Mise à jour : octobre
2020
Georges
GRAUX du 135e régiment d’infanterie.
« En navigant sur votre site, je me suis
décidée à transcrire les quelques lettres que ma grand-mère avaient conservées
de son père officier supérieur mort en 1915 en l’agrémentant d’extrait de récit
et des photos de famille. Alors je me permets de vous envoyer le résultat et
d’en faire profiter les internautes.
Toutes mes félicitations pour votre site des
plus documentés avec une navigation des plus aisée.
Cordialement »
Sophie S.
Prélude
Georges GRAUX est né à Rennes le 6 juin 1860. Il a la vocation militaire, entre à St Cyr (1881 – 1883), promotion « Égypte » et sort dans l’infanterie. En 1889 il est détaché au service géographique de l’armée pour établir des levers topographiques en Algérie et réalise en parallèle un album de photographies.
Puis Amiens, St Nazaire au 65e d’infanterie, capitaine au 41e à Reims, Major à Sedan au 147e, chef de bataillon au 88e d’Auch.
Georges est lieutenant-colonel au 135e d’Angers au début de la guerre.
Nota :
Ce récit peut être mis en
relation avec deux autres témoignages de soldats du même régiment :
Marcel JAILLET,
sergent au 135e régiment d’infanterie : Ici.
Henri ROCHEREAU,
caporal au 135e régiment d’infanterie : Ici.
« Ma chère
petite Marcelle,
Je te remercie bien
de ta gentille lettre qui m’a fait grand plaisir. Je suis très content que la
vareuse que ta maman t’a achetée te fasse plaisir et t’aille bien. Teuteur va être magnifique et ici, pour le 14 juillet, il a
la croupe quadrillée, il va faire crever la jalousie les autres chevaux de
fantassins.
Au revoir, à samedi
soir, ma chère petite fille ; je t’embrasse de tout mon cœur.
Ton papa qui t’aime
bien tendrement. »
« Ma chère petite
Marcelle,
Je n’ai plus qu’une
seule feuille de papier qui me sera nécessaire demain pour écrire à ta maman.
Aussi ne t’étonne pas si je t’envoie un vilain bout de papier.
J’espère que la
maîtresse que t’enverra Monsieur le Curé te plaira mieux que Melle CAPIN et que
vous n’aurez plus d’aigreurs ensemble. De son côté, je suis certain qu’elle
sera contente de toi, parce que tu travailles bien et que tu es une bonne
petite fille, intelligente et douce.
Nous verrons la
procession dimanche prochain sans nous déranger ; mais comment faudra-t-il
décorer la maison ? Mr le Curé a dû le dire.
Embrasse pour moi ta
maman et Renée et à bientôt ma chère petite fille.
Ton papa qui t’aime
bien tendrement. »
En 1914, le colonel DE
BAZELAIRE commande le 135ème régiment d’infanterie, entièrement composé de
Bretons et d’Angevins. Le lieutenant-colonel GRAUX est son second, le capitaine
PONS adjoint au colonel et le lieutenant HURAULT chargé des détails.
Le régiment est composé
d’un état-major et de 3 bataillons chacun composé de 4 compagnies. Soit un
total de 185 sous-officiers, 3138 caporaux et soldats accompagnés de 194
chevaux et mulets
Le régiment fait partie
de la 18ème division du général LEFÈVRE et de l’IIème armée.
Le régiment quitte
Angers pour l’Est le 5 août 1914, soit deux jours après la déclaration de la
guerre de l’Allemagne à la France. Il débarque en Lorraine dans la région de
Pont-Saint Vincent avec la 18eme division d’infanterie à laquelle il
appartient. En suit une série de marche et de déplacements vers la Belgique,
Nancy, Charleroi, puis Sedan.
Composition
de l’état-major du 135e régiment d’infanterie au 5 août 1914 (JMO)
« Rien de
nouveau : tout va toujours très bien – santé excellente – Beau temps. Mais
obligation de mettre toutes les lettres ouvertes.
Bons baisers à
toutes trois. »
Le régiment se trouve à Neuves-Maisons près de Nancy.
« Je suis
obligé d’envoyer mes lettres ouvertes, ce qui m’empêche de te dire bien des
choses.
Je suis en excellente
santé ainsi que le colonel et tous les officiers du Régiment. Personne ici
n’a encore reçu de nouvelles d’Angers ; mais un postier m’a affirmé que
nous en aurions demain, un gros paquet venant d’arriver. J’ai hâte de savoir
comment vous supportez les grosses chaleurs (*)
que nous subissons ces temps-ci.
Je suis toujours
employé comme chef des trains régimentaires de la 18e division (**) : c’est une mission difficile et assommante,
mais où je ne cours aucun danger, puisque je me trouve presque tout le temps à
10 ou 15 kilomètres en arrière des troupes. N’aie donc aucune inquiétude
pour moi ; c’est comme les manœuvres, fatigantes à cause de la
chaleur. Je ne sais combien de temps encore j’assurerai ce service.
Je t’ai écrit
plusieurs fois, surtout au début ; je ne sais si tu as reçu mes lettres.
Je n’ai pu et ne pourrai sans doute te télégraphier, mais le service postal va,
dit-on commencer à fonctionner régulièrement.
Si vous souffrez
trop de la chaleur, il faudra aller chez Berthe (***),
quitte à revenir à Angers plus tard. J’ai dormi hier dans un excellent lit que
je compte retrouver ce soir : cela repose bien. Nous mangeons très
convenablement et l’appétit est excellent. Donc tout va bien.
Tachez de vous
réunir entre femmes et jeunes filles : cela vous distraira ; vous
aurez des nouvelles plus fréquemment les unes par les autres. En traversant
l’autre jour la ville de ta jeunesse, j’ai bien pensé à toi ! Nous n’en
sommes qu’à une dizaine de kilomètres.
Je t’embrasse de
toute mon âme.
Mon alcool à brûler
est parti aussi !! La chaleur a fait couler toute ma brillantine dans ma
cantine !!! »
« J’ai encore un instant et je reprends ma lettre.
Comme nous n’avons
le droit de rien dire, pas même l’endroit où nous sommes, toi seule
comprendras : Nous étions d’abord au sud de la dernière garnison de ton
père (Nancy ?) ; puis nous l’avons traversée (accueil des
plus touchants, fleurs, médailles, boissons, tabac pour tous) maintenant nous
sommes à une quinzaine de kilomètres au Nord. Partout nous sommes admirablement
accueillis par la population, qui nous donne tout ce qu’elle peut nous donner
et redoute surtout le retour des Prussiens. Mais voyant ce qu’elle voit, on
sent qu’elle a confiance (et nous aussi…).
Le colonel est très gentil
pour moi. Nous sommes 12 officiers à la popote de l’état-major. Chacun emporte
le soir de quoi déjeuner sur le terrain et le soir nous nous réunissons
généralement. C’est comme en manœuvre et nous avons beaucoup de peine à faire
croire à nos troupiers qu’ils sont en guerre : ce sera ainsi, je le
crains, tant que nous n’aurons pas vu le feu. Nous aussi d’ailleurs…
Je mange ici
d’excellentes mirabelles, dont vous vous régaleriez. Il y a aussi des pommes
blanches délicieuses. Nous n’avons aucune nouvelle du régiment de réserve, il
n’est point de notre côté. (****)
Soigne-toi bien,
pour que je te retrouve en bonne santé : il le faut. N’hésite pas à
consulter et surtout ne te fatigue pas et ne t’inquiète pas. Je t’ai dit ma
confiance absolue en mon retour : je l’ai toujours. Ne t’étonne pas si tu
ne reçois pas de lettres : je ne puis trouver parfois un instant. Tout mon
cœur est avec vous. Je sens que je vous reverrai, vous que j’aime plus que tout
au monde, et toi, mon amour, par-dessus tout. J’ai emporté trop d’argent, car
nous ne dépensons guère. Je t’en renverrai, si possible […]
[Sur le côté
de la lettre]
Je ne sais quand je
pourrai t’écrire aussi longuement. Dis-moi ce que devient Gabrielle (*****). Je serais heureux de te savoir avec elle.
(*) : Les températures mensuelles ont été supérieures aux
valeurs saisonnières sur la quasi-totalité du pays. Les 13 et 14 août ont été
les journées les plus chaudes du mois avec plus de 30°C.
(**) : Il parle de l’ensemble des trains : trains
régimentaires et trains de combats.
Train régimentaire (un par régiment) : ensemble des moyens d’un
régiment destinés à fournir ce qui est nécessaire aux unités pour subsister.
Commandé par l’officier d’approvisionnement, il comprend une trentaine de
voitures hippomobiles. (Voitures à fourrage, à viande, forgerie,
ambulances…).
Trains de combats (un pour le régiment, un pour chaque
bataillon) : ensemble des moyens d’un régiment destinés à fournir ce qui est
nécessaire aux unités pour combattre. Commandé par l'officier de détail, il
comprend (pour un régiment entier) une quarantaine de voitures hippomobiles.
(Munitions, nourriture, cuisines, bagages…).
(***) : Berthe GERGON (1862 – 1918) une des sœurs de Marthe
mariée à Paul BOHARD.
(****) : Le 335e régiment d’infanterie (d’Angers aussi) se
trouve à cette date secteur est de Nancy.
(*****) : Gabrielle GERGON (1872 – 1957), la sœur de
Marthe.
« Ma chère
petite Marcelle
Je ne sais quel jour
de la semaine est aujourd’hui, mais c’est comme dimanche. Que faites-vous en ce
moment ?
Moi je me repose et
cause un peu avec vous trois. Tu trouves peut être à te rendre utile, car je
sais que tu y es toujours disposée. Teuteur n’a point maigri, il réclame toujours
son sucre quand je monte dessus, mais je n’en ai point à lui donner. Volga est
très gentil et se remplume plutôt.
Continue à dessiner,
je pourrai constater tes progrès à mon retour. Il y aurait des scènes
intéressantes à faire si j’avais mon appareil photographique.
Je t’embrasse bien
tendrement, ton papa qui t’aime. »
« Je t’ai déjà
envoyé un mot ce matin, mais je viens de recevoir ta première lettre, celle datée
du 9 août. Je ne puis te dire la joie et l’émotion que j’ai ressenties !
Je savais bien que tu m’avais écrit, mais rien ne venait jusqu’à moi :
nous étions d’ailleurs tous dans ce cas et personne au régiment n’avait reçu
aucune lettre. J’avais reçu avant-hier d’Anna (*)
une lettre très gentille, datée du 4 août et adressée à Angers. Elle m’annonce
que son dernier, Robert, va s’engager dans l’artillerie et elle prie Renée de
lui envoyer de nos nouvelles.
Je suis toujours en
arrière avec les trains régimentaires de la division : ne t’inquiète donc
pas ; je ne cours aucun danger et me porte à merveille, j’ai un appétit
formidable, comme à 20 ans ! Je viens de déjeuner dans une maison
frontière où je me suis régalé d’excellentes mirabelles et d’une potée (lard
aux choux et pommes de terre).
Partout nous sommes
accueillis de la façon la plus touchante ; on nous donne tout, sans
grandes phrases, simplement ; il n’y a plus guère que les femmes et les
enfants « ils ne viendront pas, monsieur ! Nous avons confiance. Oh
cet empereur et son fils ! Qu’on nous le livre à nous, les mères de
famille ! » etc,
etc...
C’est une horrible
chose que la guerre ; et j’ai seulement entendu le canon et la fusillade
dans le lointain !
Quel beau pays,
quelle nation que la nôtre : nous ne pouvons pas ne pas être vainqueurs…
Les Allemands commettent mille horreurs : nous en voyons de bien près et
je note tout cela… Que de choses j’aurai à te conter !
Ma chérie, aie
confiance. Je t’embrasse comme je t’aime : de toute mon âme. »
[Sur le côté
de la lettre]
« Que j’ai du
plaisir à relire ta lettre. Mais combien j’ai de la peine de te savoir inquiète
sans motif. Encore une fois, ne t’inquiète pas, je ne cours aucun danger.
Nous devons remettre nos lettres non fermées ne pas dire où nous sommes ni
rapporter aucun événement militaire. Je regrette d’être éloigné du régiment,
mais j’en ai chaque jour des nouvelles par l’officier d’approvisionnement.
Envoie la lettre de
MIQUEUR (**)
à la même adresse que la mienne.
Ajoute « compagnie hors rangs »
Au revoir ma
chérie et Vive la France !
(*) : Anna GRAUX (Rennes 1857, Nantes
décembre 1924), sœur aînée de Georges épouse Christophe Dano St Cyrien, 7 enfants dont Robert (1897, mort pour la France en
1918).
(**) : Ordonnance de Georges
GRAUX.
« Je n’ai rien
à faire en ce moment : mes trains sont partis ravitailler les troupes, les
autres sont à chercher des vivres : tout fonctionne bien. Je n’ai pas vu
le Colonel depuis 3 jours, mais je sais qu’il est bien, ainsi que tous les officiers
du régiment : nous n’avons eu aucun engagement. Mes précédentes lettres
ont dû te fixer sur le point où nous sommes : je ne puis te dire rien de
plus. J’espère que, puisque j’ai reçu une première lettre, je vais maintenant
en recevoir. Si tu savais le bonheur que m’a causé cette 1ere lettre !
J’en ai pleuré de joie… Ma chérie, sois forte, aie confiance ! Je
sais combien tu es vaillante, courageuse et patriote, et cela me fait beaucoup
de bien. Pour moi, le moral est excellent, la santé parfaite et je te supplie
de ne pas t’inquiéter.
L’officier payeur,
le lieutenant HURAULT, avec lequel je suis généralement et qui est très gentil,
m’a dit que la délégation de solde que j’ai faite en ta faveur ne part que du
17 août, parce que j’avais touché au départ d’Angers, une quinzaine en avance
(comme tous). Tu toucheras donc peu au 1er septembre ; mais ici, je ne
dépense guère (50F environ depuis mon départ), je t’enverrai donc 300F dès que
je le pourrai, car tu pourrais te trouver à court. »
« Tous ces
jours ci, il faisait terriblement chaud et vous avez dû en souffrir à Angers.
Hier nous avons eu un orage avec pluie violente ; aujourd’hui le temps est
rafraichi et couvert. Puisque la lettre m’est parvenue c’est que l’adresse est
suffisante : demande d’ailleurs aux autres dames. Il faut que je te quitte
pour adresser un mot aux filles : elles sont ta consolation en ce moment,
songe si tu étais seule ! Je continuerai à t’écrire chaque fois que je
pourrai, mais parfois ce ne sera qu’un mot. Il te suffira… » [Partie manquante]
[Repris sur
les côtés de la lettre]
La chaleur a dû te
fatiguer : donne-moi bien exactement des nouvelles de ta santé.
Au cas où tu
n’aurais pas reçu mes lettres précédentes, voici où nous sommes : à une
dizaine de km. Au nord de la ville qui t’est chère. C’est-à-dire la dernière
garnison de ton père (*).
Je ne puis me
décider à finir ma lettre : il me semble que c’est notre conversation qui
cesse et que je m’éloigne de vous.
Je ménage mon
papier. Dis à Renée que je veux qu’elle joue du pianola : elle oublierait
et ne pourrait m’en jouer à mon retour
Dis-moi si tu as pu
toucher les coupons au crédit Lyonnais et les 800f de la banque de France.
(*) : Nancy
« Rien de
nouveau. Tout va bien. Santé excellente. Je suis toujours en arrière avec les
trains régimentaires de la division.
Hier soir, nous
avons eu un orage avec une grosse pluie pendant 2 heures : cela a
rafraichi le temps.
Je vous embrasse
bien fort
Je n’ai encore reçu aucune
lettre de toi depuis mon départ. J’espérais en avoir hier ou ce matin, mais
comme je suis en arrière, je serai sans doute servi le dernier : j’ai bien
hâte d’avoir de vos nouvelles. Toujours plein d’espoir et de confiance.
Mille
baisers. »
Lieutenant-colonel GRAUX
« Je reçois à
l’instant vos lettres datées du 11 – bien heureux
Rien de nouveau. Je
suis toujours au même endroit avec les mêmes fonctions. Je suis toujours en
excellente santé, mais il pleut depuis hier sans discontinuer. C’est triste.
J’attends de vos nouvelles avec impatience.
Je vous embrasse
toutes bien tendrement. »
« Toujours en
excellente santé. Tout va bien. Le temps s’est remis au beau, moins chaud. Nous
quittons la région où nous nous trouvions pour une destination inconnue.
Demain nous allons
nous embarquer à la ville qui t’est chère. Nous allons sans doute opérer dans
le pays ami et allié que nous avons visité ensemble en 1907. Embrasse bien les
filles pour moi. Éloigné du régiment, je n’ai encore reçu que 2 lettres de toi.
Mille
baisers. »
Le régiment s’est embarqué en chemin de fer à Nancy le 19 août à
partir de 23h et est débarqué à Sedan le 20 août jusqu’à 13h. (JMO).
« Comme je te le disais hier, nous sommes
venus nous embarquer à la ville qui t’es chère à 3 heures du matin et nous
avons débarqué à 1 heure de l’après-midi à notre garnison de 1906 – 1909 –
souvenirs.
Ce matin nous
repartons pour aller plus loin.
Toujours en
excellente santé, mais sans nouvelles de vous : Depuis le départ 2 lettres
seulement datées du 9 et 11 août. J’espère que vous êtes bien.
Je vous embrasse
tendrement. »
« Je viens de
t’expédier une carte postale (non
illustrée) – tout va bien.
Toujours sans nouvelles de toi depuis 5 jours. T’ai annoncé que nous avions
quitté ville aimée de ta jeunesse pour venir environs ville de notre garnison
1906-09. Sommes maintenant en pays ami et allié – merveilleusement reçus :
des fleurs, des acclamations. Avons ensemble été nous promener en voiture non
loin d’ici pour visiter château très vieux et très curieux.
Reçois-tu mes
lettres ? T’écris presque chaque jour : hier 2 fois Je n’ai encore
reçu que 2 lettre de toi. Bien cruel.
Tous officiers du
régiment en excellente santé. Je mange comme à 18 ans- Fais dans chaque lettre
résumée des précédentes (peut-être pas arrivées à moi)- vous embrasse toutes
les 3, bien tendrement. »
Lors du premier contact avec l’ennemi, dans la région de Bièvre
(Belgique), le 23 août 1914, le 135ème régiment subit de lourdes pertes (17 officiers,
près de 1500 hommes tués, blessés ou disparus). Le colonel De BAZELAIRE qui
commande le régiment est blessé par éclat d’obus (hist.)
« Tout va bien.
Je suis toujours en excellent santé.
Bons baisers à vous
trois »
« Tout va bien.
Excellent santé »
« Tout va bien.
Excellent santé »
« Tout va bien. Excellent santé.
Bons baisers à vous trois. »
Le 29 août, le colonel GRAUX remplace le colonel DE BAZELAIRE,
blessé, resté jusque-là à son commandement.
« Tout va bien. Je suis toujours en excellent
santé.
Bons baisers à vous trois. »
Le 135eme établi dans la région de FAUX est attaqué le 30 août à 7
heures. L’artillerie allemande appuie son infanterie par un feu d’une
violence extrême qui cause de lourdes pertes.
Pressé de plus en plus par des forces supérieures, le régiment est obligé
de se retirer ; un ordre du Général de brigade survient à cet instant,
ordonnant une contre-attaque, pour arrêter des éléments du 12eme corps Saxon
qui menacent de déborder. Le régiment décimé n’a plus que 2 compagnies
disponibles, la 4ème et C.H.R. Le Colonel GRAUX n’hésite pas un instant, donne
l’ordre d’attaque et part en avant, entrainant ses deux compagnies, qui
chargent héroïquement avec le drapeau. Mais la violence du feu ennemi les
oblige à s’arrêter après quelques centaines de mètres, et même à se replier
pour sauver le drapeau lacéré par les balles et les obus.
Le régiment cette journée perd 11 officiers et 1100 hommes.
Les hommes qui restent, accablés de chaleur ou de fatigue, ont perdu ou
déposé leurs sacs lors de cet affrontement et ne peuvent plus exécuter une
nouvelle contre-attaque.
La poussée allemande diminue d’intensité. La retraite se poursuit sans
trop de difficultés. Sur la Marne une marche forcée de plus de 5 heures permet
le passage à Condé-sur-Marne dans la nuit du 3 au 4 septembre.
« Toujours en
excellent santé. Vous embrasse. »
« Je suis
toujours en excellente santé, mais sans nouvelles de vous depuis 15 jours. Je
ne sais si vous recevez les miennes ; Je vous écris cependant presque
chaque jour. Ne t’inquiète pas en tout cas malgré les bruits qui pourraient
circuler
Bons baisers à vous
trois. »
(Rajouté à la
dernière minute)
« Je reçois 3
lettres des 25, 27 et 28 août bien heureux ! »
Le 5 septembre
au soir le régiment occupe la ligne Vert-la-Gravelle, Toulon-la-Montagne. Ce
même jour à 21 heures, un officier de cavalerie vient d’apprendre que des
cavaliers ennemis stationnent dans le château de Vert-la-Gravelle. La 12ème
compagnie attaque immédiatement, et tombe sur une batterie montée, au lieu et
place de cavaliers. Elle s’empare du château et bientôt du village. Les
Allemands ont eu juste le temps de retirer les canons.
Le 6 au matin, le régiment est
violemment attaqué par des forces supérieures soutenues par une puissance
artillerie. Le 135eme refoulé à travers les marais de St-Gond se reconstitue,
le soir, au sud du Mont Août.
Les pertes sont
de 12 officiers et 634 hommes.
LA BLESSURE
Le 9 septembre au matin, violente canonnade ; le régiment est
engagé côte 166 (nord de Fère-Champenoise) et bientôt le combat devient très
meurtrier. L’artillerie se démasque subitement, prenant les mitrailleuses
d’enfilade. Le lieutenant-colonel GRAUX et son adjoint le capitaine PONS sont
blessés et fait prisonniers. Tous les chefs de bataillons sont morts ou
blessés. C’est le capitaine SANCERET qui commande le régiment. Le colonel GRAUX
parvient à regagner les lignes françaises la nuit suivante. (*)
Le capitaine PONS est mort quelques heures
après sa blessure.
Ces combats font partie de la première
bataille de la Marne du 5 au 12 septembre 1914, qui bloqua une partie de
l’armée allemande et arrêta l’avancée de la IIème armée vers Paris.
(*) : D’après les notes de Marcelle, sa fille,
il a la plèvre transpercée et 3 côtes cassées. Son père aurait revêtu un
uniforme allemand pour s’enfuir de la zone allemande puis l’a abandonné avant
de regagner les lignes françaises. Le port d’un uniforme ennemi est considéré
comme un acte de traîtrise à l’époque.
Citation
à l’ordre du jour (article du 27 novembre 1914).
Le général commandant le 9eme corps d’armée
cite à l’ordre du corps d’armée le lieutenant-colonel GRAUX du 135eme régiment
d’Infanterie. Blessé le 9 septembre d’une balle dans le flanc et étant tombé
entre les mains de l’ennemi, réussit à s’évader pendant la nuit et rejoignit,
en se trainant, les lignes françaises.
Le 29 décembre 1914, le lieutenant-colonel GRAUX est
nommé à la tête du 60ème RI.
Orléans - 8941
26 12 11h23 admis :
Suis actuellement hôpital Orléans très légèrement
blessé. Je quitte Orléans aujourd’hui quatorze heures pour arriver Angers
soirée.
GRAUX
Ma chère petite
Marcelle,
« Je viens te
rappeler que je compte sur toi, sur ton bon petit cœur, pour mettre un peu de
fête dans la maison. Égaie ta sœur, distrais ta maman ; tu peux être sûre
que de loin j’entendrai votre rire et que j’en serai réconforté : rien ne
me fera plus de plaisir ; la jeunesse doit être gaie et quand tu te
sentiras triste, prends sur toi…
La maison où
j’habite a été occupée pendant 2 jours par les Allemands : ils ont volé
toutes les couvertures, les édredons, conserves, confitures, vin.
Puis les Anglais
sont restés 3 semaines ici : le Général FRENCH a habité la chambre où je
suis. On ne se plaint pas trop des Prussiens, qui n’ont rien brûlé, ni brisé
(sauf les portes des armoires) – Quant aux Anglais, on les a trouvés un peu sans-gêne.
Je t’embrasse, ma
petite fille chérie, de tout mon cœur et bien tendrement. »
Ma chère petite
Marcelle,
« Je te
remercie bien de ta gentille lettre qui m’a fait d’autant plus de plaisir que
c’est la première que je recevais.
Tu me dis que tu es
dans des transes horribles parceque (*) tu dois aller chez Madame DE LA TAILLE où tu
dois trouver une petite fille. Il ne faut pas être timide à ce point et il faut
prendre sur toi car tu serais malheureuse plus tard et que cette fille te sera
peut-être une gentille amie.
J’espère que tu vas
faire des progrès en dessin : tu me montreras tout ce que tu auras fait en
mon absence : numérote tes dessins de façon que l’on puisse se rendre
compte des progrès que tu ne manqueras de faire.
Je t’écris au coin
de mon feu : il est 9h du soir et je vais me coucher. Bonne nuit ma chère
petite fille ; je t’embrasse bien tendrement.
Ton papa que
t’aime. »
(*) : « Parceque » attaché dans la lettre
Ma chère petite
Marcelle,
« Je suis
contente de savoir que ton vase t’ait fait plaisir, quant à tes chocolats, je
ne regrette pas de n’y point goûter. Il fait très doux ces temps-ci mais
beaucoup de pluie ; aussi n’ai-je pas eu encore besoin de mettre mes
affaires en papier. Je les réserve pour quand il fera réellement froid.
J’envoie à ta maman
le menu de notre déjeuner de ce matin chez le général (*) : tu pourras voir que nous ne sommes pas
bien malheureux.
Je suis encore sans
nouvelles de MIQUEUR (son ordonnance) et de mes
chevaux : j’ai bien hâte de les voir arriver et je compte qu’ils
m’arriveront en bon état.
Ta maman me dit que
tu étais en peu enrhumée : j’espère que cela va mieux maintenant, car il
ne faut pas être malade.
J’embrasse bien fort
et bien tendrement ma petite fille chérie et te recommande encore de mettre un
peu de gaîté dans la maison.
Ton papa qui
t’aime. »
(*) : General FAËS commandant de la 14eme division à laquelle
appartient le 60eme R.I.
Ma chère petite
Marcelle,
« MIQUEUR m’a
remis tantôt ta gentille lettre avec le dessin des chevaux : ils sont très
– très bien et je t’en félicite. Je regrette que ton rhume t’ait
empêchée de prendre ta leçon de dessin, mais j’espère que ce ne sera rien et
que tu es maintenant guérie.
Les pauvres chevaux
sont arrivés ici tout à fait abrutis : ils étaient depuis le 3 janvier
dans le même wagon ! C’est toi qui aurais été malade ! Ils ne sont
pas arrivés en très bon état : Volga est devenu un peu poussif ;
Électeur, qui est resté 3 semaines sans pouvoir sortir de son écurie était
devenu tellement gros qu’un abcès s’est fourré à son jarret postérieur :
cet abcès a crevé, il a perdu beaucoup de sang et engendré une plaie qui est
maintenant en bonne voie de guérison. Le vétérinaire m’a dit de ne pas le
monter d’ici une huitaine de jours. Il est maintenant plutôt maigre comme
Volga ; mais je pense qu’il ne va pas tarder à se remplumer.
Je n’ai pas trouvé
dans ta lettre la petite fleur que tu me disais y mettre.
Je suis bien content
que ta grippe soit terminée. Pour moi, je suis toujours en excellente santé
aujourd’hui, il a fait un soleil magnifique, mais je crois que le temps va se
rafraîchir ; aussi ai-je mis pour la 1ere fois mes chaussons en papier. Je
ne trouve pas d’ailleurs qu’ils me donnent bien chaud.
Je t’embrasse bien
tendrement ma petite fille chérie
Ton papa qui
t’aime »
« Nous n’avons ici
que du sucre cristallisé de sorte que je n’ai pu donner à Électeur un morceau
de sucre. Ces jours-ci je vais continuer à monter celui que je monte depuis que
je suis ici. »
Le 8 janvier
1915, l’infanterie française déclenche une attaque secteur de Crouy
(Aisne) vers l’éperon 132. Au nord-est de
Soissons, le village de Crouy constitue une position importante et violemment
disputée. Bientôt ses maisons croulent sous la tempête de feu, ainsi que celles
des villages environnants : Pommier, Bucy-le-Long, Missy-sur-Aisne.
Cependant, grossie par les pluies torrentielles des derniers jours, l'Aisne,
qui coule à l'arrière de nos positions, vient d'accuser tout d'un coup une
montée de niveau des plus inquiétantes.
Subitement, dans
la nuit du 11, son cours déborde. La situation de nos troupes sur la rive
droite va devenir d'autant plus aventurée que la force du courant emporte les
ponts de bateaux.
Les Allemands
contre attaquent puissamment les 11 et 12 janvier. L’artillerie allemande
pilonne les positions française rive droite de l’Aisne et l’éperon 132 où se
trouve une partie du 60e régiment d’infanterie. L’état-major du régiment est en
sécurité, pense-t-il, dans une grotte abris du Petit-Bois. Les grottes (ou
creutes) sont nombreuses dans ce secteurs.
Le JMO dit :
« à partir de 7h30, bombardement
effroyable d’artillerie de tout calibre (…). On voit les obus, tombant dans les
tranchées, projeter en l’air des corps qui retombent déchiquetés. (…) ».
Beaucoup d’hommes
et de blessés se réfugient dans la grotte.
JMO : « Vers 10h, sous les obus de 210, la
grotte s’effondre ensevelissant tout le personnel présent, 6 officiers et 12 ou
13 hommes, dont le lieutenant-colonel qui en tombant écrasé crie Vive la France
(…). Ils ne peuvent être dégagés vers 11h30. »
Les Français sont
en retraite vers l’Aisne qui est en crue. De nombreux hommes meurent noyés ou
sont fait prisonniers.
Les 13 et 14,
tout le front à l’est de Soissons est en retraite.
Lire le JMO ici. Attention, le JMO originel a certainement
été détruit dans la grotte, il s’agit de JMO brouillon.
Le 13 au soir, il a disparu vers Soissons.
Je ne peux l’affirmer,
d’après moi il serait prisonnier. Quand je suis allé retrouver mon colonel je
suis resté une dernière journée avec lui.
Espérons qu’il est
prisonnier et blessé, je ne sais rien depuis le 13 on ne l’a pas vu.
Mon Colonel qui était si bon
pour moi et pour tout le régiment, ils étaient très contents de lui.
Le 12 janvier 1915, le Colonel
GRAUX est mort à Crouy, lors de l’éboulement de la grotte où était installé le
PC du régiment, provoqué par un obus de 210 allemand, cote 132 (près de Cuffies).
Enterré dans la Nécropole nationale « le bois Roger » commune
d’Ambleny à côté du Capitaine André GRAUX (son neveu, le frère d’Henry GRAUX)
du 1er RTM mort à Crouy le 8 janvier 1915 [carre G tombes 1 et 2]
Je désire contacter le propriétaire du carnet de
Georges GRAUX
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