Ces souvenirs ont été rédigés d’après des notes prises au
jour le jour sur un petit carnet ramené de captivité et portant le visa du camp
Langensalza.
A mon départ en janvier 1916 (appelé par ma classe 17), j’avais 18 ans et 2 mois
et venais de passer mon BAC en juin 15.
Auparavant j’avais essayé
de m’engager au 8e régiment de Chasseurs à Cheval d’Évreux, mais à
la réception de la lettre d’acceptation
du colonel (sous réserve de fournir un certificat médical d’aptitude), mon père,
par ses relations, a fait échouer ce projet.
J’ai tenté alors de
m’engager dans l’aviation et ai même passé une visite médicale au Grand Palais
à Paris, mais n’ai pas été accepté.
Finalement, le petit soldat
de 1916 a fini la guerre de 40 comme médecin-Capitaine, légion d’honneur, croix
de guerre avec palme, citation signée par le général GOURAUD.
Étant P.C.N., je connus de
nombreuses péripéties militaires.
Appelé par ma classe 17 en
janvier 1916, je fus incorporé au 156e R.I à Troyes, puis affecté à
la 22e section d’Infirmiers Militaires à Paris, puis renvoyé au 156e
R.I.
Passé ensuite au 79e
R.I, je fus reversé à la 22e section d’infirmiers militaires où je
suivis les cours de radiologie du professeur Béclère
au Val de Grace, ce qui me valu ensuite d’être nommé manipulateur de radiologie
dans un hôpital complémentaire, avenue de la République.
Je passais là des jours
heureux, oublié par le dépôt de la 22e section d’I.M, qui me
retrouva par hasard à l’occasion d’une permission de 10 jours que j’avais
demandé.
Permission qui me couta ma
vie d’hôpital pour être renvoyé dans l’infanterie au 152e R.I, d’où
après des classes sommaires, je fus
affecté en renfort au 21e R.I qui était au front en Champagne.
ü Les gaz
ü Agent de liaison sous les bombardements : 15 juillet
ü 4 heures du matin : Course sous les bombes
ü 6 heures du matin : L’attaque allemande
ü 6h30 : Nous sommes prisonniers
ü La faim
ü La soif, la faim, la viande de chien
Ø Août 1918 : Vers l’Allemagne
Ø sept-décembre 1918 : Au camp de Langensalza
Ainsi fin juin 18, je montais en première ligne où nous sommes arrivés de nuit par
d’innombrables boyaux.
Nous ne savions pas au juste où nous étions, si ce n’est
que c’était près d’un bois. Nous avons appris plus tard que c’était le bois de
Cameroun, près de Souain au nord de Suippes.
Les premiers jours furent
calmes : surveillance de la tranchée d’en face par-dessus les barbelés,
quelques coups de fusil mitrailleur, passage d’avions au dessus de nous.
Mais nous sommes de plus en
plus alertés car, par des coups de main dans les lignes ennemies nous avons
ramené des prisonniers qui étaient d’origine alsacienne et qui nous ont appris
que depuis quelques temps déjà les Allemands accumulaient dans le secteur
pendant la nuit d’importants renforts en hommes, canons, munitions, et même
chars d’assaut.
Ainsi notre commandement
s’attendait-il à une attaque prochaine et organisait la tactique dite
« Tactique Gouraud », général commandant notre 4e armée.
Cette tactique consistait à
faire reculer tout le gros du régiment qui tenait le secteur, à 5 km en
arrière. Tout ce secteur évacué était alors occupé seulement par une compagnie
répartie en petits groupes de combat (G.C) disséminés.
Ainsi, le gros du régiment
était soustrait au tir intense de l’artillerie qui précédait toujours l’assaut
et attendait l’ennemi de pied ferme, prêt à la contre-offensive.
Du reste, pendant la nuit
nous avions nous-mêmes bouché tous les boyaux qui nous reliaient à l’arrière avec
des barbelés et des chevaux de frise, aidés dans ce travail par une unité du
génie.
Ma compagnie, la 7e
du 21e R.I avait été désigné pour tenir ce secteur. C’était la
compagnie dite « sacrifiée ».
14 juillet 1918 :
soupe à 5h comme d’habitude.
Journée calme. Le matin,
évolution de nombreux avions. Toutes les nuits nous sommes alertés. Nous
dormions tout équipés dans la sape.
Il y a quelques jours nous
avons reçu un ordre du jour du général : l’offensive allemande en
Champagne est imminente. Le mot d’ordre est de tenir jusqu’au bout. Résister
jusqu’à la mort.
Interdit de se replier sur
les lignes arrières, ce qui du reste était impossible et pour cause…
Le soir même
le capitaine commandant notre 7e compagnie vient nous visiter et
nous répète les consignes :
« Oui, nous sommes sacrifiés. Il faut résister à tout
prix. Vaincre ou mourir. »
Ce 14 juillet,
après la soupe, nous avons encore posé des barbelés jusqu’à 11h du soir. Puis
nous avons eu un casse-croûte supplémentaire : singe, langouste ou crabe,
vin fin, gnole…
Nous vivions alors dans des
sapes très profondes – 6 à 7 mètres – qui avaient été creusées dans ce terrain
crayeux par le génie lors de l’offensive de Champagne de 1916.
Je parlais BAC et
philosophie avec l’aspirant CROUZET qui commandait notre petit groupe de
combat, quand tout à coup débute une intense canonnade. L’aspirant monte voir
ce qui se passe. Peut-être un coup de main ?
Mais peu après retentit le
cri :
« Alerte
aux gaz ».
Nous montons dans l’abri
sous la route et apercevons de tous
côtés des signaux lumineux, des fusées vertes, cela sous un terrible
bombardement d’obus de tous calibres.
Nous avons tous mis nos
masques à gaz. Triste aspect que tous ces fantômes allant et venant, s’agitant,
s’équipant, cherchant ses armes dans ce long couloir sombre, à peine éclairé
par une bougie vacillante.
Quelques uns qui avaient
tardé à mettre leur masque, commençaient à être incommodés et plaignaient
d’être pris à la gorge et d’avoir la vue brouillée.
Pendant ce temps le
bombardement redoublait d’intensité, les nôtres répondaient. C’était un
roulement de tambour ininterrompu.
Terrible cette attente dans
cette ambiance et cet accoutrement.
A tour de rôle on quitte
l’abri et on se risque dans la tranchée pour observer les fusées et les
éclatements d’obus. Mais on ne peut distinguer grand chose, des obus fumigènes
dégageant un épais brouillard. Feu d’enfer, odeur de poudre, lueurs incessantes
d’éclatement d’obus dans toutes les directions, obus allemands et français se croisant
au dessus de nos têtes.
Vers 2h et demi,
un agent du poste de résistance de mitrailleuses placé dans le petit bois près
de nous, apporte un pli à faire parvenir d’urgence au capitaine commandant de
la compagnie, et dont le PC est installé
à environ 1 km.
Depuis quelques jours
l’aspirant m’avait désigné comme agent de liaison entre notre PC et le PC du
capitaine. Je pars avec le pli, toujours avec le masque à gaz sur la figure,
masque que nous n’avions pas quitté depuis le début de l’attaque.
Je prends d’abord la
tranchée déjà bouleversée qui suit la route.
Le bombardement est
toujours aussi intense, cela éclate de tous côtés. Le passage d’obus des 2
camps provoque de violents courant d’air nettement ressentis.
Un moment très court,
j’éprouve le sentiment de la peur. Découvert, mon casque à la main, je poursuis
mon chemin récitant à voix basse quelques prières à l’intention de ceux vers
qui toutes mes pensées allaient dans un pareil instant.
Cela me réconforte et je
continue d’avancer péniblement, tenant entre mes doigts crispés le pli, prêt à
le déchirer en cas de rencontre avec quelque patrouille ennemie ce qui est
d’autant, ce qui était d’autant plus possible qu’il n’y a pas de troupe en
ligne, mais seulement quelques groupes de combat isolés et faciles à
contourner.
Puis je quitte le boyau et
prends ce qui me parait être un sentier qui je pense devrait me mener vers ce
bois où se tient le PC du capitaine.
Visibilité toujours très
mauvaise.
Le jour n’est pas encore
levé et j’ai l’impression d’avancer dans le brouillard. Les obus tombent
toujours dru.
Plusieurs fois lorsque je
les entends siffler au dessus de moi, je m’aplatis contre terre. Je passe dans
des trous d’obus encore fumants.
Au bout de ce vague
sentier, à une sorte de croisement, je me sens perdu. Tout est bouleversé.
Impossible de s’orienter. Je ne vois plus rien parmi ces arbres déchiquetés
noyés dans ce brouillard intense et ces fumées dégagées par des obus fumigènes.
J’escalade un vague tas de
sable et suis dans la direction qui me parait être la bonne. Mais je me trouve
bientôt complètement perdu, seul sous ce bombardement intense. Je cherche un
trou d’obus pour m’abriter.
On entend que le bruit des
canons, le sifflement des obus, leurs éclatements sinistres suivis de brefs éclairs et de
craquements des branches d’arbre qui se brisent.
Un, puis deux, puis trois
obus éclatent juste derrière moi.
Je me jette à plat ventre.
Je commence à être
essoufflé. J’ai du mal à supporter le masque, surtout en marchant vite ou en
courant.
Mes yeux pleurent.
Mon nez coule.
Et je ne puis rien faire.
La buée se dégage sur les
carreaux du masque, je n’y vois plus grand chose et peux à peine distinguer les
troncs d’arbre. Moment d’effroi.
La sueur coule sous le
masque.
Je songe à m’abriter dans
un gros trou d’obus et attendre le petit jour pour pouvoir me diriger. Mais je
pense au pli que j’ai toujours dans la main dont on attend la réponse et dont
peut-être dépend le sort des camarades.
Je repars donc mais dans
quelle direction ?
J’avance un peu au hasard,
m’arrête, repars.
A ce moment, passant devant
moi en courant, une ombre que j’appelle en vain, surtout avec le masque. Je
cours après et le rattrape. C’est un agent de liaison d’un autre G.C qui se
rend aussi au P.C du capitaine.
Je le suis et m’aperçoit
alors que j’avais contourné et dépassé le P.C.
Nous arrivons enfin et
descendons dans la sape du capitaine.
Des officiers sont là,
attendant les ordres. Tous portent le masque et l’appareil Tissot. Je remets
mon pli au capitaine qui me donne une réponse et repars.
Cela tonne toujours autant
et il fait toujours nuit.
Tout à coup, je me heurte à
des réseaux Brandt et m’aperçois que j’en suis entouré de toute part. Pas à
hésiter : je le traverse comme je peux, à demi empêtré, perdant mon
deuxième masque qui s’est accroché, et mon casque que je parviens à récupérer.
Enfin je repars et suis ce
qui me parait être un chemin.
Bientôt je m’y retrouve et
poursuis ma route.
2 à 3 obus éclatent coup
sur coup derrière moi, juste où je viens de passer. J’accélère le pas,
craignant la suite, ce qui ne tarde pas à se produire.
Au bout du sentier je
retrouve une tranchée (ou plutôt ce qui fut une tranchée) où je m’engage me
dirigeant parfois au touché parmi toutes ces sinuosités, car je n’y vois plus
grand-chose à cause de la buée qui s’est déposé sur les lunettes de mon
masques.
A un détour du boyau je
tombe à plat ventre sur un tas de terre qui l’obstruait. C’était une partie du
parapet qui avait été projeté dans la
tranchée par des obus.
Enfin, je poursuis ma route
et arrive fatigué et essoufflé. Je descends au fond de l’abri.
Sous les efforts de ma
respiration haletante mon masque se soulève légèrement laissant s’infiltrer
quelques bouffées d’ypérite, gaz lourd qui se condense au fond des abris.
J’essaye en vain de changer de masque et doit remettre l’ancien en toute hâte.
Les yeux me brulent et je suis quelque peu aveuglé pour un instant.
J’ai du mal à respirer.
Je tousse, la gorge me
pique très fort et je me sens mal.
Je remonte comme je peux
dans l’abri sous la route. Puis je l’allonge et m’assoupis un peu. De temps à
autres de fortes détonations viennent nous teinter aux oreilles et on reçoit
des débris de terre projetés par la force d’éclatement des obus.
2 h et demi, 3 h, 3 h et demi.
Toujours la même attente,
le masque sur le visage.
4 h. petit jour.
Encore un ordre qui arrive
à porter de suite au capitaine. Je me lève.
L’aspirant me repousse, me
disant de me reposer et demande un
volontaire. Personne ne répond. Nouvel appel.
Nouveau silence.
Je me lève alors et demande
à repartir. Il fait un peu plus jour.
Cependant il est impossible
de distinguer à plus de 20 mètres devant moi à cause des obus à gaz et des obus
fumigènes. Le bombardement est toujours aussi intense. Le chemin que j’avais
parcouru est clairsemé de trous d’obus.
En plusieurs endroits la
tranchée est obstruée par des éboulements du parapet. La canonnade est encore
plus nourrie à mesure que j’approche du P.C du Capitaine.
Toutefois je retrouve mon
chemin et j’arrive enfin au P.C.
Personne au dehors.
Tout le monde est dans
l’abri. Je suis à peine descendu que des obus éclatent à l’entrée projetant
violemment terre et débris de pierre contre la porte et ce qui sert de fenêtre.
Dans l’abri, je trouve le
capitaine et un lieutenant, tous deux munis de l’appareil Tissot, appareil pour
protection des gaz.
Encore essoufflé, je remets
l’ordre au capitaine AGOSTINI. Je suis
le seul agent de liaison qui soit revenu depuis cette nuit me dit-il.
Il me reconnait, s’approche
de moi, me félicite et dit :
« Tu es un brave. Sers-moi la main.
D’où es-tu ? »
« De Paris, mon capitaine »
« Cela ne m’étonne plus »
Il lit le pli apporté, me
donne une réponse et me questionne sur notre groupe de combat, sur le
bombardement.
Puis il me demande mon nom,
m’assurant qu’il se souviendrait de moi et que je serai récompensé. Il me dit
qu’il est complètement isolé, le téléphone qui le reliait au P.C supérieur
étant coupé depuis longtemps.
Il me souhaite bonne
chance, me serre la main et je repars.
Je rentre sain et sauf,
aidé par le jour qui s’était levé mais non sans avoir été à plusieurs reprises
jeté à terre par le souffle d’éclatements d’obus et non sans m’être jeté
maintes fois à plat ventre contre terre.
Toujours même attente sous
l’enfer.
Toujours le masque sur le
nez. La respiration devient même assez pénible et quelques uns – notre sergent
– se trouvent mal et on doit s’efforcer à les convaincre de conserver malgré
tout leur masque.
Il fait jour. Je sors dans
la tranchée vers les signaux lumineux et les fusées éclairantes. Joli feu
d’artifice….
On ne peut toujours rien
distinguer à travers ce brouillard dense crevé ça et là par des centaines de
lueurs rouges. On sent des courants d’air violents et on entend sans cesse les
sifflements d’obus. On ne peut plus maintenant douter d’une offensive
imminente, et non comme on pouvait le penser au début à un bombardement de
diversion ou à un feu d’artifice pour fêter le 14 juillet…
On pense aux siens, à tous
ceux qui vous sont chers et que peut-être on ne verra plus.
5 h. même décor, même atmosphère.
Vers 6 h, un
guetteur nous prévient qu’il croit « les voir » s’avancer en
tirailleur dans la plaine devant nous.
Le brouillard semble s’intensifier (obus à gaz) et on ne
voit plus à 20 mètres devant soi. Un autre guetteur vient nous dire qu’il
distingue quelque chose qui avance sur notre gauche. On entend crier
« tous à vos postes ».
Nous sortons sous la
mitraille et les obus. Le brouillard semble se dissiper un peu.
Je fais à peine une
vingtaine de pas dans la tranchée que j’aperçois alors à une cinquantaine de
mètres de nos lignes des ombres qui avancent en tirailleur protégés par un
énorme tank crachant de tous ces feux et qui passe au bout du boyau, en nous
contournant par la gauche.
Stupeur.
Indécision.
Beaucoup commencent à se
diriger vers l’abri. Puis nous sommes complètement contournés par la gauche
alors que nos engins M.F.M balayaient surtout notre droite, notre gauche devant
être battue par un puissant barrage de notre artillerie.
Toute résistance devient
rapidement inutile et impossible et nous ne pouvons même pas nous replier en
arrière sur nos lignes de résistance puisque nous avions nous-mêmes bouché avec
des barbelés et des chevaux de frise toutes les tranchées et boyaux nous reliant
à l’arrière.
De plus nous savions que
les nôtres devaient déclencher derrière nous de violents tirs de barrage pour
enrayer l’attaque ennemi. D’où notre ordre du jour du général que nous
étions les « sacrifiés ».
Nous : ceux de la 7e compagnie du 21e R.I.
nous ne pouvions donc qu’être tués, blessés par les obus des 2 camps, ou
prisonniers.
Pas d’autre issu possible.
Avec tous les camarades,
nous descendons dans l’abri, coupons toutes les courroies récalcitrante (bidon,
musettes, 2e masque à gaz) et sortons de l’abri.
Des Allemands étaient juste
sur le parapet, des grenades à la main. Je fais les signes conventionnels de
reddition et leur dit que j’ai des camarades dans l’abri. Je connaissais assez
bien l’allemand étant allé en Allemagne pendant les 2 mois de vacances de
l’année précédente.
Les Allemands nous font
signe de sortir sans arme et sans musette.
Nous sommes donc tous prisonniers sauf quelques uns qui
sont tués ou blessés.
Il est 6h 30.
Alors seulement nous pouvons
enlever nos masques. Quel soulagement après 6 longues heures !
Les Allemands nous font
monter sur les parapets et traverser la plaine à travers boyaux et barbelés,
sous le tir de nos propres obus…
Du reste nous ne pouvions
utiliser les tranchées qui étaient toutes envahies par leur troupe, 2e
et 3e vagues d’assaut.
Nous avancions péniblement
et craintivement sous les tirs
d’artillerie partant des 2 côtés à la fois. Plusieurs d’entre nous sont alors
tués ou blessés.
Il nous faut aider l’ennemi à faire avancer ses canons,
munitions et ravitaillement par-dessus les tranchées bouchées en toute hâte, et
aussi à ramasser les blessés.
Après plusieurs heures, blessés légers en tête nous sommes
dirigés sur Somme-Py et nous
gagnons, 3 à 4 Km plus loin, un camp de prisonniers.
Il est 1 h de l’après-midi.
Ce camp sommairement
aménagé est un grand carré de très mauvaise herbe, entouré d’une double rangée
de barbelés et situé derrière un petit bois, sans le moindre abri et à
proximité d’une « saucisse » d’observation.
On nous fouille, nous prend
nos couteaux, nos canifs, nos portefeuilles. Je n’avais sur moi qu’une chemise,
un mouchoir, ma veste et ma capote, heureusement pour moi. Nous passons la nuit
dehors, couchés à même le sol.
Nuit très fraiche. On a
même froid, surtout les camarades qui ont abandonné leur capote.
Vers 2 h je me lève et me
promène de long en large, attendant que le jour se lève et que la température
remonte, car nous sommes en juillet, et dans la journée il fait chaud.
Aucun changement.
Nous n’avons reçu aucune
nourriture, pas même de l’eau. La faim commence à se faire ressentir
cruellement, notre dernier repas datant du 14 juillet minuit, et surtout la
soif, peut-être plus pénible encore à surmonter que la faim.
Enfin des corvées sont
autorisées à aller chercher près du camp, dans une baraque allemande, quelques
bouteilles d’eau plus ou moins propres, dont nous ne pourrons obtenir que
quelques gorgées et encore en se battant presque car dès leur retour, les
porteurs d’eau ont été littéralement assiégés. De plus, pour la plupart, nous
n’avons même pas de quart et devons boire dans le creux de la main.
Puis le soleil se lève et
bientôt il fait chaud.
Vers midi,
cela devient même pénible. Bouche pâteuse, langue blanche, on a même la fièvre,
on se sent faible, on a faim…et la journée s’achève ainsi.
Nuit comme
la précédente ; faim, soif, froid.
Puis le soleil reparait et
devient aussi brûlant.
Vers une heure,
le bruit court que nous allons enfin avoir une soupe. Mais nous n’avons dans
l’ensemble ni gamelle, ni cuiller… alors nos gardiens autorisent 2 à 3 corvées
à aller ramasser autour du camp des boites de conserves vides abandonnées ça et
là par leurs troupes, souvent près des cadavres d’hommes ou de chevaux.
Des morceaux de bois
ramassés seront taillés en cuillers plus ou moins grossières.
Qu’importe cette soupe
(d’orge), même mangée dans des boites de fer de propreté plus que douteuse,
rouillés, n’ayant pu être rincés faute d’eau.
Cette soupe calme un peu
notre faim et notre soif.
A partir de ce jour nous
avons le jus d’orge grillé le matin, le midi et le soir une soupe d’orge, maïs
ou betterave avec parfois de petits morceaux de viande de chien, de gros chiens
spéciaux élevés pour la boucherie depuis le blocus des alliés.
Nous touchons de plus 100
gr.
De pain noir dit
« pain KK ».
Sitôt nourris, le travail
commence. 2 équipes se relayent de 6 h du matin à 7 h du soir pour installer
aux alentours des voies de Decauville.
Nous sommes près de Somme-Py et des obus de chez nous
viennent parfois nous arroser, faisant des victimes parmi les nôtres et nos
gardiens.
Chaque jour de nombreux
malades atteints de dysenterie, de fatigue, d’angine sont évacués sur
l’arrière.
Mais au bout de quelques
jours le camp prend un tout autre aspect. Les hommes de corvée, pendant le
parcours, ont ramené du travail : des morceaux de bois, de branche, de fer
et avec des outils de fortune plus ou moins grossiers.
Avec des mottes de terre et
les branchages on a fabriqué des sortes d’abri rudimentaires, genre
huttes. Personnellement je n’ai rien
fait, espérant chaque jour quitter ce camp.
Et la vie continue.
Toujours du beau temps et
un soleil très chaud dans la journée.
Mais le 20 juillet, vers 5 h du soir, la température se rafraichit, le ciel s’obscurcit,
devient gris et menaçant.
Et le soir vers 11 h 30, éclate brusquement l’orage attendu. Éclairs,
tonnerre, foudre, pluie torrentielle.
Je me suis levé et me tiens
debout, courbant l’échine et tournant le dos à la pluie, attendant la fin. Ma
capote et mes jambières, déjà très effilochées, sont rapidement traversées.
J’ai les pieds dans l’eau. Je suis transi et il tonne sans arrêt. On se tasse
comme un troupeau.
Nous avons passé près de 5
h ainsi jusqu’à la fin de l’orage vers 4 h 30.
Le terrain était alors
détrempé, gluant et rendait toute marche difficile et pénible. Des huttes se
sont effondrées.
Une batterie d’artillerie
de campagne avait été installée près du camp et des cadavres de chevaux
gisaient là, donnant après cet orage une odeur pestilentielle…
Très fatigué, ayant du mal
à me tenir debout, je m’assieds sur mon casque renversé pour me préserver de
l’humidité, et adossé contre les barbelés je m’assoupis jusqu’au jour. Nous
avons eu de la pluie pendant les 2 à 3 jours suivant.
28 juillet : nous
gagnons un autre camp, 5 km plus à l’est où s’élèvent quelques baraques, mais
non finies de construire.
Toujours même travail à 800
m des premières lignes à pousser des wagonnets de munitions et de
ravitaillement.
La nourriture semble
s’améliorer. Soupe plus grasse avec des morceaux de poissons ou de
viande ? Marmelade… mais pas d’eau pour se laver.
Nous sommes de plus en plus
sales et remplis de vermine. Nos déplacements dépendant des besoins des
premières lignes. Nous sommes parqués dans un grand carré en plein champ,
entourés d’une double rangée de barbelés entre lesquels circulent des
sentinelles.
Aux 4 coins, des
mitrailleuses en batterie.
Ce camp très vaste est déjà
occupé par des centaines d’autres prisonniers. Nourriture franchement mauvaise
et réduite.
Même conditions de travail.
Même manque d’eau.
On ne peut guère se reposer
la nuit car on passe son temps à se gratter parfois jusqu’au sang.
On a demandé des
prisonniers connaissant l’allemand. Je me suis fait inscrire et suis employé à
dresser la liste des prisonniers.
Je suis toujours à l’abri
dans la journée et je coupe aux corvées. Le capitaine (la quarantaine environ)
est correct et parait sympa. Il parle avec nous (nous sommes 4 au bureau). Il
est surpris qu’étant étudiant en médecine, je sois simple soldat dans
l’infanterie.
Un après midi,
il me fait appeler par son ordonnance et dans un petit réduit, me fait apporter
une tranche de pain avec de la saucisse et une tasse de café, me disant qu’il
ne peut pas faire cela pour tous ceux qui travaillent au bureau car eux-mêmes
sont rationnés.
Un soir,
alors que nous allions quitter le bureau nous entendons le tic-tac du treuil
qui descendait à toute vitesse la saucisse d’observation qui se trouvait à
quelques 100 m de notre camp (ce qui est interdit par la convention de Genève).
Alors que nous assistons à
la manœuvre, nous avons vu l’occupant de la saucisse sauter en parachute tandis
qu’un avion de chez nous fonçait à toute vitesse, mitraillant la saucisse qui
explosa tout à coup, et l’avion disparut.
Le lendemain au bureau le
capitaine m’a dit :
« C’est votre as MADON qui a fait cela et ce n’est
pas la première fois ».
48 h après, une nouvelle
saucisse reprenait ses observations.
Au camp, de plus en plus de
malades par affaiblissement, grippe, bronchite, diarrhée.
Quelques uns cherchent même
à s’évader pendant les nuits.
Repris ils sont attachés
pendant plusieurs heures à un poteau au milieu du camp et sans nourriture.
Enfin le 9
août, après une fouille minutieuse nous quittons le camp escortés d’Uhlans.
Nous parcourons une dizaine de Km et sommes embarqués dans
des wagons à bestiaux pour Sedan où nous sommes logés dans une ancienne caserne
de Dragons.
Toujours interprète, je suis occupé à faire de la
paperasse, listes sur listes. Mais je suis logé avec les adjudants.
Nous avons traversés Sedan pour aller
aux douches.
On passe le temps à lire
quelques journaux français ou allemands plus ou moins vieux.
Les habitants sont très
gentils pour nous. Lorsqu’on sort pour une corvée quelconque, on revient avec
un peu de linge, mouchoirs, serviettes, quelques fois même avec un peu de savon
ou de pain.
Dans la cour du quartier,
je parle avec un sous-officier allemand qui me dit être Autrichien et me donne
un rabiot de soupe, un peu de pain et des cigarettes.
Dans l’après-midi nous
avons touché de la Croix Rouge des serviettes et des mouchoirs.
Bonne journée.
Des habitants de Sedan nous ont
fait parvenir des choux, quelques poireaux, carottes, pommes de terre et nous
avons pu faire une bonne soupe.
Nous quittons Sedan vers 2 h, mais seulement à une
centaine environ. Adjudants, sous-officiers et spécialistes.
J’ai du mal à me faire
admettre dans ce convoi, le lieutenant voulant me garder comme interprète. Nous
avons voyagé en 2e classe comme sous-officiers.
Vallée de la Moselle, Rhin, Coblence.
Arrivons le 23 vers 6 h du soir au camp de Giessen, camp bien aménagé. Touchons
biscuits, pâté.
Quittons Giessen le 24 à midi
pour Langensalza où nous
arrivons le 25.
Désinfection, douche, coupe
de cheveux…
Le 26 j’envoie ma première carte de prisonnier, carte tout
imprimée, puis nous subissons toutes les piqures de rigueur : variole,
typhoïde, typhus.
« Ma
première carte de prisonnier, toute imprimée, envoyée à mes parents »
Enfin on peut faire de la
lessive, eau froide et sans savon.
Mais on ne peut guère
frotter vu le mauvais état du linge qui se déchire trop facilement. Nous sommes
logés dans de grandes baraques en bois comprenant de nombreuses rangées à 3
étages de couchettes superposées avec de la paille dans le fond.
Très grand camp bien
aménagé : terrain de football, théâtre, bibliothèque, cantine. Camp
International où se mêlent Français, Anglais, Russes, Italiens.
C’est dans la baraque des
Russes que se fait le plus grand marché, surtout marché d’échange. On peut
ainsi se procurer à des prix variables selon les arrivés des colis, tabac,
cigarettes, conserves, chocolat, pommes de terre…
Un paquet de tabac vaut
environ 10 marks, une demi-livre de chocolat 14 marks. On échange un briquet
contre 3 Kg de pommes de terre (volés par les Russes aux Allemands), un stylo
pour 4 paquets de cigarettes ou du lard ou des biscuits.
C’est la grande animation…
C’est dans ce camp de Langensalza
que j’ai trouvé la plus grosse émotion de ma vie.
Avant d’être fait
prisonnier, j’avais appris par mes parents que mon plus vieil ami d’enfance,
Lucien DEROUET (nous nous sommes connus dès l’âge d’un an ou deux) avait été
tué lors d’une attaque de son régiment en avril du côté du Chemin des Dames.
Le soldat Lucien Derouet et son ami d’enfance Marcel Decugniere,
tous deux prisonniers au camp de
Langensalza
En effet, à l’occasion
d’une contre attaque de son régiment, un de ses camarades avait trouvé sur le
champ de bataille son portefeuille avec tous ses papiers personnels,
portefeuille qu’il avait recueilli et rendu aux parents de Lucien lors d’une
permission.
Lucien avait été grièvement
blessé, et après avoir passé plusieurs heures par une grosse chaleur entre les
2 lignes, d’où l’abandon de sa veste tachée de sang et de son portefeuille. Il
avait été ramassé par les Allemands.
Remis de ses blessures, il
fut envoyé à Langensalza.
A ce moment, fin
juillet/début aout, il apprit par des lettres de ses parents que j’étais porté
disparu depuis l’attaque du 14 juillet en Champagne, et vraisemblablement tué.
Or, quelques jours après
mon arrivée au camp de Langensalza, appelé au bureau pour
renseignements, je suis interrogé par un sous-officier français prisonnier
depuis le début de la guerre et qui me dit à l’énoncé de mon nom :
« Decugniere ? Mais tu es bien de
Versailles ? »
« Alors
je connais bien ton père. Nous habitions le même quartier Saint Louis. »
« Et
tu dois bien connaitre aussi Lucien
DEROUET ? »
« Oui,
répondis-je, mais j’ai appris qu’il a été tué en Argonne en avril
dernier. »
Puis il me donne quelques
vivres et un peu d’argent…quelques temps après il me fait redemander au bureau
et me fait aussitôt passé dans une petite pièce à côté… et je me retrouve
devant Lucien, émotion mutuelle, embrassades, pleurs de joie…2 revenants !
Depuis nous nous
retrouvions presque chaque jour dans le camp où il était avec les
sous-officiers. Quant à moi j’ai été nommé interprète, contrôleur pour le linge
au Lazaret du camp qui occupait 16 baraques.
Nous étions 4 responsables,
chacun de 4 baraques : un sous-officier français, un sous-officier belge
d’Anvers, un caporal français et moi.
Nous vivions dans une pièce
avec lits. Nous vivions fraternellement, mettant en commun tous les colis que
nous recevions.
Notre travail consistait à
noter sur un registre spécial ce que les malades entrant au Lazaret touchaient
(draps, couvertures, serviettes) et qu’ils devaient rendre à la sortie.
Notre rôle était souvent
délicat, beaucoup de sortants emportant couverture, serviette, ce qu’il nous
était difficile d’empêcher.
Alors nous avons trouvé un
moyen (toujours le système D) pour tout arranger. Quand nous allions à la
lingerie pour faire rendre les draps, couvertures, serviettes des sortants,
nous avions à faire à un vieux et brave feldweber qui tenait le double de nos
registres d’inventaire. Alors tous les 4 quand nous étions réunis pour cette
opération d’inventaire, l’un de nous invitait le sergent à venir boire un verre
de bière à la cantine.
Nous connaissant bien tous
les 4, il s’absentait un court instant avec l’un de nous, instant que nous
mettions rapidement à profit pour faire coïncider nos chiffres de rentrée et
sortie de nos livres.
Nous étions donc toujours
d’accord.
Notre vie était alors très
supportable.
Nous avons même réussi à
sortir du camp et voici comment : pour passer du camp lui-même au Lazaret, nous avions un laisser passer
spécial, carton bleu avec nom, prénom, numéro de matricule.
Or, vers la fin octobre,
l’armée allemande, manquant d’hommes, a récupéré tous les hommes valides des
vieilles classes pour les remplacer par des touts jeunes.
Lors de changement de
sentinelle, l’un de nous eut l’idée et le toupet de se présenter à ce nouveau
gardien de l’entrée du camp en exhibant son laisser passer pour le
Lazaret ; et il est sorti tranquillement en ville !
« Mon laisser passer spécial »
Beaucoup de prisonniers
travaillant au Lazaret en ont fait autant et je suis moi-même sorti 2 fois avec
un camarade.
Nous faisions alors
quelques menus achats, allions boire un bock dans un petit café. Mais nous nous
tenions correctement en ville, saluant les officiers rencontrés comme nous le
faisions chez nous.
Cela a duré un certain
temps, jusqu’au jour où le nombre de prisonniers circulant en ville a trop
augmenté et où certains n’ont plus salué les officiers rencontrés et où
certains sont revenus un peu trop gais...
Dans notre camp de Langensalza,
le 27 novembre nous avons vécu un
épisode tragique qui a du reste été relaté avec photos par l’Illustration en
décembre 18.
Voici les faits :
Depuis l’armistice du 11
novembre, la discipline s’était beaucoup relâchée et nos gardiens moins
strictes dans l’application de leurs consignes envers les prisonniers.
Or si le camp de Langensalza
logeait environ 2 à 3 000 prisonniers, pour la plupart des sous-officiers
qui n’étaient pas obligés de travailler, il y avait inscrits et rattachés
administrativement à ce camp, peut-être 10 à 16 000 prisonniers disséminés
dans toute la province, et répartis soit dans des mines de sel, de charbon, des
usines, des fermes etc.
Après le 11 novembre, la discipline s’étant relâchée partout et pensant être plus vite
rapatriés, presque tous ces prisonniers disséminés refluèrent au camp qui
rapidement a été saturé.
Manque de nourriture, manque
de chauffage.
Or il faisait très froid.
Aussi le comité Français du
camp avait-il demandé et obtenu du commandant du camp l’autorisation de
disposer et de démolir les baraques en bois (pour l’utiliser comme chauffage)
qui nous appartenaient et que nous avions nous-mêmes édifiées pour faire un
théâtre où nous donnions des représentations.
Mais il y a eu une telle
ruée qu’en 2 heures de temps, il ne restait plus le moindre morceau de bois de
la baraque.
Alors les prisonniers se
sont attaqués aux baraques allemandes qui furent rapidement démolies.
Malgré l’objurgation et les
menaces des sentinelles, le pillage continuant et aussi les invectives
vis-à-vis des gardes.
Ces derniers affolés, ont
pris peur et tout à coup, TAC…TAC….TAC… de tous les miradors du camp les
mitrailleuses se sont mises à cracher au hasard…
Je me promenais alors avec
Lucien et nous nous sommes rapidement jetés à plat ventre par terre. Puis
silence total.
Résultat : 16 tués, 25
blessés, plus 2 décès par la suite. Les victimes sont toutes de nationalité française,
anglaise, italienne, russe.
Étant au Lazaret j’ai vu
dans une pièce tous ces cadavres, complètement nus, entassés les uns sur les
autres et portant juste un petit carton d’identité autour du poignet.
Peu de temps après il y eut
une enquête de la Croix Rouge et visites d’officiels neutres.
Lucien a quitté le camp
avant moi avec un convoi de sous-officiers. Il a traversé l’Allemagne.
Moi, je voyage de nuit
seulement.
Arrêts sur les voies de
garage pendant le jour.
Nous avons gagné le Rhin par chemin de fer, puis sur
d’énormes péniches nous avons descendu ce fleuve à travers la Hollande. Nous
avons débarqué à Dordrecht où les
Hollandais nous ont accueillis au cri de « vive la France ».
Puis, musique en tête, et acclamés sur tout le parcours,
nous avons traversé la ville pour gagner la gare où nous avons embarqué pour Flessingue.
Sur le quai, une fanfare a
joué la Marseillaise au départ du train.
Le lendemain après avoir
librement visité la ville, nous avons embarqué sur le « Nord », un
vapeur français qui a longé le littoral hollandais pour nous débarquer à Dunkerque.
Dans ce port j’ai assisté à
des scènes bien pénibles. Entassés dans des wagons à bestiaux dès 9 h du matin,
notre train était sur une voie longeant le quai.
L’attende du départ se
prolongeant, notre train n’étant parti qu’à 10 h du soir, nous sommes descendus
nous promener le long des quais. C’est alors que certains d’entre nous ont
repéré un wagon chargé de fûts de vin.
Rapidement le tonneau fut
mis en percé…et assiégé par une ruée de prisonniers.
Certains n’ayant pas bu de
vin depuis plusieurs années, furent rapidement ivres et la nuit peu avant le
départ, nombreux furent les manquants qui étaient tombés dans le bassin du
port.
Quel retour…
Courrier officiel annonçant
ma disparition à ma mère en août 1918