Mise à jour : mars 2020
Jean Baptiste GREC au 7e bataillon de
chasseurs alpins durant son service militaire (1904-1907)
« Je vous envoie le récit d’un
grand-oncle tombé pour la France le 24 septembre 1914, probablement à Vingré et
peut-être à Confrécourt. J’ai transcris ce récit en respectant scrupuleusement
les mots, la ponctuation, malgré les difficultés de lecture. Quelques fautes
d’orthographe ont été corrigées pour la compréhension du texte.
J’ai dû m’aider d’une loupe pour relire ce
texte écrit sur papier d’écolier jauni par tant d’années et comportant quelques
mots effacés. Félicitations pour votre travail qui me passionne. »
Prélude
GREC Jean Baptiste est né à Colomars (06). À 20 ans, il était charretier. Il a effectué son service militaire au 7e bataillon de Chasseurs Alpins de Draguignan (1904-1907). Rappelé en août 1914, il intègre logiquement le 47e bataillon de Chasseurs (réserve du 7e BCP).
Le 47e bataillon de Chasseurs Alpins fait partie théoriquement en août 1914 de la 65e division d’infanterie de réserve, mobilisée dans la 15e région militaire.
Elle comprenait : La 129e brigade : 311e et 312e régiments d’infanterie; 46e, 64e et 67e bataillons de chasseurs - La 130e brigade : 203e et 341e régiments d’infanterie; 47e et 63e bataillons de chasseurs. Mais les évènements vont modifier cette constitution d’origine et certains bataillons (dont le 47e) se grouperont pour former des groupes autonomes.
Les noms de villages ont été corrigés dans le texte. J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. J’ai aussi ajouté des dates pour pouvoir mieux se repérer dans le récit
Merci à Philippe S. pour les corrections.
Début des écrits
1e page du cahier de guerre de Jean-Baptiste GREC du
47e bataillon de Chasseurs
Départ de Colomars (*) arrivée à Draguignan à 8 heures du soir.
(*) : Alpes Maritimes
Au dépôt 11e compagnie.
Versé au 47eme (*), 9e compagnie.
(*) : 47e bataillon de Chasseurs qui compte à cette date 1152
hommes (JMO : Journal des Marches et Opérations du 47e bataillon de
chasseurs alpins)
Départ de Draguignan pour Épinal en chemin de fer.
Arrivé le 25 après 60 heures de train. Débarquement. Une étape de 6 kms pour aller à Igney d'où arrivé à 3 h 1/2.
Repas. Ordre subit de départ. Embarquement à 6 heures par chemin de fer pour Amiens.
Jolis paysage passage à Reims, Soissons, Chalons etc..
Le parcours de Draguignan à Épinal. Grande manifestation des habitants de Tarascon, Avignon, Valence, Lyon, Gray.
Arrivé à Amiens le 26 à 1 h. du matin 32 heures de voyage. (*)
(*) : Le 26 août, il débarque à d'Amiens, un groupe de quatre
bataillons de chasseurs (47e, 64e, 63e et 67e), chargé de protéger le
débarquement du 7e corps d’armée qui débarque aussi à Amiens. De nombreux corps
d’armée effectuent, fin août, « un mouvement de rocade » de la région
de l’Est vers le nord de Paris.
Étapes d’Amiens à Boves 8 km.
Le 47e Chasseurs cantonne avec les 63e, 64e et 67e bataillons de
chasseurs. Ces 4 bataillons, réunis sous le commandement du lt-colonel
SERROT, est destiné à servir du soutien au corps de cavalerie SORDET qui opère
à l’extrême gauche du dispositif français. On a donné une très grande mobilité
de ce groupe de 4 bataillons en les transportant sur des autobus attitrés. Le
groupe sera dissous en août 1915.
Départ de Boves en autobus pour un village (*) des environs de Péronne 60 km. 4h. de voyage.
Arrivée à 10 h. matin. Débarqué, faire des tranchées l’ennemi en vue, avançons sur l'ennemi à 3 heures. Premier contact avec eux, premiers obus allemands.
40.000 Allemands contre 47e, 63e, 64e, 67e, 1e brigade, 500 dragons ; pertes pour 63e et 67e.
Retraite générale jusqu'à Rosières 50 km. de Péronne, arrivé à 3 h. du matin.
(*) : Le village où ils arrivent en autobus est
Villers-Carbonnel (JMO).
Départ à 3 h.1/2 en auto pour St Dié, arrivé à 9 h. étape jusqu'à Ayencourt-le-Monchel (Somme). Cantonné ici.
Départ en autobus pour Verberie (Oise) 100 km. de parcours, cantonné ici.
Au matin, tranchées devant la ville pour préparer l’assaut. Les Allemands sont aux environs de Compiègne. Verberie se trouve à 19 km. de Compiègne.
A midi, formation de petits postes à l’entrée de Verberie passons la nuit sur la route.
8 h. soir repas.
Contact avec les Allemands, à partir de 7 h.
Grande canonnade par nos batteries qui les obligent à se replier.
Le soir, contre-attaque allemande ou nous sommes battus, pour manquer d’hommes, 5 milles contre 60 à 70 milles. Nous avons des Anglais avec nous.
A 7 h. du soir pleine retraite, nous traversons Meyonville ou les autos nous attendent. (*)
Arrivons à Mouy (Oise). Halte de 1 h. à 5 h. du matin.
Grande fatigue pour les 4 bataillons.
(*) : Le JMO indique
qu’à la nuit, le bataillon part à pieds vers Senlis et Mouy où il arrive à 5h
du matin et embarque en autobus pour cantonner à Fresnoy-en-Thelle
de 10h à 16h le 2 septembre. C’est un peu différent du carnet. Meyonville n’est pas trouvé, c’est peut-être Mogneville avant d’arriver à Mouy, mais ils ne seraient
alors pas passés par Senlis.
Nous sommes en route pour un autre cantonnement 3 nuits sans dormir.
À 9h., arrivé à Neuilly (Oise). Repos.
À 4 h. départ pour Beaumont (Oise). Cantonné à l'église.
6 h. étape direction Paris avec sacs. Cantonnement à 8 h. du soir.
Repas. Poulet gratuit.
Départ de Fontenay-en-Parisis en vue de l'ennemi, à 11 h. rentrés dans la même ville.
Ville évacuée par les habitants.
Toujours à Fontenay repas à 9 h. Sommes toujours à l’attente.
A 10 h. départ de Fontenay pour Vemars (Oise (*)) couché ici.
(*) : En limite de l’Oise et de la Seine-et-Marne
Départ à 3 h. pour rejoindre le 7eme corps.
Traversons plusieurs villages à 6 h. halte passage à Marcilly arrivé à Bouillancy (Oise) à 3h.
Nous sommes sur le champ de bataille, prenons part jusqu’ à 8 h. du soir. Repoussés par nous.
Couchons dehors aux avants postes.
À 3 h. du matin ouverture du feu par l’artillerie. Grande bataille à notre avantage, beaucoup de perte surtout blessés, la compagnie n’a plus d’officiers.
Vers le soir, nous avons refoulé l’ennemi.
Feu à 4 h. du matin par l’artillerie. Sommes la gauche pour attendre mouvement.
À midi nous occupons une position pour couvrir une retraite de notre infanterie, rentrons à Bouillancy à 8 h. soupe et café.
4 h. matin coucher sur l’aile gauche l’artillerie tonne toujours.
A 6 h. grand combat, à 7 h. prenons position au petit poste.
Quittons Bouillancy pour Brégy 8 k. Faisons grande halte.
À 3 h. on nous annonce les retraites de l’ennemi, partons pour Chèvreville à 3 k. cantonné ici, repas à 6 h.
Départ à 4 h. pour…. (Illisible) qui est en pleine retraite, pluie pendant le parcours. Grande fatigue, arrivons à Villers-Cotterêts (Aisne) jolie ville. Attaqués par les Allemands pendant 12 jours….(illisible). Après avoir fait 36 k. …. (Illisible).
Parcours de Villers-Cotterêts à Vic (Aisne) à 29 k. de Villers. Ralentissons la marche les Allemands aussi battent en retraite nous tire dessus.
Avons traversé la jolie forêt de Compiègne ou il y a eu de grandes batailles, continuons toujours les Allemands nous livrent une bataille.
Pluie presque toute la journée.
Allons occuper petit poste, une position allemande toujours grande fatigue, pluie, épuisé, rien mangé depuis 3 jours, allons coucher à 2 h. du matin, couché tout trempé froid.
Départ 4 h. prenons position dans petit village (*) évacué à peine par l’ennemi et croyant avoir à faire avec l’ennemi, l’artillerie nous tire dessus.
Avant de pouvoir s’abriter nous avons 35 blessés du bataillon. Toujours rien à manger, quelques pommes de terre, commençons à faire la soupe.
Une alerte et il faut tout abandonner sur place toujours sans dormir.
La bataille continue par l’artillerie, l’ennemi se replie vers le nord. Passons la nuit sur le champ de bataille sous une pluie battante, nous couchons dans la boue sans manger.
(*) : Le « petit village » où ils prennent position
est la ferme de Confrécourt (JMO).
4 h. du matin distribution d’un pain, boite de sardines, commençons la bataille l’artillerie nous fait de nombreux blessés.
Nous allons prendre position sur un mamelon toujours sous la pluie. Nous y passons la nuit et de temps en temps vive fusillade.
4 h. distribution de vivre. Avançons en avant des tranchées allemandes, l’artillerie nous tire dessus nombreux blessés pour les fantassins, les allemands reculent moins vite.
A 4 h. du soir le combat redouble de violence, nous devons rester sur nos positions l’artillerie ennemi nous bombarde sans répit, aussi nous avons beaucoup de blessés et assez de morts à mon coté plusieurs blessés.
Nous passons la nuit sous la pluie et sous la mitraille, très fatigué froid et tout trempé.
Matin avançons de 500 mètres dans les tranchées toujours la pluie et le vent froid, sommes à 400 mètres des tranchées allemands bombardées par l’artillerie le soir
À 7 h. quittons les tranchées pour aller coucher à St Christophe (Aisne), arrivons à 9 h. soupe café couchons tout mouillé.
Rassemblement à 5 h.
Formons les faisceaux à St Christophe et attendons des ordres. Pas de nouveau de toute la journée. nous la passons à remettre en ordre nos effets qui sont dégoûtant de boue et les fusils qui sont tout rouges.
Nous passons la nuit au cantonnement.
Rien de nouveau encore nous passons la journée au même endroit.
Réveil à 3 h., départ à 3h.1/4 pour chercher une position. La fusillade commence toute la journée nous marchons d'un coté de l’autre, nous pouvons quitter le sac un moment et toujours sous la pluie.
Le soir tout mouillé, nous sommes aux avant-postes.
Nuit de froid et bien malade.
Départ à 5 h. nous marchons en avant quelques kilomètres. Puis nous nous arrêtons pour faire des tranchées qui continuent toute la nuit, sans toucher du pain depuis 2 jours.
Nous occupons les tranchées qui ne sont qu'à une petite distance de l'ennemi et attendons des ordres.
Le temps s’est un peu remis, il n’a pas plu jusqu'au moment que j’écris c’est à dire vers les 2 h. d'après-midi.
Passons la nuit encore dans la tranchée.
Départ à 5 h. descente à Vingré (Aisne).
On attend des ordres, aspect terrible, ferme brûlée, patrons tués, chevaux brûlés tout en désordre.
10 h. du matin….
Fin des écrits
Extrait
du JMO du 47e bataillon de Chasseurs
Il est mort pour la pour la France le 24 septembre 1914, probablement à Vingré et peut-être à Confrécourt…
Sa fiche matriculaire indique Vic-sur-Aisne (02), alors que sa fiche de décès indique Chaulne, Aisne (commune qui se trouve dans la Somme !)… Il est tombé sur le plateau de Vingré-Confrécourt, avec 2000 autres chasseurs des 47e, 63e, 64e et 67e bataillons.
Je désire contacter le propriétaire du carnet de
Jean-Baptiste GREC
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