Journal de campagne de Jules (Albert) FROTTIER

caporal-infirmier aux 47e et 70 régiments d'infanterie territoriale

6 carnets de guerre période 1914-1919

 

Carnet N°1

Août 1914-Mars 1915 : secteur de Pont-à-Mousson, bois Le Prêtre

 

 

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Préambule

 

Né le 5 mars 1877 à Germigny (Yonne), Jules FROTTIER était de la classe 1897. Il a effectué son service militaire au 149ème régiment d’infanterie d’Épinal du 14 novembre 1898 au 24 septembre 1899. Il était à cette date employé de bonnèterie.

 

Rappelé à l’activité militaire, suite à l’ordre de mobilisation générale du 2 août 1914, il rejoint son régiment d’infanterie stationné à Auxerre.

Il arrive au corps comme soldat de 2ème classe le 4 août 1914, à la 3ème compagnie et est affecté le même jour comme infirmier au 47ème régiment territorial d’infanterie 1er bataillon.

  Il sera nommé caporal infirmier le 22 juin 1916, toujours dans la 3ème compagnie.

  Il passera ensuite au 70ème RIT le 4 février 1918, affecté au 1er bataillon de pionniers du 70ème RIT, 1ère compagnie le 15 août 1918.

  Il sera rayé définitivement des contrôles du corps le 21 janvier 1919.

 

 

 

Alain, son petit-fils nous précise :

 

« Dès son arrivée sur le front, le 4 août 1914, non loin de Pont-à-Mousson, Jules commence la rédaction de ses carnets. Ils seront tenus presque tous les jours jusqu’au 14 janvier 1919. Ces carnets, de petit format, tenaient aisément dans la poche et le crayon à papier se révélait aussi un outil graphique très pratique. Il suffisait de le tailler de temps à autre et on ne risquait pas de manquer d’encre. Il était aussi toujours possible d’en trouver un autre pour le remplacer.

  Quelle était la véritable motivation qui poussait Jules à noter son quotidien d’une manière aussi régulière, voire astreignante ? Voici, textuellement ce que sa fille, Annie, m’a répondu :

  « Tu me demandes pourquoi il a écrit tous ces évènements ?  A l'époque, j'ai cru comprendre que c’était un mélange de plusieurs choses : pour lui, en souvenir de ses copains tombés sous les balles ennemies, pour ses copains qui sont revenus, pour sa femme, pour nous ses filles et sa descendance et puis c'était un dérivatif ; pendant qu'il écrivait, il s'enfermait dans un autre monde, où la réalité devenait une page d'histoire enfermée dans un petit carnet. »

 

  Je partage totalement ce point de vue.

Quand sa fille souligne ce devoir de transmission aux générations futures, c’est précisément aussi dans cette optique que j’ai entrepris la numérisation et la transcription de ces nombreuses pages.

Que les jeunes les lisent, les méditent ! Que cette effroyable boucherie n’ait pas été totalement vaine !

J’ajouterai à cela le rôle quasi thérapeutique de ces carnets qui permettaient à Jules de se libérer par l’écriture de toutes les atrocités vécues. »

 

« Dans ce premier carnet, Jules n’évoque jamais sa famille, son passé. Jamais il ne se plaint. Par contre, il déplore avec amertume les souffrances endurées par ses compagnons d’armes mais aussi parfois, par les soldats ennemis, les « Boches ». Pas de critique non plus concernant les causes de cette guerre, les supérieurs, la propagande qui devait pourtant sévir dans les journaux.

  A noter que Jules est très souvent en compagnie du même camarade « GILTON », une amitié très forte qui transparaît tout au long de ce carnet.

  Dans ce carnet, on peut lire les commentaires très précis de Jules qui relate les faits d’armes de part et d’autre, tout comme un correspondant de guerre peut le faire actuellement dans les médias.

Alors que Jules n’était que 2ème classe, j’ai été souvent étonné par les informations qu’il détenait. La lecture du journal lui en fournissait certaines après coup mais il faut dire qu’en tant qu’infirmier, il côtoyait un officier, le médecin-chef « à quatre galons » qui devait être davantage dans les confidences de l’état-major et lui communiquait ainsi ces informations.

Soulignons aussi l’esprit très curieux de notre aïeul et son bon sens indéniable.

 

La lecture de ce premier carnet m’a permis de rectifier certaines idées fausses que je pouvais avoir.

Dès le 4 août 1914, on assiste à une guerre de position avec des tranchées dans chaque camp. Ne distingue-t-on pas dans les manuels d’histoire : guerre de mouvement puis guerre de position, cette dernière n’apparaissant qu’après la 1ère victoire de la Marne (du 6 au 12 septembre 1914) ?

En plus des aéronefs d’observation, Jules note la présence d’avions en février 1915. Je croyais que l’aviation était intervenue plus tard durant cette guerre. »

 

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La fille de Jules FROTTIER, Annie, a confié les carnets à Alain, le petit fils de Jules.

Alain a numérisé, recopié les 6 carnets, ajouté des commentaires et explications. Les dernières rectifications ont été réalisées par Jean-Marie. Ils comportent probablement quelques approximations, erreurs et surtout de nombreuses interrogations.

 

Moi, Didier (le "Chtimiste"), j'ai essayé de retrouver l'ensemble des soldats, trouver leurs prénoms et la plupart de leur fiche matriculaire.

Si un internaute cherche dans un moteur de recherche un soldat cité avec nom et prénom, il pourra retrouver, grâce à Jules, la vie (et la mort) quotidienne de ces malheureux poilus.

 

Sa fiche matriculaire est visible >> ici <<

Son carnet a été publié aussi ici sur le site Europeana.

 

 

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DÉBUT DU CARNET

 

 

4 août 1914 :

Arrivée à Bicqueley le 6 août.

Nous restons là jusqu’au 11 septembre.

 

Départ à 4h du matin, arrivons à Rosières-en-Haye à 3h du soir après une bonne étape 26 km.

Nous cantonnons à Rosières, abandonné complètement et pillé, 3 maisons bombardées, jusqu’au 15 septembre. Départ à 4 h du matin, (le 1er bataillon), nous laissons le 3ème arrivons à 9h du matin à Villers-en-Haye.

 

Là, nous restons à peu près tranquilles jusqu’au 20 septembre mais ce jour-là commence une terrible canonnade à 6 ou 7 km de nous, sur Mamey. Cette petite ville est occupée par les Boches. Le 167ème a eu 2 compagnies d’anéanties.

 

Jusqu’à 2h du matin, nous soignons les blessés, 45 environ.

 

(*) : Le lieutenant-colonel du 47e RIT reçoit l’ordre d’organiser la défense du bois de la Cuite, face à Pont-à-Mousson. On lui donne temporairement un bataillon du 167e RI et 1 bataillon du 95e RIT.

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Le lendemain 21

Ils sont évacués sur Manoncourt.

La canonnade recommence et continue plus intense que la veille jusqu’à la nuit.

 

A une heure du matin, le médecin chef à 4 galons (*) nous amène 3 voitures de blessés.

 

(*) : Commandant

Le mardi 22

Un ordre arrive et nous partons mais pour revenir le tantôt à Villers.

 

A 13h½, le canon recommence et continue jusqu’à la nuit.

C’était épouvantable, de 4h à 5h ¼, les mitrailleuses et la fusillade et le canon faisaient rage.

 

Aussi dès 6h, les blessés nous arrivent en grand nombre et à 10h du soir, nous en avons bien 200.

L’infanterie était fusillée à bout portant par les Allemands et nous manquions d’artillerie pour les soutenir.

Mercredi 23 septembre

8h du matin, les blessés arrivent en grand nombre et dans cette seule journée nous en avons évacué 309. Des trois centres d’évacuation, Villers, Gézoncourt, Martincourt, le nombre des blessés s’élève à mille.

Le canon tonne de la côte Ste Geneviève pour tenter de détruire les grosses pièces allemandes installées dans la forêt de Puvenelle.

Nous avons bombardé le clocher de Mamey occupé par les Boches et les avons forcés de l’évacuer ainsi que le reste du village. C’est dans ce clocher qu’étaient braquées les mitrailleuses allemandes qui ont été si meurtrières pour notre infanterie.

Jeudi 24 septembre :

Le canon recommence à tonner de la côte Ste Geneviève dès le matin à 7h. On enterre deux blessés réservistes morts en cours de route.

Dans le courant de la journée quelques blessés nous sont arrivés dont deux très grièvement atteints au ventre. Le canon tonne encore du côté de Pont-à-Mousson.

25 septembre :

Le canon tonne à la côte Ste Geneviève de 8h à 9h½ et un peu toute la journée.

Il arrive encore 8 ou 10 blessés qui sont depuis trois jours et trois nuits sur le terrain. C’est effrayant et lamentable de voir ces pauvres soldats. Une odeur de cadavre insupportable se dégage et l'un d’entre eux (fourrier) blessé d’un éclat d’obus à la hanche a des vers qui grouillent dans la plaie.

J’ai tenu la jambe pour que Monsieur le Major VOIX (*) lui nettoie cette plaie.

Ce dernier fut obligé de sortir deux fois tant il était incommodé. Moi je fus dérangé dans la nuit et m’en prends à cela tant je fus remué.

 

(*) : Médecin-major VOIX, du 47ème RIT

26 septembre :

Le canon tonne dans la nuit du 25 au 26.

Une grande bataille se prépare au nord de Pont-à-Mousson.

Le 5ème bataillon part de Villers à 4h du matin pour se porter en avant, nous en faisons autant.

 

A 8h½, ayant attendu les autos de Toul pour évacuer nos derniers blessés si malades, nous arrivons à Dieulouard à 9h½  et à Blénod-lès-(Pont-à-Mousson) à 5h du soir.

(Les lignes sont écrites à notre poste de secours)

Dimanche 27 septembre :

Une batterie de 75 est installée au-dessus de Blénod–lès–Pont-à-Mousson et tire sur la forêt de la (?) côte Ste Geneviève, d’autres batteries tirent derrière nous.

Douze heures, nous sommes assis au bord de la route par un soleil épatant et attendons les ordres.

A 5h, nous allons cantonner à Jezainville  en passant à Blénod (gentil petit pays) à 3km de Pont-à-Mousson.

 

Départ le 27 de Jezainville à 6h et allons prendre position et installer notre poste de secours au nord-ouest du bois de la Cuite.

 

A 7h la canonnade est en train avec une sérieuse fusillade sur notre droite.

 

A onze heures, ça tire encore.

 

De midi à 2h, c’est effrayant d’entendre les canons, jamais nous n’avons entendu ça. Petite accalmie de 3h½ à 4h½ pour reprendre à 5(h) aussitôt jusqu’à la nuit.

Nous passons la 2ème nuit à l’école transformée en infirmerie à Jezainville.

 

(*) : Probablement l'école des garçons, dans le même bâtiment que la mairie au centre du village près de l'église. Actuelle mairie.

Lundi 28 septembre :

Le canon se remet de la partie à 8h du matin et continue toute la journée.

 

Vers 2h½ - 3h de l’après-midi, c’est un roulement épouvantable qui dure jusqu’à la nuit.

Mardi 29 septembre :

Nous restons à Jezainville et n’avons rien à faire, j’ai trouvé le moyen de nous faire faire 3 tartes aux prunes qui nous …

(5 ou 6 maisons démolies par les obus)

…ont fait grand plaisir à tous.

Le canon tonne toujours mais par intermittences. Au loin on entend quelques canonnades, toute la nuit ça continue, après dîner, nous allons voir le départ des coups de canon qui illuminent le ciel à chaque fois.

Ces pièces sont au bas de la côte Ste Geneviève.

Mercredi 30 :

Mêmes positions pour les compagnies (1ère et 2ème, Pont-à-Mousson), 3ème et 4ème dans les tranchées, la 3ème cantonne à Blénod, la 4ème à Jézainville aussi nous restons encore ici.

Nous voudrions bien que cette vie continue jusqu’à la fin de la campagne, car nous sommes très heureux ici.

 

Après déjeuner, ballade à Pont-à-Mousson où nous retrouvons les copains, Marius me dit que son frère Fabius est peut-être tué, il n’a pas de nouvelles depuis le mois d’août.

En revenant, nous entendons les pièces de Mousson et de Ste Geneviève qui tirent sans cesse. Nous étions un peu surpris mais ce que nous ne voyions pas, c’étaient deux aéroplanes allemands dont un descendit avec perte et fracas.

 

Nous rentrons à 4h½ et dînons très bien.

Tout est calme et seulement quelques coups de canon la nuit.

Jeudi 1er octobre :

Beau temps il gèle un peu la nuit, le canon cesse et l’entendons au loin seulement.

Je reçois 4 paquets : mouchoirs, caleçons, maillots, etc…

 

Après déjeuner, nous allons cueillir des poires au-dessous de la forêt de Puvenelle.

 

Vers 2h½ jusqu’à … ( ?), la canonnade fait rage, c’est effrayant d’entendre un roulement pareil. 10 obus éclatent à 1km de nous, mais en l’air, ce sont des français, 10 min après, les Allemands envoient une bordée de l’autre côté de Blénod mais tout près, ils cherchent une batterie installée là depuis quelques jours.

Leur bombardement dure une heure environ puis ils s’arrêtent, la batterie n’est certainement plus là.

La nuit quelques coups de canon.

Vendredi 2 octobre :

Journée calme quelques coups de fusil et de canon dans le bois de Puvenelle. Une batterie (5ème) vient s’installer à Dieulouard pour faire des travaux de siège et installer des pièces enterrées. Les nouvelles sont bonnes.

Samedi 3 octobre :

Le canon tonne au loin, plus rien de notre côté, nous déjeunons très bien et à 1h½, partons cueillir des poires.

 

A 3h, passage d’un avion allemand qui vient faire un tour au-dessus de Jezainville, Dieulouard et retourne ensuite à la frontière en passant au-dessus de Mousson et Pont-à-Mousson.

 

3h½ nous voyons un autre aéro mais celui-là, c’est un Français, il survole nos lignes du côté de Mamey et pousse plus en avant.

Au même moment, on entend des vraies bordées de gros canon.

La nuit est assez calme.

Dimanche 4 octobre :

Quelques canonnades, surtout à la nuit.

Les obus éclatent serrés au-delà de Blénod, dans le bas et sur la côte de Mousson.

 

A 8h½ 9h du soir, le Major VOIX vient nous réveiller et nous faisons partir notre voiture avec le convoi qui se dirige vers Blénod. Nous devons nous tenir prêts à partir à minuit.

Cela ne fait pas du tout notre affaire mais nous sommes résignés à tout et nous couchons tout habillés en attendant les ordres.

Rien ne vient et nous nous réveillons le matin à 6h½.

Lundi 5 octobre :

Journée tout à fait calme, quelques coups de canons vers 4h du soir – nuit tranquille-

Nous continuons toujours notre petit truc à Jezainville. Je déjeune avec CHARONNAT, LEFEVRE, JOLY et HENARD.

Menu de ce repas : potage aux pâtes, bouilli (côte d’aloyau), pommes de terre au lard, rôti de bœuf (rosbif), salade, fruits (pêches, poires, noix), pour terminer thé au rhum.

Mardi 6 octobre :

Toute la matinée calme.

Les compagnies sont toujours dans les tranchées.

M. VOIX est indisposé : c’est M. PICHOT qui vient de Pont-à-Mousson passer la visite.

 

Vers 2h de l’après-midi, nous allons nous promener du côté de Pont-à-Mousson et nous entendons gronder le canon au loin. Une batterie de Mousson envoie des obus aux Boches mais très loin.

 

Nous visitons le château de St Martin aux Fontaines (*), c’est effrayant de voir le travail de nos obus 155. L’orangerie en a reçu un seul, le toit est démoli, les murs également, des poiriers sont projetés à 10m du pied où est tombé l’obus et mis en bois de chauffage, il faut avoir vu ça pour s’en faire l’idée.

 

(*) : Château qui était situé à Blénod les Pont-à-Mousson à la limite de la forêt de Puvenelle.

 

Inscription lue sur le mur de l’orangerie :

 

Aux Français, nos cœurs

Aux Alliés, des fleurs

Aux Allemands, Cambronne

 

 

Ce château a été habité par les Allemands dans les 7-8-9-10 septembre, ils l’ont mis immédiatement en état de défense en faisant des créneaux dans les murs et dessus avec des gazons lorsque le mur résistait trop…

C’est curieux ce que ces types sont ingénieux et vraiment guerriers, ils mettent tout à profit et tirent partie de tout. Tout en établissant leur état de siège, ils pensaient à la fuite s’ils y étaient contraints et pour cela pratiquaient des brèches énormes dans le mur opposé à leurs (résistance) travaux de défense.

Il est vrai que les murs n’étaient pas bien hauts mais il faut compter avec la lourdeur et le manque d’agilité de ces sales Boches, ils savent bien qu’ils ne sont pas vifs.

Ils étaient très bien retranchés là et y buvaient toutes les vieilles bouteilles du château en fumant des gros cigares, quand tout-à-coup notre artillerie arrive.

 

Alors il a fallu tout abandonner et ne pas s’amuser car les 155 allaient se mettre de la partie.

Malheureusement ils sont arrivés quatre heures trop tard et presque tous les Allemands avaient quitté le château pour se retirer dans les bois de Puvenelle distants d’un kilomètre seulement.

Il en est resté quelques centaines sur le carreau au lieu de quelques mille si l’artillerie avait donné 4h plus tôt.

Dans le parc les Allemands ont enterré deux des leurs à côté de la route près de Pont-à-Mousson, il y en a trois autres qui tous ont des fleurs, géraniums, rosiers, etc…de planté sur les fosses et des croix en bois assez larges sur lesquelles leur nom, compagnie  etc… sont inscrits.

Dans une carrière, près de la route de Blénod, il paraît qu’ils en ont bien enterré 150.

Depuis cette date, les Français ont occupé à leur tour le château et c’est petit à petit qu’ils ont forcé les Boches à se retirer.

 

Du reste, le 47ème est venu ici pour les tenir en respect avec des bataillons du 167-8 et 9  du 353 etc…

Ces derniers sont en avant du 47ème, mais tous les jours depuis notre arrivée à Jezainville, c’est-à-dire le 27 septembre, nos troupes travaillent aux défenses des forêts de Puvenelle et de Cuite.

A Cuite, plus d’Allemands, on y construit des tranchées épatantes et des pièces d’artillerie lourde y sont placées, même enterrées par des territoriaux du 6ème de forteresse.

Jeudi 8 octobre :

Journée assez calme. Nous entendons seulement le canon très loin, il fait un temps superbe et a gelé très fort la nuit passée. Heureusement que dans le lit de Madame ANTOINE on est bien au chaud avec HERBERT L.

 

Bon déjeuner avec le docteur VOIX : nous commençons par une succulente omelette au lard, ensuite rosbif, haricots dans la sauce, gruyère, poires cuites et pour arroser le tout, bonne bouteille offerte par le docteur pour nous récompenser de nos bons soins prodigués pendant sa courte maladie.

C’est un homme très gentil mais qui est bien payé de retour…

 

Promenade après déjeuner jusqu’au-dessus de Dieulouard avec GILTON (environ 1km). Nous voyons installer des pièces de 120 enterrées.

Il y en a à Saizerais, ferme du Joli Bois (*), Villers-en-Haye, etc…

Nous rentrons à 5h à Jezainville en suivant le cours de l’Esch.

 

(*) : Cette ferme maintenant disparue était située au sud-est de Villers-en-Haye sur le territoire de la commune de Dieulouard.

HERBERT Louis Charles est natif de Troyes, Il sera au côté de Jules FROTTIER jusqu’en février 1916, où il sera évacué pour maladie (gastrique aigüe). Il ne reviendra plus dans l’unité de Jules.

Voir sa fiche matriculaire (Attention : 3 pages)

Vendredi 9 octobre, samedi 10, dimanche 11 :

Rien de particulier.

Lundi 12 et mardi 13 :

Nous allons en vendange.

Terrible canonnade du côté de Thiaucourt.

Mercredi 14, jeudi 15, vendredi 16, samedi 17 :

Rien de marquant.

Samedi des artilleurs passent avec une pièce de 120 et vont du côté de Mamey.

Dimanche 18 :

Rien à signaler.

Lundi 19, mardi 20 :

Canonnade sur Pont-à-Mousson.

Balade le tantôt avec BIRARD (?).

Émotion après déjeuner : on vient nous prévenir qu’un civil revient du bois, blessé d’une balle par un soldat du 168ème (ivre). Nous allons voir, et apercevons dans la rue un sous-officier bousculant et frappant un homme.

Ils étaient aussi saouls l’un que l’autre.

 

Nous les faisons conduire au poste de police et allons voir le blessé. C’est un homme d’une cinquantaine d’années, il est blessé à la fesse, la balle a fait une coupure telle qu’avec un couteau. La plaie a environ 10/12 cm de long et 4 à 5cm de profondeur.

Nous l’amenons à l’infirmerie où M. VOIX lui recoud la blessure, il fait 5 points avec du crin. Le blessé souffre surtout quand on le pique pour recoudre.

A un certain moment, je me trouve presque gêné et me demande pourquoi. Nous reconduisons le blessé chez lui et pensons qu’il en sera quitte « pour peu ».

 

Dans la soirée les Boches canonnent Pont-à-Mousson et pendant toute la nuit, de mardi à mercredi, le canon tonne des deux côtés. (4000 obus allemands)

Mercredi 21 :

Nous entendons le canon comme la veille et Pont-à Mousson reçoit encore quelques obus. Il en est tombé un sur l’ambulance, a traversé le toit, le plafond, est tombé sur un lit d’infirmier qui heureusement pour lui n’était pas dedans.

Le général JOFFRE est venu à Toul pour sortir les canons que le gouvernement ne voulait pas donner. Il a blâmé les généraux d’avoir laissé …( ?)

Pendant toute la nuit de mercredi à jeudi, le canon ne cesse de tonner.

 

A partir de 7h, nous n’entendons plus rien.

Le 21 :

Le lieutenant LEBEL (10ème compagnie) est blessé en avant de Pont-à-Mousson, il meurt le lendemain (*) et pendant la même attaque, le soldat ROBIN est tué raide. (**)

Ils sont enterrés tous deux à Pont-à-Mousson.

 

JMO du 22/10 : "Au cours d'une reconnaissance sur le mamelon de "Vide Bouteille" …. Le lieutenant LEBEL et un homme de la 10ème Cie sont blessés mortellement".

(*) : LEBEL Léon Nicolas Eugène, lieutenant au 47e RIT, mort pour la France le 23 octobre 1914 à Pont-à-Mousson, par blessure de guerre. Il est né tout près de là, à Dieulouard le 8 /03/1867. Pas de sépulture militaire connue.

Voir sa fiche matriculaire

 (**) : Soldat de 2ème classe ROBIN Arthur Anatole, mort pour la France le 22 octobre 1914 à Pont-à-Mousson, tué à l'ennemi. Il était né à Vaupoisson (Aube) le 6 février 1874. Il est inhumé à Pont-à-Mousson, tombe 19.

Voir sa fiche matriculaire

Jeudi 22 :

Toute la journée passage d’aéros, fusillade sur un Allemand, qui paraît-il, a été abattu. (*)

Canonnade du côté de Thiaucourt, Fey-en-Haye, (l’aviateur français REYMOND est tué il est mort à Toul) et l’observateur blessé.

 

(*) : Pas d'avion abattu à cette date.

(**) : Le sénateur et chirurgien Émile REYMOND est effectivement décédé de ses blessures à l'hôpital militaire de Toul, le 22 octobre 1914. Au retour d'une mission au dessus du front en tant qu'observateur avec l'adjudant CLAMADIEU, son avion de la BL9 s'abat juste entre les lignes au nord de Limey, à quelques km du lieu où se trouve Jules. Le pilote est tué sur le coup et le Dr REYMOND est évacué sur Toul.

Vendredi 23 :

Passage d’aéros de 8h½ du soir.

 

À 10h½ terrible duel d’artillerie, très peu de pertes de notre côté. Un obus tombe à côté de la popote de la …( ?) à Pont qui nous avait quittés la veille de Jezainville.

Samedi 24 :

Rien de bien marquant, le canon tonne toujours du même côté et Pont-à-Mousson reçoit encore quelques obus qui ne font que des dégâts matériels. J’ai pris une bonne friture.

Nous sommes photographiés dans le jardin de M. ANTOINE.

Dimanche 25 :

Matinée calme, après déjeuner photo, même place qu’hier.

 

Le soir, canonnade toujours du même côté.

Lundi 26 :

A 5h du matin, il passe 3 grosses pièces de 120 à Jezainville qui vont prendre position derrière le bois de Puvenelle.

 

A 7h, nous entendons quelques forts coups de canon dans cette même direction. Ce sont les pièces qui viennent d’être installées. L’action commence aussitôt et toute la journée les grosses pièces tonnent. C’est effrayant d’entendre cela.

 

A 4h de l’après-midi, nous montons derrière le pays pour nous rendre mieux compte ; ça cogne dur des deux côtés.

 

Le soir à 9h, continuation ainsi que la nuit.

Mardi 27 :

Matinée calme.

 

Le tantôt, terrible canonnade sur Thiaucourt.

Nous voyons passer deux fourragères contenant 40 obus de 155 chacune.

Mercredi 28 :

Matinée calme.

Après déjeuner, je vais à Dieulouard en voiture conduire trois malades. Le canon ne se fait pas entendre.

Nouvelle conduite d’obus, il se prépare quelque chose.

Jeudi 29 :

Journée assez calme, sauf le soir vers 7h½, un ordre arrive au commandant pour partir le lendemain.

Nous devons rejoindre Pont-à-Mousson après la soupe.

 

Vers 4 heures du matin, un nouvel ordre : départ à 5h½.

Vendredi 30 :

Nous quittons Jezainville, non sans regrets à 6h.

Arrivons à Pont-à-Mousson à 7h moins le ¼ et à 8h, le canon de la côte de Mousson commence à tonner.

 

Toute la journée, la séance continue. Il passe 25 ou 30 blessés du 167ème.

Nous couchons dans une maison de la place Duroc.

Samedi 31 :

Violente attaque sur tout le front : le canon, la fusillade commence dès le matin et fait rage.

On vient chercher tous les brancardiers. Il paraît que la 3ème compagnie a donné et qu’il y a des blessés.

Je suis à une fenêtre de la villa où notre infirmerie est installée, au 2ème étage, je vois toute la manœuvre, c’est vraiment impressionnant, le bombardement se continue.

 

A 2h, passage d’un aéro français, les Boches le saluent de 4 obus mais qui sont 3 km en retard.

 

A 2h½, les Boches envoient quelques obus sur Pont-à-Mousson (et tuent 2 enfants de 4 et 7 ans. (**) et ça cogne toujours sur toute la ligne.

La journée se termine de la même façon.

 

Nous allons coucher chez Mme ANDRE, boulevard Ney, qui nous offre une cerise, il est 8h. (**)

Le canon gronde toute la nuit mais par intervalles assez grands (infirmerie bd Ney, popote Mme MORLOT, bd Ney).

 

(*) : En fait Berthe DUVERDIER et Germaine OLIGER, âgée de 6 et de 5 ans, sont blessées le 30 octobre et meurent respectivement le 1er et le 2 novembre 1914.

(**) : Probablement une cerise conservée dans de l'eau de vie.

Dimanche 1er novembre :

Dès 6h du matin, la fusillade commence.

Nous sortons du lit avec le caporal GILTON.

Nous passons la visite comme d’habitude puis je m’occupe du ravitaillement car hier soir le lieutenant LAMIDE nous a oubliés, volontairement bien entendu et aujourd’hui nous vivons avec notre porte-monnaie.

 

J’ai voulu aller au pain jusqu’à MONTAUVILLE mais il a fallu rétrograder car les Boches nous arrosaient de shrapnels et les éclats tombaient tout près de nous.

Donc j’ai fait demi-tour et suis revenu à Pont-à-Mousson où j’ai trouvé mon affaire.

 

Vers 11h, il y a une violente fusillade au-dessus de Montrichard (*), ça dure à peu près 1h puis il y a un répit. Une batterie allemande cherche nos tranchées. Nous voyons les obus éclater pas bien loin.

La fusillade reprend, on veut enlever une position mais les Boches sont si bien retranchés que l’opération n’aboutit pas à grand-chose sinon qu’à faire ( ?) hommes tués, 80 blessés du 167ème.

 

Vers 3h½, 3 obus tombent derrière l’église St Laurent, rue des Jardins, brisant les vitraux de l’église et nous voyons tout le monde se sauver. (**)

 

A 4h, le bombardement continue des deux côtés mais plus loin sur la ligne Thiaucourt.

 

A la tombée de la nuit, les obus allemands tombent autour de Montauville, d’un autre côté une batterie arrose la côte de Vide Bouteille. (***)

Montrichard. Nous voyons une lanterne se balader dans un bois pendant une heure environ, encore quelques signaux d’espions puisque les environs en sont infestés.

Toute la nuit le canon gronde.

 

(*) : Secteur au nord-est de Pont-à-Mousson vers le haut du Rieupt. On est très proche des lignes du front. Selon le JMO du 47ème RIT, la 4ème Cie a reçu l'ordre le 30 octobre de s'y porter pour y organiser la défense de ce point.

(**) : " Une compréhensible panique parmi les fidèles réunis pour l'office des Morts " commente M. François.

(***) : Lieu-dit au nord Ouest de Pont-à-Mousson entre Montrichard et Boozeville

Lundi 2 novembre :

Toujours du canon.

A 9h ½, une violente attaque se produit dans les bois Le Prêtre qui dure peut-être une demi –heure. Nous ne voyons pas de blessé ce jour.

 

A midi, nous entendons un bombardement de grosses pièces dans la direction de Thiaucourt qui se continue jusqu’à la nuit.

 

A 2h, j’aperçois très loin dans la direction de Thiaucourt un aéroplane qui essaye de repérer les pièces boches. Il est salué de plusieurs bombes qui ne l’atteignent pas et après avoir fait son tour, va atterrir dans les lignes françaises.

 

A 2h ½, un autre aéro paraît dans la même direction, cette fois c’est un Boche, il vient jusqu’au-dessus de Montauville puis retourne et suit toutes les lignes françaises. Ils sont vraiment malins.

Rien de particulier le restant de la soirée, du canon toujours du canon, des éclatements de shrapnels, etc…

Mardi 3 novembre :

A 7h½, nous allons passer la visite à Maidières et devions aller jusqu’à Montrichard mais il fait si mauvais temps que nous remettons la partie.

Nous allons déjeuner à Pont-à-Mousson chez Mme MORLOT pour la dernière fois car après déjeuner nous chargeons la voiture médicale pour nous rendre à Maidières, y installer notre infirmerie au château. (*)

Faisons nos adieux à Mme ANDRE et la remercions de sa bonne hospitalité.

En arrivant à Maidières, 2 shrapnels en avant et en arrière à 2 mètres, j’en ramasse un puis nous continuons jusqu’à l’ambulance.

 

Vers 4h, une grêle d’obus fusants nous tombe de tous côtés sans blesser personne mais nous rentrons prudemment.

Un culot pesant 1 100g tombe dans la cour et entre 25 cm en terre.

 

A 5h ½, tout rentre dans le silence près de nous et nous allons à la soupe.

En avant, le 167ème soutient une contre-attaque des Boches et en tue une grande quantité. Nous couchons dans un bon lit que j’ai dégoté avec GILTON, nous sommes très bien chez M. PIERROT, cordonnier. (Des sales gens qui voudraient tirer profit de leur lit).

 

(*) : Probablement à la "Cour Casenove" à côté de la mairie communale.

Mercredi 4 novembre :

Matinée calme, je reçois l’ordre d’aller passer la visite à Montrichard avec M. PICHOT, je mets le sac d’infirmerie au dos et vais trouver ce dernier à Pont-à-Mousson, avenue Carnot, mais il ne veut pas marcher disant qu’il ne veut pas s’exposer pour rien.

Je reviens donc à Maidières assez content dans le fond et nous passons la visite comme d’habitude. Tous les brancardiers rejoignent.

 

A 11h¼, nous déjeunons chez madame CAUTENER ( ?).

 

A 2h, les obus allemands viennent nous retrouver mais tombent à Montauville. La canonnade continue, à 3h½ une terrible fusillade se fait entendre et nos canons cognent ferme.

Jeudi 5 novembre :

Nous n’entendons plus les Allemands et trouvons cela très drôle. Par contre, notre artillerie a cogné toute la nuit et toute la journée.

 

A 4h½, une de nos mitrailleuses tire 5 bandes de 25 cartouches et puis c’est fini.

Vendredi 6 novembre :

Rien d’intéressant, sinon qu’à la 9ème compagnie (*), une patrouille a eu un tué et un blessé.

 

Dans l’après-midi, nous allons à Boozville (**) et Montauville avec GILTON.

 

(*) : Le JMO du 5 signale qu'une section de la 9ème Cie est allée occuper le secteur de la "Porcherie" entre Montrichard et la Moselle.

(**) : Quartier à l'ouest de Pont-à-Mousson le long de la route allant vers Montauville. Lors de la guerre de 1870, les troupes allemandes y ont construit des maisons en pierre pour abriter leurs troupes.

Samedi 7 novembre :

Rien à signaler.

Dimanche 8 novembre :

On s’emmerde !

 

Vers 3h, les Boches envoient quelques percutants, les nôtres répondent mais ce n’est pas sérieux.

 

La nuit, vers 11h, les Boches recommencent, envoient plusieurs obus sur Pont-à-Mousson et tuent dans leur lit une jeune fille de 20 ans et un gosse de 4 ans. (*)

Il en passe quelques-uns au-dessus de la maison qui nous abrite mais ils éclatent un peu plus loin.

 

(*) : Emma PAULIN et son neveu Raymond PAULIN, habitant au début de la rue St Laurent.

Lundi 9 novembre :

Rien d’intéressant.

Après déjeuner, nous allons faire un tour à Pont-à-Mousson.

Mardi 10 novembre :

Rien d’intéressant, nous entendons toujours le canon.

Mercredi 11 novembre :

La journée est assez calme mais vers 5h½, nous entendons quelques coups de fusils partant du Bois le Prêtre puis comme une traînée de poudre tout le front se met à tirer et c’est une fusillade infernale qui dure aussi intense pendant 2 heures puis il se produit quelques intermittences et toute la nuit, ça continue.

Le canon se met de la partie et c’est vraiment épouvantable surtout par une nuit aussi noire, on ne voit pas à deux mètres. Nous ne savons pas si nous voulons nous coucher.

 

Enfin vers 11h, déshabillés, nous nous décidons et dormons à peu près jusqu’à 6h le lendemain.

Jeudi 12 novembre :

Un peu plus tard que la veille, la fusillade recommence, aussi intense et terrible, des balles viennent taper dans une maison voisine de celle où nous couchons.

 

Vers 2h du matin, une canonnade terrible se fait entendre.

Vendredi 13 :

Journée calme.

Samedi 14 :

Matinée assez calme, à partir de midi, une très vive canonnade se fait entendre des deux côtés. Trois sapeurs du génie qui sont avec nous sont blessés.

 

Le soir, nous apercevons encore une lueur d’incendie. Il paraît que c’est Fey-en-Haye qui brûle comme la veille.

Nuit assez tranquille- …( ?)

Dimanche 15 novembre :

Journée assez calme quoique le canon tonne encore toujours surtout du côté de Fey-en-Haye, Thiaucourt, ce sont de grosses pièces.

Lundi 16 novembre :

Pluie torrentielle qui dure depuis hier soir à 6h.

Nous plaignons sincèrement les pauvres types qui sont dans les tranchées. Que nous sommes donc heureux, nous autres infirmiers, de coucher dans un bon lit et d’être à l’abri.

 

Vers 9h, nous entendons des coups de grosses pièces et une très forte canonnade du côté de Thiaucourt qui dure jusqu’à 1h.

Je fais entrer MOREY à l’infirmerie.

 

Vers 11h½, il y a un duel d’artillerie qui dure jusqu’à 3h.

Les Boches nous envoient des marmites (*) dont 4 tombent tout près de Boozeville, d’autres près de Montauville, les vitres du château tremblent. Un culot probablement passe en sifflant dans la cour aussi fort qu’un obus entier, je ne sais où il est tombé.

 

(*) : Dans l’argot des combattants, désignation des projectiles allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer (v.) sans doute en raison de leur forme et de leur poids.

Mardi 17 novembre :

Rien de particulier.

 

Le soir, nous apprenons qu’un sergent du 95ème est tué dans les tranchées et le matin à St Martin, un homme est tué dans son lit.

Mercredi 18, jeudi 19 :

Rien d’important

Vendredi 20 novembre :

A 3h moins le quart, passage de 340 bleus de la classe 14 qui vont renforcer un bataillon du 167ème, ça fait plaisir de les voir passer, ils sont fort bien portants et partent avec entrain.

Mais dans le fond ça vous peine de voir ces pauvres petits gars aller à la boucherie.

Samedi 21 novembre :

Rien d’intéressant (il fait très froid).

Dimanche 22 :

Au réveil, 6h ½, nous entendons une forte canonnade du côté de Thiaucourt et de Nancy. C’est un roulement continu comme aux grands jours.

Il y a certainement des attaques des Boches, nous saurons cela ces jours-ci.

 

A 3h de l’après-midi, ça dure toujours. Nous entendons très bien en revenant de voir un malade à la 9ème compagnie. (10° au-dessous de zéro).

 

Vers 4h, les tranchées de la 3ème compagnie sont arrosées par les Boches. Un percutant tombe juste sur la tranchée du sergent GARNERIN qui se trouve littéralement enterré.

Le sergent HUGOT se précipite pour le sortir de là mais un autre percutant arrive et HUGOT a juste le temps de se coucher.

Il est blessé au mollet par un éclat. Sa gamelle est complètement aplatie et c’est étonnant qu’il n’a pas été coupé en deux.

Un soldat est également contusionné mais ce n’est rien, ainsi que le sergent GARNERIN.

 

(*) : Type d’obus qui éclate lors du contact avec le sol.

Lundi 23 :

La 12ème compagnie arrive (*), venant de Pierre-Latrède, je serre la main à ESTIVALET et DAVID de Troyes, capitaine DOUINE. Nous les prévenons qu’ils ont mangé leur pain blanc le premier et qu’ils vont savoir ce que c’est que la guerre.

 

(*) : En effet, le 2e bataillon (5e, 6e, 7e et 8e cies) et la 12e cie (restée au fort du Charrot) du 47e RIT quittent Toul pour venir relever le 3e bataillon au Bois-le-Prêtre.

Nuit du lundi au mardi :

Les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème arrivent et vont prendre l’emplacement de la 1ère, 3ème, 10ème et 11ème qui vont se reposer en arrière.

Mardi 24 :

Forte canonnade sur St Martin.

Mercredi 25 :

Rien à signaler.

Le soir, à 9h, une grosse pièce de 155 tire sur un ravitaillement, route de Metz-Thiaucourt. Cette pièce est si près de Maidières que les vitres des maisons environnantes sont cassées. C’est une pièce neuve, une roue se brise au 19ème coup.

Elle devait en tirer 20. La roue est remplacée le même jour.

Jeudi 26 :

Rien à signaler, je prends un bain à Pont.

Vendredi 27 :

Rien à signaler.

Samedi 28 :

Rien à signaler.

MOREY quitte l’infirmerie de Maidières pour retourner à sa compagnie.

Dimanche 29 novembre :

Balade à Jezainville le tantôt, bien reçu partout comme d’habitude, rentrons en voiture vers 5h avec VERNHES, GILTON, CHARTON et DARGENT.

 

Nous avions bien mangé le midi.

VIDAL nous fait manger un poulet qu’il a reçu et paye ensuite une bonne bouteille, c’est le 18ème anniversaire de son mariage.

Lundi 30 novembre :

Violentes canonnades sur Thiaucourt qui dure toute la journée.

Mardi 1er décembre :

Violentes canonnades au N.E. de Pont-à-Mousson, toujours même direction

Mercredi 2 décembre :

Toujours le canon même direction peut-être St Mihiel, verrai le journal

Jeudi 3 décembre :

Toujours du canon même direction, on parle d’attaque de notre part.

 

Le soir un convoi de munitions monte sur Montauville.

Vendredi 4 décembre :

Assez forte canonnade sur nos batteries de Puvenelle.

Quelques shrapnels (*) éclatent au-dessus de nos tranchées et des mitrailleuses. Le 2ème bataillon va connaître le sifflement de ces obus.

 

(*) : Arme anti personnelle : obus rempli de projectiles, du nom de l’inventeur du minuteur qui provoque l’explosion, le général anglais Henry Shrapnel. L’orthographe du terme est variable dans les témoignages.

L’obus libère 200 à 300 balles de plomb capables de percer un crâne non casqué. Par extension, on appelait aussi shrapnells les éclats d’obus.

Samedi 5 décembre :

Toujours le canon, même direction.

Dimanche 6 décembre :

Journée calme.

 

Le soir vers 4h, les Boches envoient 5 ou 6 obus sur Pont-à-Mousson. Le point visé devait être la gare, un de ces obus tombe sur la villa Bonnette et y met le feu.

Malgré les secours tout est brûlé au 1er étage. On sauve pas mal de mobilier.

Lundi 7 décembre :

Vers 8h du matin, nous attaquons le Bois du Prêtre, l’artillerie seulement.

Nous avons des pièces qui cognent un peu partout.

La fusillade entre en jeu et toute la journée, c’est un vacarme émotionnant.

 

Nous apprenons que le Génie a trouvé le moyen de placer des pétards de 10 kg de mélinite (*) très près des tranchées allemandes et que c’est eux qui ont ouvert le feu en faisant éclater ces pétards. Les détonations ont été si fortes que tout a tremblé dans les tranchées boches et que ceux-ci, épouvantés, ont délogé vivement.

Cette manœuvre a permis de prendre 5 tranchées et de faire 20 prisonniers.

 

Vers 3h de l’après-midi, les Boches font une contre-attaque et viennent 2 bataillons en rangs serrés, les nôtres qui sont dans les tranchées les reçoivent avec tous les honneurs qui leur sont dus. Nous avons eu 5 tués et 20 blessés.

La bataille dure le reste de la journée et toute la nuit la fusillade se fait entendre. Ce sont les nôtres qui tirent pour empêcher tout retour offensif.

 

(*) : Explosif brisant à base d’acide picrique, mis au point en 1885 par le chimiste Eugène Turpin. Elle est de couleur jaune paille, d’où son nom (« méli », miel en grec).

Description : Description : Description : 1.jpg

 

Mardi 8 décembre :

Le Génie emporte encore des pétards pour recommencer mais sans savoir s’il va pouvoir. Matinée assez calme mais à 1h, une violente fusillade éclate, c’est certainement une attaque mais de la part de qui ?

 

Le canon s’en mêle et le duel dure jusqu’à 4h après-midi. La fusillade a cessé au bout d’une demi-heure. Nous suivons tout cela du haut du château de Maidières.

Le 2ème bataillon va savoir cette fois ce que c’est que la guerre.

Nous avons eu environ 35 blessés.

Mercredi 9 décembre :

Même journée que la veille, attaques et contre-attaques jusqu’à 10h du soir, le canon fait rage des deux côtés.

Jeudi 10 décembre :

Matinée assez calme, notre artillerie commence à tirer à 11h½ et jusqu’à 5h du soir, c’est une canonnade sans arrêt.

 

La fusillade ne cesse de l’après-midi.

Le deuxième bataillon commence à en avoir assez.

 

Il arrive vers 3h une section de brancardiers de la 73ème DR (*). Ils ont 3 grandes voitures et 3 petites qu’ils remisent dans la cour du château.

Les Boches ont reçu la frottée dans le Bois Le Prêtre, nous avons pris la Fontaine du  Père Hilarion et passé de l’autre côté.

Cette position nous a été chaudement disputée, nous avons perdu 40 à 45 hommes et 45 blessés. Les Boches en ont eu au moins 800 à 900.

Le champ de bataille était épouvantable à voir. Tous ces pauvres Boches étaient dépecés, ils étaient en bouillie, la tête séparée du tronc, les bras d’un côté, les jambes de l’autre, les entrailles sortant de tous côtés etc…

Dans l’attaque du Bois Le Prêtre, nous avions des canons de 90 dans les tranchées qui tiraient à mitraille sur les tranchées ennemies d’une distance de 100 à 150m. C’était épouvantable, tout sautait, les hommes ont été littéralement broyés. Les chênes et les hêtres de la grosseur d’une demi-pièce de …

 

(*) : 73e division de réserve.

Vendredi 11 décembre :

Retour des 1ère, 3ème, 10ème et 11ème Cies, départ du 2ème bataillon.

Journée absolument calme.

Les brancardiers vont enterrer nos morts. Passages de plusieurs aéroplanes boches.

Samedi 12 décembre :

Matinée assez calme mais le tantôt le bombardement commence. Il paraît que nous attaquons le bois de Mortmare.

Jamais nous n’avons entendu pareil roulement. C’est dit-on, 125 pièces d’artillerie, dont beaucoup de gros calibres qui crachent et 40 Rimailho. (*)

Cette canonnade dure jusqu’à la nuit. Toute la nuit, on entend les coups de canon mais moins rapprochés.

 

(*) : Canon français court de calibre 155, du nom de son concepteur.

Dimanche 13 décembre :

Le bruit infernal recommence à 7h½ pour se continuer toute la journée.

Lundi 14 décembre :

Toute la nuit le canon a tonné, direction Thiaucourt.

 

A 7h, la canonnade se corse, nous entendons nos 155 qui font trembler les maisons. Les brancardiers de la 23ème s’en vont à Manonville. La canonnade devient terrible sur le bois de Mortmare.

Deux Cies françaises sont faites prisonnières…

Mardi 15 décembre :

Matinée calme.

 

Dans la soirée, vers 3h½, une violente contre-attaque a lieu toujours même direction et nos pièces crachent violemment pendant une heure environ.

 

La nuit, toujours pareil du canon.

Mercredi 16 décembre :

Rien de bien important

Jeudi 17 :

4 sapeurs du génie sont tués au travail, ils sont enterrés à Maidières.

Vendredi 18 :

Rien d’important à signaler.

Samedi 19 :

Idem.

Dimanche 20 :

Comme tous les dimanches, les Boches gratifient Pont-à-Mousson de 3 ou 4 obus qui, heureusement, ne font pas grand mal.

Lundi 21 :

Une compagnie de territoriaux du 13ème génie vient pour remplacer celle de l’active du 10ème dans ses travaux car cette dernière va se porter plus en avant pour faire des travaux plus importants de sape et de mine. (*)

On réquisitionne les caves de Maidières pour réfugier les habitants de Pont-à-Mousson en cas de bombardements.

 

(*) :

Sape : Dans le vocabulaire de la guerre de siège, la sape est une tranchée profonde (parfois couverte, mais jamais souterraine) permettant la circulation à l’abri des vues. Dans la guerre des tranchées, ce sens correspond généralement à celui des boyaux (v.) et le terme de sape est souvent improprement employé pour désigner galerie souterraine pour fourneaux de mine ou abri souterrain.

Mine :

Charge d’explosifs que l’on amenait sous la tranchée ennemie afin de la faire exploser. Les mines étaient placées dans des galeries souterraines (v. Fourneau), creusées à cette fin par des troupes spécialisées, les sapeurs (v.). Par extension, on désigne comme la « mine » l’ensemble du cheminement souterrain creusé par l’assaillant jusque sous la position adverse pour y aménager une chambre de mine. Ce type de guerre était très craint des combattants, comme de ceux chargés de placer les mines.

Mardi 22 décembre :

Rien d’important- Passage de plusieurs aéroplanes

Mercredi 23 décembre :

Arrivée d’artillerie coloniale : 6 pièces de 95 et 2 pièces de 120 de longueur.

Jeudi 24 décembre :

Nous faisons réveillon avec VERNHES qui a fait la cuisine et PIERRE.

Dans le tantôt le château de Paquelle reçoit 35 obus. Les brancardiers de la 4ème Cie ainsi que notre major.

Les premiers étaient allés chercher un blessé du 167ème. Le second était allé à Montrichard déjeuner avec M. DOUINE, capitaine de la 12ème. Tous ont été obligés de descendre à la cave.

Menu du réveillon :

Potage-Pâté viande-oie fricassée-petits pois-oie rôtie-pruneaux-tarte-Moulin à Vent (*)-café-rhum.

 

(*) : Vin du Beaujolais

Vendredi 25 décembre :

Noël : nous mangeons les restes en ajoutant filets de maquereaux, saucisson et andouilles de Jézainville etc... etc…

Samedi 26 décembre :

Rien d’important.

Dimanche 27 :

Bombardement hebdomadaire de Pont-à-Mousson.

Lundi 28 décembre :

Matinée assez calme mais vers 2h moins le quart, en fumant un cigare du petit Noël avec GILTON, dans le jardin du château, nous manquons d’y rester. Un obus arrive en sifflant, je croyais le recevoir sur la tête, voyant qu’il ne passait pas, nous faisons un plat ventre dans l’allée et les shrapnels claquent et s’éparpillent autour de nous.

Nous nous relevons aussitôt et rentrons au château, il était temps, un autre shrapnel vient claquer au-dessus et 2 percutants font leur trou à 25m d’où nous nous étions couchés.

D’autres obus claquent un peu dans toutes les directions puis tout se calme.

Mardi 29 décembre :

Rien d’important, nous couchons chez M. ROBIN.

Mercredi 30 décembre :

Rien d’important.

Les marins (*) arrivent à Maidières.

Je suis vacciné contre la typhoïde. Je passe une nuit terrible, j’ai la fièvre et ne puis dormir.

Toute la nuit le canon tonne. Vers 1h½ / 2h, c’est épouvantable.

Après ça cogne moins fort.

 

(*) : Les fusiliers-marins ou des artilleurs de marine.

Jeudi 31 décembre :

Je me lève à midi, et déjeune légèrement, ça va mieux.

Toute la journée, jusqu’à la nuit, c’est le vacarme du canon. Il passe des aéro et un dirigeable. (Arrivée des canonniers-marins)

Vendredi 1er janvier 1915 :

Rien à signaler de particulier.

Nous avons bien déjeuné, toujours le canon.

Du samedi 2 janvier au mercredi 6 :

Rien à signaler.

Jeudi 7 janvier :

SAVARY est blessé à la cuisse par une balle à galette…( ?)

Vendredi 8 janvier :

Le Génie, qui travaille au bois Le Prêtre, entend dans la nuit les Boches travailler au-dessous d’eux.

Immédiatement, ils s’en assurent préviennent le lieutenant qui prend des dispositions, demande de la … ( ?) etc…

Mais tout cela demandait beaucoup de temps alors un homme s’offre à aller voir dans la tranchée boche ce qui se passe.

Il tombe comme la foudre au milieu de 6 ou 7 Boches dont 1 officier, un sous-officier.

Le premier fonce sur le sapeur en l’apercevant mais ce dernier ne lui donne pas le temps d’arriver jusqu’à lui et saisissant un fusil boche à sa portée tue l’officier. Maintenant c’est le tour du sous-officier qui est allongé d’un coup de … ( ?) malgré ses supplications.

Et les hommes se rendent ensuite.

Aussitôt débarrassé des plus encombrants notre sapeur avait coupé le cordon ou plutôt la mèche bickfort.

Il était temps, nos 90 placés dans nos tranchées étaient bel et bien minés et prêts à sauter.

 

Ce sapeur sera cité à l’ordre du jour et décoré.

Ensuite nous attaquons, faisons sauter leurs tranchées et avançons de ce que nous avons voulu. Il y a eu malgré cela quelques tués chez nous et des blessés.

Samedi 9 janvier :

Les marins amènent et placent une pièce de marine de 164.7. Quel morceau !

Au moins 8m50 à 9m de long et pesant 7000 kg. Avec cela, ils vont tirer sur Metz, sur les voies ferrées.

Je suis vacciné pour la 2ème fois et très malade.

Dimanche 10 janvier, lundi 11 :

Le concert de tous les jours.

Mardi 12 :

Aujourd’hui, bombardement en règle de Pont-à-Mousson. Des obus tombent un peu partout, sur la Poste, sur la « Nativité » etc…

Nous avons à Paquel un territorial de la 12ème de tué (*) et 2 blessés (dans la cave), à Montrichard 3 blessés mais contusionnés seulement.

Il nous arrive des malades de tous côtés. C’est navrant…

 

(*) : Le nom de ce soldat n'est pas dans le JMO

Du mercredi 13 au vendredi 15 :

Rien d’important, toujours des obus

Samedi 16 :

Une attaque a lieu vers 1h après un duel d’artillerie qui a duré toute la matinée.

Le 167ème est engagé et la fusillade dure jusqu’à 3h. On mobilise la 2ème Cie du 47ème qui met sac au dos.

La soirée se passe assez calme. On dit que l’attaque aura lieu demain.

Dimanche 17 :

L’attaque annoncée commence à 7h½ du matin.

Le Génie fait sauter les mines et la canonnade commence de tous côtés qui dure jusqu’à 11h.

On nous dit qu’il vient d’arriver à Montauville 40 prisonniers boches et qu’une Cie vient par derrière.

 

A 1h, le canon recommence et cette fois c’est pour l’après-midi entière. Pont-à-Mousson, Boozville prennent pas mal d’obus pour leur part. Les mitrailleuses et la fusillade entrent en danse et le calme ne revient qu’à 4h½, 5h¼.

Nous apprenons que les Boches ont reçu la pile et qu’ils sont repoussés hors du Bois Le Prêtre.

Lundi 18 janvier :

Journée assez calme sauf quelques obus comme d’habitude, les Boches arrosent un peu partout, tuent un artilleur à Montauville et une femme venue de Lesménils.

Il gèle assez fort et la neige tombe.

Mardi 19 janvier :

Assez calme, mais vers 6h¼ du soir, une contre-attaque boche se prononce vers la Croix des Carmes, le canon s’en mêle mais cette contre-attaque est repoussée et tout rentre dans le calme.

Mercredi 20 janvier :

Du canon le matin.

Les Boches arrosent convenablement Montauville et tuent plusieurs personnes dont un gamin. Ils contre-attaquent violemment car ils ont reçu des renforts de Metz mais n’aboutissent pas à grand-chose.

 

Toute la nuit, la bataille continue et les Boches nous prennent deux pièces de 90 qui leur sont reprises au petit jour. (Nous avons 100 blessés)

Jeudi 21 janvier :

Terrible bombardement du bois Le Prêtre, les Boches ont amené des grosses pièces, c’est épouvantable.

 

Vers midi ça ralentit un peu mais à 3h½, la canonnade recommence de plus belle.

Nous avons eu pendant ces 2 ou 3 jours environ 120 morts et 5 à 600 blessés, des régiments 167 et 168ème.

Vendredi 22 :

Du canon le matin et le soir bombardement de Pont-à-Mousson.

Le colonel déloge le lendemain car plusieurs obus tombent tout près de chez lui.

Samedi 23 :

Calme.

Dimanche 24 :

Calme complet, de la neige.

Lundi 25 et mardi 26 :

Calme complet.

Mercredi 27 :

Du canon du côté de Nomeny à midi ½, il passe un aéro boche qui fut abattu par les batteries de Mousson (dit-on).

Un autre passe un peu après qui jette 2 bombes derrière l’usine à gaz.

Chacune avait une banderole aux couleurs allemandes, sans aucun dégât puisqu’elles sont tombées en plein champ.

Il gèle très fort.

Jeudi 28 janvier :

Calme complet.

 

Vers 2h½, nous allons aux lettres avec GILTON.

Un percutant tombe avenue Carnot à 30 ou 40 mètres de nous et en sommes quitte encore une fois pour la peur, 3 ou 4 suivants tombent dans le même quartier, un dans le pignon de la maison où reste le commandant DE VAUD traversant le mur et démolissant tout dans la cuisine.

Vendredi 29 :

Calme.

Samedi 30 :

La grosse pièce de marine tire 35 coups sur la gare de Pagny-sur-Moselle, détruit un train, et tire également sur Arnaville.

 

Vers 3h, les Boches arrosent Pont-à-Mousson, un percutant tombe place Duroc, blesse 4 personnes dont 1 artilleur, brise les devantures Patard et Cie. L’ami VIDAL qui se trouvait là revient tout émotionné mais indemne.

Un autre obus tombe près de la « Nativité » et blesse 2 ou 3 femmes.

Dimanche 31 janvier :

Rien de bien sérieux (de la neige).

Lundi 1er février :

Dégel- rien d’important.

Mardi 2 février :

Bombardement de Pont-à-Mousson, c’est l’habitude de tous les jours.

 

Tantôt, la grosse pièce de marine tire à 8 km et une escadrille de 4 avions de Toul vient observer le tir. C’est impressionnant de penser à ces hommes qui bravent la mitraille à une aussi grande hauteur car les Boches leur envoient des shrapnels tout autour d’eux.

Aucun n’est touché.

 

Le soir le canon tonne très fort dans la direction de St Mihiel, les projecteurs illuminent le ciel.

Toute la nuit, le canon et la fusillade.

Mercredi 3 février :

Matinée assez calme.

Toujours du canon mais comme c’est l’habitude tous les jours, ce n’est plus la peine d’en parler.

 

A 2h, une terrible fusillade se fait entendre du côté de La Croix des Carmes et du Quart en Réserve.

La grosse pièce de marine se met de la partie mais ça ne dure pas bien longtemps aussi intense.

Le reste de la soirée est plus calme.

 

Vers 7h du soir, la grosse pièce tonne six coups.

Les projecteurs illuminent le ciel, c’est épatant ce que les Boches font, de notre côté, ça marche aussi.

 

A 9h½, la grosse pièce tire encore deux coups, tout tremble.

Toute la nuit, ça continue à des heures irrégulières. Cette pièce fait du bon boulot, au 4ème coup, elle fait sauter une locomotive d’un train de ravitaillement et détruit tout en gare de Pagny.

Le pont de Novéant est également détruit.

Jeudi 4 février :

Les avions français sillonnent le ciel de bonne heure et le canon se remet de la partie.

Les Boches font leur apparition mais les nôtres les chassent.

 

Après déjeuner, ils reviennent et fouillent le bois Le Prêtre, Puvenelle et les environs, ils voudraient trouver la grosse pièce à tout prix, lancent des fléchettes (*) et des fusées qui doivent marquer des points de repère à l’artillerie boche. Nous attendons du bombardement pour demain. Malgré toute leur inspection je crois qu’ils ne trouveront rien et s’en vont.

 

Vers 4h½. Toute la nuit la grosse pièce recommence, nous sautons dans le lit car la maison remue.

 

(*) : Du fait de la faible capacité d’emport des avions de l’époque, l’emploi de bombes explosives est en principe réservé à la destruction de ponts, de dépôts, de gares et de hangars abritant des dirigeables. Pour les missions antipersonnelles en rase campagne, un projectile particulier totalement inerte a été adopté par les Français : la fléchette BON. Inventée par le célèbre ingénieur Clément ADER, qui fait part de son idée dans son livre L’aviation militaire (1909), et préconisée par le colonel BON, elle est le résultat d’expériences et d’études approfondies. Réalisée d’une seule pièce dans un barreau d’acier doux, elle se compose de trois parties : une pointe faite au tour, un corps de la dimension du barreau original et un empennage en croix taillé à la fraise.

À la vérité, les fléchettes présentent un handicap majeur : elles manquent gravement de précision. Outre le fait qu’elles doivent être larguées à la bonne altitude pour acquérir la vitesse nécessaire, ces minces tiges d’acier réagissent différemment selon la pression atmosphérique et le vent joue un rôle important sur leur trajectoire. La marge d’erreur, en raison de ces paramètres, demeure trop grande pour que l’on soit en droit d’attendre du bombardement par fléchettes une certitude dans le résultat.

Vendredi 5 février 1915 :

Temps superbe de la veille, il a gelé cette nuit.

Belle journée pour les avions qui ne cessent de circuler. Les Boches accueillent toujours les nôtres à coups de shrapnels mais sans les atteindre. Un Boche vient à la tombée de la nuit et lance 4 bombes sur Pont-à-Mousson, heureusement sans faire de mal. Il arrive un accident à la grosse pièce, un obus éclate dedans et la fait sauter. Il n’y a qu’un 1er maître de blessé et brûlé au visage.

Heureusement il en sera quitte pour peu.

Samedi 6 février :

Du canon, toujours des obus qui claquent de tous côtés.

Dimanche 7 février :

Au réveil, on vient nous prévenir qu’il y a un blessé à Montrichard de la 12ème Cie. C’est un nommé VINCENT de Pâlis. (*)

« L’auto des Pénitents » va le chercher.

Il est blessé d’une balle qui est entrée dans le dos et sortie en avant. La journée n’est pas trop orageuse malgré tout, ça cogne tout de même. Un sergent du génie descend des tranchées, il vient de recevoir une balle dans le poignet.

Une grosse pièce de marine 164.7 arrive pour remplacer celle qui a éclaté.

Il paraît qu’elle sera montée demain.

 

(*) : Pâlis (prononcez « palisse ») est un petit village de l’Aube entre Sens et Troyes

Lundi 8 février 1915 :

73ème bombardement de Pont-à-Mousson.

Avant-hier, les Boches ont encore tué un enfant de un an (22ème) Aujourd’hui quelques dégâts seulement. Duel d’artillerie sur le bois Le Prêtre et Puvenelle.

Cinq ou six poilus du 369ème sont blessés à Montauville. (*)

Les pauvres gars étaient arrivés d’hier et devaient monter aux tranchées ce soir. Ils venaient de Montargis. (**)

 

(*) : Le JMO du 369e RI ne signale pas de blessés ce jour là.

(**) : Montargis (77) est la ville de casernement du 369e RI.

Mardi 9 février 1915 :

Journée assez calme, pas trop d’obus.

Nous allons vacciner la 9ème à « La Porcherie ». Voilà 2 jours que GILTON garde le lit.

10, 11, 12 février :

Rien de bien important.

Il y a un va et vient de troupes qui se relèvent. Les unes vont au repos, les autres les remplacent.

On parle fort de notre départ, dans les Cies, les hommes font des paquets de 2 kg à remettre aux bureaux pour que tout soit prêt au moment du départ.

Ce matin, il a gelé assez fort et tantôt la neige tombe mais ça ne dure pas et sert simplement à faire de la boue. J’ai mon pantalon de velours transformé, ça me coûte 2 F 50 et une tournée.

Samedi 13 :

Passage d’artillerie, 155 2 pièces, ce matin à 7h, on entend la bataille au loin, le canon gronde terriblement.

Nous allons vacciner à la 9ème et le canon claque de tous côtés. Dans la nuit, les Boches essaient de passer la côte de Xon et surprennent une Cie du 325ème qui est bien amochée.

Nos grosses pièces donnent et font trembler les maisons.

Dimanche 14 :

Dès le matin, le bombardement recommence, nos pièces tirent de partout.

La bataille se déroule du côté de Lesménils. Les Boches qui ont voulu nous prendre sur la rive droite reçoivent encore une bonne pile.

Il paraît que la côte de Xon en est couverte.

Lundi 15 :

Journée de canonnade qui commence dès le matin et dure tout le jour.

 

A 6h¼, les Boches font une attaque au Bois Le Prêtre mais comme ils sont bien reçus, ça ne dure pas bien longtemps, les 75 se mettent de la partie et arrêtent tout.

Les grosses pièces tirent toujours et les projecteurs marchent.

Mardi 16 :

Nous attaquons au Bois Le Prêtre. Le canon commence au jour, nos pièces tirent de tous côtés, c’est un vacarme épouvantable. Le génie fait sauter ses mines au bois Le Prêtre et nous avançons un peu.

Les Boches se défendent bien, ils ont des pièces dans leurs tranchées et c’est impossible à notre infanterie d’avancer.

Un lieutenant et 2 sergents qui veulent entraîner leurs hommes tombent dès leur sortie de la tranchée.

Le génie reçoit des obus, il y a encore des tués et blessés.

 

Vers 5h½, un détachement du … ( ?) descendait du travail lorsqu’un shrapnell éclate près d’eux en blessant 3 dont un assez grièvement que nous pansons.

 

Vers 2h de l’après-midi, toutes nos pièces cognent sur le Xon où les Boches veulent s’installer.

Je crois qu’ils n’y parviennent pas car ça tombe dru. Un aéro boche passe vers 3h et essuie une fusillade. Il n’a pas été touché quoiqu’ étant très bas, il cherche nos batteries. Il fait son tour jusqu’au dessus de Blénod et retourne sur Metz.

Peu après, des énormes marmites tombent derrière Boozville et se rapprochent de nous. Tout en tremble.

Peu à peu tout se calme mais comme résultat je crois que c’est maigre, vu la perte d’hommes.

Mercredi 17 :

Journée assez calme.

Passage d’aéros boches qui explorent pour dégoter nos batteries.

Quelques coups de canons de part et d’autre dans la matinée mais le tantôt forte canonnade sur le Xon.

Jeudi 18 :

Toujours du canon, la grosse pièce recommence dans le tantôt il y a attaque sur le Xon, je vois nos troupes monter sur la crête, les Boches les arrosent terriblement pendant que nos pièces crachent sans relâche.

Nos pauvres fantassins doivent recevoir beaucoup de mitraille mais ça ne les empêche pas de monter sur la crête.

J’espère pour eux qu’ils trouveront des tranchées car avec ce qu’il leur tombe, certainement ils ne pourraient tenir. La nuit vient et tout rentre dans le silence.

L’assaut était fait par une Cie cycliste des Coloniaux et Chasseurs à pied. Cette position nous a coûté cher en hommes mais les Boches ont pris quelque chose.

Vendredi, samedi et dimanche :

Rien de bien marquant.

Passage d’aéro, canon comme d’habitude

Lundi 22 février :

Matinée assez calme, du canon le tantôt, les Boches bombardent Paquel.

 

A 8h¼ du soir, les Boches font une attaque, nous font sauter une tranchée, tuent et blessent pas mal des nôtres.

 

A 8h ¼, ils renouvellent leur attaque, toujours sur le ¼ en réserve à La Croix des Carmes. La fusillade crépite pendant une demi-heure, le canon tonne puis tout revient silencieux.

Des deux côtés, on voit les fusées éclairantes, c’est épatant.

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi :

Journées relativement calmes.

Nuit de vendredi à samedi, la grosse pièce de marine tonne.

Toute la semaine allées et venues de troupes alternant du repos aux tranchées. Le 95ème est relevé et part sur LironvilleMort-Mare.

Samedi :

Départ du 369ème pour Mort-Mare, ce bataillon était au repos à Maidières, tous saouls

Dimanche 28 février :

Rien d’important.

Lundi 1er mars :

Nous attaquons à 9h du matin sur la gauche de La Croix des Carmes.

C’est un vacarme épouvantable de canonnade, les 155 se font entendre et toutes les pièces qui sont en avant.

Après le bombardement, l’infanterie donne, nous prenons une tranchée et deux mitrailleuses. Les Boches font trois contre-attaques dans le tantôt et quatre pendant la nuit. Les sept contre-attaques ne servent à rien sinon à leur faire tuer une grande quantité d’hommes.

De notre côté, nos pertes s’élèvent à 90 ou 100 blessés et 10 ou 15 tués.

Mardi 2 mars :

Le canon tonne toute la journée.

Les Boches envoient des crapouillots et blessent des soldats du génie.

 

Le soir, vers 7h, ils contre- attaquent encore, toutes nos pièces donnent et la fusillade et mitrailleuse se font entendre. Résultat néant pour ces sales types.

Toute la nuit le canon tonne, la grosse pièce de marine nous réveille à chaque coup.

 

A 5h½ du matin, les Boches contre-attaquent encore mais sans aucun succès.

Il paraît que toutes ces batteries ont coûté énormément de monde car suivant leur habitude, ils montaient à la charge par 3 Cies de front sur 4 rangs. Nos 75 qui étaient postés pour les recevoir, les couchaient comme des blés.

Toute la plaine entre Fey-en-Haye et la lisière du bois est couverte de cadavres.

De notre côté, peu de pertes.

Mercredi 3 mars :

Les Cies du 168ème qui ont pris part à l’attaque vont se reposer et sont remplacées par du 167ème ; ça fait vraiment de la peine de voir ces pauvres gamins car il y a beaucoup de la classe 14, passer, éreintés, pâles et pas mal tirant la jambe, de la boue des pieds à la tête.

Au moment où ils traversaient Maidières, des obus éclatent sur l’autre route de Montauville près de Boozville où ils tuent une femme et blessent 3 ou 4 Génie de la 13/1.

Me trouvant assez près de là, je m’abrite après avoir entendu les premiers sifflements. Les éclats tombent sur la route et les toitures de Maidières.

 

7h ½, la canonnade recommence, du fusil mais pas longtemps. La grosse pièce cogne toute la nuit.

Jeudi 4 :

Vers 10h du matin, on voit un grand cercle autour du soleil, les aéros boches et les nôtres se promènent…

Jeudi 4 mars :

Du canon par intermittence mais rien de sérieux.

Nous apprenons officiellement notre relève. Il paraît que le 1er bataillon va à Pierre-la-Treiche, le 3ème à Villers St Etienne.

Il ne fait pas bon se promener quand passent les aéroplanes car si on ne risque pas leurs fléchettes et bombes, on peut recevoir les éclats d’obus de nos 75 qui tirent dessus.

Ainsi il est tombé tout le culot d’un de nos obus dans la rue de Maidières qui est entré 20 cm en terre. C’est étonnant que personne ne fût atteint.

 

 

Fin du premier carnet

 

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Vers le second carnet

 

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