Journal de guerre de Maurice Delacroix

caporal à la section mitrailleuses du 4e régiment d’infanterie

5 février 1915 au 6 novembre 1915

Mise à jour : février 2017

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Préface

 

Jean-Pierre, 2013

« Je viens de "récupérer" un petit journal de guerre de mon grand-père, Maurice Delacroix né en 1889, qui couvre la période du 5 février 1915 au 6 novembre 1915.

Il était en poste en Argonne : Ravin des Meurissons, Plateau de Bolante, Plateau de la Charbonnière et sa base était vraisemblablement au Cléon.

Il était caporal section mitrailleuses au 4e RI.

Ce journal m'a paru d'abord un peu "curieux" (beaucoup de journées calmes !) car à la lecture des récits dans votre site les combats étaient à ces dates très violents jusqu'à que je comprenne qu'il était mitrailleur donc ne participait pas aux assauts. Mais il est néanmoins très intéressant par ses souffrances...

Mon grand-père (père de ma mère) gazé, tuberculeux a trainé après la guerre d'hôpitaux en hospices et est mort en 1925 »

 

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Maurice DELACROIX a fait son service militaire au sein du 113e régiment d’infanterie. Il est passé au 4e RI à la mobilisation. Il se trouve à droite sur cette photo de 1911.

 

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Départ le 5/2/15 d’Auxerre.

Arrivée le 6/2 à Les Islettes.

Cantonné le 7/2 à Futeau.

Départ le 8/2 pour le ravin des Meurissons.

Prendre les tranchées.

9/2

Arrivé aux tranchées, 4h journée calme.

10/2

2è jour de tranchée à 3h soir un percutant tombe dans le boyau à 2 mètres de mon poste d’observation, belle émotion générale.

Résultat 1 sourd dans le poste.

Le matin 1 balle passe entre les jambes à Ernest.

11/2

Matinée calme à 13 heures nous apprenons que nous allons à la mitraille très bonne nuit en arrière à 500 mètres.

12/2

Nous touchons nos pièces et matériel.

Le soir nous repartons pour la ligne avec la mitraille.

13/2

Sous la pluie nous parcourons les boyaux à la recherche d’une position le soir repos dans un gourbi à 50 mètres des boches.

14/2

Fabrication d’un blockhaus pour ma pièce.

15/2

Finition du blockhaus journée assez calme nous attendons pour être relevés.

16/2

Mardi gras journée terrible attaque allemande dans nos tranchées toute la journée et toute la nuit en alerte.

17/2

Toujours position d’attente.

À midi, forte canonnade après midi assez calme.

18/2

Matinée calme à 13h semblant d’attaque boche.

½ heure d’émotion et tranquillité après.

19/2

Journée des crapouillots petite bête pas bien méchante car on la voit arriver mais qui fait beaucoup de potin.

20/2

Relève de 1ère ligne pour le 113è. Nous partons sur le plateau au dessus de la fontaine des Meurissons.

Le travail de bucheron pour faire abris des pièces.

21/2

Plateau de la Charbonnière, l’on continue à travailler à l’abri le matin, je vais à la recherche de tôles ondulées jusqu’à la brigade.

Matinée de promenade.

Après-midi terrassement.

22/2

Toujours le terrassier toute la journée.

Après midi vers 6h, attaque. Tout le monde à son poste.

L’on ne voit rien.

23/2

Journée calme, à 21h alerte.

Toujours pour rien.

24/2

Journée plus que calme.

25/2

Journée calme. Le matin réveil par le 75 qui bombarde les tranchées allemandes.

26/2

Déménagement. Prise des 1e lignes, chassés par les artilleurs pour canon revolver. Retour à l’ancien emplacement de ma pièce.

Journée calme, sauf après midi quelques percutants.

27/2

Matinée calme, à 13h bombardement boche.

28/2

Journée calme. Quelques crapouillots tombent à proximité de notre gourbi.

1/3

Le matin je vais chercher un emplacement pour ma pièce, finalement je reviens à la même place que la veille.

Le soir je reçois un énorme courrier.

2/3

Matinée calme d’écriture, après midi tranquille.

3/3

Matinée de nettoyage, après midi l’on nous prévient qu’une mine va sauter.

3h, une contre mine boche saute sans aucun dégât.

Le soir à 6h, nous faisons sauter notre mine nous ne voyons rien. Quelques crapouillots arrivent presque sur nous.

4/3

Réveil à 2h du matin pour nous prévenir qu’à 4h une autre mine, elle saute à 5h. Nouvelle fusillade et tout rentre dans le calme.

Dans la matinée passage d’aéroplane, dans l’après midi bombardement des boches sur les lignes de réserve.

5/3

Matinée calme, graissage de mes pieds.

Après midi, bombardement boche les percutants n’arrivent pas très loin de nous.

L’après midi, nouveau graissage des pieds et je mets mes grosses chaussures car l’on est prévenu que nous allons au repos.

6/3 à 4h1/2

Arrivée du 113e, relève nous partons pour Le Cléon.

Quelques chutes dans les ravins car avec la boue les pieds glissent.

Arrivé au Cléon en parfait état de boueux mais après un nettoyage tout va bien.

 

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Extrait du journal du 113e régiment d’infanterie, On y lit bien que le 113e RI est remplacé par le 4e RI.

6/3 après midi le 7/3 le 8/3

Repos et nettoyage du matériel et des effets

9-10-11 et 12 mars

Repos au Cléon pendant ce temps rien d’important à signaler, à part un commencement de dysenterie qui est enrayé le 12 au matin étant de repos.

J’ai des nouvelles de mon ami Martial qui est au 131è.

13/3

Départ à 0h15 pour les tranchées, marche toute la nuit car il fait très noir nous ne marchons pas vite.

Arrivé aux tranchées 5h1/2.

Journée calme.

14/3

Réveil à 6h par Toto pour me donner le chocolat l’on nous annonce un semblant d’attaque qui ne se fait pas.

Temps brumeux.

Le soir, nous apprenons qu’il y a eu attaque à notre gauche et à droite.

Vers 5 heures du soir, terrible bombardement pendant 1h1/2 semblant d’attaque ou vive fusillade nous ne savons rien.

15/3

Matinée calme, attaque à notre droite assez loin.

À 1h25 de l’après midi, nous faisons sauter une mine à La Bolante sur notre gauche.

Soirée calme.

16/3

Matinée calme, j’écris à ma petite Marraine, à grand-mère et à ma marraine, nous entendons dans le lointain à notre gauche la canonnade très violente nous apprenons que c’est du côté de Perthes.

17/3

Toujours aussi calme quelques crapouillots arrivent dans notre direction, sans nous approcher, sur Perthes et Bolante toujours de vives fusillades et canonnade ininterrompues. Nous apprenons le soir que les marsouins ont surpris une relève boche et en ont profité pour prendre une tranchée sur le bord du plateau de Bolante.

18/3

Matinée plus que calme pas un coup de fusil.

Après-midi, trois crapouillots arrivent dans notre direction dont le dernier à la porte de notre guitoune mais comme c’est une personne bien élevée il a frappé fort mais n’est pas rentré, nous apprenons que nous sommes relevés dans la nuit.

19/3

À 6h du matin, nous voyons nos amis du 113e venir nous relever nous reprenons nos places sur le plateau de la Charbonnière.

Après-midi nettoyage des pièces.

20/3

Le matin nous allons reconnaître le terrain en avant de nous chose inutile mais réglementaire.

Ensuite nous procédons à notre nettoyage personnel et à celui de ses effets ensuite nous déménageons et allons prendre des guitounes très bien aménagées sur le plateau de Bolante; là c’est la pose car en arrivant il y a la 1è section du 4 qui vient me chercher ma pièce.

21/3

Le matin, je fais le scieur de long sur des arbres abattus pour faire du bois pour nous chauffer. J’attends une lettre de ma petite Marraine, mais elle n’est pas venue. Le soir l’on me ramène ma pièce.

Depuis 2 jours deux avions français sillonnent les nuages à la tombée de la nuit les boches leur envoient des obus mais n’ont pas l’air de s’en émotionner.

22/3

Le matin réveil par les cuisiniers pour le jus je le prends couché.

Après je vais casser du bois pour nous chauffer et nous nous attaquons à un hêtre qui a été abattu avant la guerre cela fait du bon feu.

Le soir, je reçois une lettre de ma Marraine et de Georgette.

23/3

Matinée calme et tranquille car il a plu toute la nuit et la campagne est détrempée après midi je vais jusqu’aux cuisines pour me dégourdir les jambes ; le soir lettre de ma chérie.

24/3

Toujours la pluie la nuit et elle continue presque toute la journée, le soir nous apprenons que nous retournons dans les tranchées.

Vers 7h le soir, vive fusillade devant et sur notre gauche. C’est un semblant d’attaque française.

25/3 à 4h1/2

Réveil pour aller aux tranchées arrivé à 6h.

À 8h, je vais prendre emplacement à la place d’un canon-revolver pour battre la route de Varennes au Four-de-Paris.

C’est là que je vais commencer mon œuvre de mort car j’ai ordre de tirer sur tout ce qui passe sur cette route qui est employée par les boches pour faire leur ravitaillement au Four-de-Paris.

Tous les jours je dois faire un rapport sur ce que j’ai vu et ce que j’ai tiré de cartouches

26/3

Réveil à 4h1/2, pour aller à mon emplacement car nous sommes obligés de remonter le soir coucher avec toute la section.

Journée assez calme je vois quelques poilus passer sur la route de Varennes et je tire un peu dessus.

Après midi, fausses nouvelles l’on nous dit que les boches se rassemblent dans le ravin des Meurissons pour attaquer ce n’est pas vrai.

27/3

Réveil à 5h1/2.

Prise de l’emplacement où j’écris à Grand-Mère, ma petite Marraine et à René.

Bombardement boche assez intense, nous apprenons que nous gardons notre position pour la nuit.

 

 

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Maurice DELACROIX, chef de pièce.

 

28/3

Matinée assez calme, comme toujours l’on entend les crapouillots mais ils ne viennent pas sur nous. Quelques obus passent au-dessus de nos têtes et vont éclater bien plus loin pour la première fois je vois des boches et j’ai tiré dessus.

Je reçois lettre et colis de la Marraine et de Mme Faivre.

29/3

Correspondance et remerciements des colis, journée assez calme.

30/3

Toujours journée calme le soir je reçois un colis de ma Marraine.

31/3

Matinée calme, premier jour que l’on ne voit pas de boches, ils connaissent le coin dur après midi nous faisons sauter une mine sur Bolante.

Une idée passe à notre adjudant disant qu’il y aurait attaque dans la nuit. La nuit se passe rien à signaler plus calme que d’habitude

1 avril

Matinée calme et même toute la journée, dans la nuit l’on vient me prévenir qu’il y avait des voitures sur la route et je tire

2/4 à 6h 1/2 le matin

Relève par le 82è, en fait de repos nous allons au plateau de la Charbonnière.

L’après midi par un beau soleil, je voulais m’étendre dehors mais le caporal l’autre pièce m’emmène au plateau de Bolante.

Je fais bien d’y aller car à mon retour j’apprends qu’il y a un 77 boche qui est tombé à l’endroit où je voulais me coucher, 1 mort.

3 avril

Réveil à volonté nous apprenons que nous devons que nous devons attaquer les lignes boches le lendemain.

Le soir nous avons les instructions pour l’attaque qui doit être générale pour tout l’Est.

Il pleut toute la journée.

4/4

Départ du plateau à 6h, nous arrivons dans le secteur où nous devons faire l’attaque qui est occupé par le 313e où je rencontre pas mal d’anciens copains.

À 13h ½, bombardement français d’une intensité terrible.

À 15h ½, attaque française qui échoue.

Il pleut toujours, mauvaise nuit

5/4

Dès le matin nous attendons que le bombardement reprenne, il a lieu plus tard que la veille, à 19h attaque française qui échoue.

Toujours la pluie encore plus mauvaise nuit.

6/4

Réveil à 4h15 et l’on doit attaquer à 4h30 mais une heure passe et toujours pas d’attaque. Enfin à 8h 1/2 le canon français se fait entendre.

 

Il reprend à 10h30 pour dix minutes et nouvelle attaque française qui échoue encore.

Le temps est redevenu meilleur il ne pleut pas aujourd’hui. Nous recevons l’ordre de reprendre nos emplacements à la Charbonnière.

 

À 14 heures, nous partons pour y aller, à moitié chemin nous recevons un nouvel ordre de remonter car nous allons essayer une contre attaque.

Vive fusillade mais personne ne veut sortir et ils ont raison car pendant ces 3 jours nous avons eu pas mal de morts et quelques blessés.

Enfin nous partons à la tombée de la nuit pour la Charbonnière, nuit calme mais vers le milieu de la nuit nous sommes réveillés par la pluie qui envahit la guitoune au point que les pieds et les jambes sont dans l’eau.

7/4 à 4h1/2

L’on vient nous apprendre que nous partons à la maison Forestière à 6h.

Nous croyons que nous allons nous reposer, enfin nous partons et arrivons à la maison Forestière à 9h du matin où nous nageons dans un lac de boue. Une fois déséquipés nous partons à la recherche de bruyère et de fougère pour mettre par terre.

Nous naviguons dans la forêt et nous apercevons la colline où est Vauquois et le seul pan de mur qui reste du village.

L’après midi, je vais au cimetière sur la tombe de mon ami Adolphe que j’ai appris être enterré au cimetière de cette maison.

Ensuite grand nettoyage personnel.

 

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