Mise à jour : janvier
2020
Philippe B. nous dit en décembre 2006 :
« Je vous adresse par courrier
électronique le journal de guerre de mon grand-père. Je l'ai reproduit le plus
fidèlement possible. J'espère qu'il pourra vous être utile et utile à ceux qui
veulent connaître un peu plus la vie de ces hommes dans cette tourmente cruelle
et stupide. Je serai intéressé éventuellement par les adresses de ceux qui
ont eu un aïeul dans ce régiment.
Je reste à votre disposition pour de plus
amples renseignements sur mon grand-père si vous le souhaitez.
Prélude
Jean BOURRICAUD, cultivateur, est né en novembre 1888 à Saint-André-de-Cubzac (33). En 1909, son service militaire est ajourné d’un an. En 1910, le conseil de révision le déclare « dispensé ». Pourquoi ?
Il est finalement affecté au 2e régiment du génie à partir du 22 février 1915.
Les noms de villages ont été corrigés dans le texte. J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. J’ai aussi ajouté des dates pour pouvoir mieux se repérer dans le récit. L’orthographe d’origine a été respectée.
Merci à Philippe S. pour certaines corrections.
Les souvenirs
Le 2 août 1914, cette terrible et grande guerre commence et peu à peu arrive à soulever les armes de tout l’univers ; enfin, grâce à nos célèbres alliés belges, notre mobilisation se fit pendant qu’ils arrêtaient l’ennemi qui menaçait Paris.
A ce moment là, la 68ème division (*) fut dirigée en Lorraine sur Nancy.
Elle se composait en deux brigades dont l’une comprenait le 234e infanterie de Mont-de-Marsan, le 206ème infanterie de Saintes, le 323ème infanterie de La Rochelle. Quelques groupes du 24ème artillerie et du 14ème artillerie et 58ème artillerie.
La 2ème brigade se composait du 344ème infanterie de Bordeaux, du 257ème infanterie de Rochefort et Libourne, du 212ème infanterie de Tarbes, du 15ème dragons de Libourne, deux compagnies de génie de Montpellier, un groupe de G.B.D. du 18ème train et un aéros divisionnaire.
Je soussigné BOURRICAUD Jean étant exempté du service armée et rappelé par conseil de révision le 12 mars 1914 et pris au service armée à Saint-André-de-Cubzac le 23 février 1915, je rejoignis le dépôt du 2ème génie à Montpellier y effectuer mes classes.
Ensuite après un mois d’exercices, je tomba malade de fièvre scarlatine où je fus transporter à l’hôpital suburbain que je passa 60 jours sous de soins prodigues de religieuses ; après guérison je fus envoyer en convalescence de 45 jours à Saint-André-de-Cubzac chez moi.
La convalescence écoulée, je regagna mon dépôt à Montpellier en juin 1915 et je resta inapte 20 jours ; ces jours écoulés, l’on m’afficha sur les départs en renforts pour le front, je réclama comme non instruit et j’obtint de rester pour finir mes classes. Deux mois plus tard je partis en permission de 8 jours et à mon retour je partis pour le front aux armées de la 68ème division.
Le 28 septembre 1915, je laissa Montpellier de passage par la voie ferrée de Paulan-Bédarrieux à Montauban et Bordeaux où nous eûmes 2 heures d’arrêt et fût le plaisir de voir ma famille leurs ayant annoncer mon départ et passage à Bordeaux.
Ensuite le voyage continua par Angoulême ou l’on resta 2 jours et nous repartions après sur Saint-Pierre-des-Corps – Tours, Vierzon, Bourges, Nevers, Le Creusot, Dijon et Gray (Haute-Saône) ou l’on fit arrêt d’un jour, et nous repartions ensuite par Épinal à destination de gare Nancy – Saint-Georges ou l’on débarqua, et la même journée du 3 octobre 1915, je rejoignit le compagnie 18/13 du 2ème génie cantonnée au château Fleurs-Fontaine près le plateau d’Amance.
Je commença là dans ce secteur mes 1ères manœuvres de guerre au bois la Candale, ferme de Quercygny, Bey, Lanfroicourt etc.
Et depuis les 1eres attaques de Champenoux se secteur était devenu calme et si à toujours maintenu à part quelques coups de mains de part et d’autre, ou reconnaissances ; mon premier travail consista d’aller à Brin pour abattre un mur de bâtiment servant de repère à l’ennemi.
Par les suites je fus évacué le 13 décembre 1915 sur l’hôpital de Nancy-Saint-Georges qui me fit transporter à l’hôpital temporaire de Landremont où je passa 8 jours en observation et ensuite je regagna l’hôpital civil de Nancy où je subit une opération du nez pour déviation de cloison ; ce service était organisé par Mr JEACQUES et je fus opérer par le Dr chirurgien HARRON qui me prodigua des soins satisfaisants.
Le 1er de l’an 1916 les Allemands bombardaient Nancy, et par 2 fois différentes par pièces à longues portées et firent des dégâts et victimes en gare des Messageries et rue Jeanne-d’Arc, car peu après je vis transporter quelques blessés dans ma salle d’hôpital.
Plus tard à la reprise du tir ennemi, tous les malades et blessés étaient descendus à la cave sur les brancards ou descendaient eux-mêmes comme moi par exemple : mais ensuite l’on fit évacué tous les hôpitaux et approchant de ma guérison je supporta un voyage jusqu’à Besançon et diriger sur l’hôpital St Jacques ou je subis une autre opération de l’œil gauche par l’occultiste Mr SEXE.
Quelques jours plus tard j’étais satisfait de mon sort et je visiter Besançon ville pittoresque et remarquable par son industrie de bijoux, montres, la percée du canal sous la citadelle etc.
Après guérison le 26 janvier 1916 je fus envoyer chez moi passer 7 jours à titre de convalescence.
Et ensuite je regagna Montpellier le 6 février 1916 ou je demanda à partir pour le front rejoindre ma compagnie 18/13 qui se trouvait encore dans les mêmes positions de Lorraine.
j’arriva le 12 février 1916 et 8 jours après la 68ème division se déplaça, nous allâmes embarquer en gare de Nancy St Georges et furent dirigés à destination de Nançois-Tronville ou l’on débarqua et nous avions passer 2 jours que les autres camions vinrent nous chercher, et nous transportèrent sur Ancemont (Meuse). Où l’on débarqua de nouveau et par étapes à pieds nous nous rendîmes dans la forêt de Déramé où l’on coucha dehors sous la neige et sous un feu de mitraille.
Le lendemain nous nous rendîmes dans ce secteur de Woëvre.
Le 1er mars 1916 cantonnés à Moulainville-la-Haute (*) dans un appartement du restaurant Rousseau réduit en état de ruines.
Nos travaux ont consisté de suite de rétablir de nouveaux réseaux de fils barbelés ainsi que de nouvelles positions de tranchées et sapes ; car l’ennemi avant notre entrée dans ce secteur avait fait avance de 12 kilomètres se qui nous causa une très dure période pour le maintient.
(*) : Seul le 1e peloton est cantonné à Moulainville
Le 5 mars je fut projeté et pris de commotion à la suite d’un tir de barrage par obus de tous calibres à la station de Moulainville-la-Basse.
Je resta donc quelques jours en observation et comme aide-cuisinier de la compagnie au camp Joffre.
Je passa là encore quelques jours qui ne me donnèrent pas guérison.
alors le docteur me fit regagner Moulainville-la-Haute où j’avais un repos complet et s’était le 5 avril 1916 ou malheureusement je subit une nouvelle émotion par la suites de terribles bombardements ennemi sur le dit pays ou je resta seul rescaper dans une cave, car 7 hommes de mes confrères furent tués net (*), et dont 8 hommes de blessés par ces terribles suites le capitaine LABEUR de la compagnie 18/13 fit son possible pour nous faire changer de place.
En effet l’équipe de travail alla travailler la nuit et au matin avant jour revinrent et sacs à dos nous allâmes dans la forêt de Déramé.
Deux jours plus tard nous étions encore bombardé par l’ennemi si bien que le capitaine LABEUR fut blessé grièvement. Le lieutenant, sous-lieutenant, aspirant, major furent tués.
(*) : Voir la liste des tués et blessés ici.
(**) : Les 4 officiers tués sont lieutenant BUISSON,
sous-lieutenant MÉCHAIN, aspirant DEHAESE, médecin auxiliaire HILDEBRAUD.
Le 5 avril 1916 dans l’après-midi nous étions en débandade ou le Sgt major de la compagnie 18/13 nous rassembla avec effort et nous allâmes de nouveau cantonner au camp de Chiffour près du fort de Rozelier à Verdun.
Le 7 avril 1916 je fus évacué par suites de courbature fébrile à l’ambulance 3/68 qui me fit diriger au Petit-Monthairon ou je passa la nuit, et le lendemain je repartit par autos ambulance sur Queue-de-Mala (*) ou je pris un train sanitaire régional de la Meuse qui me dirigea sur Révigny ; et ensuite je repartit sur St Dizier (Haute-Marne) ou je fus hospitalisé à Brunswick ancienne usine allemande et fabrique de billards.
(*) : La
Queue-de-Mala était l’HOE 12 à cette date, situé 2 km
nord-est de Vadelaincourt.
Là ! Je n’eu pas aucunes satisfaction pour me soins car je ne passa que 13 jours et ensuite l’on m’envoya en permission de 7 jours chez moi et après permission écoulée je reviens à St Dizier me faire équipé de nouveau pour rejoindre ma compagnie 18/13 dans la même situation au camp de Chiffour ; arriver je repris mon travail péniblement car nous allions à 7 kilomètres de marche faire des mines sous la route d’Étain face à Eix.
Des bombardements continuels de part et d’autre faisaient
ravage et furie, et le 26 mai 1916 je fus évacué de nouveau par bronchite et je
suivis le même itinéraire pour arriver à l’hôpital Brunswick à St Dizier (Haute-Marne) ou je passa
15 jours salle Des Jenettes ayant des soins plus
satisfaisants et je repartit de nouveau en permission de 7 jours chez moi.
Pendant ce temps
là, la 68ème division fut relevée de ce secteur de Woëvre et ma compagnie de
génie alla au repos à Tannois (Meuse) ou elle passa
15 jours tranquille. Je reviens de permission en fin
juin 1916 je me fit rééquipé à St Dizier et regagna ma compagnie en secteur
d’Avocourt de passage par les Islettes, Braucourt,
Récicourt et je les retrouva cantonnés au camp de
verrière près d’Avocourt.
Dans ce secteur
des combats terribles de grenades et torpilles ainsi que liquides inflammables
faisaient fureur.
Nous, le génie, étions aux postes d’écoutes en mines, enfin nous passâmes deux mois dans ce cruel secteur sans progrès malgré les attaques et contres attaques de chaque jour.
En fin août 1916 la 68ème division fut de nouveau relevée de ce secteur, et de passage par Récicourt, Brocourt et Jubécourt (Meuse) dans une étape à pieds, nous continuions jusqu’à Triaucourt (Meuse) ou l’on passa 4 jours en réserve d’armée.
A ce moment là, la compagnie de Ponts du 2ème génie fut dissoute de la 68ème division. Cette compagnie portait 18/19 compagnie de Ponts. Le 10ème hussards de Tarbes fut également dissout de la 68ème division et les groupes du 14ème, 58ème artillerie n’existaient plus non plus ainsi que le 15ème dragons ; mais nous eûmes l’affectation d’un groupe du 62ème artillerie.
Dans les 15 jours de repos à Tannois (Meuse), les régiments du 257ème infanterie et 323ème furent également dissous et renforcèrent les divers régiments infanterie de la 68ème division.
Par la suite de notre réserve d’armée à Triaucourt une alerte vient, nous partions le lendemain par autos-camions et la 68ème division prit le secteur de Fleury, Poudrière de Souville en fin août de 1916.
Ma compagnie de génie cantonna aux casernes d’aviation de Verdun qui étaient déjà en ruines. Nous passions par le Cabaret Rouge, les casernes Marceau et la poudrière de Souville.
Dans ce terrible secteur à la suite de plusieurs attaques et contre-attaques, le 344ème infanterie eût à Fleury un bataillon de fait prisonnier par l’ennemi et les autres régiments presque anéantis.
C’est à ce moment là que j’appris la mort de mes confrères SPÉRAT, JEANNEAU de St-André et BLANC de St-Gervais. Nous eûmes également le sergent VIAUD du 2ème génie natif de Coutras (Gironde) qui fut tué à Fleury station avec 5 hommes disparus. Lui seul fut transporter au cimetière des casernes Béveaux à Verdun et je l’enterra même sous un bombardement de l’ennemi qui faisait voltigé les débris de couronnes dans ce cimetière.
En un mot la 68ème division perdit un effectif de 5000 hommes en 22 jours, car en fin septembre 1916 nous fûmes relevés de ce secteur et nous rendîmes à Belleray (Meuse).
(*) : Sergent Jean Honoré André SPÉRAT (sa fiche) - Sergent Pierre VIAUD (sa fiche). Ses autres amis cités sont du 344e RI (également
à la 68e DI) : Antoine JEANNEAU (sa fiche) – BLANC Jean Baptiste (sa fiche).
Ensuite, le lendemain, l’on alla embarquer à Nixéville (Meuse) et nous débarquâmes à Sommeille-les-Trancourt (Meuse) et l’on nous dirigea à Auzécourt et la compagnie 18/63 du génie cantonna à Noyer. Et par la suite d’épidémies il furent renvoyer sur Brabant-le-Roi près Révigny passer un repos de quelques jours.
En fin septembre 1916 la 68ème division embarqua de nouveau à Révigny de passage par Toul et Nancy-St-Georges ou l’on débarqua et par une étape à pieds de 20 kilomètres nous arrivâmes à Dombasle-sur-Meurthe et après 5 jours de repos. La 68ème division alla prendre son ancien secteur lorrain, nous dirigeant par Champenoux, Mazerule et Moncel où je resta quelques temps à faire des sapes qui traversaient le pays.
Le 20 octobre 1916, je reçus une dépêche « mère décédée ». Je partis aussitôt en permission exceptionnelle de 4 jours ; j’alla à Nancy prendre un train direct pour Paris et Paris - Bordeaux.
En octobre 1916, le 212ème infanterie fut dissous de la 68ème division et passa à la 88ème division.
A ce moment là, la 68ème division ne se composait plus que de trois régiments d’infanterie dont le 206ème, le 344ème et le 234ème ; c'est-à-dire réserve du 24ème. Il existait aussi un groupe de 8ème génie téléphoniste, une compagnie de génie de parc nommée 18/24, une compagnie du 2ème génie 18/13 divisionnaire, un groupe de G.B.D. du 18ème train et dans chaque armée de passage et combattante, nous avions comme toutes divisions une affectation d’artillerie lourde, de dragons, etc.…, etc.…
Le 2 novembre 1916, je rejoignis ma compagnie 18/13 à Champenoux au retour de ma permission exceptionnelle.
Pendant ce temps, il y eut un petit changement. L’on me renvoya à la compagnie 18/63 en renfort, cette compagnie bis avait été formée à Toul le 7 janvier 1915 et versée à la 68ème division.
Je regagna donc cette nouvelle formation par Réméréville où nous étions cantonnés et quelques jours plus tard, je monta en ligne au bois Sainte-Marie, bois du Ranzey.
On cantonna à la maison forestière et je repartis en permission de 10 jours.
A mon retour, je retrouva ma section dans la même situation mais les obus ennemis nous brisèrent les alentours de la maison forestière et l’on alla cantonner au dit Ravin-des-Fées et nos travaux consistaient en galerie en lisière du bois du Ranzey à 8 mètres sous terre. Une descente par escalier ordinaire et une deuxième descente par puits avec escalier tournant.
Nous avions également d’autres travaux vers Athienville, Serre, Arracourt.
En avril 1917, ma section fut changée. L’on nous dirigea par Hoéville, Serre, Valhey, Bauzemont, Bathelémont et l’on prit secteur à Bures, face à l’étang de Parroy. Ce secteur devenait plus grave par les coups de mains et reconnaissances car en fin avril 1917, l’ennemi nous fit un coup de main mettant hors de combat blessés, prisonniers et morts 50 hommes du 206ème infanterie. (*)
Auparavant, nous avions fait représailles ayant pris de vieilles bottes et toile de tente à l’ennemie.
(*) : Ce coup de main allemand contre le 206e fit 11 morts, 12
blessés, 16 prisonniers et 1 disparu (JMO).
En fin mai 1917, je fus désigné avec le sergent BEAUVAIS de Bourg-sur-Gironde et 4 hommes pour aller retirer des tringles de crocodiles (*) que l’ennemi n’avait pas fait exploser dans leurs précédents coups de main. Nous passâmes donc toute une nuit pour opérer sous la garde de fusils mitrailleurs par une section du 344ème infanterie.
Il consistait 2 tringles dont l’une de 21 mètres de long et l’autre de 17 mètres que l’on déboîta avec précaution par pas de vis tous les 4 mètres et où l’on retirait les détonateurs de la mise à feu.
(*) : Tuyau chargé d'explosifs que l'on faisait éclater pour
s'ouvrir un passage, il pratique une brèche dans les fils de fer.
Le lendemain, la 68ème division fut relevée de ce secteur et par étapes à pieds nous allâmes au camp du bois l’évêque situé entre Nancy et Toul. Nous passâmes 1 mois dans ce camp à faire des exercices de tirs de grenades, etc…et nous allions même à Toul faire de l’école de pontage et 8 jours après la 68ème division fut appelée de nouveau à un déplacement.
Nous embarquâmes par autos-camions, dirigés par Marron, Nancy, Champigneulles – pays de bière fabrication exquise -, ensuite par le plateau Sainte-Geneviève à destination de Belleau (Meurthe-et-Moselle) où l’on passa quatre jours et nous rembarquâmes de nouveau pour retour à Marron-gare entre Toul et Nancy.
Où l’on embarqua par voie ferrée et dirigés par Toul, Revigny, Bar-le-Duc, Châlons-sur-Marne, Épernay, Château-Thierry et Meaux où l’on prit le réseau du Nord par Compiègne et l’on débarqua à Noyon (Oise), pays très remarquable et d’une belle construction par une superbe cathédrale.
A ce moment là, l’ennemi avait abandonné Noyon, volontiers vaut-il mieux dire car ils n’avaient pas fait de dégâts outre les passages de rivière. Ils avaient fait sauter les ponts, emporter les voies de chemin de fer, coupé des arbres pour entraver la poursuite ; mais enfin, on ne fera jamais aucune guerre avec honnêteté ?
L’on cantonna 2 jours dans Noyon même. Nos soldats mangeaient les fraises dans les jardins des civils rescapés. L’on montait sur les cerisiers et cassions les branches. En un mot, nos troupes dont j’ai vu faire ont fait plus de dégâts qu’en avait fait l’ennemi avant son départ.
Deux jours plus tard, nous partions à pieds sur Vassens, canton de Coucy-le-Château où l’on passa 2 jours également et par la suite des autos camions nous transportèrent par Soissons et nous débarquâmes à Braine (Aisne) et nous nous rendîmes à Brenelle, pays voisin où l’on passa 8 jours.
Ces jours écoulés, nous repartions par étapes à pieds de 12 kilomètres dirigés sur Viel-Arcy et Villers-en-Prayères (Aisne) où l’on se reposa 2 jours.
Le 1er juillet 1917, la 68ème division prit secteur au chemin des dames, passant par Bourg-et-Comin, Oeuilly, Paissy, Gény, Moulins, Vendresse, Troyon et faisions face à Hurtebise, secteur très mouvementé par toutes sortes de mitrailles de tous calibres, gaz asphyxiants, liquides inflammables, etc…
Dans ce terrible secteur, nous cantonnions au Mont-Charmont. Jamais nous ne faisions la route sans aller au pas gymnastique, poussés par le feu et d’une chaleur accablante.
Le 14 juillet 1917, une terrible attaque se déroula. La 68ème division eut de nombreuses pertes fournies par le 234ème infanterie dont je voyais les morts à pleins boyaux sur mon passage.
Les jours suivants, des attaques partielles et contre attaques se produisaient sans avance malgré un bombardement continuel. Dans ce secteur là, notre artillerie tirait trop court et sur nos lignes faisant dégât. Un 75 tomba même à l’entrée de ma sape à 200 mètres arrière en ligne de soutien. Heureux pour nous qu’il n’éclata pas…
Le 31 juillet 1917, une attaque brusque se déclencha sur nous à 1 heure de l’après-midi par un temps sombre et brouillard. Les batteries furent arrosées de gaz asphyxiants, les cantonnements et les routes impraticables et les Allemands nous prirent le tunnel de Troyon, c'est-à-dire des travaux qu’ils avaient effectués depuis 1914 à 1917.
Dans ces terribles combats acharnés, ils firent un bataillon du 344ème infanterie prisonnier ainsi que 21 hommes de la compagnie du génie 18/13 dont un officier et 2 sous-officiers et la compagnie 18/63 eut 7 hommes de pris également dans ces travaux si bien que la 68ème division était de nouveau anéantie et la relève arriva ; ayant 5000 hommes hors de combat compris en morts, prisonniers et blessés.
Dans la nuit du 1er au 2 août 1917, nous étions relevés, de passage par Bourg-et-Comin, Villers-en-Prayères.
Ensuite, des camions autos vinrent nous chercher et nous transportèrent à la ferme de Trugny, commune d’Épieds (Aisne), à 8 kilomètres de Château-Thierry. Nous y passâmes 15 jours de repos tranquille mais très mal couchés sur du fumier.
Par la suite, l’on alla embarquer par voie ferrée et dirigés sur Bourg-la-Reine, banlieue de Paris où l’on débarqua et par étapes, nous nous rendîmes à Rungis.
Passer 20 jours de repos complet et libres, indépendants de nous-mêmes. L’on nous donna même des permissions de 24 heures pour Paris et j’alla voir ma cousine Marthe RÉNAUD à Colombes (Seine).
Après quelques jours de repos, je m’embauchai à Vissous (Seine-et-Oise) chez M. CHERRON pour faire la moisson et arracher les pommes de terre.
Enfin le repos arriva bientôt écoulé et vint le jour du départ où l’on prit la voie ferrée à Juvisy et dirigés sur Condé-en-Brie et nous cantonnions à Celles-les-Condés où l’on passa 15 jours de plus à faire des manœuvres et exercices en armée de combat.
Ces quelques jours écoulés, on laissa Condé-en-Brie (Aisne), nous dirigeant par étapes à pieds sur Jonchéry (Aisne) où l’on passa la nuit et nous repartions sur Dravegny, Chéry-Chartreuve et Saint-Thibaut où l’on fit arrêt de 2 jours.
On repartit ensuite par Bazoches, Longueval, Pont-Arcy, Bourg-et-Comin, Verneuil (Aisne) et nous cantonnions au dit centre Ducros, entre Verneuil et Beaulne.
Avant notre entrée en secteur, nos fameux officiers étaient venus la veille prendre connaissance des positions si bien qu’ils revenaient avec des renseignements plus ou moins précieux sans être aller jusqu’au bout.
Le lendemain, il conduisaient la compagnie et n’ayant pas été au point fixe, nous laissaient des heures entières dans les routes, ou boyaux pour rechercher les cantonnements donc que la veille ils ne s’étaient pas rendus compte. On était conduit comme des brebis et après quelques jours dans le secteur, nous apprenions que nous avions fait arrêt dans des zones des plus critiques. Heureux pour nous que le destin nous protégeait malgré qu’ils veuillent nous faire tous tués. Oh ! Les vaches !
Dans ce secteur, nous prenions les lignes face à Courtecon et Braye-en-Laonnois (Aisne), légèrement à gauche de notre précédent secteur du chemin des dames. Du centre Ducros, nous traversions Beaulne, Chivy, un lieu-dit Trou Bricot (*) et le Ravin du Paradis où nous avions nos travaux de sapes. Il faut dire aussi que nous faisions acte de présence car nous allions sur les lieux des travaux et sommes restés une période de 3 jours sans lumière et lorsque nous avions de la lumière, le matériel nous manqua.
Enfin, on fit un mois dans ce secteur relativement plus calme qu’en juillet. Chaque soir, on avait la visite de l’aéros ennemi surnommé Fanthomas, lançant des prospectus que l’on ne l’abatterai jamais. Cependant, nos feux de mitrailleuses rongeaient sur l’oiseau qui nous faisait ravage en mitraillant nos tranchées.
(*) : Trou Bricot (différent de celui de Perthes !) se
trouve juste à gauche de la route de Chivy à Cerny au
lieu-dit des grands fossés proche de la côte 169 sur Géoportail
(et en bas à gauche de ce plan). Il y avait là un cimetière temporaire et un
tunnel (ou sape) avec PC et poste de secours.
Je partis en permission de 10 jours en octobre 1917 et je revins en fin octobre, au moment de la relève de notre 68ème division dirigée sur Verneuil (Aisne), Bourg-et-Comin, Pont-Arcy, Longueval et Vauxcéré où l’on coucha 2 jours dans des carrières de rochers. Ensuite, nous repartions sur le camp de Dravegny (Aisne) en réserve d’armée car à ce moment là les attaques de déroulaient lorsque nos troupes prirent possession du fort de La Malmaison et le moulin de Laffaux.
Ma compagnie 18/63 et la 18/13 passèrent un mois dans ce camp de Dravegny à arranger les routes et moi je fus détaché avec 5 hommes en subsistance à la 19ème compagnie du 206ème infanterie à Mont-Notre-Dame (Aisne).
A ce moment là, la 68ème division eut un bataillon, du 73ème territorial affecté à elle et nous construisions un camp de baraquements pour nos troupes de repos.
Je cantonna chez M. Debargue 5, rue Daumale à Mont-Notre-Dame où je fus bien acceuilli pendant mon séjour et en récompense, je construisis une jolie brouette char à bancs et portail de basse-cour.
En fin novembre 1917, la 68ème division se déplaça et l’on nous rappela.
Nous partions par Chéry-Chartreuve, Dravegny, Cohan, Courmont où je passa la nuit ayant rejoint ma compagnie. Le lendemain, nous repartions par Courpoil, Épieds et Verdilly (Aisne), à 4 kilomètres de Château-Thierry où l’on passa 3 jours de repos.
Ensuite, nous embarquions en camions autos dans l’après-midi, de passage par Château-Thierry, Soissons, Noyon (Oise) et l’on débarqua le lendemain matin 8 heures à Languevoisin près de Nesle (Somme), joli pays et où l’on mangea de superbes entrées de salade de cresson.
Deux jours plus tard, nous repartions par étapes à pieds, nous dirigeant sur Ham et Pithon, petit pays où l’on cantonna 5 jours.
A ce moment là, la 68ème division avait été rappelée en réserve car l’ennemi menaçait les Anglais sur St-Quentin et comme le calme arriva, nous embarquâmes de nouveau à Ham (Somme) par voie ferrée, dirigés par Roye, Noyon, Compiègne, Meaux, Château-Thierry, Épernay, Châlons-sur-Marne, Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Révigny et Mussey (Meuse) où l’on débarqua de nouveau et où nous passâmes 15 jours de repos par un froid terrible.
Le canal fut pris de part en part par les glaces et empêcha la navigation des canaux pendant quelques jours.
Le repos écoulé, la 68ème division embarqua de nouveau par voie ferrée et alla débarquer à Souilly (Meuse), passant par Belleray, casernes Béveaux de Verdun, casernes d’aviation et l’on coucha aux casernes Marceau.
Le lendemain, nous repartions à la nuit par le Faubourg Pavé de Verdun, Bras, Louvemont et carrières d’Haudremont où l’on prit secteur en décembre 1917.
Nous cantonnions aux carrières qui étaient bombardées sans cesse et par relève de section nous allions en ligne par le ravin des Sapins et au ravin de La Neuville où l’on passa 15 jours et ensuite on revint au ravin de Goulette, près le fort Douaumont, cantonner et la nuit nous allions travailler dans les boyaux.
Ce passage de secteur fut terrible de misère par un froid très dur et la neige resta 1 mois de temps, sans disparaître, à 50 centimètres d’épaisseur.
On ne reconnaissait plus nos passages par sentiers. Entre le ravin de la Goulette et les carrières d’Haudremont, notre cher camarade regretté LATTAPY fut tué et dont son corps repose au cimetière militaire des casernes Marceau à Verdun, qui à ce moment là contenait 7 000 morts et 15 000 au cimetière des casernes Béveaux puis 8 000 au cimetière de Belleray.
Et tant d’autres disparus et méconnaissables et petits cimetières des champs où reposent ceux qui ont rendu la paix en famille. Ce dit secteur se nommait secteur de Beaumont.
Nous y passâmes 45 jours d’affreuses souffrances et le 26 janvier 1918, la relève de la 68ème division arriva.
(*) : LATAPPY Armand, sapeur venu du 234e régiment
d’infanterie. Voir sa fiche.
Nous descendîmes par Louvemont, Bras et l’in fit arrêt de 2 jours aux casernes Miribel du Faubourg Pavé à Verdun. Ensuite, nous repartions au cirque d’Haudainville où l’on embarqua en autos camions et dirigés dans la nuit sur Hargeville (Meuse), à 8 kilomètres de Bar-le-Duc où l’on débarqua le 29 janvier 1918. Le laissa la compagnie 18/63 au repos à Hargeville et je partis en permission de 10 jours.
Cette permission écoulée, je revins sur Hargeville mais ma compagnie était en déplacement. Je repris donc le train local meusien, passant par Les Merchines et j’allas à Chaumont-sur-Aire voir mon beau-frère où je passa la journée et coucha la nuit.
Je repartis de Chaumont-sur-Aire par le Meusien, direction de Nixéville (Meuse) où j’alla prendre renseignements au centre téléphonique. Ma compagnie se trouvait de passage à Pretz (Meuse).
Alors je revins par le meusien sur mes pas, changeant à Les Merchines, station pour la ligne de Triaucourt, et je débarqua le soir à Vaubecourt par un froid terrible et rien pour coucher. Là, je demanda de nouveau ma compagnie qui était repartie de Pretz. Alors on me dirigea par la voie ferrée américaine de Revigny par Vaubecourt, Lesmes, Souilly.
De là, des autos nous prirent et j’arriva au camp des Clairs-Chênes en même temps que la compagnie le 18 février 1918.
On resta là quelques jours à faire quelques lignes de soutien surnommées lignes Clémenceau. Ensuite l’on se déplaça de nouveau par Dombasle-en-Argonne, Béthelainville, Vignéville et le bois Bourrus où l’on cantonna.
Au mois de mars 1918, la 68ème division prit secteur de la cote 304, le Mort-Homme, jusqu’au bois des Corbeaux. Nous étions de nouveau cantonnés à la cote 272 et le parc du génie était cote 232.
Au début de ce secteur des bombardements intenses d’artillerie ennemis se produisaient sur nos batteries ainsi que des gaz asphyxiants.
Dans ce secteur, nous étions dispersés par section, j’alla faire des travaux de galerie à abris mitrailleuse entre Esne et cote 304, plus tard, j’alla au tunnel Bismarck, travaux remarquables de l’ennemi pris par nos troupes en septembre 1917.
Ensuite je passa 8 jours à la surveillance et l’entretien du tunnel du Kronprinz plus remarquable car avant nos attaques de septembre 1917, ce tunnel faisait de 11 à 1200 mètres de long sur 3 mètres 50 de large et 2 mètres 20 de hauteur. Il consistait également d’un petit train sur voie de 0,60 centimètres qui évacuait leurs blessés lors des grands combats de Verdun. Il y avait aussi une brasserie de bière où depuis notre attaque de septembre 1917 nous avions crevé une partie du tunnel près du ruisseau des Forges.
Donc, dans cette brasserie, il était resté une quantité de cadavres ennemis ainsi que dans une salle d’opération aux blessés. Donc, après cette attaque de septembre, nous n’habitions plus que 6.25 mètres de long dans ce tunnel du Kronprinz. Sur cette distance, il y avait 10 différentes sorties de droite et de gauche ainsi qu’une superbe salle de machine avec trois moteurs électriques, salle de réparation, etc… vraisemblablement l’éclairage du métropolitain à Paris.
Il était calculé que cette salle de machine se trouvait à 27 mètres sous terre et rochers car j’ai compté moi-même 19 marches d’escalier des machines à la salle de réparation et ensuite 79 marches pour arriver dehors, niveau du sol.
Il faut croire à de semblables travaux et que dans cette cruelle guerre je n’ai jamais vu si beaux travaux en France. Cependant, les frais se sont produits et d’un gaspillage monstre en toutes choses.
Ensuite je laissa ce tunnel et j’alla passer 3 semaines au ravin de Sornois et chaque jour, j’avais passage dans ce tunnel pour rejoindre mes travaux en ligne.
Ces quelques jours écoulés, je demanda une permission de 24 heures pour aller voir mon cousin BOURRICAUD qui arriva en renfort au 234ème infanterie et se trouvait au repos au bois de Béthelainville. La permission me fut accordée avec plaisir et au retour j’alla avec ma section cantonner à Chattancourt près le bois des Corbeaux où l’on passa 8 jours à faire des travaux de sape et un peloton était revenu au camp des Clairs-Chênes pour miner les carrefours de routes et ponts car, à ce moment, l’on craignait l’offensive ennemie qui s’était déroulée sur les Anglais sur Saint-Quentin, Ham, Roye, Mesle, Moyon, Montdidier, etc… ce qui nous rendit le secteur du Mort Homme d’un calme parfait.
Ensuite, de Chattancourt, on vient cantonner à Montzéville où je resta 1 mois, allant travailler à Esnes ; et parfois trouvant le calme ennemi surprenant, l’on nous faisait faire des alertes de nuit. Mais alors j’étais rapproché de mon cousin Daniel BOURRICAUD, 18ème Cie du 234e infanterie et nous avions la joie de nous voir chaque jour.
A Esnes, un malheureux arabe arrivé en renfort à mon escouade, par curiosité, voulu toucher une grenade qui lui parti dans la main et lui fractura la tête, le cœur et lui coupa la main. La mort fut instantanée et j’assista aux obsèques de mœurs arabes au cimetière militaire du bois de Béthelainville qui se composait de 5000 morts. (*)
(*) : Akli ben Hocine MEDDOUR. Voir sa fiche.
Le 16 juillet 1918, la relève de la 68e division arriva de Montzéville.
On se dirigea par étapes à pied sur Dombasle-en-Argonne et Jubécourt où l’on passa 2 jours. Ensuite, on fit 2 étapes et nous arrivions à Bournonville (Marne) où l’on passa 5 jours ainsi qu’une revue divisionnaire par le général MAINVIELLE.
Plus tard, nous embarquions par voie ferrée sur la ligne de Sainte-Menehould à Revigny et cause de l’offensive allemande depuis la Somme jusqu’à Main-de-Massiges et leur avance jusqu’à Château-Thierry et nous ayant coupé la grande voie Paris–Nancy, nous passâmes par Revigny, Saint-Dizier (Haute-Marne), Troyes, et Meaux où l’on prit la ligne du Nord et l’on débarqua à …… (Oise).
Ensuite, par étapes, nous regagnions la forêt immense de
Villers-Cotterêts que l’on traversa toute entière et enfin en août 1918, la 68e division avait déjà délivré combat sur
Oulchy-le-Château, par Cramaille où fut tué mon pauvre cousin regretté du 234e
par de cruels feu de mitrailleuses ennemis qui tiraient jusqu’au bout. (*)
Ensuite notre avance continua par Cramaille, Arcy- Sainte-Restitue, Branges et Jouaignes où l’on cantonna dans les décombres du paysage. Et la journée, nous ramassions des récupérations de panneaux de fenêtres, planches, chevrons, poutrelles, tonneaux, etc… pour aller construire, la nuit, des passerelles sur la Vesle, passant par Quincy-le-Mont et Limé où dans une cave du château il y eut 32 hommes du 344e infanterie hors de combat en morts et blessés.
(*) : Son cousin tué est Michel Joseph BOURRICAUD. Voir sa fiche.
Dans la nuit du 4 au 5 août 1918, ma compagnie de génie 18/63, nous avions livré 5 passerelles légères pour la traversée de nos troupes d’attaque sur la Vesle. Le commandant CHEVALIER du 344e infanterie fut tué à la voie ferrée entre la Vesle, face à Braine, où se déroulait notre attaque la matinée du 5 août 1918. (*)
Le 334e avait avancé de 2 kilomètres en profondeur jusqu’à Braine, mais les ailes droite et gauche ne suivant pas, nos troupes revinrent au point de départ avec de nombreuses pertes et nos brancardiers se servaient de quelques prisonniers pour leur aider à transporter nos blessés. « Vous les avez blessés ! » disaient-ils « Et bien transportez-les avec nous ! ».
Ce secteur fut également très pénible et en rase campagne chacun faisait un trou individuel. Les tranchées n’existaient plus. On s’abritait dans un fossé, talus quelconque dans les champs de blé ou betteraves. Nous étions arrosés de gaz asphyxiants sans arrêt et nous causant de nombreux évacués chaque jour.
(*) : Commandant Pierre Joseph Charles Gaston CHEVALIER. Voir sa fiche.
Ainsi, le 14 août 1918, nous eûmes, à la 18/63, 8 hommes évacués par ce cas ainsi que 13 hommes de la 18/13.
Le soir du 14 août 1918, je partis en permission de 10 jours sans regret et d’une prompte allure. Je passa par Branges, Arcy-Sainte-Restitue où se trouvait notre bureau de génie et le lendemain je partis sur Oulchy-le-Château et embarqua à Oulchy - Breny gare par un train de ravitaillement qui me rendit au Bourget, banlieue de Paris.
Rendu chez moi, je tomba malade par suite des gaz et déclaration de grippe espagnole. Je passa 10 jours malade et alité chez moi. La permission écoulée, l’on me fit transporter à l’hôpital n° 35 à Bordeaux où je passa 20 jours et ensuite l’on me remplaça ma permission de 10 jours à titre de convalescence.
Dans ce temps-là, la 68ème division fut relevée du secteur de la Vesle le 23 août et allèrent au repos à Certigny aux environs de Meaux. Ensuite, des camions auto les transportèrent sur Châlons-sur-Marne et se rendirent ensuite à pieds prendre secteur de Champagne dans l’armée GOURAUD le 13 septembre 1918 et le 26 septembre la 68e division commença dans l’offensive générale.
Je revins de permission et les suites de ma maladie je passa à Connantre (Marne) me faire rééquiper et je rejoints ma compagnie en secteur à Auberive le 5 octobre 1918 et j’eu encore grand temps de faire la poursuite de l’ennemi qui continua par Dontrien, Saint-Hilaire-le-Petit, Bétheniville où l’on fit un arrêt cause de la traversée de l’Arnes, petite rivière où l’on fit des ponts pour le passage immédiat de nos pièces de 75 et 155.
Il faut remarquer également que l’on nous fit faire un pont, départ d’un route et tombant dans le marécage impraticable. C’était l’armée française. Heureusement que l’ennemi avait idée de partir pour nous laisser libre dans certains travaux malgré cela la résistance de Bétheniville causa au 206e infanterie 50 morts et la poursuite continua jusqu’à la Neuveville (Ardennes) et un peu au-delà jusqu’à la petite rivière dite la Retourne.
Et dans la nuit, à minuit, la 68e division fut relevée, descendant par étapes sur Bétheniville, Saint-Hilaire-le-Petit et Dontrien où l’on cantonna.
Le lendemain, nous nous rendîmes par Auberive jusqu’au camp Berthelot où l’on passa 2 jours et ensuite on reprit par le camp de Châlons-sur-Marne, Mourmelon-le-Grand et le camp d’Esportes où l’on coucha la nuit.
Le lendemain, nous repartions de nouveau 21 kilomètres à pieds pour arriver à Germaine, entre Épernay et Reims où l’on passa 8 jours et nous allâmes à Ay près Épernay passer une nouvelle revue divisionnaire du général Mainvielle.
Deux jours plus tard, nous nous rendîmes, sacs au dos, de Germaine à Épernay, ayant fait 12 kilomètres et l’on embarqua par voie ferrée devant la fabrique du champagne Mercier d’Épernay et l’on nous dirigea par Châlons-sur-Marne, Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Révigny, Toul, Nancy, Épinal, Lure, Belfort.
Nous débarquâmes après Petit-Croix en gare de Vauthiermont (Haute-Alsace) le 23 octobre 1918 et le soir même on se rendit à Bretten où l’on passa 2 jours et nous repartions ensuite par Eteimbes, Sentheim et Bourbach-le-Bas où l’on cantonna en paix dans ce secteur relativement calme que la 68ème division prit le 23 octobre 1918.
Le 1er novembre, je partis en permission exceptionnelle de 3 jours pour la naissance de mon fils François, Yves BOURRICAUD et je revins le 10 novembre à Bourbach-le-Bas (Haute-Alsace) rejoindre ma section le 11 novembre 1918 au matin jour de l’armistice.
La joie vint régner parmi nous tous au son des cloches et musiques de nos régiments divisionnaires, le repos complet dans les usines de filature de Bourbach-le-Bas, ensuite j’alla de bon cœur vers Ramersmatt chercher nos outillages et explosifs de mine où je fis une salve extraordinaire avec mon copain MERLET et RADONDY.
Le 13 novembre 1918, nous allions cantonné à Sentheim et nous allions de nuit arranger les routes détruites dans la zone des lignes.
Le 17 novembre 1918 au matin, la 68e division partait des pays environnants ainsi que nous de Sentheim et dont nous fîmes 24 kilomètres sacs au dos pour arriver en banlieue de Mulhouse où l’on fit grande halte et casse-croûtes.
Le 17 novembre 1918, jour mémorable, la 68e division fit son entrée à Mulhouse à midi, parcourant les plus strictes quartiers pendant 3 heures de temps, l’arme sur l’épaule. Nous fûmes reçus d’un enthousiasme des plus parfait aux cris de : « Vive la France ! » « Vive nos vainqueurs, nos libérateurs ! Vive nos Héros, le Génie ! », etc… et enfin des gerbes de fleurs nous tombaient de tout côté depuis les balcons, des poignées de main continuelles nous frôlaient comme une véritable barrière. La musique des sociétés alsaciennes nous rendirent leurs honneurs ainsi que notre musique divisionnaire qui jouait notre entraînante entrée de Mulhouse inoubliable.
Des pavoisages de toutes couleurs alliées garnissaient les rues et bâtiments. Des jeunes filles en uniforme alsacien venaient un instant bras dessus, bras dessous nous accompagner un instant dans cette mémorable revue. Le lendemain, les gamins nous criaient « Vive la France ! » et par reprise aussitôt : « vous avez du pain ? ».
Et en effet, le 18 novembre 1918, il rentra 22 camions autos de pain à Mulhouse et dont il y en eu 2 de pillés, suite de la famine et par l’insuffisance de garde militaire. Ensuite peu à peu le calme régna et les Alsaciens de cœur firent la chasse aux habitants prussiens ayant restés à Mulhouse comme de vrais français et nous ayant rendu des honneurs contre leurs idées le jour de notre entrée triomphale.
Mais les alsaciens de cœur connaissant leurs opinions, le 1er décembre 1918 brisèrent différentes vitrines des magasins ennemis dans un calme parfait car la troupe ne s’y opposait en rien.
Le lendemain, je vis emporter dans une ferme ennemie les pommes de terre, l’avoine, les brebis, les cochons, etc… en présence du propriétaire qui disait : « Prenez ce que vous voudrez mais ne me faites pas mal ! » (Ferme de Dornach).
Mulhouse est une superbe petite ville de 110.000 habitants environ et très industrielle par ses usines de filature, comme par exemple l’usine Dolfus. On compte à Mulhouse et sa banlieue 57 tuyaux d’usines.
Le 3 décembre 1918, la 68ème division abandonna Mulhouse avec regrets et par étapes à pieds l’on fit arrêt à Altkirch où l’on coucha et le lendemain nous repartions sur Dannemarie et l’on coucha à Bretagne. Nous repartions de nouveau pour une dernière étape et nous arrivâmes le 5 décembre 1918 à Sainte-Suzanne, banlieue de Montbéliard (Doubs).
Dans ce pays, nous travaillions individuellement aux usines. Je m’embaucha chez un peintre monsieur Louys GALLIZIA qui me donna 1 franc 20 de l’heure à l’usine Schvander.
Ensuite je cessa pour un départ de permission le 30 décembre 1918 pour 20 jours et je revins le 26 janvier 1919, toujours à Sainte-Suzanne, près Montbéliard.
A ce moment, la compagnie nous occupa à ramasser du réseau barbelé vers Élincourt jusqu’à Audincourt. Nous allions également à Vieux-Charmont et Châtenois aménager des cantonnements pour liquider le matériel sans doute, puisque l’on avait fait la guerre sans cela jusqu’à ce jour.
Enfin, en dernier lieu, je passa cycliste de compagnie quelques jours et ma compagnie 18/63 fut dissoute à Sainte-Suzannne le 6 mars 1919 et nous passions à la compagnie 18/13, même division.
Je repartis en permission exceptionnelle de 3 jours le 8 mars 1919 et je revins à Sainte-Suzanne le 17 mars 1919.
Le 24 mars 1919, je repartais de nouveau pour la démobilisation, de passage par Montbéliard, Besançon, Dijon, Lyon, Gannat, Montluçon, Guéret, Limoges, Périgueux, Coutras, Libourne et Bordeaux où je fus démobilisé le 26 mars 1919 aux casernes Carayon-la-Tour et je repris ma vie civile à Saint-André-de-Cubzac (Gironde).
Signé : André, Jean, Bourricaud
Adresses :
Monsieur Augustin DAMBERTHOUMIEU à Morcenx (Landes)
Monsieur GAYE Thomas à Gavarnie par Luz-Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées)
Monsieur Antoine GOUDOUR 102, rue Victor-Hugo Périgueux (Dordogne)
Monsieur Émile MERLET aux Sablons - Laleu – La Pallice Rochelle (Charente-Inférieure)
Monsieur MOUGNAUD à Sauce, commune de Chalais par Saint-Jozy (Dordogne)
Je désire contacter le propriétaire
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