devant la réalité et je vous
assure que c’est bien triste de voir tomber des obus sous son nez.
Pauvre fête de Moularès, où es-tu ? Et moi qui
pensais à prendre huit jours de congés.
Hier soir vu Léon Calvignac du 81e de Digne
n’était pas fier non plus. Toute gaîté était tombée et quand on se remplaçait,
on se couchait de suite.
Si on entendait siffler un obus qui venait éclater près de nous. Nous étions bien repérés. Mais ils ne sont pas très meurtriers, il est vrai qu’on ne nous voyait pas.
Ils ont les obus fusants à la mélinite qui éclatent à 10m de haut, trop haut, à fumée blanche et les obus percutant qui touche terre en éclatant avec une fumée noire.
11 heures, le calme est revenu dans les
esprits encore on n’a pas vu d’obus ni balles. Toute la journée dans un bois où
nous avons eu l’ordinaire de la veille à 11 heures.
Ce bois, vu la pluie, a été abîmé en partie (car il était jeune) pour faire des
cabanes. On a fait une tranchée en avant du bois en cas d’alerte.
Ce soir, on est parti vers Avricourt
et l’on s’est arrêté pour la nuit au village de Leintrey.
On voit sur la
route des sacs pillés et abandonnés. Une escarmouche s’y étant livrée la veille
au matin pour chasser les cavaliers Allemands.
Le fort de Manonviller leur fait parfois une chasse effrénée. La gaîté est
revenue car on ne se sent pas en danger imminent. On rigole des feux de
l’artillerie que nous avons essuyé mais on ne voudrait
pas y revenir.
Encore nous ne sommes pas sortis de France et je n’ai pas vu un Allemand vivant.
C’est bien ennuyeux d’essuyer son feu d’artillerie lourde et de le subir sans riposter, maintenant il est muet, il pleut.
Nous sommes dedans à l’abri mais nous voyons les feux de troupes dans la campagne sur leurs positions et il pleut beaucoup et sans cesse. Comment ne pas devenir malade ?
Jour pluvieux
poussé vers Moussey pas de vivres touchés à 6 heures du soir pour la journée.
Nous sommes en Alsace, en pays allemand, Avricourt est au sud-est, nous semblons
aller sur Sarrebourg. Ici on prend des précautions infinies pour se garder de
surprises de l’ennemi.
Les bois de pins sont épais et difficilement franchissables, des forêts
impénétrables (sangliers). Les cultures périssent, blés, prairies artificielles.
On trouve toujours des chevaux morts.
Nous sommes
arrivés au canal de la Marne au Rhin, les Allemands reculent et n’opposent pas
de résistance nous avons tiré sur un aéroplane Allemand.
Cantonnés ce soir vers le nord-ouest à Remoncourt, village français, dans
l’école.
De Remoncourt à Rhodes par Maizières
où nous avons cantonnés bien accueillis quoique
Le soir à 5 heures, on a entendu au nord-est le canon et la fusillade, des Allemands semblent reculer de la pluie et peu de fatigue.
À Lunéville on a
été bien reçu ainsi que partout sur notre passage, tant en chemin de fer qu’en
Lorraine.
On nous soignait comme des malades ou des condamnés.
Aujourd’hui, nous avons attaqué les Allemands au fusil dans le village de Loudrefing, nous avons été pris près d’une voie ferrée par côté. Il a fallu reculer car il y avait les deux régiments ennemis.
C’était une peur générale dans ce bois séparés du bataillon, nous nous sommes retirés vers le sud, conduit par la boussole.
Perdus, nous avons campés dans la forêt.
Au petit jour du
19, on repart et l’on rencontre les A.P du 81é, alors nous faisons le café qui
nous ranime et nous revenons dans un village allemand conquis où était notre
régiment.
La panique au feu est telle que l’on se tirait parfois entre deux régiments
français. (*)
Hier il pleuvait maintenant le soleil nous égaye.
(*) : Le JMO signale « 540 morts, blessés ou
disparus »
Nous croyons bien hier y rester, il n’y a eu qu’un mort pour notre compagnie.
Le 3e bataillon a été décimé. Autour du village de Bisping.
Nous couchons sur nos positions dans les tranchées avec de la paille. Bonne nuit de repos j’étais près d’une mitrailleuse avec le lieutenant Lupiac. (*)
(*) : Le Lieutenant LUPIAC est le commandant
de la 2e section de mitrailleuses.
Réveil par la fusillade à notre droite, on s’est déplacé, on a été voir et je n’ai encore rien vu ; on tire sans qu’on voit un Allemand.
On se figure lui
faire peur de cette façon là.
Cependant deux corps d’armée sont à notre droite et à notre gauche avec l’ordre
d’avancer. Nous nous avons l’ordre de reculer afin de couper et de cerner
l’armée allemande dans les bois qui sont devant nous.
Alors nous battons en retraite.
Le 322e régiment de réserve du 122e est arrivé hier avec nous.
Avant de livrer
un combat sanglant, une boucherie sans nom, on veut prendre des positions
favorables.
On voit des blessés des morts mais maintenant on n’y fait plus attention. La
figure pâle ne fait pas peur et son camarade tombe sans qu’on s’en occupe le
moins du monde. On est sacrifié, aucune douleur ne nous touche ; on pense à soi
et à la victoire.
On recule avec
regret et cela décourage.
Ligne de feu, on est énervé et agacé, beaucoup tremblent, alors on se tire très
souvent entre Français.
Heureusement que l’on se tire haut et que l’on se touche très peu. On tire énormément de balles et on ne voit rien. C’est bien difficile d’empêcher ce gaspillage de munitions. Les Allemands ont peur de nos canons à tir rapide juché devant moi.
2 heures. Etant en réserve, je vois les obus éclater à 800m et j’entends la
fusillade.
Le village du Nord au devant de nous va être pris, c’est ce qu’il faut. J’ai vu
Germain Bousquet, Miailhe et celui de Bar, forgeron.
Déjà 18 jours après la mobilisation et l’on n’a rien fait ; on se tâte, encore
on n’est pas à Berlin…
On s’habitue à recevoir des boulets des balles etc.
Et l’on n’en fait pas cas.
On s’habitue décidément à tout et un coup de fusil qu’on vous tire à bout portant vous regardez indifférent et vous continuer votre mission.
On se promène d’un côté et d’autre puis très fatigués le soir on se heurte à une embuscade allemande.
Nous sommes en
tirailleurs sur une croupe au-delà d’un village.
Les obus nous pleuvent devant, derrière et même notre artillerie, celle qui
nous fit le plus de mal (25 morts) nous tire dessus.
Devant on reçoit le feu des mitrailleuses ennemies.
Bien placé, on tire quand même sur des attelages qui fuient et des hommes que l’on voit peu. Il faut reculer mais c’est très dangereux. On se lève. Beaucoup tombent blessés aux jambes. Je reste après les autres et je recule sans trop de danger par bons courts et rapides. La débandade se produit le bataillon est éparpillé dans un pré la mitrailleuse nous vise mais aucun blessé.
On rentre dans un bois et l’on recule beaucoup en arrière après avoir rassemblé le bataillon. Les blessés sont restés aux mains des Allemands Fabre L., sergent blessé, Cathala E. mort (*), Ferreol caporal prisonnier, Chambur blessé.
Poursuivis toujours on marche vers la frontière toute la nuit sans repas sans pain.
(*) : CATHALA Emilien Victor, sergent au
122e RI, mort pour la France à LAGARDE, le 20 août 1914, tué à l’ennemi. Il
était né à Carmaux le 16 novembre 1888.
L’on se trouve un
cantonnement au nord de Lunéville à
Repos oui mais
dès 6 heures grande lutte beaucoup de mort de blessés. Lunéville. Retraite en
déroute très découragés nombreux prisonniers on s’est reformé à
(Dans la marge une inscription en violet
au lieu du crayon gris Pailhous
M.)
Et l’on attend la
nuit pour se replier. L’on s’en est allé et l’on a cantonné à Rayoncourt (*) où l’on était déjà passé à l’allée.
Le régiment battu est découragé parce que fatigué. Les Allemands se sont
conduits en bandits, ils ont bombardé Lunéville.
Heureusement que nous recevons du renfort pour les arrêter.
(*) : Rayoncourt n’existe pas. Le JMO indique Brémoncourt
pour les 1er et 3e bat, et pour le 2e Bat une contre-attaque sur la ferme de la
Rochelle (près de Bienville-la-Petite) avant de se
replier sur Bayon par Lunéville : il doit donc s’agir soit également de Brémoncourt, soit de Méhoncourt,
deux seuls noms approchant et où de plus ils sont passés à l’aller les 10 et 12
août.
Extrait du JMO de ces journées tragiques
Cliquer pour agrandir
Retraite vers Bayon,
nous sommes renforcés ce qui fait que les Allemands ne nous poursuivent pas.
Bayon-sur-Moselle, hier soir nous y avons fait une pause.
Couché à
Mangonville, levés à 4 heures nous retournons penaud vers Lunéville. On est si
fatigué, on est si découragé que l’on pense revenir au feu sans courage et avec
regret. La défaite tue, éprouve les forces, tous faisons des tranchées à
Le canon tonne violemment, on craint de notre part, une débandade comme le soir
de Lunéville. Le soir de la sinistre déroute.
Alors on abandonne ses tranchées pour d’autres troupes et nous allons en
réserve à l’est de Bayon qui est là sous nos yeux.
Des troupes fraîches doivent avoir arrêté l’ennemi car à 3 heures le canon s’éloigne et la gaîté nous reprend. Nous sommes prêts à combattre.
(*) : La ville
à 2km à l’est de Mangonville est Villecourt
(JMO).
Ce qui est
triste, c’est que Pailhous
(Albert) a été tué par un obus, Calvignac
(Jean Hippolyte) (*) a eu le
ventre ouvert aussi ce sont les premières victimes de notre pays pour cette
ignoble, cette maudite guerre et cela me rend triste.
Je les plains moi qui ne craignait rien, qui ne pensait à rien et je songe que
la guerre va être longue et que la mort s’est le moindre malheur qui puisse
nous arriver Nègre François, Fabryal, Valat et Assié
sont encore debout ainsi que Puech
des Ginestes.
Mais on n’a pas
revu Nègre du Vern
(**) depuis la trahison des
habitants du village. Nous avons tiré sur des Allemands et reculés précipitamment.
Voilà les premiers désastres de cette boucherie.
Ceux qui restent,
retrouverons-nous notre pays et nos fiancées ?
Le Sergent Roux blessé hier, Cathala mort, Deschamps, Ferreol
disparus.
Capitaine blessé à Lunéville très peu, sous-lieutenant Brun disparus, Aquatelle ?? adjudant blessé au bras par un obus, tel est le bilan odieux de ce début de campagne. Chambur blessé, la 6éme et la 5éme reforme plus qu’une compagnie à quatre sections. C’est triste la guerre quand on est découragé, il nous faudrait quelques jours de repos et de calme.
Je pense souvent à ma mère et mes sœurs.
Je suis triste de voir que Camille va être appelé avec la classe 14 et qu’il sera tué s’il va au feu, le malheureux. Il semble avoir du courage pourtant mais quel malheur pour ma mère et mes sœurs si il y reste. Il n’ira pas, nous repousserons les Allemands, ils le sont déjà.
Oustry m’a écrit, Pauline aussi
et ces lettres me rendent triste. Je les conserve précieusement et je les
remercie beaucoup. Aussi je leur dit toute la vérité et je leur réponds
longuement.
Quant à Rose je suis indifférent, et je n’y pense guère. Il y en a d’aussi gentille qu’elle et je suis tranquille de ce côté-là.
Nous sommes restés en ligne les sections par 4 depuis dix heures jusqu’au soir, en réserve sur une pente apposée au soleil. Nous sommes rôtis et personne ne se plaint maintenant.
5h30 : tous contents.
(*) : PAILHOUS Albert, soldat du 122e RI,
mort pour la France à Sionviller (54), le 22 août
1914, tué à l’ennemi. Il était né à Andouque
(Tarn) le 1e septembre 1892.
(*) : CALVIGNAC Jean Hyppolyte, soldat du
122e RI, mort pour la France à Bisping (57), le 18 août 1914, tué à l’ennemi.
Il était né à Andouque (Tarn) le 12 octobre
1890.
(**) : NèGRE
Élie, soldat du 122e RI, mort pour la France à Sionviller
(54), le 22 août 1914, tué à l’ennemi. Il était né à Carmaux (Tarn) le 16 avril
1892.
On est en réserve, on a pris toutes les dispositions pour la bataille. Les Allemands sont repoussés un peu.
On revient en arrière et l’on cantonne dans un pré autour d’un village Clayeures
Hier, les Allemands ont été repoussés à la baïonnette et par nos canons.
Le soir, une dégringolade de coups de
canons les a poursuivi, délogés des bois et mis en fuite.
Les cuirassiers se préparaient à les charger. Pas de mort chez nous (80ème)
seulement des blessés. Il parait qu’ils sont cernés ; hier ils ont peu joué du
canon.
Aujourd’hui on les a poursuivis dans les bois mais on n’a guère tiré que des
coups de canon. Il a fallu jouer et danser avec eu sur quelques crêtes où des
rafales violentes s’abattaient. Mais aucun atteint.
Vers midi, Larue, Combes
sont blessés par deux obus et Faurés
beaucoup à la tête.
Tout ce soir au dessus de nous on entend le sifflement doux des obus des deux
artilleries ennemies.
Cela fait que nous avons dormis tranquilles jusqu’à 5 heures du soir. Alors on
se prépare à avancer ou à prendre des positions à la faveur de la nuit.
Nuit passée sur place, dans la forêt avec la pluie.
Mauvais repos et fatigué.
Pas de combat encore à 6 heures. Les Allemands seraient-ils retirés ?
Tout le jour duel d’artillerie mais repos pour les fusils. Nous sommes restés sur place dans la forêt couchés sur les gerbes d’avoine dans des cahutes avec des branches vertes.
Tout calme le matin, quelques coups de canon français qui n’ont pas de réponse.
Hier on a vu une section d’Allemand écrasée par un obus français.
Mais après on a avancé et nous avons été criblés d’obus dans un village où Nègre Elie a été tué à une houblonnière, puis on s’est déployé mais les obus nous rasaient et les Allemands nous ont fait reculer.
Deux hommes restés en place ont été pris désarmés et fouillés ; on leur a tout pris et on les a renvoyés à nous.
Ils prenaient les blessés et les faisaient boire. Beaucoup de morts et de blessés.
Vu Durand M et Fournil du 81éme.
(*) : Le
village où a été tué Elie NEGRE est annoncée être Haudonville.
Voir
sa fiche.
La forêt (*) où nous étions, sent à charogne à cause des morts, hommes et chevaux ; les routes sont pierreuse grattées par les obus.
Je viens de coucher dans un petit village mais pas avec mon régiment à Franconville.
Hier, bataille d’A Gerbé à Gerbéviller où Nègre Elie fut tué.
Repos. Les Allemands sont cernés.
Reçu le 122ème de
dépôt. (**)
(*) : Il s’agit des bois au nord-est de
Moriviller (JMO)
(**) : Le 122e régiment d’infanterie reçoit
mille hommes de renfort qui viennent du dépôt du régiment. (JMO)
Avec débris, 6e
formation d’une compagnie de réserve avec dépôt. Avons couché à la belle
étoile.
De bon matin dans le brouillard on est canonné.
On saute une
rivière sur des passerelles du Génie et notre compagnie va soutenir
l’artillerie au-delà d’un village.
La batterie partie, on recule et je reste avec une compagnie du 142e (*), bien abrité. Abandonnés et
cernés il faut battre en retraite.
Derrière il a plu des obus, mais aucun mal.
La journée a été chaude sur toute la ligne et nous avons un jour vers Bayon.
Les villages sont incendiés, démolis les campagnes dévastées. Les gens effrayés c’est pitié que la guerre.
(*) : C’est exact, le 142e RI était présent,
ce jour, avec
le 122e RI
Perdus, pas de 122e qui est dit-on à la Hongrie. (*)
Avons couchés dans une grange d’un village, Remenoville démolis et brûlés en partie par des obus.
La bataille continue de bon matin avec le brouillard.
Quelle horreur que la guerre, tout est ruines et deuil. Les cadavres non enfouis sentent. Repos quand même.
Quelques obus reçus.
(*) : Le plateau de la Hongrie se situe dans
le secteur de Géberviller.
Le JMO du régiment signale ce jour des
scènes de « désordres » du régiment. Pour ne pas dire panique ?
Compagnie complétée par dépôt et soutien d’une batterie d’artillerie comme avant-hier.
Repos sans recevoir de boulets.
Fusillade pendant la nuit peu tranquilles, et coups de canon mais aucun n’a porté.
Soutien d’artillerie et repos tranquille.
Les deux armées sont en face et se tiennent défensive ; aucune n’attaque. La campagne est dévastée, les villages et les villes incendiées, les gens ruinés.
Il faut qu’ils abandonnent tous ce qu’ils ont et partent.
C’est affreux.
Le 2e bataillon du 122e RI (le bataillon
d’Henri) est positionné dans les tranchées sur la rive droite de la rivière
Mortagne à Gerbéviller.
Soutien du 56e d’artillerie.
Lettre de Pauline et d’Oustry mettent 7 jours pour venir. Reçu bonnes nouvelles de Bonafé de la maison et de Carmaux.
Beau temps ici
mais nuits froides. Pas trop froide tout de même. Lièvres, biches perdreaux et autres
oiseaux effarés.
Nuit dernière calme douce et sereine, lune triste et lascive et on ne peut
rêver.
Repos relatif depuis quelques jours, les sentiments tristes me reprennent et je voudrai revoir les miens et mon pays.
Nuit sur paille tranchée sous capote en guise de couverture chaude et douce. Quant à la paix le repos la gaitéon est fatigué de la guerre.
Vers dix heures, quelques obus cherchant notre batterie tombent assez près. Une 40e de mètre.
Les femmes allemandes et celles de l’est sont décharnées plates et blondes très peu de jolies, à peine agréable voix chantante pas de brunes mignonnes.
Nuit agitée et troublée par la fusillade nocturne. Des coups de canons.
C’est lugubre et
triste.
La guerre sera longue et meurtrière.
Nous reculons un peu. Je regarde devant moi, où on se bat, je ne vois rien,
mais des coups de feu s’entendent. On fait la guerre sans se voir.
Pas d’artillerie.
Ce soir isolé du régiment.
Nuit calme et tranquille toujours soutien d’artillerie quelques obus.
Nuit froide quoique sereine.
De bon matin, je vais m’étendre au soleil encore je peux jouir de la douce chaleur. Reviendrons-nous voir nos mères, nos sœurs et nos amours ?
Journée s’annonce belle.
Depuis quatre jours pas d’artillerie.
On va chercher le régiment fondu 122e active et dépôt avec 322e réserve.
Ce soir, prenons A.P. (*)
(*) :
A.P. : Avant-postes
Nuit passée au A.P.
Coups de canons continuels.
Dormi dans la tranchée, le matin à 5 heures un peu de pluie pas propice pour se battre !
Soleil Lutte obus vive mais pas atteints. On ne peut attaquer les Allemands dans les tranchées. Ils n’attaquent pas. Peu de coups de fusil.
Vers deux heures, calme de 3 à 4 heures
notre artillerie à battu le bois à 300m en avant de nous, mais les effets sont
terribles la terre vole à
Et les explosifs ne manquent pas ! C’est affreux.
Combat de nuit ! Oh bruit affreux !
Des projecteurs dans la pluie et le canon faisaient effet tonnerre et éclairs. Bombe magnésium faisait peur. Coup de fusil mais on a résisté.
Nous sommes mouillés. Mauvaise vie (pain et eau), mauvais repos, mauvais temps.
Gerbéviller à ma gauche est en ruines (5000 H) on se sèche dans la tranchée dans la boue.
Le soir une petite attaque, peu de blessé.
Nuit passée à la lisière nord-est de Gerbéviller dans les tranchées sur le bord de la route encaissée.
Pas trop froid, mais quelques coups de fusil et canon.
Tranquilles le matin.
Ce village est déchiqueté ; il était plein de cadavres.
Les Allemands ont tiré 4 coups d’obus explosifs sur la croix rouge, les bandits ! L’église fait pitié.
En face le village au nord de nos lignes, un pré est parsemé de nombreux morts qu’on a pu enlever depuis le 28 août.
Hier attaque de nuit, le matin pas de trace d’Allemand, ils ont fui dans la pluie.
Quelle mauvaise nuit !
Du froid et de la pluie on grelottait.
Vers huit heures je bois avec délice un rayon de soleil. Je suis bien fatigué. Nègre A, Assié, Fabryal les trois Puech vont bien.
Hier, les
Allemands se sont retirés, on avance de
Pluie et repos momentané bien fatigué.
Le fort de Manonviller fut pris le deuxième jour après Lunéville et hier il l’on fait sauté après avoir pris canons et vivres.
(*) : Situé à l’est de Lunéville.
Repos et pluie à Croismare.
Temps sombre.
Idem
Passé par
Lunéville, St Nicolas, cantonné à Laneuveville à
Pluie et boue.
Départ de Laneuveville. Devant Nancy à midi.
Pluie ou ciel orageux.
Toile de tente protège bien. Allemands pris par le nord de Lunéville avec menace d’encerclement. D’où retraite désordonnée.
Depuis le 18 à Nancy, très bonnes gens bien soignés.
Départ ce matin à
8 heures Mlles Marie-Louise, Jeanne Marie me pressent rue du Faubourg des 3
Maisons.
Veuve Javelos Rue …’’………….N°81.
Mardi vers Toul puis vers frontière.
Marche vers Allemands.
Coucher dans tranchée à Manonville.
Beau temps et pluie.
Passage dans la réserve de l’armée active. Libération classe 1911.
Hier coups de canon assez éloignés.
Repos aujourd’hui soleil le jour mais nuits bien froides.
Coups de canons proches.
Coups de canon. Soleil bienfaisant et adoré.
Soldat Jupille d’Albi tué, Capitaine Treuille blessé légèrement, coups d’artillerie lourde 7 blessés.
Lettre de Rose et réponse.
Avant poste mais tranquillité relative, restons au nord de Toul.
Soir, coups de lourde et attaques de nuit. (Seicheprey).
Repos beau temps
Pays de plaine et boisé. Battage dans granges par machines à chevaux.
Temps froid et brumeux, repos.
On dort le jour, on mange et on marche la nuit givre.
Froid et couvert. Avant Poste on avance et attention !
Gouttes de pluie.
Réserve A.P. Bois à l’est de Noviant-aux-Près. Temps couvert et froid le matin givre.
Repos à Ansauville.
Repos dans le bois.
Avant-poste à Seicheprey tranchée couverte mais nuits très froides.
Coup de canons lointains et dans le village, récoltes abandonnées. Village pillé et détruit par obus et incendies.
Ponts sautés.
Repos à Ansauville.
Vers 11 heures, pluie de percutants. 3 blessés 6e compagnie et 15 morts et 3 blessés à la 8ème compagnie Capitaine Treuille mort.
Nuit dans les
champs.
Pan de muraille écroulé sur notre section. Pierre au mollet droit mais pas
blessé.
On va en arrière pour se poster sur Soissons. (*)
(*) : Tous le corps d’armée est dirigé vers
l’Aisne, puis vers la Belgique.
Repos à Sanzey.
Embarquement à Toul descente le 14 à 6 heures du soir à Château-Thierry par Épernay et Châlons-sur-Marne.
Forêt de Compiègne 15 Kms.
Repos à Compiègne – Belleville. Bienville ?
Souper, coucher et toilette chez Mme Besses, 59 rue des Sablons. Compiègne. Très bien, sans luxe et très bien reçus. (*)
Repos lundi et mardi.
(*) : Cette adresse existe toujours à
Compiègne.
Vers Montdidier 38 Km.
Vers Amiens rester à Pierrepont.
(23 octobre courrier de Pierrepont à Julienne et Maria).
À Boussicourt division réserve d’armée.
Embarque à Montdidier passé à Amiens, ville industrielle tissage, 1500 h pris prisonniers par Allemands. - Abbeville.
St Omer, grande ville Hazebrouck descente à Bailleul pris l’autobus pour Ypres en Belgique.
Lille évacuée hier par les Allemands. (*)
(*) : Cette information est fausse, Lille a été
déclaré « ville ouverte » et non défendue par l’armée française. Les
Allemands l’ont occupé durant toute la guerre.
Attaque des Allemands.
FIN du CARNET
Y-a-t-il eu une suite ? a-t-telle été perdue ? nul ne le sait.
Mercredi 28 octobre, Henri Bleys est
mort tué à l’ennemi dans une tranchée au nord de St Julien, en Belgique.
Le journal du soldat Adrien SABY du 122e régiment d’infanterie relate sa mort
Je
désire contacter le propriétaire du carnet d’Henri BLEYS
Voir
des photos sur mon site de groupe de soldats du 122e RI
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