Mise à jour : mars 2020
Philippe nous
dit en mars 2020 :
« Le livret de chansons patriotique est
très intéressant pour des personnes qui aime l’histoire comme vous et moi.
Au lendemain du désastre de la guerre
Franco-Prussienne qui a mis en lumière les défaillances de l'organisation
militaire en France : La reconstitution des forces, la réorganisation du
haut commandement, la préparation de la guerre (récupérer l'Alsace et la
Lorraine), la modernisation des forces
Dès la fin de la guerre de 1870, la France se
préparait à la revanche à travers la formation patriotique et militaire des
enfants et des jeunes gens. Le 10 mai 1871, le traité de Francfort qui met fin
à la guerre de 1870, laisse un gout amer à la France qui doit verser 5
milliards de Francs Or à l'Empire allemand et lui céder l'Alsace et une partie
de la Lorraine. A l’école, tout est prétexte à l'éducation patriotique et
nationaliste. Dès 1877, les élèves de cours moyen apprennent à lire avec un
manuel sans cesse réédité : " Le Tour de France par deux enfants ".
C’est dans ce contexte que Jean Marie
DUCLOS a été éduqué en chrétien, soldat et patriote envers sa patrie de
toujours : la France. On le voit dans les chansons chantés par les soldats pour
exaltés le patriotisme, l’obéissance, l’amour de la France et désigner l'ennemi
: L 'Allemagne, les régions perdus : L’Alsace et la Lorraine.
J’aime beaucoup ces trois chansons pour ne
citer quelle : Toujours française - La femme c’est gentille - Te
souviens-tu grand maréchal BAZAINE.
J’espère que vous avez apprécié ce livret et
je vous ai donné cette version numérisé pour la postérité (les gens oublient
vite, pour beaucoup c’est déjà de la préhistoire, les jeunes sont plus tournés
vers les réseaux sociaux et les jeux méconnaissant l’Histoire de France. »
Prélude
DUCLOS Jean-Marie est né en avril 1875 à Mauron dans le Morbihan. A ces 20 ans, il déclare être laboureur. Il intègre le 68e régiment d’infanterie pour son service militaire. Il est libéré avant d’avoir effectué la totalité de la durée, certainement en l’application de l’article 21, comme fils ainé d’une veuve.
Soldat du 12 novembre 1896 au 18 septembre 1897 à Issoudun, il a donc rédigé ces poèmes entres ces 2 dates.
J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.
Merci à Catherine pour la laborieuse recopie du cahier.
SOMMAIRE DES POÈMES :
Je n'ai pas l'habitude de fumer
Une fillette au blanc
corsage
Reçut un officier Prussien
Ces aveux dans un doux
langage
Voulez-vous accepter ma
main
Vous avez lui répondit
elle
L’audace de votre pays
Pour vous ma haine est
éternelle
Ainsi que pour vos amies.
Alsace et Lorraine
Les deux pauvres sœurs.
Oh race Germaine
Tu brises les cœurs
Mais là-bas la France
Travaille toujours
À leur délivrance
Pour de plus beaux jours
Les beaux yeux remplis de
larmes
La fille dit au Germain
Vous avez passé par les
armes
Mon fiancé que j'aimais
bien
Et tu voudrais, race
farouche
Après m'avoir brisé le
cœur
Par un mensonge de ta
bouche
Me ravir encore mon
honneur
Sous vos coups périt mon
père
Qui défendait l'humble
foyer
Du chagrin est morte ma
mère
Que vous voulûtes fusiller
Seule je reste sur la
terre
Mais mon bras saurait les
venger
Si mon pays de sa voix
fière
Me disait sus à l'étranger
Je vais chanter puisque
c'est mon tour
Mais ça tombe mal je vous
l'déclare
J'allais un instant
descendre dans la cour
Car je viens de fumer un
cigare
Mais d'fumer ça me fait
mal au cœur
Ne vous étonnez pas si par
malheur
Je lâche ce que je viens
de consommer
Messieurs je n'ai pas
l'habitude de fumer
L'autre jour comme deux
vieux potirons
Moi et mon camarade
Philippe
Après avoir mangé trois de
litres de marrons
Nous fumions chacun une
pipe
Pris d'une sueur froide
toute en émoi
Je quitte mon voisin avant
d'être chez moi
Je lâche les marrons dans
l'escalier
Mais messieurs je n'ai pas
l'habitude de fumer
Un soir que j'étais à
diner chez un de mes amis
BICHTOT, au salon chacun
passe
L'on sert des cigares et
du café chaud
Chacun fume de même faut
que je fasse
Près du piano l'on me voit
pâlir
Et sans avoir le temps de
sortir
Sur le tapis je pose mondines
Messieurs je n'ai pas
l'habitude de fumer
Un soir après avoir fumé
je prends
Un omnibus rue des Ministrimes
Mais une foi en route le
même mal je ressens
Au lieu de donner trente
centimes
Je pose dans la main du
conducteur
Ce que j'avais de trop sur
le cœur
Vous aurez beaux me blâmer
Messieurs je n'ai pas
l'habitude de fumer
De celle que j'aime
j'allais demander la main
Je n'avais fumé qu'une
simple cigarette
Arrivé devant elle je
tremble et je palis soudain
Le mal de cœur me fait
tourner la tête
Je pose à ses pieds sans
grands efforts
Ce que je n'ai pas le
temps d'aller jeter dehors
Il ne faut pas vous
alarmer
Mademoiselle je n'ai pas
l'habitude de fumer
Un soir du printemps
dernier
Dans une bourgade
lointaine
Un petit oiseau printanier
Viens montrer son aile
d'ébène
Un enfant aux jolis yeux
bleus
Aperçut la brune
hirondelle
Et connaissant l'oiseau
fidèle
La saluer d'un air joyeux
Les cours palpitaient
d'espérance
Et l'enfant disait aux
soldats
Sentinelles ne tirez pas
(bis)
C'est un oiseau qui vient
de France
La messagère des printemps
Se reposait de son voyage
Lorsqu'un vieillard aux
cheveux blancs
Viens à passer par le
village
Un cri joyeux poussé dans
l'air
Lui fit soudain lever la
tête
Et comme aux anciens jours
de fêtes
Son air brillait d'un
regard fier
Tous les matins et tous
les soirs
Attendant son retour peut
être
Une fillette aux cheveux
noirs
Apparaissait à sa fenêtre
L'oiseau charmant vient
s'y poser
En dépit des soldats sans
armes
Et l'enfant essuyant ses
larmes
Mit sur son aile un doux
baiser
Ils venaient de la plaine
en fleurs
Et tous les yeux suivaient
la trace
Car il portait nos trois
couleurs
Qui flottait gaiement dans
l'espace
Mais un soldat vise et
fait feu
Un cri poussé par
l'hirondelle
Tout à coup referma son
aile
Tombe expirant sous le
ciel bleu
Il faut au cœur
l'espérance
Rayon divin guide mes pas
Mais l'oiseau qui chantait
là-bas
Ne verra plus le ciel de
France
Levé avant le soleil
Le tambour bat le réveil
Se levé à quelle triste
chose
Enfilant son pantalon
Et bouclant son ceinturon
Tu penses que tout n'est
pas rose
Et dans l'herbe douce et
mouillée
Va savourer la rosée
Jusqu'à la dernière goutte
La manœuvre du matin
Rien de tel, rien d'aussi
sain
Avant de casser la croûte
Puis d'un pas leste et
nerveux
Vers la butte 62
tu vas confiance dans l'âme
Et visant attentivement
Si tu fais un bon pour
cent (**)
Ton capitaine se pâme
Méfie-toi bien des maisons
Que l'on découvre dans
l'horizon
Châteaux rouge et
compagnie
Car sans blague et sans
discours
Tu pourras payer l'amour
Par trois mois de maladie
(*) :
Le Camp du Ruchard est un camp militaire situé dans les environs de Villaines-les-Rochers et de Avon-les-Roches en
Indre-et-Loire.
(**) :
«Un bon pour cent » est une expression qui signifie « un bon
pourcentage ». Pendant les concours de tir (au fusil) de la compagnie
(commandée par le capitaine). Si on obtenait le meilleur pourcentage, on
pouvait prétendre à un insigne (cor de chasse) cousu sur la manche.
Je me nomme sans pareil
Dans ce monde ici-bas
C'est moi qui conduis le
soleil
Je suis de tous les états
Je suis graveur marchant
brioche
Je fais des sabots
Je suis tourneur fondeur
de cloches
Je vends du coco
Je raccommode la faïence
Et je suis bien acteur
Je suis bien dans les
finances
Je suis même décrotteur
Je suis peintre en
miniature
Et je ferre les chevaux
Je démontre l'écriture
Et je vends des couteaux
Je suis bien dans la
cuisine
Je remonte les souliers
Je fabrique de la
mousseline
Je suis tonnelier
Car vraiment sans que ça
paraisse
Je connais un peu de tout
Je suis le bédeau de notre paroisse
Et je rase pour un sous
Je suis aussi maître
d'école
Je vends des harengs
Je rétame les casseroles
J'arrache des dents
Je vends du baume pour les
brûlures
Je suis musicien
Je guéris de toute enflure
Je tonds les chiens
Pour les procès les
chicanes
Je brave les avocats
Je tiens aussi la poste
âne
Je cadre les matelots
Je suis un dentiste habile
Je sers les maçons
Et sans m'échauffer la
bille
Je vends des chansons
Allons enfants de la
classe
L'heure du départ est
arrivée
C'est fini puisque l'on
nous chasse
Oh pour nous qu'elle belle
journée
Adieux doux tous les
exercices
Les théories et les
corvées
On nous rend notre liberté
Il n'est pas trop que cela
finisse
Allons mes braves amis
Rejoindre notre pays
Marchons, marchons
L'heure est sonnée
De notre liberté
Depuis trois ans que de
supplice (**)
Nous avons eu de ce métier
De consigne de salle de
police
Sans compter les corvées
de quartier
Mais lorsque nous seront
notre maître
Que nous aurons quitté les
habits
Nous pourrons rentrer au
logis
Sans nous occuper de la
retraite
Quand nous quitterons la
caserne
Pour nous ça sera sans
effroi
Nous aurons ni sac ni
giberne
Nous partirons du pied
droit (Bis)
Nous aurons tous nos
camarades
Qui viendrons nous
accompagner
Mais avant de nous séparer
Buvons une vieille
bouteille
Prenons le chemin de la
gare
Déjà on nous donne des
billets
Allons mes amis du courage
(Bis)
Sortons le pied de
l'étrier (Bis)
Disons adieux à ceux qui
restent
Ils vont rentrer au
quartier
Oh pour eux quelle
tristesse
Pendant tous les temps du
voyage
Que de refrain nous
chanterons
À mes amis que de tapage
(bis)
Mais nous arriveront à
destination (bis)
C'est pour cela que l'on
se presse
De revoir les parents et
les amis
Qui nous attendent depuis
longtemps
Ainsi que notre bonne
maîtresse
(*) :
Tous les hommes ayant atteint l'âge de 20 ans révolus (ou de 19 ans à partir de
1913) et inscrits sur les tableaux de recensement appartiennent à une même
classe de recrutement. Un homme né en 1900 et recensé en 1920, avec l'ensemble
des hommes nés en 1900 appartient à la classe de recrutement 1920
(**) :
À cette époque, le service militaire était de 3 ans.
Au début de la vie
Lorsque j'avais vingt-ans
Et mon âme ravie
En mon cœur palpitant
Comme un doux son de basse
Qu'un angle fait vibrer
Tout pour moi semblait
dire
Enfant il faut aimer
Les oiseaux chantaient
pour moi douce chose
Les grands bois parlaient
Les blés frémissaient
Pour moi soupirait
Les lys et les roses
C'est beau le printemps
Lorsqu'on a vingt ans
Je chantais plein
d'ivresse
Je chantais nuit et jour
Cherchant, cherchant sans
cesse
À donner mon amour
Qu'as-tu donc fait ma mère
Dans ton premier baiser
Je compris que sur terre
J'étais fait pour pleurer
Tout est bien fini
Ce n'était qu'un rêve
Mon bonheur enfin
Mon cœur est meurtri
Que ma vie ici
Tristement s'achève
De quoi sert d'aimer
S'il faut oublier
Loin des plaisirs du monde
Je suivais mon chemin
Comme une bête immonde
Fuyant tout être humain
A la coupe de la vie
Source de tant d'erreur
Je n'ai but que la lie
Mélanger à mes pleurs
Quand je m'en irais
Seul au cimetière
Soupir et regret
Je ne laisserais
Quand je dormirais
Sous la froide pierre
Qui viendra pleurer
Qui viendra prier
Hélas que tu es folle
Disait le vin un jour à
l'eau
Toujours tu cours, tu
voles
Court le long du ruisseau
De même, jeune errante
Toujours tu suis la pente
Du moins imite-moi
Car l'homme sans mélange
Me donne des louanges
Mille fois plus qu'à toi
(bis)
Mais l'eau avec sagesse
Sitôt répond au vin
Tu parles avec adieux
Dit moi petit mutin
Apprend que je suis belle
Ancienne et non nouvelle
Je fais la propreté
Toi tu terrasses l'homme
Dans les siècles où nous
sommes
Et tu le rends hébété
(bis)
Je terrasse et j'entête
Tous les hommes imprudents
Qui veulent me faire tête
À moi qui suis puissant
Toi tu es cruelle
Quoi que tu paraisses
belle
Aux de plusieurs
Quand ils vont à grande
Pour boire à ta fontaine
Tu affaiblis leurs cœurs
Moi j'arrose les campagnes
Les plantes et les jardins
Les collines et les
montagnes
Je fais moudre les moulins
Je réjouis le monde
Le juste aussi s'inonde
Par mes attraits charmants
Toi toujours variable
Tu es insupportable
Sujet au changement (bis)
Au royaume d'Espagne
Je suis en grand renon
En Bourgogne en Champagne
Partout en revire mon nom
En France en Italie
En Savoie en Hongrie
A la table des grands
Jusqu'au Saint Sacrifice
Je suis dans le calice
Toujours au premier rang
(bis)
Je sers aussi la messe
Au sang du Saint-Agneau
Je sers pour le commerce
Portant de gros ruisseau
Jusqu'au Saint Baptême
Toi tu n'es pas de même
Tu mets les hommes aux
abois
Le four sans relâche
C'est moi qui enlève les
tâches
Qui sont faites par toi
(bis)
On voit avec tristesse
Toutes ces inondations
Tu donnes la détresse
Souvent au vigneron
Et contre la justice
Tu portes préjudice
A tous mes compagnons
Et pire qu'une armée
Dedans plusieurs contrés
Tu les détruits à fond
(bis)
Mais l'homme avec instance
Offre pour moi des vœux
Au monarque des siens
Je suis supérieur
Et non pas inférieure
Par mon flux et reflux
Bien loin de me confondre
Tu pourrais te morfondre
Ainsi ne parle plus (bis)
Puisqu'ils ont envoyé
La France en Algérie (bis)
Pris à la barbe de
l'ennemi
Allons chanter grournir
Français en avant et fiers
conquérants
Pénétrant en Tunisie (bis)
Mais ils venaient ces
imprudents
Avec affronterie (bis)
Toujours années jusqu'aux
dents
Vola piller assassiné
Près de la Tunisie
Le gouvernement va ou
partant
De barbarie (bis)
À l'heure de l'égard
naissant
Donner toutes ces garnisons
D'autres généraux et
quelques amiraux
Partent en Tunisie (bis)
Nous avons pris tarbalois
Grace à l'artillerie (bis)
Car il est grand temps oui
va
De punir tous ces gredins
la
De tes vieux succès
Souvient-toi Français
Entrant en Tunisie (bis)
Car sous un habit de chef
Fais sur les tragéril (bis)
Nous sommes entrés dans
les off
Dans les délais le plus
bref
Afin de semer ou
d'exterminer
Ces gens de Tunisie (bis)
Par nos bizaires fiers conquis
Bien grand de leurs furies
(bis)
Ils se sauvent à Romilly
Abandonnant leurs gourbis
Devant nos marins …. fantassins
Maître en Tunisie (bis)
Mais ils seront d'or en
avant
C'est de notre espérance
(bis)
Que l'on ne peut
impunément
Dans le grand pays
Ou flottes les plis
Du beau drapeau de France
(bis)
Je vais vous conter
l'histoire
La Youch’
ka
Authentique et notaire
La Youch’
ka
De la fille à larfouilla
Youch, ka de la digue du gandouilla
De la Mach ta gouine tonga youch ka
On l'appelait Javolte
La Youch’
ka
C'était une boulotte
La Youch’
ka
Qui avait des estomacs
La Youch’
ka
Avec le vieux Jean Pierre
La Youch’
ka
Un gros propriétaire
La Youch’
ka
Son père la Maria –
refrain
Le soir après la fête
La Youch’
ka
Au son de la musette
La Youch’
ka
Jusqu'au jour l'on dansa
Elle voulait la fille
La Youch’
ka
Faire un petit qu'adrille
La Youch’
ka
Luis voulait la polka
Comme à la rue du Caire
La Youch’
ka
Il enseigna de faire
La Youch’
ka
La danse de fagma ect
Il prit beaucoup de peine
La Youch’
ka
Il se mit hors d'haleine
La Youch’
ka
Mais bientôt s’arrêta net
Comme il était en somme
La Youch’
ka
Bientôt il trépasse ect
La petite qu'est pas niaise
La Youch’
ka
Avec son cousin Blaise
La Youch’
ka
S'consolé depuis ce
temps-là etc
C'la prouve qu'il n'y a
qu'un âge
La Youch’
ka
Pour ce mettre en ménage
La Youch’
ka
Lorsqu'on veut bien
chanter
Au refrain
Un garçon venait de se
prendre
Dans la forêt de Saint
Germain
Pour une fillette au cœur
tendre
Dont on lui refusait la
main
Un passant le cœur plein
de larmes
En voyant qu'il soufflait
encore
Dit allons chercher les
gendarmes
Pour être bien qu'il n'est
pas mort
Le brigadier sans perdre
haleine
Enfourcher son grand
cheval blanc
Arrivé chez le Capitaine
Il raconta la chose en
tremblant
Un jeune homme vient de se
pendre
À son âge quel triste sort
Faut-il qu'on aille le
dépendre
Peut-être bien qu'il n'est
pas mort
L'officier frisant sa
moustache
Se redresse et répond
soudain
Vraiment c'est une noble
tâche
Cependant je n'y puis rien
faire
Ça n'est pas de notre sort
Courrez donc chez le
commissaire
Le pendu vit peut-être
encore
Le commissaire sur la
place
Descendit c'était son
devoir
D'un coup d'œil embrassant
l'espace
Il cria de tout son
pouvoir
« Un jeune homme
vient de se pendre
Villageois debout courrez
fort
Emportons de quoi le
dépendre
Peut-être bien qu'il n'est
pas mort »
Vers le bois on arrive en
troupe
On s'arrête en soufflant
un peu
On saisit la corde on la
coupe
Le cadavre était déjà bleu
Sur l'herbe foulé on le couche
Un vieux s'approche et dit
d'abord
Soufflez-lui de l'air dans
bouche
C'est pas possible qu'il soit mort
Les amis pensaient est-ce
drôle
De se faire périr ainsi
La fillette comme une
folle
Criait je veux mourir
aussi
Mais les parents
miséricordes
Disaient en guise d'oraison
Partageons-nous toujours
la corde
C'est du bonheur pour la
maison
C'était un soir dans une
chambre rose
Un frais bambin dormait
dans son berceau
Il souriait la lèvre à
demi close
C'est dans son rêve il
voyait un drapeau
Les étrangers reculaient
en déroute
Devant l'ardeur de nos
vaillants soldats
Quand s'éveillant, il dit
maman écoute
N'entend tu pas le canon
du fracas
De t'éveillez il n'est pas
l'heure encore
Disais la mère à son
enfant chéri
Dors mon mignon, dors bien
jusqu'à l'aurore
Je te dirai quand viendra
l’ennemi
Dis-moi maman où donc est
petit père
Est-il déjà partit pour le
combat
Je voudrais bien moi aussi
faire la guerre
À mon pays offrir mon
faible bras
Non mon ami reste auprès
de ta mère
Ton père est loin c'est
assez de douleur
Il reviendra bientôt la
mine fière
Pour t'embrasser toi qui
fait un bonheur
À ce moment elle vit
paraitre
Son pauvre époux qui tout
couvert de sang
Vient tomber mort auprès
de la fenêtre
Près de son fils qui
pleurait maintenant
Le meurtrier le suivait
mais la mère
D'un long couteau, le
frappait en plein cœur
Quand un hulan (*) survient dans la chaumière
Et la frappa de son sabre
vainqueur
De t'éveiller il n'est pas
l'heure encore
Disait la mère à son
enfant chéri
Dors mon mignon, dors bien
jusqu'à l'aurore
Va, ne craint rien
l'Allemand est parti (bis)
Sous les après dans un
coin du village
On voit parfois un soldat
s'arrêter
Auprès d'un christ
recouvert de feuillage
Il s'agenouille et semble
méditer
Quand son regard se tourne
vers la plaine
De ses grand yeux coulent
des pleures brulant
C'est qu'il revoit
l'Alsace et la Lorraine
Le sol perdu depuis vingt
ans
De t'éveiller il n'est pas
l'heure encore
Disait la mère à son
enfant chéri
Dormez en paix dormez
jusqu'à l'aurore
Nous sommes prêts pour
venger le pays (bis)
(*) :
Les Uhlans sont des cavaliers allemands réputés féroces
Ohé ! ohé
! dans la bruyère
Vous ne m'entendez guère
Ohé ! ohé
! les gars
Vous ne m'entendez pas
Voulez-vous s'avoir l'histoire
Du fumier Mathurin (bis)
Qui s'en allait toujours
boire
Au cabaret voisin
Parlé ! Donc mes amis un
fermier ça boit tout
Comme un autre quand on a
passé sa journée
Aux champs l'soleil vous a
séchez un brin le gosier
Aussi quand l'on voit
l'premier bouchon du pays
En rentrant de son ouvrage
on est bien aise d'y entrer
Mais souvent on y reste
parce qu'on s'est oublié étant
Trop bon vivant. C'est si
bon les armées et les bouteilles
C'est ce que fait notre
ami Mathurin ne pouvant
Plus rentrer chez lui
n'étant pas arrivé à l'heure
Et sa femme avait fermé la
porte à double tour
Aussi Mathurin cria-t-il à
tue-tête la sachant
Avec le garçon de la ferme
?
Si tu n'ouvres pas la
porte
Je vais aller c'est
certain (bis)
M'noyer le diable m'emporte
Je te verrai plus demain
Parlé ! C'était un matin
l'fermier Mathurin un
Vrai lapin quoi y voit que
sa légitime ne se dérange
Pas qu'est-ce qu'il dit,
ah c'est là que vous
Allez être étonné. Il dit
en faisant semblant
De pleurer et en criant le
plus fort qu'il pouvait
J'vas m'fêter à la mère Mathurin sa
femme
Ne répondait toujours pas
alors Mathurin s'en va
Chercher chez le
charpentier du pays qui était en
Train de scier de long
malgré l'heure avancé
Une petite poutre,
c’est-à-dire un bon morceau de bois
Il la met sur son épaule
arrive devant ça maison
Qui était au bord de l'eau
et la fille dans le
Bouillon après ça il s'en
va se cacher derrière
Un mur près de sa porte en
tombant dans l'eau
Elle croit que c'est
véritablement son mari qui a
Voulu se noyer aussi se
met-elle à crier le plus qu'elle peut
Chacun sortit de la ferme
La fermière et ses garçons
(bis)
Si tôt Mathurin s'enferme
A son tour dans la maison
Parlé ? C'est ça qu'il
fallait voir les canards les
Poules, les oies, les
dindons, les cochons, les avons tout ça
Chantait en revoyant le
patron qui riait à gorge déployé.
Ah ! Par exemple ceux qui
ne riaient pas
C'était la fermière et les
garçons qui frappaient à leur tour à la porte pour se coucher
Mais Mathurin les
envoyaient aussi coucher en leur disant quoi
Parce j'aime le jus qui
nous fait rire parce que
Je suis resté un peu tard
à en boire vous me fermez la porte au nez.
Et bien vous coucherez à
la belle étoile. Et moi Mathurin dit
En soupirant sa femme toi,
toi oh bien comme je m'en irais tout seul
Tu vas rentrer par la
fenêtre. J'vais t'passer l'échelle du grenier à foin
Et quand tu seras vers moi
nous chanteront tous les deux à ces blancs becs ?
Ohé ! Ohé dans la bruyère
Fin encore une de plus
T'ayant vive la France et
mort à l'Allemagne
T'ayant les chasseurs
noirs s'élancent en campagne
Ils quittent Paris. Les
hardis francs-tireurs
Des bois et des pallier
fouillent des profondeurs
Le révolver au poing et la
tuerie en tête
Ils courent les noirs
chasseurs. Chassant l'horrible bête
Loup de la forêt et
sanglier du Rhin
Soldat en capotes et chefs
casques d'airain (*)
Tout ce que l'Allemagne a
vomit sur la France
Et un gibier marquis pour
leur sainte vengeance
T'ayant sur eux Prussiens.
T'ayant sur eux vainqueur.
T'ayant sonné clairon
sonner vaillant piqueur
Prudemment sous le bois le
sanglier s'avance
C'est un hurlant on voit
étinceler sa lance
Et flotter sur guidon
mortuaire dans l'air
Vingt autres sur ses pas
glissant se mais une éclaire
Soudain vint jaillir sur
des sangliers tombés
Et de bob-sueur fourré
sortant comme une trombe
Les hardis chasseurs noirs
fondent sur les hulans
Et dans l'herbe des bois
les étalent sanglants
T'ayant que pas un deux
n'échappent au courage
T'ayant il faut venger la
défaite de l'outrage
Et les fiers français sans
jugement rendu
T'ayant ils sont tous, là
pour toujours étendus
Ceux-là ne font pas de
nouvelles victimes
T'ayant ceux-là du moins
on expié leurs crimes
Qu'ils dorment à jamais
dans la honte et l'oubli
T'ayant sonné clairons,
sonner c'est l'abeille
Et les fiers chasseurs
poursuivant leurs campagnes
S'en vont guetter plus
loin la bête d'Allemagne.
(*) :
L'airain est un terme vieilli désignant un alliage de cuivre. Il est notamment
utilisé comme synonyme de bronze et de laiton, dans un contexte littéraire, ici
pour les casques très caractéristiques des officiers allemands
Oh vieux nid de héros déjà
trois fois brûlé
Oh Châteaudun salut, salut
fièrement mutilé
L'avenir écrivant
l'histoire sur ses crimes
Allumera sa lampe à tes
flammes sublimes
Et si jamais le monde au
bout des temps ses m ????
Ta grande tombe aura pour
croix la croix d'honneur
La ville est toute blanche
(il neige) il neige) (il neige)
Vers l'église pourtant se
dirige le cortège
Doux comme le bonheur
frais comme le printemps
La fleur de Châteaudun
vierge de dix-huit ans
Épouse ce jour le fiancé
qu'elle aime
C'est des chasseurs noirs
le commandant lui même
Depuis qu'il est parti de
Paris chaque jour
Il servait à la fois sa
haine et son amour
Chaque jour en frappant
sur la bête alahriée
Le rapprochait un peu de
sa chère adorée
Hier enfin Châteaudun
devant ses yeux mouillés
De tendresse a surgit ses
bancs son publié
Elle est la qui l'attend
Rosette sa promise
Déjà pour les uns tout est
prêt à l'église
Le parvis est jonché de
pales fleurs d'hiver
Et le cœur plein d'encens
le grand portail ouvert
Fin tout court
« Aux hommes rentrant
dans leurs foyers »
Vive la classe ;
voilà n'est-ce pas mes amis moi qui raisonne agréablement dans votre fort
intérieur depuis déjà de longs mois. Ce mot magique de classe fait éclore dans
votre cœur milles pensées charmantes : c'est le pays que vous allez revoir
avec votre village avec vos champs.
Ce sont les parents
auxquelles votre absence a semblé si longue qui ont augmenté leurs heures de
travail pour remplacer celles que vous leurs donniez autrefois et pouvoir
envoyer à leur fils cette pièce de cent sous qui vous causait tant de
foie ; ce sont les amis qui vont fêter votre retour.
Et pourquoi pas ?
C'est la paix aux yeux bleus ou noirs qui vous trouve bien loin et qui comptait
les jours quand vous comptiez les mois. Retournez donc heureux là où vous étiez
heureux. L'homme est ainsi fait il ne sait vivre du présent, et ne cherche
souvent dans l'avenir que les heures de son passé. Plus tard, vous vous rendrez
mieux compte de cette vérité et la vue seule d'un pantalon rouge et d'une
capote bleue réveillera dans vos cœurs une émotion de jeune et d'entrain.
Vous vous rappellerez ce
temps passé sous les drapeaux, cette brave compagnie dont vous faisiez partie,
ces bons camarades de votre escouade, vous vous rappellerez cette longue pause
d'immobilité, ces marches et ces manœuvres si pénibles avec le lourd sac, mais
si gaie avec leurs causeries et leurs chansons. Une foule de souvenirs vous
assailliront et vous remueront profondément ; il n'est jusqu'à cette fameuse
planche à rétablissement où il fallait grimper sans aide pour y chercher une
permission du premier qui vous fera sourire intérieurement. Alors également
vous aurez une pensée pour ceux qui ne sortiront jamais de leurs mémoires quel
que soit l'âge auxquels vous passeriez.
Et savez-vous mes amis les
noms qui sonneront le plus à vos oreilles ? Ce sont ceux qui vous
demandaient le plus et ceux qui exigeait que tout fût fait avec le plus de bonne
volonté, d'énergie et de discipline car vous comprendrez qu'ils s'intéressaient
à vous et qu'ils travaillaient à faire de vous des gaillards solides et
instruits prêts à tous entreprendre. Ces hommes vous les auriez suivis avec
confiance et les yeux fixés sur eux vous auriez bravé avec insouciances les
dangers les plus sérieux ; une parole d'encouragement ou de félicitation
de leurs bouches ont été votre récompense.
Quel lieu de sympathie a
donc pu vous unir ainsi à vos chefs au point de vous les faire considérer comme
des êtres à part ayant le vous demandez à un moment donné jusqu'au sacrifice de
votre vie.
L'éducation militaire en
développant toutes vos qualités en faisant appel à votre intelligence à votre
volonté de bien faire à former ces biens que la discipline rend d'une solidité
à toutes épreuves. Qu'étiez-vous hier avant votre incorporation ? Vous rappelez-vous ce jour, on empile dix
dans les wagons de 5ème classe vous étés arrivés dans cette ville pour
accomplir ce que vous appelez « votre temps ».
Complètement ahuris vous
demandant à moitié rassurés ce qu'on allait faire de votre individu vous êtes
descendu d'un pas lourd une valise à la main au quatrième appel à votre nom
vous vous êtes un peu réveillé et ce n'est qu'à grande peine qu'un gradé que
vous appeliez « Monsieur » a réussi à vous causer.
Après de Multiples efforts
vous voilà sur quatre rangs toujours munis de votre inséparable valise, vous
gagnez la caserne et votre première impression et que jamais nous ne vous
retrouverez dans une boite pareille !
En effet, le lendemain
vous vous perdez trois fois heureux dans le désarroi
si vous n'oubliez le numéro de votre compagnie. La nuit se passe tant bien que
mal. Le tambour fait un ramdam du diable et vous vous levez regardant de
travers les anciens qui vient de votre air
emporté ? On vous rassemble pour vous demander mille renseignements
auxquels vous ne comprenez pas grand-chose et ceux qui vous voient déclarent
hautement que jamais classe de jeunes soldats n'a pour plus engourdi sous tous
les rapports. La plus part en autre on la figure et les mains sales, les
cheveux démesurément longs et recouvrant les oreilles. Ma description vous fait
rire et pourtant n'est-elle pas exacte ?
Il est vrai qu'aujourd'hui
vous êtes bien changé et ne pouvez plus vous reconnaître. Vous étiez des
enfants, vous voilà des hommes. L'instruction militaire que vous avez reçu vous
a transformé complètement vos corps se
sont assouplis grâces aux nombreux exercices que vous avez fait votre
intelligence s'est réveillée et développée car constamment ceux qui étaient
chargés de vous diriger se sont adressés à elle et l'on mise à contribution.
Petit à petit vous avez pris des habitudes d'ordre et de propreté qui vous
étaient inconnus.
Tout a été réglé dans
votre existence et sans efforts vous avez soumis votre volonté à celles de vos
chefs.
Peu à peu vous avez senti
germer en vos cœurs des idées nouvelles ; vous avez compris qu'au-dessus
de la famille abandonnée pour trois ans qu'autour du clocher qui nous a vu
naître se groupait tout un peuple tout un pays qui était le vôtre, et qui était
noble ce métier des armes qui vous mettait à même, un soir de concourir
efficacement à sa défense.
Les grandes manœuvres ou
vous avez vu réunis des troupes nombreuses mieux peut-être que toutes paroles,
vous ont démontré qu'avec de l'instruction et de la discipline ou marche et
combat en ordre et avec ensemble que sur un signe un mot celui qui commande est
compris et obéi de tous à la fois qu'il peut concentrer sur les efforts de chacun
sur le point voulut et combiner des mouvements qui donneront la victoire.
Et bien ?
Qu'eussiez-vous fait de tout cela si le lendemain de votre incorporation ont
vous eût mis à la hâte entre les mains un fusil
inconnu de vous, si vous eût empilé de nouveaux dans les wagons pour courir à
la frontière ? Qu'elle cohue au débarquement de qu'elle utilité pouvait
être la somme de tous vos courages, quelle impulsion, quelle direction vous
donnez. Il est assurément d'être prêt à donner sa vie pour sauver son pays
menacé mais faut-il encore que cette vie qui s'éteint soit un souffle de mot
pour l'ennemi ?
Votre présence sous les
drapeaux était donc nécessaire, vous le voyez pour vous rendre aptes à
sacrifier utilement votre existence s'il en était besoin. Les années que vous
avez passé au régiment ne sont point des années perdues. Chaque classe qui part
est une réserve solide pour l'heure du danger.
Hier, vos frères aînés
demain nous recevrons nos cadets puis nos propres fils. Et tous rendus à vos
occupations vous formerez la nation forte qui confiante dans sa virilité ne
redoutera rien, ni pour son honneur, ni pour son sol, ni pour ses
richesses ?
Plus nous seront forts pour la
guerre, plus solide sera la paix
Partez donc, mes amis, fier d'avoir
été soldat heureux de vous êtes instruits pour le bien commun,
N’oubliez jamais que vous avez
fait partie de la grande famille militaire. Que vous y avez trouvé des
camarades dévoués, des chefs, qui n'ont eu en vu que votre instruction et votre
bien-être. Oubliez tout ce qui a été pénible pendant vos années de service, ne
considérer que le résultat auxquels vous êtes parvenus. Obtient de belle
culture sans défoncer, labourer et herser le sol. Hier vous étiez le sol et
aujourd'hui vous êtes la récolte.
Rentrer chez lui celui qui s'est
montré bon soldat conserve toujours l'amour de son ancien règlement le respect
et l'affection pour les chefs qu'il a connu. Jamais une parole équivoque sur
eux ne sort de sa bouche il sait imposer silence a qui se serait les calomnier.
Qu'allez-vous devenir
maintenant et qu'elle sera notre destinée ? Quels seront donc à votre départ
les derniers conseils de l'officier qui s'intéressait si vivement à vous et qui
forme des vœux sincères pour notre bonheur ? Ces conseils sont peu nombreux,
retenez-les et qu'ils vous servent de guide en toutes circonstance ?
Jusqu'ici la vie a été
facile pour vous au régiment. Vous avez toujours vécu au jour le jour sans
souci du lendemain. Vous n'aviez même pas à vous préoccuper de vous-même, logés,
nourris, habillés, soignés, il nous suffisait d'accomplir la besogne que le
tableau de service vous traçait, chaque matin pour vous endormir tranquillement
le soir sans songer à l'avenir.
Dans quelques heures, il
n'en sera plus ainsi. Vous serez livré à vous-même et la liberté dont vous
allez jouir sera parfois un lourd fardeau pour vos épaules.
La vie est chemin qui
vient souvent de plus en plus raboteuse à mesure que les années s'écoulent. Les
obstacles pour les surmonter n'est plus servie par
l'aiguillon de la jeunesse et des illusions. Il faut cependant lutter avec
courage jusqu'au bout ; c'est le sort et le devoir de l'homme ici-bas, tant que
vous n'aurez à suffire qu'à vos propres besoins. Tout ira bien sans difficulté.
Notre travail couvrira complétement nos dépenses mais bientôt vous fonderez une
famille et vos charges augmenteront. Vos parents vieilliront et un nouveau
devoir surgira sacré pour nous celui de les soutenir s'ils en ont besoin.
Les enfants en apportant
la vie et la joie à votre foyer stimuleront plus que toutes autres choses.
Notre aideur au travail
mais en attendant qu'ils puissent nous aider et se suffire à eux-mêmes, vous
deviez pouvoir soutenir s'ils en ont besoin.
Et bien mes amis, les
trois années que vous venez de passer sous les armes n'ont uniquement servi à
assurer la puissance de votre patrie. Ces trois années, loin d'être un temps
perdus pour nous, ont été peut-être les plus précieuses que vous puissiez
désirer au point de vue de votre avenir. Nos corps à la rude école que vous
avez suivi ont achevé de se fortifier, notre caractère s'est muni, notre
intelligence et notre raisonnement, au contact de gens plus instruits que vous
ne l'étiez, se sont développés et vous mettent aujourd'hui à même de conduire
vos affaires avec le plus de décision et de fruit.
Enfin vous avez pris,
presque sans vous apercevoir, des habitudes qui désormais sont ancrées chez
vous et qui sont un véritable trésor. Les habitudes de propreté et d'hygiène
assureront la santé de votre corps et éloigneront de votre toit biens des
maladies, et part suite les habitudes de régularité que vous avez contractées
vous rendront économes et travailleurs.
Or, le travail et
l'économie ne sont pas là les deux grandes qualités qui assureront le bien-être
de votre famille et sinon la richesse du moins l'aisance pour les vieux fours !
Celui qui n'a pas d'ordre gaspille sans compter, la ruine et la misère ne
tardent pas à devoir et devient à la charge de ceux qui l'entourent.
Heureux encore, si dans sa
détresse, si le découragement ne le saisit pas complètement, pour lui s'offre les pire n'étaient quelles
que soient les circonstances dans lesquelles vous vous trouvez que l'honnête
loyauté de plus absolue soit la base de toutes vos activités. Ces qualités
essentiellement militaires que vous possédez tous à notre départ du régiment, vos
affaires ne s'en porteront que mieux.
Pour la plupart, vous êtes
de la campagne presque tous cultivateurs. Au nom de votre bonheur, croyez-moi,
restés à la campagne attachés comme jadis à vos champs.
Ne vous laissez pas
entrainer ni la ville dans l'espérance d'une fortune plus facile, préférer le
grand air, la simplicité de votre existence, la frugalité de vos repas à
l'atmosphère viciée de l'atelier que vous ne connaissiez pas, à l'entrainement
trop facile du cabaret.
Nul ne jouit davantage de
la liberté et de la vie que le paysan travailleur. Il ignore le bien-être des
villes et ne les désire point. Que des jeunes gens, quittant le régiment comme
nous, ont souri dédaigneusement à l'idée de pousser de nouveau la charrue et se
sont envolés vers grands centres croyant y trouver le plaisir et l'argent à
profusion. Ils n'y ont plus souvent que rencontré de nouveaux besoins qu'ils ne
soupçonnaient pas, un gain toujours insuffisant. Aigries, trompés, démoralisés,
ils ont perdu jusqu'au goût du travail et la pensée de la chaumière abandonnée
est venue ajouter à leurs souffrances morales mais ils ont trop vécu pour avoir
le courage d'y retourner.
Sera-t-il suffisant mes amis
de recueillir nous seuls les fruits des qualités acquit aux services militaires ?
Non certes notre devoir sera de faire germer ces qualités autour de nous.
L'éducation de vos enfants
devra être une vos plus sérieuses préoccupations. Ce serait mal comprendre
notre intérêt et de leur donner la nourriture et de les préserver du froid pour
qu'ils soient heureux et capables plus tard de lutter comme vous contre les
difficultés de la vie.
Faites-les profiter de vos
expériences. De leur plus tendre jeunesse et inculquez leurs vos habitudes
d'ordre de travail de propreté et de respect de l'autorité. Rendez leur volonté
souple, corriger leurs fautes, sachez leur inspirer le respect autant que
l'affection. Élevez-les simplement et autant que possible dans vos conditions
et n'ayez jamais l'ambition d'en faire des princes. Vous n'arriverez le plus
souvent qu'à en faire des déclassés trop instruits pour se croient obligés de
travailler et trop fiers pour ne pas mépriser leurs parents. Développez en eux
l'amour du travail et de tout ce qui est juste bon et honnête, vous en ferez
ainsi des hommes aux idées saines capables à leur tour d'être de bons citoyens.
Enfin mes amis, si vous,
m'en croyez, occupez-vous le moins possible de politique. Vous avez mieux à
faire que de vous m'étiez à des discussions où les plus malins ne comprennent
rien ou peu de chose si vous avez des idées personnelles, sachez à les
conserver saines. Mais m'espérez pas de les faire partager à votre voisin, vous
perdriez beaucoup de temps et sans résultat.
La politique à la ville
comme à la campagne et une cause de division dont vous n'avez nul besoin.
Respectez les conditions de chacun, notez suivant votre conscience et vos goûts
et tenez-vous en-là, ne prenez pas surtout pour parole d'évangile tout ce qui
est écrit et méfiez-vous des gens qui parlent fort et font miroiter à vos yeux
mille choses merveilles et irréalisables. On ne présente ordinairement à
l'alouette un beau miroir que pour mieux la fusiller, si vous êtes l'alouette
fuyez le miroir.
Je terminerais par là.
En quittant le régiment
nous n'abandonnons pas vos armes pour toujours plusieurs fois encore réserviste
et territoriaux. Vous le reprendrez et vous reviendrez parmi nous saluer votre
drapeau. Vous êtes jeunes, vous verrez de graves évènements.
En ce jour de frisson
général où le tocsin se fera entendre d'un bout à l'autre de la France, vous
accourez pleins d'une sainte ardeur vous rangez sous ses plis et ce sera d'un
cœur bouillant de patriotisme que votre classe, heureuse de se retrouver
entière réunie, pour marcher à l'ennemi.
S'écrier en face du
danger. « Vive l'armée Française ».
Issoudun le 17 août 1897, Le
Lieutenant E. du FAY DE CHOISINET.
Quand je partis au service
Rejoindre mon régiment
Le caporal ULINE
Me dit confidentiellement
Quand tu feras l'exercice
Attention Pitou
Dit toi faut que j'obéisse
Le devoir avant tout
Le lendemain dès l'aurore
On me dit sur les rangs
Le sergent d'une voix
sonore
Commande à droite
alignement
Puis dit « non d'une
cambuse
Sortez fusilier Pitou,
Mais sortez donc grand
buse
Le devoir avant tout »
Sortir il n'y avait point
de porte
Je mets à réfléchir
Que veut-il donc que je
sorte
Je ne savais quoi sortir
Mais craignant une
harangue
Et quelques jours de clous
Ma foi, je sors la langue
Le devoir avant tout
L'alignement recommence
Le sergent s'écrit CRÉMON
C'est Pitou
à quoi qui pense
Rentrez moi rentrez donc
En ferment avec ma langue
Tout ce qu'il y avait
dessus ?
La d'sus je fais la
grimace
Et mi met à cracher
V'là qu'un adjudant passe
Et dit sans s'appâter
Une chique pendant
l'exercice
Et bien, tu m'fera, Pitou
Huit jours de salle de police (*)
Le devoir avant tout
Fin
(*) : Huit jours de salle de police :
8 jours d’arrêt
Dire du mal des femmes
Ces êtres si jolis
Je trouve que c'est infâme
Et surtout peu joli
Leur beauté me désarme
Et je ne comprends pas
Que l'on discute leurs
charmes
Et leurs gracieux appâts
C'est si gentil la femme
Ça partage vos joies, vos
tourments
Ça vous met du baume dans
l'âme
Et ce sont des êtres
charmants
C'est si gentil la femme
C'est si mignon à caresser
La femme on ne peut s’en
passer
C'est si gentil, c'est si
gentil la femme
C'est un second nous même
C'est un ange moqueur
Qui vous charme et vous
aime
De tout son petit cœur
Quand vous dormez, elle
veille
Plein d'un soin diligent
Et se charme à merveille
De gaspiller votre argent
La femme doit être aimée
C'est elle qui tous les
ans
Renouvelle l'armée
Bébé rose et blanc
Quand elle donne
l'infidèle
Un fils à son mari
On est sûr qu'il est
d'elle
Mais pas sûr qu'il est de
lui
Vivant de poésie
Elle rappelle les romans
Leur seule fantaisie
C'est d'avoir des diamants
Elles aiment les
écrevisses
Les chapeaux tra-la-la
Elles possèdent tous les
vices
Mais à part tous cela
T'en souviens-tu grand
maréchal BAZAINE (*)
Le dix juillet en partant
de Paris
Que de famille tu as laissé
en peine
Pour nous mener au front
de l'ennemi
Pendant deux mois après
bien des souffrances
Tu nous a
fait endurer de rigueur et de fa....
Et maintenant pour notre
récompense
Ah, tu nous livres aux
pouvoirs des Prussiens
Mais quand nous fûmes
arrivés aux frontières
Quatorze tout fait le premier combat
En cette journée son armée
toute entière
Se sont battus comme de
vaillants soldats
Le seize août l'affaire de
Gravelotte (**)
Comme des lions nous nous
sommes défendus
Quand devant, Metz l'on
nous ferme les portes
Dis-moi Bazaine, dis-moi
t'en souviens-tu
Le trente août épuisé de
fatigue
Nous quittons Metz pour
marcher en avant
Et comme toujours le
traite perfide
Tu nous trahis par les
faux commandements
Mais malgré cela par le
courage à la baïonnette
Nous repoussions toujours
l'ennemi
Et toi Bazaine, tu t'es
conduit en lâche
Par devant Metz tu nous as
trahis
Il y a sept ans que
j'étais à la capitale
Car en elle j'espérais
toujours
Étant armé n'ayant plus de
passage
Ne pouvant donc lui porter
secours
Pour faire s'avoir l'état
de nos souffrances
Que des ballons de Metz
ont fait partir
Portant les cris vers les
siens de la France
Pleurez tous Français car
nous sommes trahis
Le sang français coule
encore dans nos veines
Lorsqu'un jour de retour
au pays
Nous parlerons du maréchal
Bazaine
Et du courage du brave
Boulanger
Et Mac Mahon était parmi
les braves
Car lui aussi combattait
devant l'ennemi
Et toi Bazaine tu t'es
conduit en lâche
Car devant Metz tu nous as
tous trahis
Viendra un jour ou ces
pauvres familles
Réclameront leurs
malheureux enfants
Craignant pas souffrir
défendant leurs patries
Et pour la France ayant
versé leurs sangs
Allez pauvres mères
consolés vos peines
Car vos enfants sont aux
rangs des élus
Et c'est la faute au traite Bazaine
Si les clairons ne les
réveillent plus
Encore une de fini
Fin on y voit plus
Mais ils se seront d'or en
avant
C'est de notre espérance
Que l'on ne peut
impunément
Dans le grand pays
Ou flotte les plis
Du beau drapeau de France
(*) :
François Achille BAZAINE, né à Versailles le 13 février 1811 et mort à Madrid le
23 septembre 1888, est un militaire français. Il a servi en Algérie, en
Espagne, en Crimée et au Mexique, mais il est surtout connu pour avoir failli à
sa tâche de commandant en chef de l'armée du Rhin et avoir ainsi contribué à la
défaite française lors de la guerre franco-prussienne de 1870.
(**) :
La bataille de Saint-Privat ou bataille de Gravelotte s'est déroulée le 18 août
1870 lors de la guerre franco-prussienne, à une dizaine de kilomètres à l'ouest
de Metz. L’armée française commandée par BAZAINE y a subit une défaite
stratégique avec des conséquences funestes pour la France. BAZAINE est traduit
devant un conseil de guerre pour trahison
et condamné à la peine de mort, puis gracié.
Fin des écrits
La suite :
DUCLOS Jean-Marie est décédé en juin 1910.
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68e régiment d’infanterie
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