Publication : Mars 2023
Un caporal-fourrier du 126ème régiment d’infanterie :
Adolphe COUROUBLE, brasseur à Etrœungt (Nord), mobilisé et qui part à la guerre le 2 août 1914.
Sa femme
Lucienne COUROUBLE qui reste à Etrœungt dans le Nord occupé.
Son frère
Alphonse COUROUBLE, également brasseur mais au Quesnoy (Nord), qui reste dans le nord occupé, puis est évacué de force.
Adolphe COUROUBLE est né à Villers-Guillain, dans le Nord, le 2 septembre 1883.
Engagé volontaire en novembre 1902, comme aspirant au titre de docteur en médecine. Il intègre le 1er régiment d’infanterie, puis le 147ème et enfin, la 6ème section des infirmiers militaires au camp de Châlons.
Il avait donc presque 31 ans en août 1914. À cette date, il rejoint Cambrai pour intégrer son régiment théorique de réserve, le 1e régiment territorial. Mais il part combattre au sein des 101ème et 126ème régiments d’infanterie. Il raconte dans son carnet son parcours de guerre.
Il ne reverra plus jamais sa femme et ses deux enfants.
Quelques
extraits :
Jeudi 14 octobre 1914.
« Beau. On
fusille un soldat. Triste événement. Partons pour les tranchées. »
Vendredi 27 novembre 1914
« Dégel. On
patauge de suite dans la craie. De garde. On nous annonce une grande victoire
russe. Le soir, dans les tranchées après un signal d’artillerie, tout le monde
chante la Marseillaise, spectacle assez féerique avec les fusées lumineuses
figurant le drapeau russe. Je me demande la tête que doivent faire les
Allemands. »
jeudi 10 décembre 1914
« De garde à Courmelois. Bêtise humaine : On relève en défilant
pour entrer ensuite dans un taudis infect comme corps de garde. On n’y mettrait
point coucher ses chevaux. »
Lucienne COUROUBLE a rédigé des documents très importants tant sur le plan humain qu'historique.
Lucienne nous raconte au jour le jour toute la vie dans son village occupé par les Allemands de 1914 à 1918. Tous y est minutieusement inscrit : ce qui passe dans le village, nombre de cavaliers, voitures, trains avec leur cargaison ; toutes les interdictions allemandes, tous les pillages, les rafles, les exactions…
Ces carnets ont été cachés durant toute la durée de la guerre.
Quelques
extraits :
Etrœungt (Nord), mardi 20 juillet 1915
« Branle-bas de
grand matin. La cloche sonne lugubrement. Appel des hommes
Pendant l’appel,
l’escorte du Gouverneur visite toutes les maisons de la cave au grenier, volant
tout ce qu’ils trouvent de métaux. Trois grands chariots sont remplis de cuirs,
cuivres, bronzes, étains. Tout le monde y passe, vélos entiers ou en
ferrailles, lanternes, instruments de musique, etc. Quel pillage ! »
« Des peaux de bêtes
sont trouvées chez FROMENT, qui est déjà en prison depuis 8 jours. Le
Gouverneur dit que la guerre durera encore des années ! »
30 juillet 15
« Les chiens
déclarés devront payer, 60 Frs dès demain pour 1 chien, 90 Frs pour le 2ème,
3ème et ainsi de suite. Ceux pour qui on aura payé auront une plaque et défense
de sortir pour eux. Les autres seront abattus, sous peine d’amende de 150
marks. »
Samedi 31 juillet 1915
« C’est fait
‘Follette’ n’est plus. Mieux vaut la tuer plutôt que leur donner 60 Frs. Jusqu’à
nouvel ordre, les chiens à atteler sont exemptés de taxes. »
Dimanche 22 août 1915
« Annonce obligeant
à mettre une plaque aux voitures de toute espèce, même aux voitures à chiens.
Obligation de déclarer les cochons d’Inde !!! »
Alphonse
COUROUBLE, ses carnets de guerre
Alphonse COUROUBLE (1880-1955) né à Villers-Guislain (Nord) était le huitième d’une famille de dix enfants. Son père était brasseur et il s’installa brasseur à son tour dans la ville du Quesnoy.
Il perdit en 1906 sa première épouse, dont il eut 2 enfants et se remaria en 1910 avec Marie-Thérèse FAVIER. Il aura d’elle trois enfants : Lucie née en 1911, Henriette en 1912 et Odile née le 9 août 1914, 6 jours après la déclaration de guerre.
Alphonse a alors 34 ans. Il a été réformé suite à une blessure à la jambe. Il est membre de la Croix Rouge du Quesnoy et organiste de l’église et de l’hôpital.
Le document se présente sous la forme de notes journalières de quelques lignes, écrites entre le 21 août 1914 et le 2 août 1916. Le ton du récit, très hostile aux Allemands, en fait pour son rédacteur une possession dangereuse.
Le journal de guerre d’Alphonse Courouble est un récit fait par un civil de l’occupation d’un gros bourg du Nord par les troupes allemandes, avec la description du comportement des occupants, des événements quotidiens et des diverses misères, pénuries et humiliations endurées par les civils. L’auteur est à la fois brasseur, infirmier civil et organiste à l’église, c’est une petite notabilité locale.
Si son sort paraît au départ moins pénible que celui d’autres habitants, et surtout que celui des réfugiés et déplacés, la réquisition des cuivres de sa brasserie finit par le ruiner comme les autres.
Quelques
extraits :
Mardi 6 octobre 1914
« En rentrant
le matin, je suis tout surpris de trouver un tas de bonhommes porteurs de
casques en cuir bouilli datent du siècle dernier. »
Dimanche 18 octobre 1914
« Le drapeau
prussien flotte au beffroi. Quelle honte pour nous quand il nous faut passer en
face. Sale loque ; si je pouvais te foutre au fumier. »
Samedi 10 juillet 1915
« Chaque fois
que l’on parle de la guerre :
On dit que vous va
bien. C’est la réponse habituelle.
Pendant ce temps on remet
le curé de Roye en chambre fermée à la caserne, on emprisonne l’évêque de Lille
Monseigneur CHAROST et Monsieur DELESALLE ; on fusille le maire de St Quentin.
Tout va bien !
On réquisitionne les
arbres fruitiers, on prend les moissons en herbe, les luzernes et les
trèfles...Tout va bien !
On démolit presque
toutes les brasseries, on sonde, on fouille l’hôpital à fond pensant sans doute
y trouver quelques soldats français emmurés... mais peu importe tout cela
puisque tout va bien. Les « Ripolins » pillent les vergers et les jardins.
Ce salaud de HIRSCH
se vautre chez CAILLAU.
Ce vieux pourri de
LANGOUSTE se plaint qu’on ne lui donne pas à manger pour ses 5 francs.
Le gouverneur enrage
et fait rager les autres... mais tout va bien. En France on boulotte tranquillement
son pain blanc sans se faire de bile. Que les envahis se débrouillent... tout
va bien ! »
Mercredi 15 septembre 1915
« La princesse
de CROY et la comtesse de Y. sont arrêtées.
CARTON de Berlaimont
refuse de saluer les officiers plus jeunes que lui... prison.
M. DUTRIEUX oublie
de saluer... prison.
Un boucher
transporte un veau sans autorisation... prison.
Melle DECAUDIN et
Alice REVERSE, voyageant sans passeport... prison ; toujours prison.
Il n’y aura bientôt
plus que les crapules qui n’y seront pas ! »
Lire le carnet de guerre d’Adolphe COUROUBLE
Lire les carnets de guerre de sa femme,
Lucienne COUROUBLE
Lire les carnets de guerre son frère,
Alphonse COUROUBLE
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