Carnets de guerre 14-18 et 39-40 de Ferdinand GILLETTE

Carnet N° 6 : Année 1939

 

 

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INTRODUCTION

Chaque carnet (7 au total) détaille avec la plus grande précision, la vie de Ferdinand Gillette - au jour le jour - sur plus de 1800 pages.

 

Liste et matricules de tous ses camarades et supérieurs, compte individuel, liste de sa correspondance, combats (attaques, contre-attaques, replis), détail individuel des pertes, vie de groupe, moral de la troupe et des officiers, prémices de fraternisation, les mutins de son régiment, amour de la famille, l’alcool chez les soldats (tous grades), convalescence dans les hôpitaux, permissions, vie de prisonnier….

Tel est ce récit extraordinaire et émotionnel, vrai « mine d’or » pour comprendre cette période…

 

L’écriture est très lisible, très déliée, bien que très resserrée et peu aérée, ce qui rend une lecture de plusieurs pages d’un coup un peu « difficile ».

Pour une meilleure compréhension des carnets et pour « adapter » le récit aux facilités d’internet, j’ai volontairement :

1) Ajouter un sommaire

2) Ajouter des commentaires (en bleu), pour expliquer certains termes d’époque ou situations.

3) Les carnets sont des agendas, et parfois le récit d’une journée est écrit sur plusieurs journées de l’agenda. J’ai donc logiquement regroupé ces journées sur la même date.

5) J’ai indiqué en face de chaque date, le lieu où se déroule la journée, et parfois un événement important.

 

Bonne lecture, et vivez des émotions fortes comme nous les avons vécus, Marie-Thérèse, Antoinette, Dominique, Christophe N., Patrick et surtout Catherine, Françoise, Christophe R. et Nicolas, qui a eux quatre ont retranscrit plus de huit cent pages des carnets !

 

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PRELUDE

 

Retour sur les années 1915 à 1919 :

Ferdinand GILLETTE, instituteur dans la Manche, est mobilisé en 1915. Après il part à l'école de St Maixent dont il sort aspirant.

Il est affecté au 175e RI, puis après blessure au 158e RI. C'est dans ce régiment qu'il va faire puis "subir" la guerre. Blessé encore, puis prisonnier en mai 1918, il est libéré en 1919.

 

Nous retrouvons donc Ferdinand, instituteur à Picauville.

Ferdinand est donc mobilisé en septembre 1939. Il est à ce moment capitaine. À 51 ans, toujours marié à Berthe avec qui il a eu, au moins, 2 enfants Fernande et Alphonse.

 

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Septembre : La mobilisation, le départ, Mourmelon

Départ de Picauville le 4e jour de la mobilisation, le mardi 5 septembre.

Arrivée à Granville (*) le soir.

Berthe avec Fernande (**) et Simone arrive à Granville le mardi 12 sept.

Le soir, nous allons chez Jouvet et le jeudi soir nous mangeons dans un restaurant à Douville, avec la cousine Jones.

 

(*) : Certainement la ville de regroupement de l’unité de Ferdinand, le 446e RP (Régiment de Pionniers)

(**) : Berthe, sa femme et Fernande, sa fille.

 

Vendredi 15 sept. : Constitution du 446e RP

Continuation de la distribution des équipements et habillements aux hommes. Je passe une heure le soir avec B. F. & S. Je touche mon costume militaire.

107 F (950F+120F).

 

  446e RP : Chef de bataillon, commandant le régiment : Commandant Lecacheur

  1e Bn : Capitaine Labbé, commandant le bataillon

  1e Cie : Capitaine Launay

  2e Cie : Lt Guillain

  3e Cie : Cap. Gillette

  4e Cie : Cap. Mongodin

  Officier Z : Lt Staub

Samedi 16 sept.

Nous passons toute la journée dans le train.

Passage par Flers, Argentan, Laigle, Mantes (1h ¼ d’arrêt), fonctionnement des cuisines roulantes. 2 hommes de la Cie restent à Mantes, ne réussissant pas à reprendre le train, nous passons ensuite par Montdidier, Laon (1h du matin).

Dimanche 17 sept.

A 3h ½ du matin nous débarquons à Mourmelon-le-Grand et au jour nous prenons la route de Bouy, petit pays à 8km de Mourmelon où nous devons cantonner. (*)

Par ici on approche de la Champagne Pouilleuse, mais cependant la terre est encore assez bien cultivée et les récoltes moyennes.

 

(*) : Bouy se situe dans la Marne, entre Reims et Châlons-en-Champagne.

Lundi 18 sept. : Bouy

Matin : nettoyage du cantonnement et des armes.

 

Soir : causerie par le Lt Staub sur les masques à gaz.

C’est par erreur parait-il que nous avons été dirigés sur Mourmelon. Nous aurions dû rester 2 jours en + à Granville.

Mardi 19 sept. : Bouy

Continuation du séjour à Bouy.

Promenade avec la Cie sur le chemin de la Veuve.

Le capitaine adjoint au Ct Lecacheur, est le capitaine Piot. C’est le directeur de « l’œuvre ».

Mercredi 20 sept. : Bouy

Ce matin, marche de 10 km sur la route de La Veuve, retour à 11h.

 

Après-midi, promenade dans un bois.

Jeudi 21 sept. : Bouy

Matin, la Cie sous le commandement du sergent Bourgeois va faire un peu de maniement d’armes sur la route de La Veuve.

Les gradés pendant ce temps vont écouter une causerie du capitaine Launay sur les travaux de fortification, gabions, claies, réseaux de barbelés, hérisson, chevaux de frise, etc.

 

Après-midi, exercices, maniements d’armes, positions du tireur

Vendredi 22 sept. : Bouy

Matin, conception par section de gabions et de claies.

Marche d’un km avec le port du masque.

 

Soir, exercice de maniement d’armes

Samedi 23 sept. : Bouy

Matin : Repos, les hommes peuvent laver leur linge.

Je monte à cheval pour la 1e fois, mais l’équitation ne me plait guère.

 

Soir : Je vais en bicyclette à Châlons s/s Marne avec le capitaine Mongodin.

J’achète, béret, encre, plumes bloc-notes, pectoïds, ouate thermongène, teinture d’iode.

Retour à 18h.

Dimanche 24 sept. : Bouy

Repos

Je passe une grande partie de la matinée à écrire.

L’après midi : partie de bridge

Lundi 25 sept. : Bouy

Continuation du beau temps.

La journée se passe à creuser des tranchées abri pour militaires & civils auprès des cantonnements. Largeur 80 cm profondeur 1m80 en zigzags de 5 m de long au maximum.

Mardi 26 sept. : Bouy

Toujours à Bouy.

Le beau temps continue et la journée se passe à achever les boyaux abri commencés la veille.

Aucun fait particulier à signaler, si ce n’est les convois de matériel (barbelés, caisses de grenades) allant en direction de Bar-le-Duc.

Les habitants de Bouy qui, au début de notre séjour, nous accueillaient avec méfiance, commencent à être un peu plus sociables. Il est juste de dire que leur méfiance était justifiée par la conduite que les troupes qui y avaient séjourné avant nous, avaient mené.

Les boutiques, épiceries….avaient particulièrement été pillés.

Mercredi 27 sept. : Mourmelon

Matin : Promenade pour les hommes pendant que les Cdt de Cie vont reconnaître dans le camp de Mourmelon l’emplacement des tranchées que les hommes auront à creuser.

 

Soir : Départ à 1h ¼ pour Mourmelon (6km). Nous arrivons à 2h45 et travaillons jusqu’à 4h ¼ (1h ½ de travail pour 3h de marche).

Jeudi 28 sept. : Mourmelon

Matin ; travaux de propreté, nettoyage des armes.

 

Le soir, 100 hommes par Cie vont au camp de Mourmelon continuer les tranchées commencées hier.

Vendredi 29 sept. : Mourmelon

Matin ; travaux de propreté, nettoyage du Cantonnement.

 

Soir : 100 hommes par Cie vont au camp de Mourmelon continuer à creuser des tranchées.

Depuis que nous sommes arrivées à Bouy, 6 hommes de la Cie ont été évacués sur l’hôpital de Mourmelon ou sur celui de Châlons.

Le major du bataillon n’a aucun médicament pour soigner les hommes si ce n’est un peu d’aspirine et de teinture d’iode, aussi dès qu’un malade atteint 38° de fièvre, il l’évacue.

Samedi 30 sept. : Bouy

La journée se passe pour les hommes au lavage de leur linge et au nettoyage des cantonnements.

Depuis plusieurs jours, les femmes arrivent de plus en plus nombreuses pour voir leurs maris, mais la difficulté est grande pour trouver des chambres.

Octobre 1939 : Bouy, puis secteur d’Étain (Meuse), puis Verdun

Dimanche 1er octobre : Bouy

Quartier libre, malheureusement il pleut si bien que beaucoup de poilus qui se promettaient d’aller faire un tour à Reims (33 km) ou à Châlons (16 km) ont dû rester à Bouy.

Quelques uns ont, à leurs risques et périls, pris le train pour Paris.

Je ne les approuve pas, car c’est un peu risqué et une telle escapade pourrait leur coûter cher. Il parait même que Jeanne, le sergent comptable de la Cie serait parti pour Coutances. Il c’est vrai, il faut vraiment qu’il soit fou car il risque gros.

 

L’après-midi, nous allons (8 officiers) à Reims, en camionnettes ; là nous visitons la cathédrale au pied de laquelle on empile de nouveau des sacs à terre, puis nous visitons le Palais Oriental (P.O) rue Baquenois (*), proche de la rue des Poissonniers.

Les caves Pommery étant fermées, nous ne pouvons les visiter.

Retour à 19h.

 

(*) : Célèbre maison close de Reims. Elle ferma ses portes en 1946.

Lundi 2 octobre : Bouy

Encore mauvais temps ce matin, aussi les hommes restent au repos.

Il en est de même l’après-midi, car le temps n’étant pas certain nous n’allons pas à Mourmelon.

Jeanne n’est pas encore rentré, il n’est vraiment pas raisonnable et cela peut très mal tourner pour lui d’autant plus que ce matin, on l’appelle pour passer l’examen de sergent-chef.

Mardi 3 octobre : Bouy

Jeanne est tout de même rentré cette nuit (23h). Je lui ai fait une verte semonce et je ne pense pas qu’il recommencera.

Le matin, jeux, maniement d’armes, école de section.

 

Le soir, la compagnie va à Mourmelon creuser des tranchées. Un homme de ma Cie est évacué pour la gale, il est à craindre que beaucoup d’autres poilus n’en soient atteints.

Il a fallu enlever la paille où le galeux couchait et la remplacer.

Mercredi 4 octobre : Bouy

Matin : jeux & maniement d’armes.

 

Le soir, je vais à Mourmelon avec les 1e, 3e & 4e Cie pour continuer à creuser les tranchées dans le camp.

Jeudi 5 octobre : Bouy

Même occupation le matin que de continuer ; l’après-midi la Cie étant de jour reste dans les cantonnements, et les hommes sont occupés à faire des claies pour entourer la cuisine.

Vendredi 6 octobre : Bouy, Mourmelon

Même occupation le matin que de continuer.

 

Le soir, je vais conduire les  1e, 2e & 4e Cie aux travaux à Mourmelon. A l’aller nous sommes pris par un orage, heureusement les hommes peuvent se réfugier sous un hangar de l’aviation. Le capitaine Piot vient nous rendre visite sur l’emplacement des travaux.

Aujourd’hui 10% de l’effectif (cultivateurs) part en permission agricole de 21 jours.

Ceux-là sont bien heureux et ont la mine réjouie. Parmi les partants se trouvent les sergents Vincent & Bourgeois.

Samedi 7 octobre : Bouy

Travaux de propreté et nettoyage des armes et des cantonnements. Le sergent Mouni (*) employé à la cuisine rentre dans sa section. Leplâtre cuisinier est remplacé par Buffard.

  Mouni (*) & Leplâtre profitent trop de leur emploi à la cuisine pour resquiller vin, confitures, etc. destinés aux hommes de la Cie.

Depuis plus de 8 jours Mouni (*) est constamment ivre et étant ivre, il est insupportable, réclame à tort & à travers et se met facilement à la tête des quelques meneurs existant à la Cie.

 

(*) : Mouie, Mornie ou Munie ?

Dimanche 8 octobre : Bouy

Parmi les officiers du 1e bataillon il en est 4 qui ont leurs femmes ici, ce sont : les lieutenants Staub, Guillain, Le Cann & Henry. D’autre part, l’officier de détails, le lieutenant Poirier est à Paris en mission officielle.

  Aujourd’hui le major PIVROST (*) & le capitaine Launay sont partis en auto près de Châlons voir le 1er, son père et le second, son beau-frère qui sont dans le même régiment.

  Le commandant lui aussi va être absent aussi à midi nous allons rester trois à la popote : Les capitaines Piot, Mongodin & moi.

  Après le repas de midi nous faisons un bridge à trois pendant 2 heures, je perds 5F95.

 

Le soir nous sommes 4 à table, Launay, Mongodin, le toubib & moi.

Après le repas, bridge à 4, je gagne.

 

(*) : Illisible, PRUVOST ?

Lundi 9 octobre : Bouy

Matin : jeux, la section en marche d’approche sous le tir de l’artillerie.

Nous sommes pris par la pluie et rentrons à 10h. Comme dans l’après-midi, il pleut, les hommes restent au cantonnement.

Mardi 10 octobre : Bouy

Matin : jeux, marche d’une patrouille.

Une équipe de foot-ball de la 4e Cie fait un petit match avec une équipe de la 3e. La 3e est battue.

 

Cet après-midi, les 1e, 2e & 3e Cie vont à Mourmelon continuer les travaux.

 

Vers 13h, nous apprenons que notre séjour ici s’abrège : l’ordre est arrivé de faire rentrer tous les chevaux détachés dans leurs fermes pour demain soir, aussi il est fort probable que nous quitterons Bouy jeudi.

Mercredi 11 octobre : Bouy

Nous devons partir demain matin 12 à 6h.

Aussi la journée se passe à charger les voitures de Cie, à faire tous les préparatifs de départ.

Comme j’ai attrapé des hémorroïdes, je vais ce soir avec la voiture de ravitaillement à Mourmelon où j’achète dans une pharmacie des suppositoires contre les hémorroïdes.

Jeudi 12 octobre : Bouy, le départ vers Étain, la cohue

Départ de Bouy

 

 

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Rassemblement à 6h, et nous prenons la route pour la gare de Mourmelon-le-Petit où nous arrivons à 9h. Nous embarquons à 11h et 11h ½, le train se met en route, nous passons par Somme-Py, puis nous suivons une voie stratégique et à 17h ½, nous arrivons en gare de Billy-Mangiennes.

 

Le débarquement terminé (hommes & voitures) nous prenons à 21h la route de Maucourt (15 km), mais Maucourt est occupé par la troupe et nous devons en pleine nuit continuer la route sur Étain (30 km de la gare de Mangiennes). Cette marche dans la nuit est excessivement pénible.

Aux pauses, les hommes s’affalent sur le sol.

Les trainards sont nombreux et c’est bientôt une belle cohue, les unités sont mélangées, ceci à cause de la 4e Cie qui a voulu passer en tête. Les camions du bataillon vont et viennent d’Étain à la colonne pour emporter les sacs et les hommes qui ne pouvant pas suivre restent étendus sur le chemin et dans les fossés.

Je me rappellerai de ce 12 octobre 1939, anniversaire de mes 51 ans.

 

Nous arrivons à Étain vers 6h du matin. Ma Cie va cantonner à 2km d’Étain à la ferme du Haut Bois. Nous nous trouvons là à environ 70 km du front.

Vendredi 13 octobre : Ferme du Haut Bois

Repos complet toute la journée.

1 dl d’alcool a été distribué aux hommes à leur arrivée.

A la ferme du Haut-Bois, la Cie est très bien cantonnée. Les cantonnements sont bien clos et les fermiers donnent aux hommes toute la paille dont ils ont besoin.

Les chevaux de la Cie sont eux aussi bien logés dans les écuries ; ils ont autant de fourrage qu’ils en veulent.

Je loge à Étain, rue Leloup chez Mr Vieceli (peintre), j’ai une bonne chambre et ne regrette pas Bouy.

Nous mangeons à l’hôtel de la Sirène rue de Metz.

Cet hôtel a eu comme hôte en 1916 lors de l’attaque de Verdun le Kronprinz.

Étain a souffert pendant l’occupation allemande, 19 civils y ont été fusillés en 1914 sur la route de Longuyon.

 Samedi 14 octobre : Ferme du Haut Bois

Repos pour les hommes.

Amélioration des cantonnements et revue d’armes.

La ferme du Haut Bois appartient à un Italien qui est boucher à Omé…. (*)

Cet italien est très riche, il avait avant la guerre 20 commis et tuait 200 vaches par semaine, il a acheté la ferme de Haut-Bois en 1936 (180 ha). La gérance de la ferme est confiée à un ménage polonais et tous les serviteurs sont polonais.

La journée est employée à l’arrangement des cantonnements et au nettoyage des armes.

 

(*) : Illisible

Dimanche 15 octobre : Secteur d’Étain

Repos.

Les hommes sont autorisés à se rendre à Étain.

J’ai omis d’indiquer que je loge à Étain, rue Leloup, chez Mr Vieceli peintre. J’ai une bonne chambre et un bon lit ce qui est le plus important.

Nous prenons toujours nos repos à l’hôtel de la Sirène.

Le capitaine Mongodin de la 4e Cie loge une demoiselle rue Leloup dont le père a été fusillé comme otage civil par les Allemands en 1914 avec 19 compatriotes.

Le monument à leur mémoire se trouve sur la route de Longuyon.

Lundi 16 octobre : Secteur d’Étain

Du nouveau.

Le 1e bataillon doit prendre demain matin la route pour Verdun. C’est le capitaine Launay qui commande le bataillon en l’absence du capitaine Labbé en permission agricole.

La nouvelle de notre déplacement arrive d’abord à 10h (la Cie doit se tenir prête à partir dans une deux heures). ¼ d’heure plus tard, contre ordre, et le midi nous apprenons que le mouvement doit avoir lieu demain matin.

Les 30 hommes de la Cie employés à l’arrachage des betteraves à la ferme du Haut-Bois reçoivent chacun 5F pour leur demi-journée de travail.

Arrivée à Verdun

Mardi 17 octobre : Départ pour Verdun, caserne Niel, Thierville

Lever à 4h, pour être à la ferme du Haut-Bois à 5h ¼.

Départ de la ferme à 5h ½. La Cie va d’abord à Étain (place des Halles où les hommes laissent leurs sacs qui vont être emportés par une camionnette du bataillon).

Le mouvement (départ d’Étain) a lieu à 6h (ordre : 2e Cie qui doit rester à Eix, 3e, 4e & 1e).

Les Cies marchent en ordre dilué. Elles partent à 10 minutes d’intervalles, par ½ section

A 30 m de distance.

La distance d’Étain à Verdun est d’environ 20km.

A la 1ère pause, la 3ème Cie passe devant la 2ème qui doit rester à Eix, il aurait d’ailleurs été plus logique  de faire partir le 2ème Cie la dernière.

La marche se fait sans trop de difficulté et à 11h ¼ nous arrivons à Verdun.

 

A l’avant dernière pause, le fourrier est parti en avant pour reconnaitre les cantonnements (caserne Niel).

La Cie est vite installée dans ses cantonnements qui sont suffisamment grand.

La caserne Niel se trouve à Thierville (nord de Verdun). Les officiers ont des chambres chez l’habitant de Thierville.

Pour ma part je vais habiter chez M. Thiebaux, boulanger, rue Jean Jaurès. La chambre est superbe il n’y a qu’un seul inconvénient c’est que, de la caserne à ma chambre, il y a 2 Km.

 

L’après-midi, passe à organiser le cantonnement.

Mercredi 18 octobre : Verdun

La matinée repos.

L’après-midi revue d’armes. Là je constate que les hommes, pour la grande majorité, ont soin de leur fusil.

Jeudi 19 octobre : Verdun

A Verdun

 

Ce matin nettoyage des armes et des cantonnements.

Avec le sergt M…IE (*) je vais voir le capitaine Cdt la 1ère Ci du 65ème régt régional à Verdun, Glorieux afin de savoir  s’ils continuent à prendre en subsistance la section du 445° qui doit remplacer le détachement  du 444° au dépôt d’essence de Verdun Chevert.

N’ayant pu obtenir le renseignement demandé, je dois aller à la citadelle voir le lieutenant de détail du 65ème.

La section détachée par la 3ème Cie restera en subsistance à la 3ème Cie.

 

Retour à la caserne à midi.

 

Cet après-midi à 3h ½, départ du détachement 2 sergt 3 capx 31 hommes.

Ce midi, CANAGROU a encore rouspété après la soupe.

Quel vilain individu ! Quel débarras pour la Cie lorsqu’il partira.

 

(*) : Illisible

Vendredi 20 octobre : Verdun

Matin nettoyage du cantonnement et des armes.

Plusieurs permissionnaires rentrent.

 

L’après-midi, je vais porter le ravitaillement à la 4ème Cie à Verdun Chevert.

Comme il a plu toute la journée, les hommes sont trempés & couverts de boue.

Samedi 21 octobre : Verdun

Matin, revue d’armes.

Les fusils sont en général bien tenus.

L’après-midi je vais encore à Verdun Chevert pour le ravitaillement de la 4ème Cie. Comme la journée a été belle, le travail a été beaucoup moins pénible.

Ce matin tous les permissionnaires non encore rentrés sont revenus, entre autres les sergent Vincent & Bourgeois.

Un 2ème tour de permission va être établi, mais il va y avoir encore des mécontents car 1/10 seulement de l’effectif total peut partir.

Dimanche 22 octobre : Verdun

Matin, examens à la caserne.

 

L’après-midi, je passe mon temps à écrire car ma correspondance qui était loin d’être à jour. J’ai reçu ce matin de nombreuses lettres-cartes dont la lecture a chassé le cafard qui m’envahissait.

Quelques officiers sont allés cet après-midi visités les champs de bataille de Verdun.

Demain ce sera notre tour.

Lundi 23 octobre : Verdun

La Cie doit fournir ce matin 2 corvées de 50 hommes pour aller l’une à l’hôpital Miribel, l’autre à l’hôpital Anthouard, creuser des tranchées.

Départ de la caserne à 7h

 

Je pars à 8h, pour aller me rendre compte des travaux à exécuter. Les hommes doivent creuser des  tranchées dans la cours de ces hôpitaux, mais le niveau est si peu élevé au-dessus de la Meuse que l’on trouve l’eau  à moins d’un mètre de profondeur, aussi je ne sais pas bien à quoi pourront servir ces tranchées.

L’hôpital Anthouard se trouvant à 3km au moins de la caserne Niel, la roulante devra chaque jour se rendre à cet hôpital pour porter le repas des hommes de corvée.

 

Cet après-midi, les 2 corvées vont à Anthouard. Le service de santé a reçu l’ordre  de faire activer ces travaux de protection en prévision de bombardements aériens.

Je vais avec ?, ?, Prevost voir Douaumont et Vaux).

Mardi 24 octobre : Verdun

Le temps est excessivement mauvais, l’eau tombe averse toute la journée.

La corvée de 100 hommes va comme hier à l’hôpital Anthouard.

 

Le midi la roulante va leur porter le repas : je l’accompagne et au retour j’essuie une forte averse.

A Verdun Chevert, la section ne doit pas être très heureuse, car les hommes doivent travailler dans la boue.

Mercredi 25 octobre : Verdun

Le mauvais temps continue

Mêmes travaux pour le Cie.

Je vais en ville ce matin acheter quelques cartes postales.

 

Cet après-midi, je vais avec la voiture de ravitaillement à Chevert puis à Eix.

Jeudi 26 octobre : Verdun

Ce matin, j’achète en ville musette, peigne de poche, chaussons été&, puis je vais à bicyclette à Chevert (6km à aller) pour que les artilleurs cèdent un peu de place au 446°.

Il ne pleut pas, mais l’air est très vif.

Avec le capitaine Labbé, je vais cet après-midi avec Launoy, à l’hôpital Anthouard voir les travaux exécutés par la corvée 100h.

Les tranchées sont déjà à moitié remplies d’eau.

Vendredi 27 octobre : Verdun

Ce matin, nous touchons 18 bottes de paille pour les hommes.

Plusieurs hommes vont quitter la  Cie. CARRAIPOU L. (?) dont le départ n’est pas à regretter.

Berthelin S réformé définitif.

Potdevin M rappelé au MI 33 à Cherbourg.)

 

Cet après-midi, je vais avec le Major à Chevert  où quelques hommes sont légèrement souffrants. Le froid commence à se faire sentir et la neige commence à tomber sur les hauteurs.

Samedi 28 octobre : Verdun

Temps épouvantable toute la journée.

Toute la matinée il tombe de la neige à moitié fondue. Je vais voir le Cdt de la place pour que les hommes qui travaillent à Anthouard disposent de leur après-midi pour laver leur linge.

 

Les hommes cet après-midi touchent leur tabac, 2 paquets de tabac, 3 paquets de cigarettes par homme.

Ils n’en avaient pas touché depuis Bouy.

 

Ce midi, j’apprends que la nouvelle Cie doit partir demain pour Bellerupt.

Comme la 4ème est à Ancemont et la 2ème  à Eix. Il ne va plus rester à Verdun que 3 sections de ma Cie avec l’État-major du régt. et celui du bataillon.

Dimanche 29 octobre

La 1ère Cie part demain matin à Bellerupt et la 3ème Cie va prendre en subsistance l’E.M. du bataillon et l’E.M. du régt. A la caserne Neil ne vont donc rester que 3 section de la 3ème Cie.

Aujourd’hui quartier libre à partir de 11h.

Des bruits courent que 2 parachutistes allemands  seraient descendus hier dans la région de Dieppe-sous-Douaumont.

 

Ce soir, répartition des corvées pour demain matin.

Tous les hommes de la Cie vont maintenant aller en corvée (45 à Anthouard, 20 hommes aux claies, 15 hommes à l’arsenal, 4 hommes à la gare, 3 au foyer du soldat.

Lundi 30 octobre : Verdun

La 1ère Cie part ce matin pour Bellerupt. Pour ma part j’aurais de beaucoup préféré y aller plutôt que de rester à Verdun car la Cie va être beaucoup plus libre & va avoir moins de travail à fournir que la 3ème Cie qui reste à Verdun. La 2ème Cie qui se trouve à Eix n’a absolument rien fait depuis qu’elle y est.

 

Cet après-midi, je vais avec le capitaine Labbé à Chevert puis à Eix.

Les Cies viennent de recevoir des instructions pour les départs en permission. Ces départs ne doivent commencer qu’après le 15 novembre et le 1er tour peut échelonner jusqu’en mars. Dans ces conditions je ne pense pas pouvoir y aller avant février.

De nouveau, le bruit court que 2 autres parachutistes allemands seraient descendus du côté de Bellerupt.

Mardi 31 octobre : Verdun

Temps assez beau.

Les mêmes corvées qu’hier sont fournies. Les plus ennuyeuses pour le Cie est d’avoir en subsistance l’E.M. du bataillon et celui du régt.

 

Cet après-midi, je vais avec le capitaine Labbé à Anthouard voir le travail  qui n’est pas intéressant, les tranchées étaient déjà à moitié pleines d’eau et il (est) fort probable que des éboulements auront lieu rapidement.

Je fais l’acquisition d’une chemise kaki.

 

 

 

 

Dépenses octobre 1939

 

4 oct.

Donné à Chereau (ordonnance

20fs, 00

27fs, 00

 

Payé lavage (2 chemises, 1 flanelle, 2 paires de bas, 2 mouchoirs, 1 serviette

7fs, 00

5 oct.

Apéritifs

 

8fs, 00

6 oct.

Apéritifs

 

18fs, 00

7 oct.

2 pairs lacets rouges

1f, 50

4fs, 00

Journal et bocks

2fs, 50

8 oct.

Apéritifs

5fs, 00

11fs, 45

Perte au bridge

5fs, 95

Journal

0f, 50

9 oct.

 

 

 

10 oct.

apéritifs

 

8fs, 00

11 oct.

Lavage linge                                                                                            

5fs, 00

 

55fs, 50

 

Donné à Renard                                                                                   

20fs, 00

 

Bocks                                                                                                        

3fs, 00

 

Apéritifs Mourmelon                                                                           

10fs, 00

 

Pharmacie (suppositoires et lame Gillette)

17fs, 50

12 oct.

 

 

 

13 oct.

Café avec Le Touche

4fs, 00

19fs, 60

Etain

Avec Oscar

5fs, 60

Coiffeur

4fs, 00

Apéritifs le soir

6fs, 00

14 oct.

 

 

 

15 oct.

Café et cartes postales Étain

12fs, 00

185fs, 00

 

Payé pour popote

173fs, 00

16 oct.

Coiffeur

2fs, 75

10fs, 75

 

Apéritifs

8fs, 00

17 oct.

Verres à Verdun avec Le Touche et Renard

 

15fs, 00

18 oct.

Apéritifs à Verdun (5)

 

19fs, 00

19 oct.

Payé popote 190fs, 00 + 100fs, 00

290fs, 00

295fs, 00

 

Coupe cheveux

5fs, 00

20 oct.

Cahiers et cartes postales

9fs, 20

14fs, 20

 

journal

0f, 50

 

Verre avec Cholet

4fs, 50

21 oct.

Carte Michelin

6fs, 00

68fs, 60

 

Verre à dents

1f, 50

 

Caleçon

28fs, 50

 

20 timbres à 0f, 40

8fs, 00

 

12 cartes postales

1f, 80

 

Cahier

1f, 50

 

Savon pour la Cie

10fs, 00

 

Verres à ??

6fs, 80

 

2 apéritifs (caserne)

4fs, 50

 

A REPORTER

 

785fs, 80

 

REPORT

 

785fs, 80

22 oct.

apéritifs

 

6fs, 50

23 oct.

Cartes postales

7fs, 20

12fs, 20

 

Pourboire visite du fort de Vaux

5fs, 00

24 oct.

20 timbres à 0fs, 40

 

8fs, 00

25 oct.

2 cahiers et 100 titres de permission

 

8fs, 30

26 oct.

Peigne de poche

5fs, 00

158fs, 25

 

6 cartes postales

2fs, 00

 

Musette

12fs, 00

 

Paire de chaussons

27fs, 50

 

Acompte popote

100fs, 00

 

Apéritifs (4)

11fs, 75

27 oct.

 

 

 

28 oct.

Cadenas

5fs, 00

21fs, 50

 

Anneau pour clefs

0f, 80

 

20 timbres à 0fs, 40

8fs, 00

 

6 cartes postales

2fs, 40

 

12 cartes postales

4fs, 80

 

journal

0f, 50

29 oct.

Lavage linge

10fs, 00

26fs, 50

 

apéritifs

16fs, 50

30 oct.

Journaux et apéritifs

 

11fs, 00

31 oct.

 

Apéritifs

Journal

Chemise kaki

10fs, 00

0f, 50

60fs, 00

70fs, 50

TOTAL

 

1081fs,85

 

 

 

Compte du mois d’octobre

En caisse au 1er octobre

3650fs, 00

Dépenses

1081fs, 85

Reste

2568fs, 15

Reçu solde d’octobre

  +    4031fs, 60

En caisse au 1er novembre

6599fs, 75

 

Novembre 1939 : Meuse - Verdun puis Marville, ferme de Haut Bois, Le duel aérien : La maladie des chevaux Le coup de folie d’un soldat

Mercredi 1er novembre : Verdun

Aujourd’hui, seule la corvée de l’Arsenal doit travailler : les hommes ayant la liberté d’assister aux offices religieux.

Le temps ce matin c’est mis à la pluie décidément, il ne peut pas y avoir 2 jours de beau temps successifs.

Jeudi 2 novembre :

Vendredi 3 novembre :

Samedi 4 novembre :

Dimanche 5 novembre :

Lundi 6 novembre :

Mardi 7 novembre

Mercredi 8 novembre

Il n’y a rien d’écrit à ces dates

Jeudi 9 novembre : Verdun

Préparatifs au départ qui doit avoir lieu demain matin.

La section de Chevert que je vais prévenir à 7h ½ rentre à Verdun à 14h après avoir été relevée par une section de la 1ère Cie.

 

Cet après-midi, je vais à Verdun faire quelques achats  car il est probable qu’à Marville nous trouvions peu de choses chez les commerçants.

Vendredi 10 novembre : Départ pour Marville

Lever à 5h. Rassemblement à 7h ½.

 

Les camions arrivent à 8h moins le quart. L’embarquement commence aussitôt.

24 hommes par camion. Le plus difficile à charger c’est la roulante.

Enfin tout se passe  pour le mieux et nous partons à 8h ¼.

Le capitaine Labbé et moi nous nous trouvons dans une belle 402 avec un s/s lieutenant du train, chef de convoi.

Voyage sans incident.

 

Arrivée à Marville à 10h ½.

Il faut d’abord répartir les cantonnements entre les sections et leur installation a lieu cet après-midi. Marville n’est pas  un beau pays, vieilles maisons, rues sales, fumier devant les portes. Nous n’avons pas gagné au change.

Pour moi j’ai trouvé une jolie chambre avec un bon lit.

Samedi 11 novembre : Marville, ferme de Choppey

Pour l’anniversaire de l’Armistice, il y a seulement un défilé d’une Cie du 115ème RI devant le monument aux morts de Marville, défilé auquel assistent seulement officiers et s/s-officiers ainsi que les enfants  d’écoles.

 

A 9 heures, nous allons Labbé, Le Cann, Guillain & moi avec un capitaine du 57ème RIC reconnaitre  les travaux que les hommes auront à faire d’ici une quinzaine de jours.

Ce travail consiste  à creuser des tranchées anti-char.

Ces tranchées  ont été commencées par le 412ème RP que nous avons relevé mais n’étant pas assez large il faut leur donner les dimensions  suivantes :

 

Croquis issu du carnet

 

Ce travail à lieu près de la ferme de Chopé (*) à environ 2 km d’ici. Pour s’y  il faut emprunter un chemin plein de boue, mais où les hommes travailleront  le terrain est assez sec. Au-dessous d’une couche de terre d’environ 30 cm d’épaisseur se trouve une sorte de pierre calcaire assez dure et s’en allant par plaques.

Les hommes devront  travailler tous les jours  quel que soit le temps. Le travail presse car on craint une attaque allemande par la Belgique.

Si cela se produisait, nous serions aux premières loges.

Le travail doit  commencer demain  matin. 3h ½ du matin - 3h ½ de l’après-midi. Le repas du midi devant être pris sur place.

 

(*) : Ferme de Choppey

Dimanche 12 novembre : Marville

Réveil à 5h ½. Départ 7h moins le quart.

Distribution pelles & pioches au Kaiser Hans. Arrivée sur le chantier à 8h mois le quart. Répartition du travail entre les 2 compagnies, puis entre les sections.

 

Repas du midi pour les hommes à la ferme Choppey à 11h ½.

 

Reprise du travail à 13h jusqu’à 17h, car aujourd’hui dimanche le travail cesse ½ heure plus tôt.

Alors que les pionniers sont au travail, les hommes  du 115ème RI et ceux du 7ème d’Artillerie se promènent dans Marville et ne font rien.

Lundi 13 novembre : Marville, ferme de Choppey

Continuation du travail.

Ce matin, je reste à Marville à m’occuper de la Cie.

A 8h, le commandant Lecacheur arrive de Verdun pour voir notre installation. D’après une note du major de la place, nous devrons prendre la garde 2 jours sur 5, mais le Ct Lecacheur répond à cette note par un refus catégorique.

 

Cet après-midi, je vais sur les lieux du travail et nous avons la visite du colonel du 57ème RIC qui est chargé du plan de défense du secteur. Il est accompagné du capitaine Gilbert que nous avions vu le 11 novembre au matin, et qui nous avait montré les travaux  à exécuter.

Ce capitaine Gilbert est un fils du fameux banquier d’Avranches dont la faillite a atteint tant de petites gens dans la Manche. (*)

 

(*) : Son père Hippolyte GILBERT (petit-fils du fondateur), va diriger la banque GILBERT pendant quarante ans, jusqu’en 1926. La petite affaire des débuts fait alors place à un grand établissement occupant une quarantaine d’employés, disposant d’une vingtaine de succursales dans l’Ouest, de filiales en Bretagne et d’une trentaine de bureaux dans la Manche.

Hippolyte GILBERT s’intéresse aux grands travaux de la région. Il est le principal financier de la construction du barrage de la Sélune. Après sa mort, la banque avranchinaise périclite aussi vite qu’elle a grandi. Elle cesse son activité en 1930, Elle entraîne dans sa chute beaucoup de petits porteurs.

Mardi 14 novembre : Marville, ferme de Choppey

Même travail qu’hier, à la Cie  il y a environ 125 travailleurs. Le temps est passable mais pour aller au lieu du travail le chemin est affreux, la boue est excessivement glissante et les chutes sont nombreuses.

Malgré la difficulté du travail (le sous-sol  est du roc, pierre grisâtre qui se détache  par gros blocs en couches parallèles de 15 à 30 cm d’épaisseur) Il faut utiliser  les barres à mine, les pics à tête et les pointerolles.

Je vais avec la 2ème Cie le matin.

Le lieutenant Guillain de la 2ème  Cie y va l’après-midi.

Mercredi 15 novembre : Marville, ferme de Choppey

Rassemblement comme d’habitude à 7h moins le quart pour être arrivé à 7h ½ sur le lieu du travail aussi je me lève à 6h moins le quart.

Le temps passable ce matin, est très mauvais cet après-midi si bien que les hommes ne peuvent travailler & doivent rester à la ferme de Choppey.

Pendant l’après-midi je vais avec le capitaine Labbé voir l’ossuaire St Hilaire à 300m de la localité sur une petite colline, dans le cimetière de Marville.

Dans cet ossuaire 4000 cranes sont entassés sur les 3 côtés de l’ossuaire et c’est une curiosité de Marville. On ne sait d’ailleurs d’où proviennent ces ossements, car on n’a jamais trouvé trace de cet ossuaire dans les archives. Au centre du cimetière se trouve la chapelle St Hilaire, classée par les Beaux-Arts ainsi d’ailleurs que plusieurs monuments du cimetière.

Marville est une ancienne ville espagnole dont bon nombre de maisons sont classées comme monuments historiques.

Jeudi 16 novembre : Marville, ferme de Choppey

Continuation du même travail ; cette fois c’est Guillain qui emmène la 2ème Cie  le matin et moi j’y vais l’après-midi.

Pour la 3ème Cie le travail est presque terminé, et plusieurs équipes  commencent le camouflage  de la tranchée avec des épines et autres branches.

 

Nous avons, cet après-midi, la visite du colonel de la 57ème RIC accompagné du capitaine Gilbert. Ces messieurs se montrent satisfaits du travail fourni par les hommes.

Vendredi 17 novembre : Marville, ferme de Choppey

La Cie va encore ce matin à la ferme Choppey achever le travail.

 

Le matin en rentrant, nous apprenons que le lieutenant Le Cann est rappelé à Verdun aussi nous n’allons plus être que 4 à la popote.

Labbé, Guillain, le Dr Provost & moi.

 

Cet après-midi, ma Cie va au travail près des casernes St Jean pour étayer à 5m et approfondir à 1m80 des tranchées anti-char creusées par la 412ème  RP.

Le village de St Jean est séparé de Marville par la rivière l’Othain qui en ce moment est en crue et alors que Marville se trouve dans le département de la Meuse, St Jean se trouve dans la Meurthe & Moselle (arrondissement de Briey)

Samedi 18 novembre : Marville, ferme de Choppey

La Cie va ainsi qu’hier au travail à St Jean, alors que la 3ème Cie achève le travail près de la ferme de Choppey.

Alors qu’à Choppey, les hommes mangeaient à la ferme, à St Jean, ils reviennent manger au cantonnement car il y a, à peine, un quart d’heure de marche pour se rendre au travail.

 

Le soir nous apprenons que les permissions vont commencer. Le 1er départ aura lieu demain, à la date d’après-demain, mais le nombre des départs sera bien faible au début (1 homme par Cie et par jour)

Pour la Cie c’est le sergent comptable Jeanne qui partira le 1er étant arrivé le 1er au corps.

D’autre part le Cdt Lecacheur a fait savoir au capitaine Labbé, qui commande le bataillon, qu’un renfort de 15 officiers est annoncé par le régt. et que le 1er bataillon en recevra 4.

Nous serons donc maintenant 2 officiers par Cie et par suite, j’aurais certainement un peu plus de liberté, car jusqu’alors il me fallait aller au travail & même temps m’occuper de l’administration de la Cie, si bien que c’est à peine s’y j’avais le temps d’écrire.

Dimanche 19 novembre : Marville

1er départ en permission

Les hommes ont repos ce matin afin de leur permettre de laver leur linge et de nettoyer leurs armes.

 

Cette nuit, il a fait un vent terrible qui ne cesse pas de la journée, si bien que c’est avec peine que l’on marche dans la rue. La pluie va certainement tombée après un vent pareil.

1er départ en permission : Jeanno sergt. comptable part à 9h ½ avec le vaguemestre.

Pendant son absence il faudra que je veille sérieusement aux pièces à fournir, ainsi qu’à la comptabilité (situation administrative, feuilles de prêt etc..) car je n’ai pas confiance dans le travail de Cholet.

La pluie commençait à tomber ce midi, les hommes ne vont pas au travail.

L’après-midi, sera employé au nettoyage des armes.

Je profite de ces moments de liberté pour écrire à l’inspection académique au comptoir des escomptes de Paris & à Berthe ainsi qu’à mettre mon carnet à jour.

A quand mon départ en permission ?

Le capitaine Launay part aujourd’hui à la date de demain. (*)

 

(*) : Il triche ! Pour gagner une journée… Le faisait-il pour ces hommes ?

Lundi 20 novembre : Marville

Renard René, clairon, part en permission.

Continuation du travail comme vendredi près des casernes St Jean.

Le matin, je reste au bureau de la Cie où j’établi la situation administrative du 19 nov., car je ne puis me méfier à Cholet qui n’est guère courageux au travail et j’aurais trop peur que de nombreuses erreurs se produisent.

Le temps se maintient à peu près dans la matinée mais ce midi  nous essuyons encore une forte averse.

 

L’après-midi, je vais avec le Cdt au travail.

La besogne est moins dure qu’à Choppey car la pierre est loin d’être aussi résistante.

Le planton Leboucher de la Cie qui est très débrouillard a réussi à se procurer par l’intéressé ….. des types du 115ème, du tabac belge qui lui revient à peu près à moitié prix du notre.

Marville est une localité plutôt sale avec ses rues boueuses et ses tas de fumiers devant les portes.

Quelques maisons brulées par les allemands en 1914 n’ont pas été reconstruites et le long des rangées de maisons on voit de place en place des murs croulants et des tas de décombres ce qui n’embellie guère la localité.

Mardi 21 novembre : Marville

Hyacinthe René part en permission.

Si l’allure des départs des permissionnaires ne s’accentue pas, les derniers  sur le tour de départ ne sont pas près de partir.

Au bataillon, un seul officier : Launay est parti d’hier matin.

Comme nous sommes une dizaine et que je suis peut être le dernier de la liste, mon tour est encore bien loin. (Ce sera peut-être pour la fin février).

Ce qui est dégoutant c’est de voir les injustices commises.

Ainsi les lieutenants Staub & Guillain qui sont arrivés à Granville le 6 sept, veille de notre départ et après avoir été employés à la réquisition des chevaux depuis le 24 août, ont vu leur jour d’arrivée au corps reporté au 24 août et partiront dans les premiers ce qui à mon avis est complètement injuste, mais voilà le Lt Staub est officier adjoint près du colonel.

 

Toute la journée la Cie continue son travail sur la pente S.E du plateau de St Jean. Le travail étant plus facile qu’à Choppey, il avance assez rapidement.

Cet après-midi, l’instituteur de St Jean vient avec ses élèves non loin d’où nous sommes.

(Après-midi consacré aux jeux & sports).

 

(*) : St Jean-les-Longuyon, tout à côté de Marville

Mercredi 22 novembre : Marville

Le sergent-chef bataillonnard part en permission.

Ce s/s off est dans le civil vicaire à Granville et est natif de St Clair-sur-l’Elle.

 

Ce matin, la température s’est bien refroidie et il a gelée assez fort. C’est un avantage car au moins il n’y a pas de boue.

Mais le soleil fait un peu dégeler la terre et cet après-midi la boue colle aux chaussures. Cette terre argileuse adhère fortement aux pieds et il ne fait pas bon marcher dans cette boue glissante.

Les chevaux sont toujours malades. Un cheval blanc du bataillon est bien mal en point et pourrait bien être mort demain matin. C’est une véritable épidémie (typhoïde dit le vétérinaire).

Le temps étant clair, nous voyons passer quelques avions (français, anglais & allemands)

Jeudi 23 novembre : Le duel aérien

Sausse Jules, caporal d’ordinaire, part en permission ce matin. J’ai hâte qu’il soit rentré car c’est un bon caporal d’ordinaire.

 

Ce matin, la gelée continue et le sol est bien sec. Sur le plateau de St Jean une brise froide nous glace. Le soleil se montre à regret si bien qu’à l’ombre il ne dégèle pas.

Alors que la Cie était au travail, le cycliste vient chercher le Sgt Gastel pour qu’il parte en permission ainsi que Brouard, conducteur. Cela fait 3 départs pour la Cie aujourd’hui.

 

Plusieurs équipes de la Cie terminent leur chantier dans la journée et, cet après-midi, elles se mettent à faire un travail analogue au bout de la tranchée où elles étaient employées.

 

Ce soir, alors que nous étions à table, le motocycliste du bataillon Montagne et le conducteur de la sanitaire de retour de Verdun où ils étaient allés porter les permissionnaires, viennent à la popote nous raconter comment à l’aller ils ont fait 3 aviateurs allemands prisonniers.

Ayant suivi des yeux un combat rapide entre 1 avion de bombardement allemand et 2 avions de chasse français, ils ont vu le premier s’abattre à environ 800 m de la route.

Aussitôt ils ont arrêté leur voiture et courant à travers champs Montagne est arrivé juste au moment où les 3 aviateurs allemands sortaient de la carlingue  (un seul était légèrement blessé à l’arcade sourcilière. Les 3 Allemands se sont aussitôt rendus.

D’autres soldats et q.q officiers étant arrivés sur les lieux ont emmené les prisonniers.

Vendredi 24 novembre : La maladie des chevaux

Le caporal Vautard Roger part en permission.

 

Ce matin la gelé persiste et il y a une croûte de 5 cm de terre au moins qui est gelée.

La Cie continue son travail sur le plateau St Jean. Comme à Chopé (*) il y a du roc au-dessous de la terre végétale mais ce roc est beaucoup moins dure qu’à Chopé. (*)

Le temps, toute la journée, reste brumeux & froid mais je préfère ce froid sec à la pluie.

 

Malheureusement ce soir, un changement de temps est à craindre. Est-ce la pluie ou la neige qui va venir ?

Les chevaux de la Cie sont toujours malades, 4 surtouts sont atteints. Le vétérinaire (lieutenant) vient les voir tous les matins mais comme le major pour les hommes, il manque de médicaments pour pouvoir les soigner efficacement.

(Un cheval du bataillon est mort ce matin, et il est fort probable que d’autres vont suivre, je me demande comment nous ferions s’il nous fallait quitter Marville.)

Un commandant vétérinaire doit venir demain voir ces chevaux malades. Ce qui est bizarre c’est que les chevaux du pays ne sont pas atteints.

 

(*) : Ferme de Choppey

Samedi 25 novembre : Marville

Le caporal Briavoine Omar rentre de convalescence il y a 2 jours repart en permission de détente.

Le cuisinier D…IE Léon part également. 5 hommes de la Cie partent pour Épernay (professions rares) où ils vont avoir à subir des essais. Ce sont le caporal Perchat, et les soldats Lietta Camille, Lefevre René, MoRin

Le départ de Lietta n’est pas à regretter, car c’est un type  qui n’est jamais satisfait et qui a mauvais esprit. Par contre je regrette le départ du caporal Perchat et de Morin.

 

Aujourd’hui, le capitaine Labbé est allé à Verdun où le commandant réunit les chefs de bataillons à 15h.

En rentrant du travail à 11h ¼, je trouve une note du commandant m’ordonnant d’infliger 2 jours d’arrêts simples au comptable de la Cie (Cholet) pour négligence dans son service.

Ce comptable a dû omettre de mentionner le n° de la Cie  sur le titre de permission.

Ce matin, la neige couvrait le sol mais la température s’était radoucie, elle fond rapidement et fait place à une boue particulièrement adhérente aux chaussures.

Dimanche 26 novembre : Marville - Le coup de folie d’un soldat

Horel Alfred  de Pont-Hebert & Dalmont Ludovic de Camisy partant en permission de détente.

Perraot Yves part pour Épernay.

 

Cette nuit, le vent a recommencé à souffler par rafales comme dimanche dernier et le matin la pluie se met à tomber, heureusement aujourd‘hui c’est repos pour les hommes.

Les chevaux de la Cie ne sont guère en meilleur état, le gros noir surtout. A la 2ème Cie 2 chevaux sont mort dans la matinée.

 

Hier soir, un  homme de la 2ème Cie a fait l’imbécile.

Rentrant éméché au cantonnement il a pris son fusil, y a glissé 2 cartouches et mettant en joue ses camarades a tiré. Heureusement un caporal la ceinturé à temps et a fait dévier le coup, la balle est allée s’enfoncer en terre.

Conséquence : Voilà un type qui est en prison et qui probablement va passer aux compagnies de disciplinaires.

 

Cet après-midi, la 2ème & 3ème Cie vont aux douches au camp de St Jean.

Le temps est affreux, la pluie glaciale poussée par le vent cingle le visage et le retour à Marville face au vent est vraiment pénible.

Le Major Provost partie dimanche dernier en permission de 3 jours, n’est pas encore de retour.

Lundi 27 novembre : Marville

BAR…Y Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : 1.gifde la 4ème section, père de 4 enfants vivants est mis en route pour le dépôt où il va être démobilisé. La Cie perd en lui un bon soldat.

Ce matin, malgré le vent et la pluie qui tombe en crachin serré, la Cie va au travail. Il ne fait pas bon sur le plateau de St Jean où le vent et la pluie font rage. Les capotes et les vareuses sont traversées et lorsque nous rentrons pour 10h ½, les hommes sont en triste état. Avec un temps pareil, le travail n’avance pas vite, la boue colle aux bêches comme du mastic.

Aujourd’hui 5 hommes partent en permission. Ce sont le sergt. Yon, le caporal MAILLA ( ?) et les soldats Mordret, Le Luyer et ?. Maintenant ils doivent partir par Montmédy au lieu de partir par Verdun.

 

Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : 1.gif

 

Arrivez-vous à déchiffrer le nom après Capl.  ?

 

 

Cet après-midi, le temps ne s’étant pas amélioré, la Cie reste au cantonnement.

Les chevaux de la Cie n’ont pas l’air d’être plus mal et il aurait peut-être une amélioration dans l’état de certains d’entre eux, mais ils sont encore loin d’être garantis.

Le 57ème RIC qui dirigeait nos travaux a du embarquer cette nuit et nous ne savons sous les ordres de qui nous allons nous trouver.

Mardi 28 novembre : Marville

Après le temps épouvantable de cette nuit, il ne pleut pas ce matin et la Cie va au travail. La rivière l’Othain est en crue et déborde dans les champs voisins.

5 hommes de la Cie partent en permission ce soir, se sont Decorde Capl, Vaugeois, RAnGUE…, Bourdon & Le Touche.

Le commandant Lecacheur doit partir samedi prochain pour le mariage de sa fille en même temps que le Lieutenant Poirret.

A l’occasion du mariage de Melle Lecacheur, les officiers du régiment, se conformant à l’usage, se cotisèrent pour lui acheter un petit cadeau.

 

Nous avons reçu des ordres pour modifier le travail que nous avons fait, il nous faut maintenant porter la profondeur de la tranchée à 3m. Ce ne sera pas un petit travail surtout à Chopé (*) où il faudra creuser dans le roc.

 

Cet après-midi, alors que la compagnie est au travail, nous recevons une forte averse, si bien que de nouveau les hommes sont mouillés. Quel sale temps !

Tous les jours il tombe de l’eau et il faut continuellement patauger dans la boue.

 

(*) : Ferme de Choppey

Mercredi 29 novembre : Marville

Le temps aujourd’hui se remet à la pluie. Il bruine très fort. Comme la Cie était partie au travail ce matin à 7h et que j’étais resté au bureau de la Cie pour établir avec Cholet les situations administratives depuis le 20 novembre, je vais la rechercher à 9h ½ et les hommes rentrent complètement mouillés.

Comme la pluie ne cesse pas ce midi, les hommes restent l’après-midi au cantonnement.

 

Les permissions de détente sont arrêtées au régiment et ne doivent reprendre que le 5 décembre.

Le commandant Lecacheur qui commande le régiment doit partir demain en permission ainsi que le Lieutenant de détail Poirier.

Les chevaux de la Cie sont en légère amélioration. Pendant un moment on pensait les perdre à peu près tous. (2 sont crevés à la 2ème Cie, 1 au bataillon)

 

Ce soir, le soldat Trouzé qui est employé au bureau de la Cie reçoit 2 dépêches, l’une lui annonçant l’état grave de son père et la 2ème la mort. Une permission exceptionnelle de 3 jours lui a été accordée à laquelle sera probablement ajoutée sa permission de détente.

Jeudi 30 novembre

Il n’y a rien d’écrit à cette date.

 

 

Dépenses novembre 1939

 

1er novembre

2 apéritifs (midi)

6fs, 50

19fs, 00

 

4 apéritifs (soir)

12fs, 50

2 novembre

Pile pour lampe

4fs, 00

31fs, 25

 

Bloc-notes

4fs, 50

 

Cravate

13fs, 00

 

apéritif

9fs, 75

3 novembre

Coiffeur

11fs, 50

43fs, 50

 

Cahier pour Cie

7fs, 00

 

Boîte plumes

15fs, 00

 

apéritifs

10fs, 00

4 novembre

Colle gup fix

4fs, 50

35fs, 60

 

Plumes rondes + gomme

3fs, 00

 

Règle + chemise

3fs, 10

 

Paire de chaussettes

25fs, 00

5 novembre

Dépenses au café

 

30fs, 00

6 novembre

Apéritifs

 

9fs, 50

7 novembre

Popote

218fs, 20

245fs, 95

 

Bloc notes

4fs, 50

 

Carnet agenda 1940 (*)

23fs, 25

8 novembre                                     

Apéritifs

7fs, 00

48fs, 00

 

Photographies

15fs, 00

 

Lavage linge

6fs, 00

 

Donné à l’ordonnance

20fs, 00

9 novembre

Gants

45fs, 00

109fs, 00

 

Bandes molletières

49fs, 00

 

apéritifs

15fs, 00

10 novembre

popote

 

35fs, 00

11 novembre

Cirage

2fs, 50

4fs, 00

 

ampoule

1fs, 50

12 novembre

 

 

 

13 novembre

 

 

 

14 novembre

Perte au bridge

 

6fs, 35

15 novembre

Payé pour la popote

 

100fs, 00

16 novembre

Double - m

 

8fs, 00

17 novembre

Journal et ficelle

 

0fs, 85

18 novembre

Journal

0f, 50

173fs, 50

 

Popote (120fs, 00 d’avance)

173fs, 00

19 novembre

Journal

 

0f, 50

20 novembre

Journal

 

0f, 50

21 novembre

 

 

 

22 novembre

Journal

 

0f, 50

23 novembre

Journal

 

0f, 50

24 novembre

 

 

 

 

 

 

 

 

A REPORTER

 

901fs, 50

 

REPORT

 

901fs, 50

25 novembre

1 décimètre à ruban

35fs, 00

38fs, 50

 

Papier à lettres

3fs, 00

 

Journal

0f, 50

26 novembre

Journal

 

0f, 50

27 novembre

Journal

 

0f, 50

28 novembre

Journal

 

0f, 50

29 novembre

Journal

 

0f, 50

30 novembre

2 journaux

 

1f, 00

 

TOTAL

 

943fs, 00

 

 

(*) : Il s’agit évidemment du carnet-agenda que l’on retrouve pour ses écrits de 1940.

 

 

Compte du mois de novembre

En caisse au 1er novembre

6599fs, 75

Dépenses

943fs, 00

Reste

5656fs, 75

Reçu solde de novembre

+  4001fs, 60

En caisse au 1er décembre

9657fs, 35

 

Décembre 1939 Marville, l’ordre secret, Brandeville puis Montmédy

Vendredi 1er décembre : Marville

Quoique le temps reste maussade, la Cie va au travail toute la journée.

Le ciel est brumeux mais heureusement il ne tombe pas d’eau.

Le travail n’avance pas vite car les hommes travaillent dans le roc et les outils nécessaires (pieds à tête, barre à mine font défaut).

Le commandant Lecacheur est parti en permission depuis hier soir. Il a pris sa perm à ce moment pour lui permettre  d’assister au mariage de sa fille.

 

Cet après-midi, nous avons la visite d’un colonel vétérinaire qui est venu voir les chevaux du bataillon. Il ne nous apprend d’ailleurs rien de nouveau et sa visite est un peu tardive car à part 2 ou 3 chevaux, les autres vont beaucoup mieux.

Ce matin, le major termine sa visite d’incorporation pour les hommes de la Cie. 7 d’entre eux. Le Capl Cavart et les soldats Hubert Robert, Caillard (le cycliste de la Cie), Charlot Pierre (le coiffeur), Cousin Louis, Bandu Victor, Vandromme André sont proposés pour la réforme T ou D (*), un autre soldat Fauvel est proposé pour le S.X. (**)

Tous ces hommes doivent partir demain matin pour passer devant la commission de Réforme.

 

(*) : Temporaire ou Définitive.

(**) : ?  Un lecteur aurait il une réponse à suggérer ?  >>>> M’écrire ici  <<<<

Samedi 2 décembre : Marville

Ce matin, la Cie va au travail (continuation du travail d’hier)

Nous avons la visite du capitaine Lobut, qui commande provisoirement le régiment, accompagné du Lt  Taule. Ces messieurs restent à manger avec nous.

 

Le temps l’après-midi se gâte de nouveau, et alors que les hommes sont au travail, il vient une très forte averse (eau & grêle).

 

Ce soir, le capitaine Labbé m’apprend que lundi prochain ma Cie fait mouvement, il a reçu dans la soirée un coup de téléphone, mais il ne se rappelle pas des localités où nous devons aller.

L’E.M (*) du bataillon va rester à Marville avec la  2ème Cie.

J’ai appris en mangeant ce midi, que le Lt Guillon, en effet est arrivé au 446ème RP le 16 septembre veille de notre départ de Granville après avoir été employé à partir du 24 août à la réquisition des chevaux et à mon avis ce temps du 24 août au 16 septembre n’aurait pas dû compter comme séjour au corps.

 

(*) : État-major

Dimanche 3 décembre : Marville, l’ordre secret

Je reçois d’un motocycliste un ordre secret concernant le mouvement que la Cie doit  faire demain 4 décembre. Des camions prendront la Cie vers 11h pour emmener 2 sections + le service de commandement à Montmédy, 1 section à Chauvency-le-Château (environ 4 km de Montmédy) et l’autre section à Margut à environ 14 km de Montmédy. La Cie va être ainsi dispersée  et la liaison va être encore plus difficile.

Cet ordre reçu, je vais à Montmédy avec le capitaine Labbé.

Là, je vois le commandant de la Place (*) afin qu’il trouve un cantonnement pour les 2 sections restant à Montmédy, elles devront être logées à la ville haute dans des casemates. Pour moi je ne sais s’il pourra trouver une chambre (il y a parait-il plus de 200 officiers à Montmédy).

Nous n’avons pas le temps d’aller jusqu’à Margut et à Chauvency-le-Château.

 

Cet après-midi, douches pour la Cie et préparatifs au mouvement de demain. (Chargement des voitures etc...etc...)

 

Ce soir, 2 espions habillés en civil sont signalés à la place de Marville. Poursuivis depuis Flassigny, ils ont réussis à disparaitre dans les bois.

 

(*) : La Place forte de Montmédy

Lundi 4 décembre : Marville – Le départ raté

Ce matin le travail ne manque pas. Aussitôt après le jus, les hommes bottèlent la paille qui peut être bottelée et en remplissant une voiture à gerbes du bataillon.

Les voitures (2 voitures de la Cie, le fourgon et la charrette remplis de paille) quittent Marville vers 10h ½.

La Cie rassemblée vers 11h ½ et embarque dans les camions arrivés en temps voulu.

Les camions sont prêts à partir lorsqu’un coup de téléphone du lieutenant Staub prévient le capitaine Labbé qu’il ferait bien de téléphoner à la 2ème armée pour avoir confirmation du mouvement ordonné par le CA.

 

Le capitaine Labbé reçoit aussitôt l’ordre d’arrêter le mouvement ; il ne reste plus alors qu’à faire descendre les hommes des camions et ils ne tardent pas à rejoindre leurs cantonnements. Il faut ensuite avec le sanitaire courir après les voitures pour leur faire faire demi-tour, elles étaient déjà arrivées à Iré-le-sec.

Il faut encore aller jusqu’à Montmédy et à Chauvency-le-Château rechercher le sergent MON… et le soldat Durant qui se matin étaient partis des 7 heures de Marville pour préparer les cantonnements.

 

Autre coup de théâtre.

A 6h ½, alors que nous étions tranquillement à table, un planton du bureau du bataillon vient me chercher à la porte pour aller au téléphone.

Là, je reçois un message téléphonique de la 2ème armée m’annonçant que la 3ème Cie du 446 RP devait demain matin faire mouvement par camions afin d’arriver avant midi à Brandeville.

Une demi-heure après un second message du Lieutenant du train-auto qui était venu ce matin avec le convoi  auto m’annonce qu’il sera à Marville à 9h ½. Il est probable que cette fois-ci sera la bonne et que demain soir je coucherais à Brandeville.

Mardi 5 décembre : Arrivée à Brandeville

Pas de contre ordre, aussi ce matin embarquement dans les mêmes camions qu’hier et départ de Marville à 10h, arrivée à Brandeville à 11h ½.

J’avais envoyé à l’avance le sergent MO.... et un homme pour préparer le cantonnement, mais Brandeville était occupé par l’artillerie (118ème de Bordeaux), il est très difficile de trouver à loger les hommes.

Enfin nous arrivons à les caser tous pour 15 h. Les chevaux eux sont logés dans une ferme distante d’un bon km de Brandeville.

 

Brandeville est une petite localité de 400 habitants environ, entourée de bois : c’est une bourgade très sale où comme dans toute la Meuse, la rue principale est bordée de tas de fumier. J’ai encore la chance de trouver une chambre propre chez O Gérard et d’être invité à la popote des artilleurs.

Le 118ème d’artillerie est à Brandeville depuis 1 mois ½, il doit ce long séjour au mauvais état de ses chevaux qui tous ont eu ou ont la typhose.

Il en crève en moyenne 2 à 3 tous les jours et ils en ont déjà perdu plus d’un cent, si bien qu’il  leur serait impossible de faire mouvement en ce moment, car leur chevaux seraient incapable d’enlever leurs pièces.

Mercredi 6 décembre : Brandeville

Conformément à la note, la vie doit aller se ravitailler à Aincreville.

Aussi ce matin  à 8h je profite d’une auto du 118ème d’Artillerie qui va à Aincreville pour m’y rendre et m’entendre avec l’Intendant.

Notre arrivée était annoncée à l’intendance qui se tenait prête à ravitailler un bataillon et non une Cie.

Une voiture de Cie avec Jeanso, le chef comptable, partie à 8h ½ de Brandeville arrive à Aincreville à 11h ½ (j’étais retourné au-devant d’elle avec la voiture des artilleurs.

 

Nous touchons avec des bons provisoires du pain, du pain & des petits pois, mais pour la viande, il faudrait aller  à Vilosne, à ? de Dun ce qui est impossible avec une voiture hippo, ainsi après un léger repas pris dans un café d’Aincreville.

 

Nous revenons à Brandeville. Le cheval qui tire la voiture va être bien fatigué ce soir car la route est très glissante & très accidentée.

En rentrant à Brandeville j’apprends que de nouveau la Cie doit faire mouvement demain matin et aller à Montmédy, c’était bien la peine d’annuler le 1er ordre.

Je téléphone au lieutenant du train-auto qui doit nous emporter, ainsi qu’au capitaine LABBÉ à Marville. Je fais ensuite le compte rendu de l’installation du cantonnement à Brandeville pour l’envoyer au chef du bataillon.

 7 décembre : Brandeville puis Montmédy

Ce matin, il faut recharger les voitures de Cie, faire botteler un peu de paille par les hommes et nettoyer les cantonnements.

 

À 8h ½, départ des voitures hippo pour Montmédy avec le caporal SAUSSEY Jules.

 

À 7h, le sergent BOURGEOIS est parti en bicyclette pour aller d’accord avec le major de cantonnement de Montmédy, préparer les locaux que la Cie doit occuper.

Embarquement de la Cie en camion à 9h ½.

Départ de Brandeville à 10h.

Nous quittons ce pays sans regret, car jusqu’ici c’est le plus mauvais cantonnement que nous ayons eu.

Avant d’arriver à Montmédy, je file en avant avec le lieutenant du train-auto pour voir où en est la préparation des cantonnements. La Cie doit cantonner à la citadelle ou après bien des recherches nous réussissons à joindre le major de cantonnement.

Les hommes sont logés dans des casemates sous terre, peut-être un peu froides, mais bien closes. Le malheur c’est qu’ils vont manquer de paille ; ils ne vont pas avoir chaud cette nuit ! J’espère bien que demain ils en toucheront.

Compte rendu de l’installation du cantonnement

Je suis invité à manger à la popote du 618e RP dont 2 compagnies se trouvent elles aussi à la Citadelle. Ce sont des gens de Bordeaux ou des environs, bons camarades, pleins d’entrain, mais peut-être pour certains, un peu bavards.

Parmi eux se trouvent 2 instituteurs, MM LAMBERT & ESCARTEFIGUE, tous deux excellents camarades.

 

Ce soir, j’ai la visite du major PROVOST venu ici pour la visite et qui passe la nuit à Montmédy, nous trouvons 2 chambres chez le même propriétaire.

Temps très médiocre.

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Vendredi 8 décembre : Montmédy

Aujourd’hui les hommes ne vont pas au travail et la journée se passe à l’installation des cantonnements.

J’ai ce matin la visite du capitaine LABBÉ venu de Marville où il doit rester ainsi que la 2e Cie, les bruits qui couraient au sujet de leur déplacement n’ayant pas été confirmés.

  Peu à peu les permissionnaires rentrent à la Cie et tous les jours il en part 4, si cela continue, cela ira assez vite tout au moins en ce qui concerne les hommes.

Je mange toujours avec les officiers du 618e RP. Ma chambre où je couche est loin d’être bonne ; il y fait plutôt froid et le lit n’est pas bon, ce n’est pas la chambre que j’avais à Marville, chambre excessivement propre, au lit excellent.

Pour la liaison téléphonique avec le chef de bataillon, j’emprunte le téléphone du 618e RP dont l’indicatif est 121.

 

La journée se passe à courir d’un endroit à l’autre pour l’aménagement des cantonnements, et le soir je suis bien fatigué.

Pour monter à la ville haute, la route est excessivement à pic et il y a près de 2 kilomètres.

Samedi 9 décembre : Montmédy - ouvrage de Thonnelle

J’ai ce matin la visite du capitaine LABBÉ accompagné du major. Heureusement hier soir, la Cie a touché 18 balles de paille qui ont été les bienvenus, car il n’est pas agréable ni sain de coucher sur le ciment.

 

Ce matin, la Cie va au travail à la gare, 75 hommes pour la Cie. Le travail consiste en la manipulation de matériaux de bétonnage (gravier, laitier, sacs de ciment, planches) et aussi rails de Decauville. (*)

Alors que vers 2h je descendais en ville, je suis invité par les officiers du 618e à visiter avec eux l’ouvrage de Thonnelle, plus important qu’un blockhaus ordinaire.

C’est un capitaine du 155e RIT qui nous le fait visiter. Cet ouvrage comprend 4 blocks armés chacun de 4 mitrailleuses, d’1 canon de 25 anti-chars et dans 2 blocks il y a un canon de 47.

Dans cet ouvrage il y a environ 200 hommes dont le ravitaillement est assuré pendant plus d’un mois. Il s’enfonce à plus de 30m sous terre, la cuisine est faite à l’électricité, c’est en bas que se trouve le poste de commandement. L’ouvrage est aéré par de l’air extérieur filtré.

La situation de cet ouvrage est bien choisie, il bat le terrain sur plus de 5 km en amont ainsi qu’à droite & à gauche.

 

(*) : Les Decauville sont des petits trains à voie étroite très utilisés pour le transport des munitions et matériels divers. D’une petite taille, ils étaient utilisés, parfois, au front jusqu’aux secondes lignes.

Dimanche 10 décembre : Romagne

Ce matin, la Cie va au travail (50 hommes la matinée et 60 l’après-midi). Le temps est épouvantable, la pluie ne cesse pas de tomber à verse.

 

À 9h, je pars avec le capitaine LABBÉ et le major PROVOST avec le petit camion Renault conduit par BR…… pour aller à Romagne s/s Montfaucon où se trouve la 1e Cie.

Le bourg de Romagne est assez joli, maisons …. et rue bien tenue, mais là se trouve seulement le bureau de la Cie car les hommes sont cantonnés dans les bois à 4 et 5 km du bourg et le capitaine LAUNAY est logé dans une grande ferme isolée ; sa chambre est d’ailleurs très bien, mais les hommes sont bien mal, car leurs gourbis sont inondés.

 

Retour à Marville par Brandeville, Louppy et Jametz.

J’apprends que la 2e Cie doit faire mouvement demain et aller à Lamouilly à une douzaine de km de Montmédy, il est probable alors que l’E.M. du bataillon viendra à Montmédy.

A Marville la 3e Cie a été remplacé par la 5e (lieutenant De ST VICTOR). Il aurait été aussi simple d’y laisser la 3e Cie, mais ce qui est simple et logique n’est pas militaire.

Retour à 8h ½, du soir à Montmédy avec la sanitaire. (*)

 

(*) : La voiture sanitaire.

Lundi 11 décembre : Montmédy

La Cie va entièrement au travail (80 hommes). Cette manipulation des matériaux de bétonnage est excessivement pénible, surtout la manipulation des sacs de ciment, cette poudre de ciment pénètre en effet les habits qui seront à ce ??? vite brûlés ainsi d’ailleurs que les chaussures.

 

Cet après-midi, la 2e Cie fait mouvement pour aller à Lamouilly et l’état-major du bataillon vient à Montmédy. Nous allons être ici maintenant 3 officiers du bataillon (LABBÉ, PROVOST & moi) mais nous allons continuer pendant quelques jours à manger à la popote du 618e.

Tout l’après-midi, je suis occupé à trouver le cantonnement, hommes & chevaux pour l’E.M. du bataillon et ce n’est pas chose facile, car à la citadelle tout est plein.

L’E.M. du bataillon n’arrive à Montmédy qu’à la nuit aussi l’installation n’en est que plus difficile.

La sanitaire qui était allée à Lamouilly (où va être cantonnée la 2e Cie) reste en panne aussi ne sachant ce dont il s’agissait le major PROVOST emprunte une voiture au 618e RP pour aller voir ce qu’il y avait de travers ; heureusement ce n’était qu’une panne.

Cette sanitaire est en effet une très vieille voiture, marque « Unic » qui ne résistera plus longtemps.

J’apprends qu’hier soir entre Montmédy et Marville un soldat rentrant de permission a été tué par une voiture sanitaire qui ne s’est même pas arrêtée.

Mardi 12 décembre : Montmédy

Le temps s’est mis au froid ; le vent souffle de l’est et en descendant de la Citadelle il ne fait pas chaud. La cie va à la gare (même travail que de coutume).

Tous les jours depuis le 5 décembre, il part 4 permissionnaires à la Cie. Si cette cadence continue régulièrement les hommes seront bientôt tous allés en permission.

Malheureusement, cette cadence est beaucoup moins rapide en ce qui concerne les officiers.

C’est aujourd’hui que doit rentrer le commandant LECACHEUR et le lieutenant POIRIER doit rentrer le 14. Peut-être que l’officier de détails du bataillon viendra lui aussi à Montmédy !

Ce serait d’ailleurs sa place plutôt que de rester avec l’E.M. du régiment.

Mercredi 13 décembre : Montmédy

Le temps se maintient au sec, heureusement pour les hommes car s’il pleuvait la manipulation des sacs de ciment serait encore plus pénible.

C’est aujourd’hui que doit rentrer le commandant LECACHEUR et après-demain l’officier de détails, le lieutenant POIRIER.

Les lieutenants LE CANN & GUILLAIN voient également leurs permissions s’abréger.

Quand donc sera-ce mon tour ?

Les hommes partis en permission rentrent régulièrement seul LE LUYER, qui aurait dû normalement rentrer hier, est encore absent.

Toute la Cie va encore au travail, 60 hommes environ, même travail que de coutume.

Les hommes fournissent à la gare un travail vraiment pénible, ils manœuvrent chaque jour de 140 à 150 tonnes de matériaux et leur rendement est deux fois plus élevé que celui des Espagnols qui étaient là avant eux.

Mais ils commencent à en avoir marre, et ils rentrent le soir bien fatigués. Il parait qu’à Lamouilly la 2e Cie est très mal cantonnée, les hommes couchent dans des appartements où il pleut comme dehors.

Jeudi 14 décembre : Montmédy

Temps toujours couvert, laissant prévoir une chute de neige, ainsi que les habitants du pays l’annoncent. D’ailleurs depuis hier, il en vole quelques flocons de temps à autre. La température s’est un peu radoucie, et le vent froid de l’est est beaucoup moins fort. Le principal c’est qu’il ne pleuve pas.

Si la neige tombait en abondance, je me demande comment se ferait le ravitaillement avec les mauvais véhicules dont dispose le bataillon. Ce ne serait pas un petit problème.

 

Cet après-midi, je vais voir les hommes de la Cie au travail. Ceux qui travaillent au ciment sont gris de poussière (habits, visage & cou). L’adjudant du génie qui les commande est toujours sur leur dos, et va leur laisser pas un moment de répit.

Seize hommes ne rentrent à la Citadelle qu’à cinq heures du soir.

 

Cet après-midi, le capitaine LABBÉ va à Lamouilly avec le docteur voir le cantonnement de la 2e Cie qui est pitoyable.

Vendredi 15 décembre : Montmédy

Même travail pour la Cie.

Le temps reste au sec froid et il commence à geler. Enfin les hommes sont plus heureux par ce sec froid que sous la pluie.

Aujourd’hui, nous avons la visite du Lieutenant POIRRIER entre de permission.

L’état-major du régiment a quitté Verdun pour aller à Bréhéville. Maintenant tout l’état-major du bataillon viendra à Montmédy, ce sera plus facile pour nous au point de vue ravitaillement et à la place de manger à la popote du 618e nous ferons popote à part.

  Nous aurons pour nous loger à partir de dimanche prochain une maison entière située rue du chemin. Dans cette maison logent actuellement des officiers de chars d’assaut qui doivent quitter Montmédy dimanche matin. Je dirai adieu sans regret à la chambre dont je dispose en ce moment, car le lit est franchement mauvais.

Dans la maison qui va nous être attribué, nous pourrons également installer notre popote et alors ce sera parfait.

J’ai adressé ce jour une lettre au colonel afin de connaître mon tour de départ en permission, ainsi que la date approximative de ce départ ; j’espère que cette date n’est plus maintenant très éloignée.

Samedi 16 décembre : Montmédy

Même travail pour la Cie. Les hommes employés à la manipulation des sacs de ciment sont à plaindre. Les sacs sont aux trois quarts crevés et les hommes sont littéralement couverts de ciment. (*)

Le temps se maintient au froid sec et la terre est gelée. Il ne fait pas chaud dans ma chambre et j’ai hâte de la quitter.

 

Par le vaguemestre je reçois ce matin 11h, le tour de départ en permission pour les officiers qui n’y sont pas encore allés.

D’après cette note je dois partir le 5 janvier ; je vais pouvoir maintenant prévenir de la date probable de mon arrivée. En prenant le train dans la nuit vers 5h du matin je dois pouvoir être à Paris vers 9h, je passerai la journée à Paris et prendrai le train dans la soirée afin d’arriver le 6 au matin à Chef-du-Pont.

Ainsi donc encore une vingtaine de jours et je pourrai embrasser toute la famille.

 

Demain, nous devons avoir la visite du commandant LECACHEUR ainsi que du lieutenant STAUB & du capitaine DELAUNAY du 2e bataillon. Comme il ne nous est pas possible d’imposer 4 convives de plus à la popote du 618e nous mangerons demain au restaurant, et comme ensuite nous aurons notre popote à nous, nous disons adieu aux officiers du 618e qui nous avaient réservé un excellent accueil à leur table.

 

(*) : La constitution du béton n’a pas dû être terrible ! On pourrait d’ailleurs le vérifier sur place, car le bunker existe toujours. Nous le verrons dans son carnet de 1940

Dimanche 17

Ce matin, comme une vingtaine d’hommes de la Cie doivent se rendre sur le chantier sous le prétexte qu’ils avaient quitté le travail trop tôt hier soir (15h ½). Si les hommes avaient ainsi quitté le travail c’était sur l’invitation des conducteurs de camions, caporal en tête qui d’ailleurs les avaient rapportés à la Citadelle.

Mais une fois arrivés à la gare ce matin, l’adjudant a dû les renvoyer faute de camions. Aussi aujourd’hui, journée de repos pour la Cie.

 

À 11h à la Citadelle, nous voyons arriver le Cdt LECACHEUR accompagné du lieutenant STAUB, ainsi que du capitaine DELAUNAY. Le commandant visite les cantonnements de la Cie et reste avec ses suiveurs à manger avec nous.

Comme nous ne pouvons pas imposer la présence de 4 nouveaux (LECACHEUR, DELAUNAY, STAUB & POIRRIER) à la popote du 618e nous mangeons dans un restaurant de la ville.

Le Cdt, aujourd’hui, est très aimable, il doit être satisfait du cadeau que les officiers du régt ont fait à sa fille à l’occasion de son mariage.

Le lieutenant POIRRIER restera maintenant à Montmédy avec l’E.M. du bataillon qu’il n’aurait d’ailleurs jamais dû quitter (il était resté à Verdun alors que le chef de bataillon était à Marville).

 

Ce soir, nous mangeons encore au restaurant.

Lundi 18 décembre : Montmédy, 17 de la rue de Chiny

Hier, j’ai quitté ma chambre pour aller de l’autre côté de la rue au n° 17 de la rue de Chiny (*) où les officiers du bataillon vont pouvoir loger et faire leur popote. Je n’ai pas perdu au change car la chambre que j’occupe maintenant est beaucoup plus confortable que celle que j’occupais.

Cette maison était occupée par 2 vieilles demoiselles qui ont quitté Montmédy au début des hostilités pour aller dans les Charentes. Cette maison est très bien et ce doit être bien triste d’être obligé d’abandonner ainsi son logis pour aller vivre au milieu d’étrangers. Avant de quitter Montmédy, ces demoiselles avaient remis la clef de leur maison à la place pour permettre d’y loger des officiers.

Les meubles sont superbes et fermés à clef pour la plupart mais dans les placards on trouve toute sorte de denrées, pots de confitures, sucre, chocolat. Toute la vaisselle est à la disposition des occupants. Les habitants de ces pays proches de la frontière sont vraiment à plaindre !

 

Aujourd’hui le temps est le même qu’hier. Il gèle mais le temps reste brumeux toute la journée.

La Cie va à la gare, même travail que précédemment. Cependant l’adjudant du génie a l’air moins exigeant.

 

(*) : Cette maison existe toujours et est habitée. Elle est visible sur google map.

Si le propriétaire actuel désire la page original du carnet où Ferdinand la décrit, qu’il me contacte >>> ici <<<

Mardi 19 décembre : Montmédy-Verdun-Montmédy

Même temps qu’hier.

Après être monté à la Citadelle voir la Cie je vais à Verdun dans la sanitaire avec le major et le cal d’ordonnance de la Cie dans le but d’acheter quelques légumes et une barrique de vin.

En allant nous passons par Bréhéville où se trouve le Cdt LECACHEUR qui devait signer certaines pièces du toubib. Le Cdt se montre charmant et donne à PROVOST son titre de permission de détente (PROVOST devant partir cette nuit).

 

Nous arrivons à Verdun à 11h20, et nous allons au marché couvert.

Là avec SAUSSEY, nous nous empressons d’acheter quelques poireaux, carottes, navets mais PROVOST étant en possession de son titre de permission et désirant prendre le train à Montmédy à 14h, a hâte de repartir.

Bousculés de la sorte il nous est impossible de faire les achats prévus et c’est tout juste si nous avons le temps d’acheter une barrique de vin qui nous revient avec le fût estimé 100f à 106f50.

Nous repartons de Verdun à 11h45 ayant resté juste 25 m en ville. Je ne suis pas près d’y retourner avec PROVOST car je n’aime pas être bousculé de la sorte.

 

Rentré à Montmédy à 13h ¼.

Temps toujours sec et brumeux. La nuit il gèle assez fort les routes sont glissantes.

Mercredi 20 décembre : Montmédy

Hier soir, vers 21h un homme de la Cie HUVEY Lucien (2e classe) s’est fracturé la jambe en glissant sur l’aire en ciment de la casemate. Il a été transporté à l’hôpital auxiliaire de Montmédy.

Ce matin, je vais à cet hôpital vers 8h ½ pour le voir, mais il venait d’être évacué sur l’hôpital de Jametz avec comme diagnostic « fracture simple du tibia et du péroné légèrement au dessus de la cheville ».

Ce pauvre diable en a pour 3 mois au minimum.

Aujourd’hui, il fait vraiment beau, le temps est sec mais le ciel s’est dégagé et le soleil brille cela fait plaisir (il y avait si longtemps qu’on ne l’avait pas vu !).

La Cie travaille toujours à la gare, mais certaines équipes accompagnent les camions jusqu’à Thonnelle où les matériaux de bétonnage sont maintenant transportés. Le travail est beaucoup moins dur qu’au début et les hommes y trouvent un répit appréciable.

 

Je vais cet après-midi, à la place pour connaître le jour où il serait possible pour la Cie de prendre des douches. Ce jour est fixé à samedi prochain mais la Cie devra payer le charbon nécessaire au chauffage de l’eau.

Depuis hier nous prenons nos repas dans la maison que nous habitons et où nous sommes confortablement installés.

Jeudi 21 décembre : Montmédy

Le temps se maintient au beau sec.

Les journaux signalent des concentrations de troupes allemandes sur les frontières hollandaise, belge & luxembourgeoise, HITLER serait décidé à tenter la grande aventure, essayant, par une occupation du territoire hollandais de compenser les échecs successifs de sa marine (cuirassé de poche Graf von Spee qui s’est fait couler au large de Montevideo plutôt que d’essayer de lutter contre ses adversaires, croiseurs coulés par des sous-marins britanniques, paquebot Columbus se coulant lui-même etc !!)

 

Oui cela ne va pas tarder à barder et la tranquillité relative dont nous jouissons pourrait être bientôt terminée. (*)

Ce matin je dois faire un rapport concernant l’accident survenu le 19 dans la soirée à HUVEY Lucien.

Le temps continue d’être beau sec, mais ce ciel clair laisse prévoir une période de forte gelée ; dès 3h ½ l’après-midi la température fraîchit et il commence à geler de nouveau.

 

Aujourd’hui une voiture à cheval va à Marville chercher 500kg de pommes de terre. Nous ne les payons que 50 f les 10 kg à la place de 75f à Montmédy, c’est une économie appréciable pour la Cie.

 

Ce soir, 3 permissions sur 5 …..sagées  sont signées par le Cdt LECACHEUR.

 

(*) : Il faudra attendre tout de même encore 5 mois !

Vendredi 22 décembre : Montmédy – Le gâchis

Le froid est de plus en plus vif et ce matin il fait certainement -10°.

Heureusement il ne fait pas de vent, aussi c’est supportable.

 

Cet après-midi, je vais avec le capitaine LABBÉ dans les camions chargés de ciment à l’est de Marville où les hommes de la Cie doivent les décharger.

Là je vois la construction du blockhaus pour canons de 75. Le béton est fait par des machines et coule dans un coffrage en bois. Ce sont des pionniers du 618e qui manipulent le béton et ils ont un dur travail à faire. Le travail n’arrête pas, 3 équipes se relayant toutes les 8 heures. La quantité de ciment employé est considérable, mais il y en a aussi des quantités considérables de perdus, un grand nombre de sacs en papier qui contiennent ce ciment étant crevés.

Quel gâchis tout de même !

 

Tout près je visite un block presque terminé où sont installés 2 pièces de 75 et où peuvent se loger également quelques mitrailleuses & fusils mitrailleur. Nous pouvons voir les rails anti-chars.

 

Au retour, à la place de repasser par Marville nous passons par Charency et nous suivons sur 2 km la frontière belge en passant par Velosnes. Malheureusement il fait à peu près nuit et nous ne pouvons rien voir.

Au retour j’apprends qu’un homme de la Cie s’est trouvé malade cet après-midi avec 39°7 de fièvre, aussi je monte à la Citadelle où j’apprends que c’est HOREL Alfred de Pont-Hébert et qu’il a été transporté à l’hôpital où je vois le lieutenant major qui ausculte HOREL devant moi, la fièvre est d’ailleurs tombée à 37°5 et il est probable que cela ne sera pas grave.

 

Au bureau des entrées de l’hôpital, je vois un soldat à moitié scalpé, une plaque de cuir chevelu large comme la main pendant sur le côté de la tête (suite d’accident d’auto) les infirmiers étaient en train de lui laver la plaie pour raser ensuite la périphérie. Ce ne doit pas non plus être grave, la plaie n’étant que superficielle et le crâne n’ayant pas été atteint.

Samedi 23 décembre : Montmédy

Temps toujours au sec froid. Cette nuit il a gelé très fort au moins -10°.

 

Ce matin, douches pour la moitié de la Cie et travail pour l’autre moitié, cet après-midi, c’est l’inverse.

D’après les renseignements venus de l’intendance, l’État ferait les frais de quelques douceurs pour les soldats à l’occasion des fêtes de Noël et du jour de l’an.

  Le 25 décembre et le 1er janvier chaque homme doit recevoir en effet un cigare, une orange, une tranche de jambon plus une bouteille de champagne pour 4 ou pour 5. Décidemment l’État se met en frais pour nous !

 

A partir de ce soir les permissions vont être suspendues pour les hommes jusqu’au 30.

Pourvu qu’il n’en soit pas de même pour les officiers, car je pourrais voir la date de mon départ en permission reculée !

Le jour de Noël le Cdt LECACHEUR doit venir manger avec nous ainsi que les Cdt de Cie du 1er bataillon (LAUNAY, GUILLAN & LE CANN).

Voilà déjà plus de 2 semaines que nous sommes à Montmédy et il est fort possible que notre séjour ici se termine bientôt.

Dimanche 24 décembre : Montmédy

Ce matin, la Cie, devant aller au travail, se rend à la gare à 7h ½.

Là, l’adjudant du génie n’ayant pu avoir des camions à sa disposition, s’est vu dans l’obligation de libérer la Cie qui, de la sorte, va avoir repos aujourd’hui et demain.

D’après les bruits qui courent au régiment, il y aurait des promotions d’officiers au jour de l’an.

En tête le commandant LECACHEUR serait promu Lieutenant-colonel. Les capitaines LEBAT & DELAUNAY seraient promus commandants. LEBAT en particulier est capitaine depuis 1914 et DELAUNAY depuis 14 ans.

En plus les lieutenants STAUB, GUILLAIN & POIRRIER seraient promus capitaines.

Demain jour de Noël, nous devons recevoir à notre popote. Le Cdt LECACHEUR ainsi que les 5 commandants de Cie qui ne sont pas à Montmédy c'est-à-dire : LAUNAY de la 1e, GUILLAIN de la 2e & LE CANN de la 4e qui remplace en ce moment MONGODIN en permission.

Pour moi cette permission ne va plus tarder longtemps. Encore 12 jours et je serai en route.

 

Temps toujours froid mais aujourd’hui le ciel est bouché, la brume étant très épaisse.

Lundi 25 décembre : Montmédy

Jour de Noël aux Armées.

Chaque Cie reçoit 4 colis provenant de la S.N.B.M pour être distribués aux soldats indigents. Je donne le plus gros à JEANNE Émile.

 

Cette nuit, la gelée a redoublé et le brouillard d’hier s’est déposé en givre sur les arbres qui ce matin ont un aspect vraiment féérique les sapins et les arbres sur les flancs de la colline où se trouve la citadelle sont merveilleux à voir. C’est bien la nature comme on arrive à la représenter un jour de Noël.

 

Ce midi, les hommes reçoivent une bouteille de champagne pour 4, une mandarine et un cigare, une tranche de pâté chacun et de plus la ration de vin est doublée (1 l pour la journée au lieu d’un ½ l).

Ce midi, nous avons à notre table le Cdt LECACHEUR, LAUNAY, GUILLAIN & LE CANN. Le Cdt me rassure en ce qui me concerne : le départ en perm des officiers qui lui n’est pas arrêté, si bien que je dois partir le 5 janvier.

 

Pendant que ce soir nous faisions (LABBÉ, POIRRIER, JOSSERAN & moi) une partie de bridge, le sergent-chef ROMMAND vient me rendre compte qu’il y a eu bagarre ce soir à la Cie entre hommes ivres ; aussi je monte à la Citadelle où je trouve BAUMGARTNER au poste de police ; ce type a dû se battre avec SAUZÉ et il porte les traces d’un coup de poing sur la bouche. Ce BAUMGARTNER, forain dans le civil est bon soldat à jeun, mais, lorsqu’il est noir, il devient batailleur.

Je trouve aussi les sergents MONCE et GASTEL ivres-morts. GASTEL a le nez endommagé, c’est un type qui est neurasthénique et à la folie de la persécution, il se figure que tout le monde lui en veut.

 

Je prépare au Bau de la Cie 3 motifs de punition pour BAUMGARTNER et les 2 sergents, et une fois redescendu à la popote je vais retrouver le capitaine LABBÉ au Bau du bataillon où une petite fête de Noël a été préparée.

Je reste là environ 1 heure.

Mardi 26 décembre : Montmédy

Lever à 5h ½, car je veux retourner à la citadelle avant le départ des hommes au travail.

Je fais sortir BAUMGARTNER du Poste et lui fais la morale. Je l’emmène avec moi au Bau de la Cie où je fais venir SAUZE et je les réconcilie. Il me déplaisait en effet de porter un jour de Noël un motif grave de punition.

  Je fais venir ensuite les sergents MONCE et GASTEL que je réprimande sévèrement, mais eux aussi bénéficient de l’amnistie accordée à BAUMGARTNER. Ce dernier me promet formellement de ne plus boire et de ne plus proférer de menaces à l’égard de ses camarades.

Aujourd’hui le givre est aussi abondant qu’hier et les routes qui conduisent à la citadelle sont impraticables, j’en fais l’expérience moi-même car en descendant au carrefour de la route de la gare je m’étale sur la route.

 

Cet après-midi, il dégèle légèrement et le givre tombe en partie des arbres mais si par malheur il gèle cette nuit, il sera impossible de se déplacer sur les routes.

Déjà aujourd’hui de nombreuses autos se sont embouties sur des arbres, ou les unes sur les autres.

Je vais vers 3 heures voir les hommes de la Cie au travail à la gare.

Mercredi 27 décembre : Montmédy

Cette nuit, la gelée s’est de nouveau fait sentir et ce matin, les routes recouvertes de verglas sont impraticables.

Le temps qui était brumeux ces jours derniers s’est éclairci et le soleil brille ce matin.

BATAILLONNARD m’apprend qu’un fait regrettable s’est encore passé hier à la Cie. Un des meilleurs soldats de la Cie LEFÈVRE Kléber aurait volé une bouteille de Raphaël à un débitant de Montmédy Haut.

Ce pauvre LEFÈVRE était ivre et ce serait un camarade qui lui aurait mis cette bouteille dans une de ses poches.

Décidemment les cas d’ivresse sont de plus en plus fréquents mais ce qu’il y a de plus regrettable c’est qu’étant ivres, des hommes commettent des actes répréhensibles.

 

Vers onze heures, le temps se couvre de nouveau.

 

Ce midi, le planton du Bau vient m’apporter un télégramme qui me donne un moment d’émotion mais ce télégramme concerne seulement un des hommes de la Cie LANGLOIS Marcel actuellement en permission de détente et qui ayant un frère décédé, demande qu’une permission de 3 jours soit jointe à sa permission de détente.

Réponse négative d’ailleurs car ce LANGLOIS avait déjà eu une permission de 3 jours de Marville pour maladie de ce frère.

 

Dès 15h ½, la température s’abaisse et il recommence à geler, aussi les routes seront encore sûrement impraticables demain.

Jeudi 28 décembre : Montmédy

Il a encore gelé cette nuit et il est tombé du grésil, si bien que la terre est blanche et les routes très glissantes.

Après être allé à la citadelle je vais à la gare où travaillent toujours les hommes et je vais avec un camion au block 25, où sont déchargés le sable, le ciment et le laitier embarqués dans les camions à la gare.

Je vois à la gare le sergent GASTEL qui doit faire de la neurasthénie et a la manie de la persécution, il croit que tout le monde lui en veut, s’il continue je serai obligé de la faire consulter par le médecin.

La neige commence à tomber ce matin mais cela ne dure pas. Le froid est toujours vif.

 

Ce soir, un homme de la 4e Cie est pris de crachements de sang et veut se tirer une balle dans la tête, ses camardes sont obligés de le désarmer, il est ramené à Montmédy par la voiture de ravitaillement et le docteur le fait hospitaliser.

Ce midi j’ai reçu le colis que ma Berthe m’a envoyé, ainsi que celui qu’Émile a confié à CORBLIN Marius qui rentre de permission du Havre.

Vendredi 29 décembre : Montmédy

Froid toujours très vif et routes impraticables pour les chevaux. Le ciel est plus clair aussi il est fort probable que la gelée va augmenter.

C’est aujourd’hui que les permissions doivent reprendre mais à une cadence moins rapide que précédemment (2 ou 3 par jour).

Le capitaine LABBÉ qui commande le bataillon doit partir en permission exceptionnelle demain matin et il doit rentrer le 4 dans la soirée.

Le lieutenant de détails POIRIER doit lui aussi aller à Paris pour le jour de l’an, si bien que je serai seul avec le major JOSSERAN à Montmédy pendant les fêtes du Nouvel an.

La Cie est toujours employée au même travail (manipulation de matériaux de bétonnage à la gare).

Aujourd’hui un nouvel homme quitte la Cie pour être dirigé à Cherbourg et de là être envoyé dans ses foyers : c’est DANET Etienne qui vient d’avoir un 4e héritier.

C’est aujourd’hui qu’Alphonse (*) passe devant le conseil de révision. A l’heure où j’écris (15h ½) il est certainement renseigné sur les résultats.

 

(*) : Alphonse est le fils de Ferdinand et Berthe. Ils ont certainement donné le prénom d’Aphonse à leur enfant en souvenir d’Alphonse GILLETTE, le frère de Ferdinand, tué dans le secteur d’Arras en mars 1915. Ferdinand a été très affecté par la mort de son frère.

Samedi 30 décembre : Montmédy

Cette nuit la gelée a redoublé et il fait certes – 15°. Toutes les vitres des fenêtres des chambres sont couvertes de givre et ce matin le vent est glacial.

Le capitaine LABBÉ est partir par le train de 4h48 ce matin en permission exceptionnelle de 3 jours, il ne doit rentrer que le 4 janvier soir. Il part juste à un moment où sa présence serait utile car les véhicules du bataillon sont à peu près tous en panne.

Il ne reste que la bemo et la sanitaire et il est fort probable qu’elles ne vont pas durer longtemps, aussi je me demande bien comment va s’effectuer le ravitaillement du bataillon.

 

Ce midi, l’officier de détails du bataillon POIRIER part lui aussi en perm à Paris et cela à l’insu du commandant LECACHEUR ; en voilà un au moins qui ne se fait pas de bile ! Comme le Cdt LECACHEUR est lui aussi en permission, le nombre des officiers présents au jour de l’an est plutôt réduit.

Le malheur au régiment c’est qu’il y a même parmi les officiers trop de je m’enfoutistes, aussi tout va de plus en plus mal.

Il parait qu’à Wiseppe la température est descendue à -24°.

 

Cet après-midi, les arbres et les champs se couvrent de givre et la nuit s’annonce encore très froide.

Dimanche 31 décembre : Montmédy

Cette nuit, il a neigé un peu et ce matin les routes sont très glissantes. Je suis levé à 6h pour voir à 7h si les camions (bemo et sanitaire) peuvent démarrer pour aller la 1e chercher de la paille et la seconde du ravitaillement.

 

Aujourd’hui la Cie devrait avoir repos mais à 10h moins 10 un camion du génie est venu à la citadelle chercher les hommes pour le travail à la gare.

Comme il était absurde d’envoyer les hommes travailler à 10h ¼ pour remonter à 11h moins le quart, mais il est bien entendu qu’ils auront repos demain.

Les malades sont de plus en plus nombreux, hier 2 ont été hospitalisés (BUFFARD & PINCON).

Aujourd’hui, c’est 4 autres qui également partent pour l’hôpital (DRIEU, VERSAL, HUET, TRÉBOUILLE) c’est certainement le commencement d’une épidémie de grippe, car tous ces malades ont beaucoup de fièvre.

Le froid aujourd’hui est un peu moins vif qu’hier, mais il ne dégèle pas et les routes continuent d’être impraticables.

 

Ce soir, je vais avec la voiture au ravitaillement, … à la 4e & à la 1e Cie pour inviter LE CANN & LAUNAY pour demain 1er janvier. J’ai envoyé par le Cal …… l’invitation à GUILLAIN (2e Cie) à Lamouilly, la voiture n’y passant pas.

Au retour il se produit dans la transmission de la bemo un cliquetis désagréable et il est fort probable que demain la Bemo sera comme la Renault et l’Unic, dans l’impossibilité de marcher.

Vivement le retour du capitaine LABBÉ, car je crains fort que d’ici très peu de jours le ravitaillement soit impossible.

 

DEPENSES DECEMBRE 1939

 

Ø  1er décembre

ü  Coupe de cheveux 3fs, 50

ü  Journal 0f, 50

Ø  2 décembre

ü  Journal 0f, 50

Ø  3 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Donné à ?? Donfils 100fs, 00

Ø  4 décembre

ü  Lavage linge et donné à mon ordonnance 35fs, 00

Ø  5 décembre

ü  Pile pour lampe de poche 4fs, 50

ü  Payé paille pour les hommes 27fs, 00

Ø  6 décembre

ü  Aincreville payé repas 12fs, 00

ü  Popote artilleurs 30fs, 00

Ø  7 décembre

ü  Payé paille Brandeville 9fs, 00

ü  Popote 618ème R. ?? 18fs, 00

Ø  8 décembre

ü  Donné pour chambre Brandeville 10fs, 00

ü  Payé à Marville dégâts 4ème section 200fs, 00

ü  Popote (618ème) journée 18fs, 00

Ø  9 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  15fs, 50

ü  Pattes  bretelles 5fs, 00

ü  2 insignes 153ème R.I.F. 10fs, 00

Ø  10 décembre

Ø  11 décembre

ü  Sirop 20fs, 80

ü  Apéritifs  13fs, 00

ü  Papier à lettres et cartes 10fs, 50

ü  Popote 618ème (2 jours) 36fs, 00

Ø  12 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Timbres poste 4fs, 00

ü  Popote 18fs, 00

Ø  13 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Popote 18fs, 00

Ø  14 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Popote 18fs, 00

Ø  15 décembre

ü  Versé à POIRRIER pour careau fille du commandant 76fs, 00

ü  Popote 18fs, 00

Ø  16 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Popote 18fs, 00

ü  Apéritifs  13fs, 00

Ø  17 décembre

ü  Journal  0f, 50

ü  Payé pour lavage linge et donné ordonnance 30fs, 00

Ø  18 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Apéritifs  7fs, 00

ü  Payé repas au restaurant hier et aujourd’hui 54fs, 00

Ø  19 décembre

ü  Compte en retard popote Marville 220fs, 00

ü  Tabac 10 paquets à 0f, 70 7fs, 00

ü  Cigarettes 10 paquets à 0f, 90 9fs, 00

ü  Versé pour pourboire popote 618ème  5fs, 00

ü  A Verdun bloc-notes 19fs, 50

ü  Peintre pour cantine 30fs, 00

Ø  20 décembre

ü  Malette 30fs, 00

ü  Apéritifs 8fs, 50

Ø  21 décembre

Ø  22 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Apéritifs 3fs, 50

Ø  23 décembre

ü  Journal

Ø  24 décembre

ü  Apéritifs 4fs, 00

ü  Journal 0f, 50

Ø  25 décembre

Ø  26 décembre

ü  Journal 0fs, 50

ü  Apéritifs 3fs, 50

Ø  27 décembre

ü  Journal 0f, 50

ü  Apéritifs 12fs, 50

Ø  28 décembre

ü  Lavage linge

ü  5fs, 25 Pourboire ordonnance en tout 10fs, 00

ü  Apéritifs 7fs, 00

Ø  29 décembre

ü  2 journaux 1f, 00

ü  Apéritifs 6fs, 50

ü  Contribution pour soldats nécessiteux 25fs, 00

Ø  30 décembre

ü  Apéritifs 6fs, 00

ü  Journal 0f, 50

Ø  31 décembre

ü  Versé pour ½ l de vin supplément par homme 300fs, 00

 

TOTAL

1557fs, 05

 

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