Carnets de guerre de Daniel DURAND

Sergent aux 301e, 315e et 369e RI

Mise à jour : août 2014

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Préambule

 

« Je détiens un album photos (environ 600) et des carnets de souvenirs, ce sont des souvenirs de guerre de mon grand-père Daniel Durand. Les textes des carnets ont étés transcrits tels quels, sans corrections. Les mots illisibles ont étés remplacés par des blancs. Les légendes des photos sont celles de mon grand-père.

Malheureusement, pour les textes, il manque certains carnets.

J’ai choisi de présenter les photos, toutes les photos, même celles difficilement lisibles, dans l’ordre voulu par mon grand-père et avec les mêmes titres et sous-titres.

Je n’ai pas voulu mélanger photos et textes des carnets pour retrouver l’ordre de ce qui m’a été transmis et sans vouloir changer quoi que ce soit.

Ces pages sont dédiées à la mémoire de mes grands-pères et à celle de tous les combattants de tous les pays qui ont eu à souffrir pendant plus de quatre ans. »

Christian Durand, 2014

 

 

Sommaire

 

Le sommaire ne fait pas partie du carnet, il a été rajouté volontairement pour une meilleure navigation

 

Ø  L’année 1914 : Au 301e RI, Verdun, Les Éparges, Mouilly, Rupt-en-Woëvre

Ø  L’année 1915 : Mouilly, Rupt-en-Woëvre

ü  juin 1915 : Passage au 315e RI

Ø  L’année 1917 : Aisne, Ostel, Soupir

ü  décembre : Passage au 369e RI

Ø  L’année 1918 : Berry-au-bac, fort de la Pompelle

ü  mars 1918 : Oise

ü  avril 1918 : Somme, Pas de Calais

 

 

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L’année 1914

Août-septembre

3 août 1914

Départ de la gare de Villiers – Neauphle

 

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Photo prise par Daniel du départ. Cliquez sur la photo pour agrandir.

 

Voir l’album de photos quand il était au 301e RI

 

Dimanche 13 septembre 1914-11 h 30

Nous arrivons de Bar-le-Duc après 48 h de voyage ininterrompu. Après 6 semaines passées tranquillement à Saint-Cloud et à Dreux, on nous a enfin annoncé jeudi dernier notre prochain

Départ.

Cette nouvelle m’a fait plutôt plaisir puisqu’elle était inévitable et puis je dois aller retrouver Marcel (*) et c’est le principal.

 

Donc départ jeudi à 12 h, on passe par Orléans, Bourges, Nevers, Commercy et nous arrivons à Bar-le-Duc à 11 h, nous y restons 3 h et de là nous entendons le canon, cela devient intéressant.

Je vois aussi le 1er prussien, c’est un blessé que l’on amène en auto. Un civil nous lit les nouvelles, l’ennemi recule sur toute la ligne, c’est plus encourageant de partir comme ça.

Nous allons cantonner à Rumont, village à 15 km, le sac est rudement lourd, enfin j’espère m’y habituer.

 

Le lendemain matin, nous nous remettons en marche à 1 h, nous retrouvons le 301ème à 10 h.

Hélas mon cher Marcel n’est pas là, il a été grièvement blessé le lundi précédent à la fin d’une rude journée. (**)

Avec une vingtaine d’hommes, ils avaient tenu après tous les autres, adieu mon bel enthousiasme ! Pourtant Lebris l’a vu emporté par les brancardiers et il lui a causé, je ne veux donc pas désespérer.

 

À la suite du 301ème, nous nous mettons en marche, (la dite marche) est affreuse, nous traversons des villages dont il ne reste absolument que les murs, certaines maisons fument encore, mais rien ne subsiste.

Les cadavres jonchent le sol, le 1er que nous voyons est un uhlan près de son cheval, puis partout nous en voyons à la sortie d’un bois, il y a eu sans doute charge à la baïonnette car Français et Allemands sont couchés côte à côte, plus loin c’est encore plus atroce car les Allemands qui avançaient ont enterré leurs morts et l’on ne voit plus que les nôtres qui sont tombés là depuis une dizaine de jours et sont devenus tout noirs. (***)

 

C’est sous une pluie ininterrompue que nous assistons à ce spectacle terrible. Pour moi je n’en vois que peu de choses, car mon tourment personnel de mon frère absent occupe mon esprit.

Dans les derniers villages, les Allemands n’ont fait que passer et l’on retrouve partout des tas de fusils et de cartouches abandonnés. Près d’un bois nous trouvons encore de cadavres de Marsouins, dont un capitaine.

Nous arrivons à 6 h à Souilly ou nous cantonnons.

 

(*) : Il s’agit de son frère.

(***) : Le journal du régiment (JMO) signale l’arrivée de renforts : environ 500 hommes. Daniel DURAND en faisait donc partie.

(***) : Son frère a été blessé au combat de la Vaux-Marie le lundi 7 septembre avec le 301e RI qui y a perdu, ce jour-là, 664 hommes tués, blessés et disparus.

(****) : Certainement dans le secteur de Rembercourt-aux-Pots, le 301e RI y passe le 14 septembre.

Mardi 15 septembre

En route à 5 h, rien d’extraordinaire dans la journée, nous marchons et arrivons à 4 h au bord de la Meuse dans un faubourg de Verdun. Le site est pittoresque et je me lessive dans la Meuse.

Au loin nous entendons tonner les forts.

Mercredi 16 septembre

Notre compagnie qui était cantonnée à part est relevée en retard. Je suis absolument fourbu et m’en vais en arrière avec Laignault et Lalbe. Heureusement des voitures nous aident à faire un bout de chemin et nous rejoignons les autres qui sont arrêtés sur un petit plateau.

 

À 11 h, les canons des forts se mettent à tonner autour de nous, de grosses pièces bombardent un convoi paraît-il. Comme elles sont à une centaine de mètres, cela fait un potin terrible. Quant à nous nous attendons, peut être tout à l’heure nous allons marcher au feu.

Quelle déveine d’être aussi mal fichu, depuis ce matin, je n’ai pas pu avaler une bouchée de pain et je ne tiens plus sur mes jambes.

La journée se passe sans incident.

 

À 6 h, on sert la soupe et nous redescendons rejoindre nos cantonnements à Belville ou nous arrivons à 11 h.

Jeudi 17 septembre

Réveil à 3 h et nous remontons à notre poste d’hier.

Malheureusement à 11 h la pluie se met à tomber, on confectionne des abris de paille, mais malgré tout on est trempé. Le canon gronde toujours autour de nous, des avions partent en reconnaissance et l’on voit éclater au loin des obus qui leur sont destinés.

 

Vers le soir, le canon fait tout à fait rage et d’une ferme voisine ou j’ai été m’abriter, on voit la flamme des coups qui partent, on entend un roulement ininterrompu.

Les Allemands sont paraît-il cernés sur la Meuse et tous les soldats croient à une fin prochaine de la guerre, espérons qu’ils ne seront pas déçus.

 

À 7 h, nous allons coucher au village voisin de Fleury.

La pluie tombe toujours et nous sommes trempés, aussi personne n’a le courage de faire la soupe et l’on se fourre bien vite dans les granges qui nous sont destinées.

Vendredi 18 septembre

Réveil à 5 h

Nous retournons occuper notre même emplacement, mais à peine arrivé on nous fait revenir à Fleury. Nous allons pouvoir nous reprendre quelques heures.

Un camarade a déniché un grenier, nous en avons pris possession à 4 et nous avons pu déjeuner sur une table qui se trouvait là. On a même mis un drap en guise de nappe, quel luxe ! On a même trouvé un bocal de cassis et je crois qu’il sera vide avant ce soir.

Malgré des bruits de départ en avant-poste, la journée se passe tranquillement.

Toujours le canon tonne.

Samedi 19 septembre

Réveil à 3 h mais c’est une fausse alerte, on prend en vitesse bouillon et café et l’on se recouche jusqu'à 6 h. rien de nouveau dans la matinée et à 11 h, on redescend à Belville, mais on est cantonné à l’entrée, aussi j’en profite pour aller faire un tour à Verdun.

Dimanche 20 septembre

Départ à 6 h et toujours pataugeant dans la boue, nous nous acheminons sur la route. On s’arrête à Haudiomont. Que tous ces petits pays sont tristes, nous sommes maintenant dans la Wöevre, centre d’opération de notre armée, pourtant le canon tonne, mais est-ce parce que c’est dimanche.

Je fais un tour dans le pays et vais faire une visite à la petite église.

Lundi 21 septembre

Repos ce matin, j’en profite pour faire une petite lessive. Après une nouvelle visite à l’église qui me plait beaucoup, je monte sur une colline qui domine le village. On y jouit d’un superbe point de vue avec le village couché en bas puis derrière une assez vaste plaine d’autres collines fermant l’horizon.

Pourquoi faut-il qu’il y ait ce canon qui gronde sans relâche, il m’a même semblé tout à l’heure une vive fusillade.

Devant moi entre deux collines sort une épaisse fumée, sans doute un village qui brûle. Quelle atroce chose !

 

Partis à 12 h, pour reprendre les avant-postes, un contrordre arrive, on revient sur nos pas et partant dans une autre direction, nous allons, paraît-il attaquer le village des Éparges. Nous retraversons Haudiomont, après une ou deux heures de marche, on nous fait approvisionner.

 

Bientôt le soir arrive, nous gravissons une colline après deux poses dans les champs, nous rentrons dans le bois qui garnie la crête, il fait maintenant tout à fait nuit, une nuit superbe avec un ciel plein d’étoiles.

Nous nous arrêtons à une centaine de mètres de la lisière et bientôt nous commençons à nous assoupir. Nous dominons sans doute le village, car un chien hurle sans arrêt.

Bientôt une vive fusillade éclate aux avant-postes, dans le calme de la nuit, les coups résonnent entre les collines et je ne peux me défendre d’une certaine émotion.

Nos chefs donnent quelques ordres, allons-nous partir ?

Non, le moment n’est pas venu, la fusillade éclate encore, mais nous restons à nos places et couchés dans l’herbe mouillée, serrés les uns contre les autres pour résister au froid, on s’endort d’un sommeil souvent interrompu.

Mardi 22 septembre

Vers 5 h, la fusillade recommence. Le capitaine commandant le bataillon vient donner des ordres pour l’attaque, l’ennemi occupe des crêtes en face des nôtres. Pour échapper à sa vue, nous faisons un détour dans le bois de notre colline pour aller occuper nos positions.

Quelle belle matinée le soleil se jouant à travers les pins donne un aspect charmant au sous-bois.

Au sommet de la colline, le spectacle est féerique. Nous redescendons couper le pied de la colline voisine et nous attendons. La canonnade fait rage partout. Surtout de nos batteries qui doivent préparer l’attaque.

 

Vers 11 h, pourtant l’infanterie s’engage, et l’on entend crépiter sans arrêt les mitrailleuses allemandes. Les gros obus allemands passent au-dessus de nos têtes, on entend leur ronflement.

Vient alors notre tour de partir, nous nous défilons derrière des buissons, quelques balles passent. Après avoir passé une petite rivière, comme toute l’escouade défile tranquillement, une rafale de balles nous arrive, c’est le baptême du feu, on entend siffler nos oreilles les fameuses guêpes dont nous ont parlé les anciens (*).

Mais par bonheur personne n’est atteint. Nous nous couchons bien vite derrière un buisson.

Ma fois cela n’a rien de bien émotionnant.

 

Mais on ne peut continuer l’attaque, l’ennemi fortement retranché sur ces crêtes est inexpugnable, et l’on vient nous prévenir de nous replier, il est en effet impossible de chasser un ennemi invisible qui mitraille sans cesse. Le pauvre caporal (**) qui est venu nous prévenir tombe cinquante mètres plus loin pour ne plus se relever.

Toutes les compagnies engagées reviennent sous le feu des mitrailleuses et l’on se réunit sur une route adossée à un remblai. Nos 75 font toujours rage sur les positions allemandes, mais je ne sais si elles peuvent les atteindre.

 

5 h, le calme revient.

Partout des tirs allemands viennent encore éclater pas loin de nous, par précaution je remets mon sac.

Part une corvée d’eau, qu’allons-nous faire ? Depuis hier soir nous n’avons plus de pain et l'on ronge nos biscuits avec nos boîtes de singe.

Nous remontons sur le talus, nous allons prendre quelques bottes de paille mouillée et nous nous installons là pour la nuit. Ce n’est guère rassurant car l’ennemi est tout près.

La nuit est tout à fait venue et l’on vient chercher des hommes pour toucher l’ordinaire.

Qu’il fait froid, avec LALBE et LAIGNEAULT on se sert les uns contre les autres.

 

(*) : Les balles font un bruit caractéristique de vol d’abeille

(**) : Il s’agit de FORESTIER Carolus, le seul caporal tué ce jours-là

Mercredi 23 septembre 1914

Vers 4 h, je me mets debout, j’ai trop froid aux pieds. La nuit a été à peu près calme, à part quelques obus dans le lointain. Les hommes d’ordinaire reviennent à vide, le convoi n’est pas venu. La popote a sans doute eu peur de la canonnade, encore une journée sans pain, je commence à avoir sérieusement faim. J’ai encore deux biscuits, je les partage avec les camarades pour manger un pot de confiture et une boîte de singe.

Nous restons sans rien faire sur notre emplacement, et ceux qui s’éloignent sur la pente en face de nous sont salués par les mitrailleuses, des avions allemands passent sur nos têtes, sur qui nos avions tirent sans résultat.

 

Du petit-bois en face, nous débouche vers 3 h une section d’infanterie.

Les Allemands les ont vus, car une giclée de balles accueille leur descente et comme ils sont juste en face de nous, on entend siffler les balles au-dessus de nos têtes, vite on se colle au talus. Est-ce que cela aurait indiqué notre emplacement aux batteries ennemies.

 

Quelques instants après une rafale de gros obus allemands vient tomber autour de nous, soulevant des nuages de terre, nous recevons même des éclaboussures, cela devient pas rassurant du tout, et nous allons nous coller derrière le petit bois ou nous avons l’impression d’être mieux abrité.

De temps en temps des rafales nous arrivent et l’on se blottit derrière son sac, l’idée du petit bois ne valait rien car un obus vient tomber à quatre mètres de nous. Collé derrière mon sac, je le vois tomber à terre au milieu d’une gerbe de feu.

Quelle émotion, on a le temps de penser aux éclats qui vont nous arriver, mais non on ne reçoit que de la terre. Je ne me rappelle pas avoir entendu le coup ou ressenti la commotion, c’est égal, il était temps vite on se sauve dans un autre coin. Les renforts arrivent.

 

On doit paraît-il attaquer cette nuit ; la soirée se termine par des rafales allemandes ou françaises.

Il faut vraiment que les Allemands soient bien retranchés car quand nos 75 se mettent à cracher, ils doivent recevoir quelque chose. La corvée d’ordinaire part au ravitaillement toujours saluée aux passages dangereux par les mitrailleuses.

 

La nuit vient, on s’endort à 9 h, on nous réveille, nous allons marcher en avant, perspective peu engageante. Comme les Allemands sont sur la crête derrière la nôtre, par section on escalade la colline où nous sommes adossés.

Arrivés en haut, on se déploie en tirailleur et l’on commence à redescendre.

 

Il fait une nuit noire et comme il y a des talus garnis d’épine à descendre, on culbute là-dedans les uns sur les autres.

Bientôt la fusillade éclate, quelle averse !

Les balles sifflent, on se protège comme on peut avec son sac, placés à la gauche avec Laigneault et Bailly nous nous trouvons isolés notre section est disparue, on se jette derrière un fossé serrés l’un sur l’autre, on attend la balle possible, mais non rien pour nous.

La fusillade s’arrête, on entend causer notre lieutenant qui est avec la section dans une tranchée en face. Puis arrive un ordre par derrière, il faut rentrer. Cela est vite fait, notre lieutenant nous attend sur l’autre versant.

Le Lt :

« Pas de bobo chez vous, restez à vos emplacements ! »

 

C’est un vrai soulagement de se retrouver derrière notre talus. Ce n’est pas très brave, mais c’était de la folie de nous lancer sur une position pareille.

La corvée d’ordinaire vient de rentrer, on se jette sur nos morceaux de pain, c’est qu’il y avait longtemps qu’on en avait pas eu, on boit aussi avec plaisir un peu d’eau-de-vie et l’on se rendort. Toujours pas de résultat

Jeudi 24 septembre 1914

Nous avons ordre de nous porter au point du jour en avant, mais le capitaine commandant le bataillon s’y est refusé, déjà hier soir paraît-il il pleurait de nous savoir partis croyant ne plus nous revoir. Les cuisiniers partent faire le café dans le petit moulin en bas et nous l’apporte chaud, quel délice.

Ils vont aussi nous y faire la cuisine, mais arrive un ordre, il faut partir, nous allons rejoindre le 104 qui est sous-bois à la gauche de l’ennemi. Nous nous faufilons sous-bois et nous nous arrêtons dans un chemin creux. Nous croyons être là pour un moment et l’on pioche un peu le talus. Un capitaine du 104 arrive :

 

« Il ne faut pas rester là »

 

Nous sommes dans leur secteur et du reste nous sommes dépistés par l’artillerie allemande et notre position est tout à fait dangereuse.

En effet bientôt les obus arrivent et l’on commence à se sauver, quelle fuite !

Les Allemands commandent le chemin que l’on doit suivre et nous criblent d’obus. A chaque rafale que l’on entend venir, on s’affale et l’on repart en courant essoufflés, éreintés enfin on gagne un talus puis après le nôtre, l’on commence à respirer.

L’on reprend nos emplacements, là on est à peu près en sûreté et nous voilà encore sauvés un coup. Il n’y a que l’adjudant de blessé au bras. Les cuisiniers sont là avec la viande, ils l’ont aussi échappé belle car on a bombardé le moulin. Quand on est un peu remis on boulotte, j’avais sérieusement faim. Quand donc sortirons-nous de cette situation ?

 

L’après-midi et la soirée se passent dans le calme, du moins pour nous qui restons à notre place.

Vendredi 25 septembre 1914

Nous commençons à connaître le paysage, c’est vrai qu'il est joli par ce beau temps au coucher du soleil.

Vers 10 h, comme tous les cuisiniers sont dans le moulin un obus arrive au milieu d’eux, en tuant deux et en blessant six.

Les nôtres en sont quitte pour la peur, il devient sérieusement dangereux le moulin, on ne quitte pas nos places de la journée, on reçoit toujours des salves, mais on y est habitué. Comme on n’a pas encore touché de pain, les cuisiniers essayent d’en faire au moulin mais les obus les empêchent de le finir, on peut néanmoins faire cuire des prunes, des correctes qui abondent dans la région.

 

Je vais le soir à la corvée d’ordinaire, on part à la nuit et l’on retrouve dans un bois Laporte et le courrier, il est question d’une attaque de nuit, perspective peu engageante pour le retour.

Samedi 26 septembre

La distribution s’est terminée à 1 h 30 et l’on se repose deux heures dans un village voisin.

 

À 4 h, on rentre dans nos emplacements, il n’y a rien eu cette nuit mais on prépare quelque chose pour la journée. Les deux lieutenants sont venus chercher asile sous la feuillée que nous avons construite et l’attaque ne leur sourit pas plus qu’a nous.

La grêle d’obus est aujourd’hui plus intense, heureusement qu’il ne nous fait pas grand mal. Un ordre arrive nous devons cette nuit aller occuper les tranchées puis il y a contre-ordre.

Tant mieux.

 

Dans la soirée, le village des Éparges est enflammé. On entend mugir et bêler les animaux affolés. Pourtant on se couche tranquille, dans l’après-midi, on a réaménagé notre abris et cela nous eût bien ennuyé de ne pas y passer la nuit.

Pourtant une alerte nous dormions tranquillement complètement déséquipé quand un soldat passe en courant :

« vite debout baïonnette au canon »

 

Réveil désagréable on se lève, on s’équipe comme on peut dans l’ombre et l’on attend.

Un lieutenant du 102 a paraît-il entendu dire « halt » en allemand dans le bois voisin. Pourtant silence complet, dix minutes, un quart d’heure rien, on envoie une patrouille dans les tranchées au-dessus de nous, les soldats y dorment tranquillement.

C’est une fausse alerte et l’on se recouche. Une attaque allemande nous paraissait à tous bien inenvisageable, pourtant on a eu un moment d’émotion.

Dimanche 27 septembre

C’est calme ce matin, 5 h leur heure habituelle, les Allemands ne nous envoient pas leur arrosage habituel. Ils ont dû déjà évacuer leur première tranchée.

 

À l’armée ce matin, un ordre du jour du général Joffre.

La grande bataille s’est engagée dans des conditions favorables, je compte sur le courage de tous pour déloger les Allemands de leurs lignes. Ces paroles nous laissant espérer une fin prochaine de la guerre. Je descends aujourd’hui au moulin aider à la cuisine et fais une compote maison de prunes pour faire d’excellentes marmelades.

On a fait enterrement ce matin notre caporal tué mardi et un soldat tué aujourd’hui (*), j’ai garni leur tombe de fleurs, je fais une prière.

 

Chez le meunier, je trouve une lettre de son fils sans doute, lettre touchante de patriotisme.

Dire que l’on voulait arrêter cet homme soupçonné d’espionnage. Du reste les soldats ont tout saccagé chez lui.

On apprend que le génie installe de grosses pièces pour démolir les retranchements allemands, c’est heureux.

Cette nuit nous devons être relevé pour cantonner dans un village, aussi peut être, ne serons-nous plus en première ligne car depuis là nous sommes à 900 m des Allemands.

 

La canonnade a tout de même repris vers 2 h, neuf chevaux ont été tués, actuellement les boulets perforent toujours le talus en face nous. Je vais encore le soir faire cuire des prunes et nous faisons un excellent dîner.

Comme nous venons de terminer, une compagnie du 309 vient pour nous relever, nous restons sur la route et nous apprenons qu’au lieu d’aller au village, nous allons à Trésauvaux, patelin tout près à notre droite et que nous coucherons dans des tranchées, nous y arrivons bientôt, la soi-disant tranchée est un léger talus de 50 m au bord de la route derrière le bois où nous avons été bombardés. L’ennemi est tout proche aussi ne faut-il pas faire de bruit.

On poste des sentinelles, à 16 h mon tour vient. J’y étais depuis une demi-heure quand des clameurs éclatent devant moi dans le camp allemand, puis bientôt la fusillade ; notre sous-lieutenant commande « baïonnette au canon prêt à bondir », j’attends.

On vient me relever, je me recouche comme tout le monde. La fusillade et les clameurs reviennent par intervalle, ont-ils eu une attaque ou veulent-ils nous effrayer ?

Je dors tout de même et bien que peu couvert je n’ai pas trop froid.

 

(*) : Il s’agit de FRANCOIS Georges Eugène, le seul soldat tué le 27 septembre. Sa fiche indique :

« Décédé par suite de blessures de guerre le 27 septembre 1914 aux Éparges. Il était né à Sorel-Moussel (Eure et Loir) »

 

Lundi 28 septembre 1914

Couchés près de notre talus nous ne pouvons plus faire de feux ouvertement car aussitôt au-dessus du talus nous sommes en vue des lignes allemandes, leur artillerie est peut-être à 1500 m derrière nous, aussi ne faut-il pas laisser soupçonner notre présence si près.

Quand on a besoin de se déplacer, il faut ramper pour atteindre un coin à l’abri sur les côtés. Ne pouvant pas bouger, on sommeille jusqu'à près de midi.

 

On mange nos viandes froides, arrêtés nos bons repas !

De temps en temps la fusillade canarde moins intense et rien de notre côté. C’est égal, ce n’est pas ce que nous espérions hier. Nous avons eu l’explication des hurlements de la nuit dernière un parti allemand a attaqué le village de Fresne et le 117ème l’a évacué pour le réoccuper du reste le matin.

Une patrouille allemande a eu aussi l’audace de venir aux Éparges et de tuer deux hommes de corvée d’ordinaire du 102ème. Vraiment on ne se garde pas suffisamment, le lieutenant Fouquet nous fait aller coucher dans la remise en face nous en laissant une escouade de garde et en faisant des patrouilles.

Nous touchons un litre de vin, de bouillon et de café, quel délice.

 

On s’endort, mais à 2 h on est réveillé, il faut retourner aux tranchées, on s’attend à une attaque. Baïonnettes au canon, on se blottit derrière la haie mais bien qu’un patrouilleur de la 23ème vienne nous dire qu’une troupe rampe à 100 m, rien, notre attente est vaine.

Mardi 29 septembre 1914

On se rendort, le matin vers 10 h, regardant derrière moi j’aperçois deux uhlans qui se dirigent vers nous, je préviens, on les laisse venir mais un maladroit tire trop tôt et on les manque.

Ils se sauvent.

 

L’après-midi se poursuit aussi insipide, quel supplice que de ne pas pouvoir bouger.

Le bœuf bouilli que seul on peut manger est horriblement sec.

 

À 8 h ½ du soir, une bonne surprise, le 104 vient nous relever, nous nous en allons aux Mesnils. Notre grenier n’est pas fameux, mais on s’est tout de même un peu éloigné et ce n’est pas un malheur.

Octobre 1914

Du mercredi 30 septembre au samedi 3 octobre

Nous restons aux Mesnils ou nous nous faisons des barricades et des travaux de défense.

La compagnie va occuper des tranchées tous les deux jours, mais je suis malade et je reste au cantonnement.

Dimanche 4 octobre 1914

La compagnie est partie ce matin dans les tranchées mais encore malade, je suis resté. J’ai été à la visite, mais pourtant je suis mieux je suis surtout sans force à cause de mes quatre jours de jeûne et puis je suis presque désespéré.

J’ai reçu ce matin une 2ème lettre de mon père datée du 24, il ne sait rien de Marcel, il a été aux renseignements, on lui a dit qu’il n’était ni blessé ni disparu, pourtant il n’est plus là, alors j’ai eu une peur atroce et j’ai pleuré toute la matinée.

J’ai été prier dans la petite église, mais cela ne m’a pas apporté de consolation. S’il fallait que le malheur soit arrivé que deviendraient mes pauvres parents et sa femme. C’est atroce et ne peut pas encore y croire.

Les opérations n’avancent guère ici quelques coups de canon dans le village et c’est tout. Auxquels répondent de temps en temps les 75 placés derrière.

Lundi 5 octobre 1914

Je suis un peu mieux et recommence à manger de meilleur appétit.

Si mon cher Marcel était là ! La compagnie est rentrée des tranchées.

 

Vers 12 h, le 5ème bataillon s’étant déplacé a provoqué un véritable bombardement du Mesnils. Les obus pleuvent dans le village, on s’équipe et l’on n’est qu’à moitié rassuré, il en arrive un derrière notre maison qui fait tout trembler.

Des maisons sont éventrées et brûlent, des femmes pleurent. Un camarade de notre compagnie est tué dans un couloir, il y a sûrement d’autres blessés, il en arrive deux du 5ème bataillon, un la figure en sang, l’autre avec un éclat dans la cuisse.

Je ne sais pas si nous pourrons rester longtemps dans ce village, dommage nous y étions bien je suis là dans une chambre et sans toutefois me déshabiller, je couchais depuis deux nuits dans un lit puisque malade, je restais au cantonnement, les camarades ont du reste étés très gentils avec moi.

 

Ce soir, on prépare un bon repas avec des poules et des boites de petits pois trouvés dans la cave.

Je viens d’aller voir l’incendie qui dévore tout un paquet de maison. En revenant je suis entré à l’église prier pour mes parents.

Je suis ensuite allé à l'enterrement de notre camarade qui vient d'être tué. Un petit cortège s’est formé dans la rue et comme fond à ce triste tableau, les maisons qui brûlent. On a enseveli le malheureux dans le petit cimetière près de l'église, un caporal-brancardier dit l’office des morts et l’on entend à côté l’incendie qui crépite.

Que c’est triste, beaucoup de soldats pleurent. Et quand on descend le corps un pan de muraille brûlé tombe avec fracas.

C’est égal après avoir vu tant de malheureux, rester des jours entiers à moisir sur la terre, on pense que celui-là tout de même est plus heureux d’avoir des prières et un coin de terre sainte.

Je reste encore ce soir comme aide-cuisinier aussi je vais à la distribution sur la route.

Mardi 6 octobre 1914

La compagnie est dans les tranchées, resté ici, je n’ai pas grand mal, mais je ne tiens guère non plus sur les jambes, j’ai bien du mal à me remonter. Il paraît qu’il doit y avoir une attaque aujourd’hui, on a apporté hier soir des barbelés, vers midi on a entendu une assez violente canonnade et une assez vive fusillade, mais cela n’a pas duré.

 

3 h, l’artillerie allemande n’a pas répondu, vers 5 h comme nous arrivons dans notre cuisine, quelques obus arrivent dans notre quartier, l’un d’eux entre même dans notre grange mais sans faire de mal.

Nous allons porter la soupe dans les tranchées, j’espérais dormir tranquille mais à 11 h le fourrier vient nous réveiller, il faut s’équiper prêt à rejoindre la compagnie en cas d’alerte. Il ne se passe du reste rien du tout.

Mercredi 7 octobre

Je crois que l’attaque d’hier n’a pas encore donné grand résultat, journée assez calme aux Mesnils. On se régale de poulets.

 

L’après-midi, on joue aux cartes, je vais entendre une messe dite pour un officier de réserve d’artillerie.

 

Le soir, je vais aux distributions, une fusillade du côté de Fresne, le capitaine Lemaire vient nous voir le soir et prend un café avec nous, il déplace la compagnie, mais nous apprend que demain nous relevons la 21ème.

Jeudi 8 octobre 1914

Je croyais rester encore aujourd’hui aux Mesnils, mais ce matin, le lieutenant Dalbe a voulu reprendre sa place, je pars donc aux tranchées avec les autres, ils ne sont du reste qu’a 300m des Mesnils mais il y fait bien froid puis je suis encore indisposé aussi cela ne me fait guère plaisir.

 

Vers 2 h, j’essaye un peu de dormir et à 4 h je prends la garde dans les tranchées en face.

La fusillade du côté de Fresne n’a pas arrêté de la journée et en ce moment quelques obus viennent de notre côté. On nous relève à 7 h nous allons nous chauffer aux Mesnils.

 

Après avoir mangé nous nous mettons en route pour les fameuses tranchées de la 21éme, il fait un clair de lune superbe aussi nous faisons un grand détour à travers bois nous arrivons là-haut à près de minuit, on ne va guère vite car il faut prendre des précautions.

Pour nous les tranchées sont encore un talus aménagé, on se couche où l’on se trouve.

Vendredi 9 octobre

Ces tranchées ne sont pas si terribles que l'on disait, on peut encore bouger sans recevoir des coups de fusils.

Pourtant les Allemands ne sont pas loin, car on entend causer les officiers et un téléphoniste. Le plus ennuyeux c’est la nourriture, on ne peut guère nous apporter que du bœuf, je ne peux plus l’avaler.

 

Dans l’après-midi, sous prétexte de bombardements, on nous fait descendre un peu plus bas, il en est de même pour la nuit que nous passons en lisière du bois.

Samedi 10 octobre 1914

Nous remontons à nos emplacements, mais il se met à pleuvoir dans ce terrain glaiseux, cela fait une boue glissante sur laquelle on ne peut se tenir. Quelle journée morne et triste.

Je ne peux rien manger de la journée et encore malade, je ne peux me traîner.

On est trempé et plein de boue.

 

À minuit, le 22ème revient nous relever et nous repartons pour les Mesnils.

Dimanche 11 octobre 1914

Nous arrivons aux Mesnils à 2 h et demi, je suis éreinté et bois avidement notre café. Je retrouve dans notre ancien cantonnement, le petit lit vide et m’y couche.

 

Le matin, nous avons des lettres, deux cartes de ma mère, mais toujours pas de nouvelles de Marcel. (*)

Je me mets au régime du riz pour la journée.

 

Le soir, un ami de la 29ème ayant trouvé quelques bouteilles de bon vin, nous faisons un dîner superbe, poulet aux petits pois, salade, prunes en conserve, un vin vieux, petit café et liqueurs.

Cela semble bon, mais quand même cela n’est pas bien gai.

 

Nous partons à 6 h pour les tranchées au-dessus. Je crois que pour le moment notre emploi du temps est ainsi fixé, deux jours dans les tranchées en première lignes, un jour de repos aux Mesnils et un jour dans les tranchées prochaines.

Cela durera peut-être longtemps car la guerre n’avance pas vite et ces maudits Allemands sont durs à déloger de France. Par ici la position qu’ils occupent est plus que jamais inexpugnable et tous les officiers n’ont qu’une crainte, c’est qu’un ordre supérieur commande l’attaque avant que notre artillerie ait complètement démoli les positions ennemies.

 

(*) : Rappel : Il s’agit de son frère.

Lundi 12 octobre 1914

La nuit a été fraîche mais notre tranchée étant couverte, j’ai tout de même pu un peu dormir, il y a eu paraît-il un ordre d’attaque cette nuit mais je crois bien que personne n’a marché.

La journée est calme pour nous du reste et il fait un temps superbe. De nombreux avions français volent toute la journée, préparent-ils quelque chose ?

Notre artillerie n’arrête guère non plus.

 

On nous relève à 6 h, nous mangeons la soupe aux Mesnils et en route pour les tranchées des Éparges.

En arrivant à Trésauvaux on aperçoit tout à coup un jet de lumière partant de la crête des Éparges. Les Allemands ont maintenant un phare puissant pour se garder d'attaques de nuit, vite on se couche sur les côtés de la route, surement à côté du phare, il y a des canons et si nous étions aperçus, il pourrait nous en cuire.

On se remet en marche et ma fois nous avons la chance de ne pas nous faire voir, nous sommes à l’abri chaque fois que le phare est dirigé vers nous, il faut passer par le bois et sur ce terrain glissant on a bien du mal à se tenir.

 

Enfin nous arrivons à nos tranchées, la première section reste dans celle du bas, il y a eu deux attaques la veille, une dans la nuit et une dans la journée aussi les boches sont sur leurs gardes. La section du haut est saluée par une vive fusillade qui heureusement n’atteint personne.

Cela ne m’empêche pas de m’endormir, étendu dans ma tranchée.

Mardi 13 octobre 1914

Pendant toute la journée, à chaque mouvement que font ceux du haut, des coups de fusils partent.

 

De 9 h à 4 h, il y a bombardement mais les premiers coups sont un peu court et nous recevons des shrapnells français sur la tête on nous fait changer de place pour revenir enfin à nos tranchées. Des obus de 155 arrivent dans les tranchées allemandes suivis d’une pièce de 75, après cela encore un ordre d’attaque.

Mais décidément les commandants de compagnie n’y tiennent pas plus que nous et personne ne bouge et vraiment c’est sage car nous n’aurions pas eu d’autres résultats que les autres.

 

Enfin ce soir, nous allons être relevés pour de bon, des officiers du 132 sont venus ce matin reconnaître les emplacements et à 11 h du soir ils y arrivent pour s’y installer. Nous reprenons encore une fois la route des Mesnils.

Mercredi 14 octobre 1914

Repos ce matin.

 

À 1h ½ nous quittons le pays.

C’est sans regret car nous quittons aussi la crête des Éparges et c’est un cauchemar de moins, pourtant nous ignorons où nous allons et ce n’est sûrement pas pour nous reposer.

Pour ne pas être en vue nous sommes obligés de faire un détour et de monter la colline à travers bois, ça glisse toujours et l’on avance péniblement.

 

Nous reprenons la route et à la tombée de la nuit nous arrivons à Rupt-en-Wöevre, petit bourg assez important, des artilleurs sont en train de se faire des baraquements. Nous entrons dans nos cantonnements et après une soupe et un jus on s'établit dans la paille.

Jeudi 15 octobre 1914

Nous avons repos aujourd’hui, on peut voir un peu le pays. Ce qui semble bon, c’est une impression de sécurité quoique nous ne soyons pas encore bien loin des Allemands.

Le pays est sous la protection des forts aussi on s’y sent mieux, peu de maisons démolies, du reste le pays n’est pas évacué, et tous les habitants sont là, ils ne sont du reste guère complaisants. On fait aussi les feux dans la rue, ce à quoi nous n’étions plus habitués.

Les territoriaux sont arrivés là pour nous renforcer, des hommes de 35 à 45 ans, ce n’est pas drôle pour eux et ne fait pas augurer une fin prochaine de la guerre.

 

Je reçois ce matin deux paquets d’effets de mes parents un tricot, une couverture, je serais tout au moins à l’abri du froid mais ce sera lourd à porter, ce qui semble bon c’est que ces effets ce sont mes chers parents qui les ont enveloppés et cela rappelle la chère maison et la famille.

Il y a un petit bonnet en tricot qui sûrement a été fait par ma petite sœur. Quand donc les reverrai-je mes chers parents ?

Sans doute en ont-ils envoyé autant à Marcel.

 

À 4h comme nous dormions tranquillement arrive l’ordre de s’équiper. Que se passe-t-il ?

On se met en route et nous allons simplement occuper des tranchées à une heure de là. C’était sans doute pour les reconnaître car une heure après nous rentrons à Rupt.

Ce sont les emplacements que nous devons occuper en cas d’attaque du village, mais j’espère bien que les Allemands ne reviendront jamais jusque-là.

Vendredi 16 octobre 1914

Réveil à volonté, il n’y a pas de changement nous devons rester ici jusqu’au 19 puis aller 5 jours en 1ère ligne devant Mouilly et 3 jours en seconde ligne.

Ici nous ne sommes qu’en 2ème. D’ici là il y aura peur être du changement, espérons que ce sera en bien.

 

Je vais à la 24ème voir s’il est arrivé des colis pour Marcel.

En effet ils sont venus hier mais on les a redonnés aux postes.

Pauvre Marcel, ses camarades me disent encore combien il était estimé et aimé. Je ne peux retenir mes larmes et cours à l’église implorer Dieu pour que je revoie mon cher frère un jour. Pourtant l’espoir est mince, j’ai reçu une lettre de mes parents datée du 8 et ils ne savent toujours rien.

 

Je me décide à leur écrire qu’il a été blessé, quelle pénible tâche, je réussis à avoir ses deux paquets et en distribue le contenu à mes camarades, ils portaient la marque « disparu » et je ne sais pas ce qu’ils seraient devenus, j’aime mieux que toutes ses affaires qui viennent de mes chers parents soient aux mains de personnes que je connais.

Peut-être même aussi pourrai-je les rapporter car je ne peux guère espérer que Marcel s’en serve tout au moins en campagne.

Samedi 17 octobre 1914

Journée tranquille à Rupt cela semble vraiment bien de ne plus entendre le sifflement des obus, on oublie qu’on est en guerre, on distribue aux troupes d’importants lots de couvertures et de vêtements chauds, se prépare-t-on vraiment pour une campagne d’hivers, perspective peu engageante.

Dimanche 18 octobre 1914

Je vais à la messe ce matin que dit un aumônier militaire, l’église est pleine de soldats et c’est impressionnant de voir tous ces hommes prier, je prie toujours pour mon frère et mes chers parents, puissent mes prières être exaucées.

 

À midi notre section prend le service au poste de police, la quatrième section loge dans la même grange, il y a dedans de nombreux chanteurs et de 6 à 9 h ils organisent un véritable concert, hélas comme eux je serais gai si Marcel était là ?

Lundi 19 octobre 1914

C’est aujourd’hui notre dernier jour de repos, à 2h en effet nous nous remettons en route, j’ai un sac terriblement lourd avec ma couverture, tout mon linge, mes conserves, ma pioche et ma marmite. Heureusement je suis bien reposé et je le porte sans trop de mal.

 

Nous remontons dans les bois, on commence à réentendre plus distinctement les coups de fusils et à 4 h quand nous arrivons presque au terme de notre marche, on entend même sur notre gauche une vive fusillade, c’est justement dans cette direction que l’on s’engage dans le bois.

 

La nuit est venue et l’on patauge dans un petit sentier où il y a 30 cm de boue. Quelle marche pénible, on s’arrête enfin après plus d’une heure de marche à la lisière du bois.

La fusillade continue mais elle n’est pas dirigée sur les tranchées que nous occupons. Le 255ème que nous relevons s’en va et nous nous installons à sa place.

Notre tranchée est du reste la plus mauvaise et l’on peut juste s’accroupir. Un moment un projecteur nous illumine, mais les quelques balles qui sifflent de notre côté sont sûrement égarées, J’essaye néanmoins et y parviens à dormir un peu entre mes heures de garde.

Mardi 20 octobre 1914

Un brouillard intense nous cache tout le paysage devant nous. Dans le bas de la côte il y a paraît-il à droite Saint Rémy occupé par les Allemands, à gauche les Éparges où sont les nôtres et domine la fameuse crête imprenable.

Comme tout est caché pas le brouillard la journée se passe sans coup de fusil, on se distrait en jouant aux cartes, j’ai aussi un livre que je dévore.

L’appétit m’étant revenu, j’éprouve aussi du plaisir à manger, c’est triste d’en être réduit à attendre les repos comme distraction.

 

À la nuit, nous changeons de tranchée avec l’autre demi-section qui est installée un peu plus haut, beaucoup plus confortablement, on peut s’y étaler aussi je passe une nuit un peu meilleure.

Mercredi 21 octobre 1914

Rien de particulier, on est bien tranquille dans notre tranchée du haut.

Les cuisiniers sont installés un peu en arrière dans le bois et nous apportent un peu de cuisine chaude, pour avoir de l’eau par exemple, il faut faire tout un voyage.

Il faut descendre à une source près des Éparges, le chemin est à pic et avec cette boue c’est une dure corvée.

 

Vers 3 h, une dangereuse canonnade part de chez nous, mais ne dure pas bien longtemps, on entend même de temps en temps quelques coups de fusil, nous redescendons dans la tranchée du bas avant une attaque, aussi fait-on faire bonne garde aux sentinelles.

Pourtant la nuit est calme.

Jeudi 22 octobre 1914

Comme les autres cette journée se passe à jouer aux cartes et à lire. Quelques obus arrivant près de nous viennent nous donner une petite émotion, mais ce n’est pas sérieux.

 

À 4 h ½, le 255 vient nous relever et nous recommençons la marche dans la boue du 15.

 

Nous arrivons à 7 h à Mouilly. Les bonnes nouvelles circulent.

Les Allemands auraient reculé de 20 km dans l’Oise et une conférence d’ambassadeurs se réunirait pour envoyer les conditions de paix, espérons que c’est vrai.

On se couche dans une bonne grange.

Vendredi 23 octobre 1914

Nous partons vers 6 h.

 

Nous allons occuper une tranchée de 2ème ligne dans le haut du pays.

Le petit pays de Mouilly caché dans le fond de la vallée a l’air très pittoresque avec la forêt qui le caresse. En ce moment du reste la forêt est superbe avec ses feuilles de toutes couleurs allant du vert tendre au rouge brique, mais on n’a guère le cœur à jouir de ces spectacles. Il fait heureusement un temps superbe et l’on peut se reposer au soleil.

 

 

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Photo de la vue générale de Mouilly, prise par Daniel DURAND.

Cliquez sur la photo

 

On travaille un peu à améliorer les tranchées et l’on passe tranquillement la journée à jouer et à lire. La section redescend dîner et coucher à Mouilly.

Samedi 24 octobre 1914

Journée semblable à celle d’hier, un seul ennui, notre lieutenant Parmentier est malade et le lieutenant Fouquet qui le remplace est bien assommant. (*)

À part cela rien de nouveau, et nous n’avons même pas eu confirmation des nouvelles de jeudi, pourtant le bulletin a publié une victoire dans l’Aisne.

 

(*) : Le Lieutenant PARMENTIER est le commandant de la 22e compagnie, Le sous-lieutenant FOUQUET en est son adjoint.

Dimanche 25 octobre 1914

Nous retournons dans nos tranchées jusqu'à 2 h et alors nous nous remettons en route pour les tranchées de 1ère ligne dans les bois. Heureusement que nous avons ce soir la meilleure tranchée car dans la soirée la pluie se met à tomber.

Cela ne nous empêche pas d’être mouillé car l’eau traverse la toiture et il y une heure de garde à monter dehors.

Lundi 26 octobre 1914

La pluie s’est arrêtée ce matin mais sans doute pas pour longtemps car le soleil est bien pâle. Toujours de temps en temps, canonnade de part et d’autre. Il vient aussi une nouvelle peu rassurante, il va y avoir paraît-il une attaque générale d’ici deux ou trois jours, espérons que nous aurons la chance d’être relevés avant que l’ordre arrive.

 

Les feuilles des arbres tombent rapidement et la forêt prend un aspect bien triste.

Nous descendons le soir coucher dans la tranchée du bas. Les sections exécutent des feux de salve dans la direction de l’ennemi.

Devant notre tranchée, nous tendons des fils de fer, la pluie heureusement n’a pas continué.

Mardi 27 octobre 1914

Ce matin, on nous apporte encore de bonnes nouvelles, Lille aurait été reprise et un régiment allemand aurait été anéanti près de Saint-Mihiel.

 

Sancrille aurait répondu par le mot de Cambronne au général allemand demandant un armistice pour enterrer ses morts. Est-ce l’offensive annoncée hier ?

La classe 14 est paraît-il partie.

Je ne me serais tout de même jamais figuré qu’après un mois et demi de campagne, je n’aurais pas tiré un coup de fusil et maintenant j’espère que la campagne se terminera comme cela car tout en étant prêt à faire mon devoir, je ne me sens aucun instinct sanguinaire.

 

Quelques balles allemandes viennent ce matin passer dans notre direction, c’est une sentinelle sans doute qui passe son temps.

 

L’après-midi se passe tranquillement, on arrange un peu les tranchées, on était même trop tranquille car à 5h comme nous mangions la soupe un obus arrive sans doute à quelques pas de nous, on se cache comme on peut.

Une douzaine d’obus sont envoyés, nous recevons quelques éclaboussures et même une tête d’obus, mais personne n’est atteint. Il n’en est malheureusement pas de même partout car à la 4ème section le premier obus a tué le sergent AdelYSE (*) un bon camarade, blessé grièvement un adjudant et légèrement deux voisins. (**)

 

(*) : ADELYSE Jean Marie, sergent, mort pour la France le 28 octobre 1914, aux Éparges, tué à l’ennemi. Il était né à Grandchamp (Morbihan), le 23 février 1889. Pas de sépulture militaire connue.

(**) : Adjudant GRANSILY, blessé, et le caporal COFFIN. Le troisième n’est pas nommé dans le JMO, sa blessure a dû être légère.

Mercredi 28 octobre 1914

Dans notre tranchée du haut nous ne sommes pas très rassurés aujourd’hui, la canonnade d’hier va-t-elle recommencer ?

Il n’en est rien.

 

Du reste à 7 heures, le 255ème viens nous relever, cette relève en plein jour bien qu’imprudente ne nous amène pas plus d’obus, c’est une chance.

Bien contents de partir nous prenons le chemin de Rupt ou nous arrivons à 5h.

Jeudi 29 octobre 1914

Aujourd’hui repos qui ne nous laisse guère de temps à nous.

Le matin on fait exercice de tente.

 

L’après-midi nous allons construire des claies. Je n’ai même pas le temps d’écrire. On fait la chasse aux victuailles car depuis quelques jours l’ordinaire est devenu tout à fait maigre et l’on a un appétit terrible, il parait que l’attaque au plateau de Combres est toujours imminente.

Les artilleurs disent que tout est repéré, qu’ils attendent encore quelques grosses pièces et qu’ils vont partir bombarder, le jeudi on part même miner la côte

Est-ce le 255 qui va faire l’attaque ?

Vendredi 30 octobre 1914

Je reçois deux lettres de la maison, mes parents ont tout de même appris indirectement la blessure de Marcel. Mais ils ne sont pas plus avancés que moi. Je trouve le temps d’écrire deux grandes lettres détaillées que je mets timbrées à la poste.

Nous allons à midi faire des claies.

 

Toute la journée, on entend tonner les grosses pièces, mais je ne crois pas que la fameuse attaque ait eu lieu. Nous allons encore travailler à des claies et le soir nous écoutons le vague concert donné par la musique du 54.

Samedi 31 octobre 1914

Rien de nouveau pour les opérations de notre côté et à 11h nous repartons occuper nos tranchées dans les bois. Laigneault, nommé caporal-mitrailleur nous quitte en passant à Mouilly.

Le 255 a été tranquille pendant ces trois jours. Dans la journée on ne laisse maintenant que deux sentinelles dans la tranchée du bas et nous y allons coucher le soir.

On entend toujours tonner de grosses pièces et dans la nuit on entend juste une fusillade.

Novembre 1914

Dimanche 1 novembre 1914

Pour ce jour de Toussaint, il fait un temps de novembre, que c’est triste de ne pas être en famille pour ce jour, je reçois heureusement une longue lettre de mon père mais toujours rien de Marcel.

 

Toujours des obus passant de part et d’autre mais heureusement ils s’arrêtent mais j’espère nous allons encore passer ces trois jours tranquille.

J’ai écrit trop tôt pour les obus car à trois heures pendant que j’étais en train d’écrire une distribution arrive sur nous. Vite on se blotti.

Après c’est le tour des nôtres qui répondent par un tir rapide.

 

Jusqu’à la nuit d’ailleurs, le duel d’artillerie ne cesse pas. Plusieurs obus arrivent près des cuisines, il en vient deux pendant que j’étais au thé et le retour commençant à m’inquiéter quand heureusement la canonnade s’arrêta.

 

Pendant presque toute la nuit on entend des coups de fusils à droite ou à gauche, mais notre centre est toujours calme.

Lundi 2 novembre 1914

Je prends la garde à 5 heures et il pleut et l’eau traversant notre abri je suis déjà tout trempé.

Je reçois ce matin un colis de 1kg et qui me fait bien plaisir.

 

Le beau temps est heureusement revenu et toute la matinée nous travaillons à faire à côté de la nôtre une tranchée d’abri solide, nous abattons pour cela des arbres de 10 à 15cm de diam. dont nous devons mettre 2 rangées afin de couvrir notre tranchée, 20 à 40 cm de terre avec cela, ça doit pouvoir résister à de petits obus.

Une indiscrétion ou un bruit nous apprend que le plan d’attaque est paru au rapport.

 

Notre brigade doit descendre sur Saint-Rémy pour enlever les hauteurs au-dessus, est ce nous ou le 255 qui se trouveront en première lignes quand l’ordre arrivera ?

Le régiment de réserve occupera je crois les tranchées que nous construisons, j’espère que ce sera nous, mais quoi si il faut aller à l’attaque, je prierais bien le bon Dieu en partant et peut être voudra-t-il avoir pitié de moi en tout cas je tâcherais de faire mon devoir.

Le duel d’artillerie d’hier ne se reproduit pas nos canons tirent mais aucune réponse.

 

Nous allons coucher dans la tranchée du bas, ma place est pleine de boue je suis obligé d’en enlever un énorme tas et de mettre un peu de feuilles pour pouvoir m’allonger.

Les sections voisines tirent des feux de salve.

Mardi 3 novembre 1914

Distribution d’effets

Mon tour de garde arrivant à 6 h je reste dans la tranchée du bas avec deux camarades.

À une heure nous sommes relevés par le 255 et nous allons à Rupt ou tout le régiment est rassemblé, des rumeurs courent d’une grande victoire dans le nord.

Mercredi 4 novembre 1914

On nous laisse tranquilles aujourd’hui.

Je vois Lucien LAISNE et ayant acheté deux boites de haricots, nous en profitons pour faire un repas ensemble avec des conserves qu’il a dans son sac.

Je reçois un colis Roch.

Jeudi 5 novembre 1914

Je réussis aujourd’hui à me faire couper les cheveux.

Le lieutenant Jarbau nous fait une vague théorie sur le lancement des bombes, toujours de bêtes bruits circulent et le soir on nous dit de nous attendre à une alerte. L’attaque doit se faire cette nuit.

Ce serait une chance, mais on attend sereinement la canonnade et la nuit se passe tout à fait calme.

Vendredi 6 novembre 1914

Rien de changé dans notre situation, en effet, il faut se remettre en route pour aller réoccuper nos habituelles tranchées, on s’installe donc comme auparavant dans la tranchée du haut et je fais bien tranquillement une manille.

 

6h, alarme du sergent avec Lalbe et Thiviet quand Hermigant arrive en courant nous dire que l’on attaque, vite on se précipite sur son fourbi, faut-il prendre son sac, non, oui, enfin on l’emporte quand même et l’on descend à la tranchée du bas, il n’y a pas de place pour tant de monde, aussi il faut rester à genoux abrité derrière son sac et des arbres abattus.

 

On entend une fusillade à gauche, pourtant c’est à notre droite que le 67 doit attaquer St Rémy.

Nous nous livrons simplement à des feux de salves sur l’ennemi en face, sans doute pour gêner les mouvements ennemis s’il s ‘en produit, notre artillerie donne assez sérieusement mais les Allemands ne répondent pas.

 

 Enfin je dérouille mon fusil en tirant sur 2 boches qui surement n’auront pas fait grand mal. On fait remonter en haut ceux qui n’ont pas trouvé de place dans la tranchée.

De là-haut avec Lable nous attendons toujours mais rien ne se produit. Sur toute la ligne on tire des feux de salves jusqu'à minuit et le matin se termine dans le calme.

Samedi 7 novembre 1914

La journée est tranquille pour nous mais nous travaillons à notre tranchée-abri.

 

A la nuit puisque c’est notre tour, nous descendons dans la tranchée du bas. Le 67 occupe St Rémy et l’ont fait à ce soir leur cuisine.

À peine sommes-nous arrivés en bas que des balles se mettent à siffler au-dessus de notre tête, puis bientôt on entend une vraie fusillade et des mitrailleuses crépiter dans St Rémy.

C’est une attaque allemande, pour se protéger, nous tirons devant nous des feux de salves. Une lueur que l’on distinguait dans St Rémy se met bientôt à grandir démesurément, on s’aperçoit que c’est l’incendie et au bout d’une heure le village n’est plus qu’un amas de braises.

Les Allemands ont dû descendre en force dans le pays, qui n’étant occupé que par une Cie du 67 ceux-ci, sans doute, se sont défendus vaillamment, mais ont d’évacuer devant le nombre.

 

Les Allemands ont incendiés le village. …. nous restons dans les tranchées. Mon tour de sentinelle vient je découvre alors l’étendue dû brasiers qui éclaire une partie de la vallée que le brouillard plonge dans les ténèbres.

Un moment on entend les trompettes allemandes, puis des hurlements sans doute font-ils quelque charge sur des maisons, un adjudant du 67 a raconté ce matin qu’enfermé dans le presbytère avec quelques hommes il a à 2 reprises repoussé des assauts à la baïonnette ne laissant pas arriver un seul assaillant.

 

On entend aussi à plusieurs reprises des hurlements de douleur et l’on suppose que ce sont les blessés que ces sauvages ont jeté dans les flammes puis une autre sonnerie que l’on suppose être un rassemblement car l’ennemi n’est sûrement pas resté dans le village en feu.

 

Nos canons envoient quelques obus dans leurs lignes.

Des fuyards du 67 s’étant sauvés par la route sont rentrés dans nos lignes. Comme on craint que l’attaque allemande ne reprenne sur la droite les 29 et 21 vont renforcer le 67 et notre section va occuper leurs tranchées, nous restons donc seuls ou nous sommes, aussi faut-il ouvrir les yeux et les oreilles bien qu’une attaque vers nous soit bien improbable.

Mais nous donnons toujours des feux de salves mais rien de nouveau ne se passe sur St Rémy et l’on entend toute la nuit que le crépitement de l’incendie et l’écrasement des toitures.

Dimanche 8 novembre 1914

Vers 1h, je me suis tout de même étendu un peu et me suis endormi.

 

À 3h, je reprends la garde et au petit jour, nous remontons en haut.

Pas encore de renseignements sur les événements de la nuit.

Au rassemblement de la compagnie du 67, il manque parait-il 80 hommes, mais il y en a de sauvés dedans.

 

Pas d’incident dans la journée si ce n’est quelques obus arrivant le soir près de nous pendant que nous prenons le jus et qui nous font rentrer précipitamment dans nos trous.

 

Vers 8h on nous emmène occuper des tranchées de la 21 dont une partie est partie en avant. On craint une nouvelle attaque, mais la nuit est calme, St Rémy achève de se consumer. Les sections de la 21 rentrent dans leurs tranchées et nous-mêmes rejoignons les nôtres.

Lundi 9 novembre 1914

Rien à signaler.

Relève à 2 h, nous allons reprendre nos cantonnements à Rupt.

Mercredi 11 novembre 1914

Séjour à Rupt habituel, mais nous faisons aujourd’hui une heure d’exercice. Il parait que le 255 a laissé prendre des tranchées, ce serait embêtant, nous verrons cela demain.

Jeudi 12 novembre 1914

Nous étions de garde hier soir et ce matin aussi partons nous un peu plus tard, nous arrivons aux tranchées à 2h 1/2. Il y a eu des attaques mais pas sur notre tranchée.

Nous resterons ce soir en bas, comme la position devient de plus en plus périlleuse les Allemands multiplient leurs attaques, nous redoublons de vigilance. Les 2 sentinelles sont placées un peu plus bas et il en reste une devant les armes.

Il fait un sale temps, pourtant il ne pleut pas mais la tranchée est pleine de boue. Que les nuits sont longues, pourtant celle-ci se passe sans alerte.

On entend les Allemands travailler sur la côte en face.

Vendredi 13 novembre 1914

Comme on s’en doutait les Allemands ont dû faire cette nuit des tranchées dans la lisière du bois en face.

 

Ce matin, des sentinelles restées en bas en voient défiler qui essayent de tirer, mais avec la mitraille de tous côtés, ils doivent se taire et se cacher, parfois on les entend parler.

 

L’après-midi nos canons les arrosent toujours, un coin de St Rémy se remet à flamber sans doute atteint par un obus.

Je vais le soir à l’ordinaire, je n’ai pas de chance, il pleut et reviens trempé pour me coucher dans la tranchée mouillée, l’eau traverse le toit mais enveloppé dans ma couverture je parviens tout de même à dormir un peu.

Samedi 14 novembre 1914

On travaille le matin à notre tranchée abri mais l’après-midi la pluie nous en empêche.

Dans la tranchée du bas on passe une nuit plutôt humide agrémentée par de fausses alertes causées par des chevaux en ballade sur la route.

Dimanche 15 novembre

Le soleil brille ce matin, est-ce le beau temps, malheureusement non, la pluie nous reprend quand nous nous acheminons par Rupt ou nous arrivons trempés et bons pour nous sécher, heureusement c’est le cantonnement.

Mardi 17 novembre 1914

Nous passons nos 2 journées à nous nettoyer tellement nous sommes crades, pourtant ce soir le temps se remet au beau.

Mercredi 18 novembres 1914

Il gèle ferme ce matin, cela pique mais c’est tout de même plus agréable.

 

11h en route pour les tranchées, il n’y a plus de boue sur le chemin et en arrivant là-bas nous avons la bonne surprise de voir une cheminée fumer sur notre tranchée abri à peu près tenue par le 255.

L’eau fume encore au travers, comme il y a 2 portes un courant d’air gèle les jambes, les flammes de la cheminée ne donnent guère de chaleur mais c’est égal, en rentrant de garde, cela semble bon de se chauffer les pieds.

Jeudi 19 novembre 1914

Il gèle toujours, on ne peut se réchauffer les pieds.

Il y a dû avoir attaque cette nuit du côté des Éparges et ce matin encore nous entendons les nôtres charger à la baïonnette.

Vendredi 20 novembre 1914

La nuit a été calme dans les tranchées du bas, entre les heures de garde nous montons nous réchauffer au feu en haut.

Toujours des fusillades du côté des Éparges et des balles perdues de notre côté.

Nous aménageons un peu la tranchée abri et nous nous installons pour la nuit d’une façon un peu plus confortable, aussi avec un bon feu cette nuit est beaucoup moins pénible.

Samedi 21 novembre 1914

Nous ne sommes relevés qu’à 3h et demain allons à Mouilly, Rupt étant occupé parait-il par des jeunes de la classe 14, ils devront y rester 4 jours, qui y font un peu d’exercice avant d’aller au feu.

Nous avons un grenier où la paille ne manque pas mais il ne fait tout de même pas chaud.

Dimanche 22 novembre 1914

Je vais faire une visite à l’église les vitraux y sont explosés, une revue m’empêche d’aller à la messe militaire de 9h.

 

À 9h commence le bombardement du pays.

Une dizaine de coups seulement mais ce sont des pièces énormes qui font hélas des ravages. Je crois que ces brutes ont essayé d’atteindre l’église à l’heure de la messe, qu’ils n’ont heureusement pas atteinte car elle était pleine de soldats.

Il y a eu en tout je crois une quinzaine de morts et une cinquantaine de blessés, la 20ème compagnie a été très éprouvée, j’espère que LAISNE n’est pas du nombre. (*)

Le 5ème bataillon quitte Mouilly, quant au nôtre nous allons faire des tranchées abri sur une route encaissée qui est je crois hors d’atteinte. Nos cantonnements n’ont pas non plus été épargnés.

 

Nous rentrons à la nuit pour y manger la soupe et dormir. Un obus est tombé près de l’église dans un groupe de voiture et en a complètement anéanti une dont on a retrouvé qu’un morceau de roue sur le porche de l’église.

Un énorme trou est à son emplacement.

 

(*) : Le JMO du 301e RI signale la perte de 25 hommes (10 tués et 15 blessés) parmi le 301e RI.

Lundi 23 novembre 1914

On retourne ce matin travailler sur la route.

 

L’après-midi je demande à aller à l’enterrement des victimes du bombardement.

Quel tableau dans l’église, 17 corps sont allongés sur des brancards, à la forme de certains on devine que ce ne sont que des débris ramassés les dalles sont pleines de sang et une odeur fétide commence à se dégager de ce charnier.

Le caporal aumônier dit la messe des morts et par quelques vigoureuses paroles nous exhorte à les venger.

 

Pour l’enlèvement des corps, il manque des brancardiers, je me propose à aider et prend les bras d’un brancard pour conduire l’un de ces malheureux au cimetière du soldat qui est à la sortie du pays.

De nombreuses tombes le garnissent déjà mais encore les parents de ces jeunes gens pourront-ils venir prier ?

 

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Groupe de brancardiers de la 16e compagnie.

 

Mardi 24 - Mercredi 25 novembre 1914

Mardi nous nous trouvons encore sur la route de Calonne ce qui n’est gère du repos.

 

Mercredi matin, toujours la même chose mais en nous levant nous trouvons la campagne toute blanche, il a neigé dans la nuit.

Nous partons à 12h pour les tranchées, il fait un peu moins froid mais heureusement la neige ne fond pas encore. Le lieu est bien triste sous ce ciel gris.

Nous faisons la nuit dans la tranchée du bas, nuit calme pendant laquelle nous ne souffrons que du froid aux pieds.

Jeudi 26 novembre 1914

De garde au bois, toujours le même tableau, le soleil brille ce matin et ceux qui ont de bons yeux voient circuler les boches dans le petit bois en face. Dans notre cabane du haut nous réinstallons notre couchette qu’avait dérobée le 255.

 

Ce soir, des hommes descendent dans St Rémy pour coller une affiche, mais surpris par les sentinelles allemandes, Parmentier rentre la gorge percée d’une balle.

Fusillade …. au côté du 255.

 

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Extrait du JMO du 301e RI

 

Le soldat PARMENTIER Maurice (Eugène Guislain) mourra de suite de ses blessures le 28 novembre 1914, en Rupt-en-Woëvre. Il était né le 29 juillet 1887 à Paris. Il est inhumé au carré militaire de Rupt-en-Woëvre, tombe N° 10.

Il a été cité à l’ordre de l’armée :

« Toujours volontaire pour des patrouilles chargées des missions périlleuses, a été mortellement blessé dans la nuit du 26 novembre 1914, au moment où il reconnaissait l’emplacement d’un poste ennemi »

 

Citation indiqué sur le JMO du 301e RI à la date du 29 décembre 1914.

Vendredi 27 novembre 1914

Bonne nouvelle ce matin, officiellement déroute allemande dans l’Aisne. Officieusement, l’Autriche demande la paix.

Attendons.

Samedi 28 novembre 1914

Pas de confirmation de nouvelles dernières, ce soir, il descend une section de la 23e dans St Rémy, on entend une vive fusillade il ne devait pas y avoir beaucoup de boches dans le pays car ils se sont sauvés et nous avons eu juste un sergent légèrement blessé.

Dimanche 29 novembre 1914

Encore la fumée qui heureusement s’arrête dans la matinée.

Nous sommes relevés, je vais aller à Rupt mais ce pays a aussi été bombardé hier, en y arrivant nous partons pour prendre un petit poste guère de plaisir d’autant plus que nous avons bien du mal à en trouver l’emplacement.

Pourtant comme il fait beau on y passe une très bonne nuit auprès d’un bon feu que nous avons allumé en arrivant.

Lundi 30 novembre

Nous sommes très bien ce matin au bord de notre petit bois. Le bombardement de Rupt recommence et nous voyons les habitants se sauver sur la colline en face.

MADANT en apportant la soupe nous apprend qu’il est tombé une quinzaine d’obus mais 4 ou 5 n’ont pas explosés et il n’y pas eu grand mal.

 

Le soir vient et personne ne vient nous relever. Je crois qu’on nous a oubliés, ce n’est pas étonnant, ce poste est abandonné et nous sommes venus là à l’œil.

 

Enfin à 6h on vient nous dire de redescendre, au cantonnement il n’y a guère de place mais on est bien au chaud et à l’abri.

Décembre 1914

Mardi 1er décembre 1914

Nous sommes de service pour guetter les avions mais nous n’avons pas essayé notre adresse. Nous passons donc la journée sur le coteau.

Mercredi 2 décembre 1914

Nous restons tout de même ce matin au cantonnement pour nous nettoyer mais à 11h comme d’habitude le pays est occupé par la troupe. Sur le flanc d’un coteau à l’abri nous allons commencer des tranchées abri qui pourront nous servir pour l’hiver.

Nous avons un nouveau commandant (*) qui a l’air d’un brave homme, depuis 3 jours aussi nous avons un nouveau lieutenant à la Cie.

 

(*) : Il s’agit du commandant PROTEAU, nouvellement promu, il était capitaine au 303e RI.

Jeudi 3 décembre 1914

Encore la pluie ce n’est pas de chance pour retourner aux tranchées et puis voilà que nous allons occuper celles de la 24 à l’éperon de St Rémy qui il parait sont tout à fait mal placées. Nous ne partons pour cela qu’à 3h pour n’arriver qu’à la nuit.

Les tranchées à l’éperon de St Rémy sont tout à fait à découvert et nous avons les boches sur 3 cotés, certaines tranchées sont pleines d’eau mais tombons dans une qui est à peu près sèche.

 

La nuit se passe calme mais on est assis et on ne peut pas dormir.

Vendredi 4 décembre 1914

Je vais travailler à 4h avec Lalbe à la tranchée du lieutenant et nous y restons le reste de la journée, car le jour il ne faut pas sortir de nos trous car les balles sifflent aussitôt.

Il ne vient dans la journée que 4 obus sur le fortin en avant occupé par les autres sections.

 

A la nuit, nous restons avec la nôtre pour prendre la garde, nous prenons 2h et 2 ou 3 fois par nuit, c’est terriblement long, on a heureusement installé un petit réchaud dans notre tranchée.

Samedi 5 décembre 1914

MADANT nous apporte avant le jour notre pain un bout de viande froide et du café que l’on peut heureusement faire un peu chauffer. Pendant la nuit il a encore fallu piocher entre nos heures de garde, quel travail pénible que de patauger dans 30cm de boue. Je tombe de sommeil.

 

Vers 9h, nous recevons un véritable bombardement, deux obus sont tombés dans une tranchée du fortin mais n’ont fait heureusement que quelques blessés. Tous ceux qui l’occupaient se sont sauvés et sont salués par les balles qui partent du bois d’en face.

Je panse un camarade légèrement blessé à la tête qui est venu se réfugier avec nous. Les autres sont restés dans le boyau ? De temps en temps de nouveaux obus rappliquent, pourvu qu’ils nous laissent tranquille la nuit. Gelés et éreintés nous avons tous le cafard.

 

Le soir quand j’étais en sentinelle des coups de feu éclatent près de moi, anxieux j’attends.

Le lieutenant lance une fusée pour éclairer, avec le téléphone il demande des renforts de l’artillerie qui se met à arroser les positions allemandes. Tout rentre ensuite dans le silence ce n’était qu’une patrouille allemande qui alertée a tiré sur les sentinelles.

 

Nous n’étions pas au bout de nos peines, la pluie vers 11h se met à tomber, je prends ma couverture mais bientôt on est traversé, l’eau traverse notre abri et nous nageons dans la boue.

 

 

____________________________

 

 

Samedi 19 décembre 1914

Mon pauvre carnet je t’avais abandonné mais je viens de traverser une triste période et je n’avais pas le courage d’écrire.

 

Le 11 en effet jour de ma fête hélas, j’ai appris la mort de mon frère Marcel et mes parents dans leurs lettres n’en parlent toujours pas et ils voudraient me laisser ignorer cette affreuse chose.

Cette triste nouvelle m’avait en effet bien découragé, il faut pourtant que je réagisse car il faut que je rentre même quand ce ne serait que pour consoler un peu mes malheureux parents.

Je ….. donc les jours passent.

Les 6 et 7 décembre

Au fortin toujours de l’eau, nous sommes de plus en plus trempés et couverts de boue sans abri, la situation est pénible.

Le bombardement ne recommence pas aussi intense.

 

Le lundi soir à la nuit, comme nous attendions le 255, des coups de feu éclatent, c’est une reconnaissance qui tente une petite attaque, nous sautons dans notre tranchée de tir qui est pleine d’eau, mais après quelques feux de salves, le silence renait, le 255 arrive et nous partons.

Nous sommes éreintés, nous allons occuper des cabanes situées près de Mouilly à flanc de coteau au milieu de la boue.

8, 9, 10, 11 décembre

Nous y passons nos 4 jours de repos.

C’est là que j’apprends l’affreuse nouvelle à mon arrivée au détachement du dépôt composé de blessés et d’évacués.

12, 13, 14, 15, 16 décembre

Barbier, le sergent-major m’a désigné pour être homme de liaison auprès du commandant.

Je rentre en fonction au départ aux tranchées et vais avec les fourriers à la côte 340 dans un petit bois de sapin. Mon rôle est de porter des ordres à la Cie qui est retournée à ses anciens emplacements,

Malheureusement il pleut presque tous les jours, et il faut patauger dans la boue.

 

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Photo d’un boyau de la cote 340, prise par Daniel DURAND.

Cliquez sur la photo

 

Le jour de la relève nous apprenons que le 255 est parti dans une autre direction, il faut encore rester 2 jours qui semblent vraiment long.

17 décembre

Nous arrivons au repos qui, cette fois est pour nous à la ferme d’Amblonville entre Rupt et Mouilly.

19 décembre

Encore un jour de repos passé.

 

Le soir nous est encore arrivé un nouveau détachement au dépôt.

20,21 et 22 décembre 1914

La compagnie retourne au Bois Haut et moi côte 340 avec le commandant bien qu’une ligne téléphonique ait été établie aussi je n’ai pas grand-chose à faire.

23, 24 et 25 décembre

La Cie est au repos dans les …. de Mouilly mais je vais coucher à Amblonville avec les fourriers.

Quel triste Noël.

 

Le 24 on nous fait un vaccin anti-thyphique qui rend un peu malade et qui m’empêche d’aller à la messe de minuit que dit dans une grange le caporal brancardier.

 

Je vais le 25 à la grand-messe à Rupt. Les jours de fête qui devraient être des jours joyeux passés en famille sont encore pour moi plus triste que les autres.

 

Le 25 au soir je copiais une pièce avec les amis quand arrive un ordre pour le lendemain matin.

Le 54 et le 6ème bat. doivent attaquer du côté du bois Chanot. (*)

 

(*) : Le 54e régiment d’infanterie et le 6e bataillon du 301e RI

26 décembre 1914

Départ à 5h, rassemblement sur la route aux ..

D’après ma demande le capitaine l’Hosserie me dit de marcher avec lui car nous nous dirigeons vers la tranchée de Calonne et entrons dans les bois derrière l’éperon de St Rémy.

 

À 7h le bombardement commence, il y a parait-il 90 pièces qui donnent aussi est-ce un fracas épouvantable.

Puis le 54 commence l’attaque. Nous attendons à l’endroit où nous sommes arrivés.

Hélas les canons n’ont pas arrêté les tireurs allemands cachés dans leurs tranchées car les pauvres soldats du 54 se font fusiller sans pouvoir avancer.

L’attaque s’arrête puis reprend après une nouvelle canonnade mais toujours sans aboutir. Aussi il est dit à notre compagnie d’aider l’attaque. Ils réessayent la nuit avancée.

La 1ère section s’avance dépasse même dans les bois la ligne du 54 et commence à établir une tranchée et conduit par le génie, la continuera toute la nuit.

 

Dans la nuit vers 2h, les Allemands tentent une contre-attaque, la fusillade est intense mais heureusement les boches sont aussi obligés de se retirer et tout rentre dans le silence.

 

(*) Les pertes du 301e RI sont d’un tué (soldat BERNABÉ) et de 2 blessés.

27 décembre 1914

Deux compagnies s’en vont le 22 et le 23 restent provisoirement sur les emplacements. De temps en temps des coups de canons ou des balles qui sifflent.

Je rentre dans ma section. Nous devons être relevés ce soir ou dans la nuit après avoir continué l’aménagement de notre tranchée. La 1ère section reste le soir en réserve, j’étais installé avec elle dans une cabane quand on vient me chercher pour aller au commandant.

Toute la nuit on attend du général l’ordre de relève mais rien ne vient.

28 décembre 1914

Il faut encore rester là une journée enfin dans la soirée nous quittons tout de même ces lieux inhospitaliers pour aller aux baraques de Mouilly. Je reste à Mouilly avec Lalbe et les téléphonistes.

Cela me semble bon de manger à une table.

29 décembre 1914

Notre repas est de courte durée puisque à 1h nous retournons à nos anciennes tranchées. Je retourne côte 340 et reprend mon petit service pas bien pénible.

30 et 31 décembre

Pas d’incidents, coups de fusils et coups de canons mais nous y sommes tellement habitués.

 

L’année 1915

1er janvier 1915

Nous arrivons à Amblonville, le soir repas amélioré jambon, vin, oranges, champagne.

Cela donne un peu de gaité.

2 janvier 1915

2ème vaccin anti-tiphyque.

3 janvier 1915

Avec quelques camarades de l’escouade nous faisons un petit repas à Ruth.

4, 5 et 6 janvier

La Cie retourne au fortin de St Rémy, il fait un temps épouvantable. J’ai la chance de rester à mon poste côte 340 ce que mes pauvres camarades doivent souffrir là-bas.

7, 8 et 9 janvier

Il y a une quantité de malades à la compagnie, une trentaine du reste sont évacués ne pouvant plus marcher, ayant les pieds gelés. On parle vaguement de repos pour le régiment mais je crois que le moment n’est pas encore venu.

Je vais faire une escapade à Sommedieue avec …. nous déjeunons chez une bonne dame et passons une bonne journée en oubliant un peu la guerre.

10, 11 et 12 janvier 1915

Cie au Bois Haut et moi toujours 340.

Il y a une alerte à St Rémy. Une patrouille allemande blesse grièvement une sentinelle mais le petit poste tue 2 Allemands dont ils gardent les corps.

 

(*) : Le JMO précise : « Une embuscade tendue par la 24e compagnie dans la nuit du 11 au 12, a tué un sous-officier et un soldat allemands. Cette embuscade a eu un blessé. »

Du 13 au 22 janvier

Je passe les 10 jours toujours tranquillement à mon poste à Amblonville, je m’installe tout à fait avec les fourriers.

Avec quelques achats nous améliorons l’ordinaire enfin j’ai assez de bien-être quand le 21 au soir le commandant supprime l’emploi d’agent de liaison.

 

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Daniel DURANT en janvier 1915

 

23 janvier 1915

Bien ennuyé devant rentrer dans la Cie, je m’occupe de rentrer aux brancardiers et bien appuyé par des camarades, j’ai la chance d’y réussir. Ma Cie allant justement à St Rémy il était temps.

On remonte donc avec les brancardiers à mon ancienne cabane à la côte 340.

24 et 25 janvier

J’ai de la chance pour mes débuts, il n’y a pas de blessés pendant 3 jours aussi je n’ai pas grand mal. Le 24 on redescend mais dans une tranchée plus en arrière puis remonte le 25 à la côte 340.

Nous y construisons un nouveau fort, un prisonnier allemand ayant annoncé une attaque générale pour le 24 qui heureusement n’a pas eu lieu.

28 janvier 1915

Je passe infirmier et c’est avec ce nouveau titre que je remonte aux tranchées.

15 février 1915

Nous allons cantonner à Mouilly car la ferme est occupée par le 302 qui vient pour aider à l’attaque des Éparges par le 106. Je vais à Sommedieue dans l’espoir de voir mon père mais il ne peut venir.

17 février 1915

L’attaque est pour aujourd’hui nous allons tenir le bataillon en réserve au côté du 67.

C’est le 106 et le 152 qui attaquent après l’explosion des mines et un bombardement terrible, le 106 monte aux Éparges presque sans pertes.

Attaques et contre-attaques aux Éparges.

19 février 1915

Nous sommes remontés hier aux tranchées, je monte ce matin à 340 et j’assiste à l’attaque de Combres. La canonnade est terrible.

La bataille continue toute la journée. Toujours des avances et des reculs, le 106 est accroché à la crête de Combres. Il y a des pertes importantes et encore plus du côté allemand.

Le spectacle ce matin était terrifiant.

23 et 24 février 1915

Mon père vient à Sommedieue et je vais passer 2 jours avec lui.

18 mars 1915

Je suis au poste d’évacuation sur la route. Depuis plusieurs jours on ne parle que de l’attaque de Combres.

Et puis tout à l’heure à 9h la canonnade qui commence

Du 10 au 17 avril 1915

Les Éparges

 

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Poste de commandement aux Éparges, avril 1915

Photo prise par Daniel. Les soldats n’ont toujours pas reçu le casque…

Du 17 au 23 avril

Nous attendons d’être réformés.

23 avril 1915

Bombardement de Mouilly, 720 obus, les Allemands débordent le 67 et arrivent jusqu’au abords de l’infanterie partie en renfort.

3 brancardiers prisonniers, passons la nuit dans une cave à panser les blessés, Commandant - Artillerie.

24 avril 1915

Nous partons le matin occuper les tranchées de Calonne en passant par Amblonville et les 3 Pins.

Les brancardiers Marchand, Dulin et Lanqueton à 340.

Brancardiers viennent apporter blessés.

Bataillon dans le bois 340 et Bois Haut cèdent.

Nous revenons par les 3 Pins et rentrons à Amblonville.

Régnier, Duchesne, colonel Cdt 3ème Bat tué. Turolle, Julien, Langleton retourner passer la nuit à Mouilly.

 

Nous partons le matin aux 3 Pins, nos troupes reculent encore et nous établissons nous mêmes en arrière et dans l’après-midi nous reprenons du terrain.

Reste du 301 environ 300 hommes qui sont en 2ème ligne. (*)

Amblonville bombardé est évacué. Nous passons la nuit dans notre cabane sur la route.

 

(*) : Le JMO signale qu’il reste au 301e RI 815 hommes, l’état-major ayant quasiment disparu.  Ils étaient 2172 le 6 mars 1915

 

 

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La cabane, après le choc du 24 avril, en réserve.

 

25 avril 1915

C’est calme pour nous, le 301ème n’est pas engagé.

26 avril 1915

Les renforts arrivent toujours et le 301 reste sur la route.

27 avril 1915

Journée semblable. Les Allemands sont bien arrêtés mais nos troupes reprennent difficilement le terrain perdu.

28 avril 1915

Nous établissons un poste en arrière de la route derrière ce qui reste du régiment des troupes algériennes.

29 avril 1915

On vient nous annoncer que le 301 est relevé mais il y a un contre-ordre nous attendons avec quelque impatience la relève.

30 avril - 1er mai 1915

Relève attendue toutes les nuits, toujours décommandée.

2 mai 1915

Le temps se met à l’eau.

Bombardement au poste annoncé.

Relève encore attendue le soir.

6 mai 1915

Nous avons reporté notre poste encore un peu en arrière depuis 3 jours.

Après un violent bombardement les Allemands tentent une attaque qui échoue.

10 au 24 mai 1915

Le 10 mai, le régiment reçoit un renfort de 641 hommes, puis de 511 hommes, le 15 mai.

 

Repos à Dieue

24 mai 1915

Nous revenons à Amblonville.

28 mai 1915

Retour aux tranchées. …. de Mouilly.

 

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Daniel DURAND, Brancardier

3 juin 1915

Nous quittons Mouilly pour le ravin de Ranzières.

9 juin 1915

Nous allons cantonner à Récourt-le-Creux.

10 juin 1915

Marche sur Verdun.

Départ à 2h matin, passons la journée et embarquons à 8h du soir pour arriver à 1h du matin à Suippes dans la Marne.

11 juin 1915

Nous formons à Suippes un bataillon du 315.

 

Mi-juin, le 301e régiment d’infanterie est disloqué. La plupart des soldats partent pour le 315e et 317e RI.

Daniel DURAND part au 315e régiment d’infanterie.

 

Fin du carnet

 

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L’année 1917

 

Reprise des carnets

 

Voir l’album de photos quand il était au 315e RI

 

24 août 1917

Après un stage de 14 mois en DD (*), je suis enfin rappelé au régiment pour y tenir les deux emplois de flûtiste à la musique et d’infirmier à la CMP. Le régiment est au repos à Grand-Rozoy.

 

(*) : DD = Dépôt divisionnaire.

26 août 1917

Dimanche : Mon premier concert

27 août à 2 septembre 1917

Répétition et concert

3 à 9 septembre 1917

R.A.S

9 septembre 1917

Nous quittons Grand Rozoy pour venir à Lesge, concert à l’I.D. (*)

 

(*) ID : Infanterie divisionnaire.

10 septembre

Repos à Lesge, concert, je joue une polka

11 septembre

Départ à 7 h du matin ; je rejoins le 6ème bataillon à Dhuizel, nous montons en ligne ce soir près d’Ostel, arrivée à minuit. Poste superbe d’un ancien commandant d’artillerie boche, secteur assez calme ; avons tout de même un blessé en arrivant.

 

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Les cuisines du régiment à Ostel.

 

13 septembre

Encore deux blessés ; je visite les environs. Nous sommes à un emplacement d’artillerie boche sur une ligne de batteries de 105 abandonnées, il reste quantité d’obus

15 septembre 1917

Nous n’avons pas eu de nouveaux blessés, le secteur est calme et nous sommes aussi bien que possible.

J’ai fait aujourd’hui une grande balade pour prendre des photos des pièces boche abandonnées et détruites.

18 septembre 1917

Visite du médecin chef, installation des couchettes pour blessés, ceci fut mon travail toute la journée. On fait des préparatifs d’attaque dans le secteur, mais je crois que nous serons partis pour la fête.

? septembre 1917

Mauvais réveil ce matin, les boches ont fait sur les P.P. du bataillon un fort coup de main avec un effectif d’environ 70 hommes.

Ils ont enlevé six prisonniers, nous ont fait deux morts et quatre ou cinq blessés.

 

Réveillés à 5 h par la canonnade nous avons passé notre matinée en pansements.

? septembre 1917

Est-ce les révélations des prisonniers qui en sont cause, mais, depuis deux jours, les boches sont beaucoup plus actifs, l’artillerie surtout.

Aujourd’hui même, ils ont pour la première fois sapé dans le ravin que nous occupons, mais heureusement nous sommes bien à l’abri.

 

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Entrée du poste de secours dans le ravin d’Ostel

? septembre 1917

Aujourd’hui vraiment c’est la guerre !

Toute la journée bombardements ininterrompus nous nous y attendions d’ailleurs car l’on s’attendait même à être attaqué ce matin, tout le monde était alerté, les réserves avancées. Il n’en a rien été, mais quel déluge de marmites !

Le matin déjà j’ai dû faire demi-tour en allant chercher mes lettres. .... en voulant passer par la plaine une rafale me fait faire un sacré plat ventre et une deuxième m’a fait prendre le boyau.

 

Dans le courrier….….dans un nuage immense de fumée ou de notre abri, nous ne sommes que spectateurs de ce bombardement bien que tout le secteur soit plus ou moins visé, cette activité inusitée de l’artillerie allemande ne nous dit rien et l’on s’attend à ce qu’ils devancent notre attaque, la perspective de partir en ligne ne me sourit nullement.

Nous sommes relevés de notre poste ce soir pour aller à Ostel. Ce n’est pas sans appréhension que nous en prenons le chemin avec Bourgoin et Mettin mais voyant que la piste est toujours minée nous faisons un détour par lequel nous passons sans accident.

Il y a eu tantôt une vingtaine de blessés et un mort à Ostel.

25 septembre 1917

Cela va mieux que nous ne l’espérions, les boches se sont calmés depuis la bruyante journée du 22 et les craintes d’attaque se sont dissipées.

Le secteur malgré tout est moins calme qu’au début, mais à Ostel nous sommes très tranquilles.

? septembre

Coup de main dans la nuit assez réussi, attaque sans perte, nous ramenons 6 prisonniers.

? septembre

Nous quittons Ostel pour venir à Soupir, d’où les compagnies vont travailler la nuit.

8 octobre 1917

Toujours à Soupir où nous commençons à trouver le temps long, les premiers jours allaient bien, le temps était beau et nous partions nous promener dans le parc du château……. appartenait paraît-il à la famille Calmette mais dont la guerre n’a fait qu’une ruine, d’ailleurs encore imposante.

 

La cave en est encore habitée par le Général aussi les abords immédiats du Château nous sont-ils interdits. Le parc nous reste, mais il est lui aussi tout mutilé, on s’est battu entre ces murs, tranchés et trous d’obus le sillonnent, de beaux arbres sont abattus et des mains vandales ont renversé les statues de leur socle.

À côté d’une grande pièce d’eau, une colonnade est restée presque intacte, l’endroit devait être superbe quand tous les rosiers qui l’environnent, groupés en une savante disposition, étaient en fleurs, à présent par exemple tous ces rosiers sont morts et leurs cadavres s’enchevêtrent piteusement autour de leur monture métallique.

Dans un autre coin du parc, une piscine s’étale au pied d’un coquet pavillon, profitant des beaux jours, j’ai pu prendre deux bons bains forts appréciés après 18 jours de tranchée.

 

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Le château de Soupir et sa piscine

 

 

 

Fini cela maintenant depuis 5 jours nous avons de la pluie. Il fait froid et la cave qui nous sert d’abri n’est guère confortable. J’ai eu la chance de n’aller qu’une fois au travail de nuit, je pense que c’est fini maintenant mais quant à la colline sur laquelle nous comptions chaque heure, je crois qu’il faut encore l’atteindre.

 

Le major nous apprend aujourd’hui que nous devons rester en réserve à Soupir pendant l’attaque peut être n’y fera-t-il pas bon et cela prolonge notre séjour.

Occupé par la photo les 1ers jours, je m’ennuie sérieusement maintenant.

19 octobre 1917

La nuit a été bien mouvementée, bombardements, obus, gaz vésicants

20 octobre 1917

Enfin nous avons été relevés la nuit dernière, c’est heureux car le bombardement est commencé depuis plusieurs jours et cela commence à chauffer dur, j’ai eu en outre la chance de partir en perm ce soir avec toute la musique.

3 novembre 1917

Je rentre de perm, mais contre mon attente, le régiment est remonté en ligne dans les tranchées nouvellement conquise à l’Épine de Chevigny.

Journée bien pénible car j’ai dû de Bazoches monter aux tranchées qui sont dans une mer de boue. J’y arrive fourbu et éreinté. Le terrain est complètement bouleversé par le marmitage qui a dû être terrible, ce n’est qu’une succession de trous d’obus.

Les boches sont passés de l’autre côté de l’Ailette et du canal. Des reconnaissances vont en avant reprendre contact.

6 novembre 1917

Rien d’important depuis le 3.

Nous sommes toujours dans la même sape un abri en béton armé qui devait être une redoute pour mitrailleuse. Nous avons par exemple remonté un pare-éclat devant l’entrée qui était tournée du côté des boches.

Nous sommes exactement sur l’emplacement du Chemin des Dames comme l’on peut en juger par les troncs déchiquetés des gros arbres qui devaient le border. De tout cela il ne reste qu’un chaos informe de trous d’obus et d’entonnoirs.

Les compagnies ont repris contact avec l’ennemi qui est maintenant de l’autre côté de l’Ailette. Les lignes paraissent de part et d’autre se stabiliser sur ces nouvelles positions.

Nous attendons maintenant impatiemment la relève.

7 novembre 1917

Pas encore de relève, nous avons continué l’installation de notre sape et construit devant l’entrée un pare-éclat. Nous sommes un peu plus marmités que les premiers jours, mais ce n’est pas terrible il n’y a d’ailleurs presque pas de blessés.

Il y aura par exemple sûrement des accidents dus aux grenades allemandes débouchées qui traînent dans tout le secteur.

8 novembre

Le bataillon est relevé et viens en 2ème, nous nous installons à Certaux-les-Cavernes.

9 novembre 1917

Encore un déménagement, il nous faut à présent descendre à Ostel où nous sommes d’ailleurs merveilleusement bien et ou nous n’avons rien à faire. La proximité de la coopérative rend Bourgouin beaucoup plus familier.

13 novembre 1917

Retour du bataillon qui descend de Chavonne quant à moi je vais avec deux brancardiers à l’infirmerie de Cys-la-Commune.

15 novembre

J’étais trop bien à Cys. Nous avons encore déménagé aujourd’hui pour monter à la grotte de l’Éléphant. Je me suis choisi à côté un petit abri ou je m’installe en solitaire.

18 novembre 1917

Pas encore de repos, nous remontons en ligne aujourd’hui. Je suis parti le matin pour reconnaître, mais le PS n’est pas changé et je retourne à la sape 5 avec le Major Bourgouin et 4 brancardiers les autres infirmiers restant à Certaux avec le Major Julien.

 

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Poste de secours (PS) du médecin-chef

(Métais, Chassevent, Besancon, Bourgoin)

19 novembre

Je vais à la soupe ce matin avec Guillemet et nous sommes sur tous le parcours passablement marmités.

24 novembre 1917

Séjour aux tranchées terminé, je redescends à Ostel avec le Major Bourgouin, Metais et 4 brancardiers.

28 novembre

Enfin c’est la relève du régiment.

Je rejoins la musique et nous descendons ensemble à Vasseny

29 novembre

Notre joie de nous retrouver a peu duré nous apprenons aujourd’hui que le 315 va être disloquée.

30 novembre

Nous allons avec le CHR à Arcy-sainte-Restitue ou malgré tout nous donnons un concert.

1 décembre

Dernier concert de la musique du 315. Nous sommes tous consternés de nous quitter.

 

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La musique du 315 le jour des adieux

5 décembre

D’après la demande du chef de musique de ce régiment, je suis versé au 369.

C’est ce matin la dislocation générale aussi je me rends avec un détachement du 315 dont font justement parti Legueffroy et Mevart au CDI du 369 qui se trouve à Brange à 3 km d’Arcy. Je retrouve là Longepierre et j’ai ainsi la chance d’être encore avec des camarades.

 

Voir l’album de photos quand il était au 369e RI

14 décembre

Demandé par le chef de musique, je quitte le CDI avec le premier renfort pour rejoindre le 369 ou je rentre à la musique. Aimable accueil de Mme Martin

26 décembre

Nous quittons Nanpteuil. Marche dans la neige et cantonnement à Mont-Saint-Martin.

28 décembre 1917

Départ de Mont-Saint-Martin à 7 h du matin et par un froid terrible. Nous venons cantonner dans des baraquements à proximité de Chambrecy petit bourg dans la région de Reims.

L’année 1918

1 février 1918

Le repos terminé nous quittons Chambrecy, la première étape nous conduit au hameau de Bourgogne entre Ventelay et Bouvancourt nous sommes dans un camp, j’y vois Damien et Gaby qui sont à la musique du 82.

4 février 1918

Nous montons en ligne contrairement à notre espoir.

Nous sommes répartis par bataillon, pour le moment je n’ai pas à me plaindre le 6ème dont je suis est en ligne, mais le poste de secours est merveilleux.

Il est installé à l’entrée d’un tunnel qui conduit jusqu’en première ligne, boisé partout, des couchettes et éclairage électrique. Nous sommes à l’emplacement de la sucrerie voisine de Berry-Au-Bac.

J’ai pris une photo de cette ville, le secteur paraît-il est bon, il tout au moins très bien organisé j’en ai la preuve par ces tunnels. Nous devons faire le service des C.B.D., mais j’espère que nous n’aurons pas trop d’ouvrage.

 

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Vue générale de Berry-au-Bac

 

6 février

Un obus arrive près de notre poste et défonce un abri.

13 février

Changement de poste après départ de la 1ère série de permissionnaires, nous allons du côté de Sapigneul où nous sommes beaucoup moins bien

17 février 1918

Relevé de bataillon, je reviens à la sucrerie.

22 février 1918

Avec le 6ème bataillon, l’équipe de musiciens qui y était affecté et dont je fais partie descend au repos à Guignicourt. Nous devons partir en permission dès que les camarades du 1er tour seront rentrés. Pourvu que d’ici la rien ne vienne démolir nos espérances.

2 mars 1918

Enfin nous partons en perm.

14 mars 1918

Retour bien triste comme d’habitude, plus que d’habitude même, enfin !

17 mars 1918

Le bataillon quitte la 1ère ligne, le 2ème bataillon restant à faire des travaux à l’arrière et le 3ème avec nous descend au repos dans un petit camp installé dans un joli parc à 2 km de Jonchery.

25 mars 1918

Notre repos ne se passe pas comme nous l’espérions.

L’offensive allemande est déclenchée dans la Somme depuis 4 jours, les anglais reculent. Nous avons été alertés cette nuit et nous nous attendons à partir d’un moment à l’autre.

26 mars 1918

Il n’est pas venu d’auto, mais nous sommes partis à pied ce matin pour Chassemy. Nous traversons le pays en musique en passant sur les crêtes de Rosnay et Mery nous apercevons au fond de la vallée les tours de la cathédrale de Reims.

Il paraît que nous devons aller prendre un secteur au fort de la Pompelle.

27 mars 1918

Je vois que c’est bien la bataille de la Somme qui nous attend. Elle fait rage et les Allemands ont avancé de 40 km. Ce matin nous sommes repartis sur la route à 6 h et revenant à peu près sur nos pas nous allons cantonner à Fismes.

Petite ville assez gentille ou il serait agréable de séjourner.

 

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27 mars, le régiment en marche près de Fismes. En route pour la Somme

28 mars 1918

Un bruit de secteur au chemin des Dames était aussi faux que le précédent. Nous sommes repartis ce matin sur la route de Soissons, c’est bien la direction de Noyon.

Nous traversons Braismes toujours en musique. Nous devions cantonner à Sermoise mais sans doute n’y avait-il plus de place car nous nous sommes vus échouer dans d’immenses grottes au-dessus de Ciry.

29 mars 1918

Départ à 6 h encore ce matin et toujours même direction. Plus de doute maintenant nous allons dans la fournaise. Nous traversons Soissons à peu près désert, tout en jouant malgré tout sous une pluie battante. Nous allons cantonner à Amblémy.

J’apprends que le 113ème qui descend de la mêlée est à Vic-sur-Aisne à 6 km d’ici, j’y file bien vite en bécane.

Marius n’est pas rentré de perm, mais j’y vois Sugy ce qui me fait plaisir. En rentrant au cantonnement, on m’annonce que nous partons dans la nuit en camion. Il faut que ça presse d’ailleurs les nouvelles ne sont pas meilleures, l’avance boche continue.

Quel anniversaire !

30 mars 1918

8 h du matin.

Nous avons embarqué dans les fameux camions à 2 h après une bien courte nuit, ils ne se sont pourtant ébranlés qu’à 5 h et après 3 h de chaos nous venons d’arriver à Ressons-sur-Matz.

Partout sur les routes des troupes de l’artillerie, des convois ; la canonnade là-bas fait rage une cinquantaine de pontonniers viennent de passer, il paraît que cela va un peu mieux.

Sans doute allons-nous monter dès aujourd’hui. Tout le monde est grave et silencieux. Un ciel gris et bas ajoute encore une note triste à cette attente quelque peu anxieuse.

Espérons pourtant que tout ira bien !

 

11h, cela ne va pas du tout, les Allemands avancent toujours.

Nous avons reçu brusquement l’ordre de nous porter en avant et après avoir traversé le village de Cuvilly nous sommes venus nous installer à sa lisière dans une sablière.

Les boches sont paraît-il à 3 km d’ici les échelons d’artillerie se replient, je crois que la journée va être dure. Quelques obus arrivant près de nous nous partons à un autre endroit.

 

Les bataillons en ligne de bataille partent en avant. On demande une équipe de musicien par bataillon. Je demande à partir le premier et mon équipe se compose de Delettre, Camille Tom, Bartholomé et moi ; nous partons pour rejoindre le 4ème bataillon. La bataille semble arrêtée.

Nous errons 2 ou 3h sans pouvoir trouver le PS du 4ème. Quand nous le joignons enfin le bataillon se reporte en réserve et nous retournons à l’entrée du parc où nous étions ce matin.

 

La situation s’est quelque peu améliorée ; les boches attaquant ce matin à 8 h avaient avancé de 5 ou 6 km et même pris le village d’Orvilliers mais une contre-attaque du 4ème zouaves les en ont chassés immédiatement. Le régiment n’a donc pas à entrer en action aujourd’hui.

 

Il pleut, nous sommes transis, mouillés et éreintés.

 

À 8 h du soir, le 4ème bataillon se reporte de l’autre côté du village et s’y installe à l’orée du bois. Comme l’infirmerie régimentaire est installée dans la dernière maison du pays nous en profitons pour venir y coucher un moment au sec.

Affamés nous mangeons avec délices un reste de lapin froid que Perrillard a préparé tantôt et nous nous dépêchons de dormir un peu.

31 mars 1918

À 4 h ce matin nous avons quitté notre maison avec le SM du 4ème bataillon, ce bataillon est en réserve, mais les deux autres doivent attaquer à midi.

 

À 11 h 45, du bois où il était, le bataillon se porte en avant du village de Mortemer.

 

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31 mars 1918, midi 5, début de l’attaque sur Mortemer

 

 

Midi moins 5, avec Delettre, Barto et Lacrolle nous sommes avec le 4ème bataillon qui est en réserve.

 

À midi, le 5 et le 6 doivent attaquer.

Le bombardement en ce moment est intense, minutes assez angoissantes. Nous sommes à l’entrée du village de Mortemer une petite excavation dans le talus de la route nous sert d’abris. Les boches ne répondent pas encore, pourvu qu’ils ne déclenchent pas un barrage sur la route où nous sommes.

 

Midi : les balles passent en sifflant au-dessus de notre tête, l’attaque doit être commencée, le canon toujours fait rage déjà de pauvres types doivent être tombés.

Le bataillon traverse Mortemer et le major nous fais signe de suivre.

À la sortie du village nous nous arrêtons, de gros obus tombent dans le pays et déjà des blessés arrivent.

 

Le major installe son PS dans une cave et le premier blessé passé nous l’emmenons à Conchy avec notre poussette. Il y a 3 km d’un pays à l’autre, mais par bonheur la route n’est pas bombardée aussi l’évacuation peut se faire tranquillement.

Jusqu'à 9 h du soir avec Delettre nous faisons 6 voyages soit 30 km.

Le dernier voyage sous une pluie battante et pendant que, les boches ayant sans doute essayé une contre-attaque un formidable barrage de notre artillerie illumine la plaine de lueurs tragiques.

Le bruit de la canonnade est assourdissant.

 

Enfin nous arrivons sans encombre mais bien fatigués. Nous sommes fort heureux de pouvoir manger. Dans une maison de Conchy abandonnée de ses habitants depuis trois jours, Pichon a fait cuire quelques poulets, il nous a fallu par exemple mendier du pain aux artilleurs car depuis deux jours nous n’avons pas de ravitaillement. Comme boisson nous trouvons du cidre en abondance dans toutes les caves.

 

Il y a encore du travail pour cette nuit des blessés et des morts à relever dans les lignes et plusieurs brancardiers ayant été tués et blessés, on demande du renfort à la musique.

Tous se disent fatigués, il y en a peu de vraiment courageux.

 

Repos à minuit avec mon équipe.

Mais à Mortemer tous les blessés sont enlevés, mais il y a encore des morts. Nous en trouvons 9 dans le bois et dans la plaine, figés dans la pose ou la mort est venue les prendre et nous les ramenons à un endroit où ils pourront être enlevés dans le jour.

Travail tragique et émouvant qu’éclaire lugubrement une lune pâle. Par bonheur la nuit est calme et nous n’entendons même pas siffler une balle.

Malgré la proximité de l’ennemi, les combattants dorment tranquilles au pied des arbres. Je me fais le plus courageux possible, mais suis heureux quand même de rentrer à 4 ½ du matin dormir un peu à Cuvilly.

Le régiment a gagné quelques centaines de mètres, mais nous avons 250 à 300 hommes de perte dont une cinquantaine de morts.

 

À la fin de l’après-midi, nous avons assisté à un beau combat d’avion entre 5 français et 3 boches où ces trois derniers sont tombés en flammes.

1 avril 1918

Malgré la fatigue ou plutôt à cause de cette fatigue, j’ai eu peine à dormir. Nous continuons à prendre nos repas dans la maison où Pichon a installé sa cuisine.

Quel pillage dans le pays !

On revit absolument les journées de 1914. Il y a huit jours pourtant ce village abritait encore tous ses habitants qui y vivaient paisibles.

Comme en 1914 on se nourrit de poulets et de lapins, on boit du cidre. Pourtant le ravitaillement et les cuisines roulantes sont installés dans le pays. Il y a encore des morts à amener ici nous devons y aller, mais la route est bombardée et nous attendons la nuit.

Nous nous couchons ensuite dans la maison en haut du village. Le bombardement des lignes à 3 reprises dans la nuit nous empêche encore de dormir.

2 avril 1918

Nous montons au poste de relais du 5ème. Nous installons une tente à proximité du bois sur le chemin de Mortemer.

Deux morts dans la soirée et la nuit.

3 avril 1918

Nous redescendons déjeuner à Cuvilly.

Je me régale d’une bouteille toujours reçue de Neauphle, mais le bombardement du pays nous oblige à l’aller finir à la cave. Il nous faut déménager pour venir dans une maison proche du poste de secours.

Nous nous y installons, je me fais avec Delettre un superbe lit, mais le bombardement continuant nous allons, pour être tranquille, coucher dans la cave du presbytère où je passe ma première bonne nuit.

 

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Cuvilly : l’infirmerie après le bombardement

4 avril 1918 : 12h15

Toujours avec Delettre et Bartholomé nous venons de prendre le poste de réserve, il est revenu à l’orée du petit-bois ou nous étions le matin de l’attaque. Un trou couvert en toile de tente sert maintenant d’abri tout au moins contre la pluie.

L’endroit n’est plus très tranquille, l’ennemi a ramené de l’artillerie et arrose maintenant un peu partout. La grande route que nous prenons habituellement vient d’être terriblement battue, il faudra, je crois évacuer d’un autre côté.

 

6h00 : un bataillon vient d’attaquer, il restait parait-il un coin de bon à prendre.

Comme d’habitude avant l’attaque un bombardement intense et le crépitement de la mitrailleuse nous apprend que l’attaque est partie. Combien de malheureux viennent encore de tomber !

Il pleut quelle tristesse !

L’artillerie boche riposte vigoureusement de grosses marmites semblent arriver dans le coin où nous sommes, je crains bien que l’évacuation ne soit pas aussi facile que l’autre jour. Enfin confiance, j’espère que la providence encore me protégera.

 

Nous avons transporté des blessés jusqu'à minuit.

Évacuation excessivement pénible dans la boue jusqu'à mi-jambe et à travers bois. On se dit des sottises à qui mieux mieux, mais on marche tout de même. Bien que nous ayons progressé le coin du bois n’est pas pris entièrement et il y a eu dix tués et une quinzaine de blessés.

Plein de boue et grelottant on revient dormir un peu sous notre toile de tente, mais les boches bombardent toute la nuit, heureusement pas juste dans notre coin. Nous aspirons après la relève.

5 avril 1918

Restons à notre poste de réserve.

Un accident à la fin de l’après-midi, notre poste se remplit d’eau, il faut l’abandonner et je repêche à grand peine mes guêtres et mes bidons.

Pendant ce temps, nous sommes bombardés plus près que jamais et ma capote accrochée à un arbre est traversée par un éclat.

 

Le 4ème bataillon allant relever le 5ème, le major du 4ème nous laisse une cabane encore sèche, mais il faut s’y entasser dans la nuit avec le personnel du 5ème.

Les boches ont repris leur offensive sur Amiens et on craint qu’ils attaquent par ici.

6 avril 1918

Nous descendons à Cuvilly trajet assez mouvementé car les boches bombardent notre trajet. Le village est aussi continuellement bombardé et nous devons aller déjeuner à la cave.

Violents bombardements du pays toute la soirée. Couchés dans la cave du presbytère nous sommes soulevés par les explosions.

Il se produit un violent barrage de part et d’autre il y a des blessés et il nous faut aller faire un voyage à Mortemer nous sommes en y arrivant sérieusement bombardés, mais je ne reçois qu’une motte de terre sur mon casque.

7 avril 1918

Nous allons au poste de Mortemer avec le 6ème bataillon, quelques blessés dans le pays dont nous amenons un couché.

Le bataillon est relevé le soir et nous revenons coucher à Cuvilly.

8 avril 1918

Nous espérions la relève de la division, mais nous n’allons qu’à 4 h d’ici, la division doit paraît-il rester un mois dans le secteur qui d’après les prisonniers ne serait plus un secteur d’attaque.

Il pourrait donc devenir calme si notre artillerie ne tirait sans arrêt.

9 avril 1918

Nous voici à Lataule petit village à 1500 m de Cuvilly.

Les derniers habitants en partent aujourd’hui. Nous sommes là, je crois, pour 4 ou 5 jours ce sera tout de même un peu de repos mais gâté par la perspective de retourner là-haut.

14 avril 1918

Fini le séjour à Lataule, nous sommes remontés la nuit dernière, relève par la pluie. Malgré une petite attaque du 283ème la route se fait sans alerte.

Le secteur semble d’ailleurs devenir tout à fait calme. Tous les services du régiment médecins chefs, major sont à Mortemer, mais ce pays n’est plus que rarement bombardé.

Je suis de service au 5ème mais notre poste est aussi dans le village et nous avons pour nous 4 une petite cave superbe et solide.

Espérons que les 12 jours que nous devons faire seront tranquilles !

18 avril 1918

6 jours de passés, 2 au premier poste tout à fait tranquille, 2 avec la réserve des musiciens dans une autre maison, après lesquels nous avons déménagé et déménagé aussi l’infirmerie régimentaire qui vont s’installer dans la ferme ou était le colonel Oher et aujourd’hui nous sommes à l’autre poste du bataillon de l’autre côté de la route.

Nous y sommes assez tranquilles, mais ce soir, un obus arrive juste dans la cave du médecin-chef. Il est blessé et le sergent Barbier est tué quelques mètres à côté tombant sur le milieu de la cave ce même obus pouvait tuer une dizaine de musiciens.

Nous allons à ce poste demain j’espère que les boches ne taperont plus si juste.

19 avril 1918

Nous sommes à la ferme pas toujours rassurés surtout après avoir subi un petit bombardement à 9 h ou une marmite vient tomber dans la cour.

 

L’après-midi pourtant est assez calme.

20 avril 1918

Craignant un bombardement à 11 h on nous fait évacuer la ferme mais bien inutilement. Le poste régimentaire doit être transporté le soir à Cuvilly.

21 avril 1918

Nous voici revenu depuis hier soir à Cuvilly, mais nous avons encore passé une bien mauvaise nuit.

Les boches ont envoyé une quantité d’obus à gaz sur les batteries qui sont derrière nous et nous avons dû garder nos masques une grande partie de la nuit.

 

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Infirmerie et église à Cuvilly (Somme)

24 avril 1918

Deux jours passés au poste du bataillon de compagnie et nous voici revenus au poste de secours du régiment. Le nouveau médecin chef ne veut pas nous laisser à rien faire.

Toute la journée, il faut travailler. On démolit ce que nous avions pour consolider la cave. Grande activité d’artillerie et nombreux d’obus toxiques.

25 avril 1918

Nous avons eu au régiment une cinquantaine d’évacués pour intoxication. Nous allons répandre du chlorure de chaux sur les trous d’obus.

Relève du régiment mais pas de la division.

Nous redescendons à Lataule.

1 mai 1918

La division n’est pas relevée et nous remontons ce soir. Nous prenons le secteur d’Orvilliers à droite du précédent. Nous allons au poste de relais dans les bois, la nuit est douce et le rossignol chante. Quelle ironie, il nous faut toute la nuit transporter des blessés du 288 qui ont fait une petite avance dans la soirée et que nous relevons.

4 mai 1918

Nous redescendons à Mortemer nous avons encore transporté des morts ce matin restés sur le terrain depuis les 1ères attaques.

Nous ramenons sur la même poussette un soldat français et un aspirant boche. Quel groupe macabre sur notre voiturette que ces deux cadavres enlacés.

5 mai 1918

Encore une fois je l’ai échappé belle !

Nous travaillons au PC, un avion boche passe à 30m et voit les cuisines.

 

Une heure après nous étions un groupe de 6 sous un sapin, trois obus arrivent autour de nous dont l’un sur un mur à 2m de nous. Ce mur nous a sauvé probablement tous les 6 d’une mort certaine.

Quelle explosion, une violente secousse et dans un nuage de fumée j’entends Camille à côté de moi qui crie :

 

« Je suis blessé »

Un deuxième obus arrive et nous courrons à la cave. Camille est blessé à la tête.

 

Barthaud arrive alors tout trempé, blessé aussi et affolé il a été se jeter dans la mare de la cour, j’étais entre deux, Barthaud a le bras cassé et une blessure légère à la tête.

Tutur contusionné.

Petit-Louis a reçu une pierre au genou.

Delettre et moi n’avons absolument rien.

 

Maman, nous avons de la chance et je rends grâce à la providence.

Mon casque seul est complètement défoncé.

 

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L’arbre fatal du 5 mai

6 mai 1918

Relève au chemin creux près d’Orvilliers.

8 mai 1918

Retour à Lataule. Nous tombons tous malades atteints d’une sorte d’épidémie de grippe infectieuse qui sévit sur la région.

Lataule est plus que jamais bombardé.

12 mai 1918

Le régiment remonte, mais dix musiciens seulement le suivent.

Les autres, dont je fais partie descendent au ravin de Wacquemoulin où nous nous installons sous la tente.

15-17 mai 1918

Je vais passer ces deux journées avec Marius, le 113ème se trouve à 10 km de nous à Antheuil.

20 mai 1918

Encore une fois je suis hier soir remonté à Cuvilly où je reste avec Delettre.

J’espère que c’est pour peu de temps car cette fois ci la relève semble définitivement fixée à après-demain. C’est le 281 où est Georges Valin que j’ai vu à Wacquemoulin qui doit nous remplacer.

23 mai 1918

Nous sommes descendus hier soir à Wacquemoulin.

30 mai 1918

Quittons Wacquemoulin et allons à Monchy-Humières.

31 mai 1918

Alerte. Nous partons ce soir.

1 juin 1918

Nous avons marché toute la nuit, traversé le fort de Compiègne et venons à Saint Crespinaux-Bois. Nous sommes à proximité d’un des endroits les plus terribles de la nouvelle grande bataille.

Enfin nous sommes encore en réserve. Les habitants quittent aujourd’hui le village.

5 juin 1918

Nous croyons venir ici pour nous battre, jamais nous n’avons été si tranquille que pendant ces deux jours. L’avance envoyée devant nous, le régiment resté en réserve à 1km des lignes et nous dans le pays.

 

Saint-Crespin est un village charmant encaissé dans une étroite vallée que dominent deux collines sur lesquelles s’étendent les dernières ramifications de la forêt. Nous étions d’ailleurs trop bien car à l’instant 9 h du matin nous venons encore d’être alertés.

On charge les voitures nous partons encore vers l’inconnu.

9 juin 1918

L’alerte de l’autre jour était fausse. Une nouvelle ce matin causée par l’attaque allemande entre Montdidier et Noyon n’a pas encore motivé notre départ.

Notre nouvelle équipe Paumier, Delettre, Gastepalede et moi, nous montons au 4ème bataillon en réserve sur le plateau.

10 juin 1918

Cette fois ci je crois que c’est sérieux.

Au moment où nous y pensons le moins à midi, l’ordre arrive au bataillon de rentrer à Saint-Crespin.

Le régiment est prêt à partir, les Allemands hier ont avancé beaucoup plus que nous le croyons, l’encerclement de Compiègne est à craindre, quelle misère !

Nous attendons le départ pour l’inconnu.

Nous refaisons à peu près le trajet fait de nuit il y a 10 jours. Il est plus mouvementé car des avions boches nous survolent, il faut à plusieurs reprises se cacher d’ailleurs l’un deux laisse tomber sur nous sa mitrailleuse !

 

Heureusement que des avions français nous suivent, aussi ils nous défendent contre les boches, je crois que nous avons tout de même 4 blessés.

Nous arrivons à Bienville que nous traversons et allons passer la nuit dans les bois au-dessus.

Les boches tirent toute la nuit dans les alentours et des avions ne cessent de nous survoler sans doute pour repérer nos pièces.

11 juin 1918

La nuit n’a pas été fameuse nous repartons ce matin à 4 h.

 

Nous faisons halte à Longueuil-Annel.

Nous repartons une heure après et arrivons à Thourotte où nous nous installons. Nous sommes copieusement bombardé, le bataillon attaque à 3 h, il avance mais entouré, il est obligé de revenir à son point de départ, laissant des morts, des blessés et des prisonniers à l’ennemi.

Nous craignons l’arrivée des boches jusqu’au village, mais ils s’arrêtent heureusement au Matz.

12 juin 1918

Journée relativement calme – je fais des croix pour les morts, peu nombreuses, puisque nous n’avons pas pu aller les relever.

13 juin 1918

Le 4ème bataillon a attaqué ce matin à 4 h aussi depuis ce moment sommes-nous fortement bombardés. La journée pourtant se passe assez bien.

Nous sommes relevés et venons à Choisy-au-Bac. Nous ne pouvons trouver notre cantonnement et errons à travers le village en ruine pendant que les boches le bombardent.

Enfin nous nous abritons dans la 1ère maison venue.

J’oubliais tantôt en gravant l’inscription d’une croix, un éclat est venu me frapper le bras sans toutefois me faire de mal.

14 juin 1918

Nous sommes dans les communs d’un petit château où nous nous installons sous les marronniers.

Les deux premières nuits ont été troublées par de sévères bombardements, mais les jours suivants employés à faire de la musique dans la forêt sont assez agréables.

22 juin 1918

Nous quittons Choisy pour revenir à Venette, bourg à proximité de Compiègne dont il est en somme un des faubourgs. Tous ces pays ainsi que Compiègne sont évacués, mais les boches ont heureusement cessé de nous marmiter.

Nous sommes cantonnés dans l’école et faisons un concert journalier dans les bataillons.

23 juin 1918

Me promenant le soir avec Rouvier, la chute d’un avion français dans l’Oise nous entraîne jusqu'à Compiègne déserte. J’aide au sauvetage de l’avion dans lequel nous ne trouvons plus qu’un cadavre.

Compiègne est bien démoli, et malgré le service d’ordre, est livré au pillage.

25 juin 1918

Le régiment remonte en ligne, nous allons avec le 5ème bataillon en arrière de Mélicocq.

26 juin 1918

Pour un secteur calme que nous avait annoncé le 288, nous avons été marmité ce matin d’une façon peu commune. Avec Delorme, nous avons juste eu le temps d’évacuer notre trou ou nous avons dû après déterrer notre matériel.

10 juillet 1918

Toujours dans le même secteur, mais qui reste à peu près calme, le médecin chef est à Annel, nous avons 4 équipes occupées : deux en ligne et deux relevant.

À Annel, tranquille jusqu’alors, nous avons été bombardé ce soir au moment de monter en ligne.

 

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Les infirmiers à Annel, dans la cour de leur maison

 

15 juillet 1918

Concert sympathique au colonel. L’offensive boche est déclenchée entre Château-Thierry et Massiges je crois que nous avons de la chance d’être ici.

10 août 1018

La division à notre gauche a attaqué et avancé.

 

Ce soir nous partons nous-même en avant. Le régiment doit aller occuper Machemont et même monter sur la crête. Nous allons à Mélicocq d’où nous faisons l’évacuation.

11 août 1918

La crête est atteinte et l’avance paraît-il continue.

2 évacuations encore ce matin. Nous venons de déjeuner dans une confortable salle à manger de Mélicocq et nous attendons l’ordre de nous porter en avant.

 

À 5 h du soir, on se met en route et nous traversons le Matz.

Plus haut sur la pente de la côte voici un peu partout des cadavres allemands, vieux déjà, en voilà 6 sur la route qui nous regardent de leurs yeux vide.

Plus loin trois prisonniers escortés de leurs vainqueurs nous croisent, ils sont tout joyeux.

Nous arrivons au château de Saint Amand, presque au sommet. Château complètement démoli, les abords en sont criblés d’énormes trous de marmite cela tombe encore dans le parc derrière et la traversée de la grande pelouse n’est pas amusante.

Pourtant voici deux blessés nous devons les transporter à Machemont où est le médecin-chef. Il faut les sortir à bras jusqu'à la grille.

Au moment d’emmener le 2ème on s’aperçoit que le pauvre vient de mourir.

 

10 h nous dînons, de gros obus viennent nous secouer dans notre cave.

Je voudrais bien que la nuit soit tranquille.

12 août 1918

La nuit a été calme, nous descendons à Machemont puis Mélicocq et remontons à Machemont.

 

Le soir avec le médecin-chef nous retournons au château de Saint-Amand.

13 août 1918

Attaque et contre-attaque boche ce matin. Il y a néanmoins 20 ou 30 prisonniers, des boches m’aident à emporter leurs camarades. Dans l’après-midi, nous montons aux carrières de Montigny et marchons toute la journée, suis exténué.

 

Le soir, je vais rechercher une équipe au 4ème, trajet mouvementé.

14 août 1918

Les bas-fonds sont complètement noyés dans les gaz et depuis hier il y a une quantité d’intoxiqués, des morts même, c’est affreux.

 

L’après-midi pourtant est calme pour nous.

On aspire après la relève, mais il y a encore attaque demain et les boches sont fermement accrochés dans le massif.

15 août 1918

Attaque de toute la division.

Le régiment atteint tous ses objectifs, fait plusieurs centaines des prisonniers, canons, mitrailleuses mais la journée est dure.

16 août 1918

Je suis au poste de relève dans la côte du château.

17 août 1918

Nous montons au 6ème bataillon dans le ravin de Montigny. Journée dure et dangereuse, les abords du poste et le ravin sont continuellement marmités. Les boches ont contre attaqué ce matin sans résultat.

La ferme d’Attiche reste à nous.

18 août 1918

Nous avons étés relevés hier soir mais simplement des premières lignes. Nous allons avec le médecin-chef au Château de Saint-Amand

19 août 1918

Les tirailleurs qui nous ont relevés ont attaqué ce matin. Nous sommes remontés au canon et je crois que cela ne va guère.

L’attaque n’a pas réussi.

Je vais ce soir au 4ème bataillon qui est en réserve dans un ravin assez pittoresque.

20 août 1918

Le 5 et 6 attaquent. Nous restons en réserve.

Les boches résistent sur la dernière crête dans d’anciennes positions solidement aménagées et défendues.

21 août 1918

Le 2ème bataillon avec lequel nous sommes monte en ligne et nous installons le poste de secours à la ferme Belle Assisse. Dans l’après-midi, nous apprenons que les boches ont évacué leurs lignes.

La division les suit.

Le 369 est en réserve, le 4ème bataillon en réserve du 283.

 

Nous partons à leur suite, nous passons à côté de la ferme d’Attiche sur la crête qui n’est qu’un monceau de ruine, des cadavres français et allemands entre les lignes.

Nous suivons le plateau et allons jusqu'à l’extrémité des carrières. Tout le terrain au-dessus, des tranchées, une ancienne ligne d’artillerie a été terriblement bombardée. Nous sommes dans des grottes immenses, les boches les ont quittés tranquillement car il reste peu de vestiges de leur séjour.

22 août 1918

Nous changeons de grottes et en occupons une un peu mieux aménagée. De là-haut, nous avons un panorama superbe sur la vallée de l’Oise où se distinguent plusieurs villages, Noyon ou se détache la masse sombre de la cathédrale.

24 août 1918

Toujours dans nos grottes, on semble même s’installer sur ces positions.

 

Hier soir pourtant nous avons cru avancer, le 283 avait passé la Divette sans rencontrer l’ennemi, sans doute n’étaient-ils pas loin car nous n’avons pas bougé.

Nous attendons toujours la relève bien impatiemment.

25 août 1918

Je viens au médecin chef, enfin ce soir, la relève !

26 août 1918

Le bataillon a fait la relève en bateau, mais avec les poussettes nous faisons le chemin à pied et venons à Morvillers.

29 août 1918

Nous venons à 3 km de Saint Denis.

6 septembre 1918

Fini trop tôt le séjour à Estrées, je regrette surtout mon voyage projeté à Nanteuil. On nous embarque en camion pour Carlepont, il n’y a que des ruines, pas de cantonnement.

9 septembre 1918

Nous allons maintenant regretter Carlepont ou nous étions très bien installé dans d’anciens abris d’artilleurs, nous repartons ce soir pour Manicamp, c’est encore à 15 km des lignes, mais nous nous rapprochons.

J’attends impatiemment le retour de la 1ère série des permissionnaires partis hier matin.

10 septembre 1918

Nous sommes partis à l’aube cette nuit à 1 h et arrivons à Manicamp à 7 h, il pleut et les ruines du pays ne nous offrent même pas d’abri.

Nous allons nous installer dans des cabanes en dehors du village.

11 septembre 1918

Fini le soi-disant repos nous montons en ligne ce soir.

12 septembre 1918

Nous avons été bombardés toute la nuit, depuis le jour, c’est un peu plus calme, mais il pleut et nous n’avons pas d’abris. Je me suis réfugié dans une tranchée couverte.

Pas de ravitaillement : combien j’aspire après la permission.

16 septembre 1918

Après 4 bien mauvaises journées, nous avons quitté les lignes hier soir pour venir au poste des Jumelles, la nuit n’a pas été meilleure : avions, gaz, obus et pas d’abris, nous n’avons encore pu dormir.

17 septembre 1918

Pour pouvoir dormir enfin, nous nous sommes installés dans des sapes où doit venir le colonel. Quel bonheur de pouvoir passer une nuit en sécurité !

Aussi en ai-je bien profité.

19 septembre 1918

Nous quittons à regret notre sape pour aller le poste d’Aurigny (Suchet est blessé).

22 septembre 1918

Notre séjour à Aurigny s’est assez bien passé, mais ce matin en portant la soupe à Chavy avec Delettre nous avons au retour passé un mauvais moment.

Enfin à 2 h les permissionnaires viennent nous remplacer et nous quittons ces lieux inhospitaliers.

23 septembre 1918

Départ en permission

 

Fin des carnets de route

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Je désire contacter le propriétaire

 

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