Mise à jour :
décembre 2013
Chaque
carnet (7 au total) détaille avec la plus grande précision, la vie de Ferdinand
Gillette - au jour le jour - sur plus de 1.800 pages :
Liste
et matricules de tous ses camarades et supérieurs, compte individuel, liste de
sa correspondance, combats (attaques, contre-attaques, replis), détail
individuel des pertes, vie de groupe, moral de la troupe et des officiers,
prémices de fraternisation, les mutins de son régiment, amour de la famille,
l’alcool chez les soldats (tous grades), convalescence dans les hôpitaux,
permissions, vie de prisonnier….
Tel est ce récit
extraordinaire et émotionnel, vrai « mine d’or » pour comprendre
cette période…
L’écriture
est très lisible, très déliée, bien que très resserrée et peu aérée, ce qui
rend une lecture de plusieurs pages d’un coup un peu « difficile ».
Pour
une meilleure compréhension des carnets et pour « adapter » le récit
aux facilités d’internet, j’ai volontairement :
1)
Ajouter
un sommaire
2)
Ajouter
des commentaires (en bleu), pour expliquer certains termes d’époque ou
situations.
3)
Ajouter
des photos et cartes des combats.
4)
Les
carnets sont des agendas, et parfois le récit d’une journée est écrit sur
plusieurs journées de l’agenda. J’ai donc logiquement regroupé ces journées sur
la même date.
5)
J’ai
indiqué en face de chaque date, le lieu où se déroule la journée, et parfois un
événement important.
Bonne
lecture, et vivez des
émotions fortes comme nous les avons vécus, Marie-Thérèse, Antoinette,
Annie, Philippe, Serge, Christophe N., Patrick et surtout Catherine, Françoise,
Dominique, Christophe R. et Nicolas, qui à eux cinq ont retranscrit plus de
huit cent pages des carnets !
Ø
Février 1915 : Le départ - Cherbourg -
Caserne Brière-de-L’Isle - 1e régiment colonial
Ø
Mai
1915 : Saint-Maixent, l’école militaire – La vie de caserne - La permission
Ø
Fin
du second semestre 1915 : Le 175e RI - Grèce, Salonique, la blessure
ü 1916
ü 1917
ü 1918
ü 1919
ü 1939-40
Pages parsemées de formules
mathématiques, visibles >>> ici <<<
Pages non reproduites : Il
s’agit de notes historiques, certainement prises lors d’un exposé, sans intérêt
pour le déroulement du parcours de Ferdinand, mais elles sont visibles >>> ici <<<
Alphonse Gillette, 136e Regt d’Infanterie 12e Cie , 1e section, secteur postal n°75 (Son frère)
Mr Larsni Hippolyte, garde voie, N°17 gare de Montebourg, Manche
Monsieur et Mme Beauchot, charpentier, St Martin de-Bréhal par Bréhal, Manche
Monsieur Auguste Duval, soldat 50e artillerie, 28e Batterie, secteur postal n°105
Monsieur Albert Villesse, 7e artillerie, 5e batterie, secteur postal n°74
N° Mle 01327 01327
___________
N° Mle du fusil Lebel 29.053
----------de la baïonnette 66.370
Ministère de l’Instruction publique
Je soussigné……. Instituteur-adjoint domicilié à Romagny appelé sous les drapeaux en qualité de soldat au 1er Regt d’Infe Coloniale donne délégation à Mme Gillette, née Duval, Berthe institutrice domiciliée à Romagny de toucher pendant la durée de la guerre la totalité du traitement auquel je continue à avoir droit en vertu de la loi du 5 août 1914
Romagny, le …..
F Gillette
Gradés 1e Regt d’Infie Cole 28e Cie
Commandant le bataillon Lecanu
Capitaine De Fitz-James
Lieutenant Redon
Sous Lieutenant Stikel
Adjudant-Chef Moreau
Adjudant Gentilhomme
Sergents Breme et Berdu
______________________
St
Maixent
Lieutenant-Colonel Rousson
Capitaine Conquet
Lieutenant Hugues
s/s Lieutenant Cordier
Sergent de section ???
Adjudant Montansier
Sergent de ½ section Degage
Reçu feuille de route
Je dois partir demain pour Cherbourg
1er Régiment d'Infanterie Coloniale
Caserne Brière-de-L'Isle
Départ de Romagny (*) pour Cherbourg par le train de 7h50.
Vilain moment que le départ.
Fais route en compagnie de deux autres qui vont au 3ème d'Artillerie Coloniale à Cherbourg.
Arrivée à Cherbourg à 7h du soir.
Nous prenons la liberté de coucher en ville (place Divette).
(*) : Petite
commune du sud de la Manche. Ferdinand y est instituteur, avec sa femme Berthe.
Voir la carte Michelin pour situer Romagny
Réveil à 7h après un bon déjeuner.
Je prends la route de la caserne située à environ 2km500 de la gare.
Je suis versé à la 28ème compagnie (compagnie des élèves
caporaux).
Après avoir reçu une paillasse et deux couvertures toutes neuves, je m'installe aussi bien que possible dans la chambrée.
À 10h, rata (*) qui, ma foi, n'est pas trop mauvais.
De 10h ½ à 3h, nous passons le temps à faire les cent pas dans la cour (cela me rappelle la vieille boîte, l’École Normale), mais entre cette vieille boîte et la caserne, beaucoup de différences, toutes à l'avantage de la première.
À 3h, le commandant fait appeler les élèves caporaux dans son bureau et nous fait un petit « speech »
5h, souper. Ensuite sortie en ville jusqu'à 9h.
Les élèves caporaux arrivés une journée avant nous doivent faire pendant ce temps avec la compagnie une marche de nuit.
Nous rentrons à 8h et vite au lit.
(*) : Repas.
Première nuit à la caserne enfin passée (ce n'est pas fameux).
La chambre est encombrée dès hier soir par de nouvelles recrues arrivées par les derniers trains, à 9h1/2 – 10h.
Les hommes de la compagnie rentrant de marche, d'où chahut !
De plus les puces, qui en bon nombre ont élu domicile dans ma paillasse, se chargent pendant longtemps de me tenir les yeux ouverts, aussi je suis bien content quand l'heure du réveil arrive.
Caserne
Brière-de-L’Isle, photo n’existant pas dans le carnet
À 8h, nous allons attendre (nous les nouveaux arrivés dans la compagnie) pendant une heure que le major vienne nous passer la visite.
Tout est vite expédié, je suis reconnu apte, certains sont versés dans la compagnie de dépôt, mais cela ne les empêchera pas de partir pour le front.
Ils feront seulement moins de marches que nous.
À 10h, rata.
Ensuite nous sommes libres jusqu'à 9h ce soir. J'en profite pour aller porter ma valise chez Mme Levitoux (Equeurdreville (*)) où, avec un camarade, je fais un bon dîner.
L'après-midi se passe à écrire et à se promener dans les rues de Cherbourg.
À 9h, rentrée. Il va falloir réintégrer la chambrée et refaire connaissance avec ce sale pieu.
(*) :
Banlieue de Cherbourg.
La nuit se passe un peu mieux que la précédente.
De 8h à 10h, exercice sur le polygone militaire sous le commandement d'un caporal. À droite, à gauche, tenir à droite, à gauche, demi-tour à droite etc...
10h1/4, rentrée à la caserne et rata (pois et tranche de bœuf).
J'ai le plaisir de retrouver ici, dans la même compagnie, un ancien copain d'E.N. (*), Gautier.
Chacun des nouveaux élèves caporaux, dont j'ai l'honneur de faire partie, touche un petit bouquin de théorie pour nous permettre de nous désennuyer, tous les jours de 6h à 7h1/2, à la place de sortir en ville.
Rapport du capitaine, 11h1/2, distribution de punitions en quantités.
Après-midi avec 3 camarades, je me mets à faire une partie de cartes dans la chambrée. Arrive un adjudant qui nous dit que si le capitaine nous voyait, nous récolterions au moins 8 jours de salle.
En bon type, il ne nous donne rien.
Voilà déjà un bon avertissement et je tâcherai d'en profiter. Nous l'avons déjà échappé belle.
De 3h à 9h, sortie en ville.
(*) : École
Normale.
Nuit assez bonne en comparaison des autres.
Les copains qui ont touché leurs godillots sont à l'exercice pendant qu'en attendant le nôtre, nous restons tranquillement à la chambrée.
Rapport
L'après-midi, nous restons encore à la chambrée pour avoir des godasses.
Les mitrailleurs qui doivent partir ce soir reçoivent tout leur fourniment : vivres, cartouches, toile de campement, seaux, etc... Ils vont en avoir un sacré poids sur le dos.
Cela commence à m'effrayer.
À 3h, rentrée de l'exercice ; chambardement complet de la chambrée, nous sommes transférés de l'aile O du bâtiment à l'aile E (dernière chambre) mais toujours au 3ème et dernier étage.
La chambrée que nous allons occuper est un peu
(*) mieux que la précédente,
nous avons des lits en fer, 2 paillasses au lieu d'une et surtout moins de
poussière. (**)
L'autre carrée étant un véritable fumier. Espérons que je vais un peu mieux dormir.
À 6h, nous devions rester pour apprendre la théorie, mais tant pis nous sortons jusqu'à 9h.
Nous avons bien fait car en rentrant il n'y a toujours rien de nouveau.
(*) : Barré
dans le carnet.
(**) :
Souligné dans le carnet.
Je ne m'étais pas trompé, la nuit a été bien meilleure que la précédente.
À 7h20, les copains descendent pour aller manœuvrer sur le polygone mais nous restons toujours (les mêmes 6) en attendant les chaussures.
Mais cette fois ça y est, le sergent d'habillement vient nous chercher, il va falloir faire l'exercice cet après-midi.
Enfin tant pis allons y.
Nous voilà revenus mais sans godillots. Ceux qui en ont une bonne paire n'en touchent pas (il n'y en a plus assez pour tout le monde). C'était pas la peine de nous en faire attendre pendant 2 jours.
Enfin nous en sommes bien contents puisque pendant ce temps nous n'avons pas fait d'exercice.
En revenant, j'ai rencontré Bouillault qui me remet un paquet de ma chère petite femme (chocolat en quantité, journaux, casserole et surtout ce qui me fait le plus plaisir, une lettre).
En la lisant, malgré moi les larmes viennent aux joues.
Quelle sale guerre !! …
L'après-midi, exercice dans la cour de 1h à 3h ¼.
C'est un peu long mais enfin cela fait passer le temps.
À 8h1/2, on vient nous avertir (LaisnÉ, Pican (?), Parthenay, Berthelot et moi) que nous avons récolté 4 jours de salle de police (*) pour avoir manqué à l'étude hier soir.
Cela commence bien et donne du courage pour apprendre la théorie.
10h. Après l'étude, on vient nous chercher pour y aller.
(*) : Noté
très souvent « S.D.P. » par
Ferdinand dans la suite de son récit..
1ère nuit à la salle de police passée.
Elle a été assez bonne. Nous avons une paillasse et deux couvertures chacun. Nous avons bien rigolé. Un seul petit inconvénient, il fait froid sur le matin et j'ai attrapé mal à la gorge.
Quel sale métier !
Le matin, exercice dans la cour sur le polygone militaire.
L'après-midi, nous allons au stand, position du tireur debout.
Nous tirons chacun 4 balles à environ 25m, mon tir est : À bon.
En rentrant, le capitaine de la compagnie nous demande
pour passer un petit examen pour E.O.R.
(*)
Il nous fait sauter sur une table, lever la table.
C'est rigolo !
Ensuite il nous donne un modèle de demande pour l'envoyer au commandant. Le lieutenant et le sous-lieutenant ne trouvant pas la demande bien faite, la corrigent.
Pendant ce temps l'étude passe et malgré que le capitaine ait donné la permission d'aller en ville, les copains ne sortent qu'un quart d'heure avant les autres. Pour moi je reste car il ne faut pas oublier que je couche à la salle de police.
Avant d'y aller, nous prenons une bonne tasse de café et en route pour la poloche.
(*) : Élève
Officier de Réserve.
Nous avons encore bien rigolé toujours grâce au même type.
Ce matin, pas d'exercice, nous allons en magasin d'habillement où nous touchons un pantalon gris, une vareuse bleue, un calot et une capote.
Je pourrai maintenant aller chez le photographe.
L'après-midi,
nous faisons une marche jusqu'au tir de Querqueville. Il ne fait pas chaud sur le terrain de tir.
Le vent nous glace les mains.
Rentrée à la caserne 6h.
Nous mangeons rapidement la soupe et vite allons à l'étude. Et dire qu'il va falloir encore passer la nuit à la salle de police.
Quel sale métier, pour avoir manqué à l'étude alors que nous ne savions même pas qu'il y avait étude, 4 jours de salle c'est un peu fort.
Je me réveille plus tôt malade. La gorge et la poitrine ne sont pas très bien.
Ce matin, nous (élèves caporaux) allons assister à la dégradation militaire de 2 marins dans la cour de leur caserne. Je n'ai à peu près rien vu, sauf lorsqu'avec le piquet, ils ont fait le tour de la cour.
Ils n'avaient pas l'air de se biler beaucoup, et riaient en cherchant en rang parmi les assistants, des anciens camarades.
Une fois rentrés, nous sommes appelés par le sous-lieutenant pour réciter la théorie : je récite 2 leçons et attrape 2-17.
Ce n'est pas trop mal.
Nous sommes ensuite (toujours les E.C.) (*) présentés au commandant du dépôt qui nous fait quitter notre dîner pour nous faire l'attendre ensuite une ½ heure pour simplement nous demander nos noms et notre âge.
L'après-midi, tir réduit, le mien est bon.
Ensuite nous nous préparons pour une marche de nuit. Il faut rouler une couverture sur son sac, arranger cartouchière, ceinturon, etc...
À 8h ½, départ pour la marche avec fusil, sac et tout le fourbi. Cette fois, c'est un Lebel (**) que nous avons touché en échange de notre vieux fusil Gras (**). Nous sommes environ 2h partis.
En rentrant il faut aller coucher à la salle de police ; c'est honteux ; quelle sale compagnie.
(*) : Élèves
Caporaux
(**) :
Adopté par l'Armée française en 1874, le fusil Gras (de Basile GRAS) fut la
première arme d'épaule adoptée par l'armée française à utiliser une cartouche
métallique 11 mm qui était en laiton et à percussion centrale. Il fut remplacé
par le Fusil Lebel, adopté en 1887.
Le Lebel a été
très largement utilisé comme fusil d'infanterie jusqu'aux lendemains de la
première guerre mondiale puis, à un moindre degré, jusqu'à la seconde guerre
mondiale. Il fut officieusement baptisé du nom d'un des membres de la
commission qui a contribué à sa création : le colonel Nicolas Lebel.
Me voilà quitte de la salle de police, mais nous n'allons point pouvoir sortir, la compagnie étant de piquet d’incendie, et mon linge qui est chez Mme Levitoux... impossible de l'avoir !!...
Appel dans la cour
Les candidats au titre d'élève-officier de réserve dont je fais partie sur leur demande, obtiennent du capitaine la permission de sortir de midi à 10h sous prétexte que nous avons besoin de livres pour préparer notre examen.
Avant de sortir, je prends un bon gueuleton à la cantine avec 2 copains qui eux ne peuvent sortir. Je profite également de ce temps libre pour écrire.
Je sors avec LaisnÉ qui va dire bonjour à sa femme. Moi, hélas, je n'ai pas cette chance, ma petite Berthe est trop loin !! …
J'achète des brosses, du cirage, du papier à lettre, de l'encre, un porte-plume.
Je rentre à la caserne à 5h.
J'ai trouvé une lettre de Leneveu et une de La Chapelle (*) qui m'attendent.
L'autre copain Pican (?) et moi nous allons souper à la cantine. Ensuite il va falloir travailler un peu la théorie. Ce n'est pas le plus agréable.
Enfin ce soir, je vais pouvoir coucher dans mon lit et je dis « au revoir » à la salle de police.
(*) : La
Chapelle-en-Juger est un village à l’ouest de Saint-Lô (Manche)
Voir la carte Michelin pour situer ce village
Hier soir, le calme n’a pas régné dans les chambrées, beaucoup de soldats étant + ou – éméchés.
Dans notre carrée, nous avons assisté à un pugilat en règle : 2 types se sont pochés à coups de poing et de pied. L’un a eu un œil sérieusement endommagé et a dû aller trouver le major ce matin.
Au rapport, nous n’avons pas été étonnés de leur entendre attraper 8 jours de prison.
De pareils faits en temps de guerre sont bien regrettables et inspirent plutôt la pitié en un moment où tous les Français devraient être frères.
Ce matin, exercice sur le polygone, un vent glacial soufflant avec force de la mer nous glaçait la figure et les mains, les doigts avaient bien du mal à soulever le fusil.
La mer commençait à moutonner et dire qu’il a fallu rester ainsi pendant 2h ½.
Cet après-midi, marche de 18km avec couvertures et équipements, mais sans sac ni fusil par Tourlaville.
Comme récompense on nous donne en rentrant à chacun, un quart de vin, de plus pas d’étude, à la condition de savoir ?? de même sa théorie demain, nous en profitons pour sortir de 6h à 9h et prendre un bon café.
Je suis plutôt fatigué et j’ai mal au pied, mon soulier m’ayant écorché en arrière du talon, aussi c’est avec plaisir que je m’étends dans mon pieu.
Appel : un copain de l’escouade, Maunoury manque et rentre 1h en retard, il nous rassure sur son sort en disant qu’il a été mobilisé de force par le commandant pour aider à retenir un ??
Ce matin, théorie dans la chambrée (marques et respect, grades, etc.)
À 9h ½, nous allons être présentés (les E.O.R.) au général, aussi il faut se mettre en tenue de drap.
Nous voilà quittes de la présentation au général, il nous a simplement demandé notre âge et notre profession dans le civil ; ce n’était pas la peine de nous faire attendre pendant 1h ½ dans le couloir pour si peu.
Il parait que nous irons d’ici peu à Rennes passer l’examen en question, ce sera toujours 3 ou 4 jours de tirés.
Cet après-midi, nous devons être vaccinés, mais est-ce contre la typhoïde ou contre la variole nous n’en savons rien, en attendant nous restons tranquillement dans la chambrée.
À 3h, rassemblement des nouveaux arrivés de la Cie pour aller se faire vacciner (caserne Badent) On nous fait déshabiller au moins une demi-heure avant.
La vaccination ne fait pas bien mal, on nous enfonce dans la peau, derrière l’épaule, la pointe d’une ampoule, après avoir badigeonné l’endroit piqué de teinture d’iode.
Ce qui fait le + impression c’est de voir enfoncer le tube dans la peau des autres.
Un de nos camarades Lequéneur est tombé sans connaissance et a dû être porté à l’infirmerie.
Un autre copain Bourdais a attrapé 8 jours ??
Pendant l’étude le fils Leclerc vient m’apporter une lettre de ma femme, il avait aussi un paquet à me donner, mais il l’a laissé dans le train à Lison !!!
Ce soir, j’ai plutôt la fièvre et le bras gauche engourdi.
Aujourd’hui, lendemain de la vaccination, nous sommes exempts de service, aussi nous pouvons rester couchés.
J’ai l’épaule gauche ankylosée et le moindre mouvement me fait mal, cette nuit j’avais bien du mal à mettre le bras gauche sur les couvertures.
Mais je ne suis pas le plus malade.
Presque tous les autres ont une fièvre de cheval, avec des frissons, beaucoup n’ont pas pu dormir et ce matin en voulant se lever quelques-uns ont manqué de tomber sans connaissance. Je suis peut-être le – malade de la chambrée.
Nous (les E.O.R.), nous sommes encore présentés au commandant, un copain Duhoux, tombe en syncope et s’allonge sur le parquet, quelques autres sont sur le point d’en faire autant.
Le commandant rend compte de la marche de lundi : des fautes tactiques qui y ont été faites, cela devant les officiers du bataillon et devant nous.
Ce midi, cela ne va pas très bien, je suis plus malade que ce matin.
Cet après-midi, théorie sur le démontage et le montage du fusil, sur le graissage de l’arme, beaucoup se tiennent la tête dans les mains.
Ce soir, cela va mieux et j’espère passer une bonne nuit. Nous sommes interrogés en théorie, je m’en sors bien et attrape 3 17. Espérons que cela continuera.
De 8h à 9h, on nous prend nos noms, prénoms, classes, recrutement, matricule pour confectionner nos médailles !!!
Espérons que j’aurai le plaisir de rapporter la mienne !!!
Demain il faudra très probablement reprendre l’exercice.
Ce matin, on est à peu près tous retapés.
À la prochaine fois !!
La matinée, nous allons au stand exécuter un tir réduit. Le mien est T.B.
Ensuite exercice avec l’arme auprès du terrain de tir.
Le capitaine nous accorde la permission de ne pas assister à l’exercice l’après-midi afin de nous permettre de réviser un peu d’histoire et de géographie, aussi nous restons tranquillement dans la chambrée au lieu d’aller manœuvrer sur le glacis du polygone.
Je ne fais pas grand-chose, n’ayant pas de bouquin !!
Rentrée à la caserne à 4h ½.
Théorie dans la chambre pour eux pendant que nous continuons notre travail.
Pas moyen de sortir en ville ce soir, le 1er peloton étant de piquet d’incendie. Pican et moi nous nous calons l’estomac avec un bol de café au lait et une bonne tartine de beurre.
Dans la chambre où couchent Pican, LaiNé, etc, il y a 1 cas de fièvre scarlatine, 1 cas de rougeole, et 1 cas d’oreillons, les malades ont été transférés à l’infirmerie et défense absolue d’approcher de leur pieu.
Pas de lettre pour moi ce soir.
2 qui ont été vaccinés avant-hier ont dû être transférés à l’infirmerie à cause de leur fièvre.
Aujourd’hui, je suis avec le copain Duhoux, de plat : il faut aller chercher les plats à la cuisine à l’heure de la soupe.
Ce matin, exercice dans la cour ; pendant l’appel, un pauvre malheureux qui probablement a la jambe cassée, se dirige vers la caserne Badent où se passe la visite, il est soutenu par 2 camarades, malgré cela la souffrance se peint sur ses traits à chaque pas.
Ce spectacle est vraiment émouvant et il est malheureux de voir qu’on ne peut pas trouver une voiture ou un brancard pour le porter à l’hôpital.
Et le major ne pourrait-il pas se déplacer dans un pareil cas.
Mais ces messieurs ne se gênent pas et font bon marché des souffrances et de la vie humaine, c’est épouvantable et peu réconfortant. Pour être reconnu malade, il faut bientôt être mourant.
Interrogation en théorie, je m’en tire encore bien !
À 11h, j’ai le plaisir de recevoir une lettre de ma Berthe, pauvre petite femme !
Elle se plaint de ne pas recevoir de mes nouvelles et je lui écris presque tous les jours. Où passent donc mes lettres ? Et dire que la dernière lettre que je lui ai adressé n’est guère agréable, je le regrette, mais quand je lui ai écrit j’avais la fièvre du vaccin.
Rapport : les E.O.R. sont dispensés de l’exercice, cet après-midi nous allons rester tranquillement dans la chambrée pendant que les autres vont manœuvrer.
Ce soir, je puis tout de même sortir de 7h ½ à 9h, avec Pican, nous en profitons pour faire un bon repas.
Hier soir à l’appel, mon voisin de lit Duval a été consigné pour dimanche par le sergent-major, tout simplement parce qu’il n’avait pas posé ses pieds dans la position réglementaire du garde à vous.
Aujourd’hui, je suis de chambre : il faut balayer la carrée le matin, le midi et le soir.
Ce matin, exercice sur les glacis, nous les (E.O.R.) nous quittons l’exercice à la 1ère pause et revenons tranquillement à la caserne sous le prétexte d’étudier.
Au rapport, le sergent-major précité, colle 4 jours de consigne à un malade qui n’a pas répondu présent assez fort, c’est tout de même malheureux de se voir traiter de pareille façon, nous ne sommes tout de même pas dans un régiment de forçats.
C’est honteux de la part des chefs de nous traiter ainsi, surtout en temps de guerre !!
Cet après-midi, manœuvre sur les glacis : 1 Cie ½ avait ordre d’attaquer 2 sections de la 24ème Cie retranchées derrière des arbres et des levées de terre.
Nous autres (les E.O.R.), nous sommes désignés comme agents de liaison auprès des chefs.
Avec 3 copains je suis attaché aux 2 sections de la 24ème. Il nous faut porter les ordres du lieutenant aux différents sergents au pas de gymnastique…
L’attaque faite par la 28ème Cie et la 27ème a complètement échouée. Le capitaine de notre Cie ne doit pas être fier de son travail.
Pas d’étude ce soir, aussi nous sortons de 6h à 9h.
Ce matin, j’ai tout de même le temps l’aller me laver un peu : les autres matins on n’en a même pas eu le temps.
Nous assistons ensuite à une conférence faite par un lieutenant venant de l’école du génie d’Angers, sur les tranchées et abris accessoires.
Cette conférence est faite en présence de tous les officiers de la caserne. Elle dure au moins 2h et n’a pas le don de m’intéresser, aussi ai-je baillé à plusieurs reprises, heureusement que le capitaine ne me voyait pas !!!
Sortie à midi, nous sommes libres jusqu’à 9h, j’en profite pour aller chercher du linge chez Mme LeVItoux et y faire un bon dîner en compagnie de Pican.
Ensuite je vais chez un photographe pour avoir ma tête en marsouin, j’y commande 1 douzaine de cartes postales : coût 6f.
C’est cher mais enfin !! C’est la guerre !!
Nous soupons Pican et moi, après avoir passé l’après-midi à arpenter les rues de Cherbourg, avec une brioche de 6 sous et un sou de café.
Rentrée à la caserne à 7h ½.
Ce matin, sur l’ordre du capitaine commandant la Cie ceux qui ont été malades pendant la semaine ont dû faire l’exercice dans la cour avec les punis, sous prétexte de leur faire rattraper le temps perdu.
N’est-ce pas honteux de traiter pareillement les malades.
Est-ce leur faute à eux s’ils ne sont pas forts, ils en sont les plus malheureux et en plus ils sont punis. Ce n’est pas encourageant pour ceux qui sont souffrants !!
Ce matin, malgré un très violent vent glacial, exercice dans la cour, le froid est tellement vif que j’en suis malaise et beaucoup d’autres avec moi.
Malgré cela, nos chefs sont si gentils pour nous qu’ils nous font poiroter pendant 2h ½.
C’est honteux, la manière dont ils traitent les hommes, ils ont envi que nous attrapions la « crève » avant d’aller au front.
Je commence à en avoir plein le dos et j’aimerais mieux partir au feu que de rester dans cette sale boîte.
À 10h ½, nous (les E.O.R.) assistons au compte rendu, par le commandant, de la manœuvre de samedi en présence de tous les officiers du bataillon.
Nous assistons à un tassage en règle de notre capitaine qui a commis samedi faute sur faute et sur le terrain de feu aurait fait zigouiller toute sa Cie, je jubile et ne peux m’empêcher de rire de sa tête.
Au rapport, nous apprenons les noms de ceux qui sont désignés pour aller à Rennes passer l’examen des E.O.R. Ce sont MéLERA, Bourdais, Botrel, Tusset et Delesaux.
Les autres (dont je fais partie) sont mis à la côte, les instituteurs d’ailleurs ne sont pas en odeur de sainteté dans la Cie et le régiment, à l’opposé des séminaristes et autres cas…..
Pauvre justice, quel cas fait-on de toi ?
Un élève caporal Corouge, qui a quitté le poste hier après-midi pendant 3h étant de garde, pour aller en ville en prévention du conseil de guerre, s’il n’est pas gracié par le commandant du dépôt.
Autre chose.
Nous allons être vaccinés cet après-midi, sale fourbi…
Cet ordre est annulé et nous allons avec tout le bataillon creuser des tranchées dans le jardin (sis route d’Equeurdreville.) Les (E.O.R.) manqués dont dispensés de travail, mais nous devons porter les ordres du commandant et le reste du temps se passe à geler sur place.
J’aimerais mieux creuser la terre, au moins je m’échaufferais. Le temps étant toujours très froid, la neige tombant même par instants.
Pas d’étude de soir, chouette !!
Ce matin, le sergent de semaine nous dit (E.O.R.) de ne pas aller à l’examen, 10’ après le sergent BerdU vient nous donner l’ordre d’aller au tir.
Ordres et contre-ordres, telle est la vie au régiment.
Arrivés au stand, défense de tirer, les soldats du 25ème sont de planton car un aéroplane boche a été signalé en route dans la direction de Cherbourg, aussi retour à la caserne.
Le capitaine nous attend pour nous faire mettre en tenue, nous devons aller à Rennes. Dans la nuit le commandant a reçu une dépêche du général de Rennes :
« Manquons candidats, envoyez reste de suite. »
Nous sommes le reste, le résidu, mais ça ne fait rien, si on va passer 3 jours à Rennes c’est le principal.
Nous nous habillons pour le train de 10h45.
Ordre contrarié, nous ne partons qu’à 7h09 du soir, un planton nous attendra à la gare de Rennes pour nous conduire aussitôt à la salle d’exercices.
Nous serons en forme après avoir passé la nuit dans le train. Quelles têtes feront nos copains en nous voyant arriver.
Permission de sortir en ville de 11 à 2h pour acheter les fournitures nécessaires, nous en profitons pour nous garnir l’estomac. Nous touchons 1 boîte de sardines pour 2, 1 barre de chocolat, de la viande froide, etc.
À 7h09 en route pour Rennes.
Tout va bien jusqu’à Coutances, nous nous amusons bien mais 3h d’arrêt à Coutances c’est la barbe, 1h d’arrêt à Folligny (*), 1h à Dol (**) et à 8h48 nous arrivons à Rennes.
Un sergent major du 41ème d’infanterie nous attend pour nous conduire à la salle d’examen située à l’autre bout de la ville. Pas de temps à perdre car les épreuves commencent à 8h ½.
Grâce à un tramway nous y arrivons à 8h25.
À 9h entrée dans la salle, nous sommes environ 87 candidats dont beaucoup d’instituteurs, je retrouve Veslot incorporé au 294ème de ligne et Levrandier du 25ème de Cherbourg.
Composition française :
« Parmi les qualités que possèdent les Français la promptitude d’esprit est l’une des plus importantes, elle lui permet de se plier rapidement aux circonstances imprévues. »
Développer cette idée en l’appliquant aux conditions de la guerre actuelle.
Mon devoir ne doit pas être fameux, j’ai bafouillé, mais voilà j’avais plutôt mal à la tête.
L’après-midi, arithmétique : 3 petits problèmes de C.E., aussi il n’y aura pas grand différence entre les compositions.
Demain matin, histoire et géographie à 9h.
Coucher à la caserne du 41ème nous touchons tout juste 1 couverture chacun.
(*) : Entre
Granville et Villedieu (Manche) : Voir la carte Michelin du secteur.
(**) :
Dol-de-Bretagne (35)
Je n'ai pas bien dormi ayant eu froid toute la nuit.
Réveil à 5 heures, les soldats du 41éme ont l'air d'être plus heureux que les coloniaux de la 28eme Cie à Cherbourg.
À 9 h, nous nous retrouvons tous à l'école Durlit levée ou à lieu l'examen.
Texte :
Histoire (*) : Guerre de 70-71- Cause-principaux faits de guerre-Traité de paix.
Géographie (*) : Colonie Fr. d'Afrique (moins l'Algérie et la Tunisie), situation, voies ferrées et production-Colonie allemande d'Afrique, 2 h pour faire le tout.
Dire qu'il a fallu traiter cela en 2 h je ne sais comment j'ai pu y arriver alors qu'il m'aurait bien fallu 5h pour le tout.
Tout est pareillement bête dans l'administration militaire.
Les copains Peltier, Bourdais habitant les environs de Rennes y ont fait venir leurs femmes pendant ces 3 jours.
Quels veinards moi je ne peux avoir cette chance malheureusement !!
L'après-midi, rien à faire si ce n'est à m'embêter ou arpentant avec LE.... et Eliard les rues à Rennes je ne suis pas gai et ai plutôt le cafard.
À 4h nous nous réunissons à la caserne du 41eme, nous sommes en subsistance, nous y touchons notre feuille de route pour retourner à Cherbourg, et nos vivres.
Mais nous prenons la liberté de ne partir de Rennes que demain par le train de ... 5h nous allons coucher en ville.
Nous trouvons 2 chambres auprès de la gare. Quel plaisir de pouvoir s'étendre entre 2 draps blancs.
Voilà 20 jours que je n'avais pas (*) eu cette chance.
(*) :
Souligné dans le carnet
Voilà une bonne nuit passée.
Quand en aurais-je une pareille ! Je n'en sais rien.
Je me réveille à 7h et lever à 8h.
Ça paraît bon !
Comme nous avons loué 2 chambres pour 3, nous avons tiré à la courte paille pour savoir lequel de nous coucherait seul dans sa chambre. Le sort m'a favorisé et j'ai eu une chambre à moi tandis que LE... et Eliard ont dû coucher ensemble.
J’ai été surement plus tranquille et ai pu, avec bonheur, penser à ma petite Berthe.
À 10h ½, nous nous retrouvons réunis près de la gare et prenons le train de 10h54.
Dol, arrêt de 1h ½ nous en profitons pour bien diner à 14h28’, nous prenons le train pour Lamballe - ??.
Nous n’allons pas avoir à changer de train d’hier.
Tout le long du parcours nous voyons un grand nombre d'hommes des classes 89 et 90 qui prennent le train pour rejoindre leur dépôt.
À Folligny , les quais en sont couverts. Quelques-uns sont complètement pleins.
Un d’entre eux, pas bileux s'adresse à son général de brigade pour savoir quel train il doit prendre. Il doit se rendre à Cherbourg, artillerie à pied. Le général, un bon type, lui tourne simplement le dos.
Le bonhomme monte ensuite en 2eme classe avec un autre aussi ivre que lui.
Le contrôleur le fait descendre et c'est dans la panique que les employés de la gare réussissent à le hisser dans un compartiment de 3ème classe (*) avant le départ du train.
Le temps passe assez vite jusqu'à Coutances mais après qu'elle barbe !!
4h ½ de nuit pour aller de Coutances à Cherbourg.
Eliard et Peltier sont malades.
(*) : La troisième classe a disparu en
1956
Ils se sont fait mettre de la teinture d'iode au poste d'ambulance de Folligny.
Rentré à la caserne
à minuit.
Tout est chamboulé, nos pieux sont occupés par des nouveaux, pas de couverture, enfer, nous faisons la nuit tant bien que mal.
Pendant notre journée, nos copains ont eu une bonne corvée.
Le Cdt ayant visité les chambres et voyant la malpropreté des paillasses a donné l'ordre de les changer, aussi hier, vendredi, chaque homme a dû porter 2 paillasses jusqu'au jardin et aussi récolter une quantité de poux.
En rentrant, douche et passage de leurs effets à l'étuve. Ils sont restés une heure à poil attendant leurs habits et finalement ont dû les reprendre tels l'étuve ne marchant pas et ils ont recommencé l'après-midi.
Notre voyage à Rennes a toujours eu l'avantage de nous dispenser de cette bonne corvée.
Ce matin, le capitaine nous dispense d'exercice, nous allons en cœur prendre une bonne douche.
Cela fait beaucoup de bien.
Autre chose (*) : Les camarades qui ont été vaccinés mardi n'ont pas eu
cette chance. Ils ont été dispensés d'exercice mercredi matin mais l'après-midi
ils sont allés à Querqueville (7kms de Cherbourg) au tir.
Ceux qui se sont fait porter malade seront consignés demain et feront l'exercice toute la journée !
C'est tout de même agréable le métier de militaire !!
Nous allons au magasin chercher les lettres arrivées depuis notre absence. Le caporal, si agréable du magasin Hérout, nous envoi promener comme il fait toujours et nous assure qu'il a expédié nos lettres à Rennes.
Quel sale type !
Tout ce qu'il fait c'est pour faire mal aussi quand recevrais-je les lettres de ma Berthe, je n'en sais rien ?!!
Autre embêtement à cause des poux le capitaine de la Cie ordonne que tous les hommes de la Cie se fassent couper les cheveux à ras. Nous passons les uns après les autres au coiffeur de l'escouade qui rend nos têtes semblables aux boules de billard.
Heureusement que je me suis fait photographier il y a 8 jours !!!.... (**)
(*) :
Souligné dans le carnet
(**) :
Dommage qu’elle soit perdue !
Nous apprenons que le charmant caporal Hérout a renvoyé nos lettres ce matin alors qu'il savait que nous étions rentrés.
Quelle vache !!
Hier soir, manœuvre de nuit sur le glacis. Nous avons toujours l'honneur d'être agents de communication.
Je suis avec Tevrier auprès de l'adjudant Gentilhomme.
Il nous faut chercher dans la nuit le capitaine et autre chefs. C'est plutôt la barbe !
La manœuvre commencée à 10h ½ s'est terminée à 11h ½.
Notre capitaine a commis des fautes graves aussi il pense s'attendre à un nouveau tassade (?) par le Cdt.
Aujourd'hui, nous avons la chance d'être de piquet.
Aussi pas moyen de sortir ; c'est agréable d'être élève-caporal.
Au rapport, nous devons nous découvrir afin de pouvoir vérifier notre coupe de cheveux.
Quelques camarades ont attrapés de la consigne pour ne pas les avoir fait couper hier soir alors que leurs cheveux coupés a ras il y a 6 à 8 jours n'ont même pas 1 cm de long, quelle salle boite !
Pendant le rassemblement, un homme tombe sans connaissance.
Ce n'est pas drôle, beaucoup sont malade et lorsqu'ils vont à la visite, ils ne sont pas reconnu et attrapent des punitions par-dessus le marché.
C'est honteux.
Les majors font vraiment trop bon marché de la vie humaine (*) ; ce ne sont pas eux les plus malheureux.
Ne sortant pas cet après-midi, j'en profite pour laver une partie de mon linge sale (mes mouchoirs, 2 serviettes de toilette et 8 paires de bas). Je ne suis pas lessivière, aussi mon linge n'est pas très propre, mais tant pis, au régiment qui n'est pas méticuleux au point de vue propreté.
Cet après-midi, j'ai le bonheur de recevoir une carte et une lettre de ma Berthe, cela m'aide à passer le temps.
(*) :
Souligné dans le carnet
La nourriture, passable dans les premiers jours, devient de + en + mauvaise. Depuis hier nous avons été nourris comme des « cochons »
Hier soir, nous avons bien ri, le caporal Azer un peu énervé, s'est chargé de nous faire passer une bonne soirée.
Ce matin, exercice sur le glacis.
Nous (les E.O.R), nous nous faisons engueuler par le sergent Berdu, qui jaloux des quelques petites faveurs que le Ct nous a accordées, s'est juré de nous faire barder, il va d'abord nous signaler au capitaine comme manœuvrant comme des pieds et demander que nous soyons privé de sortie.
Quel sale type !
Qui ne fait que se vanter et donner des punitions à tout moment.
Ayant fait sa carrière dans l'armée, il voudrait que nous qui avons tout juste 3 semaines de service, en sachions autant que lui comme manœuvre d'armes.
Au rapport j'avais ma plaque d'identité ainsi que les
copains. D'un côté on trouve le nom le prénom et la classe de l'autre côté se
trouve le recrutement et le n° matricule. (*)
À midi, on nous fait descendre en armes dans la cour on nous fait percevoir pelles et pioches pour aller au jardin creuser des tranchées, puis aussitôt contre-ordre (**), ceux qui n'ont pas été vacciné contre la variole à la caserne doivent y passer cet après-midi, nous nous déséquipons et restons dans la cour de 1h à 4h à attendre, à 4h, la vaccination.
Je passe à l'adjudant major qui n'est pas tendre et enfonce sa plume très profondément, enfin ce n'est pas grand-chose, et surtout on n’est pas malade comme avec la vaccination contre la typhoïde.
Ensuite corvée (**), nous devons monter chacun un lit en fer jusqu'au 3eme étage.
À 5h, nous
touchons des frais de route pour nous dédommager des vivres acheté en venant
rejoindre la caserne. Je reçois 2F50 comme beaucoup.
(*) : La
plaque d’identité était une plaque métallique toute simple. L'armée française a
changé le règlement en juillet 1916 de la plaque d’identité militaire, de sorte
que tous les hommes aient deux plaques : une reste avec le corps et l'autre
doit aller à la personne responsable de l'enterrement pour la tenue d'archives.
(**) :
Souligné dans le carnet
Mon rhume qui était à peu près guéri, ne s'est pas amendé hier pendant les 3h ½ que nous sommes restés dans la cour et en me réveillant j'ai la gorge et la poitrine malade ; mais inutile de se faire porter malade, on n'est pas reconnu et on attrape de la galle.
Ah oui !
Une fois arrivé à la caserne, il faut faire le sacrifice de sa vie et se dire « je n'en reviendrais pas ». C'est dur tout de même pour les hommes de notre âge, marié et père de famille de se dire :
« C’est fatal, j'y laisserai ma peau dans ses sales boites, je n'aurais même peut être pas l'honneur d'aller au front, je serai mort avant »
Ce matin, exercice sur le glacis, le caporal Dumouing nous fait Berdu !
Soupe à 9h ½, et à 10h 1/4 rassemblement pour ceux qui n'ont pas tiré à Querqueville pour aller au stand.
À 1h passé, en route pour le stand, mon tir est TB.
Exercice l'après-midi jusqu'à 4h exercices sur le glacis interrompu par de courtes pauses ; nous recommençons à être plutôt vannés.
À 4h, retour à la caserne où le sous-lieutenant nous attend pour nous faire réciter la théorie, je m'en sors toujours bien.
Je vais sortir ce soir afin d'acheter un peu de teinture d'iode et des pastilles de goudron (*) car ma gorge me fait mal.
Avec Réan (?), je fais un petit souper en ville.
Ce soir, je reçois une lettre d'Alphonse, une de ma Berthe et une feuille de la gare de Cherbourg disant qu'un colis y était à ma disposition. C'est le fameux colis que le fils Leclerc devait m'apporter.
(*) : Auguste Géraudel mit au
point une pastille à partir de goudron de Norvège, qui répondait aux problèmes
de catarrhe bronchique de sa mère, et qui obtint un succès important en France.
Bien que la
formule du composant fût connue depuis l'Antiquité, le succès de son médicament
fut croissant.
Cela était dû à
la pureté que Géraudel avait réussi à atteindre grâce aux distillations dans son
médicament, mais surtout à l'importante publicité qu'il fit autour de son
médicament.
Ce matin, j'ai encore la gorge et la poitrine malade malgré la couche de teinture d'iode que j'y ai mis hier soir. Mon vaccin contre la variole n'a pas pris.
Ce matin, exercice dans la cour pendant 1h1/2 puis revue des effets d'habillement dans la chambre par le sergent Berdu.
Soupe à 9h1/2, nous allons probablement faire une marche cet après-midi, j'aime autant cela que rester à pister sur les glacis.
Aujourd'hui, les réformés des classes antérieures à 1900 commencent à arriver à la caserne.
À 11h, départ pour Querqueville.
Là nous exécutons successivement 2 tirs de 6 cartouches chacun sur panneau rouge.
Je fais la 1ère fois 6 balles 10 points et la seconde fois 5 balles 8 pts la dernière cartouche étant partie avant que j'ai visé. (Le maximum est 6 c. et 12 pts) mon tir est le meilleur de la classe spéciale.
Nous revenons avant les autres, avec les permissionnaires afin de réciter la théorie de laquelle je me sors encore bien : 18
Comme les bons tireurs ont droit à un quart de vin je vais probablement en avoir un, c'est toujours autant de gagné sans trop de mal.
Mon fusil est bon, porte un peu à gauche à mon premier tir
les 2 premières balles sont à gauche marquent chacune 1pt, les 4 suivantes sont 4 centrées.
À 7h ½, je sors en ville avec Préay et nous y faisons un bon souper.
En me couchant je me badigeonne la gorge avec de la teinture d'iode.
La nuit n'a pas été très bonne, la gorge n'allait toujours pas si cela continue je me fais porter malade.
Voilà 1 mois que j'ai reçu ma feuille de route. Le temps passe tout de même malgré qu'il semble long.
Ce matin, tir au stand : le mien est encore TB.
Marche cet après-midi, avec tenue de campagne : sac, couverture, gamelle, musette, bêche, etc...
La marche ne dure pas longtemps quant à la 1ere pause l'eau se met à tomber et nous faisons demi-tour.
Nous rentrons à la caserne à 3h1/2 j'en suis bien content car ma gorge ne va pas du tout.
En rentrant il faut se mettre à astiquer son flingot qu'est déjà tout rouillé.
Ah quel sale métier !
Quelle sale Cie, ah je vois bien que je n'en reviendrai pas !
Pauvre petite Berthe chérie tu n'as jamais eu de chance !
Et pourtant tu es si bonne, tu ne mérites pas toutes ses infortunes du sort.
Ah ! On est patriote chez soi au coin de son feu, mais il suffit de passer 3 jours au 1e Colonial, 28ème Cie, pour en être complètement guéri. Certes je ne demande pas mieux que de faire mon devoir, mais au moins je voudrais que l'on nous traite un peu plus humainement.
Il paraît que ceux qui ont laissé du linge sale sous leur paillasse ont été de consigne, moi j'y avais mis une musette remplie de linge propre pour servir d'oreiller, je ne sais pas si je suis compris parmi les punis, mais je ne m'en étonnerais pas.
Ce matin, cela va un peu mieux, malgré cela je me fais porter malade.
Comme le service est tout de même mal organisé !
On nous fait descendre à attendre 1h1/2 dans la cour où il fait un froid glacial. C'est un bon moyen pour attraper du mal.
L'adjudant major qui passe la visite me reconnaît malade.
Angine, un infirmier me badigeonne le haut de la gorge avec de la teinture d'iode et me donne en plus 2 pastilles de chlorate de potasse. Je suis exempté d'exercice pour la journée, les majors ne sont jamais trop généreux car j'aurais bien pris quelques journées de repos.
Au rapport, le capitaine nous fait rire un peu, ceux qui ont manqué hier soir l'étude se font emballer.
Pourquoi avez-vous manqué à l'étude ?
« On nous avait dit qu'il n'y en avait pas ! »
À chacune de ces réponses évasives le capitaine lui dit s'approchant de l'un deux lui dit dans l’oreille :
« C’est un con »
Tout le monde s'éclate de rire mais le capitaine qui se croit très spirituel ne s'aperçoit pas que c'est de lui que l'on rigole et il a flanqué 4jr de S.P. (**)
Cet après-midi, les copains vont au tir de Querqueville tandis que je vais rester tranquillement dans la chambre. Le temps passe vite à sommeiller sur sa paillasse.
À 4h1/2, j'irais chercher au bureau de trésorerie la délégation de traitement d'Eliard et moi que nous y avions posté hier soir, il ne me reste plus qu'à envoyer la mienne à ma Berthe chérie.
Ma pauvre petite femme adorée ! Si tu me voyais en ce moment comme tu te désolerais ! En pensant à toi les larmes me montent aux yeux.
Oui je me sens bien malade et rien à faire, si ce n'est à me laisser « crever » peu à peu.
Comme le dit le maudit capiston (*) :
« En temps de guerre, on ne doit pas être malade »
Ah ! Que ceux qui sont bien portant sont heureux !
Je n'étais pas militariste avant mon incorporation mais maintenant je suis antimilitariste acharné.
La vie de caserne… suite illisible.
(*) :
Officier des armées de terre et de l'air (argotique)
(**) : Salle
de Police
Voilà aujourd'hui 1 mois que je suis arrivé à la caserne Brière-de-L’Isle.
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Réflexions
Ah je ne suis pas bien tombé.
De plus le fameux capiston (toujours lui) « vieux duc sans rente » est un cabotin acharné et à tout moment fait preuve de ses préférences pour les biens pensants (frères, curés, séminaristes) qui obtiennent toutes les faveurs.
Exemple 1 : Dans la classe 1911 à la Cie, il y avait 2 séminaristes, ils ont été les premiers nommés caporaux alors que 9 autres jeunes gens de la même classe ou réformés des classes 10-11-12-13 pour 2 ans le service armé (licenciés-bacheliers-avocats) ont été mis à leur côté parce qu'ils n'avaient pas le privilège de porter soutane.
De plus ces jeunes gens ont été affectés au bataillon de marche pour partir pour le front à la prochaine occasion tandis que les séminaristes sont restés à la 28ème pour nous instruire.
Ils y resteront aussi pour instruire la classe 16 et ainsi de suite et n'irons sûrement jamais au feu.
II :
Il y a 8 jours, un frère (BAUX) qui avait quitté la France lors de la loi sur les congrégations et s'était retiré à Jersey est arrivé à la Cie.
À tout moment le capiston s'inquiète de lui, le fait demande et lui a déjà proposé une permission alors qu'il s'est montré si … pour les autres.
Ah ! Pauvre justice que … !!!!!!!
Heureusement, il paraît que le capitaine, jugé absolument incapable par le Cdt va être mis au panier (il sera président de la commission des ordinaires), il doit être remplacé par le lieutenant Gireau (promu nouvellement capitaine, c'est lui qui a fait la conférence sur les tranchées) espérons qu'il sera un peu moins « maboul » que le vieux !
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Hier soir, quelques copains ont attrapé des punitions.
DuhOux qui était allé réclamer du pain au caporal Héron a eu 2jrs de consigne pour avoir réclamé avec impolitesse, un tel motif peut faire augmenter la punition.
Le caporal de notre escouade, Chermat, a attrapé 4jrs de consigne pour n'avoir pas veillé au paquetage des ses hommes.
N'est-ce pas honteux de nous emmerder avec de pareilles mesquineries, nous sommes venus ici pour nous faire casser la gueule et non pour faire des paquetages carrés.
Ce matin, le s/lieutenant STIKEL nous fait commander dans la cour la réussite n'est pas parfaite pour beaucoup d'entre nous.
Ce midi série ordre et contre-ordres.
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La suite du 20 mars a été retranscrite à la
page du 1er février de l’agenda-carnet. Je le replace au bon endroit, pour une
bonne compréhension du récit.
À 3h, nous (le 60ème R) qui
n'avions pas été vaccinés, pour la 2ème fois nous passons au supplice.
4h. Revue dans la chambre ; le
capitaine Fitz James mis de côté,
transmet ses pouvoirs au capitaine nouvellement promu Gireau. La classe spéciale attrape encore.
Ah,
nous avons bien mauvaise réputation et cela de la faute du sergent BErdu qui ne peut nous sentir.
Le
commandant qui comptait nous nommer caporaux du 20 au 25, a vu que nous
n'étions pas assez avancé et, en homme juste, il en a rejeté la faute sur le
sergent instructeur qui ne nous avait pas encore fait commander, nous laissant
de côté par parti pris.
Pendant
la revue, un copain, Botrel, malade
d'une angine et vacciné cet après-midi, tombe subitement malade et on est
obligé de le porter à l'infirmerie.
Le
sous-lieutenant Psikel, lorsque
le capitaine passe devant moi, me complimente et dit que je suis le meilleur de
la classe spéciale. Me voilà bien.
Comme
noblesse oblige, il va falloir turbiner consciencieusement.
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La nuit n’a pas été très bonne j’ai eu la fièvre et l’épaule me fait plutôt mal.
Ce matin même chose, j’ai la tête un peu lourde, cependant je ne suis pas le plus malade certains de mes camarades n’ont pas fermé l’œil de la nuit alors que j’ai assez bien roupillé.
À 9h, nous allons assister en compagnie de tous les officiers du Bon à une 3ème conférence faite par notre nouveau capitaine Gireau, sur les explosifs, pétards, grenades, fougasses etc.…
Cette conférence plus intéressante que les autres dure
environ 1h½.
À 11h, rapport. Enfin, le vieux capiston De Fritz James est balancé, et c’est le capitaine Gireau qui préside le rapport.
Comme bienvenue, il a supprimé les provisions des 2
derniers jours et fait ajouter au menu de la Cie pour aujourd’hui un petit
dessert (confitures et un quart de vin)
Nous sommes libres à 11h½, j’en profite pour sortir avec Berthelot (PICON étant d’équipe de
pompier).
Je vais chercher
les photos de PICON et moi. C’est assez bien réussi.
Dommage que ce
soit si cher. J’achète un livre du gradé, fais un bon gueuleton, assiste à un
match entre marins (sous-mariniers torpilleurs) et rentre à la caserne.
Ayant un peu de
temps, je l’utilise à expédier 3 de mes photos (1 à ma petite femme chérie, 1 à
la chapelle et 1 à ma marraine). Je vais en envoyer une 4ème à mon frère.
Déjà dans la chambrée, quelques types sont
mûrs et j’ai peur que la soirée ne se passe pas très bien.
Mon vaccin continu toujours à me faire mal,
j’ai tout le côté gauche engourdi ; espérons que la nuit va me faire du
bien, sans quoi je ne serais pas à mon affaire pour manœuvrer demain.
Et nous
allons … pendant une dizaine de jours pour être bientôt nommés caporaux.
Aujourd’hui notre caporal … attrape 4 jours de consigne par le
chef pour avoir … , une « poule » qui
passait dans la …
Hier soir, la
chambrée n’a pas encore été très calme.
Le copain MONNERIE ayant attrapé quelque chose et nous a fait
rire un peu, il a bien manqué de se faire … à l’appel en répondant présent
d’une voix un peu trop forte.
Ce matin, l’épaule
gauche me fait toujours mal, j’ai tout le côté gauche enflé et très sensible,
malgré cela il faut prendre le harnachement et aller à l’exercice sur le
glacis.
Là, la fameuse classe S.P. commence à … sous la direction du
sous-lieutenant … , du chef … et du caporal Jourdain, nous nous exerçons individuellement au
commandement.
Aujourd’hui, je suis de plats (petite corvée qui n’est pas très
pénible et qui consiste à aller chercher les plats à la cuisine et à retourner
les porter après le repas)
J’aime mieux cela que d’être de chambre.
Cet
après-midi, les vaccinés de lundi dernier contre la variole vont à Badens
(?) passer la visite sur le résultat de la vaccination. Mon vaccin n’ayant pas
pris, le major déclare « NON »
Beaucoup ont le bras bien malade avec des boutons qui pourrissent
(conséquence probable de la malpropreté)
Cette visite finie, nous allons retrouver les camarades au jardin,
où nous les remplaçons et achevons une ligne de tranchée (créneaux, pare-éclats
etc...)
La besogne finie je suis racolé par le chef SCHMIDLING avec 4
copains pour aller au hangar du fumier, nous avons pour ½ heure de travail
intensif.
7h ½, rentrée à la caserne juste pour la soupe, le toujours « tire au cul » MOUNERIE qui est de plats avec moi, ne s’y trouve pas, je suis obligé de monter tous les plats, ce à quoi je réussis non sans me brûler la main (la bassine de soupe n’ayant plus qu’une anse)
Pour la première fois depuis que je suis ici, nous avons chacun 1 œuf à la coque.
La nuit n’a pas été bonne, j’ai de la fièvre et
l’épaule me fait plutôt mal.
Ce matin même chose, la tête est plutôt lourde,
cependant je ne suis pas le plus malade de tous et n’ai pas dormi de la
nuit (*)
Ce matin, il pleut à verse, aussi théorie dans les chambres, sur le montage et démontage de l’arme, j’aime mieux cela que d’aller se faire tremper sur le glacis.
Malheureusement, ce bonheur ne dure pas longtemps, à 7h1/2 rassemblement pour aller à l’exercice sur le glacis, malgré qu’une petite pluie fine continue à tomber ; cette pluie d’ailleurs cesse assez vite et la journée s’annonce belle.
Sur le glacis nous sommes exercés à commander.
Je reste tranquillement dans le rang et … pas.
Cet après-midi, même fourbi, toujours ce sale glacis.
Là nous révisons l’école du soldat, le combat à la baïonnette et l’école de section.
Je ne vais pas encore commander, ce sont toujours les mêmes ; les grands commençant toujours.
Le s/Lieutenant fait rentrer la classe SP (**) avant les autres pour nous interroger en théorie.
Le capitaine vient y assister sur la fin, il interroge ceux qui ont les + mauvaises et ceux qui ont les meilleures notes en théorie, ainsi je passe sur la sellette.
Je réponds assez bien et la question : Sur quel pied doit on commander et droite, - Je réponds « sur le pied droit
« NON »
Je reste bouche bée.
Le capitaine me dit :
« Ce n’est pas au commandement de « à
droite » mais à celui de « marcher ».
Ça c’est du rachitonnage !
PALLIER (?), LEVRIER (?) et MARIE (?) trinquent aussi.
7h ½, sortie en ville avec PICAN et petit souper traditionnel.
(*) : Ces
phrase sont complètement raturées dans le carnet
(**) :
Section Spéciale (dit textuellement, le 24 mars)
Ce matin les malades sont assez nombreux ; une épidémie d’oreillons s’est déclarée ; environ 75 hommes de la 24° Cie qui couchent au 2ème sont atteints et dans notre Cie il y en 7 ou 8 qui ce matin vont à la visite pour cette raison.
Pourvu que je n’attrape cette cochonnerie-là !....
De 7h à 9h ½ exercice sur le glacis, malgré l’épaisse couche de boue et la pluie fine, on nous fait mettre en tirailleur à genoux.
Pour terminer, notre section sur l’ordre du capitaine et au commandement du sergent BERDU se déploie en tirailleur.
Comme j’ai l’avantage de me trouver presqu’à la queue de la 2ème escouade, je dois faire + de 300m au pas gymnastique et le mouvement est répété 3 fois de suite.
Soupe à 9h ½ car nous devons aller cet après-midi au tir à Querqueville
Bon, encore une fois contre-ordre, après le rapport de midi ¼, rassemblement pour aller sur le glacis faire l’exercice.
Réédition des mêmes mouvements. École de Section.
Cette fois je commande quelque peu.
À 2h, la section SP est rassemblée à part et manœuvre au commandement du chef. Avec lui il faut être énergique, exécuter les mouvements avec vitesse et précision et surtout « être au garde à vous » dans l’immobilité la + complète, sans cela les jours de consigne tombent à profusion. (2 camarades l’ont appris à leur dépend).
Ah, comme je regrette de faire partie de cette section SP, toujours nous sommes « engueulés » par le chef (sergent BERDU, sous-lieutenant STIKEL, lieutenant Redon qui a dit à midi :
« Cette section spéciale, il faut l’emmerder jusqu’à la gauche »
Paroles textuelles que j’ai entendues.
De 4h ½ à 5h ½, le sergent BERDU nous barbe en nous faisant une théorie dans la chambre sur l’avant-garde. Il se croit beau parleur, se vante continuellement et nous rase complètement.
Ce soir pas moyen de sortir. Le 5e peloton étant de piquet.
Matin. Exercice sur le glacis sous le commandement du chef ; il nous fait barder (escrime à la baïonnette, en tirailleur, etc..) ; aussi à 9h1/2 nous sommes déjà esquintés.
Nous devons avoir marche cet après-midi, aussitôt rentrés à la caserne, il faut se mettre en tenue de campagne, rouler sa couverture, arranger son sac avant diner à 10h.
Le diner à peine terminé, contre-ordre, pas de marche, il va y avoir soit exercice, soit tir, j’aimerais mieux la dernière hypothèse !...
Midi ½, nous descendons en tenue d’exercice où dans la cour les 3 compagnies se réunissent ; il doit y avoir revue du général C.t le 10ème Corps (je ne sais pas son nom, ce n’est pas Baillard) (*)
En route pour le glacis. Le Ct Le Canu nous passe en revue et dit à notre chef de section (sergent BERDU) :
« Sergent vous n’avez pas inspecté vos hommes cela parce qu’un soldat avait 1 crochet de sa bretelle de suspension tourné en dedans ou lieu d’être tourné en dehors. »
Mais c’est bien fait pour BERDU, car c’est un sale type.
En attendant le général, le sergent se venge sur nous de la remarque du Ct et nous fait pivoter, pas gymnastique, face à droite, à gauche, rien n’y manque.
Au bout d’une ½ heure de cet entrainement intensif, nous sommes déjà vannés à en mourir ; pour nous guérir il nous fait rester en place 10’ en plein vent.
Ah ! Ce n’est pas drôle si on attrape des bronchites à la caserne.
Enfin à 3h ¼, l’infanterie de ligne (29ème et nous) nous défilons devant le général, baïonnette au canon sur le glacis.
Le général s’est parait-il déclaré satisfait du défilé et en récompense nous avons eu un quart de vin.
Nous l’avons bien mérité après avoir attendu 4h. sur le glacis au coup de vent et à la pluie fine qui nous cinglait.
(*) : Il
s’agit du général VAUTIER.
Ferdinand
l’indique en entête de la journée du 24 mars. Le général VAUTIER commandait la
10e région militaire, (Pas le 10e corps d’armée comme l’indique Ferdinand.).
Il est né en 1849 à Cherbourg, c’est donc une région qu’il connaît bien.
Aujourd’hui j’ai une sale corvée à faire. « Je suis de chambre ».
Cette corvée consiste à balayer la chambre le matin, le midi et le soir après avoir mangé, à aller chercher de l’eau potable et beaucoup d’autres petites choses.
Ce matin, exercice sur le glacis ; nous (la classe SP) nous œuvrons séparément au commandement du chef. Nous rentrons à la caserne avant les autres afin d’être interrogés.
Le S/Lieutenant Mikel nous attend à la salle d’étude. Je réponds toujours bien ; le S/Lieutenant me dit :
«Si tout le monde répondait comme vous, il n’y en aurait pas pour longtemps »
L’heure de la soupe est sonnée depuis longtemps déjà quand nous finissons, il me faut alors me presser d’aller chercher de l’eau.
À peine quitte de manger, on nous dit de descendre « aux patates », moi je dois rester à la loge, … , mais ils (les copains) ne sont pas arrivés dans la cour, qu’un contre-ordre arrive, il faut il faut vivement se mettre en tenue d’exercice en armes et se rassembler dans la cour.
Il faut que je fasse vite pour balayer la chambre, pour être prêt en même temps que les camarades et ne pas attraper 4 jours de consigne. J’y réussis à grande peine.
Le rassemblement terminé, on nous laisse une ½ heure à faire les « Jacques » dans la cour, en attendant des nouvelles, enfin à 11h ¼, nous partons pour le tir à Querqueville.
Le vent est très fort et la mer commence à moutonner dans la rade. Les tirs sont mauvais en général, je réussis à faire 4 balles 7pt, c’est AB. Après le tir le chef nous fait pivoter sur le champ de tir ; nous attrapons chaud.
Retour à la caserne 4h1/2.
Astiquage du fusil jusqu’à 5h ½, le mien en avait bien besoin après le temps d’hier.
Sortie 7h ½ et souper traditionnel avec Pecan.
Aujourd’hui, 5 semaines que je suis marsouin, le temps passe et toujours pas de permission en perspective pour aller dire bonjour à ma Berthe.
Comme il faut descendre les 8 étages pour aller pisser, la nuit certains types, pratiques, trouvent qu’il est beaucoup + simple d’uriner dans la chambre, ainsi Bonneville cette nuit.
C’est dégoutant d’avoir de pareils individus dans la chambre !!!
Exercice sur le glacis ce matin toujours au commandement du chef qui, décidément s’attache à la classe spéciale.
Pendant ce temps, le capitaine fait commander quelques types de la 1ère catégorie sur le point de passer caporaux. Ils doivent en même temps expliquer le mouvement à exécuter.
Eh bien, malgré l’instruction qui leur a été donné par le sergent BERDU (*), ils « sèchent » (*) complètement et montrent qu’ils sont encore plus nuls que nous.
Ce n’était pas la peine de se payer notre tête !!
C’est bien fait pour BERDU qui voudrait faire nommer ces élèves avant nous, et je souhaite que pareille aventure lui arrive le + souvent possible.
Revue dans les chambres à 3h par le lieutenant, il faut s’entraider à nettoyer la chambre, laver les tables, arranger son paquetage, nettoyer son fusil, sa baïonnette etc.… etc.…
Quel fourbi ?
Ce n’est pas tout de même malheureux de s’attacher à de pareilles mesquineries en temps de guerre.
Ah je suis sûr que les Boches sont plus pratiques que nous et qu’ils n’abrutissent pas leurs hommes en revue absurdes.
Voilà la revue passée, je m’en suis tiré sans rien attraper.
Ce n’ai pas sans appréhension que je voyais venir le s/lieutenant.
Dans la chambre 3 types ont été « baisés » pour avoir leur flingot sale. Bonneville, Duval et Lechanteur, ce dernier qui avait un képi fantaisie payé 4f90, s’est fait attraper et s’est vu menacé d’être « foutu dedans » s’il sortait en ville avec.
(*) : Souligné dans le carnet
Hier soir, marche de nuit au lieu de roupiller, l’on se promène.
Nous sommes allés sur les glacis. Le but de la manœuvre était l’installation d’avant-poste la nuit sur un terrain inconnu.
Avec 5 camarades et le caporal de notre escouade Chermat, j’ai fait partie d’une patrouille chargée d’explorer le terrain du côté de la mer ; il a fallu rester 2 heures exposé au vent qui soufflait avec violence de la mer.
La manœuvre n’a pas eu de mal à réussir car il n’y avait personne pour figurer l’ennemi (Nous étions partis sans qu’on nous ait donné ni mot, ni signe de reconnaissance.
Quelle absurdité !!
À 10h ½, rentré à Brière.
Aujourd’hui, il faut espérer que nous allons avoir un peu de repos.
Ce matin, je suis resté couché 1/2 heure de plus.
À 9h, nous assistons à une nouvelle conférence faite par notre capitaine Giraud-Mangin sur les moyens de fortune permettant de franchir un cours d’eau. Je ne puis m’empêcher de fermer les yeux et c’est à grande peine que je parviens à résister au sommeil.
Après nous sommes libres et pouvons sortir en ville sauf bien entendu les consignés.
J’en profite pour faire un tour et me remplir l’estomac.
Je rentre de bonne heure à la caserne afin d’écrire à ma Berthe, à Alphonse (*) et à mon père et de jeter un coup d’œil sur la théorie car on n’a pas souvent de moments libres ici.
Déjà q.q types sont pris de boissons dans la chambre et il est probable que la soirée va être encore plutôt orageuse.
(*) : Son
frère, Alphonse GILLETTE, 30 ans, est soldat au 136e régiment d’infanterie.
Nous le retrouverons, tragiquement, plus loin dans le carnet.
Hier soir, la chambre n’a pas encore été très calme, conséquence pour ainsi dire fatale de la sortie du dimanche.
Ce matin, exercice sur les glacis ; Le chef qui décidément s’attache à nous, continu à nous commander.
En dehors de l’exercice il est très « chic » avec nous et il a remonté beaucoup dans notre estime, c’est le vrai type militaire, aux commandements secs, mais qui prend soin de ses hommes, jamais il nous laissera dans un courant d’air étant un … et beaucoup de petites choses pareilles ; il doit être vraiment épatant en campagne.
Pendant l’exercice, le camarade Duhoux, vacciné samedi, se trouve malade et doit être reconduit à la caserne.
En rentrant au quartier, le général Gaffiot, qui nous avait déjà vu avant de partir pour Rennes, nous regarde défiler.
À 10h ½, tous les élèves caporaux vont être présentés au Ct.
Comme toujours nous attendons 1 heure dans la cour et cela pour nous compter simplement.
Tous les exemptés et réformés sont ensuite réunis pour aller passer la visite, afin de choisir ceux qui doivent être présentés au conseil de réforme.
Ah ! Je suis loin de l’emballement du début et je serais bien heureux de quitter la caserne !!!
Nous attendons tranquillement pendant 1 heure dans la cour de Chadens en nous chauffant au soleil, à l’ abri du vent, et finalement nous sommes renvoyés, la visite devra avoir lieu demain matin.
Le bataillon de marche de Barfleur arrive ici à 4h et part ce soir en train à 11h29 on ne sait pas pour quelle destination. … pense-t-on.
De là il rejoindra probablement le corps expéditionnaire de Turquie. (*)
Dans ce bataillon, partent beaucoup de types exemptés et réformés arrivés à la caserne en même temps que nous. Leur instruction a donc duré tout juste 5 semaines, ils ont fait 2 tirs seulement et n’ont eu aucune permission.
C’est dur tout de même de partir ainsi et penser qu’un sort pareil m’est peut-être réservé.
Pauvre Berthe chérie !
(*) : C’est
l’expédition des Dardanelles :
Expédition
franco-britannique entreprise, en avril 1915, dans le dessein de remonter les
détroits jusqu'à Constantinople pour forcer la Turquie à sortir de la guerre et
pour communiquer avec la Russie.
L'expédition
débarqua dans la presqu'île de Gallipoli (avril-août 1915) mais ne put forcer
les défenses des Turcs malgré trois batailles acharnées devant Kritiya
(6 mai, 28 juin, 12 juillet). De nouvelles opérations navales se
soldant par des échecs, l'évacuation fut décidée, et le repli des troupes sur
Salonique s'acheva en janvier 1916.
Hier soir, le quartier était consigné à cause du départ du bataillon de marche, aussi il a fallu se mettre la « ceinture »
Ce matin, le temps est très froid et la neige tombe en petits flocons ; malgré cela en route pour les glacis ; j’ai les mains gelées en arrivant ; heureusement que le chef nous fait former les faisceaux et nous fait prendre le pas gymnastique pendant 10’.
Ensuite école de section : Botrel et … nous commandent.
Puis course. Nous sommes repartis par 10 en faisant 100m à la course.
J’arrive 1er de ma catégorie.
Les 2 1er de chaque catégorie sont réunis et recommencent. J’arrive encore 1er. Même répartition et on recommence une 3ème et dernière fois.
Cette fois je suis « baisé ». Je suis parti au moins 4m après les autres.
Le 1er arrivé a eu en récompense un paquet de tabac.
Cet après-midi, chambardement dans les chambrées, les escouades sont reformées.
Ensuite théorie dans les chambres et astiquage du fusil.
La Cie diminue beaucoup comme effectif, aujourd’hui tous les inscrits et tout le 2ème peloton ont quittés Briére pour …
Comme je fais partie du Vème peloton je reste ici jusqu’à nouvel-ordre. J’en suis bien content, car rien ne me dégoute plus que le changement.
Ce soir, nous sommes libres de 7h ½ à 9h et j’en profite pour aller avec Pecan me lester l’estomac.
En rentrant, je rédige une permission pour Pâques, la durée est laissée en blanc et sera fixée par le Ct.
Ah, je pourrais avoir seulement 48h, je reverrais ma Berthe q.q heures ; mais voilà l’obtiendrais je ?
Je l’ignore !!
Grace au charmant caporal … ? , nous ne pouvons avoir nos lettres, la distribution se faisant pendant l’étude, il nous est impossible d’y aller.
… ne nous manquerait pas et les lettres non distribuées doivent être mises au rebus le lendemain matin. Et dire que j’attends des nouvelles de ma Berthe et d’Alphonse !!!
Ce matin, exercice sur le glacis : installation d’un petit-poste sentinelle, le chef nous donne quantité d’explications, de conseils et cette petite installation nous apprend beaucoup plus qu’un abrutissage de 2h sur la théorie.
Après la 1ère pause, rassemblement, nous sommes encore répartis par groupes mais nous ne savons quel en est le but, et nous restons ainsi 1h au vent.
Quelle saleté !!!...
Rentrée à la caserne, nouvel appel par ordre d’arrivé à la boîte… « Toujours appel sur appel » ; ah ! Ils ont bien peur que l’on se « cavale ».
Rassemblement à midi ; nous devons aller au tir à Querqueville cet après-midi.
Ceux qui ont des chaussures à faire estimer restent tranquillement dans les chambres jusqu’à 2h ; heure à laquelle la commission d’estimation doit passer, et après nous allons aller rejoindre les autres au tir.
Le capitaine estime mes godillots à 17F ; cette somme nous sera versé à une date ultérieure, le maximum de l’estimation est de 17F50 : Ce sera toujours autant de tiré ; nous ne serons pas remboursés de notre linge de corps.
Tir à Querqueville ; je fais mon 4ème tir sur panneaux, le temps étant beau et calme, je fais un bon tir 6 balles 10 pts ; c’est moi qui fais le plus de ma catégorie.
Le tir finit vers 6h.
Nous revenons à Cherbourg à une allure très vive 6km en 40’ ; quelques-uns commençaient à traîner la jambe.
Nous n’avons pas d’étude ce soir, aussi je sors avec PICAN à 7h.
Comme poisson d’avril, le lever est à 5h ½ à la place de 6h, ce qui nous vaudra une demi-heure d’exercice en plus tous les matins.
Aujourd’hui, il y a une forte gelée blanche, et j’ai les mains glacées en arrivant au glacis.
Le temps est clair et promet d’être très beau et dès 8h ½ il fait déjà chaud, d’autant plus que le chef nous fait faire quantité de pas gymnastique ; aussi nous avons les jambes esquintées, résultat de la marche d’hier ; Ah ! Je voudrais bien qu’il n’y ait pas marche aujourd’hui.
Rapport : Vers la fin du rapport, le capitaine arrive et nous annonce :
« Il n’y aura
de permission de 48h à Pâques que pour les jeunes gens de la classe 15 et les
inscrits maritime, toutes les autres seront déchirées : ordre du
Commandant du dépôt. »
Aussi nous pouvons nous mettre la ceinture ; c’est tout de même malheureux : voilà 6 semaines que nous sommes ici et pas une heure de permission.
Ah ! Pourvu qu’ils nous donnent 2 jours avant notre départ pour le front !
Hélas, je commence à craindre.
Pauvre Berthe qui m’a attendu dimanche en vain ! Je commence à désespérer de tout.
Quel sale régiment !!!...
Rassemblement à midi ½ ; nous partons pour une marche avec tenue en campagne. Installation de la Cie en avant-poste, notre section est en réserve et par suite doit fournir sentinelles, patrouilles, rondes etc…
J’ai la veine de ne pas en faire partie, et pendant 1h ½ je reste tranquillement couché au soleil qui déjà chauffe dure et nous a fait suer en allant.
Retour par Octeville, et rentrée à la caserne à 4h ½.
Sorti 7h ½.
Hier soir, malgré notre malheur, nous avons ri un peu, le camarade DUVAL, un peu éméché, s’est chargé de nous dérider.
Pendant plus d’une heure ½ ; chahut complet dans la chambre : lits retournés, batailles à coups de polochon etc…
Le pauvre DUVAL a récolté, comme il se promenait en chemise dans la chambre, JAMME lui a levé sa chemise et flanqué un quart d’eau en plein dans le mille ; ce qui a dû le rafraîchir un peu, et diminuer sa fièvre.
Comme dans notre chambré se trouve BAUD, ancien frère émigré, la plupart de nous se plaisent à dire les plus noires grossièretés, ce qui sûrement ne manque pas de le scandaliser ; mais il reste impassible et n’a pas l’air d’entendre, c’est d’ailleurs ce qu’il a de mieux à faire.
Ce matin, exercice sur les glacis : exercice à la baïonnette, école d’intonation, et le tirailleur au combat ; nous n’avons qu’une pause et pendant 1h ½ nous ne faisons que nous déployer en tirailleurs couchés, il faut se traîner sur le ventre, aussi nos cartouchières sont propres.
Le temps est beau et promet d’être chaud cet après-midi.
Au rapport, lecture des permissions de 48h et de 24h.
Beaucoup d’exemptés et de réformés arrivés en même temps que moi ont 24h de permission : PICAN est dans ce cas, moi je me mets la ceinture.
Ah ! C’est encourageant pour apprendre la théorie : ils récompensent bien ceux qui travaillent, eh bien puisque c’est ainsi, je ne ficherai rien, et je vais commencer au tir cet après-midi.
Nous voilà rentrés de Querqueville, j’ai tenue parole ; comme 1er tir d’application sur silhouette à genou j’ai fait 5 balles, 0, et je me promets bien de continuer.
Autre nouvelle :
Le caporal BOULAN nous apprend que ceux qui n’ont pas eu
de permission peuvent en poser une de 24h pour le lundi de Pâques ; aussi
je vais encore essayer : j’en rédige une et je la fais signer au sergent
major SILMILION qui nous instruit et demain matin je la remettrai au sergent de
semaine.
Billet pour Romagny 2F75.
Hier soir, le pauvre DUVAL avait encore sa cuite ; aussi ce matin il est malade et ne peut venir à l’exercice.
À 6h, je vais avec GAUTIER, à la chambre de détail, le caporal BOULAN nous montre les permissions, la mienne est marqué 48h et signée du commandant BOIN, mais il paraît que le capitaine a réduit les permissions à 24h.
Tant pis, j’irai à Romagny, et je donne 5F afin d’avoir mon billet.
6h ½, départ pour les glacis, nous avons encore un nouveau sergent à nous commander, c’est toujours un modèle BORDER, qui ne fait que se vanter et nous « engueule ».
À la fin de l’exercice la Cie réserve est commandée par les E.O.R. de la classe 15 qui sont revenus de Rennes ; ils commandent bien à mon avis.
Le veinard de PICAN part par le train de 12h39’.
Cet après-midi à 3h, revue d’armes et de chambrées par le sous-lieutenant, aussi nous ne manquons pas de travail, il faut astiquer son flingot, le démonter, arranger son paquetage, laver les tables, balayer etc…etc…
À 1h ½, le sous-lieutenant fait appeler les élèves de la classe spéciale pour réciter la théorie : je m’en tire toujours bien ; cependant je regrette notre ancien s/s lieutenant STIKEL, car celui-là à une drôle de façon de poser des questions ; mais je crois que ma réputation est faite pour la théorie et je ne m’en plains pas, bien au contraire.
Cette interrogation nous prend 1 heure et après il faut faire vite pour se préparer pour la revue ; celle-ci se passe bien, et aucun type de notre chambrée n’attrape de punition.
À 4h ½, nous allons à la chambre de détail toucher nos billets de chemin de fer ; le mien revient à 2F75 et je touche ce qui me revient sur les 5F que j’avais donnés ce matin.
7h, En revenant de la cantine, JAMME me donne ma permission le sergent de semaine lui avait donné.
Ah ! Si nous pouvions partir demain matin au train de 6h39’ !!....
Ce matin, nous n’avons pas besoin de clairon pour nous réveiller, dès 4h ½ quelques types se chargent de réveiller tout le monde et nous sommes tous prêts bien avant 6 heures, heure à laquelle le quartier est déconsigné.
Ce n’est pas sans appréhension que nous regardons l’heure avancer, car va-t-on nous laisser passer au poste ! Je l’espère, mais ce n’est pas certain car en réalité nous ne devions partir que ce soir.
Enfin la pendule du poste marque 6h ; nous sortons sans difficulté, le sergent de garde étant un inscrit et très bon type. Comme le train part à 6h39’ il faut se presser et c’est tout juste si nous prenons le temps de boire un « jus » en ville.
6h35’, enfin nous voilà montés dans un compartiment et me voilà parti pour Romagny
À Lison, nous profitons d’un arrêt de 50’ pour s’emplir vivement l’estomac.
Peu à peu l’heure passe et le train s’achemine vers Saint-Lô, Coutances, Folligny, Pontaubault.
Là je quitte mes camarades qui tous continuent sur la Bretagne.
Au fur et à mesure que je me rapproche de Romagny, de ma Berthe adorée, je me suis ragaillardi, la vie de caserne semble s’éloigner, je ne suis plus le même.
Avec quelle impatience j’attends 6h21’, heure à laquelle le train arrive à Romagny.
Enfin m’y voilà ! Je ne suis pas long à franchir les 2km qui me séparent encore de ma Berthe qui est un peu surprise en me voyant, car ma chérie ne comptait plus sur moi.
Le temps maintenant va filer à toute vitesse.
Que n’ai-je donc le pouvoir de l’arrêter !
Aujourd’hui quel bonheur, j’emploi de mon mieux les 24h que j’ai à passer auprès de ma petite femme ; mais le temps passe vite dans ces conditions, et 7h arrivent vite ; il faut partir pour la gare, le train étant à 7h50’ ; C’est dur de se quitter, et malgré moi les larmes me viennent plusieurs fois aux yeux.
Pauvre petite Berthe, qui va se retrouver bien seul ce soir quand son petit va être en route pour Cherbourg. Et malgré tout, elle est plus courageuse que moi.
C’est elle qui essaye de me consoler.
Ah ! Ma chère petite femme que tu es bonne, douce, courageuse et digne d’être aimée !....
La nuit m’a paru bien longue.
D’Avranches à Cherbourg le train était bondé de soldats et c’est à grand peine que chacun a réussi à se caser.
De Lison à Cherbourg, je suis monté avec quelques camarades dans un compartiment de 1ère, aussi pendant les 4h ½ que dure le trajet entre ces 2 villes je sommeille un peu.
Nous arrivons à Cherbourg à 8h : 1h ½ de retard, un caporal est à nous attendre pour nous reconduire à la caserne et voilà une fois de plus ma liberté supprimée.
En arrivant j’apprends que je suis reçu à l’examen de Rennes avec 4 de mes camarades.
Voici la liste des reçus : BOURDAIS, GILLETTE, LE BUC, MELIN, GAUTIER ; nous devons partir d’ici peu pour Saint-Maixent ; J’aurais pourtant mieux aimé être collé et dire que d’autre comme PELTIER, TRENEL auraient si bien voulu être reçus.
Je n’ai qu’une consolation : c’est que si je suis
tué, ma petite Berthe touchera une rente plus forte que si j’étais simple
soldat. (*)
Le commandant fait appeler les élèves de la classe spéciale, certains ne sont pas revenus de permission et ils pourraient bien trinquer.
Le commandant essaye de consoler les collés de Rennes, qui d’ailleurs vont passer caporaux un de ces jours, puis peu de temps après, sergent ; je permuterais volontiers avec l’un d’eux.
Cet après-midi, comme la pluie ne cesse de tomber, théorie dans les chambres ; le temps passe assez vite ; le s/s lieutenant nous racontant sa campagne, et faisant raconter aux soldats qui sont allés au feu ce qu’ils ont vu.
Ceux qui vont à Saint-Maixent touchent leur livret et nous allons le porter à l’infirmerie pour le faire remplir (vaccination).
Nous n’allons pas non plus à la théorie du soir et à 7h sortie avec PICAN.
BOURDAIS rentre par le train de 6h39’, il est immédiatement cueilli et conduit à la salle de police où il passe la nuit. PELTIER n’est toujours pas rentré ce matin il n’est pas encore là, s’il n’a pas une bonne excuse, c’est sûrement la prison qui l’attend.
(*) :
Souligné dans le carnet
Déménagement : nous changeons de chambre, afin de permettre aux ouvriers de badigeonner la nôtre au lait de chaux auquel on a ajouté du crésyl, de laver les planches pour l’arrivée de la classe 16.
Les copains vont à l’exercice pendant que nous restons dans les chambres en attendant d’être habillés.
Habillement : nous touchons chacun 3 ceintures de flanelle, 3 chemises, 3 mouchoirs, 2 cravates, 3 caleçons, 2 paires de treillis, 1 sac de petite monture, 1 bidon et sa courroie, 1 paire de brodequins et 1 paire de souliers de repos etc… etc… dire qu’il faudra porter tout cela.
J’allais oublier les fameux blocs de fonte remplaçant les cartouches. Nous allons ensuite passer la visite, cette fois c’est sérieux, je crois que le major m’a trouvé une bronchite, le chef dentiste nous examine également les dents, nous passons également pour la vue.
Tout cela pour établir notre fiche sanitaire.
Après bien des pérégrinations, nous sommes enfin présentés au commandant qui devait nous voir ce matin ; il n’est pas de bonne humeur et nous sommes presque « engueulés » l’un pour avoir son képi trop petit, l’autre parce qu’il manque quelque chose à ses souliers, j’en ai ma part parce que je n’ai pas mis ma plaque d’identité au poignet.
Le commandant nous fait aller chercher tout ce que nous avons touché pour en faire l’inventaire, mais comme notre sac était prêt (j’avais fait arranger le mien par un ancien) nous n’avons tout de même pas déballé notre matériel.
Heureusement que nous sommes quittes de ces revues et j’espère que demain nous aurons un peu de temps.
Sortie avec PICAN et souper en ville.
Cette fois notre départ est fixé, nous partons demain 9 février (*) par le train de midi 16’ qui nous emmènera à Paris de là nous
prendrons la ligne Paris-Bordeaux jusqu’à Niort et Niort-St
Maixent où nous arrivons vers 8h ½ du matin.
Le matin pendant que les camarades
vont à l’exercice sur les glacis nous retournons à l’infirmerie pour
compléter notre fiche sanitaire, les camarades reçoivent une forte averse de
pluie et de grêle et reviennent trempés, donc nouvel astiquage du fusil en
perspective pour eux.
Le reste de la journée se
passe assez bien, nous avions été assez embêtés hier !...
Cet après-midi, après avoir passé qq heures à lézarder au soleil, j’ai trouvé Lalique de Mortain qu’en attendant d’être dans la cavalerie est occupé à faire
des corvées ; je profite de l’occasion pour prendre un verre à la cantine.
Entre temps à midi je suis allé chercher mes capotes à l’atelier des ouvriers tailleurs
où nous les avions portées ce matin afin que l’on en raccourcisse les
manches ; je ne suis pas très bien reçu car en les portant ce matin, le
camarade Gautier avait dit au caporal
tailleur qu’il nous les fallait pour 10h ½, afin que nous puissions partir à
midi ce qui était évidemment faux, mais c’était dans le but d’avoir nos capotes
prêtes afin de pourvoir sortir, ce qui ne nous a pas servi, Mélira est bien allé trouver le capitaine afin d’obtenir l’autorisation
d’être libre l’après-midi, mais il n’y a eu rien à faire, seul Gautier a pu sortir, sa femme étant venue le chercher à la grille.
À 4h ½, je suis allé toucher à la
salle du vaguemestre le colis que ma petite femme m’avait envoyé pour Pâques et
ce soir je reçois 1 carte de ma Berthe avec l’adresse de Leneveu.
Souper en ville avec PicAn et nous échangeons chacun une de nos photos.
(*) : Pâques en 1915 était le 4 avril
donc Ferdinand a fait une erreur pour le 9 février, il s’agit bien du 9 avril.
Puisqu’il parle de la réception d’un colis pour Pâques.
Nous avons passé la nuit Gautier et moi seuls dans une chambre aussi l’air ne nous a pas manqué.
Au matin, préparatifs pour le
départ. Deschamps donne un dernier coup à mon
sac ; vers 10h nous allons toucher chez le trésorier nos frais de route
soit 7,50 F pour 601 km de transport.
Le dernier km nous vaut 2,50 F.
11h : Reçu par le Ct du dépôt Boin et après un dernier bonjour aux copains nous prenons la route de la
gare avec notre chargement de campagne nous attrapons chaud et c’est avec
plaisir que nous buvons un verre près de la gare.
Là nous trouvons 2 jeunes
gars de la classe 16 du 25ème reçu E.O.R. (*) et qui partaient pour Joinville,
parmi eux se trouvaient R. Jouvel et Laignel.
Midi, route pour Paris,
nous sommes installés dans un compartiment avec ...... sergent major du
1er colonial d’un réfugié de Lille qui rejoint son corps à Périgueux, grâce à
ce dernier le temps passe assez vite sans nous ennuyer.
Arrivée à St Lazare, 7h35, nous prenons un taxi qui nous conduit à la gare Montparnasse nous avons tout juste le temps de souper avant de reprendre le train
Paris-Bordeaux pour Niort qui part à 9h21.
Nous perdons en route Méléra et Lebrec qui ne réussissent pas à
prendre le train, ils vont être obligés de passer la nuit à Paris et de
prendre le train de 8h demain matin.
Le trajet de Paris-Niort 9h du soir à 5h du matin n’est pas agréable, le
train étant bondé de voyageurs. Nous avons été obligés de passer la nuit dans
le couloir.
Après j’avais entassé
pêle-mêle tout notre harnachement…./…
(*) E.O.R. :
Élèves Officiers de Réserve
…/… aussi le temps parait doublement long, d’autant plus que nous ne
pouvons dormir aussi c’est avec joie que nous arrivons à Niort.
Là nous nous trouvons quantité de soldats dans le même cas.
6h51 départ pour St Maixent où nous arrivons à 7h29.
Comme nous ne devons
arriver à l’école qu’à midi, nous nous promenons un peu dans cette petite ville de 3500 ha. C’est
aujourd’hui marché, comme commerce important. Il n’y a que les porcs, les
halles à légumes aussi sont bien montées.
Diner en ville et à midi nous reprenons l’équipement pour s’emboîter de nouveau.
Je suis versé à la 6ème
compagnie je n’ai vraiment pas de chance et je suis le seul de Cherbourg
à cette compagnie.
Malgré les déboires que
j’ai eu, comme je voudrais me retrouver à la 28e cie du 1er colonial, il va
falloir refaire une fois de plus de nouveaux camarades et mon caractère peu
expansif ne m’y aide guère.
Arrivés dans une chambre, il faut vider son sac faire son paquetage,
son lit ; nous avons l’avantage d’avoir un bon matelas un traversin et des
draps. Je vais ensuite porter mes livrets au bureau.
Notre adjudant reçoit la
Cie afin de nous donner quelques détails sur notre nouvelle vie, l’emploi du
temps, de tout cela il résulte :
1° Que nous n’aurons
jamais de permissions
2° Que nous ne pourrons
sortir en ville que le jeudi et le dimanche.
Nous sommes ici bien
emboîtés, comme cela ne me plait guère car à Cherbourg c’était la
même chose, mais d’autres doivent la trouver mauvaise.
J’avais une bonne place dans la chambre, mon lit était contre la cloison mais il parait que nous allons changer de place, il faut que les hommes de chaque section soient placés dans la chambre par rang de taille !! (*)
Ce matin travaux de propreté dans la
chambre.
Douches l’après midi
Ici tout doit se faire au
pas gymnastique, (rassemblement) jusqu’à aller à la soupe à la cuisine.
Nous ne devons pas sortir aujourd’hui mais le lieutenant-colonel Migeant (?) nous permet de sortir de 7h à 9h.
Je retrouve Bourdais qui est à la 5e Cie même caserne que moi (Caserne Denfert-Rochereau) et nous sortons ensemble.
À l’école, nous trouvons Gautier 3e Cie tandis que Libra et Méléra nous ne les voyons pas de la
soirée.
.... à la caserne à 9h et nous voilà remboîtés
jusqu’à jeudi l’après-midi.
Je n’ai pas de chance d’être à la caserne Denfert, les 4 compagnons qui logent à l’école sont bien mieux que moi, ils
sont bien mieux logés que nous, chambrée, salle d’étude, caserne et de plus ils
ont un jardin devant l’école sorte de parc où ils peuvent se promener tandis
que notre cour de grandeur insuffisante est sale et boueuse, mais nous aurons
l’avantage d’être plus loin du chef.
(*) Souligné
dans le texte original.
Cette nuit j’ai bien dormi et n’ai pas eu froid comme la nuit dernière.
Ce matin jusqu’à 10h travaux de
propreté dans les chambres, astiquage du fusil.
Rapport à 10h
Cet après-midi visite
d’incorporation (*) de
1h à 2h30, une fois de plus je suis reconnu bon.
Cette visite se fait à
l’école et nous avons l’occasion de voir combien nos camarades des
4 premières compagnies qui logent à l’école sont plus veinards que nous à
tout point de vue.
C’est la dernière journée
de flemme que nous tirons ; demain, nous commençons l’exercice, espérons
qu’il ne sera pas si dur qu’on a l’air de le dire.
Le soir de 5h ½ à 9h je me promène dans la cour en compagnie de Bourdais.
Quelle idée de nous faire
rester à ne rien faire au quartier au lieu de nous permettre de sortir !
À l’école à peu près tous
les régiments, toutes les contrées, et toutes les professions
représentées. Il paraît que sur les 940 élèves il y a 250 instituteurs
d’environ 200 professeurs, lycées et collèges, l’enseignement est donc bien
représenté.
Il y a également beaucoup
de receveurs d’enregistrement,
d’avocats, de journalistes etc.…
Aujourd’hui, nous avons
appris les 3 manières suivant lesquelles le lit doit être fait aux différentes
heures du jour.
(*) :
Souligné dans le carnet.
Note en haut de la page : « Interdiction d’introduire des journaux à la caserne. »
Ce matin, début de l’exercice, comme il pleut nous restons à la
caserne.
I - Théorie sur les marques
extérieures de respect par notre sergent. (Cela me rappelle Brière-de-l’Isle).
II – Garde à vous – Repos
à droite demi à droite, demi-tour à droite
III- Positions initiales (gymnastique … ) mains
aux hanches à la poitrine, aux épaules)
Ma foi ce n’est pas si
dur.
Caserne
Denfert, photo n’existant pas dans le carnet
Cet après-midi réédition des mêmes mouvements
que ce matin, seul l’emplacement diffère, au lieu de rester à la caserne nous
allons route de Niort.
De retour à Denfert, nous allons écouter un petit
« speech » de notre lieutenant Hugues à la salle d’étude. J’ai retiré une très bonne impression de ce
chef ; il parle bien, est intéressant et paraît très « chic ».
Je commence à moins
regretter Cherbourg malgré que l’on nous traite ici comme de véritables
collégiens.
Au rapport nous apprenons
que le lieutenant-colonel dirigeant l’école exige que les lits soient faits
en « billard ».
C’est tout de même
malheureux qu’en temps de guerre, on nous fasse perdre un temps précieux à
faire le lit de 3 façons différentes pendant la journée.
De plus l’interdiction
absolue de lire des journaux. Aucun journal ne devra pénétrer à la caserne et
nous devons nous contenter des communiqués
officiels qui seront chaque jour affichés dans la salle d’étude.
Matin (*) : Mouvements de l’école du soldat, école de section gymnastique
aux agrès
Le lieutenant qui est présent exige que chaque
mouvement soit exécuté d’une façon impeccable mais chaque fois il nous indique
le pourquoi.
Soir (*) : Sortis en campagne sur la route de Saivres (**) et retour par le champ de
manœuvre.
Notre lieutenant nous
explique très bien les accidents du sol avec leurs noms militaires (ravins,
croupes, éperons, crêt, bois, boqueteau, taillis, routes des remblais en
déblais, manqués etc…)
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent
Reconnaissance d’un
terrain à vue. Comment on reconnait s’il y a un ravin entre le point
trouvé et l’horizon.
Champ de manœuvre.
Orientation – ... – Étoile polaire – soleil et montre. Vue sur un objectif
prendre avant le départ les points de repère.
En rentrant à la caserne
on donne le texte de 2 devoirs que nous devons traiter le lundi 17 et le samedi
24 pendant l’étude.
Décidemment on nous traite
comme des potaches.
Je trouve que ces devoirs
sont tout ce qu’il y a de plus absurde et ne signifiant rien de …… car les
différents types sont + ou -
documentés.
Ces sujets ont traits à la
guerre de 1870 et à la guerre actuelle.
(*) :
Souligné dans le carnet.
(**) :
Situé à 4 km de Saint-Maixent (Deux-Sèvres)
Aujourd’hui je suis de
chambre et une sale corvée car il n’y a pas seulement un balai potable et les
types ne mettent pas beaucoup de bonne volonté à balayer sous leur lit, de plus
notre chambre est sale et obscure et le matin c’est à peine si l’on y voit.
Ce matin, théorie sur le montage et
le démontage du fusil, mouvement de l’article II de l’école du soldat et
gymnastique aux agrès.
Cet après-midi, position du tireur sans
arme (debout à genoux et couché). Viser un point marqué.
Ceux qui n’ont pas été
vacciné 4 fois contre la typhoïde vont se faire piquer à 4h alors que nous
rentrons à la caserne.
Bourdais qui s’était fait porter pâle ayant reçu seulement 2 piqûres y
passe également et quelle n’est pas la stupéfaction des vaccinés de la 3ème Cie
lorsque leur lieutenant leur annonce qu’ils sont privés de sortie ce
soir !
Heureusement pour eux
cette décision n’est pas restée irrévocable et au bout d’une heure (5h ½) la consigne a été levée non sans qu’ils aient
été obligés d’éplucher les patates.
Je suis avec Bourdais à 6h ½.
Avant de sortir on nous
apprend à saluer correctement car ici ce
n’est pas comme à Cherbourg où on ne saluait pas les aspi.off, il faut saluer
tous les gradés y compris les sergents.
Je me tire bien de cette
épreuve.
Je profite de cette sortie
pour acheter quelques menus articles de librairie.
Les élèves ayant été
vaccinés hier peuvent rester au lit.
Dans la chambre voisine de
la nôtre, il y a un cas de rougeole.
Théorie pour les sanctions
disciplinaires.
Puis mouvements de l’art
II avec arme sur la place Denfert.
Le sergent qui nous commande nous reprend pour un rien, ensuite
gymnastique éducative sous les arches de l’administration.
Pointage de l’arme (Viser
un but marqué)
Ce soir, je reçois une bien
terrible nouvelle 2 lettres de Marie, m’annoncent la mort au champ d’honneur de
mon pauvre cher frère Alphonse, tué le 20 mars. (*)
Ah ! Le coup est dur
pour moi, car j’aimais ce frère de tout mon cœur lui qui avec mon père et ma
femme était toute ma famille. Oh oui, j’aurai beaucoup de mal à surmonter ma
douleur et cette mort changera bien ma vie car toute joie est finie pour moi,
et je peux dire adieu à tout plaisir.
Et mon père ! Quel
coup aussi pour lui ! Pourvu qu’il ne soit pas trop dur !
(*) Alphonse Etienne GILLETTE, 30 ans,
soldat, est mort le 20 mars à l’ambulance du couvent de Saint-Laurent, à Arras,
Pas-de-Calais.
Il était soldat
au 136e régiment d’infanterie. Sa sépulture militaire n ‘existe pas. Son corps
a certainement disparu ou a été restitué à la famille.
Ferdinand sera
très affecté par la mort de son frère.
J’ai passé une bien
mauvaise nuit, je n’ai fait que penser à mon pauvre Alphonse, non je ne peux
pas me faire à l’idée que je ne te reverrai jamais lui qui était si plein de
santé, si fort, si résistant.
Pour moi, toute joie est
finie ; je voudrais fuir ce monde où l’on ne peut passer sa vie en paix où
les hommes s’entretuent pour aller finir ma vie loin, bien loin.
Oh ! Mon cher
Alphonse quel vide ta mort cause en moi, se dire qu’avant de mourir tu n’as pas
eu la consolation de voir une figure aimée se pencher sur toi, recueillir tes
dernières paroles.
Oh ! Arras !
Quel souvenir terrible ton nom laissera en moi.
Et toi mon cher Alphonse,
tu reposes maintenant dans le cimetière d’Arras, loin de nous, et près de ces
Allemands maudits qui sont la cause de tant de deuils et de larmes.
Oh ! Quelle chose
affreuse que la guerre !
Aujourd’hui, exercice avec le fusil
maniement d’armes.
À 10h nous allons en grande tenue
à l’école assister à la remise de la croix de la légion d’honneur de mon
lieutenant de la 5e Cie pour sa bravoure au feu.
Restant le seul chef de sa
compagnie blessé grièvement au ventre, il s’est fait attacher à un arbre
face à l’ennemi, et est resté pendant 6h dans cette position à commander
sa troupe.
Hélas ! Ces
récompenses sont données certes à ces héros mais à des héros heureux, combien
d’autres, comme toi mon Alphonse ont fait plus que leur devoir, car si tu avais
voulu tu ne serais pas retourné au feu.
Si pendant cette guerre,
je ne subis pas le même sort que toi, après la paix signée, j’irai à Arras
chercher à reconnaître ta tombe.
Oh ! Pauvre
frère !
Et y renouveler un peu les
fleurs mai en attendant si je puis aller au feu, je tâcherai de te
venger sur tous ces Allemands maudits.
Toutes ces pages sont vides d’écrit.
L’explication se trouve sur la journée du 24 avril.
On ne les voit pas, mais je suis sûr qu’il y a des larmes de
douleur sur ces pages non-écrites...
Je
vais essayer de continuer à transcrire mes impressions de chaque jour, je ne
suis pas sûr d’y réussir, car j’ai l’esprit tout bouleversé.
Depuis
la nouvelle de la mort de mon cher Alphonse, je ne suis plus le même, je n’ai
de goût à rien. Et dire que je ne pourrai seulement pas être mardi prochain aux
côtés de notre pauvre père pour essayer de lui remonter le moral, car ainsi que
me l’avait fait prévoir le capitaine, la permission de 4 jours que j’avais demandé
a été refusée impitoyablement par le lieutenant-colonel.
Chère
père, tu peux être certain que si je ne suis pas là-bas à ton service, j’y
serai de cœur et ma pensée se porte bien souvent là-bas, à Arras, à Blangy
où tu es tombé glorieusement ayant fait plus que ton devoir. Pauvre Alphonse je
te vois blessé, mourant.
Oh !
C’est affreux !
Quelle
atroce vision !
Quand
j’ai appris que ma permission était refusée, j’en ai pleuré de rage. Quel
métier que celui où on ne peut obtenir l’autorisation d’aller consoler les
siens dans un cas pareil, aussi
avec quel plaisir je quitterai cet uniforme militaire, symbole de l’esclavage
des hommes.
Ah !
Liberté que deviens-tu ?
Quel
cas fait-on de toi !
Certes
je ne demande qu’à faire mon devoir, et si j’en avais le choix je préfèrerais
obtenir mes 4 jours de permission et partir immédiatement au feu, que de rester
esclave ici pendant 4 mois, mais rien à faire, ceux qui ont demandé à quitter
l’école ont été menacés de 15 jours de prison : perspective très encourageante !
Cet après-midi,
interrogation en théorie par le lieutenant Hugues,
heureusement que j’avais appris cela à Cherbourg ! Ce qui m’a
permis de bien m’en tirer avec 17 et 19.
Ceux
qui ont eu une note inférieure à 10, auront consigne demain, il y en a 4 dans notre
section.
Aujourd’hui,
nous avons la permission de sortir de 7h30 à 19h.
Beaucoup
de mes camarades vont en profiter pour aller faire un tour dans la campagne,
mais moi je vais rester à la caserne, désormais je bannis de ma vie tous
plaisirs et distractions, je ne demande qu’une chose : être seul afin de
pouvoir penser à mon aise à mon pauvre frère et à mon père.
Ce matin cependant, je
sors environ ½ heure, juste le temps de donner mon linge à laver en ville et
acheter un crêpe que je fais mettre à la manche de ma capote, et une carte des
environs de St Maixent.
Cet après-midi,
je vais essayer de tuer le temps en écrivant plusieurs lettres et en lisant un
peu ma théorie, mais vais-je en avoir le courage ?
Je
suis incapable d’un effort de volonté.
Je
m’aperçois qu’au lieu d’avoir écrit hier soir sur la page réservée au samedi 24
avril, j’ai écrit pour le 8 mai et aujourd’hui je continue l’erreur.
Tant
pis ce n’est pas bien important.
Ce matin, en voyant les
nombreuses femmes qui attendaient impatiemment la sortie de leur mari, j’ai
pensé à ma Berthe qui, elle, est bien loin de moi.
Les
consignés d’hier ont reçu l’autorisation de sortir après-midi (ordre du
capitaine), parce qu’il y a seulement 2 jours que les théories ont été
distribuées.
Mais
cette mesure d’exception ne se renouvellera pas et dimanche, ceux qui n’auront
pas eu la moyenne samedi seront consignés impitoyablement toute la journée.
Exercice,
comme de coutume sur la place Denfert et gymnastique aux agrès.
Au
rapport, nous apprenons que par décision du lieutenant-colonel commandant
l’école :
1°)
Que les exemptés de service pendant la semaine pour indisposition, fatigue,
etc… ne doivent pas sortir le dimanche ; cela me rappelle le Lt
Colonel ……
« Le soldat n’a pas le droit d’être malade »
La
vie militaire est bien la même partout.
2°)
Désormais, nous devons sortir en ordre du réfectoire, au dernier coup de langue
du clairon. Il faudra donc tout faire au coup de sifflet ou de clairon.
Peut-être
qu’un jour, un coup de sifflet nous dira d’aller aux W.C. !
L’après-midi,
service en campagne, au champ de manœuvre.
Consignes
des sentinelles : utilisation du terrain et aménagement de sa position. Il
a fallu partir, un sac chargé d’une chemise, caleçon, serviette, mouchoir
flanelle, avec en plus un outil portatif qui nous a été distribué la semaine
dernière, le mien est une pelle-pioche.
Avec
cela, il a fallu aménager le plus confortablement possible un abri.
Aussi,
nous sommes propres. C’est bien la peine de prendre un treillis blanc le lundi
matin !
On
pourrait, je crois, repartir en exercice, pour la fin de la semaine.
En rentrant,
le capitaine me fait appeler pour me faire voir la dépêche que mon pauvre père
lui a envoyée. Hélas ! Il n’y a rien à faire, le colonel l’ayant refusée.
Pauvre
père, qui n’aura pas seulement son fils auprès de lui pour lui remonter le
moral. Quel épouvantable métier que celui de soldat !
Ah !
Nous sommes bien, dans le sens propre du mot : des esclaves.
Au
rapport où se fait la distribution des lettres, je reçois une dépêche de mon
père me disant qu’il en a adressé une au capitaine, et une lettre de ma Berthe.
Matin : Exercice
sur la place Denfert avec gymnastique éducative.
Nous
rentrons à 9hres pour assister en compagnie de la 5ème Cie à la suite de la
conférence par le lieutenant Mancelle
sur l’organisation de l’arrière.
Comme
la 1ère fois, ce lieutenant avec sa récitation monotone a le don de me
barber ; aussi lieu de l’écouter, je passe mon temps à copier les notes
données par notre lieutenant de …. aux
consignes des sentinelles.
Soir : La pluie qui a
commencé à tomber vers 10hres, continue sans interruption jusqu’à 3hres ½ -
4hres. Aussi, nous ne sortons pas.
Les
camarades qui n’ont pas touché de leur régiment un pantalon ou une veste bleu
clair, vont chez le tailleur pour donner leurs mesures afin d’en avoir un.
Pendant
ce temps, je reste avec quelques-uns à faire le nettoyage des chambres
(paquetages, nettoyage des planchers, empaquetage des …. des pieds de lit
au pétrole.
Tout
cela en vue de l’inspection par le colonel chargé de l’inspection des …
militaires, qui doit avoir lieu ce soir.
À 4hres, nous profitons,
ou plutôt nos chefs, profitent d’une accalmie du temps pour nous faire aller
manœuvrer 1hre sur la Place Denfert (approvisionnez et
désapprovisionnez)
Ceux
qui sont quittes les premiers, sont au repos pendant … …
aussi sur 50, je me repose quelque temps.
5hres : rentrée à
la caserne.
Le
colonel arrive visiter les chambres de la 5ème, puis vient voir la 6ème. Il
s’en retourne très satisfait de la propreté des chambrées (nous y avons passé
assez de temps !)
Ce matin, nous nous
attendons à une revue en tenue de drap, par le colonel venu hier soir.
Il
n’en est rien ; nous nous équipons comme d’habitude et après une théorie
sur le tirailleur isolé, nous partons pour le champ de manœuvre.
Là,
le lieutenant met ma section en face d’une haie de ronces et d’épines, large
d’au moins 3 mts, avec ordre de s’aménager un abri pour, bien sûr, un ennemi
situé de l’autre côté.
Certains
camarades ont eu la chance de se trouver en face des parties claires de la
haie, mais, moi, comme quelques autres d’ailleurs, je me suis trouvé vis-à-vis
des fourrés les plus épais.
Il
a fallu qu’aidé de ma pelle-pioche, je refasse un trou dans cette haie et que
j’installe du mieux possible mon abri.
Si
je n’ai pas complètement atteint le but indiqué, je me suis, du moins, mis
les mains dans un bel état. Les ronces et les épines y ont laissé leurs
traces ; j’ai même l’index de la main droite, bien enflé par un piquet
d’épines.
De
plus, comme la pluie n’avait pas cessé de tomber hier après-midi, la terre
était boueuse et après cet exercice nous étions tous couverts de boue.
C’est
dans cet état que nous sommes revenus en ville, nous prenons la route de
l’école où le colonel nous passe
l’inspection ; en nous voyant si sales, il a dû être édifié.
Cet après-midi,
service en campagne (vieille route de Poitiers : cote 1/10) ; cette
fois il fait très chaud, et à plus d’un, la sueur traverse tous les habits.
En rentrant,
nous apprenons que nous pouvons sortir de 6hres ½ à 9hres.
Beaucoup
de mes camarades en profitent pour faire un tour en ville ; je reste à
écrire sur mon impression et à penser à mon pauvre Alphonse qui repose là-bas,
bien loin !
Aujourd’hui,
marche militaire, il faut se mettre en tenue de drap, avec équipement avec
charge, outils, fusil, etc….
Ah !
Je ne devrais pas être là à faire le pitre !
Mais
à La Chapelle.
Ah !
Pauvre père, c’est aujourd’hui ton service (*) et moi je n’ai même pas
la consolation de pouvoir y assister. Pauvre père, si je ne suis pas de corps
avec toi, j’y suis du moins de cœur et de pensée !
J’espère
qu’au moins, ma femme a pu obtenir l’autorisation nécessaire de l’inspecteur (**).
On est tout de même plus libres dans la vie civile que dans le métier
militaire.
Matin : Marche
militaire, en plus de l’équipement, du sac et de son fusil, il faut prendre 5
noyaux de fonte, sa musette et son bidon plein d’eau.
Nous
allons par Augé et revenons par Saivres (14 kms environ).
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent.
Les
copains tuent le temps en chantant ; mais, pour moi, ma peine est loin, à La Chapelle, et à
Arras.
Où
je vois mon pauvre Alphonse.
Non !
Je ne puis pas me faire à l’idée que jamais, oh ! Jamais (quel mot !)
je ne reverrai plus ce frère chéri !
Le
brouillard de ce matin se lève peu à peu et se disperse. 8hres, il fait très
chaud.
Ah !
Nous avons bien fait de remplir notre bidon !
Nous
rentrons vers 9hres ½ ; moi, qui d’habitude ne sue pas beaucoup, j’avais
ma chemise, mon tricot, traversés par la sueur et je n’étais pas seul !
Qu’est-ce
que nous rendrons au mois de juillet !
Il
fait plus chaud par ici actuellement qu’en plein été, dans la Manche.
Soir :
Il faut astiquer son fusil pour la revue qui a lieu à 1hre ; Ensuite,
exercice dans la cour en plein soleil ; il faut prendre la position de
tireur à genoux et couché sur les cailloux avec le soleil en pleine figure.
Pendant
un moment, j’ai cru que j’allais être obligé de « déserter » ;
j’étais bien mal ainsi. Ensuite, les clairons viennent nous apprendre les
diverses sonneries et à 3hres, conférence : fin de la guerre de 1870, par
le s/lieutenant …
Comme
la première fois, j’ai trouvé que c’était une véritable salade de faits de
corps d’armée, sans suite, avec pas mal d’expressions plutôt malheureuses :
ex. à Coulmiers (?) la cavalerie fr. engage une action d’artillerie !
… !
À
cette même bataille, les Allemands ne reculèrent pas, mais, nous gagnons tout
de même ! ! ….
Etc…
etc…. 1 hre ½, le quartier est libre et les copains en profitent, moi, je vais
rester tranquillement ici ! …
(*) : Le
service funéraire du frère de Ferdinand.
(**) :
Inspecteur d’académie, car elle était aussi institutrice, à Romagny, comme
Ferdinand.
Matin : toujours
la même chose : (école du soldat, gymnastique aux agrès) Il continue à
faire bien chaud, mais c’est surtout l’après-midi ; alors, la chaleur
devient insupportable. Le soleil cuit, ah ! Ce n’est pas le climat doux de
la Normandie !...
Soir : nous allons sur
la vieille route de Poitiers.
Ah !
Chaque fois que j’écris ou prononce ce nom, mon cœur se serre en pensant à mon
pauvre Alphonse, que je suis venu voir dans ce pays.
Ah !
Fatalité !...
Il
nous faut monter grimper la fameuse côte 110 sous un soleil de plomb.
La
sueur roule sur toute la figure et c’est avec plaisir que nous prenons 10’ de
repos au sommet de la côte. Il faut faire ensuite le service des patrouilles,
mais, au moins, nous marchons à travers champs et la chaleur est moins
insupportable que sur une route où la réverbération de la lumière brûle les
yeux.
Le soir, tout le monde
est + ou – énervé et la chambrée est plutôt tumultueuse.
Cette
gaieté, les chants, me font mal. Ah ! Comme je voudrais être bien
loin ! Mais il n’y a rien à faire, il faut rester ici.
Toujours
le même temps, il fait terriblement chaud !
Je
quitte définitivement mon tricot de laine, et, malgré cela, je sue à grosses
gouttes.
Ce matin :
interrogation en théorie ; la 2ème section dont je fais partie, passe avec
le capitaine.
Décidément,
notre capitaine n’est pas à la hauteur pour interroger. Il lui est absolument
impossible de se rendre compte si un type sait sa théorie ou non ; aussi,
les notes ne répondent à rien. J’aime beaucoup moins les interrogations claires
et précises de notre lieutenant.
Soir : Après quelques
mots sur le tir par le capitaine, nous partons pour le stand où nous devons
faire un tir réduit de groupement à 30 mts, dans la position couchée avec fusil
appuyé.
Dans
ces conditions, il serait difficile de faire un mauvais tir.
Le
mien est qualifié : Bon.
Ce
tir nous passe pas mal de temps et nous rentrons en retard à la caserne.
Après l’étude,
il faut vivement nous habiller en tenue de campagne pour une marche de nuit
pour laquelle nous partons à 8 hres 45.
Avant
de partir : lecture des notes obtenues en théorie. J’ai eu 16 et 13 ;
ce n’est pas fameux, et d’après mes connaissances je méritais beaucoup
mieux ; enfin je ne suis pas consigné. Ceux qui ont une note inférieure à
10, ne pourront sortir demain.
La
marche de nuit a pour but de nous faire voir la difficulté pour une troupe, de
se diriger, d’attaquer la nuit (marche sur le bas-côté de la route !)
Comme
notre section qui était en avant, passait devant une maison, les personnes
habitant cette maison ont eu la frousse et l’homme tout affolé s’est présenté
sur le seuil pour savoir ce qu’il y avait, il n’a pas été longtemps à refermer
la porte.
Nous
sommes rentrés de la marche de nuit vers 10hres ¼ et nous devons nous tenir
prêts à passer la revue ce matin à 7hres.
Tous
doivent être en tenue de drap (*) même ceux qui ne vont
pas sortir et qui sont consignés ; je vais en profiter pour aller porter
mon linge en ville et faire quelques achats ; après quoi, je vais rentrer
à la caserne.
(*) : Les
tenues de drap sont de couleur blanche, et servent généralement aux corvées.
Cette photo ne
fait pas parti du carnet.
Cliquez sur la
photo, pour agrandir.
Comme
je suis de chambre aujourd’hui, il faut que je me lève avant le réveil qui a
lieu à 6hres ½ et je n’ai pas de temps à
perdre.
Cet après-midi,
je vais tuer le temps en écrivant quelques lettres, en faisant un paquet avec
mon tricot, mon caleçon de laine, etc… etc… que j’enverrai jeudi prochain à ma
Berthe, car avec la chaleur tropicale qu’il fait ici, je n’ai certes pas besoin
de tout cela.
Dans
mon escouade, il y a des types de tous les coins de la France.
7ème ESCOUADE :
DRUJON Sergent-major de Marseille
ESQUIER Étudiant, classe 15, de
Marseille
FENY Étudiant en
médecine, classe 15, de New-York
DURAND Employé Banque de France –
Poitevin
GILLETTE Normand
GERVAIS receveur d’enregistrement –
Breton
GOUSSEL Avocat – Lorrain
GRUOT Commerçant de Bordeaux,
GIOVACHINI
Professeur au lycée de ????? Corse
La
chambrée est plutôt orageuse ce soir et il n’y a pas moyen de dormir jusqu’à
11hres.
Cela
n’est guère de mon goût, cette gaieté me fait mal ; de plus, nous n’avons
pas trop des heures règlementaires de repos pour dormir ; il est heureux
qu’il n’en soit pas ainsi tous les soirs.
La
nuit n’a pas été trop longue et nous nous relevons plutôt fatigués. Heureusement
que d’après le programme, la journée ne s’annonce pas trop dure.
Après
1hre de gymnastique éducative et après avoir des ?? la pluie se met à
tomber (une pluie d’orage dont les larges gouttes s’écrasent sur le sol et….
sur nous) aussi, nos fusils sont propres et nous passons 1 heure à les
astiquer.
Soir : après une courte
théorie sur l’enrayage du fusil par notre sergent Degage, nous partons pour service en campagne (la
patrouille), sur la route de St-Martin de St-Maixent.
Là,
il nous faut à tour de rôle, remplir le rôle de patrouilleurs (4 types à la
fois, procédé de la ????)
Nous
traversons haies, prairies, etc.. et ¾ d’heure de service comme cela commencent
à nous fatiguer.
Au
rapport, nous avons l’agréable plaisir d’apprendre que demain, le réveil aura
lieu à 4hres ½ afin d’être prêts à partir pour le tir à 5hres ½ où nous
exécuterons 2 tirs : le 1er à 30 mts à genoux, le 2ème à 100 mts courbés.
Ainsi, ce soir,
après l’extinction des feux tout le monde est d’avis de dormir et il n’y a pas
de chahut.
Je
pense que j’ai oublié de dire à ma Berthe de ne pas venir ici à la Pentecôte et
de lui demander si le trajet jusqu’à La Chapelle ne l’a pas trop
fatiguée.
Mais,
j’aurais été très très mécontent si elle n’y était pas allée.
Pauvre
cher Alphonse !
Si
je n’ai pu aller à ton service, sois sûr que je ne t’oublie pas !
Constamment,
je pense à toi ; je me représente ce cimetière à Arras où tu
reposes ; je vois ta tombe toute fraîche.
Ah !
Je te jure que si je reviens de cette guerre, mon premier soin, ce sera de
mettre mon vœu à exécution, aller reconnaître cette tombe, où tu dors pour
toujours !
Oh !
C’est affreux !
Et
en pensant que jamais je ne te reverrai, pauvre frère, les larmes me montent
aux yeux.
Réveil à 4h ½
et à 5h ½ nous partons pour le stand.
La
pluie d’hier a rafraîchi le temps et il fait bon marcher. Le 1er
peloton exécute successivement 2 tirs.
Avant
le 1er tir, le capitaine prend mon fusil et l’examine, ne le
trouvant pas suffisamment propre, il m’attrape et je croyais bien attraper 4
jours de consigne. Au 1er tir, à genoux à 30 m, je réussis un tir
épatant, le meilleur (mes 8 balles étant dans un cercle grand comme une pièce
cent sous.)
Le
lieutenant et le capitaine le qualifient « parfait » et le donne
comme modèle, et probablement à cela que je dois de ne pas attraper de la
consigne.
Le
2ème tir (6 balles, dans la position couchée à 100 m) est exécuté
aussitôt après, le mien est qualifié assez bon.
L’éclairement
était très mauvais, et on ne voyait pas le trou de mine, aussi presque tous les
tirs ont été mauvais, quelques-uns médiocres ou passables, et bien peu d’assez
bons.
Cet après-midi,
après avoir nettoyé nos armes, nous allons jusqu’à 4h sur la place Denfer
(école de section et gymnastique éducative, courses sur 100 m.)
4h ¼, rentrée à la
caserne pour aller à une conférence. Croyant que cette conférence allait se
faire comme les autres à la salle d’étude, je prends bien vite mes souliers de
repos.
Au
rassemblement, on nous dit que la conférence a lieu à l’école, et ceux qui ont
quitté leurs godillots (et je suis un de ceux-là) attrapent 4 jours de chambre
et nous devons remettre nos croquenots en rapidité.
La
conférence est faite par le capitaine aviateur Bellanger et a trait sur l’aéronautique et l’aviation
militaire.
C’est
une des 1ères conférences intéressantes à laquelle nous assistons.
Le
capitaine Bellanger étant un de
nos bons aviateurs on sent qu’il connaît la pratique. Cette conférence finit à
6h 10, aussi il y a longtemps que la soupe nous attend.
Après la soupe,
3 rassemblements successifs à 5m d’intervalle.
Pendant l’étude à 6h ½,
nouvelle conférence par le lieutenant Harnaud
sur les facteurs moraux de la victoire.
Pour
la seconde fois, aujourd’hui, cette conférence m’intéresse énormément ; ce
lieutenant tout en lisant son texte parle très bien et lit avec le ton voulu ce
qu’il a écrit parfaitement sur le papier, de plus il a su avec beaucoup
d’à-propos ajouter quelques récits de faits auxquels il a assisté pendant le
temps qu’il est resté sur le front
et à certains moments l’émotion nous empoignait et malgré la fatigue
d’une journée bien remplie tout le monde écoutait silencieusement.
Après la conférence,
quelques types se mettent à roupiller et notre voisin Durand dort si profondément, la bouche ouverte, qu’il ne se
réveille pas quand le camarade Gruot
lui chatouille la langue avec un porteplume.
Aussi
ce soir nous allons prendre avec plaisir le lit.
Ce matin, personne ne
s’est levé avant l’heure, la fatigue commence à avoir raison des trop zélés.
Suite
de la conférence sur l’aviation par le capitaine aviateur Bellanger de 6h30 à 8h20 (dirigeables
et organisation du service aéronautique en France.)
Comme
la 1ère cette conférence est très intéressante et l’on ne s’ennuie
pas, bien au contraire !!
Ensuite
nous allons pendant 1h sur le champ de manœuvre (instruction de la sentinelle.)
Au rapport,
comme habituellement d’ailleurs, nouveau fourbi trouvé par le colonel : 1
élève sera chaque jour de planton aux cuisines afin de surveiller les
cuisiniers.
Soir. 2ème
conférence sur l’hygiène par le major, les types sont si fatigués et il fait si
beau que le ¼ des auditeurs, au moins, s’endorment du sommeil du juste.
Pendant
l’exercice qui a suivi la conférence, j’ai eu le plaisir de boire à la pause 2
verres de cidre chez une brave femme, bien qu’il n’était pas très bon, cela m’a
fait bien plaisir et m’a rappelé ma vieille Normandie.
Nous
sommes tellement surmenés que beaucoup sont malades, mon camarade BouRdais du 1er colonial qui
est également à la caserne Denfert 5ème Cie, s’est trouvé
malade ce midi et a été près de tomber en syncope, il n’est pas allé à
l’exercice cet après-midi.
Ce matin, un autre de la 5ème
Rossignol est tombé sans
connaissance à l’exercice et a dû être transporté en voiture à la caserne.
Pendant l’étude,
c’est un véritable chahut pendant plus d’une heure.
Les
types de la 5ème copient une chanson que leur dicte un
« poilu » (chanson qui leur a été donnée par leur capitaine.)
Comme
cela nous empêche de travailler, de nombreux types accompagnent celui qui dicte
en faisant un vacarme infernal, si bien que personne n’entend plus rien, aussi
je crois qu’il n’y en a pas beaucoup qui vont réussir à travailler
sérieusement.
Ce matin, il faut se
mettre en tenue de campagne pour la marche prévue en plus du chargement
de jeudi dernier, il faut mettre 4 lingots (ce qui en fait 8.) (*)
Nous
allons sur la route de Niort (un peu plus loin que Kadoré) et revenons
par un petit chemin plein de boue (il est tombé de l’eau toute la nuit.)
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent pour situer
Kadoré
Comme
j’ai le n°1, je suis à droite et dois marcher continuellement sur le bas-côté
de la route, ce qui fatigue beaucoup plus.
De
plus, malgré la pluie tombée cette nuit il fait excessivement chaud, d’une
chaleur molle qui nous fait ruisseler la sueur sur le corps, aussi après les 14
ou 15 km de marche, beaucoup sont esquintés, et c’est avec plaisir que nous
changeons de linge en rentrant.
Ce midi : très bon
repas, avec 2 quarts de vin au lieu d’un, cela nous retape un peu pour aller
faire de l’escrime à la baïonnette cet après-midi.
Soir. Alors que les autres
Cie ont repos, nous allons à l’exercice place Denfert (gymnastique
éducative, escrime à la baïonnette.)
Vers 3h ½,
nous sommes surpris par un violent orage et sous une pluie diluvienne nous
rentrons tranquillement au pas cadencé, aussi nous sommes tous trempés ;
il nous faut donc changer de nouveau de linge, c’est à peine si nous en avons
le temps car il faut assister à une conférence sur la balistique.
Conférence
qui en intéresse bien peu, étant beaucoup trop savante.
L’orage
continu, aussi ceux qui veulent sortir en ville ne vont pas avoir beau temps.
Comme
nous n’avons été libres qu’à 5h ½ au lieu de 4h ½, les sortants peuvent ne
rentrer qu’à 9h ½ (petite compensation !)
À 9h, il pleut
toujours et le ciel est sillonné d’éclairs.
(*) : Il
était courant de mettre des lingots de plomb dans les cartouchières pendant un
exercice, pour alourdir la marche.
Pendant
que le 1er peloton exécute au stand ses 2 tirs, nous nous
« barbons » à exécuter des tirs fictifs dans les positions à genoux
et couché sous les ordres du sergent PinchiNat.
Comme
le tir du 2ème peloton dure beaucoup plus longtemps que le temps
prévu, au lieu de manger à 10h30 nous nous mettons à table à 11h20, il faut
ensuite éplucher les patates.
L’après-midi,
service en campagne : instruction de la patrouille et du chef de
patrouille.
Il
fait toujours excessivement chaud, et nous restons ¾ d’heure à écouter le
capitaine sous un soleil de plomb, aussi quand nous reprenons nos places après
10’ de pause, un de nos camarades de la 3ème section (de Vivier) tombe sur le carreau,
heureusement sa syncope ne dure pas longtemps.
Comme
on avait les yeux tournés sur lui, le capitaine nous dit :
« Bah ! Ce n’est rien, quand vous
serez là-bas (au front) vous ne prendrez pas tant d’attention à un homme qui
tombe. »
Ainsi
pour eux la vie d’un homme n’est absolument rien !
Rien !
Quel
climat dans ce satané pays ; ceux qui viennent du midi : Marseille,
Nîmes, etc, ont aussi bien du mal à le supporter, car ici c’est une
chaleur humide.
Après
le terrain de manœuvre il faut faire de l’exercice comme patrouille le long de
la route et nous sommes encore bien fatigués.
Aujourd’hui,
c’est jour de récitation de la théorie.
Espérons
que je ne vais pas attraper une colle qui m’empêcherait d’aller porter demain,
mon petit paquet à la gare, et d’aller chercher et porter mon linge.
Matin à 6hres 30 :
Rassemblement pour aller battre nos couvertures sur la place Denfert.
Ensuite,
interrogations. Notre ½ section est interrogée par le s/s lieutenant Cordier.
Je
suis interrogé sur l’école de section (en avant par 4) et m’en tire bien. Une
conférence sur la question d’Orient ayant lieu à 9hres, nous empêche d’être
interrogés sur le service intérieur, avant midi.
La
conférence sur la question d’Orient ne m’intéresse pas énormément ; le
capitaine qui la faisait a mélangé un peu tous les évènements et d’autre part,
je connaissais en grande partie cette question.
Après-midi,
13hres exactement, il faut retourner à la salle d’interrogations je tombe sur
l’adjudant-chef de bataillon. Bien que connaissant peu la question, je m’en
tire assez bien et ne suis pas collé.
Dans
notre ½ section, un seul, Guichard,
est collé.
Au rapport,
nous apprenons nos notes ; j’ai 16 et 14. Le capitaine nous fait un petit
« laïus » :
1°
Certains élèves voulant faire venir leurs femmes ici, avaient offert des prix
supérieurs à ceux des officiers instructeurs (tentative de chantage). Si
un élève se fait pincer à ce chantage, il ramassera 15 jours de prison et sera
renvoyé à son corps.
2°
Sermon à cause du chahut qui a eu lieu à l’étude lors de la dictée de la
chanson de la 5ème, etc… etc…
Ce soir, marche de nuit,
il faut se mettre en tenue de drap. Instruction de la sentinelle.
Lever
à 6hres ½.
Hier soir, nous sommes
rentrés à 11hres de la marche de nuit, aussi, il n’y a pas eu de bruit dans la
chambrée. Il faut s’habiller vite car à 7hres 15, il faut être prêt pour passer
la revue.
C’est
le s/s lieutenant Cordier qui la
passe ; il n’est pas trop difficile et à 7hres 30, nous sommes libres pour
la journée.
Je
profite de cette liberté pour aller chez ma blanchisseuse porter mon linge sale
et chercher le propre.
Je
vais ensuite à la gare, porter un colis que j’expédie à ma Berthe, caleçon en
laine, cache-nez, gants et passe-montagne, plus 3 paquets de tabac. Je
l’expédie en gare.
Jeudi,
j’expédierai mon tricot de laine et si possible une boite de papier à lettres.
Maintenant,
ce sont les élèves qui prennent le service de garde à la grille, et de planton
aux cuisines ; aussi, aujourd’hui, ceux qui ont eu l’honneur d’être
désignés pour ce poste ne vont pas pouvoir sortir.
Cet après-midi,
si j’en ai le courage, je vais travailler un peu, écrire quelques lettres,
etc…etc…
À 1hre, les malheureux
types consignés comme insuffisance en théorie, sont mis à éplucher les patates,
ils sont 3 et ils en auraient eu au moins pour jusqu’à 7hres si quelques types
(une douzaine environ) ne s’étaient mis (sur ma proposition) à les aider ;
de cette façon la corvée a duré 1 heure.
Seulement,
je croyais avoir encore plus de courage que je n’en ai ; dans tout mon
après-midi, je réussis tout juste à écrire 4 cartes postales et je n’ouvre même
pas ma théorie.
Le soir, à l’appel,
manque Delille qui rentre
à 9h environ ; il était avec deux lieutenants, aussi, il n’attrape
rien.
Est-ce
juste !!
Enfin
dans ce métier, il ne faut pas chercher à comprendre !
Matin. Nous recevons l’ordre
de mettre nos draps sales par rouleaux de 20 et nous allons en toucher des
propres, c’est qu’en effet il y a un
mois exactement que nous sommes à St Maixent, vivement la fin des 3 qui
restent à passer ici !
6h30, 5ème et
dernière conférence sur la législation militaire, ensuite école d’instruction
et exercice d’assouplissement du tireur.
Pendant
l’école d’instruction, nous exécutons quelques mouvements que nous commandent
nos camarades.
Ensuite
gymnastique éducative.
Après
la soupe j’attends en vain le coiffeur pendant près d’une heure, cet animal-là
arrive juste quand siffle le rassemblement, aussi je vais encore garder mes
cheveux au moins jusqu’à demain.
Soir.
Conférence sur les soins à donner aux malades et aux blessés par le
médecin-major.
Ah !
Chaque fois que l’on parle de blessés, mon cœur saigne à nouveau.
Ah !
Pauvre Alphonse, qui peut-être n’a pas eu ces soins.
Par
hasard, pendant la pause, je jette les yeux sur ces journaux d’hier que tient
un de mes camarades, je vois ainsi la catastrophe du Lusitania, encore 15OO
victimes.
Quelle
guerre épouvantable, et maudits soient ceux qui l’ont déchaîné !!
Depuis
15 jours je n’avais pas regardé un seul journal.
La
mort de mon pauvre frère m’a rendu pour ainsi dire impassible devant les faits
de la guerre, je ne m’y intéresse plus, je me laisse aller en m’efforçant de ne
penser à rien.
Instruction
du petit-poste sur la route de Niort par le capitaine, un élève poitevin
se fait « emballer » pour avoir baillé.
Rapport.
Nous y apprenons qu’à partir de lundi prochain il y aura « sieste »
obligatoire jusqu’à 13h30.
Cela
sera sûrement très utile avec la chaleur qu’il fait dans ce pays, nous
prendrons avec plaisir ce repos pendant la grande chaleur, quitte s’il est
nécessaire à nous lever un peu plus tôt.
Ce matin, nous allons au
tir, aussi il faut se lever à 5h pour partir à 6h moins 10.
La
nuit n’a pas été longue, car hier soir les camarades ont passé au moins 2h à
trouver des charades sur les noms de tous.
Tir.
Encore tir de groupement à 30 m dans la position couchée, feu à répétition (8
balles.)
Mon
tir est très bon, 6 balles se trouvent dans le même trou et les 2 autres tout
près.
Le
lieutenant le qualifie « parfait », si cela continue j’aurais
la réputation de bon tireur.
Ensuite
école d’intonation, et à 9h retour à la caserne où une revue d’armes doit avoir
lieu à 10 h moins le quart. Cette revue est passée par le lieutenant.
Dans
notre section il n’y a aucune punition.
Cet après-midi,
gymnastique éducative, après quelques mouvements l’adjudant nous fait jouer à
la quille soûle (jeu que je ne connaissais pas) et qui ne m’a guère intéressé,
d’ailleurs j’ai bien dit adieu aux plaisirs et si j’en étais libre, je ne
prendrais sûrement pas part à ces jeux, mais à la caserne c’est l’esclavage et
il ne faut rien dire.
Ensuite
escrime à la baïonnette et exécution de quelques mouvements de l’école du
soldat au commandement des élèves qui passent tour à tour.
Nous
rentrons de bonne heure à boîte pour écouter une théorie faite par l’adjudant.
Au rapport,
nous apprenons que demain encore il faudra se lever à 5h pour partir en
marche : jeudi prochain étant jour férié, la marche hebdomadaire se fait
au jour fixé par le capitaine de la Cie, pour nous ce sera demain matin. (14 km
en suivant le cours de la Sèvre.)
Aujourd’hui,
encore il faut se lever à 5h afin d’être prêt à 6h pour partir pour la marche,
en plus du chargement habituel, il faut son sac à brosses garni dans le
havresac.
Aujourd’hui
je n’emporte ni vin, ni limonade mais simplement de l’eau.
Nous
suivons le cours de la Sèvre, puis prenons un petit chemin raboteux, en
montagnes russes qui a au moins 5 km pour revenir sur la grande route de Souvigné,
retour par St Martin de St Maixent.
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent, pour situer
Souvigné
Il
fait encore chaud, mais ce n’est pas la chaleur lourde qu’il faisait il y a 8
jours et un petit vent frais nous rafraîchit la figure, aussi en général nous
somme en rentrant beaucoup moins fatigués qu’après les autres marches.
Nous rentrons à la caserne à 9h ¾,
alors que la 5ème qui avait également marche est rentrée à 8h ½
(elle était partie comme nous à 6h.)
Le
lieutenant Hugues, qui
aujourd’hui dirigeait la marche, nous fait changer de linge, cela nous fait
d’ailleurs grand bien car nos chemises étaient + ou- mouillées de sueur.
Ensuite
nous sommes tranquilles jusqu’à 1h moins le ¼.
À
cette heure, théorie par le sergent dans les chambres sur les fascicules de
mobilisation.
À 1h ½, départ pour la place
Denfert (mouvements de la section, déploiement en tirailleurs, etc.)
Retour à la caserne à 3h ½,
pour assister à une conférence du capitaine De
Lamape 3ème Cie sur la pratique de l’infanterie au combat.
C’est
assurément un type très calé (1er de St Cyr, 2ème de
l’école de guerre) et sa conférence est réellement intéressante.
Ce soir, chahut dans la
1ère section : nombre de lits sont retournés, aussi nous ne
nous endormons pas de bonne heure.
Malgré
cela il faudra être prêt à passer la revue demain matin à 7h ¼.
Aujourd’hui
jour férié, aussi nous avons quartier libre comme le dimanche.
À 7h ¼, nous passons une revue en tenue de drap.
C’est
le capitaine qui nous la passe et assez nombreuses sont les observations.
Comme
dimanche dernier et à peu près tous les dimanches depuis que je suis ici, le
temps n’est pas très beau et très probablement la journée ne se passera pas
sans eau, c’est surtout ennuyeux pour ceux qui ont l’intention d’aller faire un
tour à la campagne.
Moi
je passe mon temps à écrire, j’écris à ma Berthe qui s’ennuie à Romagny.
J’ai
reçu sa lettre hier soir.
Pauvre
chérie qui se figure que je ne pense plus à elle !
Et
pourtant si je ne t’avais pas ainsi que mon père, il y a longtemps que je ne
serais plus là, j’aurais avancé le moment de partir rejoindre mon Alphonse.
Et je
pense que j’ai oublié de lui dire que j’ai ici un camarade, un collègue de la
Manche, actuellement professeur au lycée de Brest qui a pour femme très
probablement une de ses compagnes d’école normale qui s’appelle Suzanne Lecarpentier et qui était d’Equeurdreville.
Cet après-midi,
je passe 2 heures consécutives à apprendre le mécanisme du fusil à l’aide d’un
fusil de théorie (fusil coupé permettant de suivre le jeu des différentes
pièces), décidément cet assemblage de pièces est extraordinaire, mais les
hommes auraient assurément mieux fait d’employer leur génie à des choses plus
utiles qu’à la fabrication de ces engins de destruction épouvantables !
Je connais maintenant le nom de toutes les pièces de ce fusil et le fonctionnement de ses différentes pièces.
Matin : Toujours la même chose, nous allons sur la place
Denfert exécuter les mouvements de l’école du soldat et de l’école de
section.
Rapport : Grande nouvelle, on nous annonce ou plutôt
le capitaine nous annonce que des permissions de 48 heures seront accordées aux
élèves qui les mériteront les dimanche 23 et lundi 24 mai.
Ce bruit qui
circulait déjà officieusement depuis quelques jours est donc confirmé ;
mais aussitôt après la soupe on s’arrache consciencieusement les horaires que
possèdent quelques camarades.
Si nous pouvons
partir par le train de 12h42, je serai à Folligny
avant 3h18 du matin et à et à Carantilly (*) à 6h52.
Aussi, je vais
écrire à ma Berthe adorée de faire son possible pour venir me rejoindre à Folligny.
Ah ! Si cela
pouvait être vrai !
Quel bonheur pour
moi de revoir et de serrer sur mon cœur ma petite femme adorée !
Quel bonheur de
revoir mon pauvre père !
Mais non, cela ne
sera pas, je n’ai pas assez de chance pour cela… Pourvu que ce bonheur me soit
accordé avant de partir au front !!....
Cet après-midi, nous allons sur le champ de manœuvre
exécuter les mouvements de « en
tirailleurs », de « en
tirailleurs face à droite, face à gauche »…
Comme les 2
premières sections sont réunies et que je suis de la 4e escouade,
c’est-à-dire celle de queue, il faut faire chaque fois 5 à 600m au pas de
gymnastique, aussi nous sommes plutôt fatigués et c’est à peine si nous avons 2
ou 3‘ de pause.
Quelle sale
Cie, à côté de nous nous voyons la 3ème
Cie qui a toutes les heures des pauses de 20 à 25’ – les veinards !
Enfin le temps
passe tout de même et nous partons à 4h pour assister à une conférence sur
les fortifications de campagne qui finit à 5h.
Ce soir à l’étude, allemand, mais je me bouche les oreilles et apprend ma théorie pour demain.
(*) : Ouest
de Saint-Lô (Manche)
Ce matin après nous être levés à 5h ½, il a fallu
nous presser afin d’être prêts pour le rassemblement à 6h moins 10 pour aller
prendre une douche.
En revenant, il
faut sortir nos lits au soleil dans la cour, c’est une sale corvée qui se
renouvellera tous les samedis si le temps le permet. Immédiatement après, nous
nous rassemblons pour les interrogations.
La 2ème
section dont je fais partie passe avec le lieutenant Hugues.
À la surprise
générale, le lieutenant nous demande les cahiers où nous notons ce que nous
retenons chaque exercice, beaucoup de camarades n’ayant rien fait se font
attraper : heureusement que j’avais fait à peu près le travail demandé et
c’est qui me vaut 2 bonnes notes. Je connaissais d’ailleurs parfaitement mon
fusil.
Nous devons être
ensuite interrogés par le capitaine sur la législation militaire, là-dessus je
suis à peu près nul et je pourrais bien attraper une sale note.
Alors que la 2ème
section est bien tranquillement en étude, on vient nous dire que
l’interrogation sur la législation va se faire immédiatement et par écrit.
J’aime mieux cela et de fait, grâce à quelques tuyaux des camarades je m’en
tire bien…
Aussi, je suis
quitte des interrogations à midi, je respire un peu car ces interrogations sont
un véritable cauchemar.
L’après–midi se passe à exécuter les mouvements du tir
dans la cour de l’école au commandement d’un élève (vous y passerez à tour de
rôle).
Ce soir, il faut se mettre à terre, le drap pour l’exercice de nuit.
Quelle
saleté !!...
Alors que les
autres Cie vont à la marche de nuit en treillis, nous devons mettre nos effets
propres, c’est dégoutant.
Nous allons sur la
route d’Exireuil (*) (instruction de la patrouille de pointés
d’avant-garde) ils nous font marcher sur les bas-côtés de la route où nous
manquons à chaque instant de dégringoler.
Retour à la
caserne à 1h ¼.
(*) Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent pour
situer ce village
Ce matin revue par le lieutenant à 7h15, aussi il a
fallu se lever vers 6h pour se mettre en tenue, nettoyer les chambres etc.
À 7h ½ le copain Gautier,
1er colonial, 3ème compagnie que je n’avais pas vu depuis
notre arrivée ici, viens me trouver ici ainsi que Bourdais, aussi je sors avec eux prendre un verre en
ville. J’en profite pour porter mon linge sale à ma blanchisseuse et rapporter
le linge blanc.
Je rentre à la
caserne à 9h ½.
Ce midi, nouveaux renseignements sur la permission
de la Pentecôte ; il paraît que nous ne serons libres que le samedi soir
avant 8h, des trains spéciaux seront mis à la disposition des élèves sur Niort
et Poitiers.
De plus, il faudra
rentrer ici lundi avant minuit par train spécial venant de Poitiers ou
de Niort, trains qui auront attendu les correspondances de la soirée.
Si c’est ainsi, il
m’est absolument impossible d’aller à La Chapelle.
Pauvre petite
Berthe à qui j’ai donné l’espoir de me voir ! Pauvre père !
Mais il n’y a
encore rien d’officiel ; cela ne tardera sûrement pas : peut-être
serons-nous fixés demain ?
En tout cas si la
permission ne commence que samedi soir et finit lundi à minuit, je demanderai à
parler au capitaine et même s’il est besoin au lieutenant-colonel afin
d’essayer d’obtenir l’autorisation de partir au train de midi 42 et de revenir
mardi matin au train de 8h ½.
Peut-être
l’obtiendrais-je ? Mais ce n’est pas
certain.
Ah quel sale
métier que celui de troupier !!!!
Cet après-midi j’ai mal à la tête et ne suis pas bien du
tout, je me suis couché sur mon lit mais je n’ai pu dormir.
Autre chose (*) : Dorénavant, il
n’y aura plus de distribution de lettre le dimanche soir et moi qui attendais
des nouvelles de ma petite Berthe !...
(*) : Souligné dans le carnet
À partir
d’aujourd’hui lever à 5h, café à 5h30 et soupe à 11H puis sieste jusqu’à 1h30.
Matin
À 6h nous partons
pour le terrain de manœuvre pour être à la disposition du capitaine du génie.
La route est
dégoutante, cette nuit en effet, le temps a été pitoyable (orage,
éclairs, tonnerre, pluie rien n’a manqué), la terre est détrempée, malgré
cela, il faut se mettre à creuser des tranchées en compagnie des camarades des
3ème, 4ème et 5ème Cie, notre tâche est de faire
un boyau des communications entre 2 tranchées, la longueur du boyau est divisée
en secteurs dans chacun desquels travaille un atelier de 5 types ; je suis
avec ???, Garrot, Hayel,
Durand, nous travaillons consciencieusement et
recevons les félicitations de notre sergent ; c’est en effet assurément
notre travail qui est le mieux fait.
Soupe à 11h, ce sera ainsi maintenant, la matinée sera
plutôt longue et nous mangerons sûrement de bon appétit.
Au rapport, je
reçois une lettre de ma Berthe.
Du midi jusqu’à
2h : Sieste et nous
devons être couchés, je m’endors un peu
et me réveille avec un fort mal de tête, je n’y serai pas repris.
Cet après-midi, tir de groupement, 8 balles à 30 m dans la
position debout.
Mon tir est encore
très bon et je reçois les félicitations du capitaine et du lieutenant.
Au rapport de
ce soir, mauvaise nouvelle,
nous ne pourrons partir en permission que le samedi après 18h, et il faudra
être rentré lundi avant 9h du soir.
Demain matin, je
demanderai à parler au capitaine, afin d’essayer d’obtenir l’autorisation de
partir samedi midi et de rentrer mardi matin, ou sans cela il m’est impossible
de partir.
Aujourd’hui a eu
lieu, à Niort, le conseil de réforme devant lequel sont passés 4 types
de la 6ème Cie. 2 ont été réformés dont Guyard de notre section, les deux autres ont été
versés dans le service auxiliaire.
Matin
Comme hier nous
allons au champ de manœuvre continuer la construction des tranchées et des
boyaux de communication commencés hier. Les emplacements sont changés et nous
tombons à un endroit où le travail est peu avancé.
Avant de partir je
demande à l’adjudant l’autorisation de parler au capitaine au sujet de la
permission.
Pendant que nous sommes à travailler il tombe une pluie fine, aussi en rentrant à la caserne il faut astiquer son flingot. (*)
Pendant
la soupe, le
capitaine me fait appeler, je lui expose mon cas, et il me dit d’adresser une
demande écrite au lieutenant-colonel, demande que je rédige aussitôt après la
soupe et que je porte au bureau de la Cie afin qu’elle soit signée par le
capitaine.
À 2h l’école du soldat dans la cour, il tombe
encore de l’eau et il faut encore astiquer le fusil.
Quelle
saleté !!!
Ensuite
gymnastique aux agrès à l’école.
Pendant ce temps,
l’orage continu et il tombe successivement deux formidables averses,
heureusement que nous avions un hangar pour nous mettre à l’abri !
À 4h1/2 conférence sur les travaux de sape (**), les mines, les
explosifs etc…. C’est une conférence intéressante que je suis avec soin.
Au rapport je suis
appelé au bureau, il va falloir recommencer ma demande (je l’avais faite sur
papier écolier rayé, « il faut la faire sur papier écolier sans
rayures ».
Il est tout de
même malheureux de s’attacher à ces petits détails !!!
Je recommence donc
immédiatement et vais porter cette nouvelle demande au bureau, espérons qu’elle
réussira.
(*) :
Flingot : argot = vieux fusil
(**) : La
sape est une méthode de siège qui
consiste à détruire une fortification ennemie en attaquant les fondations d'une
muraille, d'une forteresse ou d'un château. Durant cette guerre, les sapes étaient
creusées sous les tranchées ennemies, puis remplies d’explosifs.
Elles
entrainaient, lors de l’explosion, la destruction complète de toutes les
installations de surface. Les cratères pouvaient atteindre 50 m de diamètre sur
10 m de profondeur.
C’était la
« guerre des mines », tristement célèbre et toujours visible aux
Éparges, en Champagne, en Artois..
Cette nuit, nous nous attendions à une alerte, heureusement il n’en a rien été,
mais ce sera peut-être pour la prochaine.
Ce matin, instruction de la patrouille de flanc sur la route de Parthenay ; ceux qui
sont désignés comme patrouilleurs doivent traverser les champs, les haies et
revêtements trempés jusqu’aux cuisses heureusement je ne suis pas désigné et
reste tranquillement sur la route.
Nous partons
ensuite pour le tir.
Tir de groupement
à 200m, dans la position couchée. Malles,
le capitaine, nous fait prendre la hausse de 400m, aussi tous les tirs
sont mauvais et dans la plupart des cas quelques balles passent au-dessus de la
cible.
Mon tir n’est pas
bon, cela on ne m’a pas étonné car de plus je n’y voyais pas (Les cibles étant
dans l’ombre).
Ce matin nous allons au champ de manœuvre continuer à
travailler dans notre boyau de communication jusqu’à 8h ½.
De 8h à 10h, nous assistons à des expériences faites par les capitaines du génie venus ici nous
faire quelques conférences avec des explosifs sur le terrain de manœuvre
(expériences faites à l’appui de leurs conférences).
Nous assistons
ainsi à l’explosion de 2 fougasses (*), à la démolition
d’un mur, destruction d’un rail (ces 4 explosions réussissent bien) mais par
contre plusieurs autres n’ont donné que de très médiocre résultats, c’est ainsi
que 51 pétards de cheddite (**) destinés à démolir un réseau de fils de fer,
n’ont même pas réussi à arracher un seul pieu ni a casser un seul fil de fer.
C’est plutôt
piteux !
D’autres pétards
qui avaient pour but d’abattre un arbre n’ont même pas réussi à l’ébranler.
Ces expériences
prennent beaucoup de temps et nous ne rentrons à la caserne qu’à 11h, et toujours
pas de nouvelle de ma demande de prolongation de permission.
Je commence à la
trouver plutôt mauvaise et je me demande si je vais pouvoir partir.
Au rapport,
toujours pas de nouvelles malgré la venue du capitaine qui doit sûrement nous
oublier.
À midi pas de changement, il parait que nos
demandes n’ont pas encore été présentées au colonel, il est probable que nous
allons les avoir à 11h pour partir à midi 42, ils se moquent vraiment un
peu trop de nous.
Un camarade, Lanoux se dévoue et va à l’école les demander après
beaucoup de mal, il réussit à les avoir, toutes les demandes sont accordées
sauf celle de Berthet.
Il faut ensuite chercher le sergent-fourrier
pour avoir notre titre de permission.
??? va le chercher
au café de la Marine et enfin à 12h30 nous sommes prêts à partir.
C’est en courant
que ??? et moi faisons le trajet de la caserne à la gare où nous arrivons
juste à temps pour prendre un billet et monter dans le train.
Enfin ça y
est !
Et je vais revoir
ma Berthe et mon père.
Quel bonheur !!...
(*) : Une
fougasse est une mine improvisée
construite en faisant un creux dans le sol ou de la roche et en le remplissant
avec des explosifs (à l'origine, de la poudre noire) et des projectiles. La fougasse
était bien connue des ingénieurs militaires
au milieu du XVIIIe siècle,
mais a également été évoquée par Vauban
au XVIIe siècle.
(**) :
Explosif chloraté
Le trajet de Poitiers
à Paris s’effectue rapidement dans le rapide Bordeaux-Paris. Je voyage
en compagnie de chasseurs qui vont également en permission. Comme il fait jour,
je peux admirer à loisir les beautés de la vallée de la Loire.
D’Orléans à
Etampes, nous sommes accompagnés par un aéroplane qui suit le rapide à
gauche ; à un moment donné, il descend vers nous et n’est pas à plus de 4
à 500m.
À la descente du
train quai d’Orsay, je prends un taxi qui me transporte rapidement à la gare
Montparnasse où à 8h50 je prends l’express pour Vire ;
je me rapproche de ma Berthe et vivement Vire, mais cette fin de trajet
me paraît beaucoup plus long ; tous les compartiments étant bondés, je
dois rester debout tout le temps à part environ ½ heure pendant laquelle un
« marsouin » de Paris allant en permission me cède généreusement sa
place.
Enfin à 2h ½ environ, j’arrive en gare de Vire ; j’ai le grand bonheur
d’y trouver ma Berthe adorée, je trouve ma chère petite femme un peu changée,
mais ce n’est pas étonnant car voilà près de 2 mois que je ne l’avais vue.
Quel plaisir pour
moi de l’embrasser bien fort, de la serrer sur mon cœur, cette petite Berthe si
bonne, si douce pour moi.
Jusqu’à 6h35, heure du départ du train pour Guilberville, nous nous
promenons en dehors de la gare.
(*)
Comme il est doux
d’avoir sa femme chérie à côté de soi et on ne comprend bien ce bonheur que
lorsqu’on en a été privé pendant un certain temps. Comme ma Berthe semble aussi
heureuse d’avoir son petit « loup chéri » près d’elle et quels
bons baisers je reçois !…
Ah ! Dans de
pareils moments, les heures passent vite et semblent des instants.
À 7h35, nous arrivons à St Lô, ou nous trouvons notre pauvre père qui
nous attend avec Émile.
(*) :
Guilberville : Changement de train, entre Vire et Saint-Lô, à 16 km nord
de Vire (Manche)
Ah je trouve mon
pauvre père bien changé, la mort de notre cher Alphonse l’a assurément bien
affecté, et en nous embrassant nous ne
pouvons-nous empêcher de pleurer. Pauvre cher frère, ta mort nous cause un
grand vide qui jamais ne se comblera.
Quelle guerre
épouvantable !...
La journée passe
bien vite, et dès 5h, il faut songer à repartir ; une permission de 48h
n’est tout de même pas longue surtout lorsqu’il y a si loin, et vraiment le
capitaine aurait bien dû m’accorder l’autorisation de rentrer seulement le
mardi matin, ce qui m’aurait permis de repartir lundi par le train de midi.
Ma Berthe m’a fait
changer mon itinéraire et je repars par Vire afin de rester ensemble
jusqu’à 0h10.
De 9h ½ à 0h10, nous restons sur le quai de la gare à Vire.
Oh ! S’il est
doux de se revoir, il est dur de se quitter malgré la provision de baisers que
nous faisons. Pauvre Berthe, mignonne qui me donne encore l’image du courage,
car en la quittant elle est encore plus courageuse que moi.
Oh ! Ma
chérie !
Quelle fatigue,
pourtant pour toi, qui ne va rentrer à Romagny qu’à 8h du matin après 6h d’arrêt à Vire,
si seulement encore tu as pu trouver un lit, mais je n’en suis pas sûr.
Pour moi, toute la
nuit se passe entre Vire et Paris où j’arrive à 6h et d’où je repars à 8h18 ;
je profite de ces 2 heures d’arrêt pour manger un peu, et dès 7h30, je monte dans le train afin d’être sûr d’avoir une bonne place.
Malgré cela, le
trajet Paris-Niort si j’arrive à 4h40
me paraît terriblement long ; j’ai plutôt le « cafard » et
continuellement je pense à ma Berthe et à mon pauvre père et à notre cher
Alphonse.
À Niort, je
retrouve Hay, Gervais et quelques autres.
Enfin à 7h30 nous arrivons à St Maixent ; je suis bien fatigué et j’ai
hâte d’être au lit.
La nuit s’est bien
passée et je ne me suis pas réveillé de 9h ½ hier soir jusqu’à 5h ce matin.
Il faut se lever
dès le réveil pour s’équiper et se mettre en tenue pour la marche pour laquelle
nous partons à 6h, (Itinéraire –Saivres –Combré et retour par Patrouillet
et Goursay (15 à 16km). (*)
La chaleur est
étouffante et cette marche après une permission ne met pas longtemps à nous
« esquinter ».
Pour moi, je
n’avais encore jamais (**) souffert autant qu’aujourd’hui.
Vers 9h 1/2 –
10h, le soleil qui nous tombait
sur la tête, nous faisait un mal incroyable.
À la dernière
pause (4km avant de rentrer), en montant une longue côte, 3 types sont tombés
sur le carreau, aussitôt leur sac ôté.
Un Poitevin a dû
être transporté dans une maison voisine et est resté bien 10 minutes sans
connaissance. Ces types sont rentrés plus tard à la caserne.
C’est tout de même
« rosse » de nous imposer une telle marche en rentrant de permission
et à cette heure.
La 5e
Cie qui avait également marché est partie d’ici à 3h1/2 et est rentrée vers
8h1/2 avant la grande chaleur.
En rentrant, il
faut se changer des pieds à la tête car nous sommes tous trempés de sueur,
certains ont leur capote traversée.
Cet après-midi, conférence par le lieutenant Hugues sur la topographie : ensuite, exercice
à la baïonnette et conférence par le capitaine Pradal de Lauroze sur le combat ; comme la 1ère cette conférence est très intéressante et
malgré la chaleur et la fatigue, je ne dors pas.
À la grille
beaucoup de femmes attendent leurs maris car un certain nombre de nous ont
profité de leur permission pour revenir ici avec leur épouse.
Les
veinards !
Moi, je n’ai pas
cette chance-là, ma petite Berthe adorée est bien loin de moi, là-bas à Romagny.
Enfin cette
permission qui m’a permis de la revoir de la serrer sur mon cœur de revoir
aussi mon père m’a fait bien plaisir car qui sait c’est peut-être la dernière
avant de partir au front.
(*) : Patrouillet
et Goursay : lieux-dits ou hameaux non trouvés, pourtant nettement
déchiffrable sur le carnet. >>>
voir carte <<<<
(**) :
Souligné dans le carnet
Nous n’avons pas
eu contrairement à nos prévisions une alerte de nuit, (*) il parait que le major l’avait défendu en voyant le nombre de malades
de la Cie qui ont dû être conduits à l’infirmerie à la suite de la marche
d’hier ; ce n’est pas malheureux car il n’est vraiment pas permis de traiter
des hommes comme on nous traite.
La matinée se
passe en service en campagne, route de Poitiers.
Il faut grimper la
fameuse côte 150, de plus on nous a fait mettre dans le sac en plus du linge
qui y était le sac à brosses complet (**) et notre paire
de chaussure de repos, avec 8 blocs de fonte dans les cartouchières.
Quelle saleté.
Dire qu’il faudra
toujours avoir cela sur les flancs pour les exercices et pour les marches.
Pendant le pas
cadencé on veut (on : l’adjudant et le lieutenant) nous faire marcher à la
cadence de 120 à la minute et avec un pas de 80 à 85 cm ; pas qui est beaucoup
trop long pour les petits aussi la marche est une véritable pagaille et
l’adjudant nous fait arrêter et repartir 5 à 6 fois de suite ; le lieutenant
s’adressant à notre section dit textuellement :
« Vous marchez
comme des cochons ». (*)
Il est vrai
d’ailleurs que nous ne marchons pas très bien mais malgré tout je trouve que
l’expression est un peu trop forte !
Cet après-midi nous allons au tir (tir couché à 200m, 8
balles).
Mon tir est
qualifié très bon (*) par le capitaine ; décidément je passerai
pour un des meilleurs tireurs de la compagnie.
Nous passons
ensuite un quart d’heure à faire de l’école d’intonation et nous rentrons à la
caserne à 6h.
Au rapport on nous
apprend que vendredi nous serons toute la journée en marche ; avec mon pied qui
est écorché, j’appréhende plutôt cette journée.
Aujourd’hui en
l’honneur de la venue du colonel RATIER, commandant le centre d’instruction,
nous avons quartier libre à partir de 6h
½.
Le colonel est
venu ici faire passer s/s lieutenant à quelques élèves dont 2 de notre Cie :
DANGEL (1er section) et St JUST (4ème section).
Ils ont été tous
reçus à l’exception de 3 dont St JUST, c’est ce qui montre qu’en ce moment on a
besoin de chefs et il est bien de prévoir que nous ne resterons pas ici les 4
mois prévus.
(*) :
Souligné dans le carnet
(**) : Le
sac à brosse est un sac d’entretien et de nettoyage qui contient, une brosse
d’arme, une brosse à chaussures, brosse à vêtement, une boite de graisse d’arme
et à brodequins, et un martinet pour ôter la boue des vêtements.
Nous passons la
matinée à creuser des tranchées ; ma ½ section est employée à creuser un abri
en arrière des lignes de tranchées. (*)
Ce travail dure de
6h ½ à 9h ¼.
Ensuite école de
section, déploiement en tirailleurs et exécution de bonds pendant une demie
heure ; c’est esquintant avec le sac et les plombs dans les cartouchières ; de
plus la faim commence à se faire sentir, et je me sens plutôt faible ; aussi
est-ce avec plaisir que je rentre à la caserne à l’heure de la soupe.
J’ai oublié de
dire que ce matin en nous réveillant nous avons eu la chambrée tout inondée :
un saligaud ayant besoin de pisser n’a pas eu le courage de sortir et s’est mis
à arroser consciencieusement le lit de GLADELLE.
Ce dernier s’étant
réveillé peu satisfait évidemment l’a engueulé ce qui a eu tout simplement pour
résultat de faire tourner le type qui a continué tranquillement à pisser dans
le poêle.
C’est tout de même
honteux de trouver de pareils loustics ici ; il devait avoir la vessie bien
pleine car la carrée, le poêle étaient complètement inondés.
GLADELLE a reconnu
ce type dégoutant mais ne veut pas dire qui. C’est dommage car celui qui est
aussi sale mérite bien d’être connu de tous.
Cet après-midi se passe tranquillement à écouter 2
conférences dont la dernière sur les différents fusils en usage m’a bien
intéressé ; le fusil allemand est décidément bien pratique et je crois meilleur
que le nôtre.
Sortie à 5h je vais rester à travailler un peu
car je n’ai pas encore touché à ma théorie.
(*) :
Curieux de creuser des tranchées à 500 km du front… Exercice ?
Aujourd’hui
service en campagne, nous allons rester toute la journée dehors.
Hier soir, on nous a distribué pain, chocolat, fromage, bois et ce matin nous
touchons café, graisse, pommes le tous en robe de chambre, sel, poivre etc……
À 6h, départ de la caserne, il faut emporter en plus du chargement les
vivres avec marmites, plats, moulin à café, bois. Pour ma part je porte la
marmite.
Nous allons sur la
route de Niort que nous quittons pour gagner Sainte-Neomaye. Sur
la place de cette petite commune le capitaine nous indique le but de la marche
: installation de petits postes du côté d’Aiript, La Croix Barret,
La Crèche.
Voir
la carte Michelin des villages concernés.
J’ai oublié de
dire que le temps ne nous favorise pas, il tombe une petite pluie fine et le
vent est froid. Quel sale climat (Un jour souffre de la chaleur, le lendemain
il fait froid).
Aussi sur la place
de Sainte-Neomaye où nous arrivons en sueur et où nous sommes exposés au
vent nous attrapons froid et même quelques-uns en tremblent.
Après l’explication
du capitaine nous allons installer les petits postes. Je suis désigné comme
éclaireur et comme tel je dois aller en avant à travers champs, haies, fossés
avec le sac au dos et le fusil en main.
La patrouille dont
je fais partie va jusque près de La Croix Barret.
À 11h ¼, rassemblement de la Cie à Forêt-Bernard et critique par le
capitaine qui ne trouve rien de bien. Nous repartons pour Sainte-Neomaye
où nous devons faire notre café et manger.
J’avais plutôt
faim, je mange peut-être un peu trop vite et attrape une espèce d’indigestion
qui me rend malaise tout l’après-midi.
À midi, il faut remettre le campement sur le sac et repartir pour Saint-Maixent
avec toujours le même temps.
Rentré à la
caserne à 4h ¼, nettoyage du fusil
et repos jusqu’à 6h, nous ne l’avons pas volé.
Je me réveille
plutôt fatigué avec un peu mal dans les côtés, c’est assurément la conséquence
du froid que j’ai ressenti hier sur la place de Sainte-Neomaye.
De plus j’ai
encore l’estomac lourd, la digestion de mon repas d’hier fait en campagne ne
s’est pas bien effectuée ; enfin tant pis, je vais essayer à marcher si cela ne
va pas je me ferai porter malade demain matin.
Battage des
couvertures sur la place Denfert puis nous sortons nos lits au soleil,
c’est une sale corvée qui se répète maintenant tous les samedis.
Interrogations sur
la théorie, je m’en tire très bien avec le sous-lieutenant et attrape 19 et 17.
Quelques camarades moins chanceux ayant eu moins de 10 se voient consignés pour
demain.
Au rapport je
reçois une carte de ma petite femme chérie m’annonçant l’envoi d’une surprise à
l’occasion de ma fête. Pauvre adorée qui pense toujours à son petit et cherche
constamment à lui faire plaisir !!!.....
Comme je bénis le
jour où je t’ai connue !!
À 5h, je reçois la petite surprise annoncé : une
très jolie montre, ma petite femme a décidément bien bon goût, mais je crains
qu’elle n’y ait mis vraiment un peu trop cher !
Oh ma chérie,
comme je t’aime ! Comme je t’adore et comme je veux te rendre heureuse comme tu
le mérite, mais non, je désespère d’y arriver.
Ce soir, marche de nuit, nous allons au croisement des routes de SAIVRE et de
PARTHENAY, (attaque d’un petit poste aux issues) je fais partie du peloton qui
attaque mais nous ne réussissons pas et dans la réalité il est fort probable
que nous aurions été tous tués.
Nous rentrons à
11h.
Heureusement que
demain dimanche nous pourrons nous reposer un peu car je suis bien fatigué.
Il faut se lever à
6h afin de passer l’inspection à 7h ¼ en tenue de sortie. Même ceux qui ne
peuvent sortir, étant consignés doivent être en tenue : c’est tout de même
dégoutant.
Ce matin, je sors pour acheter deux boites de papier à lettres pour les envoyer
le plus tôt possible à ma chérie, à ma petite femme adorée. Je profite de cette
sortie pour porter mon linge sale chez la blanchisseuse et rapporter mon linge
propre.
Le reste de la
matinée se passe tant bien que mal à travailler un peu.
À onze heures, je reçois la lettre que ma petite Berthe
m’avait annoncé dans sa carte d’hier. Pauvre petite comme elle m’aime !!!....
Pour te montrer combien moi aussi je t’adore, ma chérie, je vais surmonter mon
immense douleur et sortir un peu cet après-midi.
Après la soupe, comme je viens de le dire je vais avec HAY
et HERAUT, nous allons nous promener un peu dans la campagne où nous nous
sentons libre, il fait encore bien lourd et il est probable que dans la soirée
ne va pas se passer sans orage.
À 4h, nous allons passer ½ heure avec le camarade GIOVACHINI à
l’infirmerie.
Pauvre garçon il
n’a pas bonne mine, demain il sera transporté à l’hôpital en attendant son
passage devant la commission de réforme dans 3 semaines.
Un autre camarade
du 25ème de Cherbourg est aussi à l’infirmerie et compte aussi passer le
conseil de réforme.
Le déchet sera
décidément assez fort et malheureusement ce n’est pas fini et moi-même je ne
sais si je pourrai résister encore 2 mois.
Ce soir, je me couche de bonne heure (8 heures) car je me sens plutôt malaise
(rhume) mais je ne puis dormir car les camarades de la chambrée en rentrant
font plutôt beaucoup de chahut et ont l’air pour plupart plutôt gais.
Ce matin cela va un peu mieux quoique je sois encore bien enrhumé.
Nous partons pour
le champ de manœuvre à 6h et de 6h 1/2 à 10h nous y faisons de l’école de
section : déploiements en tirailleurs (feu à droite, feu à gauche, feu à un ???
exécution du bond, marche rampante, passage de haies d’épines – rien n’y
manque.
Comme mon escouade
fait partie de la 4ème ½ section, à chaque déploiement et à chaque
rassemblement nous devons faire au moins 200m au pas gymnastique ; aussi nous
sommes bien fatigués, de plus l’herbe étant assez haute et mouillée, nous avons
les jambes trempées.
Pour terminer,
nous exécutons un feu de 4 cartouches avec de fausses cartouches (balles en
carton).
Dans les bonds et
en rampant plusieurs camarades ont perdu leur outil et il faut de nouveau se
déployer en tirailleurs pour les retrouver.
Pendant ces 3
heures ½ d’exercice très fatigant, nous avons eu tout juste 10’ de pause.
Comme il est tombé
une pluie fine, nous devons en rentrant astiquer le fusil et la baïonnette.
Heureusement que cet après-midi nous sommes un peu plus
tranquilles.
Nous avons en
effet 2 conférences (1 par le lieutenant HUGUES sur la typographie et 1 par
l’adjudant sur la comptabilité en campagne).
Décidément
l’adjudant ne sait pas enseigner, il mûle tout, si bien que personne ne
comprend rien ; enfin il ne faut pas s’en faire et prendre le temps comme il
vient.
J’ai oublié de
dire que ce matin, le lieutenant a flanqué plusieurs punitions à ceux qui ne
partaient pas assez vite au commandement de « marche », qui ne se
jetaient pas à terre assez vite à celui de « halte » : le camarade Gervais a ainsi récolté 4 jours de
consigne.
À 4h ½ ce soir, nous allons aux douches, ce n’est pas malheureux, car voilà
plus de 20j que nous n’en n’avons fait.
Nous en revenons à
6h ¼ alors que les camarades sont quittes de manger.
Cette nuit, contrairement au bruit qui avait couru hier soir, il n’y a pas eu
d’alerte ; nous n’en sommes d’ailleurs pas fâchés car la fatigue chez nous est
plutôt générale et rares sont ceux qui sont bien dispos.
De 6h à 8h ½ service en campagne.
La Cie est
supposée faire l’avant-garde d’un bataillon ; nous allons ainsi sur la route de
Parthenay où nous faisons une halte gardée. Contrairement à son
habitude, le lieutenant HUGUES, dirigeant l’exercice trouve les dispositions
très bien prises ; mais le plus embêtant c’est qu’il nous faudra faire le
croquis de cette halte avec emplacement du gros de l’AG, de la tête, de la
pointe et des patrouilleurs.
À 8h1/2 nous arrivons au stand où nous devons faire un tir au but à 30m. (8
balles dans la position couchée).
Mon tir est très
bon (*). 8 balles, 15 pts (et encore la 8ème balle
qui compte pour un pt devrait compter pour 2 car elle est sur la ligne)
Le temps est
maussade, une pluie fine se met à tomber et nous mouille rapidement ; il va
falloir encore nettoyer son flingue une fois rentrés à la caserne.
Que c’est agréable
tout de même le métier militaire !!!......
L’après-midi nous n’avons pas d’exercice mais seulement
des conférences par le capitaine, l’adjudant
et le capitaine de
LIMOGES.
Au rapport je
reçois une lettre de ma chérie m’annonçant l’envoi d’un bon de poste de 50fr.
Pauvre petite
adorée comme elle pense à son petit !
Je n’en ai
pourtant pas besoin, mais malgré cela fait plaisir de se sentir aimé, choyé,
par sa petite femme comme je le suis.
Ah comme je suis
heureux d’être marié car sans ma chère petite femme je ne sais pas ce que je
deviendrais.
(*) :
Souligné dans le carnet
Malgré les menaces
constantes d’une alerte pendant la nuit, je dors bien ainsi que la plupart des
camarades. D’ailleurs la fatigue se fait sentir sur tout le monde et maintenant
personne ne se lève avant le réveille.
Ce matin, exercice sous la direction du capitaine (section pointe
d’avant-garde) nous allons sur la vieille route de Poitiers, puis par la
côte 150, Nanteuil-le-Haut, La Béchère, etc….
Page
blanche ?
Cette nuit, nous sommes réveillé en sursaut à 2h ; il y a en effet alerte de
nuit, il faut prendre sa tenue de drap après ¼ d’heure d’hésitation car
personne nous avait dit que nous devions nous mettre en drap ; enfin ordre de
l’adjudant, tenue de campagne et être prêt dans 10’ ; aussi il faut faire
diablement vite, tirer ses treillis, mettre sa tenue de drap, charger en sac
etc. etc.
À 2h ½, départ pour Sainte-Neomaye ; où nous allons faire la critique
des petits postes installés il y a 8 jours.
Je plains le
camarade DURAND qui est de jour, il doit conduire les malades à la visite et
nous rattraper aussitôt après.
Après 2 haltes
horaires nous arrivons à Sainte-Neomaye à 4h1/2 du matin, puis nous
allons à l’emplacement des PP (*)
que nous avions installés il y a
8 jours et le capitaine en fait la critique.
Pour faire mal, la
pluie ne cesse de tomber depuis Saint-Maixent, mon fusil est déjà tout
mouillé, quelle saleté ! Je vais avoir du turbin en rentrant. Les officiers
s’en moquent pas mal ayant sur le dos leur caoutchouc.
Nous allons ainsi
successivement et sans mettre sac à terre à l’emplacement des 5 PP (le dernier
étant à Aiript) aussi je suis bien fatigué, d’autant que je suis bien
malade et à un moment donné à Aiript, j’ai bien cru que j’allais être
obligé de lâcher.
Voir la carte Michelin des villages concernés.
Nous repartons
ensuite pour La Chauverie où nous devons faire la grand ‘halte, nous
arrivons à 11h ½ ; c’est long depuis 2h du matin sans avoir rien mangé.
Là, je mange bien
ayant apporté œufs cuits dur achetés hier soir à la cantine ; aujourd’hui nous
sommes avec la 5ème Cie ; les veinards qui ont fait à peine 9km ce matin ;
alors que nous en avons fait pour le moins 16 ou 17.
Départ à 1h ½ alors que la 5ème reste ½ heure de plus au
repos ; nous revenons par la route de Souvigné ; le lieutenant qui est
en tête de la colonne nous fait monter une côte de 2km au pas accéléré, aussi
mon malaise me reprend et c’est à grand peine que je réussi à suivre ; 2
camarades sont obligés de monter dans la voiture suivant la Cie et un autre
DOURENGER doit être déchargé de son sac et de son fusil.
Puis au lieu de
rentrer directement comme la 5ème on nous fait faire au haut de la côte 132 un
croquis perspectif.
Pendant ce temps
je reçois les félicitations du lieutenant pour mon dessin de la halte gardée.
En rentrant,
nettoyage des flingues.
J’ai oublié de
dire qu’à Sainte-Neomaye le colonel est venu nous surprendre et à
interroger plusieurs d’entre nous sur l’exercice d’aujourd’hui ; GERVAIS s’en
est très bien tiré par contre JABOULET de la 3ème section n’a rien su ; le
capitaine m’a aussi interrogé en présence du colonel et je m’en suis bien tiré.
(*) : Petit
poste
La nuit me fait beaucoup de bien et ce matin, je suis bien mieux qu’hier ; espérons que la journée ne va pas être trop chargée.
Ce matin, pendant que le 2ème peloton va au tir, nous allons battre nos couvertures, puis la 1ère section commence à réciter pendant que le sergent Martin nous fait une théorie sur les mitrailleuses (mitrailleuse Etienne qui est successivement à la disposition des compagnies).
À 9h, 4ème et dernière conférence par le capitaine De Lamase et ainsi la matinée se passe sans trop de mal. Je n’ai pas encore été interrogé en théorie, c’est heureux, car je ne la sais pas et compte sur la sieste pour l’apprendre un peu.
Bon pas de chance, à midi, le sergent Pousolle me requiert comme homme de corvée pour aller à l’école, avec 4 autres élèves, toucher le linge blanc que les élèves donnent à laver ici ; si bien que nous revenons ici à 2h moins le 1/4.
Aussi est-ce plutôt avec appréhension que j’attends mon tour d’être interrogé, d’autant plus que c’est le lieutenant Hugues qui nous fait passer.
Enfin mon tour arrive, comme je m’y attendais je ne m’en tire pas fameusement et j’attrape un 13 de complaisance ; il ne faut pas que pareille chose se recommence, sinon je perdrais ma bonne réputation ; ce à quoi je ne tiens pas du tout.
D’ailleurs les notes ne sont pas brillantes et dans l’escouade la plus forte note est 14.
Au rapport, c’est avec plaisir que nous apprenons que ce soir, il n’y aura pas de marche de nuit ; ceci en raison de l’alerte de vendredi, aussi nous allons pouvoir passer de nouveau une bonne nuit.
La nuit m’a paru bien bonne et c’est avec regret que j’ai quitté mon lit à 6h.
Il faut se mettre vite en tenue pour être prêt pour la revue que le sous-lieutenant nous passe à 7h ¼.
Alors nous sommes libres jusqu'à 9h ce soir.
Ce matin, je vais chez ma blanchisseuse toucher mon linge blanc et porte le sale. Puis je profite de ma sortie pour faire quelques achats nécessaires pour les croquis : double-dm, rapporteur, crayons de couleur, etc…
Et je rentre au quartier travailler un peu.
Cet après-midi, je sors avec Hay et Héraut, nous allons faire un petit tour à la campagne (vers le champ de tir) où nous restons pendant 2h. couchés tranquillement à l’ombre d’un noyer sur l’herbe fraîche.
Aujourd’hui il fait une chaleur épouvantablement lourde et il n’y a qu’un endroit où l’on serait bien ; dans l’eau à prendre un bon bain.
Pendant que je m’endors tranquillement, le camarade Héraut devenu paysagiste pour l’occasion, dessine la butte d’Excieuil et ma foi son dessin n’est pas mal du tout.
Nous rentrons à 6h pour la soupe.
Après j’écris à ma Berthe à qui je n’ai rien envoyé depuis mercredi ; pauvre petite chérie comme tu dois trouver le temps long ; avec quelle impatience tu dois attendre la venue du facteur, qui trop souvent, n’est-ce pas, passe sans te tendre une lettre de ton petit. Et moi qui t’avais promis de t’écrire au moins tous les 2 jours !
Je suis bien coupable n’est-ce pas mon adorée !.....
Oh ! Je t’assure pourtant que je pense bien à toi.
Pauvre chérie tu es ma seule consolation, sans toi je serais une épave de la vie, qui n’aurait qu’une chose à faire : se faire tuer le plus vite possible.
Le temps promet d’être bien chaud et le programme des fêtes pour ce matin n’a rien de bien épatant.
À 6h, départ pour le terrain d’exercice, alors que les autres compagnies vont sans sac, nous devons le prendre, ainsi que l’outil portatif et un bidon plein d’eau.
De 6h ½ à 7h ½ mouvements de la section, et mécanisme du bond commandé par les élèves, le camarade Gervais en rampant perd sa montre d’une valeur de 11fc.
Nous la retrouvons à la pause, en formant une ligne de tirailleur et en arpentant le terrain par niveau.
Ensuite, abordage d’une crête par
Sur 48 cartouches à blanc que nous avions touchés ce matin, j’en tirais 36. Les camarades figurant la troupe d’attaque n’ont pas été si heureux. Il leur a fallu exécuter une série de bonds et parcourir une centaine de mètres en rampant et en plein soleil, aussi tous avaient leurs bourgerons traversés par la sueur.
Ce midi, il faut astiquer son fusil pour aller au tir cet après-midi.
Nous partons à 2h, pendant que le 2ème peloton va sous les allées de la place d’Enfer apprendre le fonctionnement de la mitrailleuse.
Tir à 200 m (balles dans la position couchée), mon tir est le meilleur de la section, je fais le maximum 8b. 16pts ce qui d’ailleurs ne m’empêche pas d’être attrapé par le lieutenant pour avoir tiré une balle alors que le drapeau n’était pas complètement baissé.
Je suis qualifié de « soldat de 3ème classe ».
Aussitôt après le camarade G…?? se fait traiter (toujours par le lieutenant) de « couilles molles » pour ne pas ramener assez vite la culasse en arrière au cours du tir.
La chaleur est toujours aussi accablante et ce matin nous allons encore attraper quelque chose comme sueur.
Nous partons pour le terrain de manœuvre à 6h, et jusqu’à 9h ½ nous bavons fort. (École de section, déploiement en tirailleur)
À 9h, abordage d’une crête et attaque.
Cette fois je n’ai pas l’avantage de faire partie de la section qui figure l’ennemi ?? j’attrape quelque ?? ; Nous devons faire plus de 100 m en rampant, puis une succession de bonds d’une dizaine de mètres chacun.
Cet exercice me parait plutôt absurde, car dans la réalité il est certain que nous y penserions tous ; je trouve surtout absurde de nous faire coucher sur une pente inclinée du côté de l’ennemi qui aurait alors toute facilité pour nous démolir les uns après les autres.
L’après-midi se passe assez gentiment, nous assistons d’abord à l’amphi Brack à une conférence sur la guerre en montagne par un lieutenant de chasseurs instructeur à l’école.
Ensuite nous allons nous mettre en tenue de sortie pour nous faire photographier, la Cie entière avec nos officiers.
Contrairement aux deux journées précédentes, la matinée aujourd’hui s’’annonce assez bonne.
Pendant que le 1er peloton va au tir, nous allons sur la place d’Enfer faire de l’école de section et ensuite apprendre le fonctionnement de la mitrailleuse St Etienne que je vais chercher avec 3 camarades et sous le commandement du sergent Martin, à l’école.
Ce matin, au lieu d’aller creuser des tranchées comme je m’y attendais, nous allons en exercice de campagne sur la route de Saivres (reconnaissance d’avant-poste).
J’ai encore l’avantage de faire partie d’une patrouille ayant pour mission de reconnaitre le pont de Saivres et ses abords ; comme patrouilleur de pointe, je rencontre le colonel à qui il faut dire la Cie dont je fais partie et la mission qui nous est confiée.
Nous n’avons même pas la chance de rencontrer une petite ferme isolée où nous puissions prendre un verre qui nous aurait fait grand bien, car il fait encore bien chaud et nous suons à grosses gouttes.
Au rapport, je suis tout étonné de ne pas apprendre la nouvelle de mes 2 jours de consigne d’hier soir ; mais si jamais ils sont portés, je suis bien décidé à dire la vérité au capitaine tant pis pour le fou de Possolle !!...
Car s’il était ivre hier soir, je ne dois tout de même pas en subir les conséquences.
Cet après-midi, théorie par l’adjudant pour faire la feuille de prêt et tenir le carnet de comptabilité en campagne ; nous faisons ensuite une série de rassemblement avant d’aller sur la place d’Enfer où pendant un quart d’heure nous passons notre temps à des jeux idiots comme la « Quille Soûle ».
Puis conférence à l’amphi Brack par un capitaine de Dragons sur le rôle de la cavalerie, conférence qui dura jusqu’à 5h, de sorte que ceux qui veulent sortir ne peuvent le faire qu’après 6h, car nous devons tous assister au rapport ; et ensuite recevoir les vivres pour la marche de demain.
Aujourd’hui on nous a changé les draps et les couvertures.
Aujourd’hui réveil à 6h ½ à cause de la marche d’hier soir, nous nous mettons en tenue pour 7h ½ pour la revue passée par le capitaine ; cette fois nous pouvons quitter nos capotes et sortir en veste.
Nous allons être un peu moins pris par la chaleur qu’il fait ici.
Nous avons projeté Hay, Héraut (*) et moi d’aller passer la journée à La Mothe-Saint-Héray, petite ville de 200h, distante d’une douzaine de km de Saint-Maixent.
Aussi, aussitôt après la revue nous allons chercher notre linge blanc et porter le sale chez notre blanchisseuse, et à 9h nous prenons le chemin de la gare au tramway qui conduit à La Mothe.
Pour y aller, nous passons à travers la forêt de l’Hermitain qui parait magnifique et nous nous promettons d’y aller dimanche prochain.
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent, pour situer
ces villages.
(*) : Léon
HAY (instituteur à Laigle, Orne) et Paul HéRAUT (professeur, 6 rue Choquet de Lindu à
Brest) sont notés à la fin du carnet
Arrivés à La Mothe à 10h30.
C’est une charmant petite ville coquette, commerçante, avec de nombreux magasins au bord de la Sèvre.
En descendant du tramway nous trouvons un zouave, élève de l’école, et un marsouin également élève, qui doivent avoir fait la conquête de 2 petites dames en deuil de Saint-Maixent et qui les promènent à La Mothe.
Pour sauver les apparences, ces dames ont une petite fille de 5 à 6 ans avec elles, probablement c’est la fille d’une d’elles qui a perdu son mari à la guerre.
Le soir, en revenant au tram, nous les recroisons et à la gare de Saint-Maixent nous les voyons se quitter discrètement.
Ceci me révolte. Il y a décidément des femmes qui n’aiment pas leur mari et le chagrin que leur cause sa mort n’est pas longtemps à être banni.
À 11h ½, nous prenons un bon repas à l’hôtel du Chêne Vert où nous retrouvons GA… et Fusey de notre section ; puis nous allons faire un tour au parc où nous nous reposons 2h tranquillement couchés sur l’herbe.
Avec Hay et Héraut, je reprends le tram de 4h33 tandis que GA… et Fusey attendent le tram de 7h30.
C’est qu’en effet Hay et Héraut veulent aller chez le photographe chercher « leur tête ». À mon avis leurs photos ne seront pas si bien que celle que j’ai fait faire à Cherbourg.
Le soir, en rentrant après avoir soupé à l’hôtel des 3 Piliers, où j’avais rencontré Goussel, camarade d’escouade, nous entendons à la caserne pas mal de types éméchés.
Durand, FA… et Guichard qui étaient allés également à La Mothe, en ont plus que leur part, surtout Guichard et Durand qui ont bien du mal à parler.
Il est heureux pour eux que ?? et Fusey les aient trouvés et ramenés à la gare.
En revenant de la gare à ici Durand s’est étalé au milieu de la rue et comme il tombait de l’eau à verse (l’orage s’était ?? vers 7h), son pantalon et son képi sont plein de boue.
Je trouve qu’il est tout de même malheureux de trouver ici des types d’un pareil calibre. À quoi leur sert toute l’instruction et l’éducation qu’ils ont reçu ?
À l’appel (9h), il manque Delille qui est à se promener en ville avec le lieutenant MANUEST ( ?) de la 4ème Cie et qui rentre à 11h.
C’est la deuxième fois que cela lui arrive et il n’est pas puni ; alors que si c’était un autre, il attraperait très probablement 8 jours de puni.
Oh ! Mon pauvre Gustin, quel cas on fait de toi !....
Ce matin beaucoup sont « vaseux »(*), heureusement l’exercice n’est
pas très dur (école de section de tir). Mon tir est encore très bon, je
fais 8 balles 15 points (*).
D’une manière générale les tirs sont inférieurs à ceux de la semaine dernière et sur la section je crois qu’il n’y a que moi qui ai fait 15 points.
L’après-midi, se passe assez bien.
Nous avons d’abord une petite théorie sur le cantonnement et le bivouac, puis sur la mitrailleuse.
Nous allons ensuite aux douches.
Étude le soir ; pendant l’étude je copie avec DRUJON (Clément), Guiot et Durand un programme pour les sergents.
Après l’étude il faut se mettre à astiquer ses cuirs et son flingot car demain nous devons avoir revue par le colonel.
(*) :
Souligné dans le carnet
Aujourd’hui revue par le colonel de 8h30 à 10h.
Ce matin, je suis de « jus » ; à cause de la présence de l’adjudant-chef de bataillon tous les hommes de jus doivent se réunir dans le coin avant d’aller le toucher.
Départ pour le terrain de manœuvre à 6h.
De 6h à 8h30’, le temps se passe en déploiement en tirailleurs et en école de section.
À 8h30’, rassemblement de la Cie pour la revue du colonel qui vient se rendre compte de l’instruction donné dans les Cies.
Dans la nôtre ; la 1ère section va faire du maniement d’arme, la 2ème de l’escrime à la baïonnette, la 3ème des exercices préparations de tir et la 4ème de l’école de section.
La 2ème section dont je fais partie est commandée par GRUOT et FINOT, les mouvements exécutés sont plutôt « vaseux » ainsi que les mouvements des autres sections.
Malgré cela le colonel est content, et il a dû dire que
les autres compagnies sont bien en dessous de la 6ème.
(*)
Aussi nous recevons les compliments de notre capitaine. Nous exécutons ensuite quelques mouvements avec la 2ème Cie qui passait également ce matin.
Ce midi, pendant la sieste, je me prête aux séances d’hypnoses (**) du camarade GONIN qui, paraît-il, m’a fait faire pas mal de choses.
L’après-midi, se passe sans trop de mal, une conférence sur les opérations de nuit par le lieutenant REGARD et une causerie par notre lieutenant.
Décidemment je voudrais bien qu’il y ait inspection du « colon » tous les jours.
Ce soir, épluchage de petits pois.
La 5ème Cie, à qui la corvée échoit, « rouspette » car c’est (***) la 3ème fois qu’ils ont cette corvée, aussi nous devons aller les aider.
(*) :
Souligné dans le carnet.
(**) :
« Hypnotions » dans le carnet.
(***) : «
C’est » est ajouté pus tard dans le carnet.
Ce matin, je ne sens pas bien dispos et ai plutôt la « flemme ».
L’exercice : stationnement et bivouac ne s’annonce pourtant pas très chic.
À 6h départ : route de Paunay où nous devons bivouaquer.
Théorie par le capitaine sur le rôle du chef de section au bivouac et au cantonnement.
Pour servir d’exemple une section est désignée pour prendre les dispositions prescrites et naturellement c’est la 2ème et pendant que les camarades sont assis tranquillement nous devons nous installer sous un hangar.
En revenant, le capitaine fait entrer la Cie dans un champ où l’herbe est récoltée pour nous expliquer les différentes formations de la Cie.
Ce midi, au lieu de sieste nous devons éplucher des petits pois ; comme le 2ème peloton va au tir, il n’y a que la 1ère et la 2ème section de corvée, et pendant 1h ½ nous devons écosser ces sales pois remplis de vers.
La 5ème Cie qui devait nous aider n’a pas voulu, et pour les empêcher de dormir les camarades n’ont fait que chanter pendant l’épluchage malgré l’intervention réitéré du sergent de garde et d’un sergent de la 5ème.
À 1h ½, en rentrant dans la chambrée, les caporaux et sergents du 1er peloton (DRUJON, HENRY, AUBERT, GAILLARD, CROS, HIELARD) qui ne sont pas venus aux petits pois ont eu leur lit retourné.
Décidemment l’accord entre la 5ème et la 6ème Cie n’existe pas et je crains que quelque fait regrettable se produise.
DRUJON qui a eu son lit retourné s’est fâché et n’a pas voulu le refaire. C’est un drôle de type, comme la plupart de ceux du midi, il se fâche pour un rien.
Après une causerie sur les télémètres, nous rentrons à 16h à la caserne pour une revue de détail.
Quelle idiotie !
Sommes-nous venus ici pour faire des paquetages carrés, des lits en billard, passer des revues de détail ?...
Les pages sont vides d’écrits
Réflexion faite beaucoup plus tard. Ces photos sont
peut-être pour dans l’Illustration comme faits ayant eu lieu au front. (*)
Au lever, on nous fait mettre en tenue de drap pour aller sur le champ de manœuvres pour poser devant le « cinéma ». C’est honteux !
Et c’est à se demander si c’est pour faire les pitres que nous sommes venus ici.
Sous la conduite du lieutenant HUGUES nous devons aborder une crête, ramper d’abord à 4 pattes puis à plat ventre pendant 200m au moins ; nous franchissons ensuite la crête et exécutons 3 bonds successifs ; aussi l’exercice terminé nous sommes propres et les seuls effets que nous avions de propres sont jolis.
À 8h ½, nous rentrons à la caserne où nous avons juste 2mn pour nous mettre en treillis afin d’être passé en revue par le colonel à 9h.
Donc en route pour l’école où nous recommençons 3 fois de suite le défilé.
À 10h, rentrée au quartier, rapport.
À partir de douze heures j’ai l’insigne honneur d’être caporal de jour ; il faut que je passe l’après-midi à courir d’un point à un autre, je vais d’abord toucher le linge bleu à l’école, puis je dois conduire CUVELLIER mangé à la salle de police.
Aussitôt après le repas il faut que j’aille porter les décisions aux officiers, je dois répondre à toutes les sonneries et aller à tout instant à l’école.
C’est une sale corvée et j’ai bien envie d’être arrivé à 11h demain.
Pendant ce temps les camarades passent leur après-midi à réciter avec l’adjudant et à écouter une conférence de notre capitaine sur la vallée du Rhin. Avant la soupe je suis attrapé par l’adjudant et je dois également réciter ; je ne m’en plains pas, car j’attrape 18.
À 18h ½, je dois de nouveau répondre à une sonnerie, c’est d’ailleurs une bonne nouvelle :
« En raison du
mauvais temps, il n’y aura pas d’exercice de nuit ce soir »
Je dois porter immédiatement cette note aux officiers, mais nous en sommes très bien contents, ces exercices ne nous plaisent guère.
Demain lever à 7h.
(*) : En
haut de la page. Ces lignes semblent avoir été écrites bien après le contenu
des pages.
Lever à 7h, cela nous paraît bien bon, car ce qui nous manque ici, c’est le repos.
Je suis toujours caporal de jour jusqu’à 11h, aussi ce matin, je ne puis sortir, mais cela ne me fait pas grand-chose. Il me faut toujours répondre aux sonneries, et aller chercher les lettres pour la Cie au bureau du vaguemestre à l’école.
Enfin 11h arrivent et me voilà libéré de cette sale corvée, aussitôt après la soupe je vais porter mon linge chez ma blanchisseuse, je profite de cette sortie pour acheter du « nubian » (espèce de cirage liquide pour astiquer les cuirs) car je trouve que l’emploi de la cire pour les faire briller est un peu trop long.
J’achète également un journal, il y a déjà longtemps que j’en ai lu un !
Mais vrai, je trouve que cette guerre n’avance pas vite et il est très probable qu’elle passera encore l’hiver ; ce n’est guère consolant !
Ces petits achats faits, je rentre immédiatement à la caserne car j’ai l’intention de travailler un peu ; je ne sais si je vais en avoir le courage, car aujourd’hui le temps s’est remis à la chaleur et il fait très lourd.
Ainsi que je m’y attendais le courage m’a plutôt manqué cet après-midi et j’ai réussi tout juste à passer mes cuirs au « nubian », je n’ai pas astiqué mon fusil bien qu’il en ait grand besoin.
Tant pis, ce sera pour demain, si j’ai le temps.
Ah ! Qu’une journée de repos passe vite !
Demain il faudra reprendre le « collier de misère ». Il paraît que nous ne quitterons Saint-Maixent que le 10 août, nous avons dons encore 50 jours à passer ici ; c’est bien long et j’ai grand hâte d’y être arrivé.
Si nous pouvons avoir après une permission de 8 jours j’aurai peut-être le bonheur d’être près de ma Berthe au moment où nous aurons un petit bébé !! (*)
Ah, si j’avais seulement cette consolation !.......
(*) : Ce
sera une fille, Fernande, née le 29 août 1915
Aujourd’hui, réveil à 5h et il faut reprendre le harnais ; heureusement je ne suis plus caporal de jour, mon ami FAURE prend ma place.
Ce matin, travaux de campagne, nous allons au champ de manœuvre achever des tranchées de 2ème ligne. Le travail ne va pas fort et nous n’en « fichons » pas lourd.
À 10 heures, retour à la caserne, au rapport à 11h je passe mes fonctions de caporal d’escouade au copain GRUOT. Heureusement je suis quitte de cette saleté-là !!...
Aujourd’hui tout de même nous avons sieste de midi à 1 heure, j’en ai profité pour astiquer mon fusil qui en avait bien besoin.
L’après-midi se passe également assez bien ; après une théorie sur la comptabilité par l’adjudant (théorie assez vaseuse d’ailleurs) nous allons sur les allées de la place Denfert, faire un peu de gymnastique et nous exercer au lancement de grenades.
Enfin 3ème théorie sur le canon de 75 par l’adjudant d’artillerie.
Après ces 3 conférences je trouve que je n’ai pas appris grand-chose et je serais bien embarrassé si on me mettait un canon entre les mains.
En écoutant plus ou moins attentivement les explications de l’adjudant, j’ai assisté à une petite discussion causée par une théorie émise par l’élève MORIVAL.
D’après lui les fonctionnaires ne devraient pas voter (*), théorie d’ailleurs soutenue par un certain nombre. Ainsi donc on nous considère comme des nullités, des types qu’il faut laisser de côté !
Ici, à Saint-Maixent, à part les instituteurs qui forment environ le 1/3 du contingent, la ½ sont des royalistes acharnés.
Dans notre section nous en avons plusieurs, notamment MABILLE DE PONCHEVILLE qui parmi ces arguments a donné celui-ci :
« Qui est-ce qui a formé la France, si ce n’est la
royauté ! »
Ces types-là ne sont guère partisans de JOFFRE et voudraient à la tête de l’armée un CASTELNAU, car d’après eux le généralissime pourrait, s’il le voulait, renverser le gouvernement et rétablir la royauté ; et dire qu’après la guerre les ¾ de ces loustics-là resteront dans l’armée (refuge des fainéants, des parasites) !
Ah ! Pauvre France où vas-tu ?....
(*) :
Souligné dans le carnet.
La matinée se passe sans trop de mal, nous allons faire un peu d’école de section sur la place Denfert, puis nous revenons à la caserne pour écouter une théorie faite par le lieutenant HUGUES sur le fonctionnement de la mitrailleuse ; avec sa coutume habituelle de compliquer à l’excès les choses les plus simples, nous n’y comprenons à peu près rien.
Pour terminer nous retournons sur la place Denfert mettre en application les principes reçus, nous exécutons des feux de mitrailleuse avec des cartouches à blanc ; j’ai dit nous, c’est une façon de parler, car toujours ce sont les mêmes qui passent ; que ce soit au télémètre, au canon, à la mitrailleuse etc…
C’est toujours la même chose, pendant ce temps nous autres, les non pistonnés regardent (s’ils peuvent voir, car la plupart du temps on n’y voit rien)
L’un de ces types les plus favorisés est NAUD, sous-préfet de Bayeux, qui pourtant n’a rien d’extraordinaire mais qui est évidemment bien pistonné.
Il paraît qu’il a déjà son costume d’aspirant prêt, et il est certain qu’il sera reçu le 1er de la Cie. C’est honteux de le voir ainsi faire ce qu’il lui plaît ; hier encore, pendant que nous étions aux tranchées et qu’il pleuvait, NAUD se promenait tranquillement un caoutchouc sur le dos.
Ah ! Pauvre justice quel cas on fait de toi !!!...
L’après-midi : continuation de la théorie sur la mitrailleuse et conformément à la bonne habitude 4 ou 5 seulement en profitent.
Depuis 2 jours, je ne suis pas très bien, décidemment je vais être bronchiteux et dire qu’il faudra coucher, demain sur la paille ou dehors. Ah vivement la fuite !
Encore 48 demain matin ! C’est encore bien long !
Enfin nous en verrons peut-être le bout.
Ce matin il fait mauvais temps, la pluie tombe par averse.
Entre 2 averses nous allons continuer encore la théorie sur la mitrailleuse (route de Parthenay). Théorie encore parfaitement inutile pour moi car je n’ai encore rien vu.
À 9h30’ conférence par le capitaine DE LAMAZE sur le pangermanisme (*) elle est assez intéressante.
De midi à 2h, il faut faire ses préparatifs pour le départ qui va avoir lieu à 2h30’, il faut emporter sa capote montée sur le sac, ses souliers de repos en plus du chargement habituel ; aussi le sac commence à être bougrement lourd.
J’ai grande envie d’être quitte de cette corvée.
Départ à 14h30’ et en route pour Souvigné où nous arrivons à 16h.
Préparatif de cantonnement, ma section va loger sur un tas de foin, nous n’allons pas être mal à respirer l’odeur du foin fraîchement récolté.
Le colonel vient nous rendre visite et n’a pas l’air enchanté des dispositions prises et le capitaine de notre Cie attrape quelque chose, il ne le mérite pas ; il faut immédiatement installer les postes aux issus, la 1ère section doit fournir une escouade qui va passer la nuit dehors, ainsi que notre section ; heureusement c’est la 5ème escouade qui est désignée.
Il faut ensuite préparer la soupe, nous trouvons à ??? chacun 2 œufs qui nous font grand bien.
Nous nous couchons à 8 heures.
Notre section est la mieux de toutes ; la 2ème en particulier doit coucher sur la terre avec un peu de paille.
Le plus embêtant c’est qu’il fait trop chaud, et quelques camarades font un chahut empêchant tout le monde de dormir jusqu’à 11h ½.
Il paraît de plus qu’il va y avoir alerte à 3h.
(*) : Le
pangermanisme est un mouvement politique irrédentiste du XIXe siècle visant
l'unité de tous les germanophones d'Europe, ou identifiés comme tels par les
penseurs de cette théorie : lui correspond la volonté de mettre en place la
Grande Allemagne, c'est l'expression traduite de Grossdeutschland en allemand,
provenant du latin Magna Germania, qui désigne la Germanie antique.
Nous sommes réveillés en sursaut par des coups de feu tirés par les postes aux issues, il faut rapidement mettre sac au dos et prendre son fusil (nous nous étions couchés tout équipés avec cartouchières, baïonnette, musette, bidon, et sans quitter nos souliers).
Cette alerte a lieu à 4 heures moins le quart et est produite par des chasseurs cyclistes.
Ensuite départ pour Reigne, la forêt de L’Hermitain où nous retrouvons la 5ème Cie qui manœuvre avec nous. Leur capitaine paraît-il n’a pas été plus veinard que le nôtre et s’est fait attraper par le colonel.
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent, pour situer
Reigne.
Pendant une halte de 20’ pour faire le café dans la forêt de l’Hermitain, nouvelle alerte causée par les chasseurs ; il faut répandre vivement « Charles » et « Georges ». L’alerte passée, nous continuons le café.
Ensuite cheminement sous-bois pendant près de 2km.
Quelle sale purée !
Les 4 sections de la Cie à 15 pas d’intervalle. Comme je suis serre-file je dois faire serrer à tout moment la colonne qui évidemment est sujette à s’allonger.
Retour par Souvigné, environ 10km, nous rentrons bien fatigués, moi j’ai mal aux pieds et ne sais comment j’ai réussi à revenir.
Rentrée à 11h à Saint-Maixent.
Voir la carte Michelin des environs de St-Maixent, pour situer
Souvigné
Après la soupe nous avons sieste jusqu’à 1h45’, personne ne songe à faire du bruit et au bout de 10’ tout le monde dort.
À 3h, conférence sur la guerre actuelle par le capitaine BAYENCAIS. Beaucoup de types ne peuvent résister au sommeil et dorment consciencieusement.
Au rapport quelques copains apprennent une nouvelle peu agréable.
GERVAIS et VILLET, 4 jours de salle de police du lieutenant HUGUES pour avoir dormi pendant la conférence. Pauvre GERVAIS, il n’a pas de chance car plus de 25 types de la Cie roupillaient et n’ont pas été punis. CUVELIER 4 jours de salle de police pour mouvement d’humeur envers son chef de section. HENRY, FISHER, BACHERON, 4 jours de consigne pour divers motifs.
Ah ! Quel sale métier ! Vivement la fin !
Nous passons la matinée à aller sur la route de Saivres, côte 102, organiser défensivement une ferme sous la direction de notre capitaine ; il est évident que tout cela est purement théorique et que nous ne faisons pas de créneaux dans les murs etc…
Ceci fait, avant de rentrer, la capitaine nous fait faire un croquis perspectif (vue sur Exireuil), je ne suis pas familiarisé avec ces genres de dessins et n’ai pas le talent d’HAMEL, aussi mon croquis est loin d’être « fameux ».
Et dire que pour l’examen d’aspirant, le dessin aura une assez grande importance.
L’après-midi, douche, ma section cette fois passe la 1ère et à 2h ½ nous sommes quittes ; après récitation, nous sommes interrogés par le lieutenant HUGUES ; je n’ai pas de veine, le lieutenant m’interroge sur autre chose que la leçon, je m’en tire tout de même à peu près et attrape, je crois, 14.
Comme nous avions 2 choses à réciter, le lieutenant n’a pas le temps de nous questionner sur la 2ème et il faudra encore y passer demain.
Au rapport, nous apprenons que demain il y aura remise de croix de guerre aux officiers et s/s officiers qui ont été cités à l’ordre du jour. Dans notre Cie il y a notre capitaine, notre lieutenant et le sergent LAVEDAN.
De plus, les camarades qui ont été réformés dernièrement, devront être mis en route pour leur dépôt le dimanche 27 au matin.
Je passe l’étude du soir à écrire 4 lettres à ma Berthe adorée, à mon père, à ma marraine et au camarade BREHAL, je repasserai ma théorie demain pendant la sieste.
Ah ! vivement le 10 août.
Encore 46 demain matin.
Ce matin, sous la direction du lieutenant HUGUES nous allons au terrain de manœuvres faire l’exercice concernant l’entrée en ligne de la section de renfort, jusqu’à 8h car à cette heure il faut rentrer à la caserne se mettre en tenue de drap pour assister à la remise de Croix de guerre à certains officiers et s/s officiers instructeurs.
À la 6ème notre capitaine reçoit une croix avec palmes (citation à l’ordre du jour du corps d’armée) et le sergent LAVEDAN une croix avec palmes (citation à l’ordre du jour de l’armée). (*)
Une fois la remise des décorations faite, nous défilons devant le colonel qui cette fois est satisfait ; il est aussi « épaté » du maniement d’arme. La 6ème Cie s’est distinguée.
(La croix de guerre ressemble paraît-il beaucoup à la croix de fer.)
Après la soupe, chahut entre la 6ème et la 5ème qui doit nous aider à éplucher les haricots ; puis pendant l’épluchage, sous prétexte que nous chantons des chansons indécentes, elle se met à l’écart et ensuite fait un rapport au colonel. Il est tout de même malheureux que de pareilles discussions s’élèvent entre 2 Cies, mais comme je l’ai déjà dit : l’esprit qui règne ici est très mauvais.
À partir de 14h, interrogations, comme nous n’avons été interrogés que sur une partie, nous restons dans notre chambre pendant que ceux qui étaient quittes vont sur la place Denfert à l’exercice. Le lieutenant qui nous interroge nous dit que nous sommes quittes, aussi jusqu’à 16h nous restons tranquillement sur nos « pieux ».
16h, conférence par notre capitaine sur la préparation militaire en France et en Allemagne, décidemment il n’est pas mauvais et remonte dans mon estime.
Ce soir, à l’occasion de la décoration de notre capitaine quartier libre de 6h ½ à 9h ; mais je n’en profite pas, j’aime mieux sortir demain.
(*) : Par la loi du 8 avril 1915 fut créée une croix de guerre
destinée à commémorer, depuis le début des hostilités, les citations
individuelles pour faits de guerre à l’ordre des armées de terre et de mer, des
corps d’armée, des divisions, des brigades et des régiments. Ce texte de loi
fut complété par le décret du 23 avril 1915 et l'instruction du 13 mai 1915.
Ce matin, lever à 7h, comme il n’y a pas eu marche de nuit hier soir la nuit a été bien bonne. (10h de sommeil font beaucoup de bien)
Revue par le lieutenant à 7h45 et ensuite nous sommes libres.
Comme très souvent, j’assiste à une discussion orageuse entre le Nord et le Midi et les propos échangés ne sont pas très doux, décidément il n’y aura jamais entente entre les 2 parties de la France.
C’est aujourd’hui que les copains DENNAGER, GIOVACHINI, SOL LÀ LANDE(?) réformés dernièrement quittent l’école.
Je plains surtout SOL LÀ LANDE(?), qui est mort sur pied, le malheureux n’a sûrement plus un mois à vivre. GIOVACHINI lui aussi est bien malade.
Tant qu’à DENNAGER il va assez bien et est plutôt veinard.
À 8h, je porte le petit paquet que j’avais fait hier à la gare pour l’envoyer à ma petite femme adoré. Pauvre chérie comme elle doit s’ennuyer seule.
Ah ! Vivement 44 jours que j’ai le bonheur de passer 8 jours près d’elle.
Peut-être que pendant ces 8 jours je serai papa !!......
Le temps aujourd’hui s’est remis à la pluie et notre promenade à Exireuil que nous avions projetée hier pourrait bien être manquée.
Ce midi, nous avons la visite de GIOVACHINI qui va quitter l’hôpital pour son dépôt (MEUDON) ; que demain soir aussi nous passons l’après-midi à nous promener en ville avec lui jusqu’à 4h. (Heure à laquelle il doit rentrer à l’hôpital)
En nous promenant nous rencontrons MORISSON et sa prétendue femme qui tenait également un autre élève par le bras, ils étaient en compagnie de GRENIER, LEGRAND, du s/s lieutenant CORDIER etc……
Quelle idée a eu MORISSON d’amener aussi sa « poule » ici, il se fait plutôt moquer de lui – enfin c’est son affaire.
Nous rentrons à 4h ½ pour travailler un peu et j’en profite pour écrire à ma Berthe adorée.
Aujourd’hui, je vais surtout appuyer sur l’injustice qui existe dans le métier militaire. (*)
Bien que j’en aie déjà dit quelques mots, il faut que j’y revienne afin que quiconque lise ces lignes en soit bien convaincu.
Nulle part en effet il n’y a plus d’injustice qu’ici.
En voici plusieurs exemples : Hier soir à l’appel DELILLE n’était pas encore rentré (ce n’est pas la 1ère fois que pareille chose lui arrive).
Parce qu’il sort avec un lieutenant de l’école Musical, il lui est permis de rentrer à n’importe quelle heure, alors que si pareille chose m’arrivait je n’y couperais pas pour 8 jours de « tôle ».
Autre exemple (*) : En arrivent ici, on a exigé que nous ayons les cheveux coupés à ras, un seul le sous-préfet NAUD a jugé qu’il pouvait ne pas en tenir compte, et alors que l’on menaçait les types qui avaient leurs cheveux longs d’un cm de plusieurs jours de consigne, on ne lui a rien dit alors que les siens ont au moins 10cm de long.
3ème exemple (*) : La nuit beaucoup de types, les pistonnés évidemment découchent et vont en ville coucher au besoin avec les femmes des autres ; sur ceux-là on ferme les yeux, ce serait un autre il n’y couperait pas.
Ah ! Quel sale métier que la vie militaire !
Vivement le 10 août !
Ce matin, nous avons fait un exercice sous-bois, et cet après-midi nous sommes allés au tir ; j’ai fait 7 balles 14pts – je crois.
Pendant l’exercice sous-bois, un camarade a perdu sa baïonnette, à midi nous y sommes retournés (5 types de bonne volonté et lui) mais malgré nos recherches nous n’avons rien trouvé ; nous y retournerons probablement demain midi.
(*) :
Souligné dans le carnet
Aujourd’hui encore je reviens sur l’injustice qui existe à la caserne et en particulier ici.
Dans ma Cie il y a quelques lèches-cul (*) qui sont constamment avec les officiers, quelques-uns photographient ces messieurs pour leur offrir ensuite une épreuve, d’autres font autre chose pour leur faire plaisir.
Tout cela me dégoûte profondément et de telles manœuvres m’inspirent plutôt du dégoût aussi bien (**) pour ceux qui les font que pour ceux qui les laissent faire !
Seul le capitaine n’est pas de ce calibre-là !.....
Grâce à ce système certains types qui n’en fichent pas une dotte (?) surtout certains ont été reçus et quelques-uns comme DELILLE ont même le culot de le dire ; ils feraient certes mieux de se taire car c’est vraiment honteux et je ne voudrais pas être à leur place.
Autre remarque : (*) Dimanche dernier j’ai appris certaines choses qui m’ont également profondément dégoûté.
Certains élèves qui ont leur femme ici, ne se doutent pas certainement qu’une belle paire de cornes est en train de leur pousser sur le front. Et souvent ce sont à leurs camarades ou à des officiers qu’ils doivent cet héritage.
Il paraît en particulier que la femme de DENNAGER qui a été réformé et est maintenant dans ses foyers, n’avait aucun scrupule pour le faire avec un de nos officiers, paraît-il y a contribué, et ce serait pour cette raison que le malheureux DENNAGER serait réformé, l’officier craignant une histoire.
Certains officiers des Chasseurs y ont également pris leur part. C’est tout de même malheureux et je plains réellement ceux à qui pareille chose arrive ; car si chose semblable m’arrivait je ne sais pas ce que je ferais.
Heureusement pour moi, je n’ai rien à craindre – n’est-ce pas ma Berthe adorée.
Nous avons passé la matinée aux travaux de campagne et mon atelier composé d’HERAUT, GERVAIS et moi a reçu les félicitations du lieutenant.
Le temps est toujours maussade, la pluie tombe presque continuellement et à midi il faut encore nettoyer son fusil.
L’après-midi pendant que nous sommes sur la place Denfert nous sommes surpris par l’orage et pendant une ½ heure nous sommes restés sous les arbres de l’avenue ; à la fin, la pluie finissant par passer, nous avons été tous trempés.
(*) :
Souligné dans le carnet
(**) : « bien » a été rajouté avec une couleur d’encre bleue, différente de celle du carnet (noire). Il semble qu’il ai relu son carnet plus tard.
Pendant que le 2ème peloton va au tir nous allons sur la place Denfert nous exercer au lancement des grenades, fusées etc……, nous sommes de nouveau surpris par la pluie et de nouveau nous sommes mouillés.
Depuis quelques jours le temps est dégoûtant et il pleut à peu près tous les jours.
L’après-midi ; nous allons au terrain de manœuvre faire la répétition de l’exercice que nous allons faire ce soir relève d’une Cie dans les tranchées de 1ère ligne, puis lancement de grenades excelsior, de grenades à main, de fusées éclairantes et de bombes asphyxiantes.
Il nous faut suivre les boyaux de communication pour aller en 1ère ligne et grâce aux pluies des jours derniers il y avait bien en moyenne 30cm d’eau et de boue ; aussi en sortant nous étions sales et dégoûtants ; et dire qu’il va falloir recommencer ce soir.
Nous partons pour cet exercice à 9h ; nous faisons la relève des tranchées.
C’est encore pis que cet après-midi car le colonel qui assistait à l’exercice ne se contente pas de nous faire faire l’aller par les boyaux, il nous fait également revenir aussi nous sommes propres, nos souliers sont pleins d’eau.
Ensuite lancement de grenades à main et de grenades excelsior. Ces petits engins paraissent avoir une grande puissance de destruction.
Enfin lancement de cartouches asphyxiantes avec le fusil spécial.
Bien que 2 seulement de ces cartouches aient été lancées lorsque nous passons ensuite à cet endroit les yeux nous piquent et le gaz nous étouffe et nous aurions été incapable d’y rester seulement 5 minutes.
Nous rentrons à la caserne à 11h ½
Notes
Léon HAY, instituteur, LAIGLE (Orne)
Paul HéRAUT, professeur, 6 rue Choquet de Lindu, Brest
Léon HENRY, PLESTIN LES GREVES (Côtes du Nord)
Pierre GUIBOUT, SEEZ (Orne)
Fernand FLAVIGNY, 9bis, rue Demours 17ème PARIS
Eugène GLAIELLE, instituteur, ROCHECHOUART (Haute-Vienne)
Clément DRUJON, Agent- ???, préfecture Marseille
J-F FERY, 23, rue d’Orléans Dreux (Eure et Loire)
Gilbert ESQUIER, 2 rue Auguste Blanqui – Quartier de la Colette – Toulon
Caporaux Sergents 2ème classes
1 FISHER 1
GRUOT (?) 1 GUIBOUT
2
HERNANDEZ 2
GOURE (?) 2
GUICHARD
3 HUBERT 3
HIELARD
4 JACQUON
(?) 4
DRUJON
5 FUSEY
6 HENRY
7 GAND
8
FLAVIGNY
9 GOUSSEL
10 DURAND
11 HAY
12 GUIGRAS (?)
13 HAAS
14 FAUR
Lever à 5h ½.
Alors que la 5ème Cie qui faisait l’exercice hier soir avec nous se lève à 6h, nous n’avons-nous qu’une ½ heure de plus que de coutume.
La journée se passe assez tranquillement.
Le matin nous allons au pont de Beauregard organiser la défense de ce pont ; nous grimpons sur le plateau à Vix et le capitaine qui dirige l’exercice nous indique l’emplacement que devraient occuper les différentes sections.
L’après-midi se passe encore mieux ; après une ½ heure d’étude pour mettre nos carnets de comptabilité à jour nous avons théorie par le lieutenant HUGUES sur le ravitaillement en munitions.
Décidément notre lieutenant n’a rien d’un pédagogue et il a le don d’embrouiller les choses les plus claires.
À 4h ½, nous sommes libres.
J’oubliais de dire qu’il y a eu revue d’armes par le lieutenant qui en a consigné plusieurs pour ce soir. D’un autre côté l’adjudant ayant pris les carnets de comptabilité de la 1ère section, en a également consigné à peu près les ¾ parce qu’ils n’étaient pas à jour.
J’ai la chance de n’avoir rien attrapé mais je ne profite pas de ma liberté, je reste tranquillement à travailler avec HAY et HERAUT. Il faut en plus faire ses préparatifs pour la marche de demain.
Réveil à 2h ½, il faut se mettre rapidement en tenue de campagne pour partir à 3h ½.
Aujourd’hui, c’est une manœuvre à double action.
Les 1ère, 2ème et 3ème cie sont parties à 2h pour aller prendre position dans la forêt de l’Hermitain (*), d’où les 4ème, 5ème, et 6ème cie vont essayer de les déloger. La manœuvre est sous la direction du lieutenant-colonel Rousson (?), l’arbitre est le capitaine de Lamaze de la 3ème cie.
Notre parti est commandé par le capitaine Michel de la 4ème Cie.
Nous arrivons près de la forêt vers 7h et déjà nous entendons les coups de feu contre nos patrouilles de cavalerie et de cyclistes.
Marche dans la forêt en lignes de sections et l’attaque à lieu. Ma section se trouve juste en face de la totalité de la 3ème Cie, aussi si cela avait été dans la réalité, il est certain que pas un de nous n’en réchapperait.
Cependant, c’est notre parti qui a eu la décision, car nous avons réussi à tourner le parti adverse.
Grand’ halte près de Ruigné, puis retour vers St Maixent avec l’exécution d’un nouvel exercice (attaques de cavalerie chasseurs).
Rentrée à la caserne à 17h avant de rentrer nous défilons sous les yeux du colonel, qui a l’air très satisfait. Nous avons fait environ 28 ou 30kms et sommes tous bien fatigués.
Pour moi, cette marche ne m’a pas paru trop pénible. (Beaucoup moins que les précédentes), malgré la chaleur (le temps, s’était remis au beau).
Enfin en voilà encore une de faite et je crois qu’après 4 autres, nous serons bien prêts de quitter ce sale pays.
Pas d’école ce soir, mais je vais tout de même travailler car demain il y aura tout de même interrogation.
(*) : Sud de
St-Maixent
Voir la carte Michelin des villages concernés.
Aujourd’hui, lever à 6h ½ pour nous dédommager un peu de notre réveil d’hier à 2h1/2.
Départ à 7h1/2 pour le terrain de manœuvres, où nous faisons l’attaque d’une tranchée. Il faut encore se trainer à 4 pattes faire une série de bonds.
En sortant par-dessus une tranchée, ??? de ma section ayant mal pris son élan est touché la tête la 1ère au fond, il est resté étalé sur le carreau, on a dû le relever, un élève est allé immédiatement chercher la voiture ambulance de l’école pour le ramener à l’infirmerie.
Finalement à midi, nous apprenons qu’il s’en tire avec un froissement de muscles de la jambe.
Nous étions la seule et unique Cie sur le terrain des manœuvres ce matin, alors que les autres se reposaient, nous travaillions.
Nous rentrons à la caserne à 8h ½, il faut se mettre en drap pour aller à 9h assister à la revue de la Légion d’Honneur au lieutenant Rogard de la 3ème Cie.
Comme hier, il fait très chaud et nous sommes encore bien fatigués.
Cet après-midi récitation. Le lieutenant n’a pas le temps d’interroger tout le monde, aussi ma section passe avec l’adjudant. J’attrape 16.
Quel drôle de type que cet adjudant, il ne sait pas du tout interroger, à Héraut il pose la question suivante :
« Est-ce des
sacs ou des musettes qui se trouvent dans le caisson à munitions de la
Cie ? C’est de la réponse qui dépend votre note 0 ou 15 – est-ce des sacs
ou des musettes ? »
Héraut répond des musettes – 15.
Gervais étant absent, l’adjudant avait mis la note du suivant Durand à Gervais.
Comme je lui en fais la remarque, il dit « c’est bon, Gervais va en bénéficier », il lui laisse son 15 et met aussi 15 à Durand. Aussi Gervais attrape 15 sans être interrogé.
Fête de ma Berthe adorée
Nous n’avons pas eu de marche de nuit aussi la nuit a été bonne de 9h du soir à 7h ce matin. Il est seulement regrettable que quelques types de la 3ème section occupant la chambre voisine de la nôtre se mettent à faire du chahut dès 5 heures du matin et empêche tout le monde de dormir.
C’est dégoûtant de perdre ainsi 2h de sommeil par la faute de quelques égoïstes.
Revue par le capitaine à 7h45 et ensuite quartier libre.
Je profite de quelques heures de repos pour mettre ma correspondance à jour, copier une partie des questions qui seront posées à l’examen etc.…
La chaleur est de plus en plus écrasante et si elle continue, nous ne sommes pas quittes de nos peines.
Ce midi, nous apprenons la mort de Sol la Lande qui avait été réformé dernièrement et était reparti chez lui il y a 4 jours.
Cette mort ne m’a pas beaucoup surpris car avant de partir, il faisait vraiment pitié.
Nous apprenons également que notre lieutenant Hugues a été nommé capitaine, il y aura encore prise d’armes samedi prochain à l’occasion de cette nomination.
Ce soir, une cinquantaine de réfugiés venant des environs d’Arras sont arrivés en gare de St Maixent pour être répartis dans les communes avoisinantes. Je les ai vus passer près de la porte de Châlons.
Quel triste spectacle !
Il y a que des femmes, des enfants et des vieillards !
Une des femmes s’étant trouvé mal a dû être transportée dans une pharmacie.
Cette émigration des gens du Nord ne me paraît pas de bon augure, et il est probable qu’il va y avoir encore de terribles luttes aux environs d’Arras.
(*) : C’est
exact, la bataille d’Artois a débuté en mai et se poursuit en juin. Voir
ici la description de la bataille, sur mon site >>> ici <<<
Hier, le camarade Guibord était un peu plein, cette nuit à onze heures, 2 types lui ont enlevé son pied de châlit (*) et l’on porté près du lit du sergent de jour Boutechoque.
Guibord ne s’est pas réveillé (et ce n’est que vers 1 heure du matin qu’il s’est aperçu que ses pieds étaient un peu bas.
Après avoir cherché son pied de châlit et ne le trouvant pas, il a pris celui de ??? qui est actuellement à l’infirmerie.
Donc tout allait bien mais ce matin le sergent Boutechoque à « rouspété », traitant de lâches ceux qui avaient mis le pied de châlit auprès de son lit (il croyait qu’il y avait été posé pour lui faire prendre une bûche.
À 6h, nous partons pour le terrain de manœuvres ou nous turbinons dur. Pendant la pause de 10’ que nous avons eue, j’ai fait une course à pied (100m avec Meyer de la 1ère section et Hernandez de la 2ème. Je suis arrivé bon 1er 2 fois de suite).
Il parait que Meyer n’en est pas très satisfait.
L’après-midi, nous allons faire de la gymnastique aux agrès, paraît que le colonel GratiER vient demain pour se rendre compte de notre instruction en gymnastique, aussi depuis le temps que nous en avons fait, il est temps de nous y remettre un peu.
Nous devons tous passer aux portiques et dans ma section 2 seulement s’y refusent. Gorne qui essaye mais on est obligé de tendre la perche et ??? qui a trouvé beaucoup plus simple de s’esquiver.
Soir : École de section sur la place Denfert où, comme à l’habitude, nous sommes constamment commandé par les sergents Pinchinal et DEgage qui selon leur habitude commandent l’un dans un sens l’autre de l’autre.
(*) :
Encadrement en bois ou en fer d’un lit, souvent muni d'un chevet à sa tête, de
battants sur les côtés et d'un pied de lit.
À 6h, nous partons de nouveau pour la gymnastique.
La venue ici du colonel Gratier venant voir ce que nous savons faire en gymnastique a soudain rappelé à nos chefs qu’il y avait longtemps que nous n’en avions fait, aussi pendant ces 2 jours, la gymnastique est le principal de nos exercices.
À 8h, nous partons pour le tir.
8 balles dans la position couchée sur silhouette couchée et durée du tir limitée à 40 ‘’. Presque tous mes camarades n’ont pas réussi à tirer leurs 8 balles, certains en ont tiré 4, c’autres 5, 6, 7 et enfin quelques-uns 8.
Les tirs en général ont été très mauvais. Mon tir a été je crois le meilleur de la cie j’ai fait 8 balles 13 points, et j’aurais eu largement le temps de tirer une 9ème balle.
Une fois quitte de tirer, je suis « racolé » pour aller dans la tranchée de tir manœuvrer les cibles et prouver les résultats.
Beaucoup de tireurs sont vraiment maladroits et nous couvrent de poussière en envoyant leurs balles dans la terre.
Quelques-unes de ces balles tombent même près de nous. J’en ai ramassé 2, ces balles en arrivant sont presqu’en ébullition et la moindre résistance les faits de courber, aussi il n’est pas étonnant qu’en traversant un homme, elles fassent une plaie beaucoup plus terrible à la sortie qu’au centre.
Cet après-midi, inspection d’une section de chaque compagnie, gymnastique.
Notre capitaine ne sait s’il doit choisir la 2ème ou la 3ème section, il demande parmi nous ceux qui ne passent pas la pratique.
Le camarade ??? se fait attraper de lever la main et il a fait attraper par le capitaine ??? à ??? nous ne sommes pas désignés et nous passons l’après-midi à jouer aux cartes.
Ce matin, nous partons pour le terrain de manœuvres où le colonel Gratier va examiner une section de chaque Cie.
Bon cela tombe à pic, c’est la 2ème section qui est désignée.
Nous passons les derniers sur la sellette et pour ma part, je ne trouve pas que nous ayons bien manœuvré enfin le capitaine trouve que c’est assez bien.
Après avoir passé en revue une section de chaque cie, le colonel fait passer l’examen de sous-lieutenant à quelques-uns de nos sergents et de nos adjudants.
Le 2ème peloton de notre cie est désigné pour servir de peloton de manœuvre. Il paraît que le sergent Martin de la 1ère section s’en est très bien tiré ; au contraire notre adjudant Montaupin a « merdoyé » jusqu’à la gauche, enfin je doute fort qu’il ait réussi, c’est probablement pour cette raison qu’il était de mauvaise humeur en venant.
Enfin, la matinée s’est passée sans trop de mal pour nous et je souhaiterais bien volontiers qu’il en soit souvent ainsi.
Cet après-midi, école d’intonation, maniement du révolver.
Notre nouveau capitaine Hugues a eu pendant cet exercice une altercation avec l’adjudant mais en homme plus intelligent que ce dernier, il l’a laissé et est parti d’un autre côté.
Au rapport, nous apprenons qu’il n’y aura pas de théorie à la pratique d’aspirant et que cet examen aura lieu du 1er au 10 août.
Malheureusement, il paraît que ce n’est pas définitif et que le colonel Gratier a demandé au ministère de la guerre à ce que nous restions ici jusqu’au 30 août.
Ah s’il faut rester jusqu’à cette date (je ne sais pas si j’en aurai le courage).
À mon avis, il serait bien préférable de nous faire partir d’ici le 10 août et de nous faire rester 15 jours dans un dépôt à commander une section.
Comme à l’habitude, chahut hier soir.
Depuis 2 jours Gervais était obligé d’enlever ses pieds de châlit et de mettre son lit sur le plancher pour ne pas être retourné ; hier soir cependant, il a réussi à se coucher normalement.
6h, Départ pour le terrain de manœuvre.
Exercice : La cie soutien d’artillerie ; cet exercice dure environ 2 heures, ensuite école d’intonation pendant une demi-heure et retour à la caserne à 15h 1/4.
Plus rien à faire d’ici 14h, on va pouvoir se reposer un peu.
À 14h, départ pour la place Denfert, (école de section), et maniement de la mitrailleuse sous la direction du capitaine Hugues.
Maintenant ce n’est pas le « filon » d’être désigné comme mitrailleur ou télémétreur car si on ne s’en tire pas bien, on ramasse un « savon », aussi il n’y a pas foule à se présenter, parce que beaucoup d’entre nous ne savent manier ni le télémètre ni la mitrailleuse. (Je suis un peu dans ce cas) ; d’ailleurs cela n’est pas étonnant ; au début, c’étaient toujours les mêmes, (les pistonnés) qui passaient et pour nous, il y en a qui n’y ont jamais touché, et l’on voudrait qu’ils soient aussi « calés » que les autres.
Ah ! Quelle drôle d’instruction nous recevons ici !
Nos instructeurs sont loin d’être des pédagogues et de leurs belles théories, il ne reste pas grand-chose dans nos têtes.
Ensuite, pendant 1h lecture de la carte allemande qui est, elle au 50000/ème, tandis que la nôtre est au 1/80000. Elle a beaucoup de ressemblance avec la nôtre et n’est pas plus difficile à lire pour celui qui connaît un peu d’allemand.
Sortie à 8h
Ce matin, il faut s’habiller rapidement, car nous avons travaux de campagne et le rassemblement a lieu à 6h moins 25, de façon à ce que nous soyons au travail à 6h.
Aujourd’hui, il s’agit de creuser des feuillées (*) (NC des tranchées) et d’installer en arrière de la ligne des tranchées, les cuisines tout cela pour la manœuvre de la nuit prochaine.
La 2ème section dont j’ai l’honneur de faire partie est chargée de la confection des feuillées.
Rentrés à 11 heures à la caserne, et il va falloir partir à 2h pour la manœuvre, nous n’allons pas avoir de temps à perdre, car il faut changer de tenue, préparer son sac, ses vivres, dîner etc…
Rassemblement à 1h ½ pour le capitaine qui nous indique le thème de la manœuvre.
Avec la 2ème et 4ème cie, nous sommes chargés de défendre les tranchées contre les 1er 3e et 5e cie qui vont les attaquer.
Départ à 2h, nous sommes cie de renfort et nous allons continuer au Château de Vilaines.
Pour mal tombé, je suis désigné comme chef de section et en plus c’est ma section qui est de jour, aussi en plus des désagréments consistant à commander ses camarades qui très « chics » vous envoient souvent promener, il faut que j’installe à Vilaines, des sentinelles, un Pt poste aux issues que je fasse porter à manger à ces hommes etc.. etc… si bien que pour ma part je n’ai pas le temps de manger heureusement que j’avais acheté 4 œufs mis à la cantine avant de partir.
Ah ! Quel fourbi d’être chef de section, surtout dans ces conditions, à tout moment on est commandé par les sergents, par ??? surtout qu’il a l’air de ne pouvoir me sentir (ce sont les inconvénients de ne pas être lèche-cul comme tant d’autres, pas le capitaine car toujours on oublie quelque chose.
Pendant que ??? aux coins dort tranquillement sur ??? le reste de la section doit passer la nuit sous une bergerie il faut de plus que je désigne des hommes pour entretenir la lumière et évidemment les bonnes volontés sont très rares.
(*) : Les feuillées sont des toilettes en pleine nature.
Elles consistent en un trou de profondeur raisonnable, généralement au moins 1
m de profondeur sont nécessaires.
Mots de l’adjudant pendant les interrogations
« Quand la mort vous assaillit. »
Pendant la nuit, d’ailleurs très courte, je ne ferme pas l’œil.
Alerté à minuit, immédiatement sac au dos, (nous étions couchés tout équipés) et rassemblement de la Cie dans un champ à côté. Cette alerte avait été causé par la communication téléphonique du capitaine Buzançais, commandant la défense, à notre capitaine lui disant de se tenir prêt à partir avec la Cie au premier signal, l’attaque des tranchées par les autre Cie étant sur le point d’avoir lieu.
Nous sommes ainsi restés dans le champ pendant 1h ½ et vers 2h enfin, l’ordre est donné de se porter au secours de 2ème et 4ème Cie qui avaient été forcées d’abandonner la moitié environ de la tranchée de 1ère ligne.
Nous allons occuper la tranchée en crémaillère où se tenait encore une section de la 4ème Cie et les 1ères et 2èmes sections de la Cie se portent à l’attaque, nous reprenons la tranchée prise et progressons d’une trentaine de mètres.
À ce moment, le lieutenant-colonel nous accorde la décision et la manœuvre est finie à 3h ¼ ; grâce au médecin-chef qui trouve les troupes très fatiguées, nous allons avoir repos de 6h à 10h.
De 4h à 4h ½, préparation du camp sur le terrain de manœuvre, je me fais attraper par le capitaine pour ne pas avoir fait remplir les bidons d’eau aux types de la section.
Dans les autres sections c’était la même chose, mais les types ont été assez intelligents pour ne rien dire, tandis que dans la 2ème section certains ont trouvé très naturel de demander à l’adjudant la permission d’aller chercher de l’eau.
Repos de 6H à 11h.
Après la soupe, il faut que je prenne le service de planton aux cuisines (sale corvée où l’on risque fort de se faire plomber), ceci en remplacement de Gervais dont la femme vient demain et qui par suite n’aurait pu sortir avant moi.
Par contre, quand mon tour viendra il le prendra à ma place.
Comme planton de cuisine, je suis obligé de me lever à 5h ½ au lieu de 7h comme les camarades ; j’aurais pourtant bien volontiers pris deux heures de sommeil de plus.
Il me faut distribuer le café, le chocolat, puis aller chercher à l’épicerie les légumes pour aujourd’hui, assister au désossement le la viande, peser les os etc. etc. enfin tout un tas de petite chose.
Ce midi, les cuisiniers gardent un certain nombre d’abricots qu’ils auraient du distribuer aux élèves, mais comme beaucoup d’élèves manquaient au dîner, il y avait pas mal de rabiot.
Juste alors que nous étions en train de manger, arrive le sergent major chargé de l’ordinaire ; heureusement, il n’en a presque pas vu (une partie avait été préalablement caché), car sans cela il est très probable que j’aurais attrapé quelque tuile.
Enfin me voilà quitte de cette corvée et j’en suis bien heureux.
L’après-midi, je sors quelques heures avec Hay et Héraut, et au cours de cette sortie, je trouve un magnifique trèfle à 4 feuilles que je vais envoyer à ma Berthe. (*)
J’achète également le bouquin d’ORDAUT de PURY sur le combat 3f 50, ceci pour avoir la monnaie de 20f : Chose assez difficile.
Ce soir, chahut dans la « carée », quelques types sont un peu énervés et le malheureux Gervais voit son lit retourné plusieurs fois ; à la fin il se fâche et tourne à son tour le pieu de Flavigny et asperge ce dernier avec un bidon plein d’eau.
À l’appel Delille n’est pas encore rentré, quelle injustice tout de même.
Voilà un type qui a fait discréditer la 2ème section auprès des chefs et qui, parce qu’il est bien avec le lieutenant Manal, est certain d’être reçu, bien que ce soit lui qui travaille le moins de la section et qu’il sera en partie cause de l’échec d’un certain nombre d’entre nous.
(*) : Deux trèfles à 4 feuilles sont collés dans l’une des premières pages du carnet de 1916, s’agit-il de l’un d’eux ? visible >>> ici <<<
La nuit n’a pas été fameuse et beaucoup parmi nous n’ont pu fermer l’œil.
Après le chahut d’hier soir, nouveau chahut vers minuit causé par Delille qui en rentrant a trouvé son lit en portefeuille a fait sauter 3 lits et a réveillé ceux qui avaient réussi à s’endormir aussi ce matin nous sommes plutôt vaseux.
Un type de la 3ème section (photographe lèche-cul et mouchard) Legrand s’est plaint à l’adjudant du bruit fait par la 2ème section, aussi les punitions vont encore pleuvoir.
Le chef de chambrée FERY (?) est invité à faire connaître les auteurs du bruit et imbécile il signale 5 types dont 2 n’ont absolument rien fait.
Je ne sais pas quelle punition ils vont attraper mais il est vraiment dégoutant d’avoir à la cie de pareils mouchards.
Vivement le 10 août, que je quitte cette satanée boîte où tout n’est qu’injustices.
Ce matin, tir à 250m sur silhouette couché 8 balles 40’’.
Aujourd’hui je n’étais pas bien disposé, je n’ai tiré que 6 balles, et ai fait 5b 9 pts.
D’ailleurs d’une façon générale, les tirs ont été beaucoup moins bien que la dernière fois. L’éclairage était très mauvais et c’est aujourd’hui lundi jour où certaines têtes sont plutôt lourdes.
De 9h à 10h, lecture de la carte allemande qui a d’ailleurs de grandes ressemblances avec la nôtre.
L’après-midi se passe agréablement, nous allons assister à la confection de passerelles fixes et flottantes par quelques élèves sur la Sèvre et l’exercice consiste simplement à passer deux fois sur chaque.
Un loustic de la 3e section, Lahaye est tombé exprès à l’eau, histoire de prendre un bain (il est évident que c’est un très bon nageur et il n’a eu aucune difficulté à gagner la berge ; c’était tout simplement pour amuser les copains.
Hier soir, au rapport les punitions ont plu à la 6ème Cie, DELILLE pour avoir fait du bruit la nuit, a 8 jours de salle de police. Guichard lui à 7 jours de S.D.P. (*) pour un motif absent : hier midi, après la sieste le sergent ??? vient dans la chambre. Guichard était couché tout équipé sur son lit prêt à partir.
Le sergent lui ordonne de se lever, Guichard rouspète un peu et obéit (coût : 15 jours S.D.P. (*) c’est bien payé). Il a donc les punitions données par le capitaine et il y a beaucoup de chances qu’elles soient doublées par le colonel.
Ce matin, nous allons au terrain de manœuvre (exercice avec la cavalerie)
Le capitaine fait prendre le commandement de la section et de types qui, probablement sont sur la balance au point de vue notes, et ainsi pour les 4 sections.
Il prend d’abord ceux de la 1ère ½ section, il est probable que ceux de la 2ème ½ section dans le même cas y passeront un de ces jours.
Au rapport, je reçois 3 lettres, (1ère ma Berthe, 1 de Leneveux et 1 de Villette). J’apprends également que je serai planton aux cuisines du 14 au 19 juillet.
Il faudra donc recommencer la corvée de samedi et de dimanche !...
L’après-midi se passe sans trop de mal : exercice à la baïonnette, douches et gymnastique.
Au rapport, les punitions pleuvent, il y a en tout 86 jours de prison de distribuées et 15 jours de salles de police.
Décidément la discipline de fer recommence et d’ici quelques temps nous allons « barder »
Le pauvre Guichard a vu ses 15 jours de S.D.P. transformés en 12 jours de prison. Peut-être même sera-t ’il renvoyé à son corps.
Delille plus veinard et surtout plus pistonné reste avec ses 8 jours de S.D.P. (*) sans augmentation.
Quelle sale boîte ! Et dire que très probablement il faudra rester ici jusqu’au 30 août.
Donc nous comptons encore 47 demain matin.
(*) S.D.P. :
Salle de Police : Prison « légère » : Les soldats devaient
y dormir, la nuit
Aujourd’hui
anniversaire du 14 juillet (fête nationale) aussi quartier libre comme le
dimanche avec en plus appel du soir à 23 heures au lieu de 21h.
Le repas du midi est particulièrement soigné ; en voici le
menu : Homard mayonnaise, veau sauté, poulet rôti, pommes nouvelles frits,
biscuits, pêches, vins fins, café et cigares.
Devant un tel
menu, beaucoup de types qui habituellement le dimanche mangeaient en dehors de
la caserne sont revenus pour y goûter. Cette abondance de biens avait mis tout
le monde gai et à la fin du repas, les chanteurs ont entonné la Marseillaise.
Quelques types ne
s’étant pas levés ont reçu pas mal de croûtes de pain sur la figure, d’où
discussion qui s’est ensuite continué dans la cour et dont les 2 principaux
acteurs ont été SIMON (4ème section) et GARNIER (2ème section) et tous deux ont
été bien prêts de se cogner sur la figure.
Je suis de service
à la cuisine du 14 au 15 mais un puni de salle de police, DELILLE me remplace
jusqu’à 4 heures (heure à laquelle les punitions de maigre et de S.D.P sont levés
par le colonel) ; aussi de 1h à 7h1/2 je suis enchaîné à la boîte et ne puis
sortir.
Après la soupe vers 8h, je fais un tour en ville en compagnie d’HAY
et d’HERAUT, et dans un café nous faisons une partie de billard que je perds
naturellement.
Nous rentrons à 10h1/4 et apprenons que certainement
l’examen commencera le 26 juillet (*) et alors nous
comptons bien quitter Saint-Maixent vers le 10 août (**). (Date
primitivement fixée)
(*) : Il
s’agit de l’examen de fin d’école, pour être ou non, nommé aspirant.
(**) : En
effet, comme nous le verrons, il s’agit de la bonne date.
Je suis surpris
par le réveil, aussi il faut m’habiller rapidement pour aller à la cuisine où
je dois faire la distribution du café et du chocolat.
Toute la nuit, il est tombé de l’eau à verse et cela
continu ce matin, aussi les Cies ne sortent pas tout d’abord et la 6ème Cie va
en étude apprendre la théorie.
Survient une
accalmie, aussitôt la 6ème Cie part pour l’exercice probablement sur la place
Denfert ; une ½ heure environ après leur départ l’eau se remet à tomber de
plus belle et quand 4 copains rentrent à 9h ½ ils sont complètement trempés.
Pendant ce temps
la 5ème Cie était restée tranquillement chaud en étude !.....
Enfin voilà midi, et j’ai encore réussi à
passer ces 24h de planton à la cuisine sans me faire attraper. Cette fois
j’espère en être définitivement débarrassé.
L’après-midi se passe à faire toutes sortes de «
conneries » : Salut, présentation, maniement d’armes, école de section ; et
décidément on nous fait recommencer l’instruction au début.
Au rapport on nous
annonce que la sortie de ce soir est supprimée, et qu’en conséquence il va y
avoir étude comme à l’habitude.
Ah ! Quel sale
métier tout de même !!.....
Je profite de
l’étude pour voir un peu ma théorie pour samedi que je n’avais pas encore
regardée.
De 8h1/2 à 9h, il faut monter son sac afin d’être prêt
pour la manœuvre de demain pour laquelle il faudra se lever à 2h.
J’ai oublié de
dire que le colonel a exigé que tous se feront couper les cheveux, en
conséquence j’ai dû me les faire couper à ras partout (tondeuse à barbe n°0)
aussi j’ai maintenant le crâne comme un caillou.
Réveil à 2h ; comme je suis de chambre je dois me lever rapidement pour être en
tenue à 3h.
Départ à 3h pour la manœuvre, Sainte-Neomaye et la Croix Barret
(installation d’avant-postes la nuit, puis le jour) ensuite attaque des 4ème et
5ème Cies qui forment l’ennemie.
Nous sommes les
1ère 2ème 3ème et 6ème Cies.
Notre Cie forme
l’avant-garde du bataillon et si nous avions été dans la réalité il est très
probable que très peu de notre section en seraient revenus.
D’ailleurs nous
avons été déclarés annihilés et nous en avons retiré l’avantage immédiat de
rester couché pendant 2 heures alors que les autres Cie continuaient la lutte ;
finalement il parait que nous avons été vainqueurs et que nous y avons
contribué en occupant en immobilisant un certain temps une Cie entière.
Voir la carte Michelin des villages concernés.
Grand ‘halte près
de Sainte-Neomaye sur les bords de la Sèvre.
Avec les 4 œufs
durs que j’avais achetés hier à la cantine je fais un bon repas, terminé par un
bon café préparé par le copain GRUOT (cuisinier de l’escouade).
Les 6 Cies sont
réunis dans le même herbage après la manœuvre qu’ainsi que toutes les manœuvres
de Bataillon que nous avions faits jusqu’la a été surtout une manœuvre de cadre
à laquelle nous n’avons compris que très peu de chose.
Nous revenons, les
6 Cies groupées à la suite les uns des autres, beaucoup parmi nous trompent la
fatigue en chantant à tue-tête.
En rentrant à Saint-Maixent
nous rencontrons une grande quantité de femmes d’ E.À (*) venus à la rencontre de leurs maris ; en passant à côté d’elles les
camarades chantent la rengaine.
« Ah ah ah qui qui c’est ça ?....C’est les
dames des E.A. C’est les femmes des E.A. »
GOUONT rentré de
l’infirmerie depuis 9 jours est bien fatigué et traîne un peu la jambe mais
étant courageux, il termine la marche sans vouloir nous passer son sac ou son
fusil.
(*) :
E.A. : Élève Aspirant.
Travaux de
campagne ce matin, par suite départ de la caserne à 6h moins le ¼ ; le temps
est devenu maussade, cette nuit il est tombé de l’eau et nous allons être
encore très probablement noyés.
Ma ½ section
reçoit l’ordre d’enrouler du fil de fer autour d’une dizaine de pieux, afin
d’éviter qu’ils se fendent en les enfonçant ; comme nous n’avons qu’un marteau
pour la ½ section, nous travaillons à peu près ¼ quart d’heure chacun ; ainsi
que je l’avais prévu nous recevons une bonne averse pendant laquelle nous nous
abritons dans les tranchées de 2ème ligne qui sont d’ailleurs pleines d’eau et
de boue ; dans un terrain argileux pareil il ne ferait pas bon passer l’hiver,
car les tranchées seraient vite remplies d’eau.
Pendant un ¼ d’heure
nous apprenons le maniement d’une sauterelle (sorte d’arbalète destinée à
lancer la grenade d’une tranchée à une autre).
Cet appareil est
réglé pour les distances et une fois la distance connue les grenades tombent
mathématiquement dans la tranchée ; nous en avons lancé ainsi 5 ou 6 au même
endroit.
Lance-grenade,
dit « la sauterelle »
À 8h ½, nous rentrons à la caserne nous nettoyer un peu pour défiler à
l’école devant le lieutenant-colonel ; nous recommençons 4 fois de suite le
défilé.
Notre Cie, la 6ème,
est citée comme exemple pour la cadence du pas mais au dernier défilé la 3ème
section se fait « attraper ».
L’après-midi se
passe à faire de l’école de section sur la place Denfert et de maniement
d’armes ; conséquence des observations du « Colon » au défilé.
De 4h à 5h, étude obligatoire.
Au rapport je
reçois une lettre de ma Berthe et une de cousine Marguerite. L’examen
commencera définitivement le 26 juillet et nous comptons partir d’ici dès le
début d’août.
Pas d’exercice de
nuit ce soir.
Quartier libre à
partir de 7h1/2.
Je n’ai aucun
courage et ne puis réussir à me mettre au travail malgré toute ma bonne
volonté.
L’après-midi, nous allons HAY (*), HERAUT, GLAIELLE, un instituteur de Paris actuellement à la 5ème Cie
et moi, faire un tour par la ferme de Beausoleil d’où il y a un
magnifique point de vue sur la vallée de la Sèvre ; nous sommes ensuite
descendu dans la vallée, et HAY et l’instituteur de Paris ont pris un bon bain
dans la rivière ; ne sachant pas assez nager, je n’ai pu faire comme eux.
Nous sommes
ensuite revenus à Saint-Maixent en longeant la rivière et nous y avons
rencontré une grande quantité de pêcheurs et de pêcheuses.
Après la soupe
j’écris tout de même 5 cartes-lettres.
Le temps a été
magnifique toute la journée.
Mot du capitaine
HUGUES pendant l’exercice d’attaque d’une tranchée :
Voyant un type qui
ne remuait pas la terre ; il l’interpelle :
« Qu’est-ce que vous foutez là ? »
« Je n’ai pas d’outil. »
« Je m’en fous ! »
« Creusez avec vos doigts de pied ! »
(*) : Léon
HAY, instituteur à Laigle (Orne)
Nous passons la
matinée au terrain de manœuvre. (Attaque et prise d’une tranchée, puis retournement
de cette tranchée)
La mission
d’attaquer est confiée à la 3ème section et celle de défendre la tranchée à la
1ère section, de sorte que nous avec la 4ème section sommes simplement
spectateurs.
Cet exercice dure
environ 2h et à part le sac qui commence à peser sur les épaules nous ne sommes
pas mal, alors que les types des 1ère et 3ème sections doivent remuer la terre
et se couvrent de boue.
De 9h à 10h. École de Cie.
Notre capitaine
fait commander quelques types qu’il ne connait probablement pas suffisamment.
À la 2ème section
passent HAAS, DURAND et GUIBOUT qui ne s’en tirent pas bien ni les uns ni les
autre.
Au rapport on nous
apprend dans quelles conditions aura lieu l’examen (examen pratique coefficient
2, théorique coefficient 1 et aptitude au commandement coefficient 3).
L’ordre de passage
des différentes Cies sera fixé par le tirage au sort.
À 2h douche, et en rentrant le capitaine HUGUES nous prend pour une
interrogation écrite de topographie (profil d’une route entre 2 points). Je ne
fais pas quelque chose de bien merveilleux, mais je ne suis pas le seul car ce
n’est pas en 20’ que l’on peut faire quelque chose de bien.
Aujourd’hui, pour
visiter l’école, est arrivé ici le colonel directeur de l’infanterie au
Ministère de la guerre ; il nous a bien surpris ce soir en venant dans notre
chambrée au moment où nous ne nous attendions pas du tout à lui.
Cette visite a eu
pour résultat de valoir à GUIBOUT et à plusieurs autres dans d’autres chambrées
8 jours de consigne pour n’être pas restés immobiles après le commandement de «
À vos rangs… fixe ! »
Nous devions aller
ce matin au terrain de manœuvres où le colonel devait nous voir, puisqu’il y a
eu contre-ordre ; le colonel MARGOT n’a jamais rien voulu faire changer à
l’emploi du temps des Cies ; aussi nous allons sur la place Denfert.
(École de Section)
À 8h1/2, nous partons pour le stand (tir au revolver).
Les 2 capitaines
nous ont fait au sujet de ce tir un grand nombre de recommandations, et les
menaces ainsi que les jours de consigne ont plu grêle, et je crains bien qu’il
y ait encore des punitions au stand.
Le camarade
GUICHAUD, peureux comme tout, se faufile avec ceux qui ont tiré afin de ne pas
toucher au revolver.
Le tir à lieu à
15m – 6 balles. Mon tir est bon mais aurait pu être meilleur, celui de FAURE en
particulier était meilleur que le mien.
L’après-midi se passe à aller voir à l’école une cuisine
roulante, 1 voiture à vivres et bagages de Cie, 1 voiture forge, 1 voiture
ambulance et 1 voiture médicale.
Certains se font
encore attraper par le capitaine HUGUES au sujet de la composition du T.C.I et
du T.C.L.
J’en oublie de
dire que ce midi j’ai dû nettoyer 2 revolvers ayant celui de l’adjudant ; j’en
ai profité pour étudier les différentes pièces du revolver, son mécanisme, et
comment le démonter et le remonter.
De 4h à 5h. Causerie par le capitaine sur la topographie (lecture de carte), il
fait également tirer au sort par DURJON le rang dans lequel les 4 sections de
la Cie passeront l’examen.
Ce rang est le
suivant 1-2-3-4 (cela ne pouvait être mieux). ESQUIER est désigné pour tirer
l’ordre de passage des 6 Cies ; ce sera probablement pour demain.
Ce soir quartier libre
en l’honneur de la venue du Directeur de l’infanterie.
Ce matin, je vais porter au bureau les revolvers que nous avions à nettoyer.
De 6h à 10h, exercice sous la direction du capitaine HUGUES (Réquisition, escorte
et attaque d’un convoi).
Je ne sais pas ce
qu’avait le capitaine, mais il a été bien « vaseux » dans ses explications,
répétant 36 fois la même chose et embrouillant tout ; c’est probablement pour
cette raison qu’il nous a donné à faire le compte rendu de cet exercice avec
les différents ordres qu’il comporte et un croquis en plus.
Quel sale fourbi,
en voilà pour au moins 2 heures de travail et il faudra remettre cela vendredi
au rapport.
Avant le rapport 2
élèves de la Cie, ESQUIER et ROBERT vont à l’école assister au tirage au sort
de l’ordre dans lequel passeront les différentes Cies à l’examen théorique et à
l’examen pratique.
La 6ème Cie pour
les 2 examens. Comme l’examen dure 2 jours par Cie la 2ème section passera
l’examen pratique le lundi 26 juillet l’après-midi, et l’examen théorique le
mardi 27 également l’après-midi.
Ainsi donc le 27
au soir nous serons quittes.
Cet après-midi, tir au revolver (tir continu à 15m).
Cette fois les
tirs sont franchement mauvais le tir continu étant très difficile, le mien est
à peu près A-bon bien qu’il ne vaille pas grand-chose. Pour aller au tir nous
avons dû partir à 1h de la caserne aussi nous n’avons pas eu de sieste.
De 3h1/2 à 5h, étude obligatoire, l’adjudant nous remet la
liste des questions qui seront posées à l’examen théorique, il y en a environ
130. (Il commence à être temps de nous les donner car maintenant nous ne
pouvons pas en repasser la moitié).
Page
blanche
Cette nuit, il est tombé de l’eau en quantité, et ce matin la pluie continue,
aussi au lieu d’aller à l’exercice nous passons 1 heure à l’étude (6 à 7).
Comme le temps se remet au beau, à
7h nous nous équipons et partons pour exercices sur le terrain route de
Poitiers, puis route de Sainte-Anne.
Comme hier le capitaine fait former une section de manœuvre (3ème et
4ème section) de sorte que nous restons encore tranquilles ; et successivement
le capitaine fait résoudre une série de situations tactiques par les élèves ;
comme hier ces exercices sont très intéressants et il est très regrettable que
nous n’en ayons pas fais depuis un bon mois.
Nous rentrons à la
caserne à 11h1/4 et nous avons tous bon appétit.
L’après-midi se passe à l’étude pour nous permettre de
réussir nos questions de théorie. (1 heure dans nos chambrées respectives et 2
heures à l’étude).
Après ces 3 heures
de travail je suis quelque peu abruti ainsi que la plupart des camarades.
Au rapport, nous apprenons de nouveaux tuyaux sur l’examen ; les sections de
manœuvre seront formées par les autres compagnies (sections de 50 hommes) 2
sections se relayant toutes les heures.
Cela ne me fait
pas très plaisir car ce sera assurément plus difficile de commander des types
que l’on ne connaît nullement ; enfin ce sera pour tous la même chose.
Notre Cie fournira
les 2 sections de manœuvre nécessaire jeudi matin et vendredi après-midi.
À l’étude, ce soir, je ne fais pas grand-chose car
enfin mon avis est qu’il ne faut pas trop se bourrer le crâne et puis après
tout adviendra que pourra ; le poste d’adjudant sur le front ne doit pas être
très enviable et si ce n’est les quelques jours de permission qui probablement
seront octroyés aux reçus je m’en moquerais pas mal.
Ce matin, nous allons aux travaux de compagnie aussi cela va être plutôt une matinée de repos.
Nous allons lancer avec la sauterelle une quarantaine de grenades.
Le temps est encore bien maussade et il est fort probable que nous allons avoir de l’eau.
Je ne m’étais pas trompé, et nous rentrons à la caserne à 9h ¼ presque trempés, nous n’avons pas réussi à lancer les grenades en question, le capitaine Hugues n’ayant pas réussi à faire manœuvrer la sauterelle.
Avant de quitter le terrain, notre capitaine Couperet nous a donné la solution de quelques petits problèmes tactiques.
Décidemment je suis bien revenu sur son compte c’est un très très bon instructeur, travailleur et d’un esprit très clair.
Par contre le capitaine Hugues ne fait pas grand-chose, surtout depuis qu’il est nommé capitaine, c’est un ???, un phraseur qui nous méprise profondément, mais il peut être assuré que pour ma part, je lui rends la pareille.
En rentrant, il faut nettoyer nos armes et ensuite étude de 10h moins le ¼ à 10h ½.
L’après-midi se passe entièrement à l’étude.
Notre capitaine vient nous y trouver et pendant 1 quart d’heure nous donne quelques tuyaux sur l’examen théorique et pratique et sur notre situation en quittant St Maixent.
Nous quitterons ce patelin vers le 10 août, nous rejoindront directement nos dépôts (*) où nous aurons une permission de 5 à 6 jours et ensuite nous partirons pour le front.
Maintenant ceux qui ne seront pas nommés aspirants seront ou sergents ou caporaux. Les aspirants seront affectés à leur régiment tandis que les sergents et caporaux seront versés dans des formations nouvelles (régiments de marche).
L’examen théorique sera à la fois écrit et oral, 5 questions écrites et 3 orales. Le capitaine a également fait tirer au sort le nom de celui qui passerait le 1er de chaque section.
Dans la nôtre, ce sera Guichaud et après ce sera l’ordre alphabétique de telle sorte que je passerai le 27e de la section sur 34, ce sera donc pour lundi dans la soirée.
Pour la 6e Cie pas de marche de nuit ce soir. J’oubliais de dire que ce midi après la sieste il y a eu lutte entre Goussel et Gaillard, à propos du paquetage célèbre (?) dans la chambrée de Goussel.
(*) : Pour
Ferdinand, il s’agit de Cherbourg.
C’est aujourd’hui que va avoir lieu le banquet qui doit réunir une grande partie des instituteurs qui sont à l’école ; bien que je ne tienne pas à y aller, je n’ai pas voulu faire exception et je me suis fait inscrire.
En attendant midi (heure du banquet), je suis sorti avec HAy, Héraut et Fladelle et nous sommes allés nous asseoir sur les bords de la Sèvre, où nous avons révisé ensemble les questions théoriques (oral et écrit).
À 11h ½, nous nous acheminons tranquillement vers St Martin de St Maixent chez Mr AR… qui a été chargé de préparer le banquet. La tente où nous sommes est très bien mais par contre nous ne sommes pas très bien soignés et plus d’un ne réussit pas à manger à sa faim.
Au champagne, Saboret, inspecteur primaire dans le civil, qui est à ma Cie 4e section prends la parole et s’en tire ma foi assez bien.
Après lui un professeur de l’enseignement secondaire sergent instructeur à la 5e Cie nous a raconté des tas de choses qu’il aurait mieux fait de garder pour lui ; il a parlé notamment des membres de l’enseignement socialistes et par conséquent d’après lui antimilitaristes, qu’il a traité de « brebis galeuses » défendant aux membres présents de les revoir comme collègues.
Sûr de recueillir des bravos, il s’est fait presque conspuer et 1 instituteur lui a déclaré :
« Ces membres
de l’enseignement que vous traitez dédaigneusement de brebis galeuses ont été
les premiers à faire leur devoir, et beaucoup d’entre eux sont morts pour la
patrie ».
C’est aujourd’hui que commence l’examen pratique je vais passer cet après-midi, car l’ordre de passage des sections de la Cie est (1.2.3.4) et 2 sections doivent passer par jour.
Cet examen pratique consiste à nous faire commander une section de 51 hommes d’une autre Cie dans différentes situations tactiques (lorsqu’elle est soumise au feu d’Infie, au tir de l’artillerie, lorsqu’elle est attaquée par de la cavalerie, qu’elle franchit une crête etc…etc…)
L’examen dure 4 heures le matin (de 6h à 10h) et 4h l’après-midi (14h à 18h).
Comme environ 32 élèves (section) doivent passer en 4h, cela en fait en moyenne 8 par heure, ou 1 élève par 7 à 8’. C’est vraiment bien peu pour juger un type et j’ai la conviction que cet examen est de la pure « blague » et que c’est la note du capitaine qui doit être d’un grand poids.
Ce matin réveil à 4h, car la 1e section qui passe doit être arrivée à 5h45 à 2 km d’ici.
Avec la 1e section partent 6 types de la 2e (les suivant par ordre alphabétique de Guichaud (Guichaud, Guiguin, Haas, Hay, Heugret, Héraut) pour le cas où les 34 élèves de la 1e section ne suffiraient pas pour ce matin.
À 5h, nous allons à l’étude avec la 4e section, la 3e section passant ce matin l’examen écrit (hygiène, armes, instruction, travaux de campagne, topographie et instruction sur le matériel de tir) et l’examen théorique oral (service, campagne, règlements de manœuvres et instruction sur le tir)
Je passe l’après-midi vers 3h, et ma foi cela a bien marché.
Page vierge
Bien que nous soyons débarrassés de ce sale et surtout absurde examen, nous devons nous lever à 5 heures et à 6 heures nous partons avec le lieutenant Cordier pour aller du côté d’Hourmeau ( ?) (5 kms d’ici) faire l’installation d’une Gd Garde et de Petits-Postes.
Nous passons le Chambon à Maunay et après environ 1 km le lieutenant Cordier, sans nous dire l’endroit exact où nous nous trouvions et sans nous faire passer par l’emplacement de Gd Garde fait procéder à l’installation des Pt-P (*) ; les chefs de section (ils en étaient plutôt embarrassés) enfin ils s’en sont bien tirés comme ils ont pu et le s/s lieutenant qui n’est pas décidemment très fort a trouvé le tout assez bien.
À la fin de l’exercice, le capitaine est arrivé et nous a donné à faire pour ce soir à l’étude le compte rendu de l’installation de la Grand’ Garde avec croquis à l’appui, encore et toujours du « turbin ».
En revenant le s/s lieutenant n’a rien trouvé de mieux à faire que de nous faire traverser le Chambon au gué près du pont (l’eau nous arrivait à mi-jambe) et en revenant nos pieds pataugeaient dans la flotte qui remplissait nos godillots et ceci sous prétexte de nous habituer à la « dure ».
Pour nous habituer également aux blessures ils feraient bien de nous faire exécuter des manœuvres avec cartouches réelles !!!.....
Cet après-midi, nous avons 1 heure d’étude pour faire le travail donné par le capitaine ce matin.
Ensuite nous allons aux douches et nous serons ensuite mesurés et pesés. Je pèse maintenant 62 kg au lieu de 63 en arrivant ici, mais par contre j’ai grandi de 1 cm, 1m64 au lieu de 1m63 et je fais 91 cm à l’expiration et 98 cm à l’inspiration de tour de poitrine.
Mon indice de robusticité est donc de : 164 – (94,5-62) = 7,5 c’est bon et ma foi je n’ai pas beaucoup maigri. Il faut que l’indice se rapproche de 0 le plus possible. Certains ont jusqu’à 35 comme indice.
(*) :
P.P : Petit Poste.
Ce matin il faut se lever à 4h.
Hier soir, l’adjudant a formé 2 sections de manœuvres pour la Cie afin qu’elles servent aujourd’hui de mannequin aux élèves de la 1e qui passent.
Comme la 2e section était encore à ce moment aux douches, l’adjudant a pris les 3 autres sections et comme il manquait seulement 6 ou 5 types, ce sont les 4 ou 5 plus grands de la section qui ont été désignés, aussi j’espère que nous, nous allons passer une bonne matinée.
Malgré cela il faut faire comme les autres, se lever à 3h, les sections doivent être rendues à 5h ½ sur la route de Poitiers, et de 5h à 6h, nous restons à nous promener dans la cour.
La matinée se passe à discuté avec le s/s lieutenant et l’adjudant ; pendant ce temps le camarade Gervais consigné pour ce soir, cause tranquillement avec sa femme.
Ce midi, nous apprenons que l’examen est loin d’être joué, le capitaine Fugua de la 1e Cie donne la solution aux élèves, en même temps qu’il leur pose la question, il parait que c’en est dégoûtant, et le colonel a été obligé de lui dire de parler un peu moins, ce n’est pas Conquet qui en aurait fait autant !!!...
Cet après-midi, gymnastique aux agrès.
À 4h, le pauvre Gervais très nerveux à la pensée d’être bouclé alors qu’il a sa femme ici, va trouver PINCHINAT et lui dit qu’il ne veut pas être chef de chambrée (c’est cette fonction qui lui a valu 2 jours consigne) ; il s’énerve de plus en plus ; l’adjudant le fait appeler, Gervais très énervé lui répète ce qu’il a dit à PINCHINAT et la discussion menace de tourner au tragique.
Gervais rentre dans la chambrée encore plus excité.
Une 2e fois l’adjudant le fait appeler pour lui dire qu’il lui a mis 2 jours de S. de. P. pour avoir refusé d’être chef de chambrée et Degage s’apprête à l’y conduire, le pauvre Gervais est alors fou et ne sait plus ce qu’il fait, il revient chercher sa ???, et comme le sergent Degage veut le fouiller au poste, il s’écrie :
«Tenez voilà mon portemonnaie,
vous n’allez pas me fouiller, tas de cons !! »
Et il s’échappe en courant de la salle de P. où il est enfermé.
Ah ! Malheureux type, il s’est mis dans un bien mauvais cas et sa pauvre femme qui venait le voir à la grille aussi juste au moment où il est transféré de la S. de P. à la prison. (Ordre du capitaine)
Dans cette malheureuse affaire, l’adjudant et Degage ont joué un bien vilain rôle, car ils connaissaient le caractère de Gervais et ils s’y sont pris comme s’ils l’avaient fait exprès pour le rendre fou.
Pauvre Gervais, je te plains, c’était toi mon meilleur ami !!
Ah ! Les sales types que ces sous-officiers !!!
Qui n’ont aucun caractère et qui traitent les hommes comme des chiens !
Nous passons la matinée à continuer les travaux de compagnie.
En allant au terrain de manœuvre, nous avons fait voir notre mécontentement à l’adjudant en ne marchant pas au pas et en manœuvrant comme des pieds.
L’adjudant s’est mis dans une rage folle :
« Alors vous ne
voulez pas manœuvrer, hé bien, nous allons voir »
Et il nous a fait faire du maniement d’armes en marchant et nous avons monté la côte de Niort au pas de charge et enfin quand il nous a mis au pas de route la 2e section a entonné aussitôt :
« Et l’on s’en
fou, la dizou !, la dizou ! »
Il fallait voir alors la fureur de notre adjudant qui s’est empressé en terrain de manœuvres de signaler 2 types au capitaine mais ce dernier étant bien embêté avec l’histoire de Gervais a mis cette histoire au panier.
L’adjudant non satisfait, voulait nous faire barder en quittant le terrain à 10h mais le s/s lieutenant s’est approché et a commandé :
« La Cie à mon
commandement, marche, direction la caserne, pas de route, marche »
L’adjudant en est resté tout abasourdi et a dû renfermer sa colère, ce sera partie remise, nous nous en moquons pas mal, sachant l’adjudant plutôt mal considéré des officiers.
Cette fois nous réussissons à lancer les grenades avec la sauterelle, nous y allons à tour de rôle 2 par 2.
Lorsque la grenade est lancée, il faut se baisser dans la tranchée, car bien qu’étant lancée à une centaine de mètres, des éclats passent en sifflant au-dessus de nos têtes.
À la pause, nous allons ramasser quelques éclats, et j’en ai mis 3 ou 4 pour envoyer à ma Berthe.
Gervais ce matin est venu à l’examen avec nous.
Pauvre Gervais, il ne se doute pas de la gravité du cas dans lequel il s’est mis et croit qu’il va seulement avoir 8 jours de prison alors que très probablement il passera en conseil de guerre. Il me fait vraiment de la peine, car c’était peut-être mon meilleur ami, c’était assurément un des plus intelligents de la section, il a seulement le tort d’être très nerveux.
Ce midi, il mange dans la prison et nous le revoyons pas de la journée.
Nous allons au terrain de manœuvre servir de mannequin aux élèves de la 3e Cie qui passent leur examen pratique. 2 heures de travail et 2 heures de repos ce n’est pas trop dur ! comme à la 1e Cie, leur capitaine les soutient ???.
En rentrant nous avons l’explication de l’absence de Gervais en lisant le rapport affiché au poste :
Ah ! Les sales types !! Quel souvenir j’emporterai de l’adjudant et de Degage !!
La 2e section est furieuse contre eux et nous allons faire notre possible pour tirer notre malheureux camarade du pétrin.
Vendredi soir, le capitaine a fait appeler Gervais, qui lui a dit que le jour où il avait attrapé 2 jours de consigne, c’était Delille qui était de chambrée.
La capitaine très embêté de l’affaire a fait appeler Delille dans la cour et devant tous lui a dit :
« Je vous félicite !!...c’est vous qui êtes la cause initiale de cette malheureuse affaire »
Et comme Delille essayait de se justifier :
« C’est bon, c’est bon, vous pouvez vous retirer, sinon je vous mets 8 jours en prison »
Et Delille tout penaud dut faire demi-tour.
Ce soir à l’appel, le sergent de jour ??? nous dit :
« Demain matin
réveil à 4h ½ départ à 5h ½ pour le bois de Clavaux. Chargement complet
(il y aura visite des sacs) et 11 lingots (*) dans les
cartouchières. »
Voir la carte Michelin pour situer le bois de Clavaux.
Cela n’allait pas du tout et nous prévoyions déjà une rude journée, mais presqu’aussitôt après l’appel, le sergent revient et dit :
« Pas de sac,
simplement équipement et fusil ! »
Cette brusque volte-face nous a laissés quelque peu perplexes.
Il est probable que cette affaire venait encore de l’adjudant et que c’est le capitaine qui a changé cet ordre absurde.
(*) :
Lingots de plomb
Réveil à 4h ½, nous nous entendons tous pour ne pas prendre de lingots aussi nous ne sommes pas trop chargés.
Départ à 5h ½ avec le s/s lieutenant les sergents Martin Degage et Bourdus.
Comme hier la même entente règne dans la 2e Sn et aussi bien au retour qu’à l’aller le silence règne dans nos rangs, seuls les photographes livrons (?) et lèche-cul de la 3e Sn croient se distinguer en braillant.
Le capitaine nous rejoint au bois, dont nous faisons la traversée au moyen de la boussole. 1 seul élève s’est perdu : Valéry Radot de la 4e Sn qui est rentré à la caserne à midi.
Cet après-midi, nous allons à St Martin de St Maixent faire un croquis panoramique.
Il fait très chaud et ce qui m’embête surtout c’est la poussière.
Au rapport l’adjudant ne nous lit même pas la punition du malheureux Gervais, il doit commencer à comprendre qu’il a fait une fameuse gaffe.
Le capitaine est bien embêté de cette affaire, ce matin il a fait appeler GOUIN pour avoir quelques renseignements sur le caractère de Gervais.
Je crois qu’on va le faire passer pour un énervé qui a eu comme une sorte de crise de nerf et que par conséquent est irresponsable, de cette façon il sera probablement acquitté et réformé ; malgré cela c’est plutôt bien ennuyeux, car cela le suivra partout.
Pourvu qu’il ne soit pas révoqué de son emploi civil !!!...
Depuis jeudi, Degage ne nous a pas adressé la parole, il fait bien car je crois bien qu’il n’y a pas parmi nous un seul assez lâche pour lui tenir conversation.
Ce soir à l’étude, nous avons un devoir à faire, le capitaine ne veut pas décidemment nous laisser à rien faire (??? travail à effectuer par un aspirant chargé d’une réquisition.)
Après l’appel, nous passons un bon moment ; le camarade Delille qui peut-être a bu un peu trop s’est couché sur son lit, sa chemise relevée, 2 types en ont profité pour lui jouer un petit tour, après avoir éteint les lampes et à la lueur d’une petite lampe électrique de poche ils lui ont noirci les fesses avec du « ??? » (sorte de vernis servant à astiquer les cuirs).
La sensation de froid produite a réveillé un peu Delille qui s’est tout simplement retourné et au lieu de nous montrer son postérieur nous fit voir sa q….. et ses c…. et il se remet à ronfler de plus belle.
L’occasion était vraiment trop magnifique pour la laisser passer aussi les 2 types sont revenus à la charge et cette fois ont badigeonné consciencieusement les couilles de Delille qui ne s’est même pas réveillé.
Quelle tête demain matin quand il se verra si bien arrangé c’est dommage qu’il n’y ait pas visite médicale demain matin !
Comme je suis de chambre, je me lève à 6h ½ pour ne pas me faire attraper.
Revue à 7h45, par le capitaine Hugues.
Je passe ensuite 1h environ à mettre un peu d’ordre dans ma boîte, à enlever tout ce qui ne me servira plus ici et à en faire un petit paquet que je vais porter à la gare à l’adresse de ma Berthe adorée.
En rentrant à la caserne, je trouve dans la chambrée le pauvre Gervais en train de changer de linge sous les yeux du sergent de garde. C’est tout de même dur de se voir traité de telle sorte.
Sa femme et son beau-père qui est arrivé d’hier soir sont venus ce matin mais n’ont pas eu l’autorisation de le voir…ils vont revenir cet après-midi.
Je vais ensuite porter le linge de Gervais et le mien à la blanchisseuse et je rentre assez vite pour lui permettre de prendre son treillis blanc.
Ah pauvre Gervais comme je le plains, et comme je plains aussi sa femme.
Ah oui je me rappellerai longtemps de l’adjudant Montanper et de mes 2 sergents Degage et PiNchiNat.
Gervais me fais promettre de parler à sa femme si je la rencontre, me disant que cela lui fera plaisir.
Ce sera pour moi une sale corvée; mais si l’occasion s’en présente je ne manquerai pas de le faire ; car Gervais est ici un de mes meilleurs amis.
À 2h, Mme Gervais et son père reviennent au poste et cette fois ci obtiennent l’autorisation de le voir environ 1h au poste.
Je passe l’après-midi avec Faure (collègue de l’Ariège), nous faisons une partie de billard, ce Faure me donne quelques leçons car lui est très fort et fait des séries de 15, 20, 30, 40 etc.
En sortant du café nous rencontrons Mme Gervais mais comme elle est avec Gaillard (camarade de section), je ne lui adresse pas la parole.
Je rentre à 5h à la caserne car il faut que je fasse mon travail donné hier soir et auquel je n’ai pas encore touché.
Je le bâcle en 20’.
Décidemment nous sommes bien dans la Cie de fer et le programme de cette semaine est aussi chargé que de coutume.
Ce matin, comme hier après-midi, il pleut à verse aussi nous passons simplement des revues (revue d’armes, d’équipement etc). Ces revues sont passées par l’adjudant et dans notre section, il attrape évidement les types qui ne lui plaisent pas.
Delille, ??? et Guerchaud -dans notre section- Poitevin, Jeannot dans la 3e Sn.
Cet après-midi, nous ne faisons pas grand-chose = gymnastique, douches et 1h d’étude.
Au rapport, l’adjudant forme les 2 sections de manœuvre pour servir de mannequin pour l’examen demain matin.
Le malheureux Gervais est toujours en cellule, il n’en sort pas de la journée et n’a même pas le droit de regarder par la grille du haut de la porte.
Après la soupe, comme il y était à nous parler, le sergent de garde lui a donné ordre de descendre.
Ah c’est épouvantable et c’est à croire qu’ils font leur possible pour le faire devenir fou, sa malheureuse femme doit repartir de St Maixent demain soir, elle n’a pu voir son mari aujourd’hui et le verra seulement quelques minutes demain soir avant de partir.
Je garderais toute ma vie le souvenir de cette vie de caserne où l'on s'abrutit de plus en plus tous les jours, de ces gradés (sous-officiers principalement qui ont mis une dizaine d'années à gagner leurs galons, et qui ne savent faire qu'une chose : embêter leurs hommes et les fourrer dedans.
À la 2ème compagnie, un élève est devenu fou et a dû être enfermé.
Comme il s'était barricadé dans sa chambre et que l'infirmier de service exprimait au major les craintes qu'il avait de voir cet élève se tuer, le major a eu ces paroles sublissimes :
« S’il se tue,
nous en serons débarrassé ».
C’est encore un drôle de type que ce major.
Il y a une quinzaine de jours, un élève de l'école vacciné l'après-midi, a dû être transporté à l'infirmerie.
Comme il était très très mal et que l'infirmier avait de sérieuses craintes, le major dit simplement à ce dernier :
« Et bien
qu'est-ce que vous allez en faire maintenant ? »
Lever à 4h, car il faut que les 2 séchoirs de manœuvre soient tendus à 5h ½ au terrain de manœuvre pour servir de mannequin aux élèves de la 4ème compagnie qui passent aujourd'hui.
Ceux que j'ai vu passer sont loin d'avoir été brillants et je crois que parmi eux il n'y en aura pas beaucoup de nommé aspirant.
La section de manœuvre dont je fais parti travaille de 5h ½ à 7h et de 9h à 10h ½.
Nous rentrons à la caserne à 11h juste pour l'heure de la soupe.
Aujourd'hui, c'est moi qui vais porter à manger à Gervais qui ne sort pas de prison ; c'est à peine si j'ai pu lui dire 2 mots et encore peu intéressant, le sergent de garde venant avec moi, ouvrant la porte de la prison et la fermant derrière moi.
C'est tout de même triste de se voir ainsi traité comme un véritable forçat !!!
Et il me fait vraiment pitié, c'est de tout cœur que je souhaite qu'il fasse appel à mon témoignage, alors je dirai la vérité et l'adjudant ainsi que le sergent Degage en prendront pour leur compte.
Cet après-midi, causerie par le capitaine qui nous explique le devoir que nous aurons à faire samedi soir.
Ensuite gymnastique.
Au rapport, Cogaut de la Vème section, voit ses 4 jours de consigne, que lui avait octroyé généreusement le sergent Martin pour arrivée en retard à un rassemblement, changés en 4 jours de salle de police par le capitaine et 12 jours de S. d P. (Salle de Police) par le colonel.
La discipline devient de plus en plus dure, et pour être arrivé 1 minute en retard à un rassemblement, 12 jours de S. d. P. c'est tout de même bien payé.
Les sergents sont de plus en plus vaches et pendant les 6 jours qu'il nous reste à passer ici, il va falloir bien se tenir si l'on ne veut pas retourner au dépôt avec des jours de prison ou de S. d P. sur le dos.
Le sergent Martin est devenu rosse depuis qu'il sait qu'il va être nommé adjudant alors qu'il s'attendait à passer sous-lieutenant, et il fait retomber sa fureur contre nous alors que seule son manque d'instruction générale en est la cause.
Cet après-midi, la 1ère quinzaine d'élèves de la 5ème compagnie a passé l'examen pratique et il paraît qu'ils ont été au-dessous de tout. Le colonel s'est fâché et a dû « engueuler » le capitaine Sigala de la 5ème compagnie.
Sur les 15 qui sont passés, il ne doit pas y en avoir plus de 3 ou 4 de reçus.
Ce matin, nous allons au stand de tir au revolver à 30m ; mon tir est loin d'être fameux ; comme je tire un des premiers, je reste tranquillement assis à faire une partie de « loup et brebis » avec Durand pendant près de 2h, et je lui gagne successivement 6 à 7 parties de suite.
Depuis que j'y joue, je n'ai pas encore perdu une seule partie.
Ce midi, pas de sieste, car à 1h nous partons comme section de manœuvre pour servir de mannequin aux élèves de la 5ème.
Il paraît que ce matin, cela n'est guère mieux ??? que hier soir et que très peu de types ont des chances d'être reçus.
J'ai vu mon camarade du 1er colonial, BouRdais qui m'a dit espérer au plus être sergent.
Cet après-midi, c'est la même chose et le colonel prend plaisir à coller tous ceux qui sont les mieux notés par le capitaine Sigala, pour montrer à ce dernier qu'il ne connaît pas ses hommes, ce qui d'ailleurs est un peu vrai, et si ce capitaine est un charmant garçon, il n'en est pas moins vrai qu'il n'a rien fait.
À un moment, le colonel va jusqu'à lui dire :
«Je ne vous fais pas
mon compliment, vos meilleurs élèves ne sont bons qu'à faire des caporaux et
encore, de mauvais caporaux. »
Le colonel ne ménage vraiment pas ses expressions et il ferait mieux de ne pas adresser de pareils compliments devant les hommes.
Ce soir à l'étude, le capitaine nous donne encore un travail à faire (section flanc-gauche), sur un itinéraire indiqué, ordres donnés pour ouvrir un bataillon et dans le cas où la section serait attaquée par un peloton de cyclistes ennemis.
C'est vraiment dégoûtant, alors que dans les autres compagnies on ne fait plus rien, nous continuons à « barder » de plus belle.
Après-demain, nous ferons encore une marche manœuvre.
Travaux de campagne ce matin, aussi la matinée se passe sans trop de fatigue, d'autant que c'est le sous-lieutenant qui commande la compagnie ; au bout de ¾ h de travail nous avons une pause de 30' et après, le sous-lieutenant nous fait jouer au banc. (2 jeux : 1ère contre 2ème section, et 3ème contre 4ème section).
Nous jouons ainsi jusqu'à 9h30, heure à laquelle nous rentrons à la caserne.
Inutile de dire qu'au jeu, la 2ème section a battu honteusement la 1ère.
Depuis le jour où Gervais est entré à la prison, la 2nde section en deuil n'a pas chanté en route et il en sera ainsi jusqu'au jour du départ.
La 3ème section remplie de lèche-cul, photographes, sous-préfets et autres, essaie bien de chanter mais c'est bien piteux car il n'y a aucun entrain ni autant d'entente que dans la 2ème section.
Ce matin, la 5ème compagnie a fini de passer l'examen pratique, il paraît que cela a été aussi piteux qu'hier et beaucoup ont été bombardés caporaux.
L'instituteur de Paris que j'avais connu un dimanche après-midi, a dû être nommé sergent.
Le capitaine Sigala leur ayant donné le résultat de leur examen.
Pour nous, nous ne savons encore rien, notre capitaine est loin d'être un bavard.
Nous passons l'après-midi à faire le travail que le capitaine nous avait donné pour hier soir (de 14h à 15h ½).
Ensuite de 15h ½ à 16h, le capitaine nous donne quelques conseils pour notre départ au front : vêtements amples, se prémunir contre le froid, pour ceux qui n'ont pas la vue très bonne se munir de 5 à 6 lunettes aux verres bien appropriés aux yeux, etc, etc...
J'ai oublié de dire il y 4 à 5 jours, on nous a annoncé au rapport que l'on est en train de remplacer notre fusil Lebel par un fusil à chargeur se rapprochant beaucoup du fusil allemand.
Ce n’était donc pas la peine de vanter autant notre fusil, de le dire bien supérieur au fusil allemand pour finalement le remplacer par un autre analogue à ce dernier.
Pour moi, mon avis a toujours été que le fusil à chargeur est beaucoup plus pratique que le fusil à magasin et qu'il permet un tir bien plus rapide.
La 4ème ½ section et la 3ème section partent à la caserne à 6h moins le ¼ sous les ordres de l'adjudant.
Nous allons, comme exercice, défendre le pont de Ricou sur la Sèvre à 6 km d'ici, pont qui va être attaqué par les 1ère et 4ème sections en entier plus la 3ème section sous les ordres du sous-lieutenant.
La 4ème ½/ section dont je fais partie a pour ordre de défendre la crête en avant du pont et de nous replier ensuite.
Nous nous sommes très bien tirés de cette mission, et si cela avait été dans la réalité, nous aurions démoli plus de la moitié de la troupe du sous-lieutenant sans perdre plus de 1 ou 2 hommes.
Mais comme à toute manœuvre il y a quelque ?? d’idiot, que les types sur lesquels on a tiré ne s'en préoccupent pas et continuent à avancer. Nous nous sommes repliés pour passer la Sèvre en aval du pont sur une barque mais le capitaine (arbitre de l'exercice) n'a pas voulu nous laisser passer craignant que la barque chavire, et il a fallu nous replier par le pont.
Finalement, le pont n'aurait assurément pas été pris et il aurait resté peu de types de l'ennemi.
Après, le capitaine a fait la critique de l'exercice, critique qui a été à notre honneur
Dorénavant il n'y a aucune entente dans la 2ème section, et en revenant de l'exercice, bien que nous avons fait le serment de ne plus chanter en route, la 3ème ½ section a manqué à sa parole et Gladette, Delille, Feriot, Aubert ont braillé avec les autres.
Seule la 4ème ½ section conserve donc le deuil de notre camarade Gervais.
Voyant cette mésentente, j'ai presque l'intention de ne pas aller au banquet qui doit réunir la 2ème section dimanche prochain.
Mais le plus embêtant est qu'il va falloir résumer, cet après-midi, les renseignements tirés de cet exercice.
Ce midi, je reçois 2 lettres (une de ma Berthe adorée et une de mon ami LeNEVEU)
Cet après-midi, nous passons 1h ½ à faire le travail donné par le capitaine ce matin, et ensuite gymnastique sur la place Denfert pendant 1 heure.
De 4h ½ à 5h, nous commençons à restituer ce que l'école nous a donné : couvre-nuque, outils portatifs, petit opuscule concernant les mitrailleuses, la fortification de campagne, etc...
Demain, nous rendrons nos théories, nos porte-plume, etc... Tout cela annonce la fuite prochaine, j'espère que ce sera pour lundi.
Au rapport, je reçois 2 cartes : 1 de Lemagnier et une de ma Berthe adorée qui m'annonce l'arrivée de cousine Marguerite à Romagny, cela va me tranquilliser un peu de savoir que ma Berthe n'est pas seule.
Mot de l'adjudant qui réclame les porte-plume pour demain matin :
« Les chefs
d'escouade, vous me ramasserez demain matin les porte-plume de votre escouade
et vous me remettrez les noms de ceux qui manquent. »
Le 8 août, au réfectoire, après le repas du midi, le sergent faisant fonction de sergent-major nous donne les résultats que nous avons obtenus à la suite de notre stage à Saint-Maixent (l’École).
Pour ma part, je vais être nommé aspirant (3ème de la compagnie par ordre de mérite).
Bon nombre de camarades vont être nommés sergents ou caporaux et quelques-uns (peu nombreux) vont rester soldats de 2ème classe.
Je suis très satisfait du résultat obtenu et je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si brillant : 3ème de la compagnie et 17ème de l'ensemble de l'école, ce n'est pas trop mal.
Je n'ai inscrit ce résultat qu'après coup car, au moment, j'estimais le dit résultat trop élogieux pour moi.
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Départ de Saint-Maixent et en compagnie des camarades du 1er Colonial.
Il faut reprendre le train pour Cherbourg.
Des élèves-aspirants du 1er colonial, Le Brie, Gautier et moi sommes nommés aspirants. Bourdais et Méléra sont sergents.
Ainsi les 3 instituteurs terminent leur stage avec le grade d'aspirant, tandis que les 2 autres, qui avaient fait des études secondaires et étaient titulaires du bac, ne terminent que sergents.
Le carnet de l’année 1915 se termine à cette date.
Les pages de l’agenda sont totalement vides d’écrits.
Tout cela est curieux, lui qui est si prolixe.
Mais cela s’explique…
Mais en lisant, plus loin, ses écrits de l’année 1916, nous apprenons
qu’entre août 1915 et janvier 1916 :
ü Berthe,
sa femme, accouche d’une fille, le 29 août : le 29 août 16, il
écrit : « Anniversaire de notre mignonne petite
Fernande »
ü Il a changé de régiment et a intégré le 175e RI, parti en Grèce, à Salonique : On l’apprend avec certitude le 12 février 1916 : « Mon camarade du 1e colonial et du 175e »
ü Il
embarque sur le navire « Britania » :
On l’apprend le 17 jan. 1916 : « Le
bruit avait couru que le Britania, qui nous transportait en Orient avait été
coulé. »
ü Il
est passé par l’île de Moudros car le 27 février 1916, il dit : « le capitaine de ma Cie la 11e que
j’avais eu à Moudras & à Salonique : Marc »
ü À
t’il été malade ? Ou blessé sans combattre ? : Par la phrase du 3
mars 1916, on peut imaginer que Ferdinand est parti à Salonique et n’a pas
combattu (alors que le 175e RI a fait face à de nombreux combats
face aux Bulgares : « Vivement
que je retourne à Salonique et que cette fois, j’aille voir les Bulgares et les
Austro-Boches. Chaque fois qu’un camarade parle devant moi de ses faits de
guerre, je ne puis que me taire et cette situation fausse, dans laquelle je me
trouve, ne me va pas du tout, et j’ai grand hâte qu’elle cesse. »
ü Blessé (ou malade ?) en 1915, il revient en France à bord du navire-hôpital le « Ceylan » :
Ø Mots du 6 janvier 1916 : « Beaucoup sont dans mon cas et ont une simple fiche : leur livret ayant été perdu au cours de leurs campagnes ; pour moi, j'ai toujours dit que le mien était resté à Salonique alors que je ne l'ai jamais quitté »
Ø Puis
du 3 février : « C’est un
fameux menteur car il n’y a rien acheté, j’en suis sûr, puisqu’il était avec
moi sur le Ceylan »
Ø Puis du 4 février : « Embarqué avec moi sur le Ceylan le 19 octobre et débarqué à Toulon le 29 matin »
ü Blessé avant le 4 nov. 1915, car son camarade décède en Grèce, le 4 novembre 1915, il l’apprend, par courrier, le 12 février 1916
ü Il
est « convalescent » (mots
du 3 janvier 1916) durant le « mois
de décembre » (mots du 4 janv.1916)