Mise
à jour : juin 2014
« Nous sommes ses petits-enfants, nous pensons que ces écrits sont
intéressants, qu’ils témoignent d’une époque révolue, qu’ils valent la peine
d’être publiés. »
Auguste Galland est
né à Vignieu le 6 janvier 1888. Il fréquenta
l’école communale et, à douze ans, réussit son certificat d’études. Plus tard
on le retrouve à Lyon, il réside d’abord 13, montée des Carmes, et est employé
de soierie. Il s’installe plus tard 13 rue Émile Zola, sa profession, comme
l’atteste son livret militaire, est alors employé de banque.
On sait également que, en 1912, il était moniteur de la société de
gymnastique de Vignieu.
Il se marie le 11 avril 1914 avec Jeanne Rojon. Ils habiteront Lyon cependant dès le début de la
guerre Jeanne retournera vivre à Ruy avec ses
parents. Nous conservons ses écrits : une série de poèmes et le récit de ses
campagnes.
Auguste Galland
a fait son service militaire à Thonon, il est de la classe 1908, a été
incorporé au 30e régiment d’infanterie le 8 octobre 1909 et a été nommé caporal
le 15 avril 1910. Il est libéré du service actif le 26 septembre 1911.
Il intègre le 30e RI en août 1914. Il participe, en août, à la
bataille de la Haute Meurthe, aux combats de Saint-Dié
Participe-t-il à la bataille de la Marne ? Nous ne le pensons pas.
Vers la mi-septembre, on le retrouve sur la Somme, à 10 kilomètres
à l’est d’Amiens.
Il participe aux combats d’Herleville où il est blessé au pied le
25 septembre 1914. Il est soigné à Rennes puis à Saint-Chef tout
près de Vignieu.
Revenu au corps le 25 février 1915 au 22è régiment d’infanterie,
il sera affecté au 175è R.I. désigné pour faire partie du corps expéditionnaire d’Orient.
Il débarque, le 27 avril 1915, à trois heures du matin au Cap Helles, sur la presqu’île de Gallipoli
Il est nommé sergent et cité à l’ordre du corps expéditionnaire
d’Orient le 4 mai 1915.
Il est décédé le 10 mai, par une journée sans combat, peut-être du
fait d’un tireur d’élite, alors qu’il s’était écarté pour faire ses besoins.
Ses récits militaires se trouvaient à l’intérieur de
son portefeuille qui porte encore la trace de la balle.
Nous sommes en possession de feuilles de format assez proche de
notre format actuel, entièrement recouvertes d’une écriture fine exécutée à la
plume et à l’encre violette. Le tout est difficilement déchiffrable à la loupe.
Ses poèmes sont calligraphiés de sa main :
écriture élégante avec pleins et déliés. Il nous a laissé environ 200 vers et
cela pose problème.
Comment un simple titulaire du certificat d’étude a-t-il pu
maîtriser ainsi l’art de bien rédiger ?
Nous avons appris que, autrefois, chez les Galland, on écrivait beaucoup, on faisait même des vers. Son
meilleur ami de Vignieu nous donna, lui aussi, une
réponse :
C’était un autodidacte !
Certes, on peut travailler seul mais pour maîtriser l’alexandrin nous pensons
qu’il faut échanger quelquefois des idées.
Avec qui a-t-il pu le faire ? Quels amis a-t-il trouvé ? Qui
a pu le conseiller ? Le saurons-nous un jour ?
AVRIL
Avril vient d'effacer les traces de
l'hiver
Enfin la feuille pousse et déjà tout est
vert
De la neige et des vents, la saison
froide et sombre
N'est plus qu'un cauchemar que guérit le
soleil
Les jours tristes et frileux sont
retournés dans l'ombre
La
nature est à son réveil.
Partout c'est un élan, une ivresse, un
délire,
Tout renaît c'est l'essor attendu dès
longtemps
Et dans l'herbe embaumée, chaque fleur
semble dire :
Sourit,
c'est le printemps !
Partout, dans les buissons, dans les
bois, dans la plaine,
Dans les branches en fleurs dont la
vallée est pleine,
C'est un gazouillement, c'est un concert
sans fin,
Les oiseaux, de retour, luttent de
mélodie
Et de leurs chants joyeux coule autant
d'harmonie
Que
de parfum autour du thym.
Chantez ! Divins acteurs, que vos
notes joyeuses
En ranimant nos cœurs d'amours tout palpitants
Égayent nos bosquets et nos sentes
ombreuses,
Chantez,
c'est le printemps !
C'est le mois des amours car chaque
jeune fille
Blonde ou brune - Ange ou Nymphe - en
qui la grâce brille -
Est bien plus belle encore quand revient
Floral ;
Oh ! Qu’un baiser est doux sur
leurs lèvres candides !
Chacun de leurs regards dont nos yeux
sont avides
Parle
d'amour et d'idéal.
Aimons ! Voici les nids, et les
fleurs sont écloses,
Aimons sans modérer l'ardeur de nos
vingt ans.
Car vous entendez bien ce que disent les
roses :
Aimez,
c'est le printemps !
SONNET AU LEMAN
Lorsque le soir descend sur la vallée
fleurie
Où ton croisant d'azur semble se
reposer,
Je me plais, ô Léman, à venir te causer,
Et j'ai mon coin choisi sur ta rive
chérie.
Là, j'aime contempler tes vagues en
furie
Qui viennent sur tes bords bruyamment se
briser,
Ou la traînée de feu qui semble
t'embraser
Quand le soleil couchant grandit la
féerie.
Et la voile glissant sur tes flots
ondulés,
Son bruit mélodieux sous les cieux
étoilés,
Tout parle d'idéal à mon âme enflammée.
Aussi que le Destin m'y fasse revenir
Ou me retienne loin de ta rive charmée,
Je n'oublierai jamais, ô Lac ton
souvenir.
À TRAVERS BOIS
J'avais à travers bois, gravi d'un vert
sentier
La
pente pittoresque et rude,
L'ombre du soir tombait, et j'étais tout
entier
Au
charme de la solitude.
De grands sapins groupés en un joli
bosquet
Plein
de fraîcheur délicieuse,
Cachaient jalousement dans cet antre
coquet
Une
grotte mystérieuse.
À genou sur la pierre, une femme
pleurait
Devant
l'image de la Vierge,
Et sa voix frémissante ardemment
implorait
A
la triste lueur d'un cierge,
Un baume à sa douleur. Tout son corps
chancelant
S'agitait
dans une prière :
- "Ah ! Ne m'enlevez pas,
disait-elle en tremblant,
"Ma
seule joie sur cette terre,
"Vous m'avez pris l'époux, vous
faut-il donc encor
"La
seule enfant qu'il m'ait donnée ?
"Ah ! Laissez-moi ma fille!...
ou dans la même mort
Confondez
notre destiné !»
Et la veuve appelait en sanglots éperdus
La
source aimée de son calice ;
Celle qu'elle allait perdre et celui qui
n'est plus,
Chers
instruments de son supplice.
Puis dominant un peu son navrant
désespoir,
Sous
son voile cachant ses larmes,
Elle partit, pressée sans doute de
revoir
Celle
qui causait ses alarmes.
Dans l'ombre, je la vis tristement s'en
aller,
Emportant
un peu d'espérance,
Mais j'entendis encor
plus d'un sanglot troubler
La
solennité du silence
Que rendaient plus profond et plus
mystérieux
Des
frissons qui, par intervalles,
Frôlaient les sapins noirs élancés vers
les cieux.
Parfois
de subites rafales
Semblaient le grondement d'un tonnerre
éloigné,
Puis
soudain, tout semblait se taire
Calmant étrangement ce lieu tout
imprégné
De
poésie et de mystère.
MARCHE MILITAIRE
Chanson - marche -
air : la chanson du fantassin.
1er couplet :
Le tambour bat, le clairon sonne,
C'est le départ ! (Bis)
Dans chaque rang de la colonne
Joyeux l'on part, (bis)
Le front haut, la démarche altière,
L'air
martial (bis)
Au
son de la marche guerrière,
Jour
idéal ! (bis)
Refrain :
Ce bel entrain toujours anime
Le vrai troupier (bis)
Il est vaillant, il est sublime
Ce marche à pied (bis)
Il est vaillant, il est sublime
Ce marche à pied (bis)
2e couplet :
Mais bientôt la gaieté déborde,
Et les chansons (bis)
Sur la grand'route
que l'on borde
Dans l'air s'en vont. (Bis)
Nous chantons tout plein de jeunesse
Et le printemps, (bis)
Nous chantons l'amour et l'ivresse
De nos vingt ans. (Bis)
3e couplet :
Nous
traversons plus d'un village
Et sur nos pas (bis)
Tout sort admirer le passage
Des fiers soldats (bis)
Les belles ont le fin sourire
Des heureux jours (bis)
Et leur air mutin nous inspire
De gais discours (bis)
4e couplet :
Sur nous le soleil étincelle
En se mirant (bis)
Sur nos éclatantes gamelles,
Mais en chantant (bis)
On s'est rapproché de la ville
Voici Thonon (bis)
Pour que crânement on défile
Sonne clairon (bis)
5e couplet :
Noirs de sueur, blancs de poussière
Ayant encor (bis)
L'allure plus belle et plus fière
Sous ce décor (bis)
Nous défilons bien en cadence
Et les passants (bis)
Devant la troupe qui s'avance
Disent gaîment : (bis)
Dernier refrain
Ce bel entrain toujours anime
Nos chers troupiers (bis)
Soit fière ô France, il est sublime
Ton marche à pied (bis)
Soit fière ô France, il est sublime
Ton marche à pied (bis)
TOUS A VIGNIEU !
Fantaisie
Ô vous qui désirez goûter aux vrais
plaisirs
Accourez à Vignieu
pour combler vos désirs.
Venez-y le trois août ! Les
Conscrits vous invitent
À jouir des attraits que plus loin mes
vers citent.
Ils veulent que chacun s'en retournent
content,
Car ils ont, parait-il, un programme
épatant.
Ce sera, chers amis, une vogue superbe,
Et dont le grand succès va passer en
proverbe,
Elle surpassera par toute sa splendeur
Tout ce que l'on croyait d'éclat et de
grandeur.
Du monde ce sera la huitième merveille,
Olympie n'eut jamais une fête pareille !
Toute entière debout, d'un élan
spontané,
La population dans ce jour fortuné,
Secondant les vogueurs
dans leur tâche héroïque
Décorera Vignieu
comme un jardin ferrique.
Aussi, dès le matin,
Tout ce qu'on peut rêver
de gentiment coquet :
Les rues pavées de fleurs, les maisons
pavoisées,
Les trois couleurs flottant à toutes les
croisées,
Des guirlandes à flots se croisant dans
les airs,
Avec de tous côtés, mille festons
divers.
Et sur chaque chemin allant vers la
férie
Aux confins de Vignieu,
sous la ramée fleurie
Et les arcs de triomphe aux ravissants
décors
Quatre musiciens joindront leurs doux
accords
Aux angéliques voix d'un cœur de jeunes
filles
Offrant aux étrangers sous les vertes
ramilles
Leurs vœux de bienvenue en chants
mélodieux.
Ô doux zéphyr ! Ciel pur et soleil radieux !
Versez-nous vos trésors en ce jour
d'allégresse,
Qu'ils inondent nos cœurs d'amour, de
joie, d’ivresse !
Bien que ce soit partout un merveilleux
décor,
La somptuosité sera plus grande encor
Au sein du mouvement : place
"Fanny Geneste"
Qui sera décorée comme un jardin
céleste.
C'est ici que seront concentrés les
appas.
Des drapeaux frissonnant sous les
soupirs d'Éole
Sembleront dans l'azur une immense
auréole
Autour de cet Eden
où seront tous les jeux :
Balançoires, grands tirs où l'on est
tout heureux
Si l'on casse une pipe, et puis de
grands théâtres
Où se dérouleront mille scènes folâtres,
Ménageries, musées, arènes de géants,
Cirques, grands carrousels, vagues de
l'océan
Où mollement bercé comme au milieu des
voiles
On a l'illusion d'un voyage aux étoiles.
Et les gentils vogueurs
se proposent, je crois,
D'offrir une tournée sur les chevaux de
bois
À quiconque voudra, (écoutez, jeunes
filles,)
Les payer d'un baiser et danser un
quadrille.
Montés sur des coursiers filant, tels
des éclairs,
Nos héros, plus vaillants, plus ardents
et plus fiers
Que soldats d'Achille aux durs combats
de Troie
Montreront leur bravoure en arrachant
d'une oie
La tête ensanglantée. Le glorieux
vainqueur
Acclamé par la foule et grisé par
l'honneur
Brandira le trophée insigne de sa
gloire.
La musique jouera des marches de
victoire,
Escortant dans nos rues ce César
triomphant
Qui, le front haut, superbe, et marchant
fièrement
En tête du cortège, entrera sur la place
Salué des hourras de cette populace.
Mais bientôt les concours ici vont
commencer,
À cette occasion, on me prie d'annoncer
Aux amateurs craignant les fausses
réussites
Que, pour les consoler, les aimables
Conscrites
Embrasseront tous ceux qui n'auront pas
de prix.
À Jeanne
1
Vous souvient-il, brune charmante,
De certains soir où, sans pitié,
- Pour me prouver votre amitié -
Vous fûtes, Jeanne, bien méchante !
2
Rappelez-vous : il faisait nuit.
Déjà Morphée voilait la terre,
Et je cueillais mon noir ennui
Le long du chemin solitaire.
3
Il me semble nous voir tous deux
Seuls sous les regards de la lune,
Moi, suppliant, devant ma brune,
Vous, torturant votre amoureux.
4
Je vous parlais de ma tendresse
De mon amour, hélas réel,
Et vous riiez de cette ivresse.
Vous riiez!... oh ! C’était cruel !
5
Oui, quand je disais je vous aime,
Vous partiez d'un rire moqueur ;
Ah ! Cela me brisait le cœur
Mieux que n'eut
fait l'adieu suprême.
6
J'ai vu que vous ne m'aimiez pas,
Et ma douleur en fut profonde,
J'aurai voulu que sous mes pas,
Alors disparaisse le monde.
7
Je me sens frissonner encor
O Jeannette lorsque j'y pense,
Et pour oublier ma souffrance
Il me faut un constant effort.
8
Depuis ce jour bien gros d'alarmes
Les choses ont un peu changé,
Et je ne trouve que des charmes
Dans votre rire bien perlé.
9
Je vous ai revue, et Cytère
Me semblait alors près de vous ;
Mais en vain je veux lire en vous,
C'est toujours le même mystère.
10
Ah ! Dites-moi, puis-je savoir
Quand votre regard me caresse
Ce qui brille dans cet œil noir,
Est-ce pitié pour ma détresse ?
11
Que voir dans vos yeux de velours ?
Est-ce dédain, Jeanne chérie,
Est-ce de la raillerie,
Ou bien si c’est un peu d’amour ?
En souvenir du vendredi soir 20 décembre
1912.
A MA JEANNETTE CHERIE
Oh ! Lorsque tu te tiens blottie
Et bien serrée contre mon cœur,
Quand sur moi, d'un geste charmeur
Tu poses ta tête assoupie,
Quand tes cheveux dont je suis fou
Frôlent ma joue comme un zéphyr,
Et que je sens ... faut-il le dire ?
...
Ta douce haleine dans mon cou,
Quand tes bras à mon cou s'enlacent
Et me disent ton abandon,
Et que le long de nos corps passent
Par moments de tendres frissons,
Quand ainsi, sans une parole,
Bercés par un rêve charmant
Vers lequel notre pensée vole,
Nous restons perdus longuement ;
Quand ton baiser tendre ou sonore
Vient mettre le comble à mes vœux ;
Quand je sens sur ta lèvre en feu
Ce petit frisson que j'adore,
Oh ! ... Jeanne ... que je suis heureux !
Je vis dans une autre Cythère,
Ou dans quelque céleste lieu
Bien loin de notre triste sphère.
Ce n'est pas du simple bonheur,
C'est une exquise et douce ivresse,
C'est de l'extase plein le cœur,
C'est un délire qui m’oppresse !
Ah ! Toujours de ces moments-là !
Toujours cette même caresse !
Toujours vivre dans la tendresse
De cet amour qu'on se jura !
Ce rêve plein de douces choses,
C'est le mien, Jeanne et c'est le tien.
C'est notre rêve ! ... Ah ! Qu’il
éclose
Bientôt sous l’Immortel Lien !
14 février 1914
À Melle JEANNE ROJON
J'aime de vos yeux noirs la caressante
flamme,
J'aime y noyer les miens, pour en griser
mon âme.
J'aime ces longs regards qui plongent
jusqu'au cœur
Et me font frissonner d'amoureuse
langueur.
J'aime votre sourire, ô Jeanne l’inhumaine !
Et votre front caché sous vos cheveux
d'ébène.
J'aime de votre voix la troublante
douceur,
Comme j'aime évoquer les instants de
bonheur
Où je fus près de vous. J'aime encore
... en silence,
Tout ce qui vient de vous, tout jusqu'à
ma souffrance.
Mais Jeanne, J'aime aussi votre baiser
troublant
Qui sait mettre en mon cœur une ivresse
suprême,
Et je voudrais - bercé dans vos bras
enivrants -
Vivre sous vos baisers, en disant :
"je vous aime".
décembre 1912
AUGUSTINE ET LEON
Aimez-vous bien ! ... C'est le
secret du bonheur.
Unissez-vous gaiement et que de douces
joies
Garnissent le chemin que l'hymen vous
octroie.
Un souhait bien plus ardent jaillit de
chaque cœur
Soyez heureux ! ... Heureux, de ce
bonheur suprême
Tout entier dans la paix d'un mutuel
amour
Il n'existe que là. Aimez-vous donc
toujours.
N'enviez que la joie que l'on trouve
pour soi-même
En donnant le bonheur à l'être que l'on
aime.
Et dans ce jour de fête où flamboie
votre hymen,
Tout respire l'amour confiant et
sincère,
L'avenir vous sourit, qu'il soit long et
prospère
Et que votre foyer devienne un autre Éden
!
Ouvrez donc pleins d'espoir cette route
bénie.
Nos vœux les plus sacrés vous suivront
dans la vie.
1913
Écrit pour le mariage d'Augustine et
Léon
Lire le
carnet de guerre d’Auguste GALLAND
Je
désire contacter le propriétaire des écrits d'Auguste GALLAND
Vers
d’autres témoignages de guerre 14/18