Carnet de guerre de Jean DEVAUX, du 238e régiment d'infanterie

Carnet de guerre de Jean DEVAUX

Adjudant du 238e régiment d’infanterie

 

 

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Le 238e RI, fait parti de la 125e brigade d’infanterie (avec les 216e et 298e RI)

La 125e Brigade faisant parti de la 63e division d’infanterie, avec la 126e brigade (292e, 305e et 321e RI)

 

Merci à Jean-François, son petit-fils

 

 

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Août 1914

Mobilisé le 3 août, je me rends à Roanne d'ou l'on m'envoie au 98e Territorial à Montluçon.

Le régiment reste dans cette ville jusqu'au 15 août, puis est dirigé sur Besançon.

Arrivé à Besançon le 16, nous nous rendons à 4 Km de cette ville au lieu-dit Les dessus de Challuz ou l'on nous occupe à mettre la ville en état de défense.

 

 

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Cantine de Jean DEVAUX

 

Septembre 1914

Le 1er septembre nous gagnons Devecey prés Voray-sur-L’Ognon.

Petit pays situé sous les forts de Chatillon et Challuz...... (de la Dame Blanche).

On y trouve des salines et papeteries.

 

Le 24 septembre, l'on prélève 1/4 de l'effectif de mon régiment qui doit renforcer la 63eme Division de réserve qui se trouve sur la ligne de Soissons-Compiègne.

Arrivé sur la ligne de bataille le 26 au soir après une marche de 30 Km sans toucher de vivre ni pouvoir en acheter.

Nous devons rester trois heures sans pouvoir rejoindre notre régiment qui est sur l'autre rive de l’Aisne le pont ayant été coupé, un autre avait été fait par le génie et l'artillerie allemande lançait des obus sur ce dernier  sans toutefois parvenir à l'atteindre.

Vers 9 h du soir, nous arrivons dans le petit village de Fontenoy, ou tous les habitants sont cachés dans les caves parce que l’on vient de bombarder leur village.

Nous cantonnons dans une ferme à proximité d'un château, le lendemain  vers 10 heures, nous touchons une petite ration de pain faite chez un boulanger du village devant lequel nous avons mis une sentinelle pour empêcher qu'on nous le prenne.

Nous assaisonnons quelques pommes de terre sans sel et vers 12 heures l'on se porte sur les lignes de feu occupé par notre régiment qui est le 238e de ligne qui s'était formé à Saint-Étienne.

 

Ce régiment qui avait compté sur son départ 2500 hommes n'en n’avait plus que 1400 après un mois de combat, arrivés sur ses positions, l'on nous donne des outils de parc pour faire rapidement des tranchées pour nous abriter contre les balles et les obus.

Nous étions là à environ 2000 mètres de l'ennemi. (*)

 

(*) : C’est presque qu’exact : Le journal du régiment indique :

« Le 238e RI (2243 hommes à la mobilisation) avait perdu en 6 jours (5 - 11 sept.), 777 hommes et officiers dans le secteur de Puisieux-La Fosse Martin. »

De nouvelles pertes sont indiquées pour les journées des 19-20/09 (592 h.). Une prise d’arme du régiment indique le nombre d’hommes restant : 905. Le  26/09, arrivent 500 hommes, sans officier, du 98e Territorial. »

 

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Vers 2 heures de l'après-midi il nous harcèle d'obus, il en fut de même  vers 4 heures, 6 et 8 heures sans toucher personne.

Entre temps les balles nous faisaient à la compagnie 1 tué et 2 blessés.

Nous couchâmes dans nos  tranchées.

 

Le 28, lundi matin à 6 heures du matin alors que les hommes s'apprêtaient à donner du confort à leurs tranchées un homme de ma section fut tué à coté de moi d'une balle au front.

Il s'appelait Gilardin (*) et habitait Moulins. Il était venu avec nous comme volontaire bien que marié, c'était un garçon jovial et brave, il avait fait les compagnes d....... ....... le 29 Septembre.

 

Le régiment tout entier est relevé des tranchées qu'il occupe depuis 17 jours consécutifs. Tout le monde est couché dans la terre, nous restons dans le petit village de Roche prés de Vic-sur-Aisne jusqu'au 2 inclus.

 

(*) : Il s’agit de GILARDIN Jules, né le 19 décembre 1877, à Souvigny, Allier

Octobre 1914

 

Le 3, à 1 heure du matin, nous retournons occuper de nouvelles tranchées et vers 1 heure et 1/2 nous les quittons pour attaquer l’ennemi dans la direction de Nouvron, petit village situé à l'ouest et à 6 Km de la ville de Soissons.

Le combat commence à 3 heures par une pluie de balles et d'obus. Je me rappellerai toujours que dans un ......que nous passions  en tirailleur ma section, (la 4e étant à la gauche de la compagnie) se trouvant dans un terrain découvert ou il y avait des mottes de fumier et des cadavres, deux obstacles qui furent réutilisés par mes hommes.

Indistinctement pour ma part, j’étais littéralement entré dans une motte de fumier. Il est bon de noter que notre terrain d'approche était un immense champ très découvert appartenant à une de ces importantes fermes comme l'on en voit dans la région de l'Oise et de l’Aisne.

Cette ferme (*) du reste qui fut bombardée par les vandales était tout à fait moderne.

Nous y avons remarqué six grands portails à la grange, éclairage électrique, niveau d'eau dans les crèches .............

 

(*) : Il s’agit de la ferme de Confrécourt (Aisne)

 

A la nuit tombante, nous nous étions portés à l'extrémité de cet immense plateau, à la lisière d’un bois, position intenable, je faisais alors dévaler mes hommes dans ce bois qui n'était pas très large de façon à être placé sur l'autre lisière.

Nous nous entravâmes dans notre course dans des morts, dont la plupart allemands pourrissaient là dans la broussaille depuis 10 à 12 jours.

Arrivés vers sur la lisière nous creusâmes comme nous pouvions des abris et nous restâmes au moins 3 heures sous un tir  violent.

 

Vers 9 H, le canon s'étant tu, la compagnie se reforma et nous fîmes chacun à l'emplacement qu’occupaient nos sections, des tranchées pour coucher, cela en guise de soupe.

C'était le dimanche soir, il faisait un beau clair de lune et je songeais avant de m'endormir, qu'en temps normal  la fête à Saint-Léon aurait  été belle.

 

Le 4 octobre, à 2 heures du matin, il nous arrive la ration qui devait être mangée la veille au soir.

Il aura l'avantage de servir également pour le repas du matin. C’est que dans les tranchées, sur les lignes de feu, l'on ne mange que la nuit.

Repas à 6 heures du soir et à 4 heures du matin, le jour tout le monde dans son trou, l'on en sort qu'en cas d'absolue nécessité, si la tranchée est trop en vue. L’on pisse dans des boites de conserves pour ne pas se laisser apercevoir.

 

Lundi 5 octobre

Nous restons dans nos tranchées, nous nous attendons à poursuivre notre attaque d'un instant à l'autre.

J'avais oublié de dire que dans notre attaque, nous n'avons pas eu de perte, d'autres compagnies, notamment le 298e en ont eu beaucoup.

 

Mardi 6 octobre

Nous restons terré dans nos tranchées toute la journée, il tombe une légère bruine qui mouille et transperce nos toits de feuilles.

Au dessus de nos têtes, il est un duel monstre d'artillerie, plusieurs fois, par jour. Les shrapnels pleuvent sur nous sans nous faire de mal grâce à nos abris.

A la tombée de la nuit, plusieurs hommes de ma section vont enterrer deux pauvres petits chasseurs alpins de la 13e tombés non loin de nous, ma section étant, je l'ai dit isolée à la lisière d'un bois.

Je suis relié au commandant de mon unité S/Lieutenant........ par un homme d'une section qui couche vers ce dernier.

A 9h du soir ils m apportent des ordres pour que ma section soit prête à marcher à 3h30 du matin, le temps s’est éclairci il fait frais dans nos tranchées.

 

Mardi 7 octobre, 3h30 du matin, tout le monde est debout, le départ prévu la veille n'a pas lieu il a fait une nuit froide, la terre est gelée, au matin, par contre, il fait une journée splendide.

 

Jeudi 8 octobre

Nous restons dans nos tranchées, encore toute la journée terrés comme des taupes, tandis que les trois premières sections….placés dans les tranchées de premières lignes tirent de temps à autres sur les tranchées ennemies.

Le 8, à 8 heures du soir, c’est un  formidable duel d’artillerie qui, ce joue au dessus de nos têtes. Il est provoqué par une attaque faite sur le 298 RI.

A notre aile gauche le canon a fait rage toute la nuit, c’est une guerre de siège.

Nos artilleurs viennent d'être munis en pièces de 91 et 105 à longue portée qui jettent le défi à ceux des Allemand parce qu'ils vont plus loin.

 

Vendredi 9 octobre

Jusqu’ à 11h rien d'anormal, tout se passe comme les jours précédents. Il fait une chaleur très forte pour la saison d’innombrables morts, surtout Allemands se décomposent à quelques 30 mètres de nous et sentent une odeur exécrable.

Des légions de corbeaux planent au dessus.
Pourquoi ne les fait t'on pas enterrer? Triste spectacle de l'horrible guerre.

 

Samedi 10 octobre

Rien de changé dans notre situation le matin, à 4h alors qu’après la soupe, des hommes fumaient tranquillement ou plutôt bêtement leurs cigarettes, ils nous valurent d'être découvert par une batterie qui nous crible d’obus, il y eut heureusement personne d'atteint.

Journée froide et sans soleil.

 

Dimanche 11 octobre

Rien d'anormal si ce n'est que le canon fit rage toute la journée.

A 10 heures du soir, m'arrivait l'ordre de porter, ma  section en 1ere ligne.

Je dormais profondément, nous arrivons dans les tranchées de premières lignes vers 11 heures salués par quelques obus et des balles.

A 12 heures, l'on me renvoie dans nos anciennes tranchées avec une autre section de la compagnie.

Le brouillard, heureusement avait paré au clair de lune et nous épargne pour cet ....... ?......que nous n’aurions pu éviter.

 

Lundi 12 octobre au matin, forte  rosée blanche, la journée fut belle et les opérations militaires sensiblement les mêmes que celles des jours précédents.

Le commandant de la compagnie a touché quelques gilets de laine qu'il distribue aux hommes les plus nécessiteux.

 

Mardi 13, nous apprenons vers 12h que le régiment va aller se reposer à Ambleny pendant quelques jours. C'est une grande joie pour tout le monde.

Nous quittons nos tranchées à 11h du soir, à l'arrivée des Cie du 321e.

Une nuit sombre favorise notre marche.

L’ennemi entendait un déplacement de troupes, nous cherche avec ses fusées lumineuses sans pouvoir nous trouver. Il tire néanmoins quelques coups de canon qui ne  portent pas.

Nous arrivons vers 2h du matin à la ferme du Pressoir prés d'Ambleny. C'est une de ces vastes fermes, les habitants ont fuit l'invasion avec tout leur personnel.

L'on m'a réservé une petite chambre ou il reste une armoire à glace et un sommier ; Ce dernier est un luxe pour coucher.

 

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Mercredi 14 octobre

Jour de repos.

Nous avons pu trouver du cidre, un peu de vin, de l'alcool.

Toutes ces boissons inconnues depuis 12 jours sont absorbées goulûment. On a pu avoir aussi un peu de pain blanc.

 

Jeudi 15 octobre

Notre repos continu sans que nous soyons trop inquiétés quelques obus tombent aux environs mais aucun n'arrive dans notre direction.

Il fait un temps brumeux.

 

Vendredi 16 octobre

Je pars dès le matin  pour vérifier les consignes de nos postes situés au pont de Fontenoy et à l’écluse de l'Aisne d'ou part le canal latéral qui doit, je crois, relier cette rivière à la Marne.

Ces différents services sont assurés par une section de notre compagnie. La journée se passe comme la précédente.

 

Vendredi 17 octobre

Je viens de visiter une batterie de 90 qui vient de s'installer près de nous.

Je crains fort qu'elle soit repérée par l’ennemi et qu’elle  mette fin à notre tranquillité.

 

Dimanche 18 octobre

Rien d'anormal se ce n'est que nos batteries installées d'hier font rage, tandis que celle des Allemands restent muettes.

 

Lundi 19 octobre

La journée serait comme la précédente si nous n’avions pas eu la visite inopinée du Général de Brigade Dolot, une brute galonnée comme je n'en ai jamais connu.

Je ne pouvais pas songer que nous avions en tête de l'armée française un général qui puisse formuler des observations dans un langage capable de démoraliser des régiments entiers.

Cet homme est indigne des fonctions qu'il occupe.

 

Mardi 20 octobre

Journée sombre, comme les précédentes depuis 8 jours l’on n’a pas vu le soleil.

Notre artillerie continue à faire rage. 4 batteries de 75, 90 et 95 ne cessent de tirer.

 

Mercredi 21 octobre

A 3h du soir nous recevons avis que notre séjour est fini et par conséquent ordre d’aller occuper des tranchées 1° ligne.

Nous partons à 8h du soir et nous arrivons vers notre nouveau poste vers 12h, nous avons suivi pour arriver à nos tranchées une tranchée dite boyau longue de 1km.

Nous plaçons en arrivant nos sentinelles dans des petits postes placés en avant.

Ces petits postes qui vu de........autres que…d'ou l'on se plan......pour observer sont reliés à nos tranchées par d'étroits boyaux.

 

Jeudi 22 octobre
En reconnaissant par un regard furtif jeté par dessus nos tranchées, nous constatons que nous sommes à 400m de l'ennemi et que nos petits postes n'en sont eux qu'à 300m.

A 7h du matin le sous-lieutenant Brulé nommé depuis 8 jours tombe frappé d'une balle au cou, n'ayant aucun poste de secours, pas de médecin et impossible de le transporter sans risque d'être tué 20 fois, nous sommes obligés de le laisser étendu dans la misérable tranchée ou il vient de trouver probablement la mort. (*) 

A la nuit tombante, on le porte sur un brancard à 4.....d'ou le médecin dit à première vue désespéré de le sauver.

Cependant ce matin, à l’heure ou j’écris c'est lignes son état est stationnaire.

Brulé était le professeur de chimie doué d'une rare intelligence,  il avait en su en tirer parti depuis le commencement de la compagne, ses hommes l’aimait comme on aime un frère il avait en lui un........comme il serait souhaitable que chaque chef puisse en offrir autant.

Doux, patient, travailleur, inlassable, toujours prêt au devoir autant qu’à risquer le…..le plus périlleux qui.....pu lui confie l'heure présente.

Telle sont les appréciations que j'ai pu faire sur ce grand garçon de 29 ans dont je salue la bravoure et souhaite la guérison.

Nous perdons tous en lui un bien précieux auxiliaire.

 

 (*) Brulé Georges né le 02/11/85 à Amiens mort à l’hôpital de Neuilly-sur-Seine le 06/11/14.

 

Vendredi 23 octobre

Dans l'après midi nous avons un blessé à la 3e section (blessure à la tête) nous sommes sous le coup de rafales d'artillerie intermittentes.

Un adjudant nommé Muratet (*) venu avec moi de Besançon vient d'être tué par un éclat d'obus reçu à la tête, il venait d'être promu s/lieutenant. De 4 adjudants que nous sommes venus de Besançon, il n'en reste plus que 2, un autre ayant été blessé lors de l'attaque du 02 octobre.
A 9h30 du soir nous recevons un ordre d'…..à partir nos sections en avant de 80 mètres pour y creuser de nouvelles tranchées plus rapprochées de l'ennemi, nous donnons à cet ordre le minimum d'applications car dans le cas contraire ce serait courir au danger tête baissée d'autant plus que nous sommes qu'à 300  mètres de l'ennemi.

Ceux qui donnent ces ordres ne se rendent  guère compte que les balles nous parviennent du nord, nord-est et nord-ouest et que bien nous ayons touché des para balles. Cette mesure n'est pas suffisante.

J’ai veillé presque toute la nuit auprès de mes hommes qui ont travaillé courageusement et  m'ont donné pleine satisfaction. Le commandant ayant vu au jour les travaux a été satisfait.

 

(*) MURATET Louis Abel Aurillac tué à Confrécourt, né 04/01/87

 

Samedi 24 octobre

2 blessés, à la 2e section par un éclat d'obus, nous avons continué toute la nuit nos travaux de retranchement dans la direction de l'ennemi.

 

Dimanche 25 octobre

Journée assez tranquille si ce n'est que nous avons eu a essuyé le feu des batteries Allemandes qui….tous les dimanches plus que les autres jours.

La nuit fut moins heureuse.

A 9h du soir, nous recevons l'ordre de faire un bond de 50m en avant. Il fait une nuit obscure et sans lune, la pluie bientôt se met à tomber avec force puis c'est la fusillade qui crépite de toute part. Les hommes résistent dans les tranchées qu'ils ont ébauchées, couchés à plat ventre.

A 11h du soir, le soldat Picot de la 4e section est foudroyé par une balle qui lui a labouré l’épine dorsale.

J'obtiens à 1h30 du pain, cesser le travail de ma section, les hommes percés jusqu'aux os vont occuper 50m en arrière leurs tranchées finies de la veille et anciennement confortables.

Ils restent là dedans accroupis sous la pluie, littéralement couvert de boue, leurs fusils en sont remplis comme eux et j’arrive péniblement à leur faire faire fonctionner la culasse pour parer à l'éventualité d'une attaque toujours possible au petit jour.

Quiconque n'as pas vu ce que ressemblent ces hommes ne peut s'en faire une idée, moi même plus qu'eux, j'étais boueux je n'avais pas du parcourir mes différents chantiers pour m’assuré que les directives étaient observées et que tous étaient au devoir, tombant par ci par là dans une tranchée profonde de 2m, butant dans un prussien pourrissant là depuis 2 semaines il y en à …des quantités (surtout ou nous nous trouvons) que l'on a pu enterrer car la zone est trop dangereuse.

Cette soirée est une des plus terribles que j'ai vu depuis que je suis à la guerre et elle en fait prévoir de plus cruelles encore.

 

Lundi 26 octobre

Les hommes sont fourbus sans être découragés, leurs vêtements ont quelque peu séchés sur eux, le soleil apparaissant par intermittence est, pour leur état, une charité.

A 3 heures du soir, un obus m'en blesse 2 autres et m'en tue un en lui déformant le crâne. Nous ne pouvons transporter ce malheureux qui n’avait pas encore expiré, nos boyaux trop étroits  ne le permettant pas.

A la nuit tombante des brancardiers viennent, le hissent sur une civière, puis sur les épaules le passant ainsi presque par dessus la tranchée.

Il meurt chemin faisant.

Ce soir,  à la nuit et jusqu'au jour nous continuons les dangereux travaux par un temps plus clément sans avoir à  déplorer aucune perte.

 

Mardi 27 octobre

Encore trois blessés à la compagnie et un tué, le sergent R....... frappé dans le dos par un sharpnels. Nous quittons ces tranchées de la mort vers 8 heures du soir sous la pluie qui recommence à tomber, nous allons prendre position dans des carrières exploitées en forme de grotte situées à 2 Km de nos tranchées.

Nous enterrons à la grotte suscités prés de la ferme de Confrécourt nos malheureux morts des jours précédents, on leur fait des croix en bois, on fleurit leurs tombes, de multiples corvées sont fournies pour les besoins des troupes de 1 ère ligne.

 

Mercredi 28 octobre

 A 0h15, debout, la mitraille crache avec force, nous sortons de notre caverne pour occuper des tranchées en avant.

L'intensité de la fusillade fait pleuvoir des balles en quantité. Heureusement elles passent haut et nous sommes épargnés.

A peine arrivés dans nos tranchées, de gros obus tombent à droite, en arrière, à gauche, en avant, un tombe juste devant nous et nous recouvre de terre. Nous n'avons qu'un blessé légèrement.

A 2 heures, fusils et canons se taisent, nous retournons à la caverne d'ou nous sommes relevés vers 3h30.

Nous allons nous reposer à Port Fontenoy ou nous arrivons à 4h30.

 

Jeudi 29 octobre

Jour de repos relatif car nous avons un fort service de garde et il tombe un brouillard épais.

 

Vendredi 30 octobre

A midi, grand branle-bas, notre front se prépare à une attaque et sommes réserve de la 126e brigade, nous nous portons à 1 Km de notre cantonnement dans une position d'attente.

Notre artillerie tire avec force, c'est le bruit de combat le plus formidable que j'ai entendu jusqu'a ce jour.

A 9 heures nous retournons à notre cantonnement.

Nous avions avancés de quelques kilomètres sur certains points de notre ligne : il y aurait pas mal de pertes.

 

Samedi 31 octobre

Nous restons depuis 12 heures équipés prêts à partir comme la veille, mais rien ne se produit, le calme est complet sur les deux fronts comme si ils étaient lassés de la veille.

Novembre 1914

Dimanche 1er novembre

Nous partons à 7h30 pour occuper des tranchées situées à 1 km du cantonnement, nous nous trouvons dans le parc du château de Fontenoy, ce parc est en partie transformé en cimetière.

Les tombes qui s'y trouvent sont presque toutes du 292 RI.

L'on y remarque beaucoup d'officiers de ce régiment. Le destin à semblé vouloir, en ce jour de fête des morts, nous placés là.

Il fait beau. Les hommes, sans commandement, fabriquent des couronnes de lierre et recherchent des fleurs.

A 12 heures ce vaste cimetière improvisé est propre et les vastes fosses communes sont recouvertes de fleurs. Ceux là auront eu  leur fête, puisses t'il en être de même partout.

 

Lundi 2 novembre

Le temps continue à être magnifique.

Nous quittons notre cimetière–parc  à 4h30 du soir pour nous porter un peu plus loin en 1ere ligne en renforcement du 292e qui a été fort éprouvé lors de l'attaque du 30. (*)

Nous occupons ou plutôt ma section occupe, là une ferme (**) qui a subit le plus complet bombardement et qui……jour….encore la visite de gros obus allemands.

Il n'est pas un espace de 10m2 qui n'a pas son trou béant, de petits obus sont également rentrés dans une superbe chambre Louis XV. Ce lit de milieu est criblé de shrapnels, les pieds n'existent plus. Une porte de l'armoire est arrachée, sa glace brisée, un pied et un coté sont séparés du corps.

Un piano qui a du supporter plusieurs dizaine d’obus gît là, déchiqueté, démonté.

Une bibliothèque  est criblée de balles, les livres pleins de shrapnels.

Le spectacle est navrant. C'est encore une des ces riches fermes de la région ou rien ne manque, téléphone, conduite d'eau,confort moderne.

 

(*) : Le 292e RI a perdu les 30 et 31 octobre, presque 300 hommes pour un gain de 100m de terrain (JMO du 292e)

(**) Il s’agit certainement de la ferme du Pressoir.

 

Mardi 03 novembre.

Le jour se passe normalement nous restons dans nos positions respectives.

 

Mercredi 04 novembre

Ce jour ressemblerait le précédent si je n'avais pas failli faire connaissance avec une fameuse "marmite". J’allais vers le point avancé de ma section lorsque je rencontrais mon commandant de compagnie qui me disait que ce n’était pas prudent de sortir alors qu'une rafale d'artillerie balayait le terrain.

Je lui répondais presque ironiquement à la mesure de prudence à laquelle il m'invitait lorsque j'entends venir sur  moi avec un bruit de bolide un gros obus.

Je faisais machinalement 4 pas en arrière et me précipitait sous le couvert en pierre de taille d'un puits.

A peine avais-je exécuté ce mouvement que le monstre était tombé juste ou je me trouvais deux secondes avant, abattant 10 mètres de mur (lequel je longeais).

S'il avait éclaté à gauche comme il a éclaté à droite en avant j'étais infailliblement tué.

A droite des pierres de 10 kgs avaient volés à 20 mètres. Je n'en fus pas autrement émotionné car on s'habitue au danger. Je m'en retournai néanmoins au pas de course et je fis bien car il en tombait immédiatement deux sur mon chemin de retour.

L'unique que je puisse suivre.

 

Jeudi 05 novembre

Nous avons passé la nuit dans les tranchées de 2e ligne sises dans le parc-cimetière encore agrandit depuis 3 jours que nous l’avions quitté dont j'ai parlé plus loin.

 

Vendredi 06 novembre.

Nous avons rejoint notre cantonnement de Roche abandonné le matin du jour de Toussaint. Nous profitons de ce court repos pour nous nettoyer car nous allons retourner dans d'autres tranchées.

A 9h du soir nous recevons 16 hommes venus du dépôt, leurs blessures guéries, ils n'ont rien ......hautement que leur attribue certains….car ils savent déjà quelque chose de la guerre.

 

Samedi 07 novembre

Nous restons au repos à Port Fontenoy, nous faisons une  ......d'exercice le matin.

 

Dimanche 08 novembre

J'ai eu l'occasion de revoir le dernier jour de repos mon ancien régiment le 298e je retrouvais là nombre de bon amis dont l'un est commandant de compagnie "Taupier" de Roanne.

J'en aurais trouvé bien plus au début de la compagne car ce régiment fut comme le notre, fort éprouvé : parti à l’effectif de plus de 2000, il en reste de ce premier effectif 350 dont 2 officiers, entre autre mon ami F. Richard (rue de Paris à Vichy) est tombé frappé à mort le jour que nous avons fait l'attaque de Nouvron (3 octobre)

 

RICHARD François, 31 ans, né à Vichy le 12 septembre 1884, tué à l’ennemi entre le 18 et 20 septembre 1914 à Vingré.

 

Lundi 09 novembre

A 1h du matin, nous venons reprendre position dans les tranchées situées à Nouvron mais cette fois, nous sommes en 2e ligne il passe autant de balles que dans celles que nous occupions précédemment mais il ne tombe pas d'obus.

J’ai une jolie petite niche que m’on fait deux hommes de ma section, Bidet et Malbrunot d'après leur propre bonne volonté.

 

Mardi 10 novembre

Nous continuons d'occuper nos tranchées, nous savons qu'une attaque générale de notre armée doit avoir lieu.

En effet à 10h du soir je suis mandé près de mon commandant de compagnie par une pluie battante et un noir d'encre. On me communique l'ordre de la division d'après laquelle nous devons coûte que coûte occupé la position qu'occupe l'ennemi devant nous vers 8h du matin le lendemain.


Mercredi 11 novembre

A 3h du matin, debout et nous partons immédiatement derrière les 1ères lignes. Le canon qui tonne depuis mardi 20h redouble son feu et le continue avec une intensité toute la journée comme personne ne l'a jamais entendu, il avait plu une partie de la nuit.

 

Vers 8h, les attaques commencent, le 292e placé à notre gauche attaque violemment gagne et prend une mitrailleuse le tout lui à coûté 500 hommes hors de combat.

La 1ère compagnie de droite de notre régiment attaque. Le capitaine sortant avec la 2ème demi section de la compagnie était tué ainsi que presque tous ceux qui l’avaient suivi à ce moment.

A ce moment l'attaque est, par je ne sais quel ordre, arrêtée.

Le canon continue et redouble de violence à un point qu'il est impossible de s'entendre parler. Les Français contrairement à leur habitude répondent à peine.

Nous passons une terrible nuit à la belle étoile.

 

Jeudi 12 novembre

La canonnade a continué une partie de la nuit.

L'attaque va t’elle recommencer, il parait que oui, l’on a refourni le nombre de nos cartouches et on reçoit l'ordre d'assurer que les baïonnettes se montent bien sur le fusil.

La charge parait imminente lorsqu'à 12h, le haut commandement y a renoncé.

Nous retournons à nos anciennes tranchées celle occupée le 10.

Le Génie avait eu des pertes sévères en voulant faire sauter les réseaux de fils de fer.

 

Vendredi 13 novembre   

 

 

FIN DU CARNET

 

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Jean DEVAUX est mort, à Soissons, le 24 mars 1915, à 20 h. S’étant avancé au delà des tranchées pour choisir un poste d’observation, il a été tué par une sentinelle française, qui n’était pas prévenue de la sortie de l’adjudant en avant des lignes.

Le journal du régiment l’indique clairement :

 

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Lettres

 

Lettre de Jean DEVAUX

 

Cher frère et parrain.

Si cette lettre te parvient, c’est que je suis tombé au champ d’honneur.

En conséquence, je te désigne pour remplir la douloureuse mission d’en prévenir ma femme et ma famille.

Tu préviendras ma femme avec tous les ménagements possibles et sans délai. Tu tiendras compte de son état.

Je te dis sans délai pour que la vérité quelque cruelle qu’elle soit ne doit pas se cacher.

Ensuite, remplace moi donc auprès d’elle pour liquider dans les meilleures conditions le commerce de menuiserie qu’elle ne peut continuer ; elle pourrait peut-être conserver son magasin de quincaillerie.

Soit donc également le tuteur de ma chère petite orpheline et de mon pauvre enfant à venir.

Sers-leur de père, je connais ton grand cœur et c’est encore une consolation de te les confier.

Veilles à leur éducation, apprends leur à aimer le travail et leurs semblables, à toujours pardonner leurs ennemis.

Dis adieu pour moi à tous les tiens ainsi que tous nos frères et sœurs et aussi à ceux de ma femme.

Préviens Papa et Maman avec ménagements et dis leur des paroles de consolation.

Adieu, je t’embrasse et vous embrasse tous.

Jean Devaux.

   

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Lettre du médecin du 238e RI, relatant la mort de Jean DEVAUX

 

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238° Régiment d’infanterie, le 25 mars 1915.

Monsieur.

J’accomplis un triste devoir en vous transmettant ci inclus les dernières volontés de votre frère l’adjudant Devaux du 238° Régiment d’infanterie mort au champ d’honneur le 24 mars 1915 d’une balle au front qui a déterminé la mort immédiate.

Il a été trouvé sur lui cette lettre écrite au crayon dont j’ai suivi les indications, une enveloppe renfermant une mèche de cheveux et portant la mention « à enterrer avec moi » a été placée dans le cercueil.

L’inhumation a eu lieu aujourd’hui 25 mars 1915, les honneurs militaires ont été rendues et le colonel, dans un discours ému, se faisant notre interprète à tous, a rappelé la sympathie unanime que au régiment nous avions tous pour l’adjudant Devaux.

Les objets constituants la succession, une somme de 24,50 francs, une alliance, un portefeuille ont été remis par nos soins à l’autorité militaire qui vous les fera parvenir.

Recevez, Monsieur, avec mes condoléances les plus sincères, l’assurance de mes sentiments très distinguées.

Roger Antoine

 

Tué au champ d’honneur le 24 Mars 1915 à Soissons Saint-Paul, enterré à Soissons Saint-Médard dans le jardin de l’institut de sourds et muets, près d’une petite chapelle, à côté d’autres militaires tués à l’ennemi.

Roger Antoine.

Médecin Major, chef de service.

 

Bien spécifier le lieu où je suis enterré.

J’espère que cette lettre ne sera pas utile car je n’ai pas envie de laisser ma peau ici.

Jean Devaux.

 

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Lettre de François Colcombet à  ?, relatant la mort de Jean DEVAUX

 

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Le sous- lieutenant Colcombet est le 4°sur la photo.

C'est lui l'auteur d'une partie des lettres, il habitait a 15 km de Jean DEVAUX (le tambour).

Le commandant de la compagnie le lieutenant Mège est le 5° avec son sabre  

 

 

Cher M Civet.        

J’ai reçu hier soir votre lettre du 4 m’apprenant la triste nouvelle de la mort de votre frère.

Je dois vous dire que j’avais quitté le 238° sur ma demande pour aller combattre au côté de mon frère, ce qui fait que c’est par vous que j’apprends le malheur qui vous frappe.

Je me suis donc informé ce matin de quelle façon il avait succombé.

Il est bien dur pour moi de vous avouer qu’il a été tué par nos balles.

Il a été victime d’une négligence.

Une de nos sentinelles n’avait pas été prévenue de son passage comme chef de patrouille et, le prenant pour un de nos ennemis l’a tué net.

Il n’a pas souffert, mais c’est bien triste de mourir dans ces conditions surtout après avoir combattu sept mois consécutifs en étant épargné de tout danger.

Vous avez un vaillant frère, je dis vaillant car en maintes circonstances, j’ai pu ainsi que mes camarades apprécier son courage.

Quelques temps avant que je quitte son régiment, je le vois toujours avec ses hommes posant les fils de fer en avant de nos tranchées de première ligne. Il était là pour les secourir au cas où ils leur arriveraient quelque chose.

Aucun chef de section dans sa compagnie n’en faisait autant, si quelqu’un méritait le galon d’or, c’était lui.

A chaque nomination qui paraissait au rapport, les hommes de sa section et je puis même dire de sa compagnie s’étonnaient de sa non-promotion et murmuraient entre eux : « s’il y en un qui mérite les galons et qui les a gagné depuis longtemps c’est l’adjudant Devaux. »

Vous pouvez être fier de lui, il est mort estimé de tous ceux qui l’ont connu soit comme chef, soit comme camarade.

François Colcombet.

 

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Lettre de François Colcombet au curé, relatant la mort de Jean DEVAUX

 

 

Monsieur le Curé.

25 mars 1915. A Monsieur le Curé de Saint-Léon, Allier.

J’ai le malheur de vous faire part de la mort d’un de vos paroissiens l’Adjudant Devaux, 19°compagnie, 238°régiment tué net par 2 balles prés de Soissons, hier soir 24 mars vers 9 heures du soir.

Mes camarades et moi savaient que notre ami attendait incessamment la naissance d’un bébé et nous ne voudrions pas que par maladresse cette nouvelle soit annoncée à Madame Devaux dans les circonstances présentes d’une manière trop brusque.

Si ce pauvre ami ne fréquentait pas assidument votre église, nous savons parce qu’il a raconté que son père était un chrétien convaincu et sa mère une fervente chrétienne. C’est à eux peut être qu’il faudrait apprendre d’abord ce malheur le plus doucement possible.

Peut-être n’habitent plus le même village que leur fils, auquel cas, vous voudrez bien agir pour le mieux, c’est-à-dire leur faire parvenir ce mot par un ami dévoué qui saura un peu panser leur douleur.

Mes camarades, lieutenant Mège, sous-Lt Larree, adjudant Guillaumont et moi sommes à l’entière disposition de la famille pour tout renseignement.

Nous ferons confectionner une bière et nous ferons savoir où il dort de son dernier sommeil.

Ces messieurs et les hommes de la compagnie adoraient ce brave Devaux et sa famille ne sera pas la seule à le pleurer.

Veuillez prier pour lui et agréer, Monsieur le Curé, nos sincères salutations et nos remerciements pour le service que nous vous demandons.

Sous-lieutenant François Colcombet

9°compagnie, 238° Régiment d’infanterie

 

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Lettre de François Colcombet au frère de Jean DEVAUX

 

14 avril 1915.

Je reçois à l’instant votre lettre du 12 avril ; mes camarades et moi avons eu beaucoup de peine de la triste fin de notre ami Devaux et avions combiné ensemble la lettre ou j’ai escamoté le navrant détail que vous me demandez aujourd’hui.

J’espère que madame Devaux n’apprendra jamais que ce sont des sentinelles françaises qui ont tué son mari.

Je vous ai écrit la première fois pour vous faire part de la mort de monsieur votre frère avec qui j’étais près de lui un peu après la tombée de la nuit et il m’avait quitté pour voir sises sentinelles étaient à leur place ; en même temps, il leur portait un fusil de chasse à 2 coups chargé de chevrotines pour tâcher de démolir les patrouilleurs boches.

 

Deux minutes après avoir dit au revoir à l’adjudant, j’ai entendu 2 coups de fusil puis 1 troisième, une demi-minute après, un soldat me court après aussi vite que possible dans les sinuosités des tranchées pour me dire que l’adjudant Devaux avait été blessé grièvement par nos sentinelles. 

J’accours près de lui, les hommes l’avait déjà relevé et transporté sur de la paille dans la tranchée.

J’avais une lampe électrique et vis tout de suite qu’il n’y avait rien à faire, notre pauvre ami a surement perdu connaissance sur le coup.

Je suis resté près de lui assez longtemps et n’ai entendu que deux fois et au début un léger soupir s’exhaler de ses lèvres.

Le major appelé téléphoniquement nous a assuré qu’il n’avait pas pu se sentir souffrir. Une balle avait broyé la clavicule droite à la naissance du cou, la 2° avait laissé un petit trou au front et un gros trou à la sortie au-dessus de la nuque.

Les sentinelles avaient reçu de la part de votre frère même l’ordre de tirer sur tout ce qui se présenterait à la sortie d’une carrière de sable abandonnée qui constituait un point à surveiller très sérieusement sur le front de notre secteur, elles ont pris peur et n’ont pas reconnu leur chef, surtout en l’apercevant un fusil à la main, le fusil de chasse signalé plus haut, les adjudants sont armés au contraire du sabre et du revolver.

 

L’adjudant Devaux a dû par inadvertance passer un peu la ligne de ses sentinelles au lieu de la suivre en dedans. Ses hommes ont écouté les consignes qu’il leur avait donné lui-même et c’est ainsi que la fatale méprise s’est produite

Je ne vous dirai pas la peine des deux malheureux qui ont tué leur chef, tous, d’ailleurs étaient navrés.

Le colonel, le commandant, nous même avons interrogé les sentinelles, leurs gradés et nous ne pouvons que conclure à une déplorable erreur.

Affolement des sentinelles voyant surgir un homme armé à quelques mètres d’eux ; imprudence de l’adjudant d’être allé un peu trop loin sans avoir suffisamment averti.

Le 3°coup de fusil entendu une  ½ minute après les deux qui ont tué l’adjudant avait été tiré par les allemands, probablement par une sentinelle allemande qui avait entendu les 2 coups de nos sentinelles et le bruit fait par nos hommes relevant leur chef. La balle n’a d’ailleurs touchée personne.

Nous espérions bien que nous pouvions vous cacher ces tristes détails, laisser croire chez lui que c’étaient au moins des balles boches qui l’avaient frappées et nous ne comprenons pas comment on a pu l’apprendre si vite à Saint-Léon, qu’au moins Madame Devaux n’en sache rien de quelque temps, je me rappelle maintenant que Devaux nous avait raconté un jour que sa femme en lui disant adieu, lui avait dit que quoique il arrive, elle voulait être avertie la première.

 

Je crois que j’ai bien fait quand même d’avertir d’autres qu’elle-même et de lui faire cacher les détails malheureux de cette mort.

Monsieur votre frère est une victime malheureuse sans gloire, mais il n’en a pas moins donné sa vie pour la France et le témoignage de l’amitié de tout doit être un réconfort pour les siens.

Je suis tout à votre disposition pour vous fournir d’autres renseignements.

La cantine de Monsieur votre Frère est partie hier pour le dépôt.

Son képi n’a pas pu y rentrer, mais je le mets dans ma cantine et l’enverrai chez moi à la première occasion, mes parents vous le feront parvenir par Dompierre.

 J’attends une petite photo de la tombe de Monsieur votre frère et espère pouvoir la glisser dans ma lettre ce soir. Sa tombe est marquée par un signe.

Si je reviens de cette longue guerre, je vous donnerais rendez-vous à Dompierre à la première occasion pour faire votre connaissance et vous fournir tous détails.

Veuillez agréer mes sincères salutations.

Veuillez avoir la bonté de nous donner des nouvelles de Madame Devaux et des enfants. S.V.P

François Colcombet.

 

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2ème lettre de François Colcombet au frère de Jean DEVAUX

 

27 avril 1915.

J’espère que vous avez bien gardé pour vous seul comme vous me l’avez promis en me demandons des renseignements précis sur la mort de notre brave camarade.

Nous avons le plaisir de vous apprendre que votre frère a été cité à l’ordre du régiment dans les termes suivants :

« A rendu durant toute la campagne d’excellents services et brillante conduite. »

 La solde d’un adjudant est de 2.44 francs par jour, soit pour 30 jours 73.20 francs. La demi-solde serait inférieure a l’allocation de 63 francs, mais Madame Devaux doit avoir droit après la guerre à une pension.

    En outre des 2.44 francs journaliers, les sous-officiers en tranchées de 1° ligne touchaient 1 franc de haute paye par jour. Mais cette haute paye ne doit pas figurer, je crois pour les pensions de veuves ni les demi-soldes.

    Ci-joint une photo de la tombe de votre frère, c’est la grande croix, la première a droite de la petite chapelle photographiée au centre.

    Nous sommes prêt de sa tombe depuis quelques jours et veillons à chacune de nos petites visites à ce que les soins apportés à l’entretien témoigne de la peine ressentie de sa disparition.

    Avez-vous reçu la cantine ?

Si non écrire au dépôt du 238 à Saint-Etienne.

 

    Veuillez avoir l’obligeance de nous donner des nouvelles de Madame Devaux SVP et de leur apporter tous les compléments de condoléances et les hommages respectueux des camarades de son mari.

Agréer mes sincères salutations.

Je glisse une autre photo dans ma lettre représentant ce brave Devaux jouant au bouchon quelques jours avant sa mort.

De gauche à droite, vous y voyez ses camarades adjudant Guillaumet, sous-lieutenant Learre, lieutenant Mège, commandant la cie, souriant en bras de tricot et l’Aspirant Omet.

Sa famille recevra la croix de guerre dans quelques temps.

François Colcombet.

 

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