Souvenirs de guerre de Fernand DORÉMUS,

lieutenant au 366ème régiment d’infanterie

Mise à jour : août 2019

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Un internaute a retrouvé le nom de son grand-père dans ces souvenirs.

Voir le détail dans le texte

 

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Fernand DORÉMUS après la guerre

 

 

Vincent nous dit en mars 2005

« J'ai ici les mémoires du lieutenant Fernand DORÉMUS qui était au 366ème régiment d’infanterie, si vous souhaitez je peux vous transmettre copie de ses mémoires (15 pages). J'ai l'impression que, ce faisant, je rendrais hommage à cet arrière grand père dont le titre des mémoires est "pour que le souvenir ne meure"...

« Je suis personnellement passionné par la guerre 14-18 parce qu'ému par l'horreur absolu qu'elle a représenté. »

Cordialement.

 

 

 

Prélude

La fiche matriculaire de Fernand DOREMUS, classe 1906, matricule 378, tome 1, du recrutement de Valenciennes (Nord), n’est pas accessible. Les tomes 1 et 2 n’existent plus. Nous ne connaitrons donc pas son parcours militaire exact.

 

 

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Pour que le souvenir ne meure...

                                                                                                                                              

11 août 1914

Les opérations

Bien avant le mois d'août 1914, on parlait déjà de la guerre.

Le 4

La mobilisation est décrétée, mon ordre d'appel entre les mains.

Demain le suprême instant des adieux à Bouchain (Nord), je dois prendre le train pour Verdun, caserne Jardin Fontaine.

Les quelques jours qui suivent sont employés à notre habillement qui se fait au pas de course : constitution des escouades, distribution des armes et munitions et voilà la 8ème escouade de la 18ème compagnie du 366ème régiment d’infanterie prête à partir en campagne sous les ordres du capitaine BARTHÉLÉMY. (*)

 

C'est la guerre de mouvement à Brocourt (Meuse) ; avec ma 8ème escouade, je reçois l'ordre d'attaquer un convoi ennemi, résultat : coups de feu de part et d'autre, le soldat SAUTIÈRE accolé contre moi reçoit une balle qui le tue net pour ainsi dire dans mes bras.

C'était un gars du Nord, je ne l'ai jamais oublié.

 

En rase campagne le 8 octobre 1914, montant vers Étain (Meuse), un tir d'obus fusants vint atteindre le soldat BAYER, qui le blesse mortellement.

Il était de Ville-en-Tardenois (Aisne) lui aussi, comme SAUTIÈRE, accolé contre moi-même.

 

(*) : Le lieutenant BARTHÉLÉMY est lieutenant en août 1914. Il est chef de section de la 18e compagnie. Le commandant de cette compagnie est le capitaine VERRIER qui est en congé de convalescence à cette date.

SAUTIERE Ernest, soldat au 366e régiment d’infanterie, mort pour la France le 1e octobre 1914. Voir sa fiche.

BAYER Valentin Émile, soldat au 366e régiment d’infanterie, mort pour la France, suite de ses blessures, le 8 octobre 1914, à l’hôpital de Verdun. Voir sa fiche.

 

 

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1915

Vint l'année 1915.

En avril je suis nommé sergent et je dois quitter la 18ème Cie pour être pris en subsistance par la 4ème compagnie de mitrailleuses en attendant la formation de la 5ème Cie qui sera commandée par le capitaine EBRARD.

 

A la sortie d'Étain, pendant l'horreur d'une profonde nuit, le canon tonne, à l'horizon sept villages sont en flammes les vaches beuglent de partout, les enfants pleurent, leurs mamans les emmenant vers l'inconnu, que de tristes souvenirs et ce même soir nous devions nous replier jusqu'au pied des Éparges, cette montagne de boue véritable enfer quand les minenwerfer déchaînaient leurs bourrasques.

1916

Voici 1916.

Février, mars : autre enfer jusqu'en août toujours aux environs de Verdun.

Puis un jour le 366ème R.I. est appelé dans la Somme l'offensive française se déclenche, le 4 septembre les lisières de Deniécourt et de Berny sont atteintes, Soyécourt est enlevé Vermandovillers est conquis en partie et le 17 conquête totale de Vermandovillers. (*)

 

Ma première citation à l'ordre de la 142e division le 27 septembre 1916 :

« Sous-officier intelligent et dévoué a été pour ses hommes un exemple de courage et de dévouements lors des derniers combats où le régiment fut engagé. »

Signé Colonel PIAZZA.

 

J'ai beaucoup apprécié le courage de mes mitrailleurs au cours du combat du 16 septembre 1916.

Combat qui nous a couté si cher en hommes, entre autres j'ai vu tomber près de moi le capitaine BARTHÉLÉMY (**) tandis que les autres officiers étaient considérés comme disparus.

Restant seul gradé j'ai pris le commandement de la compagnie en rendant compte de ma mission au capitaine BARS remplaçant le chef de bataillon blessé.

 

Autre souvenance mon frère ainé, classe 1890, soldat territorial cantonné dans le secteur de Chaulnes est venu le lendemain de la bataille me devancer très heureux de nous retrouver tous deux bien vivants.

 

(*) : Durant les journées des 4, 5 et 6 septembre 1916, près de Vermandovillers, le régiment a perdu près de 900 hommes tués, blessés et disparus…

(**) : BARTHÉLÉMY René André, capitaine, mort pour la France à Vermandovillers, le septembre 1916. Voir sa fiche.

 

 

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Mars-avril 1917

Côte 304.

Quelques souvenirs émergent de ces heures de tranchée ; nous étions en appui du 80ème R.I.

Un capitaine monte à mon créneau pour voir mon secteur il glisse, remonte et reçoit une balle qui le tue net.

Ce même jour le sergent BAUSSARD, jeune marié rentrant de permission, est tué à la porte de son abri, sa main crispée serrait la lettre qu'il venait d'écrire à sa femme.

 

Le 28 mai au mont Cornillet (Champagne) ma 2ème citation :

6ème corps d'armée 34ème corps d'armée 132ème division 366ème régiment d’infanterie.

Le colonel DE LORQUAT DE LA COULERIE, commandant le 366ème R.I. cite à l'ordre du régiment N° 128 le 19 juillet 1917 le sergent DORÉMUS Fernand, N° Mle 10666. Motif de la citation :

« Sous officier mitrailleur d'un calme et d'un sang froid admirable, le 28 mai 1917 au mont Cornillet, sa section ayant été ensevelie par obus de gros calibre, a dirigé sous le bombardement qui continuait les travaux de sauvetage avec un mépris du danger tout à fait exemplaire. »

Signé DE LORQUAT DE LA COULERIE.

 

Après la chute du mont Cornillet, nous occupons avec ma section et deux mitrailleuses le terrain nouvellement conquis 29 jours consécutifs sous les bombardements continus de tous calibres et sans aucun abri.

C'est rentrant vers le P.C. que le lieutenant CHOTTAUD, notre commandant de compagnie, est tué par un obus et le lieutenant BOUSQUET est gravement blessé. Celui-ci me fait venir à son chevet pour me passer le commandement de la Cie.

C'est ce jour là que j'ai été nommé adjudant le 19 juillet 1917.

Juillet 1918

C'est la grande offensive libératrice après la prise de commandement unique par FOCH, la 4ème armée renforcée par une division polonaise et commandée par GOURAUD allait donner, j'en étais.

 

 

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Ma troisième citation, Mont-Sans-Nom (Champagne) à l'ordre de la IVe Armée :

« Le premier peloton de mitrailleuse de la C.M. 5 du 366ème R.I. sous la conduite admirable de l'adjudant DORÉMUS entouré de tous côtés dès le début de la bataille de Champagne le 15 juillet 1918, a par sa bravoure, son calme et son esprit combattif, su maintenir par des corps à corps intégralement sa position, fait des prisonniers et en ayant reçu l'ordre a réussi à rejoindre le régiment sur la position de résistance en traversant les lignes ennemies. »

Au quartier général le 7 août 1918.

Le général GOURAUD Cdt la IVe Armée Signé de la main du général, délivré par le maréchal PÉTAIN, Cdt en chef les armées de l'Est. Signé de la main du maréchal.

 

Dans l'après-midi du 14 juillet 1918 vers 6 heures je reçois l'ordre de tirer quelques bandes de mitrailleuses en tirs indirects pour faciliter le coup de main qui était en cours.

Ce coup de main fut très heureux car 27 prisonniers furent capturés qui révèlent que le début de l'attaque est pour le 15 à 4 h du matin. On n’y croyait pas mais pourtant c'était vrai.

 

Car à 4 h 10 se déclenchaient les tirs de barrage, un véritable enfer. La contre-attaque est prête.

L'effet de surprise ne jouera pas. Il n'en reste pas moins vrai que la ruée allemande fut telle que la Cie se trouva encerclée. Deux de mes sergents VATTEL et TRICHON en position avancée avec chacun leur mitrailleuse furent portés disparus.

Je ne devais plus les revoir !

Puis ce fut les combats à la grenade autour de mon ilot. A un certain moment un de mes mitrailleurs me signale que nos grenadiers étaient près à partir prisonniers.

Aussitôt sans perdre un seul instant je bondis arme au poing suivi du sergent HUSSARD du 4ème bataillon et nous ramenons vers le P.C. les huit prisonniers allemands ; de retour à mon poste, un autre de mes mitrailleurs vint me dire que les boches sont la tout près.

Aussitôt, pour une seconde fois, je bondis et par ma contre-attaque je délivrais le sergent NICODÈME (*) qui prisonnier depuis le matin et forcé de transporter des munitions était resté à son poste et je faisais encore trois prisonniers (onze au total en quelques instants).

 

(*) : Le sergent Paul NICODÈME a effectivement été capturé, puis libéré.

En 2007, son petit-fils, Christian NICODÈME (grâce à internet) a retrouvé ce passage des souvenirs de Fernand DORÉMUS, son adjudant. Voir ici le récit et les photos de Paul NICODÈME.

 

 

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La photo du groupe de soldats du 366e régiment d’infanterie jouant au foot a été prise au camp Roques, au nord de Suippes, en 1917 ou 1918.

Paul NICODÈME est assis ; quatrième à partir de la droite.

 

Tout de même que serait-il arrivé si au lieu de combattre héroïquement, si l'adjudant DORÉMUS avait flanché ?

On n'ose pas y penser, c'était la porte grande ouverte de notre ilot avec toutes ses conséquences et nous n'aurions pas eu la joie, le bonheur, de pouvoir encore après les journées du 14 et du 15 juillet 1918 relater les péripéties de la bataille du Mont-Sans-Nom et notre retour près du P.C. du colonel ou le général GOURAUD nous attendait pour nous dire et faire entendre de sa propre voix :

« Vous avez dissocié l'ennemie, de tout mon cœur de soldat, je vous remercie. »

 

Ma 4ème citation :

Cuts (Oise) à l'ordre du corps d'armée le Général D'ARMAU DE POUYDRAGUIN, commandant le 18ème corps d'armée, cite à l'ordre du corps d'armée le sous-lieutenant DORÉMUS Fernand du 366ème régiment d’infanterie :

« Officier très brave qui au cours de la bataille du 20 août 1918 a pris le commandement de sa Cie dans des circonstances toutes spéciales après que les deux autres officiers étaient successivement blessés, a rempli d'une manière admirable et malgré toutes les difficultés les missions nombreuses et délicates qui lui furent confiées au cours de cette journée de succès. »

Ordre N° 435 du 11 septembre 1918. Signé du général D'ARMAU DE POUYDRAGUIN.

 

Cette citation me fut décernée à la suite de ce que le commandement a appelé « l'affaire de Cuts (Oise) », un verrou allemand qu'il fallait faire sauter à tous prix. Nous savions ce que cela voulait dire.

 

20 août 1918.

Débouchant de la forêt de Compiègne nous marchons en rase campagne malgré les tirs de mitrailleuses sur notre droite qui nous font bien du mal ; avec nos deux mitrailleuses nous progressons par bonds successives en utilisant à fond les aspects du terrain et arrivons près du bois de Cuts.

D'où nous voyons sortant du bois tout un défilé de soldats allemands qui se rendent laissant derrière eux un gros butin d'armes de toutes sortes : grenades mitrailleuses et d'autres grosses pièces d'artillerie.

A la tombée de la nuit j'ai rendu compte au chef de bataillon la position de mon peloton.

Très bien me dit-il si on a besoin de vous on ira vous chercher.

N'ayant pas d'autres renseignements je me suis avancé pour voir le capitaine SCHUNTER qui me dit : « je suis content de vous voir ».

Nous attaquons au petit jour et du bois de Cuts sans revoir d'ennemis nous avançons vers le Bac d'Ablincourt.

Le pont est coupé nous ne pouvons plus avancer, empêchés par des tirs d'obus à gaz et le tir d'une mitrailleuse ennemie qui se trouve derrière le pont. Il nous a fallu faire appel à un canon de tranchée pour obliger les occupants à se dévoiler.

Après la capture des deux mitrailleuses, nous pouvions bientôt traverser les trois cours d'eau : le canal de l'Oise à l'Aisne, la rivière l'Ailette et le fossé de dessèchement.

 

Ma 5ème citation Néork (Belgique).

Cité à l'ordre général N° 356, 122ème division du 12 novembre 1918

« Chef de section de mitrailleuses chargé d'assurer la défense d'une tête de pont, a maintenu pendant 4 jours du 22 au 25 octobre 1918, sa section dans une position des plus périlleuses sous les feux des tirs de barrage et des mitrailleuses ennemies. Malgré les rafales qui interdisaient tout mouvement à son unité, n'a pas cessé d'harceler l'ennemi et finalement l'a obligé à abandonner des bâtiments organisés d'où il gênait considérablement le mouvement de nos troupes. »

Signé DU LORQUAT DE LA COULERIE.

 

Après tant d'efforts et d'héroïsme on aurait pu penser que la guerre était finie, hélas elle ne pouvait pas être finie.

Nous devions bientôt rejoindre la Belgique.

 

Le 16 octobre 1918 nous passons la nuit à Poperinge et arrivons bientôt au delà de Roulers en Belgique pour rejoindre la ligne de feu qui fait rage.

Le Capitaine DELANGRE est tué.

La progression est difficile en face de nous une mitrailleuse ennemie nous empêche d'avancer. J'ai eu bien de la peine à repérer sa position : elle était sous un groseillier dans un jardin.

Une rafale a suffi pour obliger les deux Allemands à s'enfuir à toutes jambes.

Appelé sur les bords de la rivière la Lys, je reçois l'ordre d'aller avec nos deux mitrailleuses appuyer la section d'infanterie qui assure la défense d'une tête de pont entre Meulebeck et Olsen, aussitôt pris à parti par les occupants de bâtiments organisés il fallut sans répit leur tenir tête pendant quatre jours et finiront enfin par abandonner le combat.

 

Puis ce fut la relève, trajet bien périlleux avant d'atteindre une maison isolée pour nous mettre à l'abri des balles.

Toute la section y était parvenue, sauf un de mes deux tireurs qui s'appelait CURTET (*) une balle dans un genou perdant son sang en abondance n'avait pas abandonné sa mitrailleuse qu'il trainait à même le sol par le bout du canon. C'était mon dernier blessé un vrai héros. J'aimais mes mitrailleurs parce que je savais qu'ils m’aimaient et que je pouvais compter sur eux dans les moments de crise.

Ce jour là, 25 octobre 1918, nous fûmes relevés par les troupes américaines.

 

(*) : La blessure (non mortelle) du soldat Claudius CURTET est aussi relaté dans les souvenirs de Paul NICODÈME.

 

Un peu plus tard, le jour de Pâques 1919, jour de gloire, la Belgique reconnaissante a voulu nous récompenser en invitant le 366ème R.I.

À venir défiler dans les rues de Gand. Ce fut l'apothéose ! Toute la ville en fête par d'interminables acclamations saluait les libérateurs.

Petite fleur à ajouter au palmarès 132ème division 366ème R.I.

 

Port de la fourragère :

« Le commandant BESNIER commandant le 366ème R.I. certifie que le sous-lieutenant DORÉMUS Fernand, N° Mle 10666, classe 1906, anciennement affecté à ce régiment, présent :

1° à l'affaire de Champagne du 14 au 21 juillet 1918

2° à l'affaire de Cuts le 20 août 1918, affaires qui ont valu chacune au 366ème R.I. une citation à l'ordre de l'armée et conséquemment l'attribution de la fourragère le droit au port de la fourragère à titre individuel aux couleurs du ruban de la croix de guerre. »

Aux armées, le 16 janvier 1919. Le chef de bataillon BESNIER commandant le 366ème R.I.

Signé BESNIER

 

 

Fin des mémoires

 

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