Carnet de Joannés-Albert CARRIE,

Sous-officier puis officier au 7e régiment d’infanterie

 

Mise à jour : Février 2015

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Albert CARRIE est né à Propières (Rhône) le 19 juillet 1888. Il était instituteur public en poste à Emerringes (69) (*) (**) au moment de son mariage le 25 septembre 1913 à Villié-Morgon avec Reine CORVISIER à une vingtaine de km au nord de Lyon.

Cheveux châtain, yeux bleu clair, il mesurait 1,59 m.

Ayant effectué son service militaire durant 2 ans (1909-11) au 17e RI, il y était devenu sergent le 9 décembre 1910.

C’est donc avec ce grade qu’il est affecté logiquement au 17 RI en août 1914. Il passe au 7e régiment d’infanterie le 2 mars 1915 (pourquoi ? blessure ?), et c’est à ce moment que nous le retrouvons au travers de ses écrits.

 

Merci à Josiane (pour les données familiales et relectures) pour permettre à tous de revivre les moments de joie, de peine et de désespoir de son oncle.

Merci aussi à Anne, Françoise, Neuilly, Patrick, François, Jean-Paul pour la recopie très difficile des pages du carnet.

 

(*) : Renseignement : dossier d'instituteur (archives départementales du Rhône)

(**) : Décès déclaré à EMERINGES acte n°1 (archives départementales du Rhône)

 

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Préambule

 

Le 7e régiment d’infanterie (7e RI) était cantonné en août 1914 à Cahors.

Il faisait partie de la 65e brigade d’infanterie (avec le 9e RI) qui elle-même faisait partie de la 33e division d’infanterie avec la 66e brigade (11e et 20e RI)

L’effectif du 7e RI était de 60 officiers, 3297 hommes, 175 chevaux ; divisé en 3 bataillons de 4 compagnies chacun

 

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FEVRIER 1915 (feuille volante détachée d'un carnet antérieur)

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3 février

Donne des nouvelles des camarades. Nous remettons des lettres pour eux. Souper, repos, reprise de la partie de cartes. J'écris a ma chère Reine et je continue mon journal.

Voyons que je note un peu mes impressions.

4 février

 Journal, je l'ai délaissé : dix jours que je n'ai rien écrit. Retrouvons d'abord l'emploi du temps de cette dizaine : chaque matin travail de propreté, le soir marche ou exercice. Les marches sont assez intéressantes.

Nous rencontrons invariablement nos amis les anglais qui occupent tous les horizons, Certes, il est difficile de converser avec eux mais nous les comprenons bien lorsqu'ils donnent leurs paquets de cigarettes. Ils le font bien gentiment et sont heureux de nous faire plaisir.

 

Nous fumons donc force cigarettes à des prix défiant toute concurrence mais j'oublie de parler de mon petit village de Camblain, pays du nord avec mines et mineurs voilà qui explique toute population calme qui n'a pas l'air de se soucier beaucoup de la proximité des Allemands. Ils ont pourtant vu défiler chez eux des milliers d'évacués et de tout le nord et ils en ont encore quelques uns, quelques uns vivant avec eux.

24 mars 1915

Bonne journée.

On bourre fort. Je suis veinard. Noisy-le-Sec, 9 H du matin, arrêt de 5 heures, envoi de quelques cartes ; nous sortons visiter la ville. Bon repas offert par la Croix-Rouge. 4 heures en route pour Troyes. Les paysages de la région parisienne.

Les ordres arrivent.

25 mars

6 heures : Châlons-sur-Marne.

Petit arrêt. Le voyage continue. Quelques avions passent sur nos têtes. Nous approchons du front.

Suippes, 10 heures matin ; chose bizarre, on n'a pas reçu d'ordre nous concernant. Colonel provoque des ordres.

 

A 3 heures, répartition : sommes divisés en 4 régiments de la 33ème division. Suis affecté au 7ème avec le capitaine BOREL, GIRAUD et VARET;

Notre bon commandant nous fait ses adieux et pleure et chacun est bien prêt d'en faire autant car il était si bon.

On serre les mains aux amis ; c'et la dislocation finale.

Sauvre : bataillon de marche ; qu'est il devenu ?

 

Sac au dos, direction Somme-Suippes 2 km

La route est mauvaise et parait longue. Nous voici arrivés. L'état major nous montre notre cantonnement. Après s'être débarbouillés, on fait un tour en ville, ville est peut être exagéré, enfin peu importe.

Tiens, voici que la musique du 11e (?) s'approche pour donner concert. Eh oui, concert, qui le croirait ?

On le lit sur les journaux, mais on ne le croit pas. D’abord une fantaisie, puis une valse, avec l’accompagnement d'une batterie de 75 puis " le rêve passe " chanté par un soldat avec accompagnement musical et pendant tout ce temps, le canon tonne.

C'est vraiment poignant.

 

Entre deux morceaux, on se met à blaguer mais voici qu'un autre concert reprend : ce sont les corbeaux plutôt les corneilles qui volent autour du clocher en criant sans discontinuer, puis les voilà qui se posent sur le clocher qu’elles prennent pour un sapin sans doute Eh oui, le clocher est transformé en .....

 

(Texte manquant)

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Début du carnet : Avril 1915

1er avril

Départ 6h du matin de Bussy-le-Château (Marne), arrivée à Tilloy, 9h matin, bon cantonnement.

2 avril.

Lever 3h départ pour St Mard-sur-le-Mont (Marne) où nous arrivons à 11h.

Marche assez dure pour les hommes.

3 avril.

Installation au cantonnement.

4 avril Pâques

Bon diner, vilain temps qui malgré le carillon nous rend triste. On songe aux Pacques précédentes.

Pauvre Reinette , Pauvre Maman.

 

5 avril.

L’ordre de départ est arrivé hier soir.

À 8h du matin, on quitte le petit appartement dans lequel on a fait 2 bons jours car hier c’était Pâques et notre brave popotier ce brave Amouroux a confectionné un menu délicieux illustré par notre cher Mancey.

 

Marche pénible et longue, temps lourd après la pluie, beaucoup de trainards.

Arrivée à Vaubécourt (Meuse) 5h du soir, les hommes sont éreintés.

La popote est installée dans un misérable taudis habité par une femme et 3 petits enfants. Dans un coin un peu de paille et quelques couvertures, c’est là le lit de toute la famille.

Pauvre femme malgré cela elle est d’une obligeance touchante. Nous l’invitons à souper avec nous, comme assiette quelque boite de conserve vide, mais néanmoins ils trouvent le menu excellent.

À la fin du repas une quête discrète produit une petite somme que nous faisons accepter comme location.

J’oublie de parler de Vaubièvre les Allemands ont passé par là, aussi ne reste-t-il plus que quelques maisons debout, tout a été incendié, même l’église, quel désastre.

6 avril (mardi)

Départ 8h pour Heippes, 22km. Tout le long de la route ce ne sont que casques prussiens, képis, affuts de canon et aussi petites croix indiquant qu’un de nos soldats ou des leurs repose là.

Traversons plusieurs villages incendiés ou détruits par l’artillerie, Pretz-en-Argonne, Beauzée-sur-Aire , etc. Dieu que la guerre est terrible.

 

Arrivons à Heippes un peu fatigués. Apprenons bonnes nouvelles concernant St Mihiel, est-ce vrai ou canard ?

Attends des nouvelles de ma chère Reinette.

Séjour à Heippes. Cantonnement passable, beaucoup de paille, on dort bien. Recevons 3 renforts.

Exercice, théorie, voilà notre travail.

Quelques bons repas arrosés par les nouveaux venus. Discussions sans fin chaque soir ; guerre, politique, religion, cela fait passer le temps.

Dans la nuit du 11, ordre de départ pour Courcelles-sur-Aire.

 

12 avril

Courcelles-sur-Aire environ. Bon cantonnement.

13, 14 avril 15

Courcelles-sur-Aire

Installation au cantonnement, travaux de propreté.

Exercice soir.

14 avril

Chants au cantonnement par les S.off, suis couché, me doute de ce qui doit arriver.

Capitaine entrant au moment où ils chantent pour la danse du ventre, stupéfaction générale.

15

Au matin, petit speech du capitaine.

 

Le soir, exercice tout près du cantonnement, on craint un départ probablement.

16 avril

Courcelles-sur-Aire

17 avril

Courcelles. Exercices du soir escrime à la barbe des s.off, bonne rigolade.

18 avril (dimanche)

Courcelles. Grande fête organisée par le bataillon, courses, jeux, chants, rien ne manque pas même le programme artistique que ce brave Mancey a peint.

Bonne soirée on oublie un peu les vilains jours.

19, 20, 21, 22 avril.

Courcelles.

Emploi du temps estival commence ; exercice principal le matin, soir jeux. On apporte des ballons de foot-ball, espoir de rester quelques jours encore.

21 au soir

Départ fixé à demain 22.

25km arrivée à Laimont (Meuse), village assez important, a beaucoup souffert.

Le départ pour embarquer est fixé à demain 23, 22h.

Où va-t-on ??

23 avril

Laimont 8h du soir on part pour Revigny (Meuse), gare distante de 4km. Embarquement dans des wagons aménagés. Sommes 47 dans le compartiment.

Impossible de remuer et de dormir.

 

24 avril.

Voyage Revigny, Noisy-le-Sec, Gagny.

Belle journée, on approche de Paris, chacun veut voir, on distingue nettement la tour Eiffel, le sacré cœur, le panthéon, quelques parisiens sont là, bien heureux de voir leur vieille ville mais les larmes aux yeux devant l’impossibilité d’aller voir leur famille.

Voilà St Denis.

On dit au revoir à Paris, acclamations de la foule. 9h du soir coup de clairon, nous sommes arrivés gare d’Ayencourt nord de Montdidier.

Sac au dos, en route à la recherche d’un cantonnement, halte sous une pluie battante, on rebrousse chemin, erreur sans doute, la marche continue, on traverse un village puis un autre, encore un, pas de pause, les hommes sont éreintés et bien trempés certes.

Dès qu’ils aperçoivent une lumière ils accourent cherchant un coin pour se coucher, mais rien.

Les uns restent en route, d’autres s’installent sous une meule de paille. Les autres comme des automates continuent à marcher, pas une parole, ils sont énervés mais ne disent rien. Triste marche.

 

Enfin le matin voilà la grange tant désirée. Les hommes n’en peuvent plus, j’avoue que je suis las moi aussi, cependant je casse la croute et je bois un quart de vin, 2 minutes après c’est le sommeil du juste.

 

25 avril (dimanche)

Épagny (Somme).

Installation au cantonnement. Nous sommes bien. Défense de sortir de 5h à 19h crainte des Taubes.

Le s/officier observateur au clocher fait sonner les cloches dès qu’un aéro parait. Tout le monde se cache, c’est assez drôle.

3e section du bureau font popote à part. Cela a peu d’importance.

J’écris, à ma chère Reine, je reçois une de ses lettres avec une fleur.

Voilà que je vais être inquiet la date approche.

 

26 avril.

Épagny.

Journée de tranquillité.

 

9h du soir, les lettres ne sont pas encore là.

Enfin, le camarade Metayer m’en apporte 5, je reconnais l’écriture de Papa.

Vite je décachète, il m’apprend la naissance de ma petite fille.

Me voici tout joyeux content d’apprendre que tout s’est bien passé et fier de ma chère Reine qui s’est montrée bien courageuse. Je lis celle de Marie-Louisequi me donne quelques détails, elle est bien gentille cette chère belle-sœur de m’écrire longuement.

Puis 2 lettres de Reine et une de Mme Marchand.

Mais voici que je pleure comme un enfant.

Pourquoi ?

De bonheur un peu, mais aussi j’avoue que je souffre d’être loin de celle que j’aime tant et du petit être qu’elle m’a donné. Quand la connaitrais-je cette petite Juliette ou Andrée je ne sais encore.

Que c’est terrible la guerre.

Je ne peux dormir, je vois ma chère malade là-bas dans son lit de jeune fille, pâle, fatiguée, fiévreuse peut être et moi je ne suis pas là pour la soigner, la consoler d’un baiser. Comme elle doit souffrir de sentir son petit vieux à 800 km d’elle.

Elle me voit sur le front dans une tranchée.., blessé peut être. Je sanglote, mais je ne veux pas que les camarades l’entendent et me voilà redevenu chef de section et donnant des ordres aux retardataires qui n’ont pas encore éteint leur lanterne.

 

Lilette

27 avril

Épagny

Le cantonnement est prévu. Le commandant a fait des félicitations et ce n’est pas cela qui me tourmente, j’ai ma pensée ailleurs.

Il me faut écrire à ma jeune maman. Je m’assieds à coté de camarades à l’ombre du grand orme. Je commence à écrire sur la table que nous avons aménagée, mais les larmes perlent au coin des yeux, je ne puis continuer ici ; vite dans un champ de blé, à l’abri des regards indiscrets.

Ici je suis bien et vite me fait du bien de pleurer.

 

Je finis ma longue lettre et je rentre au cantonnement pour trouver une lettre de Marie-Louise m’annonçant que tout allait pour le mieux.

Me voici content, dans quelques semaines elle sera tout à fait grande fille et je n’aurai plus de crainte.

28 avril

Épagny.

Matinée calme. Dans la soirée ordre de se tenir prêt à partir, puis certitude d’être embarqués à Ailly on prépare son sac. J’écris à ma chère malade mais ne lui parle pas du départ proche.

Puis à demain.

 

Ailly-sur-Noye

29 avril

Départ à 20h 1/2, petite marche jusqu’à Ailly, 5km, sac à terre et repos, on embarque qu’à 4h, pourquoi être partis si tôt ? Heureusement il fait un temps splendide.

 

Vers 2h, apercevons distinctement un dirigeable qui va dans la direction de Paris.

30 avril.

Ailly, Amiens, Abbeville, Montreuil, St Pol, Etrun.

Voyage plus long qu’on ne le croyait. Voici des villes que je connais déjà Amiens, Abbeville, puis St Pol où nous débarquons, 1km à pieds puis par groupes de 18 nous nous installons dans les autobus.

Quelle poussière !! Durant ces 26km, apercevons distinctement les nombreuses saucisses françaises, des aéroplanes, nombreux circulent au-dessus de nous, le canon tonne, nous voici près des lignes.

En effet descendons à Étrun, 8km d’Arras. Bon cantonnement.

Sommeil délicieux.

Mai 1915

1er mai

Étrun (Pas de Calais)

 

Bon bain à la rivière.

Départ pour les tranchées fixé à ce soir, on complète l’approvisionnement en cartouches à 200 par homme.

 

À 8h, nous prenons la direction des boches. Longueur de boyaux infinie. Quelques passages dangereux, une balle siffle entre le lieutenant et moi. Enfin nous y sommes, à peine arrivés voici qu’une pire fusillade commence, les bombes éclatent, des 77 sifflent sur nos têtes, heureusement les abris sont bons et les tranchées bien bâties. Je m’enterre dans mon abri et je me prépare à me reposer un peu.

Voici que le sol tremble, c’est une mine que nous avons fait sauter, aussitôt la fusillade recommence, les mitrailleuses se mettent de la partie et le concert est complet puis tout se calme pendant que les fusées continuent à illuminer le ciel.

2 mai

Tranchées Roclincourt, Thélus.

 

Sommes bien abrités mais moins tranquilles qu’à Thélus durant le jour. En effet la ligne décrivant un demi-cercle, nous recevons des balles de toutes les directions.

Visite aux petits 58 nouvellement installés et à leurs projectiles à ailettes 17 kg, plus loin les crapouillots bien installés attendant le moment de se faire entendre.

Bruits sourds entendus de mon abri, on dirait qu’on creuse au-dessous de nous, je vais prévenir lieutenant puis capitaine et rendre compte au génie, je trouve un sapeur dans un poste d’écoute à 10 m de profondeur, il est là l’oreille au sol cherchant à percevoir quelques bruits car des 2 côtés on fait des travaux de sape et c’est à qui fera sauter son voisin.

Au retour les bruits ne sont plus entendus.

 

M’allonge dans mon gourbi et me mets en devoir de lire les 30 lettres reçues hier et venues du dépôt. Bonne heure de lecture.

Ai des nouvelles de Reine, elle va de mieux en mieux.

Je lui écris, mais ne lui dis pas où je me trouve, elle serait trop inquiète.

 

4h du soir ? Del....? est blessé dans son trou par une balle à la mâchoire, pas de veine.

Apprenons que les cuisines ont été marmitées.

Bonne nuit sans trop de bruit.

3 mai.

Tranchées Thélus.

Beau temps, les avions se baladent, surtout les nôtres, les Allemands leur donnent la chasse sans les atteindre sans les décourager.

Dans la soirée, Bergougnoux et Métayer apprennent qu’ils sont chargés de faire une patrouille de couverture pendant que le génie creusera une tranchée. Cela ne leur sourit guère et encore moins aux hommes qui sont désignés.

Mais quoi c’est le métier.

 

À 19h, ordre nouveau le caporal Manuy (?) prendra le commandement de la patrouille Bergougnoux.

Nous voilà marmités car à côté de nous se trouvent des 68 tous neufs qui ont embêté les boches toute la soirée, ils ont sans doute été repérés car maintenant les obus tombent à côté, vite dans son trou.

 

21h. On reçoit les lettres, j’en ai 3 de ma chère Reinette. Elle va de mieux en mieux.

Vais avec quelques hommes approfondir un boyau qui est pris d’enfilade. La nuit est noire, il pleut.

On parle des 2 patrouilles qui vont partir et de leur chance de revenir.

Manuy a voulu accompagner son ami Métayer, c’est bien.

 

Puis le génie arrive, les patrouilles escaladent les tranchées, pas un coup de fusil, rien, ils coupent nos fils de fer puis s’éparpillent, les sapeurs suivent debout, dès qu’une fusée apparaît tout le monde se couche, voici le génie au travail tous sont debout ; les Allemands ne les ont pas vu car leurs balles viennent frapper les tranchées de 1ère ou de 2ème ligne.

Il pleut de plus en plus, mais je suis certain que les patrouilleurs en sont très heureux car il fait noir comme dans un four.

 

1h du matin, Métayer vient me réveiller et me rend compte de sa mission. Je suis bien heureux de le voir revenir car c’est un bien bon camarade, intelligent et très affable.

4 mai.

Thélus.

On s’attend à ce que les boches apercevant la nouvelle tranchée ce matin la bombardent mais on n’a rien.

Le soir, je vais avec une équipe continuer à l’aménager, on aperçoit dans un chemin les tranchées « d’en face » mais leurs habitants sont gentils car ils ne nous tirent pas dessus.

C’est de là que j’écris à ma chère femme et à Marie-Louise, je ne leur dis pas que je suis dans les tranchées mais si elles remarquent le papier tâché de terre, j’ai peur qu’elles ne soupçonnent la vérité.

 

8h du soir

Le lieutenant vient me commander de patrouiller avec 3 hommes pour aller en avant des lignes pendant que le génie travaillera.

Je choisis 2 anciens et un bleu et en route pour la 1ère section. Voici le lieutenant du génie, le capitaine qui juge inutile de m’envoyer en patrouille et surtout dangereux, discute avec lui et finit par obtenir le remplacement des patrouilleurs par des guetteurs de 10 m en 10 m dans la tranchée.

Il est probable que j’ai eu de la veine car si hier Métayer avait pour lui un noir d’encre, aujourd’hui j’aurais été favorisé par une nuit claire et étoilée et il est probable que les boches méfiants ne m’auraient pas laissé approcher de leurs lignes.

Ai-je eu bien conscience du danger que je courais ?

Non, j’étais commandé, je marchais et ma foi advienne que pourra, en tout cas maintenant que je réfléchis je me dis : « Carrie tu as été un veinard ! » Si ma chère Reinette savait. Quelle inquiétude !

Je reste avec les sapeurs jusqu’à 1h du matin mais suis peu exposé.

5 mai.

Tranchées Thélus.

Je reçois enfin le colis d’Émile Dumoulin : rasoir, cuir, blaireau, il a mis du temps.

Je me nettoie un peu car je ne suis qu’un monceau de boue il a plu et les boyaux sont pleins d’eau.

Je prends mon carnet et m’assieds devant mon livre pour écrire, mais voici que les 77 sifflent en sirène au-dessus de nos têtes et nous rasent, ils cherchent nos lance-bombes et ma foi ils s’en approchent car la terre vole près de nous sentons la poudre « à plein nez ».

Attendons tranquillement que la rafale soit finie.

 

Ordres arrivent donnant les dispositions à prendre en cas d’attaque : Ligne de colonne de peloton, 1er peloton adjudant (non’objectif) 2ème ligne de tranchées !!

Chaque peloton suivi des pionniers. L’artillerie commence à bombarder. Les hommes et les chefs sont inquiets. Que se passera-t-il si on attaque ??

Nous devrions être relevés ce soir mais rien n’est parvenu à ce sujet.

L’attaque à l’air de se confirmer pour demain sans doute. J’écris 2 lettres, une à Gardette une à papa Corvisier , je les donne au cuisinier avec ordre de les envoyer qu’après l’attaque au cas où nous serions blessés ou disparus.

Pauvre petite femme, elle qui me croit en sureté, pauvre maman mieux vaut qu’elles ne se doutent pas.

 

Puis Métayer, Bergougnoux le collègue Morange et moi nous donnons nos adresses réciproquement. Celui qui aura le bonheur de revenir renseignera les familles des camarades sur ce qui s’est passé.

On complète à 210 le nombre de cartouches des hommes, on vérifie les vivres de réserve, on demande la liste des soldats ayant de l’or. Voilà des indices certains.

Nuit assez bonne.

Je songe à ma famille, à ma Reine, à ma petite fille, je tache de me la représenter malgré tout j’attends sans trop de frousse l’heure de l’assaut. Je dors même bien que les obus ne cessent de pleuvoir.

 

 6 mai

Tranchée Thélus.

Le colonel commandant la brigade vient inspecter. J’envoie chercher des échelles, des fusées, des grenades, des grenades suffocantes, des réseaux bruns, etc…

Les officiers d’artillerie viennent en 1ère ligne régler le tir de leurs batteries, 150 obus par pièce, je regarde au périscope.

 

1h du soir, les meules de paille en feu. Thélus flambent, leurs habitants sont sans doute fiévreux car ils nous envoient une rafale de 77 qui tombent bien ….  1ère ligne. Je reçois quelques éclats mais pas de blessure.

 

14h, Nos obus battent les tranchées boches sans discontinuer.

À notre gauche les bombistes soignent leur travail et font un vacarme épouvantable. Il y a de quoi rendre fous ceux qui les reçoivent, je ne sais pas ce qu’en pensent nos « vis-à-vis ».

Nous apprenons que nos 75 ont blessé des soldats en 1ère ligne ; c’est malheureux.

J’écris à Reine que je suis dans les tranchées.

7 mai.

Tranchée Thélus.

Reçois paquet de Villié, conserves, cigarettes, porte-plume, ….. une grenade (de celles qu’on fume) car il ne nous reste plus que du tabac de soldat. Le colis arrive à point.

L’artillerie continue à bombarder, l’artillerie ennemie cherche surtout nos lance–bombes, aussi les obus éclatent-ils près de nous, il est prudent de se cacher. Attaque à l’air décidée après-demain.

Nuit mauvaise car le bruit est violent.

 

Villié

8 mai

Tranchée Thélus

Triste diner, vois arriver caporal Cavalier avec une capote pleine de sang, maillefer qui l’accompagnait a l’air d’un fou, il crie 2 morts, 3 blessés.

J’interroge Cavalier et pour ce qu’il me raconte en rapportant la soupe, un 77 est tombé au milieu du boyau a blessé 4 hommes et en a tué un, lui qui était à quelques pas derrière n’a rien eu.

En portant un des blessés sur son dos le sang a ruisselé sur sa capote aussi est-il dans un état intense. Un seul n’est pas grièvement blessé, tous les autres ont la figure déchiquetée ou une jambe broyée. Mauvaise nouvelle.

 

1h 1/2, on nous prévient que l’artillerie va de nouveau bombarder, chacun se terre bien vite.

Les Allemands répliquent bientôt et le concert commence, pour le moment ils n’envoient pas leurs bombes, tant mieux car ce matin ils ont répondu à nos 58 par des bombes du même genre que les nôtres et que nous ne connaissions pas encore ; elles font un bruit phénoménal et je crois qu’elles ne doivent rien à celles que nous leur envoyons.

 

Le soir, on fait préparer les sacs et emporter au village, l’attaque est certainement décidée.

 

À 23 heures, couvre-pied en bandoulière et dans le boyau pendant que l’artillerie va faire son tir.

Passons la nuit à la belle étoile.

9 mai.

Tranchée Roclincourt

 

6h du matin, l’artillerie commence, c’est pendant 4 heures un vacarme effroyable, de temps en temps on regarde par-dessus le boyau pour voir où tombent les obus. Mais chose curieuse, au plus fort du bombardement on entend les balles boches claquer aux oreilles.

Quel culot ou quel sang-froid, à moins d’avoir des abris merveilleux.

 

10h bientôt. Voici le moment de l’assaut.

Baïonnette au canon et nous allons en 1ère ligne car le 2ème peloton part après le 1er.

Soudain la terre tremble puis une détonation formidable, c’est une tranchée qui saute. Nos soldats se précipitent dans l’entonnoir formé mais bientôt les boches qui avaient fui reviennent et massacrent les nôtres.

Devant nous mitrailleuses et fusils ennemis crépitent, c’est donc folie de sortir à moins de courir à une mort certaine, notre artillerie n’a donc pas été suffisante.

Au bruit des balles s’ajoute celui des canons ennemis. Les voici qui tirent à shrapnells, leurs obus tombent bien, quelques-uns de nos soldats, effrayés, sont blottis et ne tirent pas. C’est pourtant dommage car les boches sont debout sur leurs tranchées (quelques-uns du moins), vite je me mets à un créneau et puisque ma section n’a rien à faire, je puis m’amuser à bruler quelques paquets de cartouches.

Je n’ai pas trop d’émotion et je vise de mon mieux, malheureusement je ne puis voir si j’ai touché mon but, ma silhouette a pourtant disparu et à 200 m il y a de fortes chances pour que j’aie fait mouche.

 

Bientôt la canonnade cesse un peu, nous n’avons pas trop de blessés, à la Cie un seul mort. Le malheureux CHAUVIN ( il était au créneau lorsqu’un obus a emporté le parapet et sa tête avec, sa cervelle est là sur le sol.

Triste vision.

 

Dans la soirée un peu de repos dans ma taupinière.

9h du soir, nous apprenons que nous sommes relevés, nous sommes contents car 8 jours de tranchées nous ont passablement fatigués.

Je pars seul avec ma section, j’ai la veine d’arriver aux abris Blanchard le 1er et seul car la compagnie s’est trompée d’itinéraire et erre de boyau en boyau toute la nuit.

Je découvre un bon abri où je peux loger tous les hommes qui sont avec moi. Nous dormons comme des loirs mais peu de temps car il est 2h du matin et à 7h la canonnade nous réveille.

 

10 mai

Tranchées.

Au lever, nous apprenons que le 20ème corps, plus heureux qui nous a devancé à notre gauche de 4 km jusqu’à Givenchy.

L’offensive a dû être générale et on a percé par là. Serait-ce la trouée ?

Comme nous serions contents. Je sors de l’abri et regarde par-dessus le boyau le secteur où le 88e a attaqué hier.

Triste vision des lignes de tirailleurs, des nôtres sont là étendus tout près de la tranchée allemande, un cadavre est debout retenu par les fils de fer barbelés, un autre est sur le parapet. Dieu que c’est pénible.

 

Le soir, il y a attaque mais elle ne réussit pas et nous rentrons dans nos abris.

11 mai

Tranchée. Roclincourt.

Dès le réveil, l’artillerie ennemie bombarde, les marmites ronflent au-dessus de nous, les 77 s’en mêlent et le tir ne s’arrête pas un instant. C’est bizarre que va-t-il se passer ?

Sommes prévenus qu’à 2h ½ il y aura attaque.

Sortons de notre gourbi et devons aller remplacer après l’assaut ceux qui sont en 1ère ligne.

 

Nous voici au carrefour du boyau Al der kader La 7ème Cie y est déjà engagée, je suis là blotti dans un petit trou car les fusants arrivent sans arrêt, mais voici que du boyau reviennent en criant 2, 3, 4 blessés, l’un à la tête, l’autre à la cuisse, ils ne savent où aller, où se faire soigner.

A côté de moi se trouve un petit abri recouvert de quelques branchages, je conduis un de ces malheureux et lui fais son pansement, mais les shrapnells tombent toujours, le boyau est pris d’enfilade et les blessés se succèdent à 1 mètre, en voici un qui ne peut marcher, je le conduis au même endroit et lui fais son pansement, il est bien heureux et me remercie, son pansement est fini et je reste avec lui dans l’abri car les obus pleuvent de plus en plus, soudain un cri de douleur à côté de moi, mon voisin se retourne et je vois le pauvre malheureux avec la moitié de la figure arrachée, sa joue a été arrachée et le sang a été projeté à 3 ou 4 mètres sur la capote du lieutenant Claverie vite un peu de coton et une bande et je cache l’affreuse blessure que je n’ose regarder.

 

Moi j’ai été touché à la cuisse, non ce n’est rien : ma vareuse a été coupée et mon pantalon de velours aussi, de blessures point, je suis veinard. En face de moi le lieutenant Jeanvourne a une balle au côté, le lieutenant Claverie est simplement contusionné.

Mais le plus malheureux c’est un téléphoniste qui a le ventre perforé, il tient ses boyaux à pleines mains et marche ainsi. Le voici dans un petit abri :

« Adieu ma famille » crie-t-il

« Adieu ».

Quel cri déchirant et le malheureux reste là seul une heure encore se sentant mourir et sachant que nul remède n’est possible. Vraiment je vis quelques heures troubles et les scènes vues seront inoubliables malheureusement.

 

Jusqu’à 5 heures du soir, c’est le même défilé de blessés, de mourants que des camarades emportent car nul brancardier n’est là. Vraiment le service de santé laisse à désirer dans notre régiment. Quelques-uns qui ont la bonne blessure s’enfuient à toutes jambes, presque heureux d’être touchés car ils quitteront pour quelques jours ces tristes champs de carnage.

 

Les shrapnells et les marmites tombent toujours dru, une d’elle éclate même près de moi, je vois du feu partout, je suis couvert de terre mais d’éclat point, c’est encore de la veine, si ma chère femme savait le danger que je coure.

Je retourne à l’abri où quelques soldats sont restés ; là encore j’assiste à une de ces scènes pénibles que la guerre seule est capable de fournir mais que l’imagination ne peut créer à elle seule : c’est un misérable camarade tout débraillé qui s’avance en rampant vers notre abri, arrive à l’ouverture et lève la tête et d’une voix rauque nous crie :

 

« C’est ici les boches ! »

À ces yeux hagards, je reconnais qu’il est fou, hélas je ne me suis pas trompé.

« Entre »

lui dit-on, tu vois que tu as là des amis mon pauvre vieux

« Entre, es-tu blessé ? »

« Non »

répond-il, puis il se frappe la tête en criant

« C’est là, c’est là qu’ils m’ont fait mal ! Oh les cochons ! Oh les salauds ! Mais je vais leur rendre »

 

Et il saisit un fusil qui se trouve à côté de lui. Nous le désarmons et tâchons de le calmer, il ne veut rien entendre et nous raconte une histoire de bataille dans laquelle son pauvre cerveau fêlé transforme beaucoup la réalité.

Quel malheur, et songer que sa folie peut durer toute sa vie, triste pensée qui vous laisse rêveur.

 

Enfin à la nuit le calme revient, chacun rentre « chez soi », j’apprends que mon cher Métayer a été blessé au bras et est déjà parti ; sa blessure n’est pas grave et ma foi je l’envie presque.

Au soir on compte les blessés et les morts, notre Cie n’a pas souffert mais la 7ème a eu 60 blessés à elle seule, c’est trop.

Dans la nuit les pionniers enterrent nos morts parmi lesquels 2 sergents ?? et un autre qui m’est inconnu.

12 mai.

Tranchées.

Dans la matinée je fais une croix et une inscription pour les 10 malheureux enterrés hier, funèbre besogne mais obligatoire.

Soir, un peu de repos, simple duel d’artillerie.

Apprenons bonnes nouvelles du 20ème corps et du 21ème qui auraient pris un ouvrage de Lens.

13 mai

Jeudi ascension, tranchées.

Réveil à 3 heures, attaque, je doute mais demeurons dans nos trous. C’est là que les prisonniers ont construit une tranchée entre les lignes françaises et allemandes.

On ne parle guère de relève, pourtant nous sommes sales et éreintés et je serais bien heureux d’aller au repos 1 ou 2 jours.

 

Soir, relève.

Les obus pleuvent dans les boyaux, triste relève, surtout sachant que nous allons à Roclincourt où nous serons moins à l’abri qu’ici.

Sommes logés dans une maison sans toit, les balles sifflent de tous côtés, les obus tombent dans la cave.

Malgré tout la fatigue aidant on s’endort.

14 mai.

Au matin, nous apprenons l’incident des pionniers, la panique qui les a pris a fait que le lieutenant Claverie sautant dans une de nos tranchées a été pris pour un boche et a reçu un coup de crosse d’un de nos soldats. C’est malheureux car c’était un bien brave garçon.

Je me débarbouille. Comme c’est bon l’eau, depuis près de 15 jours je ne me suis pas lavé et couche dans la terre, dans cette paille infecte où les poux pullulent. Je ne sais même pas si je ne suis pas rempli de vermine.

Enfin je vais voir, je change de linge et je m’aperçois que mes craintes n’étaient pas fondées, tant mieux.

Maintenant je vais essayer de me raser et certes j’en ai besoin. Je suis vraiment « un poilu ». Heureusement mon rasoir est sauf et je parviens à me nettoyer le visage.

Deux lettres de Reine, tout va pour le mieux et cela me réconforte.

Après allons manger auprès des cuisiniers mais voilà que les marmites interrompent notre repas et nous obligent à nous cloitrer dans les caves.

Je passe ma nuit dans la cave du capitaine car on continue à nous marmiter fort.

Partie de dames avec MANCEY et Bergougnoux.

 

Au soir, les marmites recommencent, plusieurs blessés et morts.

Visite au cimetière, de nombreux cadavres sont là non enterrés, quelques corps déchiquetés sont enveloppés dans des toiles de tente.

Ordre de se préparer pour 2h ½ du matin.

 

15 mai.

Tranchées.

Sommes en ligne, avons des abris pas trop mauvais, attaque à 4 heures du soir. On ne sait si elle réussit.

Apprenons que dans la soirée le commandant du 1er bataillon a été tué par un 75 , vraiment c’est décourageant et l’artillerie qui nous est affectée est vraiment inférieure à sa tâche.

Faute des hommes ? Des obus ? Des pièces ? On ne sait, en tout cas ces accidents deviennent trop nombreux et l’on devrait s’inquiéter de leur cause car bientôt nos soldats craindront notre artillerie comme celles des boches.

Un éclat d’obus me touche sur la tête, une bosse et c’est tout.

 

 

 

16 mai.

Tranchées.

La nuit a été bonne et j’ai dormi comme un loir.

Du matin juste des taubes et des aviatik.

Bonne journée, pas trop de blessés, soleil splendide.

 

Soir, apprenons que nous retournons en 1ère ligne. Comme repos ce n’est pas trop mal, enfin c’est la guerre.

Arrivons aux tranchées vers 11h.

17 mai.

Tranchées.

Sommes à 200 m environ, suis chef de section, le lieutenant Foisset est passé à la 7ème Cie. Dommage bon garçon et puis accepter une si lourde responsabilité, cela ne me fait guère plaisir. Enfin espérons que ce ne sera pour longtemps.

Pas de coup de fusil dans la journée mais duel d’artillerie.

Dans la soirée un « minenwerfer » blesse Morthon.

Pluie, les boyaux sont infects, on a de l’eau jusqu’aux mollets. Nous sommes dégoûtants.

Reçu lettre de Reine, elle est inquiète ayant lu que de sanglants combats se livraient près d’Arras.

 

18 mai.

Tranchées.

La nuit a été assez bonne car hier je me suis fait apporter un peu de paille.

Suis désigné comme observateur pour dresser le plan des tranchées allemandes, me voilà parti avec mon périscope et mes jumelles.

 

Soir, violent bombardement de nos tranchées par l’artillerie lourde, ce n’est pas trop rigolo. On craint une attaque, vite en tenue, on prépare les masques, etc.

 

La nuit vient, nous sommes toujours sur le qui-vive mais non pas d’attaque, nos voisins nous laissent dormir mais nos hommes tirent toute la nuit.

19 mai.

Tranchées.

Au matin, les hommes de corvée nous apprennent qu’un espion a été arrêté à Ste Cath. Il se servait paraît-il d’un cheval blanc mené à certains endroits pour diriger le tir de l’artillerie allemande.

À Arras 3 autres ont été arrêtés.

 

Je continue mon travail d’observateur, jusque-là je n’ai pas été aperçu, car on ne m’a pas tiré dessus. Gibau qui était avec moi passe au commandement pour remplir les fonctions d’adjudant de visite du colonel Borius et du commandant Claudel.

 

A la nuit, il me faut faire poser un double réseau brun entre la 1ère et la 2ème ligne. Les Allemands ne tirent pas, ce sera facile avec quelques hommes et 1 caporal au travail ; il faut monter sur le parapet et aller les accrocher, j’y vais moi-même car certains poilus n’ont pas l’air trop décidés.

De temps en temps une fusée nous éclaire, vite couchés, faisons le mort, ce n’est parfois pas très agréable car il faut s’accroupir à côté de pauvres camarades morts depuis 4 ou 5 jours et qu’on n’a pas enterrés. Que c’est triste et songer qu’ils ont été portés disparus et que leur famille ne saura jamais ce qu’ils sont devenus.

Demain je les ferai enterrer et préviendrai leur Cie de venir les identifier.

 

20 mai.

Tranchées.

Je remplace la 4ème section en 1ère ligne avec une demi-section. On y est bien, ou du moins mieux qu’en 2ème ou 3ème ligne car les marmites n’y arrivent pas. D’ailleurs les allemands ne tirent pas du tout, c’est même à croire que leurs tranchées ne sont pas occupées.

Proposition d’Amouroux au commandant.

On va essayer, par surprise, reconnaissance puis attaque, notre commandant en tête. J’ai bon espoir et je préfère cet assaut à celui qu’il faut faire après un bombardement d’artillerie.

Contrordre, l’attaque n’aura pas lieu, ni la relève non plus, car nous devions partir ce soir pour Anzin, attendons patiemment.

21 mai

Tranchées.

Pas de lettres, rien depuis 2 jours de ma chère Reinette.

On attend le général de division.

Soirée marmitage, les obus tombent sur les cahutes de ma 1ère demi-section, je n’ai qu’un blessé Delavaux car les autres avaient fui leur demeure.

 

9h du soir, canonnade intense sur la gauche, vive fusillade qui gagne petit à petit et vient jusqu’à nous, c’est le moment d’ouvrir l’œil et le bon, puis le calme revient.

 

10h du soir : le 2ème vient nous relever. Marche pénible à travers les boyaux glissants, on marche dans l’eau jusqu’aux mollets, obligés parfois d’enjamber des cadavres qui sont là.

 

À 5h du matin, bien sonnés nous voici à Bernéville.

22 mai.

Bernéville.

Suis appelé par le commandant pour lui servir de secrétaire……

23 mai.

Bernéville.

Je rentre à la Cie ; Amouroux me remplace.

Aménagement du cantonnement. Installe ma tente pour coucher car les hommes n’ont que quelques débris de paille infecte.

Bonne nuit.

24 mai.

Bernéville.

Travaux de propreté. Repos et corvée, nous l’avons bien gagné, nous consentirions à rester plus longtemps, il faut voir quel changement dans les physionomies, on rit, on chante, on oublie complètement la guerre.

Et puis quel plaisir de retrouver la campagne ; là-bas ce n’étaient qu’arbres brûlés, cassés déchiquetés par les obus ; ici c’est la verdure, ce sont les arbres en fleurs, comme ils sont jolis, il nous semble que nous n’avons jamais vu cela tant nous l’admirons.

Dans la rue nous rencontrons des civils, des femmes, des enfants.

Oh les femmes et les enfants eux surtout nous intéressent, ils nous rappellent les nôtres et les yeux d’un papa sont bien près de se mouiller lorsqu’il aperçoit un bambin de l’âge du sien.

Mais ne nous plaignons pas, nous sommes loin d’être malheureux, nos cuisiniers nous soignent, nous n’avons pas trop de travail, nous sommes assez loin du danger, que rêver en plus ?

 

Triste nouvelle : le bon BarriétIs, pour une peccadille est rétrogradé et remis sergent, vraiment ce n’est pas juste.

Brave BarriétIs lui qui est là depuis le début de la campagne, qui a conquis ses grades par son courage, son ignorance du danger, qui a été cité à l’ordre du jour ; voilà comment on le récompense, tous ses hommes sont bien peinés, ses camarades aussi et il est toujours sur de trouver près de nous de vrais amis qui l’ayant jugé l’aiment encore davantage aujourd’hui. (*)

 

(*) : BarriétIs

25 mai.

Bernéville.

Apprenons officiellement que l’Italie a déclaré la guerre à l’Autriche, je n’avais jamais douté de ce jour, mais je suis heureux de le voir arriver et je souhaite que son entrée en scène précipite les événements.

Soirée corvée de lavage à 7 km, bon après-midi au bord de l’eau et à l’ombre. J’en profite pour écrire.

26 mai – 27 mai.

Bernéville.

Départ pour les tranchées à 9h du soir.

Traversons Arras, quelques quartiers entiers, d’autres ravagés, barricades dans les rues. Là une splendide église transformée en hôpital. Dans le boyau on tire à shrapnels sur nous, pas de mal.

Bon abri avec le lieutenant et son ordonnance Lablanche, mauvaise nuit, bombardement.

28 mai.

Tranchées, St Nicolas, faubourg d’Arras nord.

Section de jour, pas mal de travail.

Dans la matinée Mancey commence le portrait du lieutenant Dumas, nouvellement arrivé.

Bon garçon, rieur, ancien sergent nommé sous-lieutenant, pas poseur pour un sou, nous nous entendrons certainement tous deux.

 

Soirée, les obus et marmites pleuvent dru, ils ou elles tombent bien près de notre gourbi. Ca y est, une éclate exactement sur nos têtes, la terre tombe et c’est ce brave Mancey qui la reçoit sur la tête et dans le cou, pas de mal, il en sera quitte pour se déshabiller et ôter la livre de terre qui s’est introduite dans son pantalon. Nous rions, comme des bonnes, solide cabane quand même, sans elle nous étions tous les 4 envoyés ad……

Nous vérifions les poutres, quelques-unes ont craqué légèrement mais c’est tout. Ce soir nous réparerons tout ça. La glace accrochée au mur a également senti la secousse et est tombée, elle n’a pas été blessée elle aussi. Bon signe.

 

La 4ème section qui occupait un abri comme le nôtre a reçu comme nous la visite d’une marmite, mais moins heureux son abri a été partagé en 2 et les poutres et la terre qui sont tombés ont blessé 5 poilus ; l’un d’eux a été complètement enterré, enfin pas de mort ce n’est rien.

A la nuit, réparation de la cahute.

 

Dans la nuit, les pionniers enterrent les cadavres qui sont là depuis 15 jours, besogne macabre et qui ne leur plait guère. Mais pourquoi chaque régiment n’enterrerait-il pas ses morts chaque soir de bataille. Comment identifier ces malheureux en décomposition, qui ira leur retirer leur plaque d’identité ou leur livret ?

Pauvres familles, vos fils vous seront signalés comme disparus et jamais vous ne saurez ce qu’ils sont devenus, terrible pensée.

 

29 mai.

Tranchées.

2h du matin, suis de ronde, fais le tour des tranchées, chacun est à son poste, la plupart des hommes de la 1ère ligne occupés à se construire un abri.

Dans la journée les Allemands nous marmitent consciencieusement, une d’elle tombe sur notre abri, pas de mal.

Le camarade Fabre  n’a pas eu notre chance, un 105 l’a déchiqueté, 2 autres pionniers sont morts à côté de lui et 2 autres blessés. La 2ème section a eu 2 morts également, vraiment le secteur n’est pas fameux.

 

30 mai.

Tranchées.

Dès le réveil nous sommes marmités. La journée commence bien, les obus tombent tout près, gare.

Vers 9h, Mokaven et Prépoint entrent en courant dans ma cahute et me racontent qu’une marmite est tombée au milieu de leur gourbi. Y-a-t-il des blessés, ils n’en savent rien car entourés d’une épaisse fumée et à moitié ensevelis ils n’ont rien vu et n’ont songé qu’à fuir.

Nous y courons, quelques camarades sont déjà accroupis et déterrent le malheureux Baudel enfoui sous la terre, on le transporte vite sur un brancard, une blessure à la tête avec forte contusion à l’épaule et des douleurs internes ; il est assez sérieusement touché. Pauvre Baudel, lui qui était arrivé depuis 4 jours et qui avait une telle joie.

 

Dans le fond de l’abri 2 cadavres : Linol et Féral braves garçons, le 1er était là depuis le début et le voilà mort, un énorme trou à la tempe. À côté Féral encore enseveli et ne donnant plus signe de vie ; je leur ôte leurs plaques d’identité, leurs livrets, leurs porte-monnaie et tout ce que je trouve dans leurs poches, un paquet pour chacun et j’emporte le tout au sergent-major.

On finit de dégager les 2 corps, on les couvre d’une toile de tente, puis chacun se sauve « chez lui » car le bombardement recommence.

 

Jusqu’à 13h, nous sommes bombardés de la sorte, le sergent et collègue Parazines a été bien touché avec lui 2 caporaux blessés, vraiment c’est une journée de malheur et à ce tarif la compagnie sera vite fondue.

 

Ce soir à 21h, nous relèverons la 1ère section.

 

Albassac

Fayolles

31 mai

Tranchées.

Hier soir relève, tout s’est bien passé, mais tranchées et boyaux ont été démolis et il faut travailler pendant la nuit pour les réparer.

Vers 9, 10 et 11h, tir de notre artillerie, ce qui nous vaut, bien entendu, une réponse payée de l’artillerie allemande avec forces marmites. Section n’a pas de blessés.

Soirée assez tranquille, duel d’artillerie.

Juin 1915

1er juin.

Tranchées.

Temps superbe, pas trop de bombardement, prenons un bon bain de lézard en fumant quelques pipes.

2 juin.

Tranchées.

Apprenons que nous sommes relevés ce soir par le 9ème.

Vais à St Nicolas reconnaître le boyau pour conduire la section à Arras. Visite aux cuisiniers de la Cie dans nôtre gentille installation dans une petite maison d’Arras, rien n’y manque : jardin, lits, fourneau, ils sont là comme chez eux.

Pauvres maisons d’Arras, elles souffrent plus de notre occupation que de celle des Allemands qui d’ailleurs fut très courte. Par les vitres brisées ou les portes défoncées on aperçoit l’intérieur de ce qui autrefois fut une salle à manger bien tranquille de quelques bourgeois aisés : la table est encombrée de toutes sortes d’objets dispersés, le buffet est ouvert, des assiettes sont brisées, les tiroirs ouverts aussi.

Quel désordre, quel gaspillage.

Relève vers 11h, tout se passe sans incident.

3 juin.

Bernéville.

Sommes rendus à 4h du matin, vite installation sous la tente.

4 juin.

Bernéville.

Dans la soirée, un taube ou mieux un aviatik nous survole à une faible hauteur, notre artillerie tire d’une façon merveilleuse : 2 à 3 obus éclatent à quelques mètres de l’appareil et voici le biplan qui descend, quelle joie parmi les soldats, on crie bravo, on applaudit, certains s’apprêtent à courir pour aller cueillir les aviateurs.

Mais voici l’appareil qui remonte, le moteur reprend et bientôt il n’est plus qu’un point noir imperceptible. Quel désenchantement !!

Malgré tout nous admirons l’audace et le sang froid de l’aviateur, car il l’a risqué belle, admirons aussi l’adresse de notre pointeur.

Regrets cependant car la Cie avec ses fusils l’aurait descendu certainement.

5 juin.

Bernéville.

Suis de jour, travail épouvantable !

Apprenons départ de la 4ème section et de Dubreuil pour le 59, nombreux commentaires.

Vais à Arras conduire les groupes grenadiers.

Bonne promenade mais éreintante à cause de la chaleur.

Reçois une carte signée de Reine, Irma Marie Fonte qui vient de Proprières.

 

Fontena

6 juin.

Bernéville.

Assez tranquille, c’est dimanche. Départ ce soir pour Achicourt. Préparatifs.

Dès notre arrivée à Achicourt posons les sacs et allons prendre les ordres pour aller approfondir et élargir un boyau. Officier du génie mitrailleur.

Rentrons à 4h du matin. Paille fraîche.

7 juin.

Achicourt.

Repos. Une rivière. Braves gens. Bonne journée.

8 juin.

Achicourt.

Le soir départ ; précipité pour prendre les outils et en route pour la caserne du génie.

 

A la nuit, partons au travail. Mes hommes en mettent.

À 2h tout est fini. La Cie est encore là.

9-10-11-12 juin.

Achicourt.

Continuons à être presque heureux. Théorie, signalisation, voilà notre travail, nous nous approvisionnons facilement et nous en profitons pour bien nous soigner.

13, 14, 15 juin

Achicourt

Tout va bien. J’ai des nouvelles régulières de ma Reinette qui va prendre sa classe ces jours.

Elle est complètement rétablie et a même bien engraissée parait-il. Tant mieux, s’il me fallait encore la savoir malade !

Départ du lieutenant Dumain ? .... à la 4ème compagnie.

 

Villié

15 juin

Achicourt

Nos officiers sont allés depuis plusieurs jours reconnaître caves et boyaux à Arras, on parle d’une attaque. Ordre de départ dans la soirée.

 

À 10 h, prenons la direction d’Arras, sommes logés dans d’immenses caves, vraiment on ne respire pas un air trop pur là-dedans, mais on dort quand même.

16 juin

Arras tranchées

Ai trouvé une maison pour notre popote. Nous y serons bien, malheureusement pas de jour et les ordres n'arrêtent pas. Corvées, sentinelles, lance-grenades, accrochez-vous. On nous a chargés comme de petits ânes. Nous prévoyons une attaque pour ce soir.

 

Soudain, en train de dîner, midi, le canon tonne fort. Parti sac au dos, nous abandonnons cuillers et fourchettes et en route pour le cantonnement qui est à 50 m.

Le capitaine nous apprend que la tranchée allemande est prise.

 

Un quart d’heure plus tard, sommes dans le boyau St Nicolas. Les blessés du 83 commencent à arriver. Ils ont pris la tranchée sans pertes mais n’ont pas pu s’y maintenir.

 

À 16 h, sommes dans un boyau fortement marmité, pas d’abris, à chaque sifflement d’obus chacun s’aplatit à terre, le sac sur la tête.

Cela n’arrête pas.

 

À 10 h, nous n’avons pas encore mangé. Pour se ranimer un peu, on fait une trempette dans de l’eau de vie. Enfin le cuisinier est là mais l’appétit a disparu.

Commencé à creuser un petit abri et bien qu’il soit peu confortable, je dors jusqu’à 3 h.

17 juin

Tranchées

Dès l’aube, le bombardement recommence, vraiment ils ne veulent pas nous laisser la paix une minute (la 4ème section a 2 morts et un blessé – sergent GRIMAL).

Quelques heures calmes, chacun en profite pour se chauffer au soleil. À côté de moi, un mort du 83 est toujours allongé la face contre le sol, les brancardiers ne l’ont pas emporté cette nuit. Que c’est triste !

Les lettres sont arrivées, rien de ma petite vieille.

À la nuit, retour à Arras.

 

18 juin

Arras

Avons bien dormi et nous en avions besoin. Popote installée rue des Augustins. Braves gens, sommes bien.

Dès le matin, bombardement de la ville. Les marmites arrivent par 3 ou 4, c’est un vacarme épouvantable, l’une est tombée près de notre popote dans un tas de fumier, pas de mal.

Soirée adieu.

À 4h et demi on nous fait équiper en vitesse pour partir à 9 h, enfin. Direction Achicourt, sommes heureux de retrouver notre ancien et bon équipement. 

19 juin

Achicourt

Nous trouvons la paille délicieuse.

Bonne journée. Temps splendide. Le soir nous allons travailler. Élargir et approfondir un boyau. Avons fini de bonne heure.

20 juin

Achicourt

Dimanche. Allons assister à une soirée récréative organisée par la 1ère cie du 20ème. Quelque bons numéros. On chante le plus joli rêve, une chanson de ma Reine, une larme coule malgré moi car même dans la voix il y a quelque chose qui me rappelle ma chère petite femme.

Quand nous retrouverons-nous tous deux, dans notre petite cuisine, le soir après la classe, elle chantant et moi, l’accompagnant au violon.

Mais j’étais trop heureux, cela ne pouvait durer.

21 juin

Achicourt

Allons travailler la nuit. Au moment où nous nous engageons dans le sentier, sommes marmités. MORANGE se rappelle alors le soldat surpris dans l’horloge de la gare et faisant mouvoir les aiguilles – était-ce un espion ?

 

À trois heures du matin, sommes rentrés. Pas de blessés

22 juin

Achicourt

Rien de neuf, ai des nouvelles de GIRAUD, de VIDAL, de ma Reine qui a avec elle Jeanne RUET et son fils.

23 juin

Achicourt

Reçu mes leggins. Apprenons que le départ pour Bernéville est fixé ce soir 8 heures. Le temps est lourd, nous sommes chargés. Bonne virée, mauvais cantonnement.

24 juin

Bernéville – tranchées Ronville

Les commandants de Cie sont partis reconnaître les emplacements du 20e car ce soir nous partons aux tranchées.

 

Départ 19h30, le capitaine a l’air content, ce sont des tranchées de luxe dit-il.

Il a raison.

En effet, à 22 h nous sommes rendus et nous sommes émerveillés devant les abris qui nous attendent.

Parquets, boiseries donnent à ma cahute un air très propre. La grande table ronde garnie de 2 potiches dans lesquelles s’épanouissent de superbes roses. Au fond, le petit lit avec un bon matelas. Accrochés au mur, quelques tableaux, deux petits émaux, les glaneuses et l’angélus. J’oubliais une belle pendule dont le tic-tac fait plaisir à entendre.

Il y a longtemps qu’on n’a pas eu comme aujourd’hui la sensation de se trouver dans un petit intérieur comme ça. Vraiment charmant.

Sur l’étagère une pile de livres. Je regarde les trois mousquetaires, le vicomte de Bragelone, poésies de V. Hugo, même les auteurs français du 13e S, cela me rappelle ma « normale ».

Vraiment rien ne manque, pas même une petite lampe en cuivre qui nous éblouit car depuis longtemps nous veillons à la lueur d’une bougie.

Je m’installe, après avoir placé ma section, là une demi-section, plus en avant au blockhaus, 6 hommes et un caporal.

 

25 juin

Tranchées Ronville

N’ai-je plus l’habitude de coucher sur un matelas ? Je n’ai pas dormi.

Mon brave CHABOT qui est avec moi a par contre bien roupillé. Journée calme, on bouquine, on écrit. Pas un coup de fusil, pas de tirs d’artillerie sur nos lignes.

Arras, seul reçoit des projectiles.

Comme ma chère petite femme va être contente de savoir son soldat ainsi logé, elle qui se l’imagine toujours au milieu d’une attaque, je lui fais une longue lettre.

 

Le soir, j’ai des nouvelles, elle va bien, petite Juliette aussi. En ce moment, Jeanne RueT (*) est avec elle, je voudrais qu’elle reste très longtemps car je suis sûr que seule dans la grande maison, les heures paraissent longues.

J’ai une lettre de Mr. MARCHAND, lettre désespérée car sa pauvre femme est bien malade et le docteur ne lui a pas caché la gravité du mal. Cher M. MARCHAND, si charmant homme, si amoureux de sa femme, quel malheur.

Combien je le plains.

Si pareille chose m’arrivait, je serais heureux d’être à la guerre. Je serais fou et volontaire pour toute les missions périlleuses, il est vrai que j’ai une fille, une petite fille à laquelle je me dois, et pourtant…

 

8 heures du soir, nous sommes bien tranquilles avec CHABOT et fumons moult cigarettes. MORANGE vient nous apprendre sa nomination de sous-lieutenant à la 12e Cie.

Poignées de mains, félicitations bien sincères car c’est un bon camarade, un peu jeune mais sérieux quand il le faut.

Nuit délicieuse, troublée par quelques rondes ou l’arrivée de pionniers, néanmoins bon repos.

 

26 juin

Tranchées Ronville

Au matin, l’artillerie ennemie entre en danse, les grosses marmites ronflent au-dessus de nos têtes et s’en vont éclater dans la direction de la citadelle. L’une d’elle a sans doute touché un camion de munitions ou quelques grenades car son éclatement est suivi d’un bruit formidable comme un violent tir de salves.

La journée est plus tranquille, j’écris en paix. On blague, on discute avec l’ami CHABOT, le citoyen PARAMEL, qui comme toujours, a la langue bien diluée.

27 juin

Tranchées Ronville

Bonne journée, le front est tranquille mais l’ennemi bombarde Arras avec force. Des 380 peut-être même des 420 passent au-dessus de nos têtes (ou du moins nous le croyons) avec un bruit sinistre.

Je lis la" Robe de laine" de Henri Bordeaux, très intéressant.

28 juin

Tranchées Ronville

Suis désigné comme « artilleur » pour le canon de tranchée – grenades. Excellent modèle.

Assez vilains arbres en face de moi m’empêche de pointer comme je le voudrais, quelques-unes bien lancées mais d’autres touchant la moindre branche éclatent de suite ; appelé par le commandant avec le lieutenant Claverie, nous donne des indications mais difficiles à suivre. CHABOT a été mis à la disposition du commandant, c’est un Lyonnais qui le remplace, MONTOCLAIR, sergent-major des pionniers. Les cuisiniers ne doivent pas être contents. C'est un bien brave garçon mais qui ouvre l’œil et qui exigera des distributions régulières, tant mieux, il y avait trop de laisser-aller.

29 juin

Tranchées – Ronville

La pluie, toujours la pluie, c'est dégoûtant d'avoir d'aussi bonnes tranchées et de ne pas pouvoir en profiter.

30 juin

Tranchées- Ronville

Visite du commandant. Déploiement de l'obusier, en plein air, puis dans la maison, allongé c'est épatant, il est satisfait, ça l'amuse. J'ai été désigné pour une patrouille dans la nuit. MANCEY ?veut m'accompagner. Bernard, aussi.

 

Départ à 1 heure du matin, pour approvisionner baïonnette au canon, sortons par la porte d'écoute de la 1ère division, (traverse des fils de fer comme dans les hautes herbes) nous rampons comme des serpents, tous les quelques mètres, arrêt, on écoute :

Rien.

La lune est belle, le temps est clair, sans les herbes sous serions certainement vus. Après une demi-heure de marche crocodilienne, nous voici au champ de coquelicots.

Nous le longeons (vers l'O.) aux fils de fer boches, impossible de passer, c'est la défense du fortin. Le réseau a l'air très dense et s'étend loin en avant de la maison brûlée et le leur fortin.

 

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Carte provenant du journal du 7e RI. On distingue cette « maison brûlée».

Cliquez sur la carte pour agrandir

 

Nous nous contentons de cet examen. Demi-tour, marche reptilienne pour changer et nous voici de retour, sans incident.

Compte-rendu, croquis.

Juillet 1915

1er juillet

Tranchées-Ronville

Bois tard ; pas grand-chose d'intéressant.

Soir, séance de lance-bombes avec lieutenant DUCAS ; nous allons apprendre la manipulation du canon de 37 ; c'est assez intéressant.

2 juillet

Tranchées-Ronville

Sommes relevés le soir par le 3ème bataillon. Je reste pour enseigner la manipulation du canon. La compagnie s'en va à Bernéville. Bergougnoux reste avec moi pour les signaleurs.

 

10 heures du soir, ça barde sur notre gauche du côté de Mont-Saint-Eloi. Roclincourt

Notre 75 crache fort, les mitrailleuses donnent, les Allemands ont sans doute attaqué ; après une heure environ le calme revient.

3 juillet

Achicourt

Après avoir montré le fonctionnement du gasen, nous voilà partis avec Bergougnoux direction Bernéville. Mais voilà que le boyau s'arrête là, nous nous sommes trompés et le chemin va être bien long, s'il nous faut retourner, tant pis nous allons passer en terrain découvert, l'herbe est haute, nous ne risquons pas grand-chose, nous nous dirigeons vers le moulin d'Achicourt.

Nous arrivons à la crête, dz... dz..., les balles sifflent à nos oreilles, ils nous ont vu les coquins, heureusement, un boyau est là, tout près ; pas gymnastique et nous sautons dedans.

Trouvons la cie à Achicourt, installée dans un ancien moulin. Cantonnement passable. Mokavin (TOKAVIN ?) se fait couper un doigt dans l'engrenage. Départ ce soir pour Wanquetin.

 

En route, apprenons que nous allons à Bernéville, Wanquetin occupé.

À Bernéville, mauvais cantonnement, les hommes n'ont pas de place, une moitié de ma section est couchée dehors.

4 juillet

Bernéville-Wanquetin

C'est dimanche, prenons nos repas à l'ombre des grands arbres qui entourent l'église.

 

À 7 heures et demi, sac au dos. (6 kms) sommes à Wanquetin sans trop de fatigue.

Bon cantonnement, gens charmants.

5 juillet

Wanquetin

Nettoyage comme toujours, corvée de lavage à Montenescourt, passons à côté de nos deux « saucisses », elles ne mesurent pas moins de 24 mètres de long sur 6 à 8 mètres de haut. L'une d'elles va être dégonflée, expédiée ailleurs.

 

Soir, repos. Foot-ball.

6 juillet

Wanquetin

Grande corvée, car revue du commandant.

L'ami Arnoul a tué un cochon pour le compte de la Cie, bonne idée du capitaine.

 

Le soir, théorie, jeux. Travaille à ma petite bague, pour qui ? Je ne sais.

Toute à ma chère Reinette, dans le gentil bosquet qui avoisine notre grange. Comme on est bien là, comme on respire. Où est le vieux temps où on profitait de notre bonne campagne, il est loin déjà, mais pourvu qu'il revienne, cela suffit.

Mais oui il reviendra, et au bonheur de posséder une petite femme qui m'adore et que j'adore, s'ajoutera celui de posséder une fillette bien sage, j'en suis sûr.

Et voilà que déjà je forme des projets, qu'en ferons nous ou mieux quels seront ses goûts ?

 

7 juillet- 8 juillet

Wanquetin

Rien d'intéressant...système.. d'amendes continue à fonctionner.

 

Départ pour Blavincourt, 2è bat. seul 3è et 8è?…..va à Grand-Rullecourt.

Petite marche, cantonnement passable, mais assez bon parce que …..

Autour se trouvent …... et d'interminables forêts…

9 juillet

Blavincourt

On commence à partir, permission, serait-ce vrai ? Les listes sont établies, on ne veut y croire.

10 – 11- 12- 13 juillet

Blavincourt

Le matin, marche, le soir gymn et jeux. Emploi du temps pas trop pénible.

12 au soir, départ des permissionnaires, Dubreuil, Chabot, Bonfont (Bonfant?) sont du nombre.

Quels veinards, mais ils le méritent.

14 juillet

Blavincourt

Pas de revue, pas de défilé, c'est épatant, les 2 popotes vont fusionner pour cette journée, repas exquis, trop de plats même, mais nous avons bon appétit.

 

Soir, jeux sans la Cie. Gauduche sort son répertoire accessible. Moult applaudissements. Match avec équipe du 136. Pluie diluvienne.

15-16-17 juillet

Blavincourt

J'établis la liste pour les départs des permissionnaires.

Je ne crois pas que mon tour arrive avant fin septembre et encore, mais qu'importe : l'idée seule, que peut-être si les événements le permettent, j'irais voir ma chère Reinette plus tôt que je ne l'espérais, embrasser bien fort ma Lilette, que je ne connais pas, rien que cela me donne plus de courage.

Septembre est pourtant loin, il me semble cependant que j'y arriverai. J'ai confiance, il me semble que je ne pense y rester, moi, pourquoi cette idée ?

Je ne le sais – souhaitons que j'aie raison.

 

J'apprends que le mari de Jeanne Ruet est disparu. Disparu cela ne me plaît guère car je sais trop par expérience ce que sont ceux signalés comme disparus. Pauvre femme. Pourquoi ne pas lui écrire la triste vérité. Enfin, peut-être me trompe-je.

Est-il prisonnier ? Qui sait.

 

18 juillet, dimanche

Blavincourt

On organise chiquement le terrain de foot-ball, le général de division doit venir assister à un match entre 7è et une équipe du 14è. Chacun prévoit la pile que le 7è va prendre. Match revanche du 7è au 136è (…?..) !

Temps splendide.

Assiste aux deux épreuves, cela me guérit un peu de mon violent mal de tête.

19 juillet

Blavincourt

Exercice de prise de tranchées dans le bois voisin.

Parle d'un prochain départ aux tranchées. Sale secteur paraît-il ; marmité, sale odeur, mouches, on va nous faire des moustiquaires. Enfin, ne nous plaignons pas, nous avons été privilégiés depuis longtemps.

J'apprends que le mari de Jeanne Ruet est prisonnier, tant mieux.

Reçu un colis de Dumoulin, cigarettes promises.

20 juillet

Blavincourt

Il paraît que nous irions au Labyrinthe.

Les officiers sont allés reconnaître. On prépare des masques-voilette pour se garantir des mouches qui pullulent.

 

21 juillet

Blavincourt

Apprenons que nous allons au repos avec tout le 10è corps. Nous n'en sommes pas fâchés.

22 juillet

Blavincourt

Le matin, préparatifs de départ.

Reste avec quelques poilus pour nettoyer le cantonnement.

 

Départ en auto à 13 heures. Temps splendide mais poussière atroce qui nous rend malade.

Traverse Doullens, très animé.

 

À 20 heures, on débarque. 5 kms sac au dos, il pleut maintenant mais c'est un peu tard.

Arrivé à Moyencourt-Les-Poix, Somme.

 

Vers 10 heures du soir, côte pénible, défilé devant le commandant, musique énervante.

Bon cantonnement. Bonne nuit.

23 juillet

Moyencourt (Somme)

Nettoyage du cantonnement-Repos.

Trouve une popote chez une bonne vieille femme.

24 juillet

Moyencourt

Confection de bas flancs en branchages.

Travail de toute la journée. Mes poilus s'en donnent à cœur joie.

 

Le soir, tout est fini, c'est épatant, tout n'est que verdure, branchages, guirlandes, c'est très propre et nous serons mieux que sur le sol.

Le commandant vient visiter. Mes hommes ont des félicitations et un ¼ de vin.

25 juillet (Dimanche)

Moyencourt

Repos. On écrit.

Causette avec notre hôte. Elle m'aime parce que je ressemble à un de ses gendres.

26-27-28 juillet

Moyencourt

Rentrée des permissionnaires. Chabot prend le commandement de la 1ère.

Chaque matin, petite marche.

 

Le soir, escrime + gym, jeux.

Peloton d'instruction des sous-officiers avec le capitaine KALB.

 

29 juillet

Moyencourt

Corvée de lavage à Blagny.

Bon déjeuner sur l'herbe avec leschaux, Bouffil, Nadau, Arnoul.

Marche.

Allons au village achetons vermouth, biscuits, vieux marc.

 

Le soir, départ du capitaine pour commandement dans 78e de marche. Ducos part également. Le capitaine est visiblement ennuyé de nous quitter. Nous aussi, moi particulièrement qui le connait depuis longtemps.

Enfin c’est la guerre, il faut s’attendre à changer de chef souvent.

Apprenons notre embarquement prochain pour une destination inconnue.

 

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30 juillet

Moyencourt

On se prépare pour le départ.

31 juillet

Départ de Moyencourt

À 10 h, nous quittons le cantonnement.

Le temps est lourd, le sac aussi. On sue, la marche est pénible. Mancey est obligé de s’arrêter. Certes il est malade car il ne manque pas de volonté.

Repos auprès de la gare. Embarquement wagons non aménagés.

Départ 19 h.

Août 1915

1er août

Voyage

Coulommiers, Sézanne, Vitry, Saint-Dizier, Sommeilles, Nettancourt.

On débarque. Sac à dos et 12 km à faire, ils seront durs, les hommes sont éreintés par le voyage. J’ai les pieds « abimés ».

Arrivée à Charmontois-le-Roi à 21 h.

2 août

Charmontois-le-Roi

Je cherche une popote. Les braves gens voisins de notre cantonnement m’acceptent. Nous sommes très bien. M. et Mme BAUDELLE sont très gentils pour nous.

Pas de correspondance.

3, 4, 5, 6 août

Charmontois-le-Roi

Matin marche. Soir (épuisé).

De temps en temps exercices ou théorie spéciale pour les candidats officiers et les jeunes officiers.

7 août

Charmontois-le-Roi

Départ des 1er et 3ème bataillons le soir pour les tranchées de l’Argonne. Départ en autos.

Préparatifs pour nous. Nous apprenons que des officiers allés pour reconnaître le sentier ont été blessés. C’était donc très gai là-bas.

Comme c’est notre dernière nuit à Charmontois, nous organisons un concert chez nos hôtes.

GAUDUCHE est de la partie et nous fait rire aux larmes.

8 août (dimanche)

Charmontois-le-Roi

Attendons ordre de départ.

Quittons ce brave Mr. (et cette gentille) Mme BAUDELLE vers 19 h.

Ils pleurent comme des enfants.

 

20 h, départ en auto, traversée de Sainte-Menehould, débarquons à Florent.

Marche dans la forêt, arrivée aux abris de Croix-Gentin.

9 août

Croix-Gentin

Cela nous rappelle cabanes et huttes, mais en mieux. Partout des huttes assez bien aménagées, là les cuisines, ici même une installation de douches, rien ne manque, on n’est pas trop mal.

10 août

Croix-Gentin, la Harazée

Je pars au campement.

Arrivé là-bas, le colonel nous apprend que le bataillon prend les tranchées ce soir. Je reconnais l’emplacement des cuisines.

 

Dans la soirée, arrivée de la compagnie, la 4ème section et une partie de la 3ème se sont fondues. Rien d’étonnant. Nuit d’encre. Pluie.

Arrivée des retardataires.

11 août

Tranchée, Marie-Thérèse

Conduis les retardataires. Sommes en réserve. Le soir la fusillade se déclenche. Arrivons en renfort à la 5ème.  C’est terrible. Jamais je n’ai entendu un tel pétard.

Bombes, pétards, grenades, minenwerfers, torpilles, obus pleuvent drus. Des fusées plein le ciel. Notre artillerie au signal crache dur.

Cela dure ¾ d’heure puis le calme revient. Lorin blessé.

12 août

Tranchée, Marie-Thérèse

Prends le commandement de la 4e section. Corvées de la journée.

 

Le soir, je vais servir à la 5e compagnie, fort éprouvée la veille et bien entendu, on me colle un plus sale endroit. Enfin on verra bien.

À côté de moi les bombes et les grenades pleuvent. Je fais appuyer mes hommes et reste avec 2 grenadiers. Ils sont braves et nous leur envoyons quelques centaines de grenades. Après c’est le calme habituel.

 

Au matin, je rentre à ma compagnie. Bernard a été blessé.

13 août

Tranchée, Marie-Thérèse

Reviens à la 3ème section, les torpilles tombent dru à côté de nous. L’abri voisin du mur est démoli, pas de blessé heureusement.

 

Vers 21h, la sérénade habituelle commence on se tient prêt à partir. BERGOUGNOUX blessé, après aussi veinards. Sommes à la disposition du génie. Allons avoir une tranchée par jour.

 

Soir, pluie qui ne s’arrête pas.

Je vais me reposer dans un trou où se trouvent quelques outils. Course à travers les boyaux, la 6ème est fortement endommagée.

14 août

Tranchée, Marie-Thérèse

Partons pour la 6ème en ligne.

Les boches sont tranquilles, ils travaillent dur. On parle de relève pour ce soir. Ce ne sera pas dommage car c’est un enfer que cette Argonne.

 

Vers minuit pétarade. On s’y habitue. Pas de blessé.

Apprends la mort de Bernard et de Sempé.

 

position de cette compagnie sur la carte

15 août

La Harazée

3h30, le 14ème nous relève. Repos à La Harazée.

16 août

La Harazée

Les chefs de section vont reconnaître le nouveau secteur.

Suis nommé adjudant. Reçois photos de ma fille et de Reine.

Gros bécots. Suis bien heureux.

17 août

Marie-Thérèse

Partons à 3 heures du matin pour aller relever le 14.

Journée assez calme mais à 8h30, attaque d’urgence. Notre artillerie est magnifique, les bombes pleuvent mais pas chez nous…

J’ai 2 grenadiers de blessés, LANGE (Large ?) et berthelot, le premier peu gravement.

Une demi-heure de pétard puis le calme.

18 août

Marie-Thérèse

Bien, prévenir mes poilus. : tirer le moins possible, ne pas s’énerver.

Au concert du soir, tout va pour le mieux. Pas de blessé.

Ai fait construire mon abri, petit bâtiment en treillage métallique.

19 août

Marie-Thérèse

Il tombe des crapouillots en quantité.

L’un tombe à côté de moi, pas de mal. Sommes relevés demain, plus qu’une nuit à passer ici.

 

Vers 9 h, la terre remue, c’est une mine qui a sauté, instantanément, la fusillade se déclenche, c’est un vacarme à faire peur.

Soudain une torpille éclate tout près. Je suis sûr qu’elle est tombée dans ma tranchée, je ne me suis pas trompé, voilà que des hommes blessés viennent se réfugier dans ma cahute.

Puis en voici un que 2 hommes emportent. C'est le sergent MARCHI me dit-on.

Pauvre MARCHI, il a un pied coupé et une blessure à la tête, je veux le soulever, le sang coule à flots dans ma main.

Brave petit sergent, il est perdu. Cela me fiche un sale coup.

 

Ça se calme un peu, je vais voir l’effet de la torpille dans la tranchée, là dans un trou un agonisant pousse quelques soupirs. Je ne puis le reconnaître mais se doit être le caporal MARIE de ma section. Je le fais emporter, il est mort.

Vraiment ma section n’a pas de veine, j’ai 3 blessés et 2 morts. Je fais réparer le parapet de mon mieux mais je ne suis pas gai, cet accident m’a bouleversé.

Mais il faut continuer à veiller car qui sait si les Boches n’attaqueront pas de nouveau.

 

Rosazia

20 août

Florent

À 3h30 sommes relevés, descendons à La Harazée, buvons le café, en route pour Florent, installation du cantonnement.

21 août

Florent

Corvée de lavage.

Soir, nous arrosons mes nouveaux galons, ce n’est pas très gai, il nous manque notre bon petit MARCHI.

Reine est en ce moment à Propières.

 

22 août (dimanche)

Florent

Allons dans la matinée porter une couronne sur la tombe de notre cher MARCHI. Que de braves dorment dans ce petit carré de terre. Terrible Argonne, que de morts tu auras coûtés.

Reçois une lettre de ma Reinette, la voici revenue de Propières. Longue lettre de ma bonne Marie-Louise.

23 août

Florent

Petite marche.

Nomination des sergents et des caporaux. CAMBONAS, BIRIAS, , Seret, Labrous, nouveaux sergents. Arrosage de galons.

24 août

Florent – tranchées

Départ 1h15, arrivée à la tranchée 4h30.

Le 14e a eu de la veine, pas d’attaque 2 soirs de suite. Matinée crapouillots, tuyaux de poêle.

 

Soir idem. Rien dans la tranchée.

NADAU arrange mon abri. Le soir, travail à la nouvelle tranchée.

25-26 août

Marie-Thérèse

Journées calmes, nuits aussi. Lune splendide, peut-être est-ce une des raisons de cette tranquillité. Les Boches travaillent dur en face de nous.

27 août

Marie-Thérèse

Travaillons à la banquette nécessaire pour la suppression des créneaux. On se prépare à la relève. Dans la soirée LABROUS et DUBREUIL blessés par une balle. Bonnes blessures.

 

À 4h30, relève.

28-29 août

La Harazée

Dans les cabanes. Pas trop mal.

Apprends que Joseph est à Propières.

Reine est venue le voir.

 

30 août

La Harazée

Allons reconnaître l’emplacement de réserve à occuper en cas d’alerte.

Pluie. Vilain temps.

31 août

La Harazée

Préparatifs de relève. Pour demain.

Septembre 1915

1er septembre

Marie-Thérèse

Retournons au même secteur. Rien de changé. Les Boches se sont rapprochés un peu. Quant à nous notre nouvelle tranchée n’est pas encore terminée. On parle de permissions.

En serais-je ?

2 septembre

Marie-Thérèse

Crapouillots, minenwerfer, c’est toujours le même fourbi. Les mines sautent. Pas de mal chez nous.

J’ai des mitrailleurs d’une frousse extrême. Pour un peu ils ficheraient la panique à ma section.

 

Il pleut. Le lieutenant m’annonce que je suis inscrit sur la liste des permissionnaires, le départ aurait lieu demain. Serait-se vrai ?

Je n’ai pas le temps de prévenir et puis ne vaut-il pas mieux arriver sans être attendu.

3 septembre

Marie-Thérèse

Le départ des permissionnaires est fixé à 4 h du soir, pas un ne manque.

Il pleut, les boyaux sont infects. Adieu aux amis.

Course à travers les boyaux. 12 minutes pour descendre à La Harazée, nous faisons du 8 à l’heure. Je suis dégoûtant. Heureusement que AUDIBERT m’a préparé une capote et une vareuse je serai un peu plus propre pour m’en aller chez moi.

Une goutte de bouillon et en route pour Florent. Je commence à croire que c’est vrai.

Coucher à la Grange aux Bois.

 

Réveil 4 h.

4 septembre

Voyage.

En route pour Ste Menehould, 3kms, quelle quantité de permissionnaires !

 

9 heures, on embarque en 1ère, S.V.P., St Dizier, on nous réparti par compagnies.

Troyes, tout le monde descend.

Pause.... jusqu'à 8 heures du soir.

5 septembre

Voyage.

On se réveille à Dijon.

Voici Macon puis le Beaujolais, comme je suis heureux de revoir cette bonne contrée. Belleville, mais le train ne s'arrête pas, il me faut aller à Lyon.

Vaise (*) 13 heures.

On part vers nos permissions, chacun reçoit son ordre de route.

J'ai un train qui remonte à 1 H 28, je ne vais pas le rater. Belleville, voiture de Villée-Morgon, je saute de voiture vers l'église et j'arrive jusqu'à la porte sans être vu.

Quelle surprise.

 

(*) : Arrondissement de Lyon.

5-12 septembre

Permission

Bien beaux jours mais trop vite écoulés.

Voyage à Julienas, 1er baiser à ma Lilette, j'ai le cœur bien gros… et pourtant je suis si heureux.

À Emeringes, ce cher Monsieur Mélinand et ce brave JAMBON ne veulent en croire leurs yeux, une nuit dans mes vieux appartements. J'ai voulu les visiter tous, rien de changé, c’est toujours le même logement bien tranquille mais un peu plus triste.

Nous pédalons.

À Saint-Lager, à peine le temps de dîner, en route pour PROPRIÈRES Bonne maman, elle pleure, elle a vu ses deux fils, elle peut mourir, dit-elle.

Retour à Saint-Lager, Ville.

Course à Juliénas, pour dire adieu, non au revoir à ma Lilette qui est très drôle aujourd'hui, puis c'est le départ. Je l'appréhende un peu pour ma Reinette. Non, quelques longs baisers, une larme au coin de l'œil, elle veut être courageuse, c'est bien.

12-14 septembre

Retour

3 heures. Ste Menehould.

L'artillerie ennemie bombarde le quartier de la gare, un permissionnaire est tué à côté de moi dans la caserne... Voilà qui vous refroidit. Comme rentrée de permission, ce n'est pas mal.

 

Apprenons l'attaque du 9 septembre, le 14è a eu 1160 pertes, c'est énorme et dire qu'un jour plus tôt, c’eut été mon régiment qui aurait été là. Nous l'avons échappé belle.

 

Avec quelques permissionnaires, nous prenons la route. Puis en route pour La Harazée.

La route du Four-de-Paris est fortement bombardée, les voitures ne peuvent pas passer, nous passons à la lisière des bois.

Nous voici, enfin, au ravin de Saint Hubert, où la compagnie est cantonnée. Les visages joyeux, les mains qui se tendent, des questions indiscrètes, on fête l'arrivée des permissionnaires, c'est très gentil.

Je suis certain que cette bande de joyeux camarades m'évitera le cafard.

Souper, on goûte le beaujolais, on le trouve excellent.

 

15 septembre

Marie-Thérèse

À 15 heures, départ pour les tranchées, …sommes en 3 ligne, on se met à la construction d'abris.

Nadaud, Bouas, Vidal, Mespoulies et moi travaillons comme des nègres, au matin le trou est presque creusé, les madriers (d'énormes chênes) sont coupés, nous n'avons pas fermé l'œil, les sections ont travaillé dur aussi.

 

Mespoules

16 septembre

Marie-Thérèse

Nous continuons l'aménagement de notre trou car ce soir nous voulons coucher dedans. Travail interrompu par quelques 105, Bouas légèrement touché à la tête.

Vidal va nous chercher de la fougère et nous dormons comme des loirs.

17 septembre

Marie-Thérèse

Étayons notre abri, construisons deux lits en treillage de fil de fer.

Maintenons les parts du treillage et de la verdure, c'est épatant, très coquet. Les camarades viennent prendre leur repas car nous sommes « pépères » comme dit ce vieux Chabot.

18 septembre

Marie-Thérèse

Installation complète de la cagna.

De la verdure partout, une banquette « rembourrée » très chic, c'est un petit nid. Les sections ont presque terminé. Nous avons bûché et c'est probablement pour cela que le temps ne m'a pas paru long, je n'ai pas le cafard.

19 septembre

Marie-Thérèse

Le soir, changement de secteur.

Passons en 1ère ligne. Les boches sont à 80 mètres environ mais on ne les voit pas. Il n'y a qu'un petit trou pour le chef de section.

20 septembre

Fontaine-aux-Charmes

Visite le secteur, les 3ème et 4ème sections accaparent la pente du ravin, c'est un à pic formidable.

À 11 heures, le 75 tire fort et tape dans les chênes qui bordent notre tranchée. Une rafale de 4 vient s'écraser tout près de nous, vite au téléphone, à peine revenu, nouveau tir, trop court, Nadaud retourne téléphoner et puis c'est au tour de Bouas.

21 septembre

Fontaine-aux-Charmes

Fait ébaucher un abri entre la 1ère et la 2ème lignée, et avons notre abri au bout de 3 heures après avoir procédé de deux façons différentes, rien de fait.

Enfin trouvons la solution pratique.

 

Soir, relève, allons en arrière de ligne. Les hommes sont dans une tranchée. J'ai un abri assez vaste mais qui a besoin d'étayer. Abri pour les hommes en construction, des travailleurs dans la nuit.

 

À 1 heure du matin, l'ordre arrive de faire cesser tout travail. Pourquoi ?

Je l'ignore.

22 septembre

Fontaine-aux-Charmes

Ordre de faire les ballots individuels. Ne laisser dans le sac que : 1 chemise, 1 caleçon, 1 paire de chaussettes, des souliers de repos et les vivres en réserve.

 

Lecture aux Ct (commandant) de l'ordre du général Joffre à propos de l'offensive française. Il explique aux soldats la raison de cette offensive, leur montre qu'elle a toutes chances de réussite, étant donné la préparation méticuleuse, cite le nom des généraux.

Nous sommes heureux, chacun souhaite que cela soit le grand coup ou du moins un grand coup, je suis certain que s'il faut harceler l'ennemi dans sa retraite, pas un sera en retard.

 

Étayons notre cahute.

Dîner en famille, car 1ère ou 2ème fois …l'état-major se réunissant chez moi, il y a même là un maréchal des logis du 50ème artillerie qui mange avec nous.

 

Le soir, on donne l'ordre de reprendre les couvertures et les paquets individuels.

23 septembre

Fontaine-aux-Charmes

Le canon gronde de plus en plus et voici plus de 8 jours que cela dure. Vraiment je ne voudrais pas être dans les tranchées boches car elles doivent prendre quelque chose.

Soir, relève, en route pour La Harazée, nous passons le chemin des rondins au pas gymnastique et en quelques minutes nous voici à La Harazée.

 

Nous voici installés au ravin Saint Hubert, ma section se dépêche à prendre les abris couverts qu'elle occupait précédemment, car comme cantonnement c'est plutôt « moche ».

Allons souper à la cuisine.

Petite engueulade à Lafore qui vraiment oublie qu'il est fourrier.

Direction : la cagna !

Bonne nuit, mais sommier un peu dur car les cailloux me rentrent dans les côtes.

24 septembre

La Harazée

Distribution d'effets. On répare des ballots individuels embarqués le soir.

L'attaque serait pour demain.

25 septembre

À 4 heures, tout le monde, las sur la route, canonnade intense. Quelques marmites viennent nous visiter, pas de mal. Restons là toute la journée.

 

L'attaque aura lieu à 2 heures 30. Lecture d'un ordre du général Joffre, on entend à peine le lieutenant car le « glorieux » et ses camarades crachent fort.

 

Lors de la soirée les canards commencent à circuler. Prise de Lille, avance de l'armée du centre (gal Castelnaud) de 1 à 4 kms, 20000 prisonniers.

 

Soir, section de garde, 1 sentinelle garde du ravin.

26 septembre

La Harazée

L'ordre d'alerte est levé, les sections resteront dans leurs abris.

La pluie cesse, pas de journaux depuis hier. Les journaux arrivent, apportés par Ferradoir avec cantine mais pas  de détails sur la grande action.

 

FERRADOU

27 septembre

La Harazée - Tranchées

La nuit est pluvieuse. Boue.

Préparatifs pour les tranchées, Partons dans la soirée. Téléphone-nous donne confirmation de notre victoire. 20 000 prisonniers. avancée  de 10 kilomètres.

Bataille continue.

À notre droite, attaque allemande à la Fille Morte, ils ont conquis un élément de tranchée avancée. On s'attend à une attaque. Surveillance active la nuit. Place des fils de fer avec ce bon Vidal, qui n'a pas la frousse. Patrouille de nuit par Arnouil.

28 septembre

Tranchées.

Les crapouillots tombent, l'un d'eux faillit nous écraser dans les abris commencés, nous en sommes quitte pour la peur et un peu de terre sur le dos. Nadau malade et non reconnu.

29 septembre.

Tranchée.

Les tuyaux de poêle pleuvent.

Bonnes nouvelles : 4 brigades à Somme-py. La cavalerie suit. Feux de salves en cet honneur, un coup de révolver entre  les doigts. Pas de mal.

Allons occuper abris en arrière du chef de division.

Un caporal qui revient de la Harazée apporte les renseignements suivants : 40 000 prisonniers, 200 canons. Allégresse générale. Les ordres arrivent.

Sommes relevés. Le campement part demain matin pour Florent où nous serons embarqués.

30 septembre

Florent.

Perspective de se soigner à Florent met les cœurs en joie. On sait qu’on va là où « ça chauffe » mais tant pis. On est heureux. Temps maussade.

 

Relève à 13h. Route de la forêt des Hauts-Bâtis.

Bon repas.

Chabot invité .soulographie générale, Martial en bonne forme. Sa course dans le village la bougie à la main. Il est vrai qu’on s’est soigné : souper au grave (*), soirée finie chez les « Parpaillonnes

Chamaille avec les bretons, on enfile quelques bouteilles de champagne. Rentrée avec Chabot au logement de la 1ère popote : ceux-ci en ébullition.

Lafon gesticule fort (chants, etc...)

Boiffel couché sur le ventre de son camarade fourrier.

 

Octobre 1915

1er octobre

Florent.

Mal aux cheveux général.

Perspective de rester là quelques jours. Général de bataillon réuni officiers puis sous-officiers. Longue pause dans la rue, nous poirotons.

Enfin le voici.

2 octobre

Florent.

Allons à l’exercice, 6 km.

Beau temps. Journaux. Pas d’officier.

Tabac manque. Arrêt de la correspondance. Reine n’a rien reçu depuis 4 jours.

 

Soir, concert par la musique du 7è.

3 octobre

Florent.

C’est dimanche, exercice quand même, soleil épatant.

Assistons au concert en fond de la parade d’exécution pour le lendemain.

4 octobre

Florent.

5h30, tenue de campagne. Ravin du lavoir.

Colonne du bataillon. On a le cœur serré. On présente les armes, voici le condamné qui descend devant son aumônier.

Placé très loin, je n’entends que quelques éclats de voix, c’est la lecture de la sentence puis quelques cris du malheureux.

Un crépitement, c’est le feu de salves du peloton d’exécution puis quelques secondes après le coup de grâce. Tragique minute et de suite voici la musique qui joue et le régiment défile devant le mort encore attaché à son poteau, pénible vision et pénibles réflexions qui suivent.

Le 1er bataillon assiste ensuite à une dégradation d’un caporal.

 

Nous, nous allons à l’exercice. Commandant fait manœuvrer les gradés, quelques officiers.

 

Soir, exercice, jeux, musique. Le soir, SCHMIDT le défenseur du condamné.

Longue discussion très intéressante.

5 et 6 octobre

Florent.

Même programme : exercice matin et soir.

7 octobre

Florent. Ste Menehould.

Vais à Ste Menehould conduire les non-instruits. Commandant grincheux.

Autorisation de dîner avec le chef de détachement. Bon gueuleton.

Une visite au bureau de tabac (qui n’a pas de tabac), je me rattrape sur des Flor-Fina pour offrir aux copains et une splendide boîte de papier à lettres.

 

Retour pédibus, trouve Monteclair et Chabot au lavoir. Photographie du lieu où a eu lieu l’exécution.

Concert.

Prise de Tahure officielle.

Le soir, « charivari » indispensable à popote 1.

Évacuation de Nadau.

 

8 octobre

Florent.

Journaux nous apprennent la démission du cabinet Vénizélos, débarquement des troupes à Salonique.

Exercices, football.

Arrivée du nouvel aspirant : Galy-Gasparrou fils de l’ancien sénateur de l’Ariège.

Demain revue du 7ème par général de division, ordre très tard.

9 octobre

Florent. La Harazée.

Réveil 4h30.

Emplacement de la revue à gauche de la route de Moiremont. Alignements longs. Je manie le sabre plus ou moins gauchement et dire que Chabot copie sur moi.

Partons à La Harazée à midi.

Souper dans famille avec les S.O.

 

10 octobre

La Harazée.

Matinée calme.

Conduis une corvée de 25 hommes dans les boyaux de l’Hubert.

 

Soirée même travail. En rentrant ai des nouvelles de Reine, tout va bien.

Départ de Dubreuil à Louppy.

Veinard.

11 octobre

La Harazée

Chasse aux poux. Déjeuner avec Bouffil et Desilaux

Les avions pullulent. Chasse émouvante, l’un des nôtres est touché et tombe en flammes.

Toute la journée les avions se baladent, notre petite chasse fait l’admiration de tous.

 

Soir, chasse aux rats avec la lampe électrique, Desilaux  est le maître.

Départ de l’aspirant pour Louppy.

 

12 octobre

La Harazée.

Lecture des journaux. Discussion sur les évènements balkaniques.

Dans la soirée le camp Deville est bombardé par l’artillerie ennemie, sans doute un train blindé, la 7ème est touchée : 2 morts, 2 blessés.

Le soir la Cie va travailler. Chasse aux rats qui m’empêchent de dormir.

13 octobre

La Harazée.

Rien d’intéressant, corvées diverses, je me repose, met à jour ma correspondance. Reçois un colis de Villié, conserves  et tabac, me voilà bien nanti en fait de tabagie.

Manille après souper, troublée par une vive fusillade, nous laissons les cartes et nous courons vivement à nos sections que nous faisons accroupir, les balles sifflent dans les arbres, l’artillerie ne donne pourtant pas beaucoup, ce n’est sans doute rien, en effet 20 minutes après tout est fini, le front devient calme.

Je m’endors avec ce vieux Bouffil qui est venu partager mon sommeil.

14 octobre

La Harazée.

Lecture de nombreux journaux, détails demain. Lecture du caporal Reine et Jambon.

Tout va bien. Suis désigné pour aller travailler cette nuit.

Pause longue en attendant jambon l'avoir cherché. Ma présence n’est pas indispensable, je rentre.

15 octobre

La Harazée.

Réveillé par SERET qui m’annonce que Lagarnaudie a été tué à la corvée par une balle en plein cœur. Pauvre gosse.

 

La soirée : chef de corvée, 50 hommes, les expédie 2 fois sur St Hubert et Marie-Thérèse. Partis de tous à la ligne.

Après souper, manille pas méchante avec Desclaux et Bouffil.

16 octobre

La Harazée. Fontaine-Ferdinant

Préparatifs de départ.

 

Revue à midi ½. Départ 15h, a peine avions-nous passé le ravin de St Hubert que les marmites rappliquent, les boches ont sans doute vu la relève, il y a certainement des morts et des blessés.

 

Arrivée à Fontaine-Ferdinant à 17h.

Sommes bien installés, les abris pour sections sont propres et bien compris, dans le ravin coule le ruisseau, c’est épatant.

 

Soir.

Brouillard.

Je me change ayant reçu ma cantine, c'est la grande lessive (nécessité) car je suis infesté de poux.

Discussion sur les évènements balkaniques et sur les causes de la guerre.

17 octobre (Dimanche)

Fontaine-Ferdinant

Nettoyage des abris et alentours, râteliers d'armes etc…

Revue du lieutenant.

Le bon Desclaux nous a installé une table et des bancs, quelque peu branlants mais qui occasionnent que quelques chutes de postérieurs et des rigolades. Temps splendide. Montoilard nous photographie à table puis dans le bois où nous rendons visite aux « 155 avants ».

J'écris vite deux mots à ma Reine car le vaguemestre va être là bientôt.

18-19-20-21-22-23 octobre

Fontaine-Ferdinant

Chaque jour, corvée au Ravin Vert pour le génie.

Soir, exercices de gymnastique.

Installations des agrès par le commandement. Moniteurs : Desclaux, Bonlant, Bouffil.

Préparation pour le concours qui a lieu le dernier jour et où nos 3 sergents ont des 1er prix. Félicitations du lieutenant, cigarettes, cigares, pipes … sont distribués ainsi qu'un diplôme épatant est remis aux lauréats.

 

Les soirs, nous buvons quelques bonnes bouteilles, finissons quelques cigares, malheureusement, nous n'avons pas de cahute, et les soirées se terminent toujours … au feu du cuisinier, quelques chœurs entonnés par le capitaine de la 7ème, quelques bonnes blagues et 19 heures arrive.

 

De temps en temps, une manille ou mieux un 17 nous font passer une heure ou deux ; le plus souvent on va se "pageoter" sur ce vieux Bouffil, bien serrés l'un près de l'autre et avec nos deux couvertures nous n'avons pas froid.

Je bouquine un numéro des annales et je roupille comme un sonneur.

 

Nombreux échanges d'effets, ordres nouveaux du général de brigade, nouveau lui aussi, concernant les cuisiniers.

Adrien, notre popote du moins pour quelques jours.

Disparition du cheval et de la voiture non réglementaires, des lessiveuses. Ne cherchons pas à comprendre. Les canards volent ces nouvelles distributions d'effets font présager un départ en Serbie. Vidal « mon tampon » est nommé caporal, j'ai un nouveau sergent Blaty.

23 octobre

Saint Hubert

Départ de Fontaine-Ferdinant à 7 heures 30, il ne fait pas chaud. Nous nous installons dans des abris, un par demi-section. J'ai un lit en fil de fer.

Assez calme.

 

Soir (jour corvée en 1ère ligne)

25 octobre

Saint Hubert

Différentes corvées.

Le soir, travail de toute la nuit au boyau Saint Hubert. Terrain difficile, au lieu d'avoir fini à minuit, nous en avons pour 8 jours.

26-27 octobre

Saint Hubert

Vie… toujours la même.

Ne sommes pas trop malheureux. Les obus tombent assez loin de nos abris, mais le soir les balles sifflent et il ne fait pas bon se ballader.

La nuit, travail de minuit à 6 heures. Il pleut.

28 octobre

Saint Hubert

Demain nous devons aller relever la 5ème en 1ère ligne, nous allons reconnaître le secteur et ce n'est pas le rêve. Les minen pleuvent.

À peine arrivé, l'un d'eux tombe sur mon abri futur et tue un sergent et un homme. La tranchée paraît mal organisée.

Menace d'une mine car les boches qu'on entendait travailler précédemment, se sont tus depuis hier.

 

Le soir, nous apprenons que nous ne relèverons pas la 5ème compagnie n'ayant pas fait le travail ordonné, restera en  ligne jusqu'à la fin de la tâche qui lui est assignée.

Reçu colis de Villié, lettre de Reine.

29 octobre

Saint Hubert

6 heures du matin, nous rentrons de corvée, un tremblement secoue la terre, c'est certainement une mine qui a sauté. Nous apprenons qu'il n'y a eu qu'un mort. Une corvée de notre compagnie va déblayer.

Nous y avons coupé.

 

Le soir, des bruits circulent : la 5ème restera en ligne jusqu'à la fin par punition. ordre du colonel. Est ce vrai ?

Travail de nuit au même endroit.

30 octobre

Saint Hubert

Rentrés comme à l'ordinaire, c-à-d 6 heures du matin.

Beau temps.

Lecture des journaux, une lettre à ma Reinette, il va me falloir répondre à Marie-Louise qui m'a envoyé de grandes pages et sa photo (très naturelle-épatante). Envoi une corvée à la 5ème, à la 7ème. 2 blessés à la 1ère section par une marmite.

31 octobre

Relève

Allons à Florent.

En route, Chabot nous apprend son départ pour l'intérieur. Métallurgiste à …Joulonne ?....veinard !...

Le soir, nous fêtons son départ. Chambard épouvantable. Champagne coule à flot et, en avant la cantinière.

Novembre 1915

 

Table, quarts, cuillères, fourches en voient de dures.

 

1er novembre

Départ CHABOT. J’apprends ma désignation pour le cours de Louppy le Château (E.O). Départ à 5h du soir avec 2 sergents : 1 par bataillon. Couche à la Grange au Bois.

2 novembre.

Départ 5h du matin pour Ste Ménéhould, voiture d’artillerie nous emmène. Embarquement – Revigny – autos sont là qui nous attendent – déjeuner à l’hôtel – en route pour Louppy.

Descente de l’auto – officiers sont là – Répartition en sections, escouades – Visite du patelin – quelques maisons debout – Tout le reste brûlé ou bombardé.

2/11 au 16/12, Louppy-le-Château

Souvenirs délicieux – Débuts pénibles discipline, mais bientôt les officiers deviennent des camarades et sont charmants : MMs Bellac et Guérin.

 

Programme.

École de section de Cie – Service en campagne – Topographie – Lecture de cartes – assez intéressant – apprend surtout en topo – suis dans les bons et mon croquis sert de modèle (même serait-il faux !).

D’ailleurs ce travail-là m’intéresse et avec ce bon Jobin nous passons de longues heures à dessiner chez la mère Collard où nous régnons en maitre.

Nombreuses inspections : commandant – colonel – état-major – général – général Humbert – etc.

 

Vie.

Lever de 6 à 7 – coucher X Nourriture infecte au début – coup de balai complet parmi les cuisiniers ça va mieux.

Gily chef "popoteur". Amélioration de l’ordinaire par 2 – gueuletons réguliers pris à Laimont 5 km chez Mme Jehimer jeudi et dimanche soir – Gentille Renée – 2 enfants charmants avec Hélène une paire d’amis.

 

Distractions.

Concerts à Villotte – Camarade Gily au répertoire inouï – Jobin ténor merveilleux – Quelques concerts au moulin à l’occasion de nomination de brigadier ou à l’annonce de la prolongation du cours.

Chasse aux sangliers – un véritable troupeau – chevreuil tué.

Ballades aux environs.

Nombreuses parties de bridge – professeur Gardin sergent major 2ème.

Apéritifs, café, pousse-café chez la mère Collard – Contes au coin de la cheminée – Grosses bêtises - ……..

mains noires. R.... un peu mieux. Les amoureux de ch... et Suz.... gamines très amusantes. Bécotages en règle.

Pays …unique... en son genre. Val de ros nous dit la mère Collard au milieu du couvre-feu. Mariage lieutenant Bellac.

Changement de capitaine, Gédéon s'en va.

Adieu les cotes 202 et 216.

 

Avant le départ dernier souper à LAIMONT

Bavardage avec les tirailleurs marocains, très drôle. Lunch avant le départ offert au lieutenant Seré et au lieutenant Bellac.

 

16 décembre

Voyage.

À 6 heures, les autos sont devant la porte. En route pour Revigny. Les amoureux se disent adieu. Des pleurs, pauvre Denise, pauvre Suzanne. Il est vrai qu'elles doivent y être habituées, car à chaque départ c'est du pareil au même.

 

Diner à Sainte-Menehould. Quelques achats, dernières poignées de main aux camarades, Jobin, Garbin, Benech etc..

Logeons nos cantines sur une voiture et en route pour Florent, trouvons le bataillon au repos, à Florent.

Tout le monde est parti en marche.

17 décembre

Florent.

Repos. On cause avec les amis, la plupart sont allés en permission pendant mon absence, chacun raconte ses impressions.

18 au 24 décembre

Tranchées Saint Hubert, 411

6 jours-là.

Petite cahute pas très solide mais propre. Lit en fil de fer, cheminée qui marche bien alimentée jour et nuit par mon brave Mauriceau. Quelques obus, lieutenant Seré blessé à l'oreille sous un arbre. 2 obus nous couvrent de terre, tombés à deux mètres pas de mal.

Croquis des cheminements de contre-attaque, félicitations du commandant Chaillot.

24 au 30 décembre

Saint Hubert- 1ère ligne

Pluie continuelle, de l'eau jusqu'au genou. Ressemblons à de véritables cochons. 1ers jours tranquilles.

Nuits embêtées par les tuyaux de poêle boches qui tombent sur ma cahute, m'envoient rouler sur la table, pas de mal.

Un 105 coupe un chêne en 2.  Le plongeon de Belzard

Petit éclat, m'a traversé la manche, le 30 relèvé par le ... partons pour Florent.

31 décembre

Florent

N’avons été  là que pour 1 jour aussi les poilus en ont profité pour se soigner un peu.

Gloire au banyuls.

Départ 6 heures du matin.

1916

Janvier 1916

1er janvier

Fontaine-Ferdinand

Souhaits d'ordinaire.

Rien de neuf si ce n'est la réception de 3 colis, 1 de Proprières et 2 de ma Reinette, gratuits.

2- 3-4 janvier

Fontaine-Ferdinand

Quelques corvées au bas du ravin Vert. Quelques hommes blessés mais peu grièvement ; 2 marches vers Florent.

Général GOUBEAU.. fait sortir les sabres.

4-5-6-7-8-9-10

Croix Gentin

Déménageons pour Croix Gentin. J'ai une jolie baraque mais pas de lit ! Travail des poilus en 1 journée ça y est. Sommes à peu près tranquilles.

Marches vers Florent. Inspection du commandement.

1ère, 3ème et 4ème sections écopent.  je suis ........tomy quatre jours. Journée relève.

Foret, l'avocat de la 5ème, devient chef de section à la 4ème section.

Montoclair reçoit un coup de canne et se fait engueuler.

Marche- Manœuvres.

Le lieutenant DUPORCQ a appris la mort de son frère et est parti en permission.

Le 10 préparation à la relève. Lieutenant Doumen commandant de compagnie. Voiture à Florent prise par les mitrailleurs.

Une tuile arrivée à Montoclair. Sanction non partis.

 

11 janvier

Camp Beville

Réveil 1 heure 30 par l'alerte au gaz. Départ 3 heures Boyautons et poirotons 3 h pour faire 6 kilomètres.

 

Vers 6 heures 30, relève terminée sommes au camp Beville.

12 janvier

La Harazée- C 19

Suis chargé de faire les croquis de contre-attaque du régiment 9 – ça n'a rien de drôle d'aller en 1ère ligne à découvert....... Pars avec mon vieux Maunié qui profite du brouillard, pas trop dérangé, finis tout en une soirée.

 

13 janvier

La Harazée. C 19

Passe ma veillée à mettre au net les croquis demandés, 2 exemplaires à 9 h du soir. Reçois félicitations écrites du commandant pour mon travail.

Qui l'eut dit ?

Mieux vaut ça qu'une engueulade !

14 janvier

La Harazée. C O

Rien de neuf.

Lieutenant Séré est rentré mais repart dans 2 jours à un cours de projecteurs. Visite de Beaussan du 21ème, un camarade de Louppy.

Nous rappelons les bonnes journées passées là-bas, Heureux temps, où est-il ?

15 janvier- 16 janvier

La Harazée. C 19

Boches tirent dans la Biesme. Rassemblement de la compagnie. Vérification de l'effectif. Alerte au gaz.

Préparation de la liste des permissionnaires.

 

Soir départ de permissionnaires, allons reconnaître notre secteur en 1ère ligne car au lieu d'aller au réduit nous relevons la 7ème en 1ère ligne. Pourquoi ?

Marie-Thérèse. Le secteur n'a pas l'air trop mauvais. En m'en retournant, j'apprends que la 7ème est relevée demain.

Quelle est cette relève ? Bizarre !!

On discute enfin parait-il, c'est pour organiser un nouveau service afin d'envoyer une division du C-H au repos.

16 janvier

Croix Gentin

À 6 heures, sommes relevés. Partons pour Croix Gentin. Même emplacement que précédemment.

Nous retrouvons notre salle parquetée pour trois jours lieutenant Séré revenu, départ pour ..Nubécourt.

Projecteurs retardés. Lieutenant Duporcq rentré de permission.

 

Le fourrier va à Florent, nous. a apporté quelques provisions surtout du vin, une bonbonne ordinaire, 1 caisse de vieux Bordeaux, langouste etc..

17 janvier

Croix Gentin

Nettoyage

18 janvier

Croix Gentin

Revue par le lieutenant.

Soir concert.

Gauduche lesté par quelques verres de. Bordeaux est tout à fait en verve.. nous fait rire aux larmes.la caisse de vin vieux en voit de cruelles.

19 janvier

Croix Gentin

Mené la compagnie aux douches à Fontaine-Ferdinant

Soir, préparatifs de départ pour la 1ère ligne. Allons à Saint-Hubert (gauche)

20 janvier

Saint Hubert. D2

 

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La 12e compagnie se trouve bien au centre D2

 

Départ 3 heures matin, temps assez beau, on patauge vraiment. Suis section de gauche, vais jusqu'au boyau 11. 6 heures où j'ai un barrage.

Grande sape très solide mais peu confortable, l'eau coule comme dehors, marmites et seaux ne suffisent pas à enlever la flotte.

Les lits ..?..jamy - Desclaux sont avec moi.

21 janvier

Saint-Hubert. D2

Nos crapouilloteux avec ce brave MorangE ont juré de faire taire un "minenwerfer" et pour en expédier à l'endroit  repéré.. 2 ou 300 crapouillots, pétard effroyable, les boches répondent peu..

Proposition pour sous-lieutenant.

22 janvier

Saint-Hubert. D2

Même chambard dans l'après-midi, mais les boches répondent et avec des morceaux qui sont de véritables petits tonneaux.

 

À chaque éclatement, toutes les bougies de notre sape sont éteintes. Pauvre tranche de soutien, elle a pris pour son grade.et me voilà du travail tout tracé pour la nuit.

Pose de fils de fer, les boches sont tranquilles et oublient de nous envoyer quelques pruneaux.

23 janvier

Saint-Hubert. D2

Charrasse a été blessé en plaçant du fil de fer, une balle à l'aine. Belle conduite de son camarade Risclou (Reslon ou Reslou ?) qui ne l'a pas abandonné malgré la fusillade. Citation.

On apprend que Charrasse est mourant. Proposition pour la médaille militaire.

Suis appelé par le commandant pour faire un relevé de la droite de Saint Hubert et de la Mitte. Ais du travail pour toute la soirée.

Visite au commandant, travail à compléter demain.

24  janvier

Saint-Hubert. D2

Dès 7 heures en route pour achever mon travail. Descente à La Harazée.

Présentation au colonel Bouis et au général Goubeau.

Suis de retour à 11 heures.

Poste le travail au commandant.

25 janvier

Saint-Hubert. D2

On parle de la relève pour demain. Espérons que l'incendie de Florent ne retardera pas la visite du 1er bataillon car six jours en ligne cela suffit.

26-31 janvier

Florent

Popote bien installée. Pièce bien close, nous sommes chez nous.

Visite du camarade Martiel, aviateur, récits très intéressants tout à l'honneur de nos pilotes

Visite de Gily nommé sous-lieutenant de la 6ème compagnie. On cause de ce bon vieux temps de Louppy.

Je chope 4 jours du commandant, corvée de caillebotis.

En somme, bon séjour, pas trop embêtés, cuisine épatante, bon appétit, tout a marché pour le mieux et avec un temps splendide qui a permis à Montoclair de faire quelques photos.

Février 1916

1 au 13 février

Marie-Thérèse. 4N

Sommes en réserve et non dans les réduits comme nous l'espérions. Retrouve ancien « abri Juliette » que j'avais construit en septembre. Seule ma section n'a pas de sape.

Quand le bombardement est violent, mes poilus vont s'abriter dans les sapes voisines. Moi-même, j'y vais de temps en temps, car les 150 tombent à 2 ou 3 mètres de ma cagna, et maintenant habitué à avoir 6 mètres de terre sur la tête. Je ne me sens plus à l'abri dans une baraque où il y a quatre mois je n'aurais rien craint.

Quelques alertes sans suite.

Vers le 2 ou 3

Nous recevons du renfort, 43 pour ma section, 1 caporal et un de mes anciens sergents Labroue, 1 adjudant Fraysserie, 1 aspirant sont affectés aux 3ème et 4ème sections.

Les 7, 8 et 9

Je suis employé au bureau du colonel à relever un plan de secteur, je suis très bien, au chaud, tranquille et voudrais que ce travail dure longtemps.

Le 9

La neige fait son apparition, mais grâce aux cantonniers ; on ne se mouille pas trop et puis les moon boots sont là et rendent réellement service.

Je reçois une lettre de ma chère Reine qui me dit qu'elle ne peut plus sentir Mme B, comparaison, amour, ménage, B et C, ça m'amuse beaucoup, mais je vois que ma chère petite femme a pris ça au sérieux et ne tolère pas qu'on lui dise que son mari n'a pas l'air de l'aimer autant que Mr B pour Mme B.

Je l'approuve mais lui conseille d'en rire comme moi.

 

 

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Albert est nommé sous-lieutenant à titre temporaire le 29 mars 1916

 

 

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Composition du régiment au 1e avril 1916. Les officiers.

Cliquer sur l’image.

 

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La promotion Albert au grade de sous-lieutenant RTT (réserve à titre temporaire) a été ratifiée le 4 avril 1916

 

 

8-13 mars

MT Centre droit F1

8/3

Réveil minuit. Centre droit F1

Il a gelé fort. Bonnes bûches ramenées en cours de route.

Trou non boisé occupé par Barillé et moi. Visite aux crapouillots et canon ?? Petits 180 – gros Bleus, etc.

Le soir je traduis une lettre imprimée envoyée qui vient d’en face. Lettre d’un prisonnier encourageant ses camarades à se rendre.

9/3

Neige et froid.

Tir de 75, un coup trop court, je le comprends au son. En effet c’est tombé sur le barrage de la 1ère section. Caporal Madria tué – Bouffil blessé gravement à la tête a été laissé pour mort puis a repris connaissance. ¼ d’heure après un obus du même « glorieux » tombe encore à la même place.

Sur 6 morts récentes en voilà 4 par notre 75. C’est terrible.

Toute la journée bombardement formidable près Verdun. Correspondance arrêtée.

Ma Reinette se plaint. Reçois colis de VILLIE.

10/3.

Nuit calme, les boches ne viennent pas – suis de quart de 10 à 12.

Parle un jour de ce brave Morange à qui il a fallu couper la jambe. Quel malheur.

Et pourtant on ne le plaint pas car on ne sait ce que nous réserve l’avenir.

À certaines heures noires je me dis :

« Tu feras comme les autres, tu y resteras toi aussi »

 

 Et puis un rayon de soleil, un peu de calme et l’espoir revient, il me semble que cet amour fou de ma chère femme est une force capable de me sauver et cette foi me soutient énormément.

Je dois vivre et je vivrai.

11-12-13

Journées assez tranquilles, un de nos petits chasseurs s’attaque à 2 taubes.

Blessé ou feinte, le voilà qui plonge à pic de 3 ou 400 m, c’est la chute et le cœur bat, enfin sauvé le voilà qui se redresse et s’enfuit.

Les journaux nous racontent l’énorme hécatombe boche devant Verdun et le courage des nôtres.

Journée superbe.

Essai d’un nouvel appareil de pointage

BESCLAUF ( ?) rentrant de Chardogne, nous apprenons la mort de ce pauvre bouffil.

14-19 mars

La Harazée-Camp Deville.

Suis installé avec les brancardiers dans la sape. Formidable saillie

Dans le rocher à par et où les marmites boches ne nous font pas peur. Couché dans un bon hamac mon nouvel oreiller à air comprimé. Quelques corvées : pose de fil de fer devant la ??, temps splendide, en somme bon séjour, un vrai repos.

Demande aux patrouilleurs volontaires anciens à la Cie. Le capitaine est premier Bouas, BLATY se décident en fin à la condition que la patrouille soit faite par la section. Moi je les suivrai ainsi que Barille.

La veille du départ un 88 touche un abri et blesse le premier au-dessous de l’œil, mon brave Blaty ce ne sera rien. ?.....? Petit éclat dans la fesse.

Faisons encore quelques bourres où je suis encore veinard.

18 – 23/3

Croix Gentin

Même logement que dernièrement, corvée de pose de fil de fer champ des pommiers.

Le samedi saint, ballade à Ste Ménéhould où je n’ai pu faire que quelques achats car les magasins manquent de fournitures.

Pâques. Poker avec le commandant du Pradel et le Cnt.

 

Soir, souper avec le commandant.

Derniers jours temps splendide qui nous permet de prendre l’air et cueillir quelques violettes

20 – 25 mars.

Croix Gentin.

Sommes relevés à 3h du matin. Sommes là-bas à 5h – Une petite cabane pour les 3 adjudants.

21.

Corvée toute la journée : pose de fil de fer. Prévenu très tard, je

Quelques bouteilles bues au retour chassent la fatigue et ?? a ce soir un menu excellent.

22/3.

Départ 4h30 : corvée pour un boyau jusqu’à 9h30 car nos poilus en ont mis un peu et ont eu fini de bonne heure.

Manille.

23/3.

Même corvée. Vraiment les loisirs ne sont pas nombreux et les hommes peuvent à peine se nettoyer.

Enfin.

24/3.

Un DL est venu à la Cie. ?? que à la 7ème puis à la 5ème Cie, finalement le lieutenant s’en va alors resté à la Cie. Quel fouillis. Corvée pour la journée, je me fais mettre à la tache et comme j’ai une section de bucheurs à moi, j’ai fini. Il pleut à torrents. Je rentre au camp.

25/3.

Enfin journée de repos, ce n’est pas dommage.

??? mais dans quel état sont nos tranchées, enfin.

Le soir corvée pour la continuation du boyau pour, les 2 sapeurs confiés par la mine, ces deux poilus n’ont pas l’air trop décidé et n’en foutent pas lourd.

18 – 23/3

Croix Gentin.

Même logement que dernièrement, corvée de pose de fil de fer champ des pommiers.

Le samedi saint ballade à Ste Menehould où je n’ai pu faire que quelques achats car les magasins manquent de fournitures.

Pâques. Poker avec le commandant du Pradel et le Cnt.

 

Soir, souper avec le commandant.

 

Derniers jours temps splendide qui nous permet de prendre l’air et cueillir quelques violettes

Écris un mot à ma Reinette à VILLIE et PROPRIERES pour leur donner ma nouvelle adresse.

Vais coucher avec les officiers de la 2ème

26 – 31 mars.

S.H. Aileron et Réduit Rouvière.

26/3

8h au réduit Rouvière

Je suis détaché à l’aileron. Les hommes ont une sape, moi un tout petit abri bien petit, mais il y a un lit l et surtout une bonne cheminée car depuis 2 jours il ne fait pas chaud.

Pluie toute la soirée. Visite tardive du commandant ?? à ma réussite à Marc Lorieux ; m’amuse à donner quelques têtes de femmes qui ornent mon gourbi.

Ai sur ma table où peut être plus exact sur ma planche une mignonne tête blonde dont les yeux bleus me rappellent ma chère femme aussi la regarde -je bien souvent.

27/3

Journée un peu meilleure, surtout un peu plus calme. DESILLAUX qui s’ennuie au réduit vient déjeuner avec nous.

Dans la soirée ALIS ? vient me remplacer comme chef de section car je suis appelé au colonel pour établir quelque plan. Je ne me fais pas prier.

Je dois travailler avec le lieutenant SERE qui gentiment m’offre la ½ de sa chambre à la villa Bellevue. J’accepte volontiers. Logement superbe : lit, cheminée, bureau, etc. Rien ne manque pas même l’électricité.

Contre les murs, quantité de petites femmes découpées dans quelques « vie parisienne », jettent un peu de gaité, on est heureux de voir ces gentilles frimousses, car il y a si longtemps qu’on n’en a vu.

J’écris à ma Reinette et fume moultes cigarettes les pieds allongés près d’un bon feu.

28/3

Lever 7h. Départ pour trouver avec ?? divers emplacements, etc. Pluie.

Soir, je relève le réduit au 1/500 et je suis libre.

Les cuisiniers m’apprennent que les minens ont fortement endommagé l’aileron et que ma section est relevée par ??

30/3.

Lever 7h. Débarbouillage. Petit déjeuner avec ce bon CAYNAC qui m’a suivi pendant 2 jours et en route pour le réduit.

Bonne sape mais un peu froide, malgré le soleil qui venait de se montrer.

31/3.

Temps superbe, on prend quelques bains de lézard. Relevé demain pour D2.

1er Avril.

D2.

5h30 départ du réduit pour D2.

Suis en réserve 2 barrages à fournir. Occupe la sape de l'ancien commandement. Je la trouve d’ailleurs fort sale, on ne dirait guère qu’un officier a logé là. Je mets mes hommes au nettoyage et à la pompe car il y a beaucoup d’eau.

Journée diluvienne, les avions

Faire mes emplettes : achat d’une vareuse, culotte, galon, trousse – déjeuner, puis retour moitié à pied, moitié en voiture.

2 avril

...         .58.

S’amuse encore avec des petits engins de 40 kgs. La terre vole, les éclats tombent chez nous. C'est formidable comme puissance destructrice. Je travaille à l'aménagement d'un barrage que je veux faire costaud.

3 avril D2

BAULLE qui loge avec moi m'apprends que mon coup de main pour la compagnie est en projet. Nous discutons toutes les chances de réussite et les moyens à adopter.

4 avril D2

J'apprends par le capitaine ma nomination de sous-lieutenant à midi et la.... de la décision.

Suis affecté à la 4ème compagnie. Capitaine...... (? ) et FOISSET, deux anciens de la 6ème.

BAULLE reprend la 2ème division et passe la 4ème a l'adjudant....... ( ?) nouvellement arrivé.

 

À midi, je dis au revoir à tous mes copains. Je demande la permission au capitaine d'emmener MOUSSEAU avec moi : il me l'accorde.

Un coup de rasoir. On se débarbouille un peu. Au revoir à tous les poilus. Un petit ..... à chaque escouade pour fêter la nomination et en route.

Visite au commandant absent, visite au colonel qui m'accorde ainsi qu'à Robert la permission d'aller à Ste M (*) demain pour nous équiper ; en route pour Cx G (Croix Gentin) où est ma compagnie.

Présentation au capitaine puis au chef de bataillon tout nouveau. Il est charmant, très aimable. Souper excellent.

Écris un mot à ma Reinette à Villie et Proprières pour leur donner ma nouvelle adresse.

Vais coucher avec les officiers de la 2ème.

 

(*) : Sainte-Menehould

5 avril

Croix Gentin.

Pluie dégoutante et pourtant il faut  aller à Ste M. (*)

J'ai ma permission à f (**) au bureau du colonel. Je profite de la voiture qui mène les officiers au terrain de manœuvres où ils doivent assister à un exercice de " flammenwerfer ". Longue course à pied ensuite car je vois que l'officier de détail est à ..... ( ? ) et je m'appuie de ce fait 16 km de trop et ce qui est le plus fort, c'est qu'il ne peut me payer : ma nomination n'étant pas encore  ratifiée par le ministre.

Heureusement, j'ai sur moi quelques 180 F et cela me suffit.

 

(*) : Ste-Menehould

(**) : À faire

6 avril

Croix Gentin.

Préparatifs de relève – revue – visite de Gillé qui nous raconte comment s’est effectué le coup de main commandé par ?? Tout s’est passé de la façon la plus satisfaisante. Ils ont fait 14 prisonniers et 1 feldwebel a tué 4 boches. BOUAS en a un à son actif.

Tant mieux pour BAULLé, tant mieux pour mes sergents et pour ma chère section qui fut de la fête – suis heureux pour tous.

7/4

Départ minuit.

Suis dans mon ancien abri près de 4 N. Partie de dames avec le capitaine. Lecture des félicitations du général de division, au colonel et à ceux qui ont participé au coup de main.

Bonnes lettres de ma Reinette. Souper avec Mr de St Sernin qui nous conte l'interrogation des prisonniers. Leur joie.

La gifle du colonel à un embusqué automobiliste qui voulait prendre quelques boutons boches.

8/4

Une lettre de ma Reine, une de Marguerite Ravier. J’apprends la mort de Mr Sornay. Les services sont longs car je n’ai pas grand travail, je mets à jour ma correspondance. Diner avec Mr l’aumônier Blanc.

9/4

Le soleil s’est montré, on prend quelques bons bains de lézard – attente des lettres.

10 – 11 – 12/4.

Vilain temps – pluie journalière, on s’embête…. Quelques parties de dames seules distractions et moultes cigarettes.

12/4. St Hubert. D.

Relève à 3 heures du matin. Tout se passe bien. Dans la journée tirs de 58, les gros minens répondent. Ce fameux canon a fait des siennes et ma foi c’est un fameux lapin qui fait du beau travail. Secteur dégoûtant, nous avons du travail pour l’aménager un peu.

13/4

Il doit y avoir tir de concentration.

Après diner nous partons pour 3 N. C’est idiot car nous avons ici de bonnes sapes et nous les quittons pour des abris de rondins avec le risque de nous faire marmiter en route dans ce fameux boyau B où les obus tombent si bien.

En effet, les boches nous ont vus et nous accompagnent.

 

Pendant 1 heure, ils ne cessent, l’heure de revenir est là, les 105 pleuvent ainsi que les minens, c’est une course folle dans ce boyau et je ne sais comment je n’ai personne de touché, il est vrai que je n’ai avec moi qu’un petit groupe de 6 hommes.

Nous voici dans la sape, le capitaine est tremblant car mon autre demi section n’arrive pas ni les autres garnisons et les boches tapent de plus en plus fort. À un moment donné, j’entends des coups de fusil et de mitrailleuses, les boches attaqueraient-ils, le capitaine est inquiet et fait aller voir ce qui se passe.

 

Au pas de course je file, au barrage rien mes 2 hommes sont au fond de la sape ahuris, je file en 1ère ligne.

Je n’aperçois pas mes guetteurs, mais dans le PP (*) j’aperçois un groupement, les boches seraient-ils là. Je sors le révolver et je m’approche. C’est une escouade du 41 qui est perdue là-dedans et qui ne sait où est son chemin.

Les minens tombent énormes, un d’eux éclate à quelques mètres. Je reçois un caillou dans le dos et sur la tête, pas de mal, les mitrailleuses crépitent, les balles sifflent aux oreilles.

Je reviens à la sape. Près du barrage un autre minen me frise l'oreille. Pas de mal décidément je suis veinard.

Une demie heure après, par petits groupes la .... s'amène je réorganise le service. Mais dans quel état sont nos tranchées. Enfin le soir corvée, pour la continuation du boyau pour relier les deux sections coupés par la mine, ces sacrés poilus n'ont pas l'air trop décidés et n'en foutent pas lourd !

Journée un peu plus tranquille qu’hier.

 

(*) : PP : Poste Principal

15/4.

Vilain temps ce matin. Un peu de soleil le matin pour sécher nos boyaux.

Dans la nuit j’ai un homme : Lager tué d’une balle en plein front dans la tranchée en liaison avec le 41ème. Passage dangereux car de la terre de l’entonnoir dominent et prennent d’enfilade.

Ah ! Les salauds on leur rendra.

 

(*) : LAGER Henri, soldat au 7e RI, mort pour la France le 15 avril 1915, à l’ambulance N° 9 à Le Souniat, commune de Sainte-Menehould, blessure de guerre. Il était né en 1894 (recrutement de Brive). Pas de sépulture de guerre connue.

16/4

Temps assez beau, ce n’est pas dommage on se chauffe le dos au soleil.

À ma Reinette qui m’a écrit chaque jour. Moi qui espérais être avec elle pour les vacances de Pâques.

Quand aurais-je le plaisir de la retrouver, enfin. ?

24 – 6/5. L.H. Bellevue

Très bien installés. Temps superbe.

Nous réglons la popote 17fs chacun et ce n’est pas mal, mais aussi nous nous sommes soignés et nous avons souvent dîné avec du Grave ou du Entre deux mers.

DESILLAUX nous a fait des beignets délicieux.

Préparé sa cantine et ses ustensiles pour le départ à la tranchée.

Nous jouissons de notre belle vie. On se croirait en villégiature si l’éclatement de quelques marmites ne venait nous rappeler à la triste réalité.

Le 28/4

J’ai connaissance de la nouvelle liste des permissionnaires N° 11 ce qui me porte au 10 juin environ. En profiterais-je ?

Je n’ose l’assurer »

 

Ce soir, nous y cantonnons. Reçu 2 lettres de ma chère petite femme, dans l’une elle est bien contente d’apprendre la reprise des permissions, mais elle croit certainement mon arrivée plus prochaine. Pauvre mignonne.

Reçu aussi longue lettre de Marie-Louise qui me donne des nouvelles de ma petite Lilette. Fort drôle parait il  comme je vais être heureux de la revoir car le 10 juin c'est bien loin !

le 29/4

Solde.

Le trésorier ne peut me payer car ma nomination n'est pas ratifiée.

Sommes allés à F. pour du fil de fer entre 1ère et ligne de soutien, j'en ai été quitte pour quelques égratignures. Une poche décousue.

Mai 1916

30.4 – 1.5.

Même travail de nuit.

2.5.

Sommes alertés. Rassemblement sur la route sac au dos. On chuchote. Les boches vont de la 1ère ligne à F. Personne ne sait exactement ce qui se passe, pourtant nous n'avons pas entendu des coups de fusil, seul un tir d’artillerie a eu lieu y a quelques minutes.

Alerte terminée, un agent de liaison vient appeler Formet pour prendre le commandement de la 1ère Cie en remplacement du lieutenant Jamac. On commence à avoir la clé du mystère. Jamac a demandé un tir de barrage disant que les boches étaient dans la tranchée.

Renseignement faux, mais que lui avait été transmis par un sergent. En réalité simple reconnaissance qui avait été déformée avant d’atteindre nos lignes.

3.5.

Région de Four-de-Paris

Marmitée fortement. Tout fait prévoir une attaque. En effet à la tombée de la nuit, des fusées montent en l’air et un formidable tir de barrage a lieu. Les mitrailleuses crachent

Au bout d’une demi-heure tout se tait. Que s'est-il passé exactement ? On ne le saura que demain.

 

Mr blanc déjeune avec nous et nous raconte l'histoire du 41 ème  car il a été occupé toute la nuit au sauvetage des blessés et surtout des asphyxiés, car la plupart des pertes l’ont été par suite des obus asphyxiants.  Il a trouvé des sapes où une vingtaine d’hommes étaient morts assis tranquillement, la figure bien reposée paraissant ne pas avoir souffert, d’autres respiraient encore qu’on a essayé de sauver.

n

Les boches n’ont rien pris, ils sont venus en 1ère ligne puis sont repartis, chassés par notre feu ou tout simplement parce qu’ils ne voulaient probablement faire qu’un coup de main à bon compte ; plus de 100 morts, 1ère et 2ème ligne ont été bouleversées complètement.

 

Soir travail de nuit, on nous embête avec ce fil de fer et ce pauvre commandant ne vit plus, à chaque instant il est appelé par le colonel et a une frousse énorme.

5/5

Remis mon révolver. Partie de manille avec Carnet, laurent et le capitaine

Rien de neuf. Orage. Départ des saucisses.

6/5

J’apprends de mon ?? de Cie je passe à la 9ème. Raison de service, il y a au moins 7 ou 8 mutations pour les officiers.

Enfin j'ai encore de la veine car la 9ème va passer 1 jour au camp Deville et je ne bougerai pas de Bellevue

6/5 – 18/5 Bellevue.

 

7 et 8

Vilain temps, pluie, froid.

Sommes tranquilles car une seule section va travailler de nuit.

9/5

Le matin apprenons la mort du colonel du 41ème tué par une balle dans la tranchée Kovalsky, on amène son corps. Les hommages sont rendus par un peloton.

J’ai comme commandant de Cie un sous-lieutenant passé de la 4 à la 9ème le même jour que moi.

Ancien sous off engagé,

Par lettre il ne connait pas de belles phrases mais le style militaire lui est familier, cela ne l’empêche pas d’ailleurs d’être un charmant garçon.

11/5

Mr Viala rentre du cours des commandants à la Cie et reprend le commandement de la 9ème.

Dans les jours qui suivent organisons le terrain de Bellevue, clayonnage, pelouse, camouflage du mur, nos ordonnances en rotent car le grand chef est méticuleux et fait parfois recommencer le travail.

15/5

Mr Albert rentre de permission, garçon charmant, très gai, toujours le mot pour rire, avec lui nous nous entendrons certainement.

16/5

Départ à 2h du matin pour aller relever les chemins de contre-attaque.

17/5

Dubruel blessé.

 

16/5 -23/5 Croix-Gentin

19/5

Relève se passe bien mais à peine arrivés au camp, canonnade autour région St Hubert. Nous nous demandons bien si nous n’allons pas être alertés et repartir de nuit, ce serait une sale blague. Je m’endors tout de même.

Bonne douche, toilette, promenade à travers bois, cueillette du muguet.

20/5

Temps splendide. Dîner chez le commandant.

La nuit je vais travailler : pose de fil de fer.

Partie de piquet. Correspondance petite femme. Attends permission avec impatience.

21/5

Ciel gris.

Ballade. Temps assez beau Suis de corvée. Pose de fil de fer entre 4 h et 6 h 22/5.

Mousseau m'éveille et me montre un papier.

Je lis :

 

« Le sous-lieutenant CARRIE est invité à fournir de suite au bureau du colonel les renseignements nécessaires à l’établissement de sa permission. »

                                                                                                                          

Je fais un saut et immédiatement, en chemise, je fournis les renseignements demandés. Je ne peux plus tenir, quelle veine.

Après diner vers 13h je reçois ma permission, vite en tenue et en route et on roule avec la voiture du vaguemestre.  Je prends une auto à la Maison Forestière et vers 4h à Ste Hubert. Quelques achats. Souper à ....

 20h 56 dans train à Chalon changement de train direction Paris.

23/5

Suis à Paris vers 6h du matin. Déjeuner et en taxi pour la gare de Lyon, départ à 7h 45, en express.

Suis à Belleville à 5h car le train a du retard.

Loue une bicyclette à la maison Bontemps et en route pour Villié. 9 kms en route ça ne fait rien le moral est bon.

Surprise à la maison. CORVISIER télégraphie vite à ma chère Reine que j’arriverai le soir même.

Souper à Villié puis j’enfourche la bécane direction Emeringes. Chère Reinette comme elle doit être impatiente.

La trouve en montant le petit sentier. Gros et bons baisers, comme c’est doux de se retrouver.

Chère petite femme. Je lui dois tant de bécots.

24/5

Le lendemain matin nous descendons à Juliénas ; ma chère Lilette, comme elle est grande, elle marche, court, babille, la chère mignonne, je suis bien heureux et les larmes sont bien près.

Regrimpons coucher à Emeringes

25/5

Dans la matinée repartons à Villié.

Passons la journée là-bas.

26/5

Départ pour St Lager qui nous avait attendus pour dîner.

Visite à ces demoiselles. Courses à bicyclette jusqu’à Belleville pour voir GEOFFRAY pour nous monter en  auto à Proprières.

27/5

Visite aux cousins Nicolas, à Mr DUPONT ainsi ???

16h Geoffray arrive, en route en auto pour Propières

Pauvre maman, elle pleure de joie à retrouver son cadet et le cadet a la larme à l’œil lui aussi malgré tout son courage.

Bonne soirée avec Julien, Antoine et Irma, ma chère et bonne frangine.

28/5

On visite les amis et on absorbe quelques verres.

 

Le soir, Geoffray vient nous reprendre en auto. Couché à St Lager.

29/5

Départ pour Villié où nous dinons puis le soir départ pour Emeringes où je suis invité à souper par le maire.

Souper à l’hôtel. JAMBON avec BUISSON. Mr MELINAND et le vieil ami JAMBON.

Souper qui se prolonge jusqu’à 1h du matin. Chère petite femme qui attend seule.

30/5

Départ pour Juliénas dîner à la maison FOUGERAS puis visite à notre Lilette qui est bien gentille avec son papa.

Enfin il faut la quitter. Quand la reverrai-je ?

Je n’ose pas pleurer mais les larmes sont retenues avec peine.

Retour à Villié à bicyclette. Demandons la voiture à BAFOUR car il est entendu que Reine et les Lageois viennent avec moi à Chalon voir Joseph.

 

Saint-LagerLageois

31/5

En voiture pour St Lager où nous prenons Jules et Marie et en voiture pour Belleville.

Départ à 11h – omnibus complet – Enfin Chalon n’est pas loin. Joseph nous attend à la gare – suis bien heureux de le voir.

Coucher restaurant des 5 colonnes.

Juin 1916

1/6

Joseph vient nous trouver à l’hôtel.

Ballade dans Chalon. On sent déjà le départ car personne n’est très gai, non personne pas même moi.

Dîner de bonne heure et puis direction la gare : vilain moment que celui où il faut se dire adieu, on désire qu’il soit le plus court possible car on ne veut pas voir les larmes ou laisser voir les siennes.

 

Reine, Joseph, Jules et Marie sont montés sur la passerelle pour voir le train partir.

Adieux par la portière. La silhouette de ceux qu’on aime disparait bien vite et l’on tombe désespéré dans ce coin du wagon de première classe qui nous emporte………où ?

2/6

4h du matin. Ste Menehould, le voyage est fini, en route pour la Harazée car mon bataillon est en ligne. Je m’arrête à Florent pour casser la croute puis je vais dîner à Cie Générale avec les vieux copains de la 7ème.

Je retrouve ma Cie à 4h.

Pas trop de cafard ou du moins je tâche de le chasser le plus possible.

3/6

4h. L’esprit travaille mais je l’empêche de mon mieux. Secteur assez calme.

4/6

Le soir, on m’apporte une note m’invitant à gagner la 1ère ligne pour remplacer un chef de bataillon manquant à la 10ème Cie.

À 9h du soir, je pars accompagné de mon brave MONCEAU et je prends le quart jusqu’à 3h.

5/6/7

Séjour en 1ère ligne.

Visite à l’entonnoir immense du ??

Les bombes à ailettes, toutes nouvelles des boches nous tombent sur la figure, pas de mal, suis toujours veinard.

8

Relève.

Départ pour Croix Gentin; Même emplacement pour ?? et moi.

Préparatifs de départ car nous savons que nous sommes relevés de l’Argonne par le ?? corps venant de Verdun.

10/6

Départ de Croix Gentin pour Ste Menehould.

Cantonnons à Valmy. Chambre infestée.

11 – 12/6

Ste Menehould. Ballades – Achats, on ne s’en fait pas.

13/6

Départ au matin, allons cantonner à 21 km et pas de lit, couchons sur un brancard avec Albert.

Dans la nuit l’ordre de départ arrive.

14/6

15 km avec la pluie.

Dommartin, Le Vieil–Dampierre, petit pays assez gentil, avons un bon lit.

Séjour à Vieil-Dampierre assez intéressant, partons par le beau temps.

Du temps pas trop large  tout va pour le mieux.

On espère séjourner quelques temps, puisqu’on commence à organiser une fête du régiment : char fleuri, course, matchs, etc.

Malheureusement le 22 le départ devient imminent.

Le 23 c’est décidé,  préparatifs de départ, direction Verdun. Jusqu’à présent les avis avaient été partagés, aujourd’hui on est renseigné : c’est Verdun, adorable, parait-il.

 

Le carnet s'arrête ici

 

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État du 1e juin 1915

 

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Il décède le .29/06/1916.

 

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Il a été inhumé à Belleray, près de Verdun, 55100.

Le corps a été rendu à la famille.

 

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Voir des photos sur mon site de groupe de soldats du 7e RI

 

Pour  contacter le propriétaire du carnet : josiane.corvisier@wanadoo.fr

Site généalogique : gw4.geneanet.org/corvisie

 

Vers d’autres témoignages de guerre 14/18

 

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