Louis
Édouard GRÈS, 9ème régiment
d’artillerie de campagne
Louis Édouard GRÈS est né le 24 novembre 1887 à Decazeville
(acte).
Affecté au 9ème régiment d’artillerie de campagne, à 20 ans, au moment de son
service militaire, il déclare être mineur et habite Aubin dans l’Aveyron.
Nous découvrirons qu’il faisait partie de la 24ème section de munitions d’artillerie (24ème SMA).
Cette 24ème SMA du 9ème régiment d’artillerie est nommée en abrégé militaire de l’époque « SMA 24/9 ». Ces sections alimentaient en munitions une ou plusieurs batteries de canons d’un ou de plusieurs régiments d’artillerie. Elles-mêmes allaient s’alimenter dans les gares. Donc va et vient entre le front et les gares. Elles étaient donc positionnées « assez » loin des tranchées, mais sous le feu éventuel des bombardements.
Au sein de ces sections, on y employait généralement des réservistes ; les jeunes étant directement charger d’utiliser les canons. Les SMA étaient composées en 1914 à l’effectif environ de 3 officiers, 110 hommes, environ 120 chevaux, 40 voitures hippomobiles diverses (dont 20 caissons d’artillerie et une voiture fourragère). Une SMA pouvait « embarquer » environ 2000 obus, 2400 cartouches, 1000 fusées. Ces chiffres sont approximatifs. On peut en voir un exemple pour la 24éme SMA du 5ème régiment d’artillerie de campagne ici.
Toutes les SMA auront des effectifs en diminuant dès que les chevaux seront progressivement remplacés par des camions. Certaines sections seront même dissoutes, nous le verrons.
La 24e SMA (avec la 25ème SMA) était rattachée en août 1914 à la 37ème division d’infanterie qui avait comme artillerie divisionnaire les 1er, 2ème et 3ème groupes d’artillerie d’Afrique. Ces 2 SMA ne combattaient donc pas avec le 9ème régiment d’artillerie, mais y étaient rattachées administrativement, ce n’est donc pas la peine d’essayer de suivre le parcours de Louis GRÈS à l’aide l’historique du 9ème RAC.
En parallèle de sa correspondance présentée sur cette page, Louis a écrit un carnet de guerre. Il est visible ici.
Merci à Michèle pour la correspondance et le carnet du grand-père de
son mari.
Merci à Philippe S. pour la vérification du récit et le temps passé sur
certaines recherches.
Nous avons ajouté du texte en bleu
pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans
l’analyse du récit.
Nota :
Tous les récits d’artilleurs, comme celui de Louis GRÈS, utilise des termes
propres à l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ",
" échelon ", " pièce ", " avant-train ", pour
comprendre ses termes propres à l’artillerie, allez voir sur mon site ici.
Chère Marcelle,
« Je m’empresse
de t’écrire ces quelques mots pour te donner des nouvelles de la situation.
Nous sommes partis
d’Aubin
à 9 h du matin. Nous étions 3, moi, Paul Bergon
(*) et Cayla … qui travailler (aient)
à Cérons.
Nous sommes arrivés
nous avons bien déjeuné à Rodez à midi dans la salle d’attente. Sommes partis
de Rodez à 1h10 pour Castres nous sommes passés par le pont de Tanus quelque chose de magnifique qui pourtant le jour
d’avant on voulait le faire sauter ; parait-il que ce serait un allemand
qui serait dans le pays il aurait une vingtaine d’années.
Nous sommes passés
par Carmaux et juste la gare d’avant arriver j’ai trouvé le cousin de Cagnac à un croisement de train où nous avons eu un peu
d’arrêt. Nous nous sommes embrassés. Il nous a dit qu’il avait écrit chez
nous et pas plus que ça, nous n’avons pas eu notre temps. »
« Ensuite nous
sommes arrivés à Albi où j’ai trouvé Mr Émeri
l’adjudant de mon ancienne batterie. Nous nous sommes serré la main et nous
sommes montés dans un autre wagon car le sien était plein, quitté Albi à
environ 3 h. »
« Vers les 6 h, entre Albi et Laboutarie, nous avons traversé un ouragan, que je peux te
dire de ma vie j’en ai vu de pareil, on n’y voyait pas à 2 mètres. La grêle
tombait sur les wagons on aurait dit que l’ennemi nous tirait dessus avec des
mitrailleuses.
Le train s’est
arrêté. Nous avons vu déraciner des arbres et briser à ras de terre les poteaux
télégraphiques, sur une largeur de 7 à 8 mètres, les champs de maïs dévastés
complètement, les gerbiers de blé renversés, les tuiles des maisons envolées.
On aurait dit qu’on jouait la … Plisique à la gare de Laboutarie. Nous avons vu une baraque en planches
brisée en mille morceaux, sur la route les automobiles ne pouvaient plus
avancer. Ils ont été obligés d’achever de couper les arbres qui, surement,
étaient plus gros qu’un sac de blé, pour pouvoir passer. Nous n’avons pas
souffert. Nous étions dans un wagon à bestiaux bien fermé.
Après, tout doucement
nous sommes arrivés à Castres.
Nous nous sommes
précipités vers des restaurants et ça a été inutile. Nous n’avons rien trouvé à
manger. Il a fallu que nous mangions ce que nous avions.
Après nous sommes
rentrés au quartier où tous les lits étaient au complet. Nous sommes allés
dormir dans un magasin à fourrage où nous avons bien dormi. Maintenant nous
sommes incorporés dans la même section moi et Paul (BERGON). Je crois que nous irons cantonner au
séminaire de Castres. »
« Pas d’autres
choses à te dire pour le moment. Mais je te recommande de ne pas te faire du
mauvais sang car tous nous sommes contents. Nous ne savons pas encore où nous
serons dirigés.
Alors ma chère
Marcelle je m’en vais te dire au revoir et mille baisers à toi et au petit René
(***) surtout et toute la
famille. Tu donneras de mes nouvelles en bas. Je suis en bonne santé. Je
souhaite bien que ça dure. Bonne santé à tous.
Gros baisers. Louis.
Encore sans adresse. Je t’écrirai de nouveau sans tarder. »
(*) : Marcelle MAUREL, son épouse. (1890-1966).
(**) : Paul Cyprien
Pierre BERGON est du même village que Louis GRÈS. Il intégrera aussi le
9ème régiment d’artillerie en août 1914. En 1916, étant travailleur aux mines
de Decazeville, il sera détaché pour la construction de tours à coke à la
cokerie de Decazeville. Il survivra à la guerre. Voir
sa fiche.
(***) : Leur unique enfant : René Pierre Louis
GRÈS (1912-1973).
Louis et Marcelle GRÈS
Carte partie de Paray-le-Monial le 16 août 1914 (cachet de la poste), Saône-et-Loire
« Au moment où
je t’écris nous avons fait 32 heures de chemin de fer nous avons fait à peu
près la moitié… »
Chère Marcelle
« A la gare où
je t’écris, on nous fait un accueil tout à fait aimable. Les habitants nous ont
donné à manger des œufs, des tartines toutes prêtes, à boire et presque à
toutes les gares que nous arrêtons c’est pareil. Dans le nord ils sont plus
aimables que dans le midi. …
32 heures de chemin
de fer et pas doucement, très vite sur les grandes lignes si droites et pas
montagneuses. Nous avons longé la méditerranée à 10 mètres sur une longueur
d’au moins 30 kilomètres en passant par Cette (*).
Maintenant nous filons vers Paris je ne peux pas t’en dire plus long pour le
moment car nous avons moins de 10 minutes d’arrêt en gare … »
G.L. : 9eme régiment d’artillerie.
(*) : Cette : Ancien nom de Sète (34). C’est la voie de
chemin de fer d’Agde à Sète qui longe la mer sur 30 km.
Villeneuve-St-Georges
« Au moment où
je trace ces mots je suis à 13 km de Paris et c’est 8 heures du soir nous avons
½ h d’arrêt pour visiter les wagons et changer les machines.
Depuis Castres nous
en avons changé plusieurs fois mais nous sommes toujours dans les mêmes wagons.
Malgré ce voyage si long, nous avons bon appétit. Il ne nous manque pas à
manger. Nous avons toujours l’étrier-musette bien garni. Nous avons la ration
du matin et du soir en plus de ce que l’on nous donne dans les gares : du
pain, des chocolats, œufs, du fromage, fruits de toutes sortes, tartines et
cigares.
Ceux qui font ça
sont des gens riches.
Dans toutes les
gares on nous acclame, on tape des mains, on nous donne des fleurs, on nous dit
qu’on en revienne pas sans porter la tête de Guillaume, que pour un homme ça en
fasse déranger tant de peuple. »
Belgique, Couvin
« ….Que nous
sommes dans le beau pays de Belgique.
Pour venir ici nous
avons fait un bon voyage ; Partis de Castres le vendredi à 7 heures du
soir nous sommes arrivés à Rocroi le lundi (17 août) à 2 h du soir. Bien
nourris.
Aujourd’hui même il
est passé à Couvin au moins 30 automobiles portant des vivres à ceux qui sont
sur la ligne de feux. Nous avons vu aussi voler 15 aéroplanes. Le temps est
beaucoup plus froid que chez nous surtout la nuit. Nous n’avons pas couché à la
belle étoile, toujours dans les granges.
Des habitants de
Couvin nous ont même offert des lits mais comme il pourrait y avoir des alertes
à toute heure on a refusé. Ici les gens sont très aimables, bien comme il faut,
mais nous n’avons plus de vin à boire, nous n’avons que de la bière qui n’est
pas chère 9 sous le litre. Je suis déjà habitué.
Je suis en parfaite
santé … pourvu que ça dure …nous ferons une bonne campagne. »
Jamagne Belgique
« ……moment de repos …pas beaucoup de fatigue … étape de 5 km …
bien tranquilles … 2 repas par jour … pas de vin depuis que nous avons quitté
la France … mais du lait à volonté …
aller à la ferme ….
Ne te tracasse pas
de moi, j’ai encore de l’argent surtout qu’on ne peut pas le dépenser comme
dans les grandes villes… quand on prend le café on nous fait payer que la
goutte 2 sous, on ne nous compte pas le café ….
Nous sommes
cantonnés près d’un parc d’aviation et nous voyons lever et atterrir les
aéroplanes. Il y en a une vingtaine.
Et comme tu dois le
voir dans les journaux nous, les Français, nous sommes toujours vainqueurs.
Nous, nous n’avons pas de nouvelles de l’Alsace mais je crois bien qu’ils sont
vainqueurs nous sommes en 3ème ligne et nous sommes bien plus nombreux qu’eux.
Tu vois chère
Marcelle que tu n’as pas à craindre, nous sommes bien préservés, ne te fais pas
de mauvais sang, j’ai toujours eu du courage. »
Vervins, Aisne
« J’ai reçu la
lettre que tu as fait partir le 13. Aujourd’hui nous venons de faire une étape
de 25 à 30 km….je n’ai pas eu une minute de maladie ; aujourd’hui j’ai
trouvé Mr. Monfrin, le docteur de
chez nous il m’a dit que je n’avais pas maigri. Nous n’avons pas échangé
davantage car nous avons fait chacun notre chemin.
J’ai trouvé encore
un gendarme d’Aubin qui suit la colonne nous avons causé à peu près 8 minutes….
Maintenant nous ne
voyageons plus sur le train, toujours sur les caissons. Nous avons traversé
beaucoup de bois surtout en Belgique. Nous ne restons pas longtemps au même
endroit, toujours sur les routes, ou stationnés dans les prés, près de la
route, prêts à repartir.
Il arrive que nous
restions toute une nuit mais souvent, comme la nuit dernière, arrivés à minuit,
nous nous sommes relevés à 1 heure pour repartir. Mais nous n’avons pas à nous
plaindre, on a suffisamment de repos. Ce n’est pas comme ceux qui sont sur la
ligne de feux, ils ne peuvent dormir tout le temps. Encore nous ne sommes allés
les ravitailler qu’une fois, la nuit alors que tout était calme. Mais on voyait
au loin des villages qui brulaient où les Allemands avaient mis le feu. »
« Pour le
moment ils avancent sur nous, mais je crois qu’ils ne feront pas toujours
pareil car nous recevons des renforts tous les jours.
Au début on ne
croyait pas que l’Allemagne ait transporté tant de troupes du côté de la
Belgique, c’est ce qui nous a trompé mais maintenant je crois bien que nous les
arrêterons et même que nous les refoulerons.
Aujourd’hui nous
avons vu passer un blessé allemand qui a été ramassé par nos troupes et il nous
a dit que les officiers allemands les encourageaient en leur disant que les
Italiens étaient contre nous et que les Anglais ne marchaient pas. Ce qui n’est
pas vrai malgré qu’ils aient porté toutes leurs forces
sur la Belgique on les a bien arrêtés grâce à notre artillerie qui malgré tous
les combats qu’on a eu il n’y a pas beaucoup de tués ni de blessés. C’est
l’infanterie qui a le plus souffert.
Sur 9 bataillons, il
en est resté à peu près un tiers. Pour les autres régiments nous ne sommes pas
au courant. En lisant les journaux vous en savez plus que nous. Nous ne voyons
aucun journal. Il nous faut passer dans une grande ville pour en voir et encore
ils sont vite enlevés.
Ce que nous disent
les soldats qui viennent du combat c’est que les Allemands auraient beaucoup de
pertes car notre artillerie fait beaucoup plus d’effets que la leur. Les obus
allemands parfois tombent à 1 mètre d’une personne et ne la tue pas. Il y en a
un qui nous a dit que l’obus lui avait enlevé le sac de son dos sans qu’il ait
de mal. Alors qu’avec les nôtres on le voyait tomber comme des mouches.
C’est parce qu’ils
sont si nombreux qu’ils avancent.
Tu donneras bien le
bonjour à l’oncle Paul et tante Elise »
L.G. 9eme d’artillerie, 24éme de M. de 75 sur Castres, Tarn. (*)
(*) : C’est ici que l’on connait son affectation au sein du 9ème
régiment d’artillerie : 24ème section de munitions d’artillerie de 75 mm.
Carte en franchise
Chère Marcelle
« J’ai reçu une
carte à l’instant même de toi. Tu me dis que tu es resté 24 jours sans
nouvelles et moi je suis resté bien davantage. Je n’ai reçu que cette carte
depuis la lettre du 12 août. Alors tu le vois bien qu’il n’y a pas à compter ;
Mais ça n’y fait rien pourvu qu’on soit en bonne santé c’est tout ce que l’on
désire.
Pour moi toujours le
même. Tu me dis que la famille de Paris est venue et que Geneviève m’a écrit
mais je n’ai rien reçu. Tu les embrasseras pour moi ainsi que toute la famille.
Pas autre chose pour le moment. »
« Voilà déjà 2
mois que je suis parti de Cérons et on ne sait pas
encore quand je reviendrai car ça n'a pas l'air d'avoir encore fini mais ça ne
fait rien pourvu que ça continue comme le passé. J’ai l'espoir de revenir
surtout étant toujours été en bonne santé, pas une heure de maladie, surtout
qu'à Cérons j'avais parfois des mal au ventre et ici
ce n'est pas ça.
Je ne sais pas si
c'est l'air ou quoi mais je me porte très bien. »
« Voilà déjà 4
ou 5 jours on se nourrit que de faisans ou de lapins sauvages. Il a fallu venir
en guerre pour manger de cette viande. Peut-être que ça ne durera pas car nous
ne resterons pas toujours au même endroit. Mais au pays où nous sommes on ne
voit que du gibier il y a même des cerfs et des biches. Nous n'avons qu'à
sortir une heure de la section à 100 m ou 200 m et nous ne revenons pas sans
deux ou trois lapins et des faisans. Nous les attrapons avec des bâtons
tellement il y en a. on les voit par centaines. C’est incompréhensible. Jamais
je ne l’aurais cru.
Je te réponds que le
permis de chasse serai vite gagner ici on n’aurait pas besoin deux trois mois,
dans une heure, avec un fusil de chasse tu en tuerais bien une vingtaine. Je te
réponds que si c'était commode pour t'en faire parvenir, je te le ferai mais
c'est inutile d'en parler. »
« Sur les
autres lettres je voulais te parler des allocations qu'on accorde aux familles
des réservistes et toujours je l'oublie, car il y a
des camarades qui ont reçu de leur femme qu’elle touche 25 sous pour la femme
et deux sous pour chaque enfant par jour. Tu me sauras à dire si c'est réel et
voyant que tu m'en parles sur ta carte je te le rappelle. Car il me tardait de
savoir si tu le savais surtout que nous l'avions vu sur les journaux. »
« Je n’ai pas
temps d'écrire à tes parents du moment que je t'écris à toi assez souvent. Tu
dois leur faire part de tes lettres au moins qu'il ne sache pas mal car je
pense que vous devez être tous bien comme avant que je parte. Tu me sauras dire
si ton père travaille toujours et s'il y a beaucoup d'ouvriers à Cérons et si
l'usine de Viviez a arrêté complètement. C’est pour le savoir car il y a des
camarades à Vergon. il y a 5 minutes qu'on cause
ensemble qui disent que l'usine de Viviez marche quand même et il me semble que
ce n'est pas guère possible surtout en voyant qu'on appelle même la classe 1887
qui a 20 ans de plus que moi.
Tu me parleras un
peu des récoltes surtout de la vigne car il y en a qui disent qu'ils ne sont
pas très joli et pourtant c'est du vin qu'il nous faudrait car quand on boit du
vin on n’a pas besoin de tant manger.
Enfin jusqu'ici nous
avons eu tout ce qu'il a fallu pour manger surtout ces jours en ayant
l'ordinaire et lapin et faisan en surplus. »
« Enfin je
crois que je ne t'en ai assez raconté pour le moment. Tu donneras toujours bien
le bonjour à tous, tu embrasseras tes parents, Roger, Marguerite et toute la
famille Gieysse pour moi. Si tu
vas un de ces jours à Viviez, tu feras bien des compliments de ma part à
l'oncle et à la tante. Pas autre chose pour le moment j’envoie un million de
baisers à toi et petit René, bien le bonjour à tes parents aussi. Tu me
donneras l'adresse d’Émile (*),
s'il n'a pas fallu qu'il parte aussi car j'ai vu sur un journal qu'on appelle
les réformés pour leur faire passer une nouvelle visite. »
(*) : Très certainement son frère Émile GRÈS (1891-1951).
« Je suis
toujours en bonne santé ; un million de baisers »
« Voyant que tu
ne reçois pas de nouvelles trop souvent je mets une lettre en même temps qu'une
carte comme ça tu pourras voir ce qui marche le mieux. Pourtant ce n'est pas
que je ne t'écris pas.
Je t'écris souvent
chaque jour, au moins tous les trois jours, alors tu vois bien qu'ils doivent
rester en gare car il y a quelques jours que nous recevons les correspondances
régulièrement. Chaque jour il y a des lettres qu'on distribue une fois par jour
maintenant. Il y a 25 jours que nous sommes au même endroit.
Nous sommes dans un
endroit qu'on appelle Rethondes à peu près 9 ou 10 km de Compiègne dans le
département de l'Oise à 50 m de la rivière de l'Aisne. C’est un endroit bien
agréable. Nous sommes à côté de la grande forêt de Compiègne dont tu dois avoir
entendu parler sur les livres. Nous sommes à côté de la grande forêt de
Compiègne et il y a beaucoup de gibier et même des cerfs. »
« Depuis que
nous sommes ici, des femmes qui restent à Paris quelles sont venus voir leur
mari. N’étant pas trop loin, ça leur a fait une promenade. Beaucoup, parmi
elles, nous ont trouvé pas trop malheureux ; surtout au point de vue que
nous ne sommes pas trop tracassé encore. Depuis que nous sommes revenus de
Belgique nous nous sommes beaucoup remis. Maintenant nous ressemblons à des
troupes fraîches. »
«Hier, j'ai goûté
avec Tellier de Combes, il est
cuisinier à l'état-major nous nous voyons très souvent si par hasard tu passais
à Combe tu pourrais dire à sa mère que nous sommes ensemble surtout maintenant
qu'on l'a versé à la 24ème section et toujours nous mangeons des lapins,
faisans et même des lièvres et nous avons mangé hier un civet.
Il y en avait un qui
pesait 8 livres et l'autre une livre et toujours quelques bons repas. Le jour
avant, nous avions mangé deux lapins et deux faisans alors tu peux bien voir
que nous ne souffrons pas de la faim. »
« Je t'avais
demandé l'adresse de Gervais (*) mais
je vois que tu me l’as donné avant même que tu aies reçu ma lettre. J’ai reçu
aussi une lettre de Geneviève en même temps que la tienne. Je vais lui faire
réponse de suite maintenant nous pouvons nous procurer du papier ça fait que
nous pouvons écrire.
Ici il fait beau
temps mais les nuits sont très fraîches. Cette nuit je l'ai passée dehors.
J’étais de garde et ce matin il y avait même de la gelée blanche. La batterie
que nous devions former et que je t'en ai parlé,
maintenant c'est dédit.
Ça fait que nous sommes toujours
à la 24e section. Il n'y a pas de changement et nous sommes bien plus
tranquilles surtout que nous sommes quelques camarades qu'on se plaignait de se
quitter. Nous sommes tous de l'Aveyron. Il y en a même un de Flagnac de Decazeville qui a travaillé à Viramont et le sous-officier que nous avons est de Najac.
Pas d’autre chose
intéressant à te dire pour le moment tu donneras bien le bonjour etc. »
(*) : Gervais ESPINASSE,
31 ans, le beau-frère de sa femme (mari de sa sœur). Il est au 206ème régiment
d’infanterie. Voir
sa fiche.
Carte postale de du château de Pierrefonds environs de Villers-Cotterêts
« J’ai encore
reçu des nouvelles de mon cousin Bras.
Il ne m'a jamais écrit et je suis bien content que tu m'aies envoyé son
adresse.
Maintenant je saurai
lui écrire mais aussi celle de Louis du Gua (*) d'où tu me dis que ton père a dit qu’on
n’avait pas eu des nouvelles de lui depuis le 12 : ce qui n'est pas trop
étonnant car en temps de guerre on peut se trouver dans ce cas. On n’a pas à se
faire du mauvais sang.
Aujourd’hui j'ai reçu
des nouvelles de la tante Élise. Ils me disent aussi qu'ils ont passé leur
journée avec vous tous en même temps. J’ai reçu des nouvelles de Paris de
Geneviève et qui vont tous bien ils ont reçu mes…. »
(*) : Le Gua est une commune à l’est
d’Aubin (21). 2500 habitants en 911.
Carte postale du château de Pierrefonds 2e
« Pour me
débarrasser des cartes que j'ai dans ma poche et des grandes enveloppes, je
t'envoie cette carte. En plus ça me fait plaisir c'est un château que je t’ai
déjà envoyé mais pas la même vue.
La prochaine fois
j'en mettrai une pour René. J’étais de passage à côté de ce château le 11
octobre à conserver »
« Tu me dis que
tu vas m'envoyer les tricots et 4 paires de bas pour ça c'est bon mais ne te
dérange pas pour les caleçons car j'en ai surtout que je n'en veux pas pour les
flanelles aussi car j'en ai cinq alors tu vois que ça n'est pas la peine. J’ai
fait réponse à Geneviève deux fois le 15 octobre 1914.
Je viens de recevoir
le petit paquet que tu m'as envoyé et qui contenait le tricot et un bout de
saucisson ce matin. Tu vois que ça marche très bien. Tu m'enverras des
chaussettes quand tu voudras mais pas autre chose car hier on nous a distribué
de tout ce que nous avions besoin il y avait des flanelles des tricots des
chemises des caleçons et moi j'en ai eu ma part. je te
réponds que nous n'aurons pas peur de l'hiver, nous avons de quoi nous
habiller.
Tu me dis que
Gervais est blessé (*) ça
me fait bien de la peine mais on y peut rien pourvu que ça ne soit pas trop
grave il en guérira moi je suis toujours en bonne santé et souhaite de tout
cœur que vous soyez de même »
(*) : Gervais ESPINASSE a été blessé le 29 septembre par éclats
d’obus à la tête et à la main droite.
Carte postale
Chère Marcelle
« Tu vois bien,
je suis en bonne santé »
Carte en franchise
« C’est
toujours en bonne santé que je t'écris. Je te dirai que j'ai trouvé le bout de
saucisson bien bon surtout que depuis le départ de Castres je n’en avais pas
goûté et c'est bien dommage qu'il ne soit pas plus gros.
Enfin il faut se
contenter avec ce que l'on a. Malgré ça nous avons assez à manger. Si ce
n'était pas le vin on le paye bien cher.
Bien des compliments
à la famille GIeysse … »
« Toujours en
bonne santé. Il y a quelques jours que nous sommes au repos. Nous étions
souvent ensemble avec (Paul) Bergon mais il y a une semaine qu’on ne s’est pas vu. Mais on
ne s'ennuie pas tout de même. Nous sommes beaucoup de camarades dans la
section.
1000 baisers au petit
René bien le bonjour au voisin. »
«Comme je te le
promets sur la lettre d'hier, je t'envoie cette lettre pour parler un peu de ce
que tu désires.
Nous sommes toujours
au même endroit depuis quelques jours dans la ferme dont je t'ai parlé sur
l'autre lettre. Là nous n'avons pas de vin. Il ne faut faire une demi-heure
pour aller au village le plus près pour aller en chercher et encore parfois on
n’en trouve pas.
Heureusement que
demain à la ferme où nous sommes, on distribuera du cidre en payant, bien
entendu, mais peu importe pourvu que l'on puisse boire. Nous sommes contents si
ce n'était pas la boisson, nous avons tout ce qu'il faut pour manger. Si nous voulons
des pigeons, à nous de les payer 30 centimes la pièce et les grosses pièces 29
centimes. »
« Chère
Marcelle, tu n'as pas à te faire du mauvais sang de moi. Je me soigne mieux que
tu peux le croire. Ça c'est vrai pour nous soigner pourvu qu'on ait de
l'argent. Comme moi encore je n'en ai pas souffert. Mais je ne crois pas en
souffrir.
Car quand j'en aurai
besoin, je te l'écrirais assez souvent de peur que cela ne me parvient pas. Il y a des parents qui ont envoyé de l'argent
à des soldats déjà bien souvent et ils ont constaté que le premier qu'ils ont
fait partir n’est pas arrivé.
Pour que les lettres
ne se perdent pas, il faut les recommander car pour les avoir il faut signer.
Il y en a même qui ont reçu des papiers de banque dans des lettres mais ce
n'est pas utile, car avec les mandats on a vite l'argent. Et quoi qu'il se
qu'il se perde on a toujours le double du mandat.
Moi avec mon petit
métier de coiffeur je m'en sors assez malgré que je
n’aie pas pris le nécessaire de la maison. Il faudra en trouver à
Compiègne. »
« Ici après
avoir passé pendant 7 ou 8 jours un temps couvert hier et aujourd'hui il fait
un très beau temps un beau soleil, ce que nous fait plus de plaisir que la
pluie. Encore nous n'avons pas assez à nous plaindre car on peut dire que
aucune fois la pluie nous et traverser la veste ou le manteau.
Maintenant si on
croyait y rester encore longtemps ce serait préférable que je trouve une
pèlerine imperméable, qui ne soit pas courte. Normalement je n'ai pas besoin de
mettre beaucoup d'argent pourvu que je puisse achever la campagne c'est tout et
ce serait bien commode. Car en cas de pluie, je serai toujours sec dessous. Si
nous réussissons de passer dans une ville pas trop pillée, je tâcherai de faire
cet achat. »
« Tu me dis de
te dire si les lettres cachetées marchent aussi vite que les cartes postales.
Que oui, car mes camarades à recevoir beaucoup et ils font comme moi. Ils sont
obligés de dire alors femme ou parents de ne pas leur envoyer de linge car nous
en avons déjà touché. De ce qui vient des dons qu'on a fait dans les villes.
Nous en avons beaucoup reçu de l'Automobile Club de France de Paris. »
« Je suis bien
content que petit René ne s'ennuie pas et qu'il te garde aussi toi de
t'ennuyer. Car si ce n'était pas lui, tu penserais beaucoup plus à nous. Je
suis bien content aussi de voir qu'il grandit car quand je vais revenir je ne
suis pas foutu de le reconnaître et que je resterai stupéfait devant lui.
Enfin ce n'est pas
tout quand nous nous sommes quittés à Cérons, tous
ensemble, jamais on aurait cru de rester si longtemps sans se revoir. Et ce qui
est pourtant. Nous sommes tous les mêmes nous sommes contents quand on peut
recevoir des nouvelles des siens.
Voilà, un jour si tu
peux te faire photographier toi et petit René, tous les deux ensemble, en carte
postale, ça me ferait un grand plaisir de vous avoir sur moi. Tu m'en feras
parvenir une sous enveloppe. Moi si j'étais commode, je le ferai mais nous ne
trouvons pas de photographe. »
Réponse militaire
« Je t'ai fait
partir cette lettre hier 7 du 24 car nous ne sommes pas toujours commode de les
faire partir quand nous voulons.
Ces jours-ci j'ai
reçu trois cartes de toi dont une où tu me dis que tu n’en as reçu que deux de
moi. Ça m'étonne fort. Car je te dis je ne passe jamais 3 jours sans t'écrire.
Même des lettres et par intervalles quelques cartes pas longues pour te faire
savoir que je suis en bonne santé. Je te dirai que les lettres cachetées ne
marchent pas aussi bien que les cartes et quand on envoie de l'argent, on le
reçoit recommandé. »
« Tu me dis sur
ta carte que tu ne reçois pas trop de mes nouvelles mais je t'assure que ce
n'est pas de ma faute car tous les deux ou trois jours au moins je t'envoie
carte ou lettre par intervalles quelques-unes pas trop longues.
Car comme tu n'as tu
sais que je ne suis pas extrêmement fort pour faire des lettres. Je me peux
t'écrire souvent de longues lettres comme tu pouvais le faire toi-même. »
« Mais enfin
pourvu que tu saches que je sois en bonne santé c'est le principal. J’ai reçu
en même temps qu'une de tes cartes une de la tante de Combes, me parlant
d’Émile et qui me dis qu’à son nouveau conseil, il a été bon et qu’il n'était
pas très content et sur la tienne que j'ai reçu le même jour tu me dis qu'il a
été réformé de nouveau.
Je comprends très
bien comment il doit être repassé ce qu'il doit avoir dit à Combes pour ne pas
faire voir qu'il a été réformé de nouveau. il doit
leur avoir dit qu'il était bon de la manière que tu me dis sur la carte.
Il vaut bien mieux
car s'il ne connaît pas ce que ça veut dire où le lui apprendrai qu'il ne se
fasse pas du mauvais sang. Pour ça et tout de même il faut bien que vous en
gardiez quelques-uns sans ça vous n'aurez plus d'hommes valides dans la région
pour faire le travail qu'il y a à faire.
Car sans doute
qu'ils ont dû s'éclaircir tu me sauras dire s'il est revenu de nouveau à la
maison. Car je lui enverrai quelques cartes de temps en temps ou bien tu me
donneras son adresse. »
« Ici tous les
soldats reçoivent des lettres cachetées tout aussi bien que les cartes
militaires. Tu me dis que tu enverras des caleçons et des flanelles. Ne le fais
pas, car j'en ai plus que le nécessaire avec ce que j'ai je peux traverser tout
l'hiver que je ne craindrais pas le froid.
Mon côté je peux le
confirmer ne me fait mal aucune fois. Je suis et tu es toujours en parfaite
santé et je souhaite que ça dure. Car quand on n’est pas malade, on peut se
tirer de partout, à moins des balles de l'ennemi car ça ne regarde pas si on
est bien portant ou malade.
Enfin jusque-là on
s'en est tiré et je crois qu'on s'en sortira toujours. »
« J’ai envoyé
aussi trois cartes à l'oncle de Viviez dans la dernière avant-hier et ça
m'étonne qu’ils n'ont pas reçu les deux premières je les ai
adressé ; « Maison ouvrière numéro 54 à Viviez Aubin Aveyron »
que je crois bien que c'est son adresse.
Tu me sauras
dire. »
« Les Parisiens
sont repartis ? S’ils ne sont pas repartis, tu leur feras bien des compliments
de ma part. Dans tous les cas s’ils seraient répartis je leur enverrai à Paris.
Ici il fait un beau
temps pour le moment. Les propriétaires ramassent les betteraves dont on se
sert pour faire le sucre. Il y en a des grands champs et nous en avons fait
périr beaucoup en y passant dessus. Il est resté aussi beaucoup de blé, de
l’avoine dans les champs car on n'a pas pu les ramasser faute de personnel.
Mais à mesure qu'on avance de nouveau, les propriétaires qui restent labourent
les champs pour semer du blé. »
Correspondance militaire
« En réponse de
ta carte du 19 octobre que j'ai reçue hier au soir dont tu me dis que tu
m'envoies deux paires de bas. Je ne les ai pas encore reçus. Mais ça ne me
prive pas je suis toujours beaucoup en arrière de la ligne de feu. Plus que je
ne l'étais quand je t'ai dit que j'ai changé de destination alors tu n'as pas à
te faire du souci de moi.
Il y a presque un
mois que nous n'avons rien fait. Ici il y a 4 ou 5 jours qu'il fait quelques
averses de pluie le temps est très humide. Nous sommes toujours logés dans une
ferme donc nous ne sommes pas à la pluie. »
« J’ai reçu la
lettre hier et le petit paquet qui contenait la paire de bas et du chocolat.
Ça m'a fait bien
plaisir quoi que je ne suis pas tout à fait dépourvu.
J’en avais bien encore quelques paires mais il ne faut pas attendre d'en avoir
plus du tout. Du chocolat j'en déjeune parfois le matin.
J’en ai toujours la
réserve dans mon sac pour le moment. J’en avais deux plaquettes du Meunier que
j'ai acheté à Nogent-sur-Seine et quelques boîtes de sardines. Ça fait que je
ne suis jamais attrapé. Quand bien même on passerait 2 jours sans toucher
l'ordinaire, je mangerai quand même ; ce qui nous est déjà arrivé en revenant
de Belgique et j'ai été bien heureux d'avoir ma réserve. »
« Tu vois que
tout en pensant à vous tous je pense à moi aussi. Je me soigne aussi bien que
je peux. Je te réponds que je n'ai pas maigri. Je ne suis pas pesé mais je dois
faire plus de poids que je faisais quand je suis parti.
Tu sais que nous
sommes par les plus malheureux, nous marchons, nous couchons toujours dans des
granges ou les écuries. Ce que ne font pas les soldats qui sont sur les lignes
de feu, qui sont toujours dans les tranchées et qui n'ont pas encore couché
dans une grange.
Je te dis que nous
pouvons nous estimer heureux de nous savoir si bien couchés. »
« Aujourd’hui
il fait un temps splendide un soleil même trop chaud. C’est du temps que les
autres sont à la messe que je t'écris cette lettre et comme je ne suis pas des
plus dévot je préférais t'écrire. Car après la messe et ils veulent se faire
raser, et peut-être il m'aurait fallu attendre demain à t'écrire. Moi je ne
retarde pas tes réponses tant que je peux, car je comprends que vous voudriez
recevoir des nouvelles des militaires tout le temps, comme nous autres nous
sommes contents quand on reçoit des nouvelles de chez les nôtres. »
« Au moment où
je t'écris nous sommes à un petit village qu'on appelle Cuiry-Housse
près de Braisne à 18 km de Soissons. C’est là que se
sont livrées de grandes batailles où sont restés plus de cent mille Allemands
morts ou blessés dont quelques prisonniers.
Je n'ai pas changé
de section je suis toujours à la même mais nous changeons de place, nous ne
sommes plus à la ferme dont je te parlais sur les dernières lettres, nous
l'avons quitté pour venir où nous sommes donc nous avons avancé de 32 km. Nous
sommes logés à une ferme encore plus grande que la dernière. On sème jusqu'à 55
hectares de betteraves qu'on donne aux bestiaux et dont on en fait de l'alcool.
Quand nous avons
quitté Rethondes c'était le 11 octobre et nous avons changé de corps d'armée,
dont notre section on a été de ce fait. Nous avons quitté la 25e section. (*)
Donc, tu me parles
de Monsieur Albagnac (**), pour sûr que si je l'avais su plus tôt je
l'aurai trouvé. Nous étions cantonnés à 10 mètres d'une section de l'autre, mais
maintenant j'ignore où elle est. Je n'ai pas vu (Paul) Bergon depuis qu'on a quitté
Rethondes. »
« Maintenant
nous faisons partie du 6e corps (***),
que tu n'as pas besoin de mettre l’adresse. Jamais nous avons ravitaillé le 16e
nous l'avons même pas vu. Il était dans l'Est et nous on était dans le Nord.
Tu me dis que
Camille de Cransac a été blessé d'une balle dans le
bras ça fait toujours de la peine. Mais ça en fait davantage quand on les voit
tomber mort et qu'il ne se relève plus. Nous en avons vu déjà beaucoup en
avançant mais beaucoup plus de l'ennemi que des nôtres.
Enfin pour vu qu'il
soit rétabli et ce ne sera rien pour cette fois. »
« Tu me dis que
l'oncle repart pour Paris il peut y aller car les Prussiens ne sont prêts à y
entrer. Nous les arrêtons et même on les fait reculer avec de grosses pertes.
Tu feras bien des compliments à la tante, Geneviève, Pierre et Jean. J’enverrai
quelques cartes un de ces jours, je ne savais pas comment faire car je ne
savais pas s'il était encore là-bas ou reparti. Ce qui me fait plaisir que le
petit René …. »
(*) : Les 24ème et 25ème sections de munitions d’artillerie du
9ème régiment d’artillerie de campagne (24/9 et 25/9 SMA) étaient ensemble
depuis le début de la guerre. A cette date, elles ne seront plus ensembles
géographiquement mais toujours ensemble administrativement.
(**) : Nous verrons plus loin de qui il s’agit.
(***) : Il s’agit du 6ème corps d’armée.
Carte postale : armée belge installation d'une matrice d'une mitrailleuse, nouveau modèle en 1914
« Je vous ai
envoyé une lettre hier. Je suis toujours en bonne santé. Nous avons un très
beau temps. J’ai reçu deux paires de chaussettes.
Aujourd’hui nous avons
encore touché une chemise et une paire de chaussettes enfin nous touchons ce
que nous avons besoin. »
Javage (*)
« J’ai reçu
aujourd'hui une carte et une lettre du 26 et 27. Maintenant je les reçois à peu
près régulièrement.
Ce qui me fait
plaisir car du moment que le petit René n'était pas fiévreux. Je suis content
d'en recevoir chaque jour. Sur ta lettre tu me dis bien que le docteur te dit
qu'il était à peu près guéri mais j'ai bien peur que tu ne me que tu ne me
mentes.
Enfin je te crois
tout de même car j'ai confiance en toi comme tu peux l'avoir en moi. Voyant il
t'a griffonné sur ta lettre que tu m'as envoyé je pense bien qu'il doit aller
bien mieux, ce qu'il faut souhaiter.
Tu me dis que tu vas
toucher l'allocation. Sur ta prochaine lettre tu sauras me dire si tu touches
pour René car probablement que tu toucheras pour lui. »
« Tu me dis
aussi que tu m'as acheté les molletières qui ne sont pas bleu mais tendent vers
le noir. Ça ne fait rien même grises. Mais tu ne me dis pas si tu as acheté
l’imperméable que pourtant je t'en ai donné un peu près le modèle pèlerine ou
capuchon.
Mais ne t'inquiète
pas de cela car je n'en ai pas encore besoin du moment que nous restons
toujours au même endroit. Mais comme l'on dit toujours probablement que nous
n’y resterons pas toujours. Et si jamais il faut marcher et qu'il fasse de la
pluie ça me servira. »
« Tu me dis que
Louis du Gua se trouve pour le moment en Belgique
dans les tranchées et que son beau-frère est dans les mêmes contrées que moi.
Mais c'est bien dommage que tu ne me dises pas son adresse car quelquefois sans
savoir on pourrait se trouver surtout s'il est dans le 9e (**) et que tu me dises son nom car je ne le sais
pas.
J’ai su aussi que
203e de ligne étaient bien loin de nous je serai très content si je pouvais
trouver Gervais (ESPINASSE). Tu me donneras
l'adresse de mon cousin de Cagnac. Tu me dis qu’il
m'a écrit mais je n'ai jamais rien reçu. C’est probablement il ne doit pas bien
écrire mon adresse car si on ne met pas 24e section, elle peut tarder. »
« Tu me dis que
notre petit René ne m'oublie pas ça je le comprends bien car en parlant chaque
jour de moi il ne peut guère m'oublier mais c'est quand qu'il me reverra qu'il
ne me reconnaîtra plus et moi et moi je le serai pour lui comme il le sera pour
moi.
Car quand je le
verrai il aura beaucoup changé. Tu me dis sur la carte qu'il recommence à jouer
comme s'il n'avait jamais été malade ça me fait bien plaisir … »
(*) : Hameau de Javage et ferme de Javage, commune de Faverolles
(Aisne) près de Villers-Cotterêts
(**) : 9ème régiment d’artillerie
« Après 3 jours
que nous sommes restés à Cuiry-House et qu'on a vidé
nos caissons, on est revenu à Javage
près de Villers-Cotterêts pour les remplir de nouveau.
Nous sommes toujours
très bien couchés et bien nourris. Aussi à la ferme (*)
d’où je t'écris nous y sommes restés 15 jours et maintenant nous ne
savons pas combien de temps nous y resterons.
Moi je suis toujours
en bonne santé mais je crains bien que vous ne soyez pas tous de même voyant
que ce que tu me dis sur ta dernière lettre que vous étiez à peu près bien. Ce
qui n'est pas tout à fait bien, au moins vous êtes quelqu'un de malade de la
famille.
Écris-le-moi car je
sais bien que tu ne voudrais pas que je ne te cache rien de moi. J’espère que
vous êtes tous en bonne santé sauf la pauvre Manette qui ne doit pas s'être
relevée. Sur ta prochaine lettre tu m'en donneras des nouvelles car depuis que
je suis parti je n'en ai pas eu.
Tu me dis que Maria (**) m’écrit souvent mais je ne peux guère le
croire car depuis si longtemps je n'ai reçu qu'une carte d'elle. »
« Nous avons
toujours le beau temps mais aujourd'hui le ciel se couvre quelque peu mais je
ne crois pas que nous ayons de la pluie. Nous sommes toujours bien en arrière
de la ligne de feu nous n'entendons même pas le canon. Alors tu vois que nous
sommes beaucoup en arrière. Quand nous étions à Rethondes, on avait déjà dit
que nous allions former une batterie de tir mais on ne doit pas en avoir eu
besoin. On a dédit tout ça. (***)
Enfin je suis bien
content qu'on nous ait laissé comme ça car maintenant nous nous connaissons, et
entre camarades que nous sommes, ça nous aurait fait de la peine de nous
séparer.
J'ai su par un de
nos camarades il y avait même des prisonniers allemands à Cransac.
Tu me sauras dire si c'est vrai. Nous autres nous en avons vu beaucoup qui
était prisonniers en arrière de nos lignes et qu'on envoie dans le Midi et
qu’on fait travailler et c'est ce qui ne me fait pas de la peine à croire qu'il
y en ait chez nous car là il y avait assez de travail enfin. »
« Même pas
autre chose d'intéressant à te dire que le petit René continue à marcher à
grandir et ce qui me contente très bien. Bien des compliments à tes parents aux
miens à Geneviève à Pierre-Jean à Tante enfin toute la famille.
Moi je continue la
campagne qui durera certainement plus qu’on le croyait tout d'abord. Mais que
veux-tu tant que ça dure pourvu qu'on puisse revenir en bonne santé. C’est tout
ce qu'on souhaite.
Je n'ai pas encore
besoin d’argent j’en gagne toujours quelques peu en faisant le coiffeur. Je
n'ai pas peur de ça quand j'en aurai besoin je te dirai. »
(*) : Ferme de Javage (02)
(**) : Maria Augusta GRÈS (1894-1940), sa sœur.
(***) : Une SMA peut être dissoute et transformée en
batterie de tir, si elle est fournie en canons. Les hommes des SMA sont
généralement d’anciens artilleurs. Leur formation ne prendra donc pas beaucoup
de temps si une telle transformation a lieu.
« C’est
aujourd'hui même que j'ai reçu une de tes cartes donc tu me dis que tu figures
qu’en m'envoyant des cartes doubles et non des lettres tu auras davantage de
nouvelles.
Je crois que pauvre
Marcelle c'est bien tout le contraire. Ça ne m'empêche pas de t'envoyer des
lettres et des cartes entrecallées comme tu vois que
je fais et tu sais les cartes me font bien du plaisir et les lettres encore
davantage.
Car lorsque je lis
long et il me semble que je parle avec toi et comme tu dois être toi-même enfin
chère Marcelle c'est comme moi envoie-moi de temps en temps une lettre car elle
arrive comme les cartes, il n'y a pas de différence, aussi vite vos les lettres
comme les cartes et maintenant j'ai les cartes et du papier à lettre pour te
répondre. »
«
« Nous sommes
toujours au repos à la ferme dont je t'ai parlé, toujours très bien surtout
pour coucher. Nous nous couchons dans une grange où il y a de la paille à
volonté et la nuit on a très chaud. Jusqu’ici nous
n'avons pas eu du tout de froid.
Et à cette ferme,
chevaux et homme nous sommes dedans. Je souhaiterais que toute la compagnie
réussisse pareil car c'est une belle chose de pouvoir passer la nuit dedans,
surtout que les nuits commence à être beaucoup fraîche. Cependant ici nous
n'avons pas à nous plaindre. Il y a quelque temps qu'il fait beau. Au moment où
je t'écris c'est 7h et 30 du matin, nous avons du brouillard mais ça se
disperse vers les 9h et malgré qu'on soit dans le
Nord, on n’en a pas très souvent. »
«tu me dis sur une
des cartes que j'ai reçu que tu m'enverras
après les 2 paires de bas que
j'ai reçu une autre deux paires avec une paire de gants que j'accepterais mais
pas autre chose plus rien. Car la nuit j'en ai assez même que l'hiver soit
rude.
D’abord on ne
saurait plus où le loger et comme je te l'ai déjà dit, de temps en temps on
nous fait rassembler pour que si nous voulions quelque chose comme linge ou
habit de dire que ce que nous voulons.
Comme cette semaine
j'ai encore touché une chemise en flanelle coton et une paire de chaussettes.
Je n'aurais pas besoin de chemise mais comme je me suis dit en moi même s'il venait pas faire trop de froid, j'en mettrai l'une sur
l'autre.
Ce n'est plus comme
du temps de l'active, nous avons tout ce qu'il faut et encore il y en a
beaucoup de reste dans le fourgon qui nous suit. Tu vois donc chère Marcelle
que tu n'as pas à craindre que j'ai froid. J’ai assez pour mettre et à changer
dans tous les cas. J’ai réussi à toucher encore un passe-montagne qui était
dans les paquets qu'on a distribué qui provenait des grandes maisons
d'habillement de Paris. Ce qui pourra me servir pour une forte bise pour me
préserver la tête et le cou du froid. Enfin il ne manque rien. »
« Aujourd’hui
en même temps que ta carte j'en ai reçu une de Gervais (ESPINASSE) que je
lui avais envoyé double. Il me dit qu'il est revenu à la compagnie et qu'il est
complètement rétabli il me dit qu'il a changé adresse. »
« Chère
Marcelle, voilà déjà 3 mois qu'on est séparé et quand on se verra, on ne le
sait pas et c'est beaucoup plus long que ce qu’on le croyait. Enfin que veux-tu
? Pourvu que ça se passe en bonne santé comme je l'ai fait jusqu'ici et qu'on
revienne à la maison ainsi ce ne sera pas moi qui ai mal et il faut
l'espérer. »
« Je suis
toujours à l'arrière de la ligne de feu. Sauf quand nous allons chercher la
soupe aux cuisines qu'il nous faut approcher du feu. On y est bien. Nous avons
passé une bonne journée nous avons fait un bon repas.
Quelques camarades
que nous sommes, on a fait faire, par une petite maison à côté de la ferme, une
bonne soupe avec une grosse poule dedans, un lapin en civet, un rôti de
volaille, une salade de cresson, un dessert de pommes, un café et voilà une
autre journée de passer.
Le soir dans la
grange, nous faisons une partie de cartes où nous sommes. On ne croirait pas
qu'on soit à la guerre. Nous sommes là bien tranquilles. Quand nous quitterons
cette ferme je te le dirai.
Pas autre chose
d'intéressant à te dire …. »
« Immédiatement
à la carte que je viens de recevoir je te fais réponse par une lettre. Je te
dirai que les lettres nous parviennent aussi facilement que les cartes.
Je suis bien content
que petit René s'amuse toujours bien avec la tante cousin et cousine et qu'il
regrettera bien leur départ ! Enfin tu me le sauras dire, je leur écrirai
à Paris. Je suis toujours en bonne santé.
J'ai reçu la carte
de Geneviève en date du 30 octobre en même temps que ta lettre du 14 novembre
et ta carte du 13 et une lettre de Maria que j'ai reçu ce 21 novembre.
Pour la pèlerine
imperméable ou caoutchouc, tu n'as pas besoin d'y mettre grand argent avec une
vingtaine de francs au plus, tu pourras trouver ça si j'avais eu tout cela j'en
aurai emporté de Castres car il y en avait de 15 à 20 francs. »
« Comme je t'ai
écrit une lettre hier aujourd'hui, je t'envoie cette carte. Pour le moment il
fait un temps brumeux et même très froid. C’est vrai que c’est toujours la 1ère
fois qu’on le ressent davantage malgré que nous
n’ayons pas à nous fâcher. Je suis toujours en bonne santé que ça dure malgré
le temps humide que nous avons, je n'ai jamais ressenti mon côté. Je crois bien
que ce sera fini qu'il ne me fera plus de mal … »
« Il y a 2
jours que je ne t'ai pas écris mais il y a bien davantage que je n'ai rien reçu
de toi.
Hier je suis allé à Faverolles où se trouve la 25e section, qui est à 3 km de
nous et il faisait un très mauvais temps.
Dans la matinée, il
a fait un peu de neige pour la première fois de cet hiver mais ça n'a pas
recouvert tout le sol et il a plu toute la journée sans quitter une minute et
toute la nuit de dimanche à aujourd'hui.
J’y suis allé tout
exprès pour trouver monsieur Albagnac
mais je ne le connaissais pas. Je me suis fait connaître par un militaire de sa
section. Nous sommes allés à un café et nous avons causé un bon moment du pays.
Il m'a fait voir une photographie de sa femme et de ses enfants, ils sont très
bien. Moi je lui ai fait voir la carte que m'a envoyé Émile donc sur ce groupe
de jeunes gens se trouve le maire de Viviez qu’il a reconnu de suite. Même quelques
jeunes de la classe 1915.
Il n'est plus
bourrelier, il est passé cuisinier. Quand je l'ai trouvé juste il était en
train de cuisiner. Si tu trouves sa femme tu lui diras qu'il se porte bien et
maintenant qu'il va faire la cuisine, il va s’engraisser davantage. (*) »
« J’ai trouvé
aussi (Paul) Bergon
il m'a dit que je vous donne bien le bonjour. Il est en bonne santé encore nous
n'avons pas changé. Nous sommes toujours à la ferme de Javage,
commune de Faverolles. »
« Hier, le
capitaine nous a donné jusqu'à 2h pour aller à la messe si nous voulions et
c'est comme ça que j'en ai profité pour aller voir mes camarades. Nous pouvons
repartir pour Rethondes d'un moment à l'autre mais encore il n'y a rien de
changé. Mais que nous soyons à Rethondes ou ici c'est à peu près pareil. Au
travail que nous faisons nous pouvons tenir.
Nous allons voir
toujours le berger qui reste à côté de la ferme que nous y faisons quelques
petits repas ou bien nous prenons notre gamelle et nous allons boire quelques
litres de vin, nous mangeons une salade et un café et nous voilà content pour
une autre journée.
A cette maison il y
a un petit garçon qui a 3 ans et qui est bien mignon ça me fait beaucoup
rappeler petit René. Le soir, il s'amuse avec nous, il vient sur les genoux. Il
commencerait déjà à parler le patois comme nous. C’est pour dire que les gosses
apprennent vite les langues.
Il y a eu un mois
hier que nous sommes à Javage, il nous semble que le temps passe vite mais dans
le fond c'est bien long … »
(*) : Henri Hippolyte ALBAGNAC,
31 ans à cette date, est bien du 9ème régiment d’artillerie. Il était
bourrelier. On sait maintenant qu’il faisait partie en 1914 de la 25ème section
de munitions du 9ème régiment d’artillerie. En 1917, il passera au 5ème
régiment d’artillerie, au service auxiliaire à cause d’une blessure au genou
gauche causée par un coup de sabot de cheval. Il habite Viviez, commune très
proche de celle de Louis GRÈS, Aubin. Voir
sa fiche matriculaire.
« Ici pour le
moment il fait très froid mais nous préférons bien ce temps à la pluie.
Puisque tu me dis
que tu as acheté un caleçon tu pourras bien m'en envoyer un à laine coton car
nous et qu'on donne aux bestiaux en avons bien assez mais pour le froid il vaut
bien mieux cela que ce que nous avons en toile.
Avec tu ajouteras un
foulard en coton pour mettre au cou, une échevette de laine ou deux une de
chaque couleur que j'en ai troué une au coude et j'ai assez de temps pour faire
tout ça. J’ai des aiguilles.
Hier nous avons bien
soupé. Nous avons mangé notre rata de haricots et rôti et ensuite la poule que
je te disais que nous avions acheté à la femme du berger qui nous a fait cuire
du riz. C’était très bon. Une salade de pissenlit, un café, une partie de
cartes, et on est allé se coucher.
Je suis toujours en
très bonne santé et je souhaite que vous soyez de même. Il me tarde beaucoup de
savoir de vos nouvelles. Tu n'as pas besoin de te faire du mauvais sang pour
moi. Il faut espérer que ça finisse bientôt. Tout de même ça ne doit pas durer
éternellement. Comme je te le disais, nous ne changeons pas de place. Nous
sommes toujours en arrière des lignes de feu. En arrière de nous sommes il n'y
a que le grand parc où on va se ravitailler et l'échelon
viens chercher les munitions à nous pour les batteries de tir ce que je vous
souhaite que vous ayez toujours en bonne santé … »
« Oui j'ai reçu
les gants avec une paire de bas, 2 saucissons que nous avons déjeuné avec un
que nous avons trouvé très bon et j'ai réservé l'autre dans mon sac qui n'est
jamais sans rien.
En cas de départ
pour une autre destination, j'ai toujours la réserve de chocolat de sardines et
maintenant un peu de saucisson. N’adresse rien au bureau central de Paris car
si tout le monde adressait au bureau militaire de Paris tu peux bien comprendre
qu'il serait trop encombré si grand qu'il soit.
Et c'est peut-être
pour cela que je n'avais rien reçu depuis que j'avais reçu le paquet. Je n'ai
pas reçu encore la lettre où tu me parles de l’imperméable. Comme imperméable
je voudrais une capote ou plutôt un genre pèlerine avec capuchon que en cas de
pluie c'est très commode.
Quoiqu’en ne
changeant pas plus de place, comme nous faisons, nous sommes toujours à l'abri.
Mais nous n'avons pas passé un papier pour rester là il faut être toujours
prévenant. »
« Je n'avais
pas su que la Tante soit tombée malade ce qui m'a fait beaucoup de peine en
l’apprenant. C’est toujours bien malheureux car Maria m'a dit sur la lettre que
j'ai reçue en même temps que la tienne ce que je trouve drôle. Et je vois, sans
y être, la position où ils doivent se trouver et c'est bien triste.
Heureusement que la
pauvre Mamette les a quitté ce qui dans le fond est
bien malheureux tout de même car il ne faudrait pas connaitre les personnes
pour ne pas les plaindre.
Il me semble de voir
mon père qui toujours disais qui ne manquerait que ça que la Tante tombe malade
aussi et c'est ce qui est arrivé. on dirait bien que quelqu'un nous a ensorcelé
dans notre famille et que mon père n'a jamais eu un moment de bon et comme tu
me dis heureusement qu'il y a Maria pour les aider car je n'ai pas besoin qu'on
me dise le travail qu'il y a. surtout la Tante étant malade ne pouvant se
lever. »
Tu me dis que tu
m'envoies un autre colis recommandé où il se trouve un saucisson de canard. Je
recevrai ça avec plaisir car nous sommes quelques camarade que nous les aimons
bien et parfois on déjeune de ce qui provient des colis. J’ai un camarade de
Villeneuve à côté de Villefranche et un autre de Laval d'Almont
(*) qui
s'appelle Domergue Marius.
Je te dis le nom car
sa femme pourrait venir te voir en venant à Decazeville pour finir d'arriver à Cérons. Nous sommes
7 qui marchons toujours ensemble.
C’est tous des gros
propriétaires. Chaque soir nous prenons notre gamelle et allons souper à une
maison à côté de la ferme où nous sommes ; parfois nous mangeons une poule
et lapin. Qu’importe nous nous soignons de notre mieux. »
« Je continue
sur une feuille de mon carnet car je vois que j'en ai pas assez, a que je n'en
ai pas assez à te dire pour en remplir une autre grande feuille.
Tu me dis, que pour
le moment, il ne fait pas trop beau. Mais ça doit bien être à peu près le même
temps que nous avons ici. Il ne pleut pas trop tout de même il a fait 3 ou 4
jours mais pour le moment il fait assez beau. »
« Nous faisons
toujours les écoles comme du temps de l'active. Nous faisons le simulacre comme
si on tirait sur l'ennemi. Nous nous apprenons chaque jour et surtout ceux qui
n'ont jamais servi dans l'artillerie de campagne comme nous sommes. Car comme
moi et tant d'autres, nous sommes au courant à peu près de tout. À part les
choses qu'on a modifiées depuis notre service militaire, mais peu de
chose. »
Tu me dis que
maintenant petit René s'amuse bien je suis très content car je préfère qu'il
s'amuse que de voir qu'il reste au lit. Tu me dis aussi que tu vas m'envoyer la
photo de toi et de René sûrement que un jour de plus ou de moins pour cela ça
me fait pas grand-chose j'attendrai bien tout de même qu'elle soit prête. J’ai
reçu en même temps que ta lettre une carte d’Émile et il me dit qu'il est en
bonne santé et heureusement car il faut qu'il travaille dimanche et semaine et
même le jour de la Sainte Barbe pour moi je suis toujours en très bonne santé
… »
(*) : Laval est un lieu-dit 500m au sud d’Almont
(maintenant Almont-les-Junies)
« Aujourd’hui
je te réponds à plus d'une lettre et carte tous ensemble. J’ai reçu celle qui
est passé par le bureau central de Paris et une carte 2 du 5 et du 12 par
Castres. Tu vois qu'elles arrivent bien tout de même, mais c'est beaucoup plus
long. Alors continue à envoyer par Castres, tu n'as pas besoin de mettre le
corps d'armée ni mon gros grade, car pour le corps d'armée nous ne savons pas
même à quelle nous appartenons.
« J’ai reçu
aussi l'adresse de l'oncle Alfred d'Amérique (*)
que toujours je voulais te demander et ça me fait beaucoup de plaisir
voyant que tu as pensé à cela. Je vais lui écrire tout de suite sûrement que ça
lui fera plaisir.
Mais je crains bien
qu'elle n'arrive pas voyant tous ces mouvements. Enfin je vais toujours lui
écrire puisque tu en as reçu, moi j'en recevrai bien.
Pour l'imperméable,
c'est justement une pèlerine que je voulais. Sûrement quand tu recevras cette
lettre tu l'auras fait partir. Nous ne l'avons pas tout le temps dessus. Ce
sera quand nous serons en marche et qu'il pleuvra pour être tout le temps sec
dessous. Pour cela on ne peut pas nous empêcher car ce sera pour notre santé.
Jusqu’ici nous en avons pas eu besoin mais c'est ce qui peut arriver car
sûrement que nous ne resterons pas tout le temps à la ferme que nous sommes.
On avancerait pas
vite et maintenant tant qu'on ce ne sera pas trop tôt car il me semble
maintenant qu'il y a longtemps que nous sommes là malgré
que si la guerre finissait et que nous restons là, nous n'aurions rien à dire
car jusqu'ici nous n’avons pas été trop malheureux. »
« Comme te l’a
expliqué monsieur BLANC que je
n'ai pas l'honneur de sa connaissance, sans cela si j'avais su qu'il vienne à Cérons j'aurais fait mon possible pour le trouver. Mais ça
me contente comment il a pu te dire que nous nous ne faisons pas de bile car
quand même que je te le dise, je sais que tu ne me crois pas toujours et
pourtant je te dis la vérité. »
« Ce matin j'ai
reçu en même temps que les lettres le petit paquet qui contient une paire de
chaussettes et les deux petits saucissons de canard que nous avons mangé au
repas de 10h avec mes camarades et qui m'ont félicité des préparatifs de ces
cous de canard
Nous l'avons trouvé
excellemment bon. Quand même qu’on n’ait pas faim, il faut en manger quand même
tellement c'est bon. Même nous en avons gardé un peu pour ce soir car nous
avons plus que cela.
Il y a un camarade
qui a reçu du jambon et un saucisson et nous mangeons tous ensemble. C’est bien
dommage qu’il n’ait pas 1 km de long, il durerait davantage mais enfin, il faut
se contenter avec ça car tout le monde en a pas tant. »
« Pour l'argent
tu pourras en envoyer un peu malgré que encore je ne suis pas à cours. J’en
gagne un peu avec mon fourbi de coiffeur. Je t'envoie assez tôt pour ne pas me
trouver attrapé car il faut un moment pour que ma lettre arrive là-bas et
reviennent surtout si elles sont un peu de retard.
J’ai reçu des
nouvelles de Raymond GrÈs qui est
en ce moment dans la Seine-et-Oise. Il est en ce moment à la manutention
militaire et me dit même qu'il a sa femme avec lui et qu'il a eu un enfant,
mais qu'il n'a pas vécu n'étant pas venu au monde à terme. Il me dit de vous
donner le bonjour et qu'il est en bonne santé.
J’ai trouvé son
cousin Plégat de Penchot sur la route de Braine à Soissons et c'est lui qui
m'a donné son adresse et je lui ai écrit ce qui lui a fait plaisir. »
« Maintenant
j'attends ta photo de toi et petit René ensemble car tu me dis que tu t'es fait
photographier. Il me tarde beaucoup de vous voir tous deux. Pour toi
certainement que tu n'auras pas beaucoup de changements mais c'est petit René
que je ne vais pas reconnaître.
J’écrirai plus
souvent à ton père mais voyant qu'il a des nouvelles de moi par toi, bien le
bonjour à mon père et la Tante et qu'elle guérisse au plus vite car c'est bien
malheureux de se voir dans cette position … »
(*) : Alfred Ferdinand Hippolyte GRÈS (1876-1956), parti aux USA
en 1906.
« Aujourd’hui
je réponds à deux lettres et deux cartes que je viens de recevoir à l'instant
du 28 octobre et du 3 novembre adressées au bureau central. Tu vois que tout
arrive bien mais avec un grand retard….
Sur une de tes
lettres tu me dis que nous devons être dans des contrées que les Allemands
viennent de quitter. Certainement tu ne te trompes pas.
Mais à la ferme que
nous sommes, ils y arrivaient juste et n’ont pas eu le temps même de dételer
qu'il a fallu qu'ils sonnent leur retraite. De ce fait ils n'ont rien enlevé à
cette ferme et nous avons été heureux car il y avait à ce moment plus de 300
poules et de poulet et 2 ou 300 pigeons. Tu vois qu'ils n'auraient pas souffert
de la volaille et de ce fait, c'est nous qui en mangeons quelques-unes de temps
en temps mais en payant les pigeons.
En commençant ils
nous les vendaient à dix sous la pièce ce qui n'était pas trop cher mais ils ne
veulent plus nous en vendre. Ils nous vendent encore quelques poules en les bien priant à 4,50 et jusqu'à 1 francs.
Mais tout de même à
6 ou 7 camarade que nous sommes et qui marchent ensemble on peut se payer
presque tout un peu chacun ça ne reviens pas bien cher. Ce n'est plus comme à
Rethondes nous nous ne pouvons pas faire la chasse au lapin et faisant avec un
bâton comme nous le faisions. Ici il y en a bien mais ce n'est pas aussi
commode et de ce fait on ne s'amuse pas dans les villages. Il n'y a rien ni
poule, ni lapin, rien. Ils ont tout pris mais ils n’ont pas pillé car les
habitants n'était pas partis.
Mais les villages où
nous sommes passés que les habitants étaient partis, c'était pillé et même
incendié. Il ne restait plus que les quatre murs. C’était affreux. On se disait
en nous-même qu'il faut être barbare de faire tout ça et après ils ont l'air de
dire qu’ils font la guerre pour s'emparer des pays pour les civiliser. Mais
qu’ils se civilisent avant car il en aurait plus besoin que nous. »
« Sur une de
ces lettres tu me dis que tu m’enverrais des bas et les grands que j'ai reçus
il y a longtemps et même le paquet d'une autre paire de bas et de saucisson de
canard et une barre de chocolat.
Tu me parles sur
cette lettre que tu as reçue des nouvelles de l'oncle d'Amérique. Je lui ai
écrit hier une lettre et que l'enveloppe était toute prête et je vois sur
celle-ci de nouveau l'adresse et qu’au lieu d'avoir écrit États-Unis il y a
U.S. of America à ce qui ne doit pas avoir grande
importance. Je l'ai toujours affranchi.
Tu me dis que les
Parisiens font leurs préparatifs et petit René aussi. Je vois qu'il doit être
toujours bien dégourdi ce qui me fait plaisir et surtout qu'il pense toujours à
moi, ce que je trouve mieux car depuis le temps que je vous ai quitté et pour
un petit si jeune, c'est vraiment bien beau.
Je leur ai envoyé à
Paris déjà deux fois et j'ai écrit hier une carte à l’oncle Ernest ; une à
Paul aussi ; et une à ton père une à Gervais.
« Aujourd’hui
la neige d’hier a bien fondu. Le temps c'est beaucoup radouci il dégèle
rapidement… il y a longtemps que je n'ai pas vu Tellier de Combes mais j'en ai su des nouvelles par un de ses
camarades. Il est toujours à Rethondes avec son état-major….. »
« Tu me dis
qu'il fait à Cérons un très vilain temps et du vent à
tout casser. Nous n'avons pas eu de mauvais temps mais excepté le 25 où il a
fait un peu de neige. Mais elle a bien vite disparu. Aujourd’hui nous avons un
temps très beau. Tu as peur que j'ai froid. Sois tranquille.
Encore bien contents
quand même que nous soyons dans des granges. Encore bien content d'en trouver.
Car tout le monde n'en n'a pas. Nous avons assez de la paille et des
couvertures.
Moi je vais te dire
comment je fais mon lit. Sûrement que je ne suis pas aussi bien qu'avec toi
mais ça peut faire tout de même en temps de guerre. Je commence par quitter mes
pantalons et mes bas et la veste c'est tout ce que je quitte. Je mets les
pantalons et la veste pour coussin. Et une chacle (*) pour drap de lit. Je me plie avec une
couverture et je m'enfile dans deux chacles et je
recouvre de paille.
Voilà mon beau lit
et après tout cela tu vois que je n'ai pas à me plaindre. Et encore les
couvertures des chevaux si nous en avons besoin et la capote qui nous quitte
jamais enfin chaque fois que nous changeons nous voudrions être aussi
bien. »
« J’ai reçu
aujourd'hui des nouvelles de Gervais (ESPINASSE) et il me dit qu'il est
dans les tranchées en bonne santé. Sûrement qu'il ne doit pas être aussi bien
que moi. Mais malgré ça il me dit qu'il n'a pas eu encore trop de froid.
J’espère qu'il s'en sortira tout de même car malgré
qu'il soit dans les tranchées ils sont abrités. Le tout c'est que les Allemands
ne leur tombe pas dessus. »
« J’ai reçu
aussi des nouvelles de Geneviève qui me dit qu'elle m'a envoyé déjà trois
cartes et qu'elle n'a rien reçu de moi. J’en ai reçu que deux et après à la
première j'ai justement fait réponse à Cérons car
alors je n'avais pas reçu le lettre dont tu me parlais de leur départ et de
suite que je sus qu'ils étaient partis de Cérons. Je
leur ai fait faire une autre pour Paris.
Mais ensuite je vais
leur en envoyer une autre. Tu me dis que petit René a attrapé un rhume…. »
« Suite de la
lettre.
Nous sommes toujours
à la ferme de Javage, commune de Faverolles,
et nous allons toujours voir le berger. Nous lui faisons faire toujours
quelques repas de temps en temps en dehors de l'ordinaire. Nous avons encore du
vin passable nous le payons 12 sous le litre.
Si nous voulons du
cidre c'est trois sous le litre.
Maintenant il me
tarde de recevoir la photographie de toi et René qui doit être bien mignon. En
même temps, Marguerite m'envoie une photo de petit Roger et ça me fait bien
plaisir.
Tu me dis aussi de
te dire s'il y a beaucoup d'artilleurs de chez nous dans ma section. Oui il y
en a passablement de la région. Il y en a un que je t'ai déjà dit qui est des
Tuileries de Viviez, maison cabri, et qui s'appelle Mages Gustave. (**)
Il ne sait pas lire
ni écrire. Il y a un camarade qui lui fait ses lettres et quand il n'est pas là
c'est moi qui les lui fait malgré que je ne sache pas
trop bien les faire.
Il y en a un autre
d’Almont. Nous sommes de la même pièce. Nous ne
mangeons rien l’un sans l'autre. Il y en a beaucoup d'autres que je te dirai le
nom tu ne les connaîtrais pas. Quand même alors je vois que ce n'est pas
nécessaire.
Dans ta prochaine
lettre, tu me sauras dire si parmi tous ceux qui sont partis de Cérons, on a des nouvelles de tous. Car j'ai des camarades
qui ont reçu de chez eux qu'il y en avait des morts et des blessés. »
(*) : Nom inconnu : n’était-il pas écrit Chasle,
écriture parfois rencontrée de châle, souvent fait d’un grand carré de tissus
plié en 2 selon la diagonale
(**) : Gustave MAGES,
34 ans, fait partie du 9ème régiment d’artillerie. Dans le civil, il est
boiseur dans les mines. On sait maintenant qu’il faisait partie en 1914 de la
25ème section de munitions du 9ème régiment d’artillerie. En 1916, il réintègre
les mines. Voir
sa fiche.
« J’ai reçu la
lettre du 21 novembre hier au soir très tard. Nous étions juste
en train de souper avec mes camarades d'habitude. Nous mangeons une poule et un
lapin. C’est au moment où nous prenions le café que la correspondance est
arrivée et pour moi il y a eu une lettre de toi et une de Maria. C’est
justement comme tu me le dis je me suis trouvé très drôle.
Quand j'ai vu
qu'elle est écrite au crayon mais j'en ai vu la cause tout de suite. Tu me dis
qu'il ne va pas mieux ce qui me fait un peu de peine et de voir qu'il a le côté
pris et encore en plus une angine. Enfin soigne-le de ton mieux car moi je ne
peux guère t'aider. Et pourtant je voudrais bien être à côté de toi et de
René. »
« Malgré qu'on ne soit pas trop mal où je suis car il y a bien
des plus malheureux. Si ce n'était pas la campagne de Belgique que nous avons
faite je pourrais bien dire que je ne connaîtrai pas la guerre. Mais en
Belgique je peux te dire tout de même que nous n'avons pas vu éclater les obus
allemand bien loin mais nous nous sommes sauvés tout de même.
Pour le moment tu
vois je t'écris c'est toujours au même endroit. Nous sommes toujours très
bien. »
« Je me soigne
bien et c'est bien ennuyant que le petit René soit malade. Mais j'espère que la
prochaine lettre tu me diras qu'il est guéri….. Tu ne
me dis pas ni toi ni Maria si la tante va mieux ce que je voudrais pourtant
savoir. Surtout maintenant que je sais qu'elle est malade. Enfin j'espère bien
qu'elle va mieux et que tout ça ce n'est pas sûr je préférerais que vous me le
dites mais ce serait plutôt à Maria à me le dire car toi pour le moment tu en
as assez avec René…
Pour le pour petit
René des bisottes bien mignonnes. »
Environ de La Ferté-Milon dans l'Aisne - Faverolles - Fontaine
claire
« Je suis
toujours en très bonne santé et souhaite que vous soyez de même »
Ma très chère Marcelle
« Je te réponds
aujourd'hui. Je fais réponse à une grande correspondance. Il m'est arrivé 9
lettres ou carte 4 lettres et une carte de toi une du 8 du 10 une carte du 22
et les autres du 23. C’est-à-dire du même jour et une lettre de Combes, une de
Maria et une carte de Geneviève
Tu me dis sur la
lettre du 8 que la pauvre Mamette est morte. Ce que
je sais déjà c'est toujours comme nous disons il faut écrire souvent pour ne
pas être sans nouvelles car ça arrive souvent que la dernière qui part passe
souvent avant celle que l'on a fait partir la veille.
Pour la pauvre Mamette, c'est bien regrettable mais comme tu me le dis,
nous ne viendrons pas aussi vieux et surtout dans le cas où elle se trouvait ce
n'était pas une vie bien agréable. Il vaut mieux d'une manière que le bon Dieu
l’ait prise. Elle ne souffrira plus ni elle ne fera pas souffrir. Surtout qu'il
y en a même de trop avec la Tante. Maria se serait bien passée de ces corvées
et mon père aussi qui doit se faire du mauvais sang. »
« Tu me dis
aussi que le petit René n'était pas malade et que vous le preniez promener,
mais qu'il était toujours un peu paresseux. En venant plus grand ça lui passera
surtout qu'il doit être toujours gros comme il était à mon départ. Il me tarde
de le voir en photographie comme cela je pourrais voir à peu près s'il a
beaucoup changé et puisqu'il est si content quand je le nomme sur les lettres.
Je vais le lui dire une fois de plus que le petit René est bien sage, est
toujours bien mignon et que son papa l’embrasse bien fort.
Mais maintenant il
ne doit pas bien t'écouter du moment qu'il est si malade. Tu me dis sur une
lettre que ça lui a percé ce qui vaut mieux. Mais je n'aurais pas cru que ce
soit si grave. Enfin il faut espérer qu'il sera bientôt guéri. Je suis bien
content qu'il ne fasse plus pipi aux pantalons qu'il soit bien propre. Quand je
reviendrai je lui porterai quelque chose pour le faire amuser mais il faut
qu'il écoute la maman grand-père et grand-mère. »
« Maintenant je
vais te causer sur une question que tu me demandes sur les servants qui passe
dans l'infanterie. Pour ça, je n'en sais pas plus que toi. Mais j'ai entendu
dire qu’on y faisait passer quelques servants qui restaient au dépôt mais je
n'en suis pas sûr.
Pour nous, la
section où nous sommes, nous formerions plutôt une batterie comme il en a été
question il y aura bientôt 2 mois.
Mais pour l'instant
tu vois, jamais tu n'as pas à te faire du mauvais sang pour cela. Dans tous les
cas que l'on changerait qu’on formera une batterie je te le dirai. Mais nous
tous on préférerait rester comme nous sommes car nous ne faisons rien qui
compte sur le service que nous faisons.
C’est les corvées
pour construire des baraquements pour les chevaux pour les mettre à l'abri sans
cela nous avions tous les autres dedans mais on nous en a donné une vingtaine
en plus de ce que nous avions pour les soigner tant que nous sommes au repos.
Je vais t'expliquer
maintenant ce qu'est une section.
À une section, il
n'y a aucune pièce de canon nous ne sommes armés que de notre mousqueton et
baïonnette. Nous avons 20 caissons et nous sommes pour le ravitaillement et ce
qui fait que nous restons tous au repos, parce qu'on fait le ravitaillement
avec les autobus au lieu de les faire avec les sections (à cheval) ce qui nous
soulage beaucoup.
Les derniers temps
que nous allions ravitailler on n'allait jamais aux
batteries de tir sur la ligne de feu. Il y avait un échelon entre nous et la
batterie et quand il avait besoin de munitions, il venait en chercher à nous.
Mais maintenant, je
ne peux pas rien tant dire car il y a un mois qu’on n’a pas ravitailler. Pour
les grades, du moment qu'on a aucune pièce il n'y a ni premier ni deuxième
servant, on est tous pareils. C’est en cas qu'on formerait une batterie de tir
qu'on mettrait les grades. Moi je ne suis pas sûr mais je crois que l'on me
mettra pointeur.
Car sur mon livret
matricule, il y a « très bon pointeur » alors il y a pas à en
douter. Mais je préfèrerais beaucoup mieux aller à une batterie que d'aller
dans l'infanterie car je sais qu'il n'y a pas la vie mais passer partout. Il
vaudrait mieux qu'on nous laisse comme nous sommes car on ne peut pas être
mieux pour un temps de guerre vaudrait mieux encore qu'on nous renvoie plus
vite à la maison ce serait encore mieux »
« Tu me parles
de la carte que tu as reçu. Où nous sommes un grand groupe et on est à peine
reconnaissable on se serait bien fait photographier en plus petit nombre mais
le photographe n'avait que deux plaques et ce fait qui nous a pris nous une
partie de la section et une autre les sous-officiers.
C’était un militaire
de l'infanterie qui est restés 2 ou 3 jours à Faverolles,
dans la commune où nous sommes, il en avait commandé d'autres. Mais elles
n'étaient pas arrivées quand ils sont repartis. Cela fait cela fait qu’on n’a
pas pu se faire photographier de nouveau mais à une autre occasion, je ne
manquerai pas de me faire photographier en plus petit groupe ».
« Au moment où
je t'écris je suis de garde. Nous prenons toutes les 6h 2 heures de faction
chacun. Ça nous fait que sur 6h nous en avons 4 pour nous reposer ou écrire si
nous voulons. Mais il ne faut pas te figurer que les gardes ici soit comme sur
le front de bataille. Ce n'est pas aussi sérieux car ce n'est que pour la garde
de notre section pour faire voir qu’elle est gardée autrement. On ne risque
rien où nous sommes car on est trop loin de l'ennemi nous la prenons qu'une
fois par semaine. »
« Tu me dis que
tu vas m'envoyer les caleçons que je t'ai demandé mais ça ne me presse pas car
j'en ai bien, mais pas en laine coton. Ils sont tous en toile et pour le froid
il vaut mieux les autres.
Mais pour le moment
le temps est très doux. aujourd'hui il a fait quelques averse de pluie avec ce
que je te disais d'ajouter si tu en trouves et une paire de molletière en drap
à bande comme celle qu'avait Gervais couleur bleu et un foulard en coton ou en
fil pour mettre au cou, pas trop grand pour remplacer la cravate et qu'il soit
lavable.
Tu pourras m'envoyer
aussi quelques sous quand je te lis déjà dit sur d'autres lettres mais voyant
qu'elle n'arrive pas à toujours directement je te le dis de nouveau. Maintenant
moi, comme tous mes camarades, depuis que nous sommes à Javage, on trouve
l'occasion de dépenser beaucoup plus qu'on le faisait en voyageant. »
« On est chez
le berger de la ferme comme des pensionnaires. Les sept que nous sommes
ensemble, nous prenons nos gamelles et allons manger chez lui le matin au dîner
et le soir au souper et quand on ne trouve pas l'ordinaire à notre goût, ou
qu'il n'y en a pas de reste, nous faisons faire cuire quelques autres choses.
Maintenant nous
avons le vin que nous voulons à 12 sous le litre et tant qu'il y en a nous en
buvons pour notre service car nous ne sommes aucun de bien soulard. Nous ne
buvons pas un plus que l'autre mais malgré ça l'argent s'en va quand même. Nous
dépensons en moyenne de 25 à 30 sous par jour et on ne le regrette pas tout de
même. On voudrait être toujours ainsi jusqu'à la fin de la guerre. Je me soigne
aussi bien que je peux et bien beau de pouvoir se soigner avec l'argent à la
poche. Nous avons passé un temps qu'on ne pouvait pas s'en servir.
Enfin je vois que je
t'en ai dit passablement pour le moment. Il m'en faut garder un autre peu pour
une autre fois. Je crois que cette lettre ne mettra pas longtemps pour venir
car il y a le fils du fermier qui est de passage à Javage et il conduit une
automobile d'un général et va à Senlis directement.
« Je termine en
t’envoyant des grosses bisottes pour René qu'il soit
vite guéri et mes meilleures amitiés pour toi et toute la famille. »
Ma très chère Marcelle
« Je réponds
illico à ta lettre du 28 novembre qui me fait plaisir de voir que le petit René
soit presque guéri car j'en avais bien peur.
Tu te chagrines bien
de l'imperméable donc tu me dis que tu souffriras à en trouver, mais ne te fais
pas de la bile de ça.
Si je ne t'avais pas
écrit de m'en envoyer, j'en aurai bien eu l'occasion d'en acheter un à
Villers-Cotterêts ; une ville où nous allons souvent en corvée et pour ne
pas faire la dépense de 2.
Je ne l'ai pas acheté
encore je ne m'en serais pas servi quand même car nous n'avons pas eu trop de
mauvais temps. Mais quand tu auras reçu cette lettre si tu n’as pas acheté ne
l'achète pas car pour sûr que j'en trouverai et même comme je voudrais pour les
molletières ça ira très bien.
Comme tu as l'air de
me dire qu'elles sont car nous en avons qui porte des marrons. Comme tu me dis
qu'elles sont tu me dis que tu m'envoies un colis de 1 kg recommandé avec deux
paires de caleçon en laine. Pour le moment il ne fait pas froid 2 cravates de
laine et un saucisson du pain et les autres que j'ai me suffisent.
Mais c'était en cas
qu'il fasse très froid que je préfère en avoir en réserve pour me mettre car
les autres que j'ai ne tiennent pas trop chaud. Mais je pense bien que cette fois-ci
je n'aurais pas besoin de craindre le froid aux jambes. Si on avait beaucoup de
travail on n’aurait pas peur du froid mais c'est un restant sans rien faire que
le froid vous surprend et c'est pour cela que j'ai préféré te l'envoyer. »
« Mais à part
ça tu n'as pas besoin de m'envoyer autre chose ni bas, ni rien, sans que je te
le demande.
Pour les bas, j'en
ai suffisamment et finalement je ne serai pas où les mettre et je t'assure que
s'il nous fallait porter tout cela sur le dos, oh non ! J’ai très la
moitié mais comme c'est les chevaux qui traînent tout et nous aussi ça ne nous
rien fait et c'est pour cela qu'on est toujours en réserve.
pour le chandail que
j'ai, ça me suffit assez car j'ai plus que ça dessus et j'en ai d'autres pour
mettre et si j'ai besoin d’autres chandail on a qu'à le demander au capitaine
il nous l'accorde tout de suite ces derniers temps on a distribué une vingtaine
à ceux qui en avait besoin et pour sûr que si j'en avais eu besoin j'en aurais
pris un mais comme ça ne fait qu'embarrasser je t'assure qu'on a assez de
fourbi s'il fallait le porter. »
« Tu me dis que
Gervais a reçu le saucisson de canards mais moi aussi il y a déjà longtemps et
c'est bien étonnant que tu n'aies pas reçu la lettre dont je t'en ai parlé et
qu'on était même très bon car c'était plus que du saucisson, c'était plutôt du
foie ou terrine qu'il faut l'appeler.
Pour les gants, je
ne les ai pas mis encore car nous ne sommes pas encore sortis. Si le temps
continue il ne fait pas froid pour les mettre quand même on serait en marche
alors il faut que je commence à user ceux-là pour que je t'écrive de m'en faire
d'autre mais j'espère de ne pas les user et que la guerre sera finie
avant. »
« Tu me donnes
des nouvelles de Noémie et qui n'a pas reçu mes lettres ou carte je suis bien
content d'en avoir des nouvelles car je ne savais pas si elle les avait reçu
mais voyant qu'elle les reçoit ça ne m'empêchera pas de lui en a envoyer d'autres.
Tu me dis que mon
père a écrit chez un spécialiste de Paris, je serais bien content qu'il puisse
la guérir malgré que l'on fasse des dépenses et que
l'on arrive à un résultat de quelque chose. On ne plaint rien et même qu'on
arrive à rien, il faut essayer quand même après on n'a pas de remords.
Tu me dis que tu
n'aurais pas dû m'écrire que le petit René a été malade, c’est au contraire
comme ça que je vois que tu ne me caches rien. Peut-être bien que tu ne me dis
pas le fin mot mais enfin tu m'en as donné un aperçu et comme ça je vois à peu
près ce qui en est. Pas d'autre chose intéressant à te dire je finis ma lettre
en vous embrassant de tout cœur et pour le petit René de grosses bisottes et bien le bonjour à tous les parents et voisins
un million de baisers. »
Ma très chère Marcelle
« Hier au soir
j'ai reçu cartes et lettres et le colis, la carte du 30 octobre, la lettre du
1er décembre. Le colis était intact. Il contenait deux paires de caleçons en
laine ça ira très bien en cas qu'il fasse froid je les mettrai sous les autres
de toile et tu peux bien comprendre que je n'aurai pas froid 2 paires de
caleçon et les pantalons de drap mais avec le travail que nous faisons, il les faudra
s’il fait froid avec il y avait deux cravates que j'aurais préféré qu’elles ne
soient pas blanches.
Mais c'est bien mon
tort, j’aurais dû te le dire. Mais ça fera de même encore trois échevettes de
laine trois billes de chocolat et un saucisson que je n'ai pas encore goûté
mais que sûrement sera très bon. Nous l'aurions peut-être mangé mais je vais
t'expliquer pourquoi.
Le berger a tué un
cochon et nous avons soupé avec et toujours notre ordinaire en même temps. Sur
la lettre tu me dis que tu n'as pas trouvé de quoi t’arrangé comme imperméable
à Decazeville mais je préfère car comme tu me dis que tu me le fais faire ça
ira parfaitement bien même plus à bon marché et ce ne sera pas tant de luxe.
Tu me dis aussi que
tu m'envoies un autre nouveau colis avec les molletières et quelques provisions
pour manger. Il ne faut rien refuser car ça ne reste pas longtemps ça ne fait
qu'un passage et on ne le voit plus, au lieu que le linge reste et ne m'envoie
pas d'autres sans que je te le dise car je ne voudrais pas être embarrassé de
tout cela maintenant.
Je ne te recevrai
que l'imperméable mais pas plus pour les molletières ça fera toujours n'importe
comment qu'elle soit. »
« Tu me dis
aussi que tu m'envoies 20 francs en mandat-carte, c'est quelque chose que j'aurais
dû te dire mais je ne crois pas de me recevoir si vite car il y a un
maréchal-des-logis qui en a reçu un en mandat-carte et il est resté un mois
sans le toucher. C’est quelque chose qui est bien long.
Une autre fois il
vaudrait mieux que tu me mettes un billet dans une lettre recommandée que de
faire comme ça car presque tous ceux qui en reçoivent en billet de banque ou
mandat-poste mais tu n'as pas de faire de la bile pour cela car j'en ai encore
pour passer quelques jours. »
« Tu me dis que
Marguerite fait un passe-montagne pour Gervais. Mais ne te tracasse pas pour
moi car je n'ai pas encore mis celui que j'ai et tu peux bien te figurer que
encore il n'est pas usé. Je ne crois pas de l'user car si bien que le fasse
Marguerite elle ne fera pas mieux que le mien. »
« Je suis
toujours en bonne santé et souhaite que vous soyez de même.
Ton Louis qui
t'embrasse toi et petit René bien fort »
Ma chère Marcelle
« Je profite
souvent du soir pour t'écrire croyant que le jour on n’ait pas le temps
d'écrire et pour te rassurer de ma santé que ne veux pas t'en priver et c'est
ainsi que je fais.
Aujourd’hui, jour de
la Sainte Barbe, jour de fête des artilleurs et en même temps des mineurs,
cette année je ne la fais pas à côté de toi. Ce que je regrette beaucoup. Car
je voudrais bien aller faire un bon souper à Aubin comme les années précédentes
avec ton père et les autres camarades. Mais ce n'est pas ça. Il ne faut pas y
penser car on en est bien loin.
Mais ça n'empêche
pas qu'aujourd'hui on a fait un peu de fête. Le capitaine nous a offert pour
souper un demi-litre de vin. Repas comme les autres jours et en plus une boîte
de sardines à trois, un bout de fromage, un café avec une goutte de rhum et un
gros cigare et c'est après tout ça que je t'écris cette lettre. »
« Je ne sais
pas qu'est-ce qu’il en résultera mais hier nous sommes allés chercher 2 pièces
de canon pour nous rappeler et pour nous instruire en cas qu'il fasse former une batterie
de 75. Aujourd’hui on nous a fait un peu de l'instruction avec les
pièces et probablement que chaque jour ce sera pareil. Enfin je te tiendrai au
courant.
Sûrement que l'on ne
nous laissera pas tout le temps là sans rien faire et que l'on nous fera former
une batterie. Mais il faudra bien mieux ça que s'il nous avait envoyé dans
l'infanterie. Mais au premier moment que l'on nous en parlera, je te le dirai
car je sais que l'on a démoli beaucoup de sections et qu'on a envoyé les hommes
un peu partout voyant que les automobiles faisaient notre travail.
« Aujourd’hui
je n'ai pas reçu de tes nouvelles car notre fourgon n’est pas allé les
chercher. Il arrive parfois qu’il n'y va que chaque 2 jours et probablement que
demain j'en aurai.
Car je suis toujours
impatient d'avoir des nouvelles de René mais qui doivent être bien bonne. Pour
moi je suis toujours en très bonne santé et désire bien que vous devez être de
même. Malgré que certainement vous devez vous faire
plus de mauvais sang que nous car vous ne savez pas toujours où l'on peut se
trouver, on nous envoie toujours en sûreté de l'ennemi.
Ce n'est pas comme
ces pauvres villages du Nord car les familles ont déguerpi et les maisons ont
été pillées par les Allemands. Ces maudits barbares et qui en ont même
incendiées.
Bien le bonjour de
ma part à tous et bien des choses.
Ton Louis qui
t'aime. Un million de baisers pour toi et pour petit René »
« Je n'ai pas
eu de tes nouvelles il y a 2 jours ce n'est pas sûrement bien long. Mais tu
sais comment ça marche quand on n’a pas des nouvelles le temps est beaucoup
plus long que quand on en a chaque jour.
On est toujours à Javage où l'on n'est toujours très bien. Mais
malheureusement que ça ne durera pas car chaque jour nous apprenons la manœuvre
d'artillerie et probablement que quand nous saurons faire, nous irons sur la
ligne de feu mais il n'y a pas à se faire de mauvais sang pour ça. Car nous
pouvons être aussi bien que nous sommes.
Mais il ne faut pas
y compter car si bien qu'on soit on ne sera jamais mieux. Encore que nous ne
sommes pas prêts. Quand nous quitterons Javage, je te
le dirai puisque je t'écris chaque jour je te tiendrai au courant de tout. Tu
peux être tranquille. »
« Probablement que nous
formerons une batterie de renforcement .et ce n'est pas encore sûr que
l'on aille au combat de suite. Et c'est tout probable que l'on changera
d'adresse. Mais écris-moi toujours à la même tant que je ne te dirai pas autre
chose. Au moment que je t'écris je n'ai pas encore reçu les molletières. Mais probablement
que je les recevrai dans la journée avec de tes nouvelles. »
« Ici nous
avons un temps très doux pour la saison on ne dirait pas l'hiver. Surtout qu'à
la fin de novembre il a gelé très fort mais maintenant on se croirait au
printemps. Si ce n'était qu'il pleut de temps en temps mais il pleut
principalement la nuit, ça fait que encore la pluie ne nous a pas touché. On
n'a pas été du tout malheureux.
Quand je recevrai
les 20 francs que tu m'as envoyés je te le dirai. Ne te chagrine pas de cela
car je peux attendre qu'il vienne du moment que ça ne tardera pas.
je ne vois pas autre
chose d'intéressant à te dire pour le moment que de t'envoyer bien le bonjour à
tous nos parents voisins et mille baisers pour toi et des bises à bien mignonne
pour petit René.
Votre Louis qui vous
embrasse tous bien fort. »
Ma bien chère aimée Marcelle
« Je réponds
aujourd'hui à ta lettre que j'ai reçue hier soir très tard et dont je t'ai fait
partir une carte au moment où j'ai vu le facteur pour que tu ne m'envoies pas
d'autres molletières. Car j'ai reçu le paquet en même temps que la lettre et le
mandat-carte qui n'a pas mis autant de temps que j'aurais cru.
Comme cela ça va
très bien, demain je toucherai mon argent. Quoiqu’encore je ne suis pas au
dépourvu. Pour les molletières elles ne peuvent pas aller mieux je les ai mises
de suite que j'ai eu ouvert le paquet. Elles vont très bien comme couleur et
forme enfin je te dis que tu ne pouvais pas faire mieux. Ça tient très chaud
aux jambes. Si tu n'as pas fait partir celles que tu me dis que tu as acheté,
tu ne me les envoie pas. Rapporte-les chez le marchand. Car si je les reçois
j'en serais embarrassé car maintenant presque tous les servants en ont ou ils
les ont par le chemin qui viennent et sûrement qu'il y en a qui ne vont pas
mieux que les miennes. »
« Je suis très
content de toi tu ne peux pas faire mieux. Tu exécutes bien mes commandements.
Je n'ai qu'à te féliciter pour cela. Maintenant je vais te dire ce que j'ai
trouvé dans le paquet car tu ne me l'avais pas dit sur ta lettre expéditrice.
J’y ai trouvé
premièrement les molletières dont je t’ai assez parlé, ensuite deux boîtes de
thon. Tu n'as pas besoin de m’en mettre encore sans que je te le commande. Car
pour le moment on peut s'en procurer sûrement sans tant de frais. Quoi que ça
doive bien être un peu près car si on veut quelque chose, on nous fait bien
payer.
Une terrine de
canard et un bout de saucisson dont nous avons mangé hier soir et que nous
avons trouvé parfaitement bon. On s'en est servi comme dessert. Mes camarades
m'ont félicité de ta bonne préparation.
Nous allons toujours
manger notre repas chez le berger car on peut avoir du vin. Ce que nous
trouvons bien commode. Nous souhaitons d'être aussi bien partout où nous irons
en payant sûrement et bien content d'en trouver.
Dans le paquet, il y
avait encore une plaquette de chocolat donc j'en aurai pour déjeuner quelques
matins avec mon café. On ne peut pas se fâcher du café qu’on nous donne il est
très bon. »
« Pour la
réponse de ton père, je ne lui écris pas sûrement pour qu'il me réponde, car je
sais bien que c'est toi qui fais toutes les lettres mais seulement pour leur
faire plaisir et que je me souviens d’eux.
Mais vous pouvez croire que je pense à tous du plus petit au plus grand.
Tu n'as pas besoin de croire que j'attends la réponse de ton père car je n'y
avais jamais pensé et ça ne m'empêchera pas de lui envoyer un mot quand j'en
aurai l'occasion.
1000 baisers
Louis. »
Chère Marcelle.
« Je n'ai pas eu
de nouvelles hier ni aujourd'hui mais j'espère que demain j'en aurai. Vous
devez être en bonne santé comme je l'espère. Pour moi je suis toujours le même.
Aujourd’hui nous
n'avons pas eu trop beau temps et nous avons fait une sortie que si j'avais eu
mon imperméable comme beaucoup d'autres qu'il avait il m'aurait servi. Mais heureusement qu'il n'a pas plu comme il en avait
fait la nuit. Il a fait une averse qui nous a même pas traversé la capote. Tu
vas me dire que çà n'as pas été nécessaire jusqu'ici mais dans l'avenir il
pourra nous servir. Alors si tôt que tu pourras me le faire parvenir fais-le.
Ton Louis qui t'aime
et qui vous aime tous pour le petit René de grosses bisottes,
bien le bonjour à tous les voisins. »
Ma bien chère Marcelle
« Voilà 2 mois
aujourd'hui que je suis à Javage et je peux dire que
nous les avons passés très bien. Je voudrais que ça se passe ainsi jusqu'à la
fin de la guerre et peut-être que ça durera mais c'est quelque chose que l'on
ne sait pas. Car nous ne sommes pas maîtres, il faut aller où on nous commande
et où les circonstances l'exigent. Mais je me suis sauvé jusqu'ici et j'espère
de toujours me sauver. Car il faut bien croire que nous y resterons pas tous et
surtout les artilleurs jusqu'ici il n'y en a pas eu beaucoup de tuer et même
des blessés. Mais certainement il y en a toujours quelques-uns car il ne se
fait jamais des omelettes sans croquer des œufs et c'est bien malheureux pour
celui qui tombe et encore plus pour les familles car celui qui est mort ne
souffre plus. »
« Tu me disais
sur tes dernière lettre qu'il y en a beaucoup de blessés et quelques-uns de
mort ce qui est bien triste. Tu me donneras des nouvelles des Monteiller, les deux frères qui sont
sous les armes enfin de tous ceux que je peux connaître. Il n'y a pas longtemps
que j’ai su des nouvelles de Raymond GrÈs
qui restait par la côte. Il a même sa femme à côté de lui.
Combien nous serions
heureux de pouvoir se parler de vive voix quand ne serait-ce que quelques
instants. Mais il ne faut pas y songer. Il faut espérer que ça reviendra un
jour et quel beau jour que nous passerons si jamais on a l'espoir de revenir.
Car on aurait jamais cru de rester si longtemps sans se revoir. Comme je t'ai
toujours dit il n'y a pas à se faire du mauvais sang pour cela. Encore je suis
à l'abri de tout et il faut souhaiter que ça dure. »
« Maintenant
que je t'ai en photo et petit René aussi je vous vois de temps en temps et tu
ne dirais pas comment ça me fait plaisir. Surtout de voir le petit René si gros
si tant empouse et il est vraiment rigolo. Il a
toujours les yeux bien dégourdi. Mais quand tu me dis qu'il fait 35 kg, tu dois
avoir fait erreur. »
« Aujourd’hui
toujours avec mes copains nous avons mangé le saucisson que m'a envoyé ta tante
de Paris tu sais comme moi nous l'avons trouvé très bon. Je peux dire que j'en
ai pas mangé de plus bon enfin .je suis toujours en bonne santé et je souhaite
de bon cœur que vous soyez tous de même ton Louis qui t'envoie un millier de
baisers pour toi René et à toute la famille. »
Ma bien chère Marcelle
« C'est presque
toujours que je te réponds avec le papier que tu m'envoies et donc il n'y a
rien à dire, il est bien commode.
Aujourd’hui j'ai
reçu le petit colis que tu m'as envoyé et qui contenait les molletières que je
t'avais demandé la première fois mais qui ne sont pas plus commode que les
premières. Mais pourtant comme couleur elles vont mieux mais pour les mettre
c'est plus difficile. Car pour mettre les dernières que tu m'as envoyées, il
faut les croiser et les autres prennent le pli du mollet en tournant tout simplement.
Et comme je ne peux
pas les garder tout toutes les deux et que je n'ai pas de place pour les
mettre, j'en ai vendu une paire à un autre servant. J’ai gardé les
dernières. »
« Avec ça j'ai
trouvé deux saucissons, une plaque de chocolat et chaque matin j'en mange une
barre après le café et du pain. Avec ça j'attends jusqu'à la soupe qui est à
10h car on se lève qu'à 7h30 du matin et au moment où je t'écris c'est 7h30 du
soir et je suis à l'endroit où je me couche et après que j'aurai fini ma lettre
je me coucherai.
Et tu sais que nous
faisons de grandes roupillades.
Après le chocolat,
une boîte de foie gras que nous avons mangé, il n'y a pas encore une heure et
que mes camarades me disent de te remercier car c'est excellent. Nous l’avons
mangé après souper comme dessert et nous avons gardé les saucissons pour demain
afin que si ce n'est pas moi qui on reçoit, c'est les autres. Nous avons
toujours des saucissons ou des boîtes de conserve à manger. Mais pour le moment
nous trouvons assez de quoi manger sans cela, maintenant on trouve bien de
temps en temps quelques poules ou poulets, des lapins et même un boucher qui
vient de Villers-Cotterêts et on achète ce que la fantaisie nous prend.
Quelquefois du mouton car il y en a de mes camarades qui l'aime aussi.
Enfin pour le moment
on ne se prive de rien. »
« Mais aussi tu
sais que nous nous ne faisons pas de mauvais sang. Je suis persuadé que les
femmes qui êtes au pays vous vous en faites plus que nous. Car vraiment on ne
dirait pas en guerre comme je l'ai déjà dit plusieurs fois.
Aujourd’hui j'ai
reçu une carte de l’oncle et tante de Viviez et qui me disent qu'ils m'envoient
aussi un petit colis de vivre pour passer le réveillon de Noël. Mais je pense
que si je voulais garder tout pour la Noël j'aurai de quoi bouffer mais comme
je ne peux pas tout garder, j'en mange un peu chaque jour mais je laisse
toujours la provision dans mon sac en cas de départ. »
« Ici nous
avons un temps très doux il pleut de temps en temps mais pas beaucoup le jour,
c'est surtout la nuit. Ce qui nous va mieux.
Je n'ai pas encore
mis les caleçons que tu m'as envoyés car il n'a pas encore fait froid depuis
que je te l'avais dit de me les envoyer. Mais je préfère. Tu n'as pas besoin de
m'envoyer de colis pour manger sans que je te le dise. En ce moment que nous
trouvons de quoi manger et sans tant de frais.
Encore mille
baisers »
Chère Marcelle
« Toujours en
bonne santé. Je t'écris ces 2 mots, après souper, sur la table où je mange
matin et soir. Nous venons encore de manger du pâté de foie que tu m'as que m'a
envoyé la tante de Viviez et que nous avons trouvé parfaitement bon et du
saucisson que tu m'as envoyé toi-même mais qui n'était pas encore trop sec ni
trop salé. Mais on voudrait en avoir toujours aussi quand même malgré ça il est
très bien.
Nous sommes toujours
très bien placés et on ne se fait pas de mauvais sang. Pas d'autres choses pour
le moment qu'à t’envoyer de gros baisers pour toi et René bien des choses à
tous nos parents. »
Louis GRÈS
« Je viens de
recevoir une lettre de toi et qui est datée du 12 et qu'il y avait une lettre
pour te faire réponse mais voyant qu'elle était plus petite que celle que je
t'envoie, je l'ai réservée pour faire après la tienne pour envoyer au cousin (Adrien Auguste) Bras
(*) dont j'ai reçu des
nouvelles en même temps que de toi.
Il me dit qu'il t'a
envoyé à toi aussi. Il doit te faire savoir qu'il était à l'hôpital de Niort.
C’est la première fois que j'ai reçu de lui et pourtant tu me dis que c'est la
troisième fois qu'il m'envoie. »
« Tu me dis
qu'il y a longtemps que je ne t'ai pas dit si nous étions bien loin des
Allemands. Nous sommes toujours à peu près à la même distance puisque nous
n'avançons pas beaucoup. Ça peut varier de quelques kilomètres car nous n'avons
pas reculé. Mais il y a des jours que nous entendons le canon tout de même ça
dépend de vent du vent qui souffle.
Tu me dis qu'il y en
a beaucoup de chez nous du côté de Soissons je voudrais bien savoir le régiment
car si par hasard on passait à côté de on pourrait quelquefois se trouver.
Tu me dis aussi que
Monsieur Delrieu et aussi en
Belgique et qui se voit souvent avec DelagneS
Louis. Tu vois qu'il est bien parti bien longtemps après moi-même et il est sur
le front. »
« On vous fait
bien souffrir tout de même pour toucher ces petites allocations de ces petits.
Mais j'espère qu'à faire attendre vous le toucherez. Il vaudrait mieux quand
même que ça finisse bientôt et que vous ne touchiez rien. Mais en attendant ça
passe et vous ne le touchez pas ce qui est vraiment pas juste. »
« Pour la
poudre de savon que tu me dis si j'en veux que tu m'en envoies. Pour ça j'en
trouve à peu près quand je veux je n'ai qu'à dire un bicycliste de m’en apporter
de la ville la plus proche qui est pour le moment Villers-Cotterêts .je
l'achète peut-être un peu plus cher que là-bas mais si tu me l'envoies elle
reviendrait encore plus cher. Tout ce que tu pourrais m'envoyer c'est le
caoutchouc pour essuyer le rasoir.
Quand tu m'enverras
un autre colis mais tu n'as pas besoin de m'envoyer un colis pour ça. Car j'ai
fait jusqu'ici et je ferai encore. Ni pour les bas ne m'en envoies pas car j'en
ai encore de tout neuf que je n'ai pas encore mis du tout .ne m'envoie pas
autre chose sans que je te le dise sauf l'imperméable que je voudrais bien
avoir en cas qu'il faille marcher et qu'il pleuve ça pourrait me servir. »
« Tu me fais
bien plaisir de me parler du petit René donc je vais lui mettre pour lui une
carte de celle qu'on nous donne parfois pour vous envoyer mais si vous n'aviez
que c'est carte là vous seriez vite renseigné. Tu me dis qu'il est un peu
polisson mais ça lui passera mais qu'il est intelligent ce que je souhaite. Je
voudrais bien qu’ils s'instruisent un peu plus que je ne le suis moi-même tu me
dis qu'il parle déjà très bien ce qui me fait plaisir et quand je reviendrai
que l'on puisse tous causer ensemble. »
« Aujourd’hui
dimanche ici il fait une journée de printemps un peu un très beau jour.
Maintenant chaque
dimanche, quand il fait beau comme aujourd'hui, le capitaine a offert à la
section un ballon de football et nous et faisons la journée. Plus vite même
quand il fait froid. C’est un jeu qu’on sent vite le froid des pieds. »
« Je suis
toujours à Javage. Mais on attend d’un jour à l'autre de changer de
cantonnement. C’est bien dommage car nous sommes très bien. Surtout pour
coucher et pour manger aussi. Car depuis que nous sommes là nous allons chez le
berger pour manger, nous y sommes comme des pensionnaires. Nous avons matin et
soir notre place réservée. Nous sommes sept toujours les mêmes. Nous nous
soignons aussi bien que l'on peut mais ça ne veut pas dire quand même que l'on
change que l'on ne soit pas bien.
Peut-être mieux,
mais comme je te l'ai toujours dit, de suite que nous aurons changé, je
t'enverrai. Mais il faut espérer que l'on soit aussi bien enfin.
Je ne je ne vois pas
autre chose à te dire pour le moment, qu'à te dire plus tôt ça sera fini mieux
ça sera pour l’un et pour l'autre.
Bien des choses à
tous nos parents et voisins Ton Louis qui t'embrasse toi et petit René bien
fort.
(*) : Adrien Auguste BRAS
(1890-1955) est le cousin de Louis GRÈS par sa mère. Soldat au 122ème régiment
d’infanterie, il a été blessé en Belgique le 4 décembre 1914 (balle à la tête).
Il sera soigné à l’hôpital de Niort, retournera au front puis à nouveau blessé
en mai 1915 en Champagne à Mesnil-lès-Hurlus (éclats d’obus à la cuisse), il
sera affecté en 1917 aux mines de houilles d’Albi (81) comme électricien. Il
finir sa carrière à EDF.
(*) : Le seul Louis DELAGNES originaire d’Aubin (même village
que Louis) est Jean Louis DELAGNES
(32 ans). Est-ce-lui ? Il est mort
pour la France en janvier 1916 dans la Somme.
Ce « Jean Louis » était au 129ème régiment
d’infanterie, unité qui était bien en Belgique fin 1914.
Bien chère Marcelle
« Aujourd'hui
j'ai reçu le colis qui contenait un quartier, un cou, des gâteaux, cigare et cigarette.
Tout cela tu sais qu'en ce moment il n'en reste pas grand-chose.
À midi après notre
ordinaire avec mes camarades d'habitude, nous avons mangé le quartier et tu
sais ça sentait au pays, c'est-à-dire que c'était très bon et le cou de canard
aussi. Nous l'avons mangé pour souper.
Ça nous rappelle un
peu à la viande que nous mangeons chez nous. C’est bien dommage que l’on ne
puisse pas les manger à la maison tous ensemble comme nous l'avons fait l'année
dernière. Mais il faut espérer que ça reviendra peut-être sans tarder.
Tu peux bien dire
que je ne garde pas longtemps les colis que tu m'envoies.et donc tu me disais
que j'en aurai pour passer la Noël. Mais nous n'avons pas attendu au jour de la
Noël .nous avons pensé de chercher un gigot de mouton pour passer ce jour-là
tous les 7 ensemble.
Tu vois que l'on ne
fera pas de mauvais sang tout de même. Il y en a parmi nous de ces sept qui
n'ont pas reçu grand-chose comme provision et c'est eux qui veulent payer le
gigot alors pour les contenter on les laisse faire. Et si on ne trouve pas de
gigot nous ferons avec un lapin ou un poulet ce que nous trouverons. Car
parfois il faut se contenter avec ce que l'on trouve. »
« Le colis que
tu m'as expédié par la gare je ne sais pas quand est-ce qu'il arrivera mais tu
sais qu'il n'arrive pas vite s'ils ne sont pas recommandés. Il n'y a pas y
compter car ça s’égare facilement. Mais il faut espérer que maintenant ça
marchera mieux et que je le recevrai bientôt. Car sûrement que ça marche bien
mieux qu'au commencement.
Quelque chose que
j'avais oublié de te dire des gâteaux que tu vas envoyer tu sais que le petit
du berger les trouvait bons j'ai voulu lui en donner deux et tu sais qu'il les
a vite mangé et il se tenait de revenir à la table pour en chercher d'autres encore.
Il y a eu quelques-uns de resté et je les ai donné à
sa mère pour lui. »
« Nous nous
sommes toujours à Javage et par conséquent nous n'avons pas encore changé. Mais
on ne demande pas mieux car nous sommes toujours très bien. Nous faisons
toujours des manœuvres d'artillerie. Mais nous n'avons pas encore changé
d'adresse. Nous sommes
encore section de munitions. Il ne faudrait qu'un nouvel ordre pour que
la batterie soit de nouveau tombée à l’eau. Mais il ne faut pas tout de même
s’y attendre.
En même temps que
toi j'ai écrit à l'oncle d'Amérique et donc je lui souhaiter la bonne année. je vous en souhaite de même à tous mais qu'elle soit bien
meilleure que celle que nous venons de passer. Enfin tout ce qu'il faut
souhaiter que la guerre soit bientôt finie et que l'on puisse se revoir sans
tarder.
Ton Louis qui vous
envoie pour toi et petit René ses meilleures amitiés et en plus de gros baisers
et souhaite que ta mère soit vite guérie car j'espère que ça ne sera
rien. »
Louis GRÈS.
Bien chère Marcelle
« Aujourd'hui
j'ai reçu une lettre de toi, la photo de Marguerite et de son petit Roger, que
je trouve parfaitement bien.
Ils sont un peu
mieux photographiés que la tienne avec petit René. Ça ne dépend pas tout à fait
de vous autres, ça dépend un peu plus un peu du photographe.
Et en même temps des
nouvelles de Paris de Geneviève. Ils sont tous en bonne santé.
Sur cette lettre tu
me dis que tu m'envoies l'imperméable et un tas de choses que ce n'est pas la
peine que je te le répète je ne l'ai pas encore reçu. Et ce sera comme t’as dit
madame ALBAGNAC qu’il y mettra un
peu plus de temps que par la poste car il y en a beaucoup à la section qui en
ont d'annonces par la gare et qui n'arrivent pas vite.
Mais je crois bien
qu’on va s’en donner un peu plus pour aller voir à la gare s'il y a des colis
pour nous .car il y en a beaucoup qui commence à se fâcher de tout ce retard.
Mais les colis par la Poste arrivent aussi vite que les lettres il n'y a pas de
différence même quelques fois plus tôt. Tu me dis que tu n'aurais jamais cru de
passer le jour de l'an sans moi mais moi non plus si on avait dit cela quand on
s'est quitté on aurait dit que ce n'est pas possible. Mais cependant il faudra
le passer quand même. Et il y en aura beaucoup qui ne le passeront pas encore
comme nous autres ceux qui sont restés ou blessé voudrais bien les passer
encore comme nous le passerons nous-même. »
« Nous sommes
toujours à Javage. Nous avons pris souvent l’élan
pour partir et nous sommes encore là et nous ne savons pas encore quand nous
partirons, mais ça ne presse pas car nous sommes très bien là.
Ah si c'était pour
venir vous voir tous, ça ne serai jamais trop tôt mais comme ce n'est pas
encore l'heure il ne faut pas y penser. Nous avons quelques autres choses à
faire avant probablement que nous irons nous revoir.
De nous servir de ces quatre
pièces de 75 que nous avons mais s'il faut nous sommes toujours prêts on
nous apprend chaque jour comme je te l'ai dit sur une de mes dernières
lettres. »
« J’ai reçu des
nouvelles de mon cousin Adrien (Auguste
BRAS). Tu me dis que sur ta
lettre c'est bien malheureux que les pieds lui ai
gelés. Mais quoi faire maintenant on le soigne. C’est tout ce qu'il demande et
pour ça il en guérira toujours il y a 2 ou 3 jours que je lui ai fait réponse.
Je ne t'ai pas fait réponse sur le papier que j'ai trouvé dans ta lettre car je
le trouve plus commode pour garder dans ma poche et avec ses enveloppes que je
t'envoie je peux y mettre une carte. Il ne se perdra jamais envoie à moi
toujours comme tu fais. Comme cela en cas que je n’en ai pas je ne me trouverai
jamais attrapé pour te faire réponse. »
« Bien des bisottes au petit René pour moi et tâchez moyen de passer
un bonjour de l'an quand même que je n'y sois pas. Et il ne faut pas vous faire
du mauvais sang pour cela. Il faut espérer qu'on se reverra tout de même un
jour encore une fois je vous souhaite à tous et à toute la famille. »
« Maintenant il
me semble t'avoir dit qu'on nous a donné le numéro de notre secteur
c'est-à-dire la contrée où nous nous trouvons et par conséquent au lieu de
passer à Castres elles viennent tout droit suivant que l'on nous a dit et même
il y aurait lieu de mettre bureau central militaire Paris.
Si tu veux un jour,
tu n'auras qu'à m'envoyer deux cartes, l'une rien que ‘secteur postal numéro
111 111’ et l'autre telle qu’est adressée en plus ‘bureau central
militaire Paris secteur postale numéro 111’ comme cela je verrai là qu'elle
vient la plus vite et si par hasard elle ne venait pas plus vite on reviendrait
à l'ancienne adresse c'est-à-dire à Castres mais je peux bien essayer comme
cela. »
« Je suis
toujours en très bonne santé. Je me soigne toujours aussi bien que je peux. Si
jamais je trouve l'occasion de me faire photographier, je te réponds que je le
ferai car je suis bien content d'avoir la vôtre et je comprends bien que vous
seriez de même si tu avais la mienne. Je t'en dis pas plus long pour le moment.
Aujourd’hui je n'ai
pas eu de tes nouvelles et je suppose que demain j'en aurai et donc je te ferai
réponse en attendant reçois de ton Louis les meilleures amitiés et petit René
et toutes nos familles. »
Chère Marcelle.
« Aujourd’hui
je n'ai rien eu de toi. Ni lettre, ni le paquet que tu m'as envoyé par la gare.
J’ai eu une lettre de mon camarade GrÈs
Raymond et tu me dis de vous donner un bonjour à tous. Il m'a même dit que la
compagnie (*) de Decazeville
l'avait demandé. Sur la prochaine lettre je joindrai sa lettre à celle que je
t'enverrai tu verras comme cela si je ne te mens pas je suis toujours en bonne
santé je t'envoie mille et mille baisers. »
(*) : La compagnie des mines de Decazeville.
Bien chère Marcelle
« Aujourd'hui
jour de Noël j'ai reçu une carte. Et tu me dis que tu me fais porter une lettre
par le secteur et l'autre par Castres. Et bien au début ça ne marche pas mieux
qu'à l'ancienne adresse. Par conséquent tu n'auras qu'à mettre tout de même le
secteur mais par Castres en même temps car je n'ai pas encore reçu la lettre.
Je n'ai pas reçu le paquet qui contient l’imperméable mais je ne me désole pas
tout de même car nous sommes toujours à Javage et tant que nous serons là je
n’en ai pas besoin. Mais c'est tous les cas que nous partions et qu'il pleuve.
Je ne sais pas le
temps qu'il fait à Cérons mais ici il fait un très
beau temps. Cependant il gèle très très fort mais il vaut bien mieux ce temps
que la pluie et il a commencé de geler hier et aujourd'hui il continue. Surtout
au moment où je t'écris. »
« C’est
principalement le soir que je t'écris comme cela on est presque sûr de n'être
pas déranger et on fait à son aise. Aujourd’hui nous avons eu un très beau jour
mais certainement que pour ceux qui sont dans les tranchées il ne faudrait pas
tant de froid car comme le dit mon cousin dont je viens de recevoir encore de
ses nouvelles en même temps que de toi. Tu me dis que les pieds lui ont gelé et
qu’encore il n'était pas le plus malheureux. Qu’il a fallu qu'on coupe les
pieds à quelques-uns et pour ça c'est bien malheureux.
Pour moi je suis
bien content d'être où je suis car tu peux croire qu'il y en a beaucoup de plus
malheureux que nous. Cette ferme est bien située entre deux collines, bien à
l'abri du vent. Pour être couché on ne peut pas être mieux et c'est une bonne
chose. »
« Je vais te
raconter comment nous avons passé notre jour de Noël :
Le soir du 24, le
capitaine nous a dit que ceux qui voulaient aller à la messe de minuit étaient
libres d'y aller et sur 120 que nous sommes à la section il y en a eu une
vingtaine. Mes camarades y sont allés et moi comme j'avais pris la garde la
veille je n'étais en avant pour le sommeil et je n'y suis pas allé. C’est tout
de même un peu loin 2 ou 3 km.
À la place d'aller à
la messe, je me suis couché.
Le matin à l’appel,
le capitaine nous a offert un petit paquet de tabac fin et comme ordinaire nous
avons eu de l'extra : la moitié d'un cochon pour un repas, un quart de vin, du
ragoût de céleri, du rôti de cochon, une salade de doucette avec céleri. Et en
plus pour nous sept seuls on s'est fait faire retire un gros poulet chez le
berger. Comme nous faisons d'ailleurs très souvent.
Nous avons passé une
bonne journée mieux que si tu peux te figurer. Certainement que vous autres
vous ne l'avez pas passé mieux car je sais que vous ne cessez de penser à nous
et que vous vous figurez toujours que l'on est mal placé. Ça pour sûr il y en
a, mais pour moi je ne peux pas être mieux pour le moment. »
« Enfin je suis
toujours en très bonne santé. Tu me sauras dire ce qu'a apporté le petit Jésus
à petit René moi je n'ai pu rien lui envoyer. Mais quand je reviendrai, je
tâcherai moyen de lui apporter quelque chose. Tu n'as pas besoin de tant te
presser pour m'envoyer de l'argent j'en ai encore et comme je te l'ai dit
quelquefois, j'en gagne toujours un peu avec mon petit fourbi. Tu n'as pas
besoin d'avoir peur quand je verrai que je vais être à court je te le dirai.
En attendant ton
Louis qui t'envoie un million de baisers. »
Bien chère Marcelle
« J’ai reçu
aujourd'hui 2 cartes et une lettre de toi 14, 15 et 16 décembre. Tu vois que
cela fait bien comme à toi ça n'arrive pas toujours régulièrement. Mais ça ne
fait rien. On est tout de même bien content de lire.
Hier je t'ai expédié
une lettre qui contenait une pièce de 10 centime belge et tu peux la garder
comme souvenir jusqu'à mon retour si tu la reçois. Mais quelquefois ça pourrait
bien se faire que tu ne la reçoives pas.
J’en ai encore une
que j'avais gardée depuis mon retour de Belgique avec celle que je t'ai envoyé
et une carte pour René.
Chère Marcelle, tu
me dis que tu m'envoies et un autre colis pour faire notre Noël pour cela on
reçoit toujours car pour manger ça n'embarrasse pas, on s’en débarrasse vite
ensemble.
Quoique comme je te
l'ai dit nous trouvons assez le manger ou le boire où nous sommes.
Nous avons du vin
très bon à 12 sous. C’est notre fourgon de la section qui lui apporte de
Villers-Cotterêts et qu'il achète à 10 sous le litre et nous le revend à 12
sous. Ça fait que nous depuis que nous avons cette commodité et c’est chez le
berger que nous mangeons et qu’est le vin. Nous ne nous en privons pas quand
nous avons quelque chose à manger, nous le mangeons chez lui, et comme tu me
dis que nous pouvons fumer des cigares et manger du quartier ou le cou. Je
recevrai probablement ce colis demain. »
« Il y a 4
jours que j'ai mis un des caleçons que tu m'as envoyé et donc je suis bien
content de les avoir je l'ai mis sous les autres et même je les endure. Mais
s'il fallait travailler comme nous sommes habillés certainement. On ne pourrait
pas longtemps et c'est bien pour cela qu'il faut s'habiller du moment qu'on ne
fait presque rien.
Pour la flanelle que
tu me parles et que tu veux m'envoyer ce n'est pas bien nécessaire car j'ai
encore celle que j'ai mise de là-bas et en plus 3 de celle que j'ai touché.
Alors tu vois que
c'est inutile et ne te dérange pas pour cela. C’est l'imperméable que je
préférerais à tout autre chose car probablement qu'on va partir de Javage d'un
jour à l'autre et si on partait sous la pluie, il pourrait me servir. Mais
comme tu me dis que tu ne me l'as envoyé c'est parfait. C’est tout ce que je
demande.
Pour du fromage
camembert ce n'est pas bien la peine que tu m'en envoies nous n'en mangeons pas
d'autre que celui-là. Alors tu vois que ce n'est pas bien la peine de se
déranger. C’est pour cela que j'en trouve ici. Et du fait qu'il te faudrait
payer le port en plus. »
« Tu me dis
qu'à Castres, on en expédie dans l'infanterie. ça
encore je ne l'avais pas su mais pour sûr il vaut mieux rester dans
l'artillerie. Malgré qu'on aille dans une batterie, on
est toujours plus loin de l'ennemi.
Tu me dis que ta
mère souffre des douleurs ce qui est bien malheureux mais tu n'as qu'à la
soigner de ton mieux et qu'elle se soigne aussi. Car il faut espérer que ça ne
durera pas longtemps et qu'elle sera bien vite guérie.
Tu me dis que notre
petit René est toujours bien polisson mais qu'il est beau tout de même et qu'il
aime bien sa maman et se souvient encore de son papa.
J’ai reçu l'adresse
de Louis du Gua et je vais lui envoyer une carte de
suite. Ça lui fera plaisir à lui. Et ça me fera plaisir à moi de savoir de ses
nouvelles. »
« Je vois que
c'est à peu près le moment pour que ça arrive juste au premier de l'An de te
souhaiter une bonne et heureuse année mais quand même, que je te la souhaite.
Je sais bien que le commencement de l'année ne sera pas bien bonne pour toi
surtout de voir que je suis si loin que de celle que j'aime et que j'aimerai
toujours et de notre petit René aussi alors je vois que mon papier s'achève. Je
ne t'en dis pas plus long pour le moment.
Ton Louis qui
t'envoie comme toujours ses meilleures amitiés, de gros baisers pour toi et
René, bien des choses à tous nos parents à tous nos voisins, pensionnaires aussi
et ceux qui demanderons de mes nouvelles encore mille baisers.
La guerre de 1914, Spahis traversant un pont de bateaux à Compiègne.
« À conserver
je suis passé plusieurs fois sur ce pont au mois d'octobre.
1000 baisers de ton
Louis.
Chère Marcelle
« Voilà trois
jours que je n'ai pas eu de tes nouvelles mais je comprends très bien que ça ne
s'est pas de ta faute car il y a quelques jours que la correspondance nous
arrive pas régulièrement. Je n'ai pas encore les colis que tu m'as envoyés par
la gare, mais ne te tracasse pas pour cela, j'ai le temps d’attendre.
Nous n’avons pas
quitté encore Javage.
Nous ne sommes pas
encore prêts à le quitter car on a vacciné tous ceux qui n'ont pas eu la fièvre
typhoïde et pour et le moment, il y en a beaucoup qui souffrent du vaccin et
comme tu le sais, j'ai eu la fièvre du temps de l'active et on ne m'a pas
vacciné et certainement je suis guéri définitivement.
Bien chère Marcelle
« Aujourd'hui
j'ai reçu la lettre du 20 adressée. Rien qu’au secteur, elle a eu 3 jours de
retard de plus que la carte adressée par Castres. Sur l’affiche qu'on avait
placé, il y avait que l'on pouvait mettre le secteur et qu'il y aurait lieu de
mettre ‘ bureau central ’ mais voyant que par le bureau central ça n’arrivait
pas aussi vite, on ne l'a pas mis et encore il vaut mieux mettre le secteur et
par Castres.
Tu me dis que je ne
t'ai pas dit qu'il m'avait envoyé le colis dont je te parlais sur cette lettre,
pourtant il me semble bien t'avoir dit que j'avais reçu une lettre et un colis
de Geneviève ou plutôt de sa mère et il y avait un saucisson que je te réponds
que je n'ai pas mangé de meilleur. »
« Tu me dis que
Louis du Gua n'est pas passé bien loin de nous. C’est
bien dommage que je ne l'ai pas su car on se serait été heureux de pouvoir
causer un moment ensemble. Mais qu’y faire si je l'avais su, j'aurais pu aller
à sa rencontre car nous sommes à peu près à 400 mètres de la route des passages
des troupes et ce n'est pas le temps qui m'aurait manqué car nous n'avons rien
à faire de toute la journée ; et à part deux ou trois fois par semaine que
nous faisons de la manœuvre d'artillerie 2h. Cela fait 6h par semaine. »
Tu me dis que tu
m'envoies 20 francs pour mon premier de l'an et il n'y avait rien qui presse
car encore je ne suis pas dépourvu surtout en en gagnant un peu en coupant les
cheveux et en rasant les barbes. Quand je viendrai je pourrais m'embaucher chez
un coiffeur mais comme il y aura beaucoup d'hommes en moins on n'aura pas
besoin de tant de coiffeur et ça peut se faire qu'il me faudra reprendre mon
ancien métier .comme j'ai toujours cru car le métier de coiffeur c'est trop
doux pour moi. Enfin il s'agit de revenir on trouvera bien quelque chose à
faire nous. Voilà toujours dans la même casemate et nous y sommes toujours très
bien.
Aujourd’hui il a plu
toute la journée sans cesser une minute mais nous ne sommes pas sortis cela
fait que nous ne sommes pas mouillés.
Mais c'est bien
malheureux pour ceux qui sont dehors et dans les tranchées et qui ont de l'eau
jusqu'aux genoux. Enfin tout cela c'est bien triste. Ce n'est pas trop tôt que
cela finisse. »
« Je ne t'en
dis pas davantage pour le moment. Envoyer un million de baisers pour toi et
petit René bien des choses à tous nos parents et bien le bonjour à tous les
voisins tu me diras sur ta prochaine lettre si les douleurs tourmentent
toujours ta mère mais j'espère bien qu'elle doit être guérie. Tu leur
souhaiteras une bonne et heureuse année à tes parents.
Encore mille bisous
baisers de temps Louis qui t'aime et qui t'aimera toujours voilà. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd'hui
j'ai reçu de toi deux lettres deux cartes et le mandat. Maintenant je vois que
comment que tu m'adresse les lettres ça arrive la même chose. J’ai reçu celle
adressée au bureau central en même temps que la carte du même jour qui m'est
adressé que par le secteur.
Mais vaut mieux tout
de même mettre par Castres en même temps que le secteur. Comme cela ça ne se
perd jamais. Alors comme je te le dis j'ai reçu le mandat lettre de 25 francs.
Mais comme tu me le dis que j'en aurai pour me payer quelques bonnes choses
pour le premier de l'an. Mais c'est tout probable que je n'aurai pas besoin de
l'entamer le premier.
Certainement ça me
servira toujours car pour le moment nous en dépensons pas mal et encore bien
heureux de trouver quelque chose en plus de l'ordinaire pour se soigner. Encore
aujourd'hui nous avons mangé une poule en plus de notre ordinaire toujours chez
le berger. Mais c'est tout probable que demain je n'y mangerai pas avec mes
camarades car on nous a désigné une vingtaine de servants pour aller préparer
le cantonnement et je crois bien que c'est à Rethondes où on avait déjà passé
plus d'un mois.
Là, nous n'étions
pas encore trop mal et si c'est encore comme c'était alors ça n'ira pas trop
mal.
Je crois bien que
nous allons rejoindre la 25e section et c'est tout probable que nous verrons
les anciens camarades comme (Paul) Bergon, (Henri) Albagnac.
Enfin quand j'y
serai, je te le ferai savoir comme je l'ai toujours fait. Si on peut faire
partir la correspondance et tu n'as pas besoin de te faire du mauvais sang.
Quand bien même tu ne reçois pas des nouvelles de 5 ou 6 jours car il se peut
se trouver des endroits où je n'aurais pas peut-être le temps d'écrire comme je
l'ai fait ou je suis mais si je peux je continuerai comme je le fais. »
« Je suis bien
content de savoir des nouvelles de Monteiller
Élie mais c'est de son frère que tu m'en a pas parlé. tu
me dis que il a été blessé à un pied mais pourvu que ça lui nuise pas trop. Il
pourra se croire encore heureux de ne pas rester entre les mains de ces maudits
Boches.
Pour son frère
j'espère qu'il doit être en bonne santé et quoi que la guerre soit longue on
pourra tout de même se revoir quelques-uns et si tôt que ce soit ce n'est ce ne
sera jamais trop tôt. »
« Tu me donnes
des nouvelles de la Tante ça me fait plaisir qu'elle aille un peu mieux et
qu'elle puisse sortir un peu dehors car le temps doit lui paraître moins long.
Sur une de tes
lettres j'ai vu l'écriture du petit René. Je crois qu'il commence à
s'appliquer. ça me fait plaisir aussi de voir qu'il
pense à papa et qu'il soit sage et que le petit Noël lui ai apporté un cheval.
Mais pour cela, il
faut qu'il écoute la maman et grand-mère, et grand-père aussi, s'il veut qu'on
lui donne du café. Tu me dis aussi que tu vas toucher l'allocation pour René
mais j'espère bien, que tu l'auras bien gagné enfin pourvu que tu l’as aussi,
c'est tout ce que l'on demande. »
« Encore je
n'ai pas reçu l'imperméable c'est-à-dire le colis qui le contient et je
t'assure qu'il ne faut pas languir car il y en a qui attendent depuis plus d'un
mois et tous ces colis sont partis par la gare. Ceux qui sont envoyés par la
poste arrivent quelquefois plutôt que les lettres et il n’en manque pas et
c'est pour te dire que l'on ne comprend pas ce qui les retarde tant.
Tu me dis que tu vas
écrire à l'oncle d'Amérique pour ça tu lui feras toujours plaisir. Je lui ai
écrit la semaine dernière je lui souhaite la bonne année.
Ici pour le moment
nous n'avons pas trop beau temps. Il pleut de temps en temps mais étant à
l'abri on ne se mouille pas. »
« Je suis toujours
en bonne santé et souhaite que vous soyez tous de même encore. J’ai oublié de
te parler des sinapismes (*) que
j'ai trouvé dans le colis et que j'avais oublié de te rappeler. Je les garde
sur moi dans mon carnet et si par hasard j'en avais besoin je ne les aurais pas
loin.
Pour la teinture
d'iode il y a longtemps que j'en ai plus. Mais moi je n'en ai pas besoin. Mes
camarades l’ont mais je préfère ne pas en avoir eu besoin, la section en a
toujours. Mais c'est prudent d'en avoir quand-même quand tu auras l'occasion tu
pourras m’en envoyer un petit flacon ça peut servir pour une petite blessure.
C’est plus sûr n'importe ici quand ce soit la section en trouve pas facilement
non pas notre section mais n'en bien d'autre part on se sert d'autres choses à
la place de la teinture, faute de pas en avoir suivant que j'ai entendu dire.
Encore mille baisers
de temps Louis de gros baisers pour René. »
(*) : Pour info : un sinapisme est un cataplasme à la farine de
moutarde
Chère Marcelle.
« Je n'ai pas
encore reçu la lettre que tu m'as envoyée par le secteur mais comme je vois que
ça ne marche pas mieux en même temps sur l'adresse, tu mettras par Castres, encore
c'est la meilleure adresse.
Je suis toujours en
très bonne santé et c'est avec beaucoup de plaisir que je t'en souhaite de
même.
Ce soir le temps
semble se radoucir mais il a fait trois jours très froids.
En attendant reçois
de ton Louis ses meilleures amitiés de grosses bisottes
pour René et bien de choses à nos parents. »
Bien chère Marcelle
« C'est pour la
dernière fois que je t'écris de cette année mais qui vient du cantonnement mais
que veux-tu certainement, je n'aurais jamais cru de falloir que je t'écrive
l'année 1914. »
« Comme tu le
vois je ne suis plus à Javage.
La nuit dernière
j'ai couché à Rethondes et comme je n'avais pas dormi la nuit d'avant car il a
fallu voyager je ne t'ai pas écrit. Mais je n'attends pas longtemps tu
m'excuseras si je t'ai pas écrit. Nous avons passé la soirée avec (Paul)
Bergon, (Henri) Albagnac. Nous avons soupé à un restaurant
avec deux de mes camarades.
Aujourd’hui nous
sommes à Offémont pour faire des baraques pour nous. Nous faisons comme des
galeries souterraines et je t'assure que l'on est très bien là-dedans. Ceux qui
sont déjà disent qu'ils n'ont jamais été mieux. Nous avons avant de faire les
nôtres visité celles qui sont déjà faites. Je t'assure que c'est bien fait.
On fait ces baraques
pour cause qu’il n’y a pas de village à côté et de ce fait, je crois que nous
ne serons pas trop mal. »
« Nous allons
compter prochainement à la 4e batterie d'un groupe d’Afrique. Quand je suis
arrivé à Rethondes je suis été stupéfait de trouver mon paquet que j'attendais
avec impatience à cause de l'imperméable. Et c'était temps car le paquet
commençait à s'ouvrir quand je l'ai reçu les deux plaques de chocolat se
voyaient et l'imperméable aussi ce n'est pas la peine que je te fasse la
nomenclature de tout, il ne manque rien.
Nous avons fumé un
ninas avec (Paul) Bergon
il m'a dit de vous donner le bonjour à tous et (Henri) Albagnac. J’en ai fumé un ce soir et
demain nous avons un cigare à 10 centimes chacun, une bouteille de champagne à
4, des noix, une pomme, du fromage et un litre de vin rouge. Tout ce que je te
dis, nous l'avons touché ce soir et peut-être nous toucherons quelque chose.
Enfin c'est tout probable que nous ne serons pas trop mal. Pour un jour de
première année.
Je te dirai que
l'imperméable va très bien.
Nous avons eu assez
pour manger. Je n'ai pas goûté au camembert ni à la terrine mais ça me servira
tout de même pour déjeuner car pour le repas nous en avons assez pour manger.
Je n'ai pas ouvert la boîte de pastilles Valda, mais
j'ai goûté aux autres quand même que je ne suis pas enrhumé. Je m'en servirai
quand même. »
« Enfin, je
suis toujours en bonne santé et souhaite que vous soyez de même. Je ne t'en dis
pas davantage pour le moment bien des bisottes pour
le petit René et un million de baisers pour toi et toute la famille.
Toujours ton Louis
qui t'aime et qui pense toujours à vous trois à vous tous. »
Nota : Le 1er janvier,
le personnel, les chevaux et le matériel de la 24ème section de munitions
d’artillerie du 9ème régiment d’artillerie vient compléter la 4ème batterie du
3ème groupe d’artillerie de campagne d’Afrique.
Cette 4ème batterie est composée de 3 officiers, 12 sous-officiers, 13
brigadiers, 15 maîtres-pointeurs et observateurs, 122 hommes. Elle est
commandée par le capitaine DESPORTES. (JMO p32)
Comme matériel : 4 canons, 12 caissons, 10 fourgons et voitures
hippomobiles diverses.
Louis GRÈS sera donc beaucoup plus exposé qu’au sein de la 24ème SMA…(JMO)
Bien chère Marcelle
« Nous voilà
déjà dans l'année 1915 et nous ne sommes pas encore prêts de nous revoir et
pourtant demain il y aura 5 mois que nous sommes séparés.
Comme je te l'avais
dit sur ma lettre, nous sommes une vingtaine de servants que nous préparons les
baraquements pour nous mettre à l'abri du mauvais temps.
Hier et aujourd'hui
nous y avons travaillé nous y avons travaillé et la pluie nous en a sorti hier
à 3h et aujourd'hui à 4 et certainement quand il pleut nous nous mettons à
l'abri du moment que nous avons un cantonnement en attendant que nos abris soit
prêts.
Depuis que nous
sommes à Offémont nous sommes bien mieux nourris que n'importe où nous soyons
été. Nous avons du café deux fois par jour du vin chaque jour aussi.
Aujourd'hui nous avons eu pour souper du jambon, des sardines, une orange pour
chacun, des noix du chocolat, un cigare et encore du champagne. Nous avons été
très bien et encore deux paquets de tabac.
Comme tu dois le
connaître c'est sur le papier que tu m'as envoyé dans le colis que je t'écris
et il n'avait pas encore trop souffert. Le chocolat était brisé. Ce matin j'ai
goûté à la terrine et je t'assure que ça peut se manger c'est très bon
maintenant tant que je reste là, je me sers de la petite soupière pour ma
portion mais quand je changerai il me faudra la jeter. Mais je te réponds qu’on
n’a pas jeté ce qu'il y avait dedans, nous avons fini le reste au dîner avec
quelques camarades. Ils m'ont dit que encore il valait mieux ces terrines que
les pâtés de foie en conserve quand même qu'elle soit truffée.
On semble des frères
; quand on a quelque chose on le mange pas l'un sans l'autre, c'est presque
tous qu’on reçoit quelque chose. »
« A partir de maintenant nous ne
faisons partie plus de la section.
Nous comptons à une
batterie je vais te dire l'adresse 3e groupe d'artillerie de campagne
d'Afrique, 4e batterie, secteur postal numéro 132, 37e division.
Ici nous sommes avec
ceux qui sont ici depuis longtemps. Le soir à la veillée ils chantent, ils
dansent dans leur casbah qu'ils ont fait. Comme celle
que nous ferons nous. Pour le moment, je te réponds que l'on ne s'ennuie pas et
il y a des comiques de toutes sortes des chanteurs. Je te dis où il n'y avait
aucune maison, on dirait maintenant un village caché dans les bois et moitié
dans la terre. »
« Je ne t'en
dis pas plus long pour le moment, je t'en ai assez dit de nouveau demain
toujours une carte, si ce n'est pas une lettre. Comme nous ne sommes pas avec
la section, je n'attends pas de lettre de toi de quelques jours.
Je pense que la
section viendra nous rejoindre dans une dizaine de jours alors maintenant tu
m'écriras à la nouvelle adresse. Tu le diras aussi à Maria en cas qu'elle
m’écrirait.
Je finis en vous embrassant
tous de tout cœur, de grosses bisottes pour René et
pour toi aussi.
Ton Louis qui pense
toujours à toi .Tu ne mettras plus 9e d'artillerie Castres.»
Lettre
« Je viens de
recevoir à l'instant deux lettres de toi et une carte de Geneviève qui me
souhaite la bonne année et une parfaite santé.
Sur la lettre tu me
dis que tu termines parce que ton père arrive et que tu vas lui préparer son
déjeuner.
A ce compte je
verrai qu'il doit refaire le poste de 9h et demi du soir au matin. II aurait
bien profité du poste de l'après-midi il lui faudrait bien mieux celui-là. Mais
enfin il faut bien faire comme ils veulent et non comme l'on veut.
Tu me dis que ta
mère va mieux. Ça me fait bien plaisir. Mais il vaudrait bien mieux qu'elle
soit tout à fait guérie. Enfin il faut espérer que ça viendra.
Sur l'autre lettre
du 25 que je viens de recevoir en même temps que celle du 19, tu me dis que tu
es allé voir Noémie et qu'elle t'a donné le bonjour pour moi et en même temps
qu’elle t'a donné des provisions pour moi.
Quand tu y
reviendras, tu lui diras que je la remercie beaucoup de son attention envers
moi et tu lui feras un gracieux baiser à la petite et à Noémie pour moi, ainsi
qu'à l'oncle qui doit être toujours avec Noémie. »
« Tu me dis
aussi qu'il te tarde de savoir si je suis parti de Javage. Et bien comme je te
l'ai dit nous l'avons quitté le 28 à minuit et nous sommes arrivés à Rethondes
le 29. Nous avons fait une partie du chemin par le train. Nous avons couché une
nuit à Rethondes et le lendemain nous sommes partis pour Offémont où nous
sommes.
C'est à 5 ou 6 km de
Rethondes. Nous sommes toujours en train de faire des baraques qu'on appelle
casbahs. On se dirait chez les Arabes. C'est à moitié dans la terre et tu ne
dirais pas comment on a chaud, il fait plus bon faire que dans les planchers du
grenier comme l'on a été quelquefois. »
« C’est bien
ennuyeux que Gervais n'ai pas reçu le colis que lui a envoyé Marguerite, mais
il n'y a pas à se décourager tôt ou tard on finit par le recevoir. Tu vois que
moi je les ai tous reçu. Encore j'ai le camembert tout entier et beaucoup de
chocolat tu vois que l'on ne souffre pas pour la nourriture et surtout que
depuis que nous sommes à Offémont, nous sommes bien nourris nous avons du vin
chaque jour un cochon frais tué la veille. »
« Tu me dis que
l'oncle d'Amérique t’a écrit et il va t'envoyer la photographie. Tu me dis que
tu vas lui écrire de nouveau. tu lui donneras ma nouvelle
adresse car s'il ne m'a pas encore fait réponse.
Tu me dis que petit
René a été bien content de trouver ses étrennes de Noël que le petit Jésus
avait mis dans sa botte. Tu m'as dit que tu avais reçu mon petit souvenir mais
tu ne me dis pas quoi mais je pense bien à peu près ce que c'est.
Tu me dis que ton
père te recommande de me dire de bien me soigner. Tu peux croire que je le fais
et je ne me prive de rien de ce que je peux avoir mais maintenant que nous
sommes un peu plus près du front, on ne trouve pas tant à dépenser ni pour
acheter. mais nous n'avons pas à nous plaindre on nous
donne ce qu’il nous faut. »
Lettre
Bien Chère Marcelle.
« Le soir je ne
te fais pas une longue lettre. Sais-tu juste pour te dire que je suis en bonne
santé car vraiment étant au même endroit on ne peut pas toujours dire vous
répéter les mêmes phrases.
Je te dirai
cependant que ce soir nous avons touché encore 5 bouteilles de champagne à 18
et tu vois que nous en avons eu un bon peu pour chacun. Et tant que nous sommes
partis de Javage sans la section, nous l'avions
touché à Offémont et on avait touché à Javage pour nous et de ce fait nous en
avons eu deux fois.
Ici il a plu presque
toute la journée bien des choses à nos parents et mes plus beaux baisers pour
toi et René. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui j'ai
reçu une lettre du 27 une carte du 24 et une du 26.
Tu me dis sur la
lettre que tu m'envoies un autre colis. Pour cela on ne refuse jamais car une
fois ou l'autre ça se mange toujours et quand on voit que le repas ne nous
convient pas trop, on achève de manger avec ce que l'on a.
Comme tu me le dis
ce n'est pas la peine de se souhaiter de toutes sortes de bonheur car on ne
nous écoute guère. Mais comment faire, pourvu que l'on puisse s'en sortir et ce
sera bien beau. Je n'en demande pas davantage que l'on puisse se revoir tous en
bonne santé et comme tu me le dis les moments de bons que nous passerons quand
je serai revenu nous ferons passer ces jours bien longs que nous passons pour
le moment. »
« Chère
Marcelle, tu n'as pas besoin de m'envoyer d'autre argent sans que je te le dise
car depuis que je suis à Offémont je n'ai dépensé presque rien. On ne
trouverait pas dehors à le dépenser et, quand même en trouverai on ne
dépenserait pas beaucoup car nous avons tout ce qu'il nous faut, excepté le vin
que nous n’en avons qu'un quart le soir.
Et s'il en était
commode sûrement qu'on en boira un peu plus. Mais il vaut mieux tout de même
avoir ce qu'il faut pour manger et après on trouve toujours pour boire. Nous
avons passablement du café et nous en buvons allongé avec un peu d'eau pour
manger ça fait toujours plus de bien que l'eau pure. »
« Tu me parles
sur la lettre de Cayla du Barouilliet
pour ce que tu me demandes. Je ne peux rien t’en dire car il y a très longtemps
que je ne l'ai pas vu. Maintenant je ne me souviens pas depuis quand je l'ai
pas vu il me semble bien que c'est depuis que je suis parti de Castres.
Chère Marcelle, tu
me dis que si je peux t'envoyer ma photo ça te ferait plaisir. Mais tu sais ça
m’est impossible si j'avais pu je l'aurais fait plus tôt quand j'étais à Javage
et que j’allais quelquefois en corvée à Villers-Cotterêts. J’ai regardé et fais
regarder s'il y avait quelque photographe mais pas possible d'en trouver et je
t'assure qu'il y avait plus que moi alors ce n’est guère la peine d’en parler
maintenant. Je ne suis plus près de Compiègne que de Villers-Cotterêts.
Tu dois le voir
d'ailleurs sur les cartes. Nous sommes tout près de Rethondes à côté de
Tracy-Le-Mont et nous pouvons guère quitter le cantonnement je ne puis t’en
dire plus long.
Je vais te dire au
revoir. Je t'ai envoyé un millier de baisers pour toi et René je te redis que
j'ai reçu le colis qui contenait l'imperméable encore j'en ai eu assez. Je n'ai
pas encore regardé si le camembert était bon. »
Bien chère Marcelle
« Ce soir j'ai
reçu le colis dont tu m'avais déjà parlé. Tu pourras remercier Noémie pour moi.
Avec il y avait des tablettes de beurre, la boîte de pâté, une tablette de
chocolat, et le cou de canard, le caoutchouc et 5 enveloppes et le papier
dedans. »
« C'est ce soir
pour la première fois que nous couchons dans une baraque faite par nous et
malgré tout on est bien mieux que dans les greniers au moins on petit faire du
feu. Je te dirai que c'est moi qui dirige les servants de ces baraques et
jusqu'ici c'est la mieux faite de celles qui ont été
faîtes de cette contrée. On se dirait vraiment dans une chambre et c'est fait
solidement.
Certainement nous
sommes dans des forêts que l'on trouve le bois que l'on veut, droit et long,
petit gros de toute dimension comme cela il fait beau faire des
baraques. »
« Aujourd'hui
le capitaine (*) m'a pris avec lui sur
le front nous sommes partis tous les deux à cheval et il m'a fait voir où on
irait se poster et où mettre la batterie. On avait déjà tiré de cet endroit et
cela fait que les tranchées sont déjà prêtes. Ils n'ont besoin que de réparer
un peu pour qu'il ne pleuve pas et pour être à l'abri des balles ou des éclats
d'obus.
De ce fait j’ai
visité les batteries de tir qu'il y a actuellement et j'ai causé avec les
servants qu'il y a, mais je te réponds qu’ils ne se font pas de mauvais sang.
Ce qu'il y a dans les batteries c'est qu’on reste trop de temps au même endroit
sans pouvoir avancer beaucoup et certainement on ne recule pas. »
« Enfin tu n'as
pas à te faire du mauvais sang pour cela malgré que
j'aille sur le front ce ne sera guère plus dangereux qu'à la section aux
batteries. Quand on voit que ça risque on s’enfile dans les tranchées et on
laisse siffler. Au lieu quand allant ravitailler quelquefois on risque de se
faire voir et c'est alors que c'est dangereux.
Mais encore nous n’y
allons pas.
Quand nous irons sur
le front je te le ferai savoir comme j'ai fait de tout car je ne te cache rien.
Je ne t'en dis pas plus long pour le moment. »
« Je n'ai qu'à
t'embrasser bien fort toi et petit René bien des choses à tous nos parents et
bien le bonjour à tous nos voisins encore mille baisers. »
(*) : Il s’agit du capitaine Jacques Marie Raymond DESPORTES De La FOSSE, né en 1874 à Paris.
Voir son
dossier de la Légion d’Honneur.
Bien chère Marcelle
« Maintenant je
peux dire que je t'écris de dedans une cabane faite par nous-mêmes.
Aujourd’hui nous
avons travaillé à faire une cheminée et ce soir nous sommes devant un très joli
feu. On se dirait à la maison.
Mais ce qui manque
c'est toi petit René et toute la famille.
Nous nous étions
habitués l'hiver dernier et nous sommes très heureux que nous n'avons pas un
hiver si rude comme l'année dernière. S’il ne se fait pas plus rude que s'il ne
l'a fait jusqu'à présent ça ira encore bien.
Hier avec
quelques-uns de mes camarades nous avons mangé le cou de canard qui a été très
bon et ils m'ont dit que c'était délicieux. J’en ai encore un bout pour
déjeuner demain matin.
Aujourd’hui, nous
avons mangé le camembert qui était bien fait aussi et jusqu'ici on n’en avait
pas mangé de plus bon. C’est tout de même bien dommage d'être si loin car le
transport des colis et tout de même un peu trop cher.
Ici maintenant nous
avons à peu près tout ce que nous voulons. Il y a un épicier qui vient chaque
matin de Rethondes et nous apporte des provisions, du fromage, du beurre, du
chocolat etc…
J’ai mangé aussi un
peu de beurre que t’as donné Noémie qui est excellent. Je ne l'aurais pas cru
si bon mais je n'ai pas encore goûté à la boîte de conserve. »
« Je ne t'en
dis pas davantage car en écrivant tous les jours comme je fais il faut savoir
tout de même quoi dire je vais te dire au revoir chère Marcelle bien des compliments à tous mes
parents.
Ton Louis. Louis qui
t'envoie un million de baisers pour toi et René. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui
j'ai eu de toi 2 lettres et une carte écrite par toi, une lettre du cousin
Adrien (Auguste BRAS) et une carte de Louis du Gua qui me dit qu'il est en bonne santé.
Sur une de tes
lettres tu me dis que tu as touché l’allocation de toi et de René, mais encore
comme je le vois on te ne te paye pas tout ce qu'il doit te revenir. Mais enfin
c'est toujours un peu plus.
Tu me dis que René
augmente bien sa tirelire pour ça j'en suis bien content mais je préférerais
pouvoir mettre moi aussi quelque chose. Mais enfin pourvu que l'on puisse
encore revenir bientôt, on pourra dire qu’on n’a pas été des plus malheureux.
Tu me dis que
grand-mère lui a acheté pour son étrenne un cheval et qu'il ne le quitte pas.
Il le prend même au lit je me figure bien à peu près comme il doit faire. Enfin
il vaut mieux qu'il soit content et qu'il trotte que de le voir couche. »
« Tu me dis
aussi que ta mère veut acheter un cochon. Je croyais que tu m'avais dit sur une
autre lettre qu'il avait été acheté sans cela je t'en aurais cause plus tôt. Il
y a quelques temps que l'armée en emploie pour notre ordinaire et c'est pour
cela qu'ils doivent augmenter et je vous conseille de ne pas trop retarder car
plus à ça ira et plus ils se vendront chers.
Tu me parles aussi
des colis. Mais je te l'ai déjà dit sur d'autres lettre que je les avais tous
reçus ceux que tu m'avais annoncé. J’ai fini le beurre de Noémie encore
aujourd'hui et je peux te dire que je n’en avais pas mangé de plus bon. Je n'ai
pas encore mangé la boîte de pâté de foie. »
« Tu me dis que
ton père t’a apporté 30 francs qui étaient dus de ma prime. Pour cela je n'y
pensais plus mais c'est toujours bon à prendre. Mais comme tu me le dis ne
m'envoie pas l'argent sans que je te le demande. Je te l'ai déjà dit je n'en
dépense pas tant comme quand j'étais à Javage. Nous sommes encore mieux nourris
qu’à Javage. Nous touchons beaucoup plus de café, et nous avons du thé à
l'heure à 2h de temps en temps du chocolat quelque peu de l'eau de vie que nous
mettons dans le café.
Tu me dis que tu as
écrit à l'oncle d'Amérique et c'est bien dommage que tu n'aies pas encore reçu
la lettre où je te disais d'y mettre ma nouvelle adresse. Moi je leur ai écrit
deux fois et je n'ai pas encore eu de réponse.
Tu me redis que si je
peux me faire photographier mais je peux te rassurer que ça m'est impossible
sans cela je l'aurais déjà fait. »
« Ici
aujourd'hui il fait encore une belle journée, aussi nous avons vu pas mal
d'aéroplanes et c'est chaque fois qu'il fait beau que nous en voyons même
quelquefois que le temps est nuageux et on les voit qui passent au-dessus des
nuages. Tu sais qu'on a plus besoin de payer pour les voir. Il passe plus de
jours qu'on en voit que de jours où on n’en voit pas. Maintenant on en voit
tellement qu'on ne fait même plus attention. »
« Où nous
sommes pour le moment : nous sommes à 8 km des tranchées boches et ça se peut
que dans quelques temps nous soyons à 2 km. Mais ça ne fait rien nous avons
toujours du courage et nous en aurons toujours. Comme je te l'ai dit j'y suis
allé avec mon capitaine pour voir l'installation où sera notre batterie.
C’était pour voir si les tranchées que nous aurons peuvent faire mais il nous
faudra les réparer un peu pour qu'il ne pleuve pas. Je suis allé voir une
batterie qui est encore en avant de nous et qu'il y a un mois et demi qu'ils y sont, et j'ai causé avec les servants et ils
n'ont pas eu un blessé. (*)
Ils ont leur pièce
là et ils tirent quelquefois trois ou quatre jours par semaine. Ils ont leur
cabane en arrière et voilà il n'y a pas à dire mais on est beaucoup mieux que
l'infanterie. On n'est pas tant en danger.
Enfin que veux-tu
? »
« Il faut
espérer que ça finira bientôt et qu'on pourra se revoir en bonne santé et qu'on
pourra revivre tous ensemble. Ton Louis qui t'envoie mille et mille baisers
bien le bonjour à toute la famille. »
(*) : Le 6 janvier, il y a eu un blessé. (JMO)
Lettre
Bien chère Marcelle
« Ce soir j'ai
reçu une lettre de toi une de Maria une de Geneviève et une d’Émile.
Tu me demandes s'il
y a des cas de fièvre typhoïde. Nous n’en avons pas encore vus. Mais il peut se
faire que sur quelque part du front il y en ait quelques-uns et pour qu'elle ne
se propage pas partout il peut se faire qu’on nous ait fait vacciner. Mais ceux
qui l’ont déjà eu, on ne on ne nous a pas vacciné et même ceux qui ont été
beaucoup malade.
Tu me dis que
Georges est venu vous souhaiter la bonne année et que les cartes de guerre
l'intéressaient.
Tu me demandes si tu
portes la petite recette qu’a faite René à la Caisse d'Épargne. Pour moi il
vaudrait peut-être mieux attendre que la guerre soit finie et après on verra
car on ne sait pas ce qui peut arriver. »
« J’ai trouvé
dans la lettre une feuille et une enveloppe pour l'oncle d'Amérique. Pour ça
c'est très bien car nous ne sommes pas toujours commode
de trouver des timbres et comme cela elle sera toute prête. Comme je te l'ai
déjà dit je lui ai écrit deux fois et je n'ai pas eu de réponse mais ça
n'empêche pas de lui écrire de nouveau. Je lui écrirai au moment que j'aurai le
temps.
Dans la lettre que
m'a envoyé Émile j'ai trouvé son mandat de 100 sous (*).
Il me dit qu'il est toujours chez Monsieur Oustruy
je l'ai bien remercié de son amabilité qu'il a envers moi. »
« J’ai trouvé
un billet de cent sous dans la lettre de Maria, aussi tu vois qu'il m'en arrive
de tous les côtés. Dans la lettre que m'a envoyée Geneviève j'ai trouvé un
petit calendrier de poche que je trouverai bien commode.
Comme cela je ne me
perdrai pas trop dans les jours car il arrive parfois que l'on ne sait pas le
jour que l'on est et 2 petites cartes-lettres pour
leur réponse. »
« Nous faisons
toujours des baraques hier et aujourd'hui je fais avec deux manœuvres celle du
capitaine.
Aujourd’hui il est
venu nous voir, il m'a félicité mais c'est tout. Aujourd’hui pour souper comme
ordinaire nous avons eu des nouilles et du bifteck deux sardines à l'huile et
pour chacun une grosse barre de chocolat et un demi-litre de vin et chaque deux
ou trois jour c'est comme cela.
Je ne t'en dis pas
davantage pour le moment qu’à t’envoyer mes meilleures amitiés et un million de
baisers.
Bien des choses à
tes parents et bien le bonjour à tous nos voisins.
Ton Louis qui t'aime
et pense toujours à toi. »
(*) : Pour info, on appelait « 1 sou » la pièce de 5 centimes
lors de la création du Franc à la Révolution, et jusqu’à la seconde guerre
mondiale, donc 100 sous = 5 francs
Très chère Marcelle
« Tu me dis que
tu te demandes sur la lettre que je viens de recevoir et qui était datée du 7
janvier si je suis avec un groupe d'artillerie d'Afrique ou un groupe
d'infanterie. Je veux t'expliquer ce qu'est un groupe d'artillerie :
Un groupe est formé
par 3 batteries et 3 batteries forment un groupe. Nous avons remplacé une
batterie du 3e groupe d'artillerie d'Afrique qui se trouve pour le moment en
France et qui avait servi en Afrique.
Dans les autres
batteries, c'est-à-dire la première et la et la deuxième, il y a quelques
Africains mais la plupart sont des Français il y en a même de notre côté et
même de Decazeville.
Mais à notre
batterie (qui était section il y a pas longtemps) nous sommes les mêmes que
nous étions à la section à part quelques-uns qui sont venus du dépôt de Lyon
pour compléter car nous sommes bien plus nombreux que si nous étions quand on
était en section.
La batterie que nous
allons remplacer est partie il y a quelques temps dans le Nord.
Nous on s'est formé
depuis et nous croyons partir sur le front dans quelques jours. Mais comme je
te l'ai déjà dit je suis allé voir la position où nous irons pour tirer, avec
le capitaine et où nous irons nous serons bien cachés et bien abrités. Nous
allons à côté de la deuxième batterie et il y a plus de 2 mois qu'elle y est,
ils n’ont même pas eu un blessé alors tu vois que tu n'as pas à te faire du
mauvais sang. »
« En même temps
que cette lettre j'ai reçu un colis de toi de 1 kg et dont tu m'en parles que
sur cette lettre que tu vas me l'envoyer au plus tôt. Tu vois que je l'ai reçu
avant la lettre que tu dois m'avoir envoyé avec le paquet.
Je vais te faire la
nomenclature de ce que j'y ai trouvé : une plaque de chocolat en plus deux
petites barres, un saucisson, une boîte de sardines, une boîte de thon, un
flacon de teinture d'iode enveloppé dans du coton et trois sinapismes avec les
deux que j'ai ça me fait 5.
J’en ai pas eu
besoin jusqu'à présent ni je ne souhaite pas en avoir besoin. Pour la teinture
d'iode on peut avoir un avoir besoin quand même on ne soit pas malade. Mais si
par hasard mon côté ou autre chose me fait mal je n'hésiterai pas à m'en passer
ou à mettre un sinapisme. »
« Tu me
demandes si Rethondes est loin d’où nous sommes, il me semble te l'avoir dit
sur une autre lettre mais je te le répète c'est à 6 km et la 25e section y est
toujours. Elle n'a pas changé en batterie elle est restée section de munitions,
c'est à y tomber. Malgré qu'on ne soit pas bien loin on ne peut guère se
communiquer et ce serait un coup de hasard qu'il nous faille aller
où ils se trouvent mais on se donne le bonjour par les camarades qui y vont
soit à (Henri) Albagnac
soit à (Paul) Bergon. »
« Je te disais
sur ma première lettre que j'ai fait partir d'Offémont que l'on se croirait
dans un village arabe ce n'est pas comme habitants mais c'est comme cahutes ou
cabanes. Tout de même il y a quelques Zouaves qui ne sont pas cantonnés loin de
nous et qui parlent l'arabe. On ne comprend pas un mot. Tu me dis que ce ne
doit pas être bien au sec pour cela ce n'est pas tant au sec comme si on était
dans notre chambre de la maison mais encore vaut mieux ça que de coucher
dehors.
Mais comme je te dis
dans notre cahutte nous y faisons un bon feu jour et nuit et je te réponds que
ce n'est pas humide nous n'avons pas froid on aime mieux être là que dans un
grenier. »
« Tu me dis que
tu m'enverras un colis par semaine. Tu n'aurais pas besoin pourtant de m'en
envoyer tant. J’ai encore des vivres comme sardines, thons ou chocolat dans mon
sac il y a 4 mois. Tu vois que si l'on avait souffert comme nourriture, je
l'aurais mangé si on avait souffert comme nourriture je l'aurais mangé.
Tu me dis que tu vas
m'envoyer de l'argent dans quelques jours. Ne te dérange pas pour cela car tu
sais que je n'ai pas crainte de t'en demander quand j'en avais besoin. »
« Je suis bien
content que petit René s'amuse toujours bien avec Alice et Rachel (*). Mais surtout il faut qu'il écoute la maman
car s'il est sage, papa lui apportera quelque chose de joli quand il reviendra.
Mais encore c'est peut-être un peu loin.
Il faut toujours
attendre avec patience que ça se terminera bientôt et qu'on pourra revivre tous
ensemble.
Bien des grosses bises
pour petit René.
Ton Louis qui t'aime et qui ne cesse de penser à toi. Mille baisers bien des choses à tous mes parents.
(*) : Alice Alphonsine (5 ans) et Rachel Émilie GRÈS, 10
ans, sont les demi-sœurs de Louis GRÈS (Son père s’étant re-marié
après la mort de sa première femme en 1903)
Bien chère Marcelle
« Voilà deux
jours que je n'ai pas eu de tes nouvelles et j'ai reçu aujourd'hui une lettre
de Maria adressée à ma nouvelle adresse.
Aujourd’hui nous
avons eu le retour de notre batterie c'est pour cela que je t'ai écrit à
l'encre. Ils m'ont apporté l'encrier que j'avais oublié à Javage. Je suppose
bien que tu m'as écrit en même temps que Maria et pourtant les lettres se
retardent quand même qu'elle parte le même jour. »
« Pour le
moment nous couchons dans les cabanes que nous avons fait nous-mêmes. Nous ne
sommes pas trop mal mais comme c'est couvert avec de la terre il y a quelques
gouttières. La nuit quand on se couche, je mets mon imperméable dessus et quand
même qu'il y aurait une gouttière l'eau irait par côté. Sûrement que pour nous
il vaudrait mieux un peu de froid que de la pluie.
Demain on va nous
distribuer des toiles de tente une à chacun.
Maintenant c'est
presque probable que nous ne tarderons pas à aller mettre en batterie (*), mais comme je te l'ai déjà dit plusieurs fois
il y en a pas pour se faire du mauvais sang car nous on n'est pas tant au
danger que ça.
D’ailleurs tu sais
bien que l'artillerie est plus à l'abri que tout autre régiment.
Je vais te dire au
revoir chère Marcelle. Au plaisir de nous revoir sans tarder car maintenant ça
commence à être long et bien plus long que si vous ne croyez. À bientôt de tes
nouvelles.
Toujours ton Louis
qui vous embrasse tous bien fort des grosses bises à tous petit René bien des
choses à tous nos parents et bien le bonjour à tous mes camarades.
1000 baisers.
Louis. »
(*) : Les 4 pièces (canons) de la 4ème batterie vont se
« mettre en batterie », donc en position de tir pour bombarder.
Ma chère Marcelle
« J’ai reçu la
lettre du 7, hier et donc je t'ai fait réponse hier au soir comme je le fais
d'habitude et aujourd'hui j'en ai reçu trois et une carte une du 3 du 4 du 6 et
du 9 et donc je te fais réponse malgré que chaque soir
il y a quelqu'un qui chante et qui fait le comique on se dirait chaque soir au
concert.
Il faut que je sois
devenu écrivain car en commençant je n'aurais pas pu écrire et entendre chanter
comme en ce moment. On chante la bourrée et la bourra et tout le monde rigole
et moi je suis en train de faire ma lettre et de penser à vous tous.
Car malgré qu'on ne se fasse pas du mauvais sang tout le monde
préférerais que ça finisse bientôt. Et il ne faut pas y penser car je ne crois
pas que ce soit encore fini. Enfin pour pourvu que l'on puisse revenir c'est
tout ce que l'on désire. »
« Tu me
demandes sur une carte si à notre batterie il y a pas un nommé Malibat du Gua
pour cela c'est une chose que j'aurais pu te dire plutôt. Mais on ne pense pas
toujours à tout. Mais comme il n'est pas à ma pièce, je ne me rappelais pas de
te le dire.
Oui il est à notre
batterie et nous avons fait un an ensemble à Castres. Nous sommes bien d'accord
et nous causons souvent du pays.
Pour le moment on
l’a mis à la 5e pièce et moi je suis à la première pièce. Je crois qu'il sera
employé au téléphone. Moi je suis nommé pointeur à la première pièce. Il y a 4
pièces de canon la 5e pièce c'est pour les ravitaillements. »
« Pour les
crayons que j'ai trouvés dans le colis, je ne t’en ai pas parlé plus tôt. Le
bois été décollé, il ne tenait que un peu au fond. Tu sais ça va tout juste
pour faire une adresse mais pour écrire une longue lettre ça ne va pas du tout.
Il vaut bien mieux un crayon ordinaire.
Le crayon à l'encre
? Tu mouilles un peu et il te fait une tache et c'est sec tout de suite. il faudrait avoir toujours de l'eau à côté et pour faire une
lettre il faudrait un journal pour faire une longue lettre. Alors je préfère
écrire avec un porte-plume ou un crayon ordinaire. »
« Tu me dis
qu'il te tarde chaque jour de voir passer le facteur pour cela je me le pense
bien car je sais qu'il vous tarde de savoir des nouvelles de nous. Aussi je ne
passe pas un jour sans écrire ou si je passe un jour ce n'est pas souvent.
Tu me dis que tu ne
faisais pas du mauvais sang tant que tu savais que j'étais à Javage mais tu as
l'air de me faire comprendre que si je le quitte tu t'en feras davantage. Mais
ce n'est pas ça que tu devrais faire car si je savais que tu t'en fasses je ne
te dirai pas tout comme je le fais car tu peux croire que je te dis toute la
vérité.
C’est comme
aujourd'hui, on est allé amener nos pièces sur le front avec tous les servants.
et moi je suis resté à Offémont pour continuer la cahutte du capitaine et y
faire un lit un peu élevé de terre et une cheminée pour pouvoir y faire du feu
comme dans la nôtre.
Et les servants sont
redescendus pour coucher à Offémont et demain ils repartiront pour y rester
quelques temps. Moi je ne partirai pas demain encore car le capitaine me laisse
avec les conducteurs pour achever les baraquements. Comme j'y suis pour les
diriger, il trouve que comme j'ai fait faire c'est parfait et très solide.
Comme les servants
sont revenus ils m'ont raconté comment ça se passe sur le front. ils m'ont dit que l'on couche à 100 mètres en arrière des
canons et c'est tout dans le rocher. Il paraît que l'on sera très bien et que
les obus ne risquent rien de traverser. Le capitaine m’a dit que nous commencerons
de tirer le 17 et ce n'est que ce jour-là que j'irai. »
« Tu me dis sur
une lettre que Gervais, son côté lui a fait quelque peu mal et qu'il a essayé
de se faire évacuer et c'est bien malheureux d'être malade. Moi je ne crains
que ça mais jusqu'ici je peux te dire que je suis et je suis été toujours en
parfaite santé ce qui m'étonne bien car c'est bien rare de passer tant de temps
sans avoir quelque sorte de grippe.
Mais je t'assure que
je n'ai pas eu ni mal à la gorge, ni enrhumé du cerveau, rien. Mais pour cela
je peux te garantir que je me soigne bien je ne me prive de rien du tout.
Ce que j'ai besoin
comme nourriture et que je peux trouver et comme habits non plus. Je ne sais
pas si c'est comme je suis bien habillé que je ne suis jamais été malade je
n'en sais rien. C’est le tout que je me porte bien et j'ai bon appétit. Je
porte sur moi deux flanelles la chemise le chandail une ceinture de laine de 4
mètres de longueur sur le chandail le gilet et la veste oui je te réponds que
le vent ne me traverse pas. »
« Tu me dis par
une lettre que tu m'envoies un colis de 1 kg. Je l'ai bien reçu hier et il y
avait tout ce que tu me dis sur la lettre je n'ai encore rien goûté du moment
que nous avons assez chaque jour.
Tu dis qu'il fait
mauvais temps à Cérons et en même temps qu'il fait
froid ici il pleut de temps en temps mais il ne fait pas froid ce qu'il est
encore bien bon malgré que l'on soit plus dans le Nord
que chez nous. La nuit nous sommes bien au chaud maintenant que nous avons une
toile de tente en plus. »
« Tu me dis que
si je veux du beurre pour cela je l'ai trouvé bien bon car il était bien dur et
c'était bien conservé mais tu n'as pas besoin pour cela de m’en envoyer. Pour
le moment les provisions des civils arrivent jusqu'au front et on a à peu près
de ce que l'on veut.
Tu me demandes si
nous sommes à une batterie de renforcement. Pour ça oui, mais ça n'empêche que
nous irons au front tout de même. Au groupe où nous sommes nous avons formé la
quatrième batterie au lieu d'être à la troisième mais la troisième batterie du
3e groupe d'Afrique est restée à Constantine en Algérie.
C’est pour cela que nous sommes
la quatrième batterie. »
« Tu me dis que
ces jours si vous avez eu des mauvaises nouvelles et que Broka avait été blessé et Édouard Debons (*)
et que la gangrène s'était mise à ses blessures et qu'il est mort, c'est bien
tout de même malheureux de se voir dans ces peines-là. Mais comment faire il
faut espérer que ce ne sera pas de même pour tous.
J’ai raconté à Bergon ce que tu m'avais dit des autres
blessés et mort que nous avions à Cérons et il a été
très content de le savoir mais sûrement qu'il aurait préféré que ce ne soit pas
arrivé. Tu me dis que Camille t'a causé un peu du groupe (**) que je suis. Tu sais donc que ce n'est pas à
l'infanterie. »
« Tu me fais
plaisir de me causer un peu de René car quand je reviendrai, je lui apporterai
un canon et une machine comme il le désire mais il faut qu'il soit sage. Je ne
t'en dis guère plus long pour le moment et il est 9h du soir et je vais me coucher
sur place. Je n’ai qu’à m’étirer c’est tout.
Reçois de ton Louis
toujours ses plus doux baisers pour toi et René bien des choses à nos parents à
Marguerite à son petit René et toute la famille 1000 baisers. »
(*) : Édouard DEBONS,
122ème régiment d’infanterie, est mort pour la France le 5 janvier 1915 par
blessures de guerre et tétanos. Voir
sa fiche.
(**) : Du 3ème groupe d’artillerie.
Bien chère Marcelle
« Me voilà
maintenant sur le front.
Je ne croyais pas y
aller aujourd'hui comme avait dit le capitaine. Mais il nous a fallu placer les
pièces pour tirer demain matin à 8h30 pour régler notre tir.
Ce matin comme je ne
croyais pas partir, je suis allé à la cahute du capitaine. Je lui ai demandé ce
qu'il y avait à faire. Il m'a dit que tant pis que je monte avec les autres
servants à la batterie de tir. Qu’il nous fallait placer les pièces pour demain
matin.
Alors pour me
remercier de la bonne volonté que j'avais eu pour diriger tout pour les
cahuttes que nous avons fait, il m'a glissé un billet de cent sous dans ma
main. Ce qui ne qui n'est pas dans leurs habitudes.
Mais j'aurais
préféré 15 jours de permission pour venir vous voir tous et surtout toi et
petit René. Mais enfin il faut toujours prendre ce que l'on vous donne. Ça fait
tout de même plaisir de voir que les officiers font cas de vous. »
« Où nous
sommes, tu peux avoir vu ce nom sur les journaux c'est à 200 m de Tracy-Le-Mont
et 2000 m de Tracy-le-Val. (*)
Tu sais que nous
sommes bien abrités. Nous sommes en plein dans le rocher. Les Allemands peuvent
nous tirer dessus qu'ils ne feront rien. Nous sommes dans des carrières où on a
sorti de la pierre blanche que l'on scie pour faire les portes ou les fenêtres
de chez nous. Mais ici ce sont toutes les maisons qui sont bâties avec ces
pierres carrées. C’est bien peut-être pour cela que la guerre dure tant.
Si nous on est à
l'abri les Boches doivent l'être aussi car si on s'était battu en rase
campagne, il y a longtemps qu'on aurait dispersé ces maudits Boches car avec nos 75 ça rase tout. Mais quand c'est trop fortifié, il n'y
a rien à faire. »
« Le capitaine
m'a dit aujourd'hui qu'il me ferait redescendre à Offémont pour en construire
d’autres pour les lieutenants. Ici où nous avons les pièces de canon, nous ne
sommes que les servants. Les conducteurs et les chevaux sont à Offémont à 5 km
de nous. Ca fait que dans quelques jours j’irai voir les camarades que j'ai
laissés là-bas.
Enfin j'espère que
tu ne te feras pas de mauvais sang. Pour cela car je te dis tout ce qui se
passe. Demain je te dirai ce qu'a fait à peu près notre tir. Maintenant tes
lettres me parviendront un jour plus tard car elles arrivent le soir à la
dernière heure et nous on nous les monte le matin à la batterie. Ça n’y fait
rien. Je vois que je pourrais t'écrire tous les jours comme j'ai fait jusqu'à
présent car nous aurons encore tant de temps comme nous avons eu jusqu'à
présent.
Ici nous serons bien
tranquilles car nous ne sommes pas comme les fantassins nous ne sommes pas si
près que l'on dort bien. Je finis ma lettre en t’envoyant un million de baisers
pour toi un petit René. »
(*) : Extrait du journal du 3ème groupe d’artillerie d’Afrique.
Correspondance des armées de la République carte franchise
Chère Marcelle
« Le
vaguemestre vient de passer et m'a apporté le colis que tu m'as fait partir le
15 et je te réponds de suite. Je ne l'ai pas encore ouvert. Ce soir je
t'écrirai de nouveau pour voir ce qu'il y a. pas d'autres choses pour le moment
que ma carte pars de suite avec la lettre que j'ai faite hier au soir.
1000 baisers pour
toi et le petit. »
Carte postale
Très chère Marcelle.
« Aujourd’hui
j'ai goûté au pâté de foie qui est très bon et même je crois qu'il est truffé.
Nous avons un temps
pluvieux aujourd'hui. Il n'a pas cessé de pleuvoir. Nous avons un bien vilain
temps pour le moment encore. Heureusement qu'il ne fait pas froid.
L’imperméable me sert bien pour le moment il y a pas à dire mais c'est bien
utile. Je suis toujours en bonne santé. Aujourd’hui je n'ai pas eu de tes
nouvelles.
J’ai reçu une lettre
du cousin (Adrien Auguste) Bras qui me dit qu'il va en permission
de 8 jours à Paris mais ne m'a pas donné sa nouvelle adresse.
Je vous quitte en
vous embrassant tous bien de grosses bisottes à
René. »
Bien chère Marcelle.
« Aujourd’hui
j'ai reçu ta lettre du 16 et tu me dis que la Tante est à peu près la même mais
qu’elle ne va pas mieux. Tout cela c'est bien embêtant car on n’aurait pas
besoin de toutes ces maladies. On en a bien assez avec cette maudite guerre.
Mais que veux-tu ? Il faut le prendre comme ça vient car on y peut rien.
Tu me dis que Noémie
est toujours à peu près aussi. Elle n'aurait pas besoin d'être malade elle non
plus car, comme on a toujours dit, ça tombe toujours sur ceux qui auraient
besoin de gagner leur vie.
Enfin il faut
espérer que tout cela guérira et qu'on pourra se revoir tous en bonne
santé. »
« Ce matin nous
avons tiré quelques coups et l'après-midi on s’est reposé malgré que l'on ne
soit pas fatigué car le travail que l'on fait on peut y tenir. On ne se lève
presque jamais avant 7h du matin et on peut se coucher de bonne heure.
Comme je te l'ai
déjà dit nous avons 4 canons dans une batterie et nous prenons la garde chaque
4 jours cela fait que c'est la pièce de garde qui tire. C’est sans déranger
toutes les pièces.
Tu me demandes si je
suis pointeur ou servant. Pour cela c'est pareil le pointeur c'est un servant
de la pièce.
À la pièce de canon,
il y a le pointeur, le tireur et le chargeur.
Au caisson, il y a
le premier pourvoyeur, le déboucheur, et le deuxième pourvoyeur.
Ça fait 6 servants
en tout pour servir une pièce. Moi je suis le pointeur de la première pièce. Et
n'importe quel poste c'est pareil pour le danger. Encore nous n'avons pas vu
beaucoup de danger.
On est là comme
ailleurs on ne se croirait pas à 3 km des Boches comme nous sommes car nous
sommes bien tranquilles. Ce n'est plus comme la retraite que nous fîmes en
Belgique on n'était pas plutôt coucher qu'il fallait se relever là il n'y avait
pas la vie. Mais maintenant on peut se croire heureux en comparaison de
l'infanterie. »
« Je vois que
petit René m'as envoyé deux grosses bisottes. Tu me
dis qu'il est bien sage. Pour cela j'en suis bien content et de voir qu'il aime
bien papa. Moi je l'aime bien aussi et il me tarde bien de pouvoir vous
embrasser pour de bon et non vous les envoyer par lettre comme il faut faire.
Encore bien heureux de pouvoir t'écrire et d'être en bonne santé. Pas autre
chose d'intéressant à te dire pour le moment. Je vous embrasse tous de tout
cœur, de grosses bises pour petit René et Bonjour à toute la famille, bien des
choses pour Marguerite et petit Roger et tous nos parents.
Toujours ton Louis
qui t'aime pour la vie. »
Lettre
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui
j'ai reçu une lettre de toi et donc il y avait pour te faire réponse trois fois
ce que je trouverai bien commode car j'en avais pour écrire à d'autres aussi.
J’ai reçu en même
temps des nouvelles de Geneviève qui m’a mis une carte aussi pour lui faire
réponse mais je vais lui faire réponse avec une de tes petites enveloppes. J’en
aurai pour en mettre un peu plus.
Tu me demandes si je
suis bien près de notre groupe qui a repassé l’Aisne. Pour ça, j'en suis bien
loin car je ne l'ai vu que comme toi par les journaux. Où nous sommes ça ne
bavarde pas tant que ça.
Nous sommes en
surveillance sur un point et nous tirons de temps en temps pour faire voir au
Boches que nous sommes là et en même temps nous en écrabouillons quelques-uns.
C’est comme aujourd'hui nous avons tiré sur une route où il est passé une
troupe de Boches et je te réponds que suivant ce que nous a dit le capitaine,
on a dû en descendre quelques-uns.
Nous on est
tellement caché que c'est impossible qu’ils nous
découvrent pas même les aéros aussi. Encore nous
n'avons pas vu tomber les obus ennemis proches de nous. Mais ne nous plaignons
pas. On aime mieux qu'ils restent où ils sont. »
« Tu me
demandes aussi si nous avons du mauvais temps. Pour le moment nous avons du
beau temps il y a quelques peu de brouillard et il gèle quelque peu dans la
nuit. Mais nous préférons ça à la pluie. Quoi que nous ne sommes pas comme
l'infanterie. Nous ne restons pas beaucoup dehors nous ne sortons que pour
tirer. Encore nous n'avons pas tiré avec la pluie. Mais quand même il faille
tirer qu'il pleuve, j’ai mon imperméable qui me servira et qui m'as déjà servi
une nuit que j'étais de garde et qu'il pleuvait. Ça préserve beaucoup mieux que
notre capote. Il y en avait beaucoup qui l'avait de mouillée et moi je l'avais
sec comme ceux qui en avait comme moi. »
« Tu me dis de
ne pas négliger de t'écrire mais je pense bien que je ne le fais pas. Il y a très
longtemps que je n'ai pas passé un jour sans envoyer une lettre ou une carte.
Tu me dis que Henri OustrI a laissé sa femme sans nouvelles
pendant un mois ce n'est pas certainement bien de sa part. Tu peux croire que
moi je ne le ferai pas ou alors il faudrait qu'on ne puisse pas écrire ou que
les correspondances ne marche pas.
Tu me dis que
Camille est au 4e zouaves. Je suis bien content de le
savoir. Car ici nous c'est presque tous les soirs que nous avons des zouaves
dans les tranchées qui sont à 2 ou 3 km devant nous mais je ne crois pas que ce
soit son régiment parce que je n'ai pas entendu parler du 4e. »
« Tu me dis
aussi que tu ne t'aperçois pas que ce soit dimanche mais moi non plus et
pourtant aujourd'hui c’est dimanche tout de même sûrement que si ce n’était pas
le calendrier que m'a envoyé Geneviève il arriverait parfois que je ne le
saurai pas. Quand nous étions à Javage, on le savait
davantage car chaque dimanche le capitaine nous donnait la permission d'aller à
Faverolles pour aller à la messe si nous voulions.
Enfin il faut
attendre, que ça ne durera pas, et qu'on pourra refaire comme nous faisions
avant, car pour sûr, ça ne peut pas durer, surtout pour les Allemands étant
enfermes comme ils sont. Mais pour nous ce n'est pas ça.
Nous sommes encore
mieux nourris qu’au commencement. Nous avons 1 demi-litre de vin par jour et
presque chaque jour nous touchons du fromage, de la confiture, du chocolat, des
sardines, en plus de l'ordinaire que l'on a touché avant.
Aussi tu sais que
j’ai la réserve. Il ne risque rien que je souffre de la faim. J’ai toujours eu
bonne santé que je suis et souhaite que vous soyez tous de même. »
« En attendant
toujours d'autres nouvelles de toi, reçois de celui qui t'aime et qui ne
t'oubliera jamais ses plus grandes amitiés et sans oublier le petit René qui
pense toujours à son papa son papa pense à lui.
Bien des choses à
tous les nôtres de ma part. Reçois encore de ton Louis un million de
baisers. »
Lettre
Bien chère Marcelle
« Ce n’est pas
possible, aujourd'hui j'ai reçu deux lettres et une carte de 18, 19 et 20 et
une carte de Louis du Gua qui est en bonne santé et
tu me dis que Noémie lui donne de ses nouvelles tous les jours. Tu n'as pas
besoin d'avoir peur que je lui parle de rien de ce qui
se passe chez lui.
Tu me dis qu’à Cérons il fait très froid. Ici, il ne fait pas trop froid,
il ne pleut pas, le ciel est cependant couvert.
Tu me demande si la
section nous a rejoint mais sur l'autre lettre je vois que tu l'as eu alors je
ne t'en dis pas davantage sur cette question.
Tu me demandes si
les colis que tu m'envoies arrivent en bon état. Pour cela tu n'as pas à
craindre. Il y a eu que celui que tu m'as envoyé par la gare et qui était un
peu dérangé. Il y avait une orange écrasée on voyait le chocolat .mais ceux que
tu m'as envoyé par la poste ne peuvent pas aller mieux. Il s'agit que le petit
paquet que tu fais soit plein comme cela çà ne se crève pas. Pour cela jamais
le papier extérieur n'a pas été graissé comme tu me le dis.
Je sais que c'est
défendu de mettre quelque chose qui coule ou qui fond. J’ai vu ça sur les
journaux. Mais pourvu que tu les arranges comme tu fais ça peut marcher. »
« Tu me dis que
tu as vu quelque part qu'on allait mettre hors de France ces maudits Allemands.
Mais ce n'est pas chose facile. Ils tiennent encore bon. Mais je crois malgré
tout qu'on finira par le faire car ce n'est pas une vie de rester toujours
ainsi. Peut-être qu'on prépare quelque chose mais on n'en sait rien.
Aujourd’hui nous
avons tiré une trentaine de coups et c'est presque chaque jour que nous tirons
ainsi. Tu n'as pas à te faire du mauvais sang quand même que je sois sur la ligne
de feu. Car comme je te l'ai dit plusieurs fois nous sommes beaucoup plus en
arrière que les fantassins ceux qui nous protègent en cas d'attaque et nous on
les protège aussi mais de plus loin car nous sommes juste pointés sur les
tranchées allemandes et s'ils veulent bouger on leur cogne dessus en leur
envoyant des pruneaux.
Pour le chocolat que
j'avais oublié de te le dire tu n'as pas besoin de te déranger car j'en ai
beaucoup de réserve et on n'en touche passablement à l'ordinaire.»
« Tu me dis que
Petit René pense toujours à papa et qu'il lit souvent les lettres et il me fait
même des colis puisque il est bien mignon je vais lui envoyer une carte pour
lui ce n'est pas grand-chose mais ça lui fera passer un autre petit moment on
n'en peut rien faire quand même car c'est peu de chose. »
« Comme tu me
le dis les nouvelles ne changent guère et pourtant il y a déjà longtemps que
l'on ne s'est pas vu et quel beau jour que l'on passera quand on pourra se
revoir. Mais encore ce n'est pas près. Enfin il faut toujours vivre dans
l'espoir de se revoir en bonne santé c’est surtout cela qu'il faut souhaiter.
Ça ne me fera rien de passer quelques jours de plus pourvu que l'on puisse se
revoir comme on l'a toujours dit.
Je suis content que
vous soyez tous en bonne santé et c'est bien malheureux que la Tante soit
toujours malade mais comment faire. Pourtant il faut se résigner à tout. Pour
moi je suis toujours en bonne santé et je souhaite que vous soyez toujours de
même.
Des grosses bisottes pour le petit René, Roger et tous les petits et
petites qui s'amusent ensemble. Tu me dis qu'on a passé le conseil de révision
à Aubin de la classe 1915, à Paris aussi et M. Pierre a été ajourné.
Ton Louis qui te
quitte en t'embrassant de tout cœur toi et notre petit René. Bien des choses à
nos parents.
Louis. »
Lettre
Ma très chère Marcelle
« C’est
toujours du même endroit maintenant que je t'écris.
Aujourd’hui j'ai reçu
une lettre de toi et une carte d’Émile. Tu me parles un peu des employés de Cérons ça m'a bien fait plaisir de savoir de leurs
nouvelles, de Begard et d’Astorg que je croyais bien qu'ils
étaient partis. Aussi tu diras à ton père qu'il leur en souhaite autant de ma
part. À la mine de Cérons, il ne doit pas y avoir
grand monde qu'il y avait il y a quelques temps. Tu me diras cela sur une autre
lettre. »
« Tu me demande
si quand nous sommes au repos nous allons à Offémont. Ça non, nous restons tout
le temps à la batterie. Nous avons nos cahutes à 100 mètres en arrière des
pièces de canon. Il ne faut pas confondre avec l’infanterie nous ne sommes pas
là tout le temps à veiller. Nous avons le téléphone relié avec l'infanterie qui
est dans les tranchées et quand ça menace on nous appelle et l'on va aux pièces
pour tirer s'il y a lieu. Ça fait que nous sommes presque tout le temps au
repos.
Dans la journée on
tire à peu près 10 ou 20 minutes et voilà. Car tu sais que si l'on tire tout le
temps on dépenserait beaucoup de munitions car sans se presser on tire
facilement 15 coups à la minute et tu vois que si on tire toute la journée il
faudrait toujours un train pour nous tenir les munitions.
Nous avons nos
cahuttes par un penchant d'une vallée, tout dans la terre où rocher. Celle où
moi je suis c'est-à-dire toute la pièce nous l'avons dans les rochers. À une
pièce nous sommes 6 servants et un chef de pièce. On compte une pièce, le canon
et le caisson tous ensemble. »
« Pour la
nourriture nous n'avons pas à nous plaindre jamais nous n'avons été mieux
nourris que maintenant nous avons 1 demi-litre de vin chaque jour, nous avons
chocolat, sardines, fromage. Aujourd’hui nous avons eu encore en plus des
figues qu'il y avait longtemps que j'en avais pas
mangé. »
« Tu me dis que
Gervais a écrit qu'il lui fallait un peigne pour faire la chasse aux poux. Mais
moi j'en ai pas besoin nous avons certainement beaucoup plus de temps qu’eux
pour ça on se tient propre je laisse toujours poussé mon bouc à deux pointes.
J’ai bien regardé si
on pouvait se faire photographier mais c'est inutile de penser. On ne peut pas
en trouver un. Quand je reviendrai je penserai au canon et à la machine de
petit René puisqu'il est si content de ça.
Je vais te dire
encore au revoir une autre fois.
Toujours la grosse Bisottes pour petit René et toute la famille. Je te quitte
en t'embrassant de tout cœur en attendant toujours de vos nouvelles toujours
des choses à nos parents et toujours bien embêtant que la tante soit bien
malade encore de ton Louis, mille et mille baisers. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui
je n'ai pas eu de lettre de toi mais j'ai eu le colis et une lettre de Baux Albert qui me raconte qu'il est
prêt à repartir au front tout équipé. (*)
Dans le colis j'y ai
trouvé un morceau de saucisson le pâté de foie et la tablette de chocolat et
une barre brisé. je me doute que c'est toi qui l'a
brisé pour la faire rentrer dans le colis. Je te dirai que le pâté de foie a
commencé de graisser un coin du colis mais encore il aurait pu voyager sans
rien risquer tout est intacte. »
« Ce soir je
suis de garde et de ce fait, je gouterai la saucisse pour réveillonner avec un
de mes camarades et pour déjeuner je gouterai le pâté de foie. S’il est comme
l'autre que tu m'as envoyé, je l'ai trouvé bien bon. On le mange sans appétit
et plus forte raison quand on a faim. Bien que nous ne souffrions pas de cela
comme je te le dis, nous sommes très bien nourris. Aujourd’hui on nous a donné
de la confiture qui est épatante, nous la trouvons tous bien bonne et encore
des sardines en plus de l'ordinaire. »
« Maintenant je
vais te raconter un peu ce que nous faisons.
Nous restons presque
tout le temps dans nos cahutes. Nous allons chercher du bois pour faire notre
cuisine ou pour nous chauffer. Aujourd’hui j'ai rasé un de mes lieutenants que
jamais je l'avais encore fait. Il m'a félicité de ma main que j'ai très douce
pour un qui n'est pas du métier.
Hier ou aujourd'hui
nous avons tiré une cinquantaine de coups toujours sur ces fameux Boches et
sans pouvoir les anéantir. Pourtant c'est ce qu'il faudrait. Enfin avec ça nous
restons toujours là sans pouvoir avancer beaucoup. Il faut pourtant attendre que
ça finira bientôt quand même surtout si l'Italie nous venait en aide je crois
que ce serait vite fait. »
« Pour le
moment nous avons un temps superbe. Il gèle quelque peu et le ciel est très
clair il y a quelques temps que nous n'avons pas eu pas eu la pluie mais ça ne
presse pas. J’ai vu qu’à côté de nous il y en avait quelques-uns du 4e zouave.
Si tu me disais la compagnie qu'il est je pourrais quelquefois le demander et
en même temps le nom je sais bien qu'il s'appelle Camille mais je n'ai pas l'autre nom je m'en rappelle plus.
Je ne t'en dis pas plus long.
Pour le moment à
t'envoyer mes plus tendres amitiés pour toi le petit René. Toujours bien des
choses à nos parents Marguerite et petit Roger. Louis. »
(*) : Albert BAUX, 21
ans, originaire du même village, est au 35ème régiment d’infanterie. Il a été
blessé fin 1914 et il repartira au front au sein du 124ème régiment
d’infanterie en mars 1915. Blessé une seconde fois, en 1916, il survivra à la
guerre.
Bien chère Marcelle
« Aujourd'hui
j'ai reçu de toi une lettre du 23 et une carte du 24 et une lettre de ma sœur
Maria. Ça me fait toujours bien plaisir de recevoir de vos nouvelles.
Je vois qu’à Cérons, il ne fait pas trop beau et qu'il fait beaucoup de
neige. Nous, on en a pas encore, vu depuis que nous
sommes ici. Sauf à Javage un jour. Ici il y a
quelques jours qu'il fait un temps splendide et il gèle quelque peu la nuit et
le jour il fait très beau. Ça se passe bien. Que sur tout le front il fasse
pareil car il m'a été dit que du côté de l'Alsace, il y avait de la neige
aussi. »
« Presque
chaque jour nous tirons quelques coup ça dépend un peu de ce que font les
Boches. S’ils veulent sortir de leurs tranchées pour attaquer ou n'importe, on
leur renvoie quelques pruneaux pour les contenter et si ça ne les contente pas
ça contente bien nos fantassins. Ils nous le disent quand ils passent devant
nos batteries pour aller au repos .ils nous disent qu'ils se régalent quand ils
voient pleuvoir les obus de 75 sur les tranchées Boches.
En revanche, ils
nous envoient eux aussi quelques marmites mais ils nous manquent de beaucoup.
Ils vont éclater beaucoup plus par côté. Dans tous les cas qui se dirigerait
sur nous on se mettrait dans les abris et là on ne risque rien. »
« Tu me dis que
tu as touché le report de l'allocation que tu n'avais pas encore touché.
Pour ça j'en
conviens mais tu devrais toucher chaque mois plus de 49 francs. La loi accorde
1franc 25 pour la femme et 50 centimes pour l'enfant et je vois qu’au total ça
fait un peu plus. Enfin c'est tout de même bien beau d'avoir ça. Tu me dis que
depuis la mobilisation vous ne payez pas de frais de médicaments. Ça c'est
encore une autre affaire. »
« Hier au soir,
j'ai goûté la saucisse que tu m'as envoyé et qui est très bonne et aujourd'hui
pour déjeuner j'ai goûté au pâté de foie qui est très bon aussi. J’en ai mangé.
J’ai un peu aussi pour achever de souper. On a bien
assez de choses mais ce qui viens de la maison, c'est encore meilleur.
Maria me le dit
aussi sur sa lettre qu'elle m'envoie un colis. Aussi je pense que j'aurai de
quoi manger, avec tout ça je ne me trouverai pas au dépourvu. Tu diras à Maria
que je lui répondrai de suite que j'aurai reçu le colis quelle envoie et que je
la remercie beaucoup de son attention.
Tu me dis que petit
René est content de voir la neige et qu'il la trouve jolie. Je ne t'en dis pas
plus long pour le moment qu’à envoyer mes plus douces caresses pour notre petit
René et mets plus grande amitié pour toi et bien des choses pour nos parents.
C’est toujours bien embêtant que la Tante soit toujours pareille. Enfin il faut
prendre cela avec patience et espérer que ça reviendra. Ton Louis pour la vie
qui t'embrasse bien fort. »
« Dans la
lettre de Maria j'y ai trouvé un billet de 100 sous. Tu pourras lui dire qu’ils
me sont parvenus et que je la remercie infiniment sans le faire savoir à ses parents
puisque elle ne veut pas que je lui en parle sur la réponse, de peur que mon
père dise quelque chose. Mais tu peux lui dire qu'elle n'a pas besoin de tant se déranger pour moi car je
ne pense pas à tout ça.
Encore pour tous
René, Roger, Alice, Rachel et toute la famille de gros bisous. »
Bien chère Marcelle
« Justement où
j'allais prendre une carte pour t'envoyer, il m'arrive une lettre de toi du 25
je ne l'aurais vue que demain matin mais comme les officiers couchent à côté de
nous depuis hier, ils font monter les correspondances le soir.
Et j'ai même su que
j'avais un autre colis par celui qui nous les apporter d’Offémont. Je me disais
d'où il pouvait venir mais quand j'ai lu la lettre j'ai vu que c'était toi qui
me l'envoyait. Aujourd’hui j'ai reçu celui que m'a envoyé mon père. Je pense
que j'ai de quoi bouffer. Je ne souffrirai pas de quelques jours. »
« Aujourd’hui
notre pièce n'a pas tiré. Le capitaine m’a occupé à lui arranger sa cahute,
mettre une porte, des bancs, un porte-manteau et bien d’autres choses.
Nous avons toujours
un très beau temps. Aujourd’hui il a fait une journée de printemps. Tu me dis
sur ta lettre que tu m'envoies un petit flacon de cette eau que je t'avais
demandé. Avec ça je verrai si elle vaut celle qu'on nous donne parfois qui est
faite avec de la betterave. J’aurais le colis demain matin. Il est encore à
Offémont.
Tu me dis que
Monsieur Reynes m'a écrit et que
je ne lui ai pas répondu. Tu pourras lui faire dire si tu en trouves l'occasion
que je n'ai jamais eue de lettres de lui. J’ai attendu pendant longtemps à cause que tu m'avais dit qu'il voulait m'écrire mais
maintenant je n'y croyais plus je n'y songeais plus.
Si par hasard tu
trouvais GrÈs Raymond tu pourras
lui dire que je lui ai écrit à Saint-Germain-en-Laye où il était la lettre est
passé là et même aller à Decazeville et elle m'est revenue ce que j'ai trouvé
drôle. Il a tout de même bien de la chance d'être revenu au pays. Je serais
heureux de pouvoir en faire de même. Mais il ne faut pas y penser encore.
Je ne vois pas autre
chose à te dire pour le moment. Demain je saurais te dire si l'eau de vie est
bonne.
Je vais te dire au
revoir donc en t’envoyant mes meilleurs baisers pour toi et notre petit René.
Bien des choses à tes parents Marguerite et petit Roger.
Bien chère Marcelle
« Je viens de
recevoir la lettre du 28 avec le nouveau modèle de papier. J’en ai reçu une
autre date et du 28. Il y a 2 jours mais j'ai compris qu'elle était du 27. Je
viens de recevoir aussi des nouvelles de Geneviève.
Comme je te l'ai dit
hier sur la carte, je commençais à être enrhumé mais ça n'a été rien. J’ai
passé une couche de teinture d'iode et ce soir je ce n'est rien. Tu me demandes
si où nous couchons c'est couvert. Pour cela oui, c'est couvert même on y fait
un bon feu. Pour te faire voir qu’il n'y fait pas froid, je t'envoie une petite
feuille de lierre qui a poussé depuis que nos cahutes sont faites. Mais elle
n'est pas bien verte du moment que ça pousse dedans elle est plutôt
blanche. »
« Tu me dis que
tu as acheté une cinquantaine de lettres comme celle-là. Tu feras comme tu
voudras mais en faisant comme tu fais tu m’en tiens passablement. C’est
peut-être pour l'anglais ou l'allemand que ça pourra m'intéresser un peu comme
tu me dis.
Aujourd’hui nous
n'avons pas beaucoup tiré pour le moment. C’est un peu calme. On entend que
quelques coups de fusil que les zouaves ou fantassins tirent pour faire voir
qu’ils sont à leur poste.
Tu me dis que petit
René fais de temps en temps la bourrée avec grand-père. Je serais bien content
de pouvoir y être pour lui jouer un peu comme je faisais avant de partir.
Mais c'est inutile
d'en parler. Je me suis bien penser en moi-même que si tu pouvais voyager comme
l'a fait cette lettre…. elle est bien partie de Cérons et elle est revenue puisque tu l'as
dit je sais bien que tu n'aurais pas attendu à aujourd'hui mais que faire
? On n’y peut rien. »
« Aujourd’hui
j'ai reçu des nouvelles de Maria en même temps que sa photo qui me fait bien
plaisir.
Bonjour dans l'espoir
de se revoir sans tarder je t'envoie mes plus tendres caresses et mes plus doux
baisers pour toi et petit René et toute la famille.
Louis GrÈs. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui
je n'ai pas eu de tes nouvelles mais pour cela je sais que les correspondances
ne se suivent pas toujours. Il arrive qu’on en reçoit deux ou trois à la fois.
Enfin il s'agit de bien se porter ou d'être en bonne santé c'est le
principal. »
« Ce matin tu
sais que nous avons envoyé quelque chose au Boches dans un quart d'heure nous
avons tiré près de 200 coups sur les tranchées Boches et après ça nous avons
tiré plus lentement. Je ne sais pas si par hasard les Boches aurait voulu se
montrer mais s’ils voulaient se faire voir ils doivent avoir eu le goût de se
retirer.
Ici nous avons beau
temps pour le moment. Hier le temps était un peu brumeux mais aujourd'hui le
beau temps est revenu. »
« J’ai écrit
deux fois à l'oncle d'Amérique Alfred et je n'en ai pas eu de réponse je ne
sais pas si je lui ai écrit à nouveau mais j'ai bien peur que la troisième
fasse comme les deux premières. J’ai encore l'enveloppe que tu m'as envoyée
toute timbrée. Si tu lui écris tu pourras lui en parler. Quand je lui ai écrit
c'était au commencement que j'étais à Javage et la
deuxième fois une quinzaine de jours avant d'en partir alors tu vois que
j'aurais dû avoir la réponse.
Aujourd’hui j'ai
mangé du saucisson que m'a envoyé mon père. Il est très bon. J’en ai fait part
à quelques-uns de mes camarades qui me font part de ce qu'ils reçoivent aussi.
Ils le trouvent bien bon aussi. Enfin je ne vois pas grand-chose pour le moment
à te dire de plus intéressant. »
« Je suis
toujours en parfaite santé et je désire que vous soyez tous de même. Toujours
mes plus douces caresses pour petit René qui doit être toujours bien sage mais
un peu un peu polisson suivant ce que dit sa maman. Je vais lui envoyer une
carte pour le faire amuser avec ce que lui envoie son papa car je ne peux guère
lui envoyer que ça.
En attendant
toujours de tes bonnes nouvelles reçoit de ton cher Louis mes plus tendre
amitié et bien de choses à tes parents Marguerite et petit Roger. »
Bien chère Marcelle.
« Aujourd’hui
j'ai reçu ta lettre du 30 ou tu me dis qu'il a paru sur les journaux un article
pour faire venir les mineurs qui faisait partie de la territoriale mais comme
tu me le dis pour moi je suis trop jeune et le mieux serait qu’on signe la paix
au plus vite. Enfin dans tous les cas si tu vois un autre article qui puisse
valoir pour moi ne le laisse pas passer sans faire une annonce s'il y a
lieu. »
« Tu me demandes
si l’éperon 132 un rapport avec notre secteur. Pour cela je ne crois pas. Il
peut se faire qu'il y en a une partie. Sur les journaux on voit souvent éperon
ou côte, untel numéro, mais je ne crois pas que ça corresponde avec lui numéro
de notre secteur. (*)
Mais pour te faire
voir où je suis je vais te dire à peu près l'endroit où nous nous trouvons. Je
vais t'indiquer les plus grandes villes du tour. Nous sommes premièrement dans
l'Oise. Tracy-le-Mont est entre l'Oise et l'Aisne. Nous avons autour au nord
Noyon, à l'ouest Ribécourt, au sud-ouest Compiègne,
et Attichy sur l'Aisne au sud-est.
Mais pour cela je
tâcherai de me procurer une carte où il y a tous ces noms. Comme cela tu
pourras voir encore mieux. Mais pour le moment, je te dis à peu près où je
suis. On se trouve juste entre l'Oise et l'Aisne sur la carte, sur la route de Ribécourt à Attichy, on est à 6 ou 700 m de Tracy. Nous on
tire sur le bois de Saint-Mard ou les tranchées qu'il y a à côté de Quennevières dont tu peux voir les noms sur les journaux.
L’autre jour quand
je t'ai dit que nous avions tiré 200 coups dans un quart d'heure, nous avons
bouleversé des tranchées allemandes. Au moment où l'on tirait, nos fantassins
et les zouaves qui se trouvait en face d’eux on dit depuis que c'était un
plaisir de les voir faire de tant qu’ils se précipitaient pour se sauver. Ils
ne suivaient pas les tranchées, ils sortaient en dehors et à mesure qu'ils
sortaient les mitrailleuses les fauchaient.
Aussi il paraît que
les Zouaves voyait tout sauter et aussi chaque fois qu'ils passent devant nous
pour aller au repos ou rendre se rendre aux tranchées ils nous disent - ‘ allez
les artilleurs, envoyez- leur l'apéritif comme l'autre jour, on se régale quand
vous tirez ‘ - »
« Pour le
moment nous avons un temps il ne peut pas faire plus beau. On se dit les uns
les autres si ce temps durait jusqu'à la fin de la guerre ce ne serait pas
encore trop malheureux. Mais tout de même il ne faut pas se figurer que l'on
soit tout le temps dehors. Nous n'y sommes pas même un grand un quart de la
journée. Nous ne sortons guère pour tirer. Sauf comme maintenant qu'il fait
beau, on reste dehors pour piper le soleil ou laver notre linge. Mais quand il
fait mauvais temps où qu'il fait froid, on reste dedans où on se chauffe.
Tu me dis que je te
dise si nous repoussons les Boches. Pour cela nous ne le faisons pas. Je crois
qu'on garde ses positions peut-être jusqu'au printemps. Et quand le beau temps
sera venu pour longtemps je crois qu'on fera un effort pour les déloger d'où ils
sont. »
« Tu me dis que
le petit René fait toujours le polisson. Ah il faut pourtant qu'il écoute la
maman sans cela je n’apporterai pas de canon au lieu que s'il est sage et qu'il
écoute bien maman, je lui en apporterai deux.
En attendant toujours
de tes nouvelles reçoit de ton Louis ses meilleurs baisers et toujours des
grosses bisottes pour petit René. Bien des choses à
tous nos parents frères et sœurs et bien le bonjour à tous les pensionnaires de
la maison et voisins encore mille baisers.
Louis GrÈs »
(*) : L’éperon 132 est une colline situé près de Crouy secteur de Soissons (02). Une attaque française s’est
soldée par un demi-succès. Après un succès préliminaire, de nombreuses unités
ont été prises au piège par la crue de l’Aisne et capturées.
Lettre
Bien chère Marcelle.
« Aujourd’hui
j'ai reçu deux lettres une du 31 et l'autre du 1er février. Tu me dis que
Noémie est toujours à peu près la même c'est tout de même bien ennuyant qu’elle
ne guérit pas plus vite. Mais comment faire on y peut rien. C’est comme
beaucoup d'autres choses qu'il faut laisser faire son cours.
Tu dis que l'oncle
et Elise viennent vous voir de temps en temps. Quand ils viennent, ou que tu y
vas, dis-leur toujours bien des choses de ma part. Je leur envoie bien tout de
même de temps en temps une carte pour leur donner de mes nouvelles.
J’ai écrit à Gervais
le 12 décembre. C’était une carte et elle m'est revenue aujourd'hui. Et je lui
ai écrit depuis et je ne sais pas à ce compte s’il les recevra et pourtant je
lui écris toujours à la même adresse. La carte est revenue est passée à
Granville dans la Manche.
Cela me fait bien
plaisir que tu me donnes des nouvelles de Viargues
et je suis bien content qu'il soit bien placé. Tu donneras bien le bonjour à sa
femme de ma part quand tu en auras l'occasion. Tu me dis que vous apprenez
guère que de mauvaises nouvelles et que tu crois que Monsieur Labarthe aurait été tué (*), pour ça peut bien être. Il y en a beaucoup
qui sont partis qui ne reviendront pas.
Enfin il faut tout
de même avoir l'espoir à ceux qui sont les plus chers. Je ne sais pas à quel
régiment il était. Ni s’il était gradé. »
« Tu me dis que
tu es allé à Decazeville pour acheter de la toile imperméable pour Louis du Gua. Ça se peut bien que ça lui soit utile pour lui, mais
pour moi je n'en ai pas besoin. Maintenant que tu l'as acheté ça va bien. Mais
pour faire des pantalons cette toile ne vaut pas grand-chose car où ça touche
en dessous ça remouille. Ça vaut encore pour le capuchon comme le mien pour une
averse ou un temps de pluie l'eau traverse par les coutures ou l'aiguille est
passée.
Mais pour l'usage
que j'en fais, ça me fait assez mais s'il fallait s'en servir continuellement,
il ne faudrait peut-être pas être humide. Le mieux serait d'avoir toujours du
beau temps, on quitterait toutes ces frusques. Mais avec ça je n'ai jamais eu
la veste mouillée. La capote m'a toujours préservé et depuis que j'ai l'imperméable
ça me préserve la capote. Depuis que je l'ai je m'en suis servi deux
fois. »
« Tu me dis
aussi que tu as payé ton deuxième mandat. De la poêle tu as l'air contente de
la payer, sans cela ils n'ont pas le droit de se faire payer pendant la durée
de la guerre.
Tu me dis que vous
avez beaucoup de neige. Ici nous avons toujours du beau temps. Aujourd’hui le
ciel était couvert, on aurait dit qu'il allait pleuvoir mais ça n'a rien été.
Tu remercieras bien
le frère de Gervais qui me donne le bonjour. Tu pourras lui dire que je n'ai
reçu aucune lettre ni carte de lui. Sans cela je lui aurais fait réponse. On a
assez de temps pour écrire.
Tu me dis que petit
René s'amuse bien avec un jeu de cartes. Il me tarde de revenir quand ce serait
pour pouvoir faire une partie avec lui. On passerait quelques bons moments et
pourtant il faut s'en passer. Enfin il faut espérer que ce jour viendra et que
l'on passera quelques bon moment tous ensemble. »
« Nous sommes
toujours au même endroit et nous continuons à démolir tant de Boches que nous
pouvons. Je n'ose pas trop t'en dire sur les lettres car je sais qu’on en a eu
ouvertes et qu’on leur a infligé une quinzaine de jours de prison, rien que
pour avoir dit l'endroit où il se trouvait. Mais ça n'empêche que je te dise tout
ce que je fais et tout ce que je puisse te dire.
Je ne vois pas autre
chose pour le moment à te dire qu'à t'envoyer mais plus douces caresses et mes
plus doux baisers pour toi et petit René.
Bien des choses à
mes parents et frère et sœur. Louis qui t'embrasse bien fort »
(*) : Sur les 4 soldats morts de ce nom et originaire de
l’Aveyron :
- 2 sont décédés à l’hôpital, l’un de blessure mais originaire
du côté de Millau, donc loin d’Aubin, et le second de maladie. Il ne s’agit donc
probablement pas d’eux.
- Benjamin LABARTHE né en 1889 à Asprières,
disparu en septembre 1914 mais étant plus jeune que lui, je pense qu’il ne
l’aurait pas appelé Monsieur.
- enfin Camille LABARTHE,
né en 1880 à Capdenac gare (~20 km N-O de Cérons) et
tué le 12 décembre 1914. Il s’agit très probablement de lui. Voir
sa fiche.
Lettre format télégramme
Bien chère Marcelle.
« Aujourd’hui
j'ai reçu ta lettre du 3 en même temps que le colis qui contenait le cahier de
lettres télégramme dont en voici une. Le petit pâté, j'en ai mangé un peu pour
déjeuner le morceau de friton dont nous en avons mangé un peu pour achever de
souper avec quelques-uns de mes camarades, nous les avons trouvés assez salés.
Mais depuis que l'on
n'en n’a pas mangé ça change et on le trouve bien bon. Le petit pâté aussi est
bien bon. J’ai trouvé aussi la petite tablette de chocolat mais comme je te
l'ai déjà dit, j'en ai passablement car nous en touchons chaque 2 jours, des boîtes de sardines, de la confiture, des figues.
Hier nous avons touché même de la saucisse fraîche. Nous n'avons pas à nous
fâcher pour la nourriture car nous sommes très bien. »
« Je suis très
content que tu me renseignes comme tu le fais. Mais c'est tout de même bien
triste d'apprendre que nous avons des voisins tués ou prisonniers car on ne
sait pas bien ce qu'on fait des prisonniers.
Tu me dis que petit
René est toujours un peu polisson et il commence à aller chercher les petites
fleurs. Il doit être bien amusant. C’est bien embêtant d'être si loin. Tu me
sauras dire s'il ouvre tout seul la petite barrière que j'ai fait
pour qu'ils ne sortent pas ou qu'il ne roule pas dans l'escalier. »
« Nous avons
toujours un temps superbe. Aujourd’hui il a fait un peu de vent mais le ciel
est clair.
Il faut bien qu'il
soit clair car la batterie que nous avons à côté de nous qui a 2 pièces de
canon rien que pour les avions et je crois bien d'en avoir atteint un qui a été
forcé d'atterrir mais malheureusement il a atterri dans ses lignes. On serait
été content si on l'avait vu descendre tout près de nous.
Mais enfin nous
tirons toujours sur ces fameux Boches avec succès. »
« Je ne vois
pas d'autre chose à te dire pour le moment Qu’à t’envoyer mes plus doux baisers
pour toi et petit René bien des choses à toute la famille.
Louis »
Carte en franchise correspondance des armées de la République
« Je vais bien
-j'ai reçu votre lettre- lettre suivra à la première occasion - le 9 février
1915 »
Lettre
Bien chère Marcelle.
« Comme ce
matin je ne t'ai envoyé qu'une carte et que j'ai reçu une carte et deux lettres
de toi, maintenant que je viens de souper, je te fais une longue lettre. Et ce
n'est pas encore bien tard ce n'est que 6 heures moins cinq.
Hier au soir avant
de t'écrire, j'ai fait une partie de manille. Ce soir j'ai prêté mes cartes à
mes camarades et ils sont en train de jouer. Je ne t'avais jamais dit que
j'avais un jeu et pourtant il y a déjà longtemps que je l'ai je l'avais acheté
les premiers temps que j’étais à Javage et ça nous
faisait passer les soirées un peu plus vite car vraiment on avait le temps de
se coucher et encore c'est bien pareil nous nous couchons si nous voulons à 7h
et on se lève jamais avant 7h du matin ou 7h30.
Alors tu vois qu'on
a le temps de roupiller. Je te réponds que ce soir j'ai soupé avec goût et mes
camarades aussi nous avons eu des gras double et depuis qu'on en avait pas mangé.
On s'est régalé et puis des sardines garnies de quelques oignons et encore de
la confiture et du fromage de gruyère. »
« Ce matin
c'était plein de brouillard et en même temps il givrait. On aurait dit que les
arbres étaient en fleurs. Mais vers midi les brouillards sont partis et il a
fait une belle soirée.
Nous tirons toujours
sur ces fameux Boches. Pour le moment la pièce de garde est en train de tirer.
Nous avons beaucoup de munitions et je te réponds que quand nous ferons tant
que de cracher, ils pourront venir. »
« Tu me dis sur
ta lettre du 6 que je ne t’ai pas dit comment j'avais trouvé l'emballage qui
contenait le flacon d'eau de vie. Il me semblait pourtant te l'avoir dit :
c'était parfaitement bien emballé et il était en très bon état.
C’est comme sur le
dernier que j'ai reçu j'y ai trouvé un crayon que j'avais oublié de te dire
c'est comme le paquet de lettres télégrammes il était un bon état aussi. Il n'y
avait que la couverture qui touchait aux fritons qui avait un peu noirci mais
les lettres n'ont rien et je pense bien que j'en aurai pour quelques temps et
dorénavant tu n'as pas besoin d'en mettre autant dans tes lettres que tu
m'envoies ou quand même que j'écrive souvent je ne l'emploi pas tout.
Je ne voudrais pas
tout de même en faire le marchand car j'en ai une petite provision. Pour la
boîte de sardines sans arêtes dont tu me parles je ne crois pas l'avoir manger.
C’est comme celle que m’as envoyée Maria je ne je ne l'ai pas ouverte non plus.
Tu n'as pas besoin de te déranger pour cela car nous en touchons une boîte à
deux, chaque deux jours en plus et je te réponds que nous en avons une
provision. Maintenant, pour manger, on nous en donne plus que nous pouvons
manger. De ce fait nous en avons toujours de reste. »
« Tu me dis sur
ta lettre que si je ne suis pas revenu à Pâques, tu feras photographier petit
René.
Bien ma chère
Marcelle je voudrais bien être revenu. Mais on n’a pas besoin de compter si
tôt. Enfin il faut bien tout de même croire que ça ne durera pas tant comme on
en a fait car ce serait bien ennuyant ça se tireras bien tout de même. Car
d'ici au 4 avril, on a le temps de faire quelque chose. Et nous aurons du beau
temps à passer.
Enfin il faut
attendre que ça ne durera pas tant comme on le croit mais il vaudrait bien mieux.
Je vois que tu que tu as reçu la carte ou je te disais que j'avais un
commencement de rhume mais ça n'a été rien. Heureusement car encore malgré tout
il vaut mieux se bien porter. Mais comme tu me le dis si ça ne m'avait pas
passé à la première teinture que j'ai passée j'aurais appliqué un sinapisme
mais je n'en ai pas eu besoin et si j'avais cru que ce fut si court je ne
l'aurais même pas dit.
J’ai entamé la boîte
de pastilles Valda ce jour-là et après je ne me
souvenais même pas de les prendre et de ce fait je les ai encore presque tout.
Mais vaut mieux ne pas en avoir besoin. »
« Maintenant
c'est 6h50. je vois que je ne suis pas bien long à
écrire. Je n'y mets pas trop de temps pour faire une lettre .au début chaque
fois qu'il me fallait écrire ça me faisait un peu de la peine. Mais maintenant
ça ne me fait rien et encore tu sais qu'il en manque pas de ceux-là qui
voudraient toujours avoir des lettres et ne voudraient jamais écrire. Mais moi
je ne fais pas ça ce n'est pas le temps qu'il faut et pourtant ce n'est pas le
temps qui nous manque.
Je vais te dire
toujours au revoir ma chère Marcelle en t’envoyant mes plus douces caresses mes
meilleurs baisers pour toi un petit René, bien des choses à tous mes parents et
bien le bonjour à tous nos voisins. »
Lettre
« Aujourd'hui
j'ai reçu ta carte du 8 et ta lettre du 10 et tu m'annonces le colis. Il paraît
qu'il est arrivé mais on ne me l'a pas encore distribué. Ce sera pour demain
matin. Mais je te réponds que ça ne me presse pas.
Dans ma musette j'ai
encore deux tablettes de chocolat 2 saucissons. Dont il y en a un que m'a
envoyé mon père et que j'ai entamé aujourd'hui.
Je ne te compte pas
ce que j'ai dans le sac c'est ce que je mange tous les jours. Pourtant je ne
peux pas laisser l'ordinaire pour manger rien que ce que tu m'envoies car je te
réponds que nous avons de quoi bouffer. C’est dans tous les cas qu'un jour ça
ne conviendrait pas je tape un peu plus sur ce que j'ai. Mais c'est bien rare
car tu sais que je ne suis pas dégoûté comme je l'étais quand j'étais à Cérons. »
« Aujourd’hui
il a fait du vent toute la journée et maintenant il pleut je vois que c'est à
peu près le même temps qu'il doit faire à Cérons.
J’ai travaillé avec Malirat (*), le neveu de Monsieur Goudal du bout de la côte à la cagna de
notre commandant qui menaces de s’ébouler et comme j'ai le renom de faire les
cagnas solides le capitaine m’y a fait aller et qui se trouve à une centaine de
mètres de la nôtre. Nous avons placées deux porteurs et six buttés. Aussi il
nous a payé un bon petit verre de curaçao et de ce fait nous avons été à l'abri
du vent toute la journée. »
« Tu me dis de
te dire si ma provision de chocolat diminue. Il me semble te l'avoir dit sur ma
dernière lettre. Mais je te réponds que j'en ai passablement et nous en
touchons de temps en temps.
Tu me dis que tu
n'as pas des nouvelles de Geneviève depuis quelques temps. Jean m'a écrit
avant-hier qu'elle était malade. Maintenant je ne sais pas si c'est grave. Il y
a bien longtemps que Gervais ne m'a pas écrit. Mais je lui ai écrit encore
assez souvent et comme je te l'ai dit une carte m’est revenue au bout de 2 mois
et depuis que cette carte m’est revenue je ne lui ai plus écrit. Maintenant
j'attends les réponses.
Il a écrit aussi à
Paris puisque Jean me dit qu'il leur avait écrit et qu'il était en bonne santé.
Tu me dis que le gendre de Bos du château est revenu. Il faut dire qu'il a de la
veine d'avoir réussi à se faire réformer. Mais ce n'est pas pour nous tous.
Ainsi j'ai eu des nouvelles de l’oncle et la tante de Viviez. Tu me dis que tu
vas y aller un de ces jours tu leur feras bien des compliments de ma
part. »
« Tu me
demandes si mon rhume est tout à fait guéri. Pour ça je l'ai déjà dit je l'ai
eu que un jour et demi et encore à peine ce n'est pas la peine de le dire.
Tu me dis que petit
René est si content de recevoir des cartes et bien puisque il est si content
j'en ai 8 de jeux que j'ai trouvé dont se servent les bicots ou africains. Je
vais les lui ai envoyé deux par deux je commence par un roi et un valet.
Certainement elles sont un peu vieilles et c'est peu de chose mais comme tu
peux te le penser on ne peut pas envoyer grand-chose.
Mais j'ai vu que tu
avais trouvé la petite feuille que je t'avais mis dans la lettre. pas d'autres
choses à te dire pour le moment qu’à t’envoyer de gros baisers pour toi et
petit René bien des choses à tous mes parents Marguerite et petit Roger et toute
la famille mille baisers Louis. »
(*) : Alfred Pierre
MALIRAT, 29 ans et mineur, est sapeur au 9ème régiment d’artillerie. Il est
aussi originaire du même canton que Louis GRÈS. Cité et décoré, il sortira
indemne de la guerre. Voir
sa fiche.
Lettre format télégramme
Bien Chère Marcelle
« J’ai reçu
aujourd'hui une carte de toi du 18 et donc tu me dis que tu es très contente
que je t'écrive chaque jour. Je te réponds que je le ferai tant que je
pourrais. Mais il peut passer du temps que l'on ne peut pas. Surtout si on
était en marche.
Mais tant que nous
sommes comme l'on est on a toujours le temps d'écrire ce qu'il y a quand on ne
peut pas en mettre long en écrivant chaque jour mais enfin il s'agit que tu
aies des nouvelles et surtout qu'elles soient bonnes comme elles ont été
jusqu'à présent. Quand tu m'enverras un autre colis tu pourras y mettre deux ou
trois plumes pour écrire mais ça ne presse pas. Tout de même car celle que j'ai
me faut bien encore aujourd'hui. »
« Nous avons eu
une belle journée aussi j'en ai profité pour laver mon linge tu sais que j'en
avais un bon peu je l'avais laissé ramasser faute de savon mais hier nous en
avons touché et j'ai lavé 3 caleçons deux chemises de flanelle un plastron de
laine que je mettais quand il faisait trop froid.
Ce matin pour
déjeuner, j'ai mangé le morceau de quartier dont j'en ai fait goûter à un de
mes camarades. il est épatant je te réponds que je
l'ai pas trouvé rance et ce soir j'ai goûté au camembert qui était bien fait
aussi et il est bien bon aussi. Je laisse les saucissons pour manger tout cela
car ils peuvent se conserver davantage. »
« Enfin je suis
toujours en très bonne santé et dans notre cahute nous sommes très bien surtout
quand on pense à nos fantassins qui sont dans les tranchées. Nous nous sommes
des rois à côté. Tu sais que tout ce que nous sommes nous ne sommes pas fâchés
d'être artilleur mais comment faire. Il n’y en a pas pour tous.
Toujours ton Louis
qui t'envoie ses meilleures amitiés pour toi et petit René.
Bien le bonjour à
Marguerite et Roger et tes parents. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui
j'ai eu ta lettre du 13 et donc tu me dis que tu as vu sur le journal officiel
que l'ennemi avait bombardé Tracy. Il ne faut pas te faire du mauvais sang pour
cela car ne nous on y fait pas même attention. Et juste le jour qu'on l'avait
mis sur l’officiel, on ne l'avait pas bombardé plus que les autres jours. Pour
cela il le bombarde bien de temps en temps mais sans faire grand fracas.
Mais quand même
qu'on le bombarde, ça ne risque rien de tomber sur nous. Nous ne sommes pas
dans le village. Nous sommes à 5 ou 600 m de Tracy et où nous sommes l'ennemi
ne nous a pas encore dénicher. Ce n'est plus comme en rase campagne et nous on
est pour eux de même. Ce n'est pas faute d’aller dénicher car avec tant de bois
comme il y a on peut se cacher. Je te parle pour l'artillerie car pour
l’infanterie, on sait où elle est mais aussi on leur envoie quelque chose comme
cigares de 75. »
« Aujourd’hui
nous avons de nouveau la pluie mais pas bien fort. Ici il ne doit pas doit pas
faire aussi mauvais qu’à Cérons en voyant ce que tu
me dis sur ta lettre.
Tu me dis que
Prosper doit venir passer 1 jours chez nous tu lui donneras bien le bonjour de
ma part quand il reviendra. Tu me dis que moi je donne mon adresse à un de mes
camarades. Pour ça ne t'inquiète pas il y a déjà longtemps que nous l'avons
fait. Tu me dis que ce n'est guère pour m'encourager. Mais tu peux me dire
n'importe quoi ça ne me décourage pas. »
« Je suis
toujours en très bonne santé et je souhaite que ma lettre vous trouve tout de
même. Tu me dis que les petits sont un peu enrhumés peut-être que ce ne sera
pas grand-chose heureusement. Je ne vois pas autre chose de plus intéressant à
te dire pour le moment.
Je te quitte en
t’envoyant toutes mes caresses et 1000 baisers pour toi et petit René et bien le
bonjour à tous nos parents Marguerite et toute la famille. »
Lettre
Bien chère Marcelle
« Je n'ai pas
eu de tes nouvelles aujourd'hui non plus. Mais j'ai reçu le colis qui contenait
les 2 saucissons, une boîte de thon et la boîte de pâté de foie gras. J’ai vu
que ces deux petits saucissons étaient bien secs et je les ai mis dans mon sac
et j'ai sorti un autre petit que j’avais mis il n'y a pas longtemps qui n'était
pas trop sec. Mais comme boîte de conserve pâté ou thon et chocolat j'en ai le
sac à dos plein.
Tu sais que je ne
risque rien de me trouver sans vivre de quelques jours dans n'importe quel cas
qui puisse se présenter.
La cousine de Combes
m'a envoyé l'adresse de l'oncle de Coulobres, le
frère de mon père. (*)
Il demandait à la
tante de Combes souvent de mes nouvelles et ils ont fini par m'envoyer
l'adresse. Ce qui m'a fait bien plaisir. J’avais souvent pensé de la demander
et toujours ça passe et je leur ai écrit hier. Mais je n'ai rien reçu de
l'oncle d'Amérique. »
« Nous envoyons
de temps en temps quelques pruneaux au Boches et surtout cet après-midi nous
leur avons passé quelque chose à ce qu'il paraîtrait car nous on tire bien mais
on de vois pas le but. De ce fait on ne peut pas voir ce qui se passe où
tombent les obus mais nous savons les résultats quand le capitaine revient de
l'observatoire qui se trouve dans les tranchées à 100 mètres des Boches et
c'est par le téléphone qu’il nous commande.
Aujourd’hui nous
avons eu un temps superbe un temps très doux. En ce moment que je t'écris nous
sommes de garde mais tu sais ça ne barde pas. Nous sommes bien tranquilles nous
venons de faire une partie de dames et maintenant j'écris sur le jeu qui me
sert de table sur les genoux assis sur la paille. Nous passons souvent la
veillée à faire aux cartes ou au jeu de dames. »
Mais je n'oublie
jamais de t'écrire car je ne passe jamais une heure de la journée sans penser à
toi et petit René et toutes les femmes et toute la famille et je me dis
toujours quand t'est-ce que viendra le jour où l'on pourra se réunir pour ne
plus se séparer. Enfin il faut espérer que ça viendra peut-être plutôt que si
on le croit. Mais on ne sait jamais trop. Je suis toujours en bonne santé et je
désire que vous soyez tous de même en attendant de tes nouvelles reçoit de ton
Louis ses meilleurs baisers et bien des bisottes pour
René bien le bonjour à toute la famille. »
(*) : Il doit s’agir de Joseph GRÈS (1857- décédé en 1931 à Magalas à côté de Coulobres - 34)
Lettre
Bien chère Marcelle
« Je viens de recevoir
ta lettre du 18 et en même temps j'ai reçu de carte de Maria dont sur l’une
elle avait oublié de mettre la batterie. Il a bien fallu que celui qui fait le
triage des lettres à l'arrivée à la gare destinataire me connaissent pour
qu’elle m’arrive si vite. Car elle est partie de Decazeville le 20. C’est la
première que je reçois si vite.
Tu me dis qu’a Cérons on a fait une quête et qu'il y a 100 sous pour
chacun et que c'est tout probable qu’on va nous les envoyer au lieu de vous en
faire bénéficier. Il faudrait bien mieux qu'on vous les laisse car ici, on a de
l'argent et on ne peut pas s'en servir. Alors ce n'est pas la peine que tu m'en
envoies sans que je te le demande puisque on veut m'envoyer 100 sous il faut
toujours laisser faire. »
« Chère Marcelle
tu me dis que ton père est allé au bois un de ces derniers jours et qu'il avait
trouvé monsieur Reynes et qu'il
m'avait écrit depuis 2 jours mais je n'ai encore rien reçu de lui. Je ne sais
pas s’il ne me les adresses pas bien, car on n’y comprend rien.
Je suis content
d'apprendre que petit René ne tousse plus car j'ai toujours bien peur que
quelque chose lui arrive.
Mais je sais que tu
le soignes toujours de ton mieux ce qui me console aussi. Tu me dis que tout le
monde en bas se porte bien aussi sauf la Tante dont la jambe la fait toujours
souffrir. Mais il faut espérer qu'avec le beau temps ça lui passera tout à
fait.
Aujourd’hui nous
avons eu presque toute la journée du brouillard ils ne se sont dispersés que
vers les 3h aussi nous n'avons pas tiré. Nous avons eu le repos complet. Je
suis toujours en très bonne santé et j'espère que ma lettre vous trouvera tous
de même.
je ne vois pas autre
chose à te dire pour le moment que vous envoyez mes meilleures amitiés et autant
de bisous pour toi et René que je puisse en faire bien des choses à tes parents
Marguerite petit Roger et bien le bonjour à ceux qui demande de mes nouvelles.
Encore mille baisers de ton Louis. »
Bien chère Marcelle.
« Je viens de
recevoir ta lettre du 20 et donc tu me dis que tu as reçu une lettre d'Adrien (Auguste BRAS) et donc il te dit qu'il viendra sans
manquer. Tu lui diras que je lui aurai écris plus souvent mais de crainte qu'il
reparte du dépôt comme il m'avait dit qu'il n'y resterait pas longtemps
j'attends qu'il m’écrive et je lui fais réponse à l'adresse qu'il me donne.
Tu me dis que ton
cousin d'Aurillac t'a dit de me dire bien des choses. Je le remercie beaucoup
et tu lui enverras au-dessus de moi de ma part et de même à l'oncle et la tante
de Viviez puisque ils viennent souvent. »
« Ce soir après
avoir bien soupé car nous avons eu à manger, en plus de notre ordinaire, du
lapin de garenne que notre cuisinier a très bien préparé en civet et dans nous
en mangeons souvent, car tu sais qu’ils ne sont pas rares dans la région où
nous sommes.
J’ai fait une partie
de moulin. Un jeu qu'on appelle comme ça. Je ne sais pas si tu le connais.
Après je me suis mis
à te faire la lettre. Mais je ne sais pas si après le dernier jour de ce mois
on pourra écrire si facilement car j'ai entendu murmurer que le mois prochain
on aurait le droit que d'envoyer des cartes postales. Mais rien de cacheter, et
ainsi on ne se plaira pas tant de causer comment le faisait. (*)
Il paraît qu'on l'a
déjà dit dans quelques batteries mais on ne nous a encore rien dit à nous.
Je t'écrirai
toujours quelques lettres tant qu’on ne nous dira rien. Peut-être que ça sera que
des blagues. Mais il faudrait bien mieux. »
« Peut-être un
de ces jours, je t'enverrai un petit colis. Car j'ai tellement du tabac, du fin
d'Algérie, je le donne presque tout à mes camarades. Mais j'en ai gardé
quelques petits paquets que j'enverrai pour ton père avec quelques souvenirs de
la bataille de la Marne que j'ai trouvé sur le champ de bataille, après la
retraite des Boches
Parmi ça il y a une
plaque de ceinturon des Allemands. Tu n'auras pas besoin de l'attendre tout de
même, car je te l'enverrai si je peux.
J’ai aussi des fûts
d'obus allemand qui sont bien jolies. C’est tout en cuivre. Ça me ferait bien
pour remplacer les boules de notre lit du milieu mais c'est un peu lourd, ils
font un kilo si ce n'est plus chacune.
Si j'étais commode,
je t'en enverrai par la gare trois ou quatre. Mais encore nous sommes trop loin
mais je ne pense pas bien à ça. J’aimerais mieux revenir de suite et laisser
tous ces souvenirs où ils sont, mais c'est comme ça et on y peut rien. »
« Tu me parles
un peu de René et qu'il ouvre la porte de communication de la salle à manger.
Il doit avoir grandi. Je serai très content de pouvoir venir au plus tôt que ça
finisse et qu'on revienne tous ensemble pour parler du temps qu'on est resté
séparer et des bons moments que nous passerons, nous ferons oublié les mauvais.
Il s'agit qu'on revienne c'est tout ce que je demande.
En attendant
toujours de tes nouvelles reçoit de celui qui t'aime ses meilleurs baisers et
pour petit René de grosses bises à tous. »
(*) : La décision sera effective le 15 avril (voir Une
correspondance sous contrôle - Histoires de la Grande Guerre)
Lettre
« Aujourd'hui
j'ai reçu ta lettre du 22 et dedans j'ai trouvé la petite commission que je
t'avais demandé. C’est les plumes et de ce fait je m'en sers d'une.
Mais je n'ai pas
encore reçu que tu sois allé accompagner le cousin Adrien (Auguste BRAS) comme tu me le dis sur cette lettre
probablement que je l'aurais demain. Tu me dis que là-bas vous avez un très
mauvais temps. Mais je peux te croire car nous avons vu sur les journaux que
dans le midi il avait fait de très grande tempête et ouragan alors ça se peut
qu’à Cérons ce soit le commencement de la fin de la
tempête.
Ici nous n’avons pas
à nous plaindre du temps il y a 3 jours qu'il fait très beau sauf le matin
qu'il y a ces brouillard mais on se vivifie vers les 11h ou midi aussi chaque
jour on voit des aéroplanes. »
« Aujourd’hui
j'ai fait un petit colis que je donnerai au vaguemestre demain matin s'il n'est
pas trop chargé et qu'il veuille me le prendre.
J’y ai mis une
chemise qui ne faisait que m'embarrasser dans mon sac c'est juste celle que
j'avais à mon départ de Cérons et que je n'ai remis
que deux fois c'était au mois d'août ou septembre et depuis je l'ai je ne l'ai
pas remise. La fois que je t'ai dit le nombre de chemise que j'avais je ne
comptais pas celle-là ni une autre que j'ai encore qu'elle est trop courte.
Et que je n'ai
jamais misé et que si ce colis je te l'expédierais aussi, j'ai mis aussi la
boucle de ceinturon allemand pour qu'elle ne pèse pas trop, le chargeur vide, 5
balles allemandes que j'ai vidé aussi car elles sont pleines de plomb. Ces
balles ont été tirées, je les ai trouvés sous les arbres quand on a
avancé. »
« Croyant que
le paquet c'était peut-être trop lourd je n'ai pas mis du tabac que je t'avais
dit que peut-être j'y mettrais. Ce sera pour la prochaine fois. Nous en avons
tellement qu'il y en a beaucoup qui fume c’est pour te dire que nous ne
souffrons de rien et nous sommes mieux nourris qu’au dépôt. Nous le savons par
ceux qui viennent. Il le trouve drôle d'être si bien nourri.
Ça m'étonne que
Gervais ne sois pas comme nous. Car pour nous on ne peut pas se fâcher. Tu me
dis que tu m'envoies une boîte de plumes. Pour cela, tu n'as pas besoin d'en
mettre avec ces deux, j'en ai pour longtemps.
Et dans tous les cas
une chaque mois dans une lettre, c'est assez.
Je crois que comme
je l'avais dit hier sur la lettre la correspondance au mois de mars ne marchera
pas aussi bien que pour le moment, mais je t'enverrai toujours des cartes
découvertes. J’en ai une petite provision. Je t'en dis pas plus long pour le
moment. »
« Je suis bien
content que notre petit René soit guéri. Et petit Roger aussi et pour toi tout
moyen de ne pas te mouiller trop souvent comme tu as fait le jour que tu es
allée à Aubin.
Car il ne faudrait
pas que tu tombes malade, mais enfin soigne-toi le mieux possible. Soigne bien
petit René. Pour moi je suis toujours en très bonne santé et je désire que vous
soyez de même.
Bien des choses à
toute la famille en attendant toujours de tes nouvelles au soin de celui qui
t'aime et qui pense toujours à toi et petit René mille et mille baisers.
Louis. »
Lettre
« Bien sûr
Marcelle, aujourd'hui j'ai eu de toi une carte du 23 et une des lettres du 24.
Mais je ne reçois pas celle que tu me dis que tu m'as causé du cousin (Adrien Auguste) Bras
et que tu dois avoir fait le 21 février. Enfin peut-être qu'elle me parviendra
quand même.
Mais du moment qu'à
partir de demain, les correspondances ne marchent pas aussi bien comme elle en
fait jusqu'à présent, peut-être qu'elle sera longue à venir.
Tu me dis sur cette
lettre que tu as acquittée un autre mandat de maître Brunet mais comme je te l'ai déjà dit tu n'as pas besoin de
te gêner. Si tu peux ça va bien. Mais cela mais tu n'as qu'à les refuser.
Tu me parles aussi
des plumes, mais comme je te l'ai dit sur d'autres lettres, tu auras qu'à faire
comme tu l'as fait une fois pour moi. Ça suffit et pour la lampe électrique, si
tu n'en trouve pas, ne te dérange pas davantage.
Car si j'avais cru
que tu en trouves pas, je ne t'aurais pas dit car ici on peut s'en faire porter
de Compiègne à 50 ou 100 sous.
C’est pour qu'elle
ne revienne pas si chère que je t'avais écrit de me l'envoyer. Car je sais
quelle ne sont pas si chère parce que ici il en profite. »
Tu me donnes des
nouvelles de Camille. Je suis bien content qu'il est écrit car je pensais
souvent à lui depuis que tu m'avais dit qu'on était sans nouvelles de lui.
J’avais bien peur
pour lui enfin ce n'est rien pour cette fois. Si il faut espérer qu'on s'en
sortira tous ainsi et qu'on pourra revivre heureux dans la maison que j'ai
toujours devant mes yeux.
Tu me dis que petit
René est bien content de recevoir quelque chose de papa. C’est bien dommage
qu’il ne soit pas commode d'envoyer quelque chose pour le faire amuser. Car je
t'assure que je le ferai, mais c'est inutile d'en parler.
Il s'agit qu'il soit
bien portant et c'est tout ce qu'il faut aujourd'hui. »
« Nous n'avons
pas du trop mauvais temps et ça m'étonne qu'il ne fasse pas plus froid car pour
être plus au nord que dans l'Aveyron il n'a presque pas gelé.
Je ne t'en dis pas
davantage pour le moment. Bien des choses à toute la famille. De grosses bises
pour petit René et celle que mon cœur ne cesse d'aimer.
Louis. »
(*) : Que signifie la deuxième date ? Peut-être qu’il n’avait
pas fini ou pu envoyer sa lettre le jour même et l’a envoyée le lendemain ?
Manque le mois de mars 1915
Lettre
Bien chère Marcelle.
« Je viens de
recevoir une carte de toi écrite et deux sans être écrites. Tu me dis que tu
n'as pas reçu de nouvelles de moi depuis 2 jours. Ça m'étonne bien, car je peux
te le dire qu’il y a maintenant bien longtemps que je n'ai pas passé un jour
sans écrire.
Des fois je ne
t'écris pas bien long, mais je t’envoie toujours une carte. Car maintenant ce
n'est pas le papier à lettre ou carte qui nous manque.
Tu me dis que là-bas
il fait mauvais temps. Ici le beau temps est revenu et le peu de neige qu'il
avait, la terre est devenue sèche comme avant.
Au moment où je
t'écris, il n'y a pas un seul nuage. Voilà que les feuilles commencent à
pousser. Je te réponds que je n'aurais pas cru être où je suis à ce mois-ci et
quand je suis parti, j'aurais même cru d'être rentré quand les autres feuilles
sont tombées. »
« Et encore
nous ne savons pas quand est-ce que ça finira. Il faut espérer que quelque
chose se décidera d'un côté ou de l'autre et que ça mettra bien vite une fin à
cette terrible guerre.
Avec ça, voilà le 9e
mois qui va commencer et que nous ne voyons pas grand-chose de fait. encore
nous sommes toujours au même endroit et ma foi nous préférons rester où nous
sommes du moment que nous sommes bien placés que d'avancer de deux ou trois
kilomètres que peut-être il faudrait coucher sous les tentes, comme il font
dans le Nord ou en Champagne. »
« Je pense
toujours aux petits canons de René et tu sais que je voudrais bien le lui
apporter bientôt. Que ça viendra peut-être plus tôt que l'on croit, ce qu'il y
ait aurait à souhaiter pour tout le monde.
Je ne sais pas autre
chose à te dire pour le moment bien des choses à toute la famille. Quand tu
iras au Gua tu feras bien des compliments à Noémie de
ma part et que je lui souhaite une prompte guérison car vraiment elle n'aurait
pas bien besoin d'être malade.
Il n’y a pas
longtemps que j'ai reçu des nouvelles de Louis. Il se porte toujours très
bien. »
« Enfin je suis
toujours en très bonne santé et désire que vous soyez tous ainsi en attendant
c'est toujours sur ce fameux papier qu'il faut que je vous envoie toutes mes
caresses et mes plus grandes amitiés.
Toujours des bisottes bien mignonne pour petit René et 1000 baisers de
ton Louis qui ne cesse de penser à toi. »
Lettre
Bien chère Marcelle.
« J’ai reçu
aujourd'hui ta lettre du 28 et une carte du 30. Mais celle que j'ai reçu hier
et les deux aujourd'hui sont postés de la Poste le même jour et je vais t'en
envoyer.
La preuve je vais te
mettre les tampons dans la lettre et il est probable que tu dois les avoir
donné à quelqu'un pour les mettre à la boîte et il doit les avoir oublié un
moment à sa poche.
Enfin c’est peu de
chose. Il y en a une qui a été mise à la boîte de la gare. Sur cette lettre tu
me dis que petit René a été content d'aller à la foire et surtout quand il a
fait les ouvrir le parapluie. Je comprends il est toujours très coquin et il me
tarde de le revoir en photo et encore mieux si je pouvais le voir m'attendre à
la gare avec sa maman.
Il faut espérer que
ce jour viendra peut-être sans trop tarder, ce qu'il faudrait. »
« Je te dirai
que nous nous sommes fait photographier de nouveau. Ceux que nous servons la
pièce et aujourd'hui on nous a fait voir les épreuves et nous sommes beaucoup
mieux que sur celle que je t'ai envoyé.
Je suis dans deux
groupes :
Le premier :
les 6 servants et le chef de pièce.
Le deuxième :
les 4 maîtres-pointeurs et les quatre sous-officiers et les officiers.
Tu verras là que je
suis un peu mieux qu’à la dernière et de suite qu'elles seront prêtes, je te
les ferai parvenir.
Je ne suis pas
encore fait photographier tout seul. J’attends que ce camarade qui précisément
couche à ma place où je couchais avant de faire ma cagna.
Il n'a pas encore
reçu son appareil et je lui ai promis que de suite qu’il l’aurait reçu, je me
ferai photographier tout seul. Il me dit avec plaisir. »
« Sur cette
lettre, tu annonces que tu m’envoie le colis par la poste. Ce n'est pas la
peine que je te dise de nouveau ce qu'il contenait puisque je l'ai déjà dit.
Mais je remercie bien Noémie pour moi de la bonté qu'elle a envers moi de me
donner le beurre et surtout qu'il était épatant. Je n’en ai jamais mangé de
meilleur.
Quand tu y
reviendras, tu l’embrasseras ainsi que la petite Suzette pour moi. »
« Aujourd’hui
nous avons eu du beau temps. Mais au moment où je te fais la lettre il pleut
quelques peu et le temps s'est couvert vers les 4h. Aussi demain matin nous
irons à la recherche des escargots et tu sais qu'ils sont gros. Un d’ici vaut
au moins 4 plus des plus gros de chez nous. J’en ai une cinquantaine dans une
cage et nous les mangerons demain ou après-demain. »
« Je ne t'en
dis pas plus long pour le moment si tu reviens à Fontvergne,
tu donneras également bien le bonjour à la famille Mazars et dont je plains qu'elle a été si éprouvé.
Je termine toujours
en bonne santé en souhaitant que vous soyez tous de même. Je vous embrasse tous
bien fort et pour petit René de grosses bisottes
ainsi que pour petit Roger. »
Carte postale en Haute-Alsace Soppes-le-Haut - 1 poste de ravitailleurs
Bien chère Marcelle.
« J’ai reçu
aujourd'hui ta carte du 1er avril. Tu sais que malgré
que ce soit le jour de Pâques les Boches ne sont pas resté sans bombarder et ma
foi il a fallu leur répondre. Ils ont bombardé quelque peu Tracy mais comme
toujours sans grands dégâts.
Aujourd’hui pour un
jour de Pâques il n'a pas fait beau. Il a plu presque toute la journée je suis
toujours en bonne santé et désire que vous soyez tous de même.
Je vous quitte en
vous embrassant de tout cœur de grosses bisottes pour
petit René. »
Bien chère Marcelle.
« Ce matin j'ai
reçu un colis et ce soir une carte. Je vois que tu as reçu la lettre où je te
dis que j'ai fait une petite maison pour moi seul. Je vais te dire pourquoi je
l'ai fait à moi seul.
Depuis que nous
sommes en batterie, c'est-à-dire où nous sommes et où nous couchons, nous
étions très serrés pour dormir. Et dans la journée on y fait la cuisine.
Quand il venait
quelqu'un pour se faire raser ou couper les cheveux, je ne pouvais pas, faute
de place, à part de le faire dehors. Mais comme on est appelé à tirer à tout
moment car quelquefois il arrive un ordre tout d'un coup. Il fallait bien
laisser les outils en pagaille.
De ce fait il y avait
quelques temps que je ne le faisais plus sauf ceux de ma pièce et nous sommes
que 7 alors tu vois que je n'avais pas beaucoup de travail.
Et maintenant que
j'ai une cagna à moi, je le fais de nouveau et en cas qu'on nous appelle pour
tirer, je peux laisser mes outils sur une planche qui forme étagères que j'ai
arrangées exprès et je ferme ma porte.
Et voilà comme cela
je ne dérange personne et je n'ai pas peur que les outils s’égarent. Je
t’assure que je suis bien. Je peux te dire que je suis le mieux de toute la
batterie. Aussi maintenant il y en a beaucoup qui voudrais en avoir une comme
la mienne. Tous ceux qui viennent me voir me disent - ‘’ c'est que mon vieux tu
es bien là, les officiers ne sont pas mieux ‘‘ - et tous les soirs jusqu'à 9h il y a deux
ou trois camarades qui viennent soit pour jouer aux dames ou aux cartes et même
pour écrire. »
« Pour le
moment il y en a deux avec moi qui écrivent au moins on est tranquille. Je ne
suis seul que pour dormir. Je te réponds que maintenant je ne fais qu’un
sommeil, il n'y a ni ronfleurs, ni rien qui m'éveille.
On serait été deux
car au début, c'est-à-dire vers la fin janvier, on en achevé une qui était
commencée à deux. Comme on était en train de la finir, les officiers nous la
prirent pour y faire faire la cuisine et ça nous avait découragés. Mais voyant
que l'on reste toujours là et qu'on avait du temps de reste, j'ai dit à celui
avec qui nous avions fait l'autre s'il voulait qu'on en ferait
une autre.
Alors il m'a jeté ça
loin et m'a dit ma foi tant pis peut-être nous partirons bientôt ce n'est pas
la peine. Alors j'ai dit je vais la faire tout seul.
Et maintenant
qu'elle est faite, il n'y en a plus d'un qui me dit c'est dommage qu'elle n'ait
pas 50 centimètres de plus que ça ferait pour deux et moi je l'ai fait exprès
pour ne pas être embêter pour mon fourbi de coiffeur. »
« Avec deux de
mes camarades nous avons déjeuné avec un jambon que ta mère a eu l'amabilité de
m'envoyer et ce matin avec un peu d'oignon, on s'est régalé. Nous en aurons là
pour quelques matins.
Tu remercieras bien
tes parents pour moi. Puisque tu me dis que c'est ta mère qui a fait le colis,
ce doit être ta mère qui me l'envoie. Le colis était en très bon état et il y
avait tout ce que tu m'avais annoncé. »
« Aujourd’hui
nous avons eu de la pluie. Nous n'avons pas tiré et nous sommes restés tout
aujourd'hui dedans. Je vous quitte tout on vous embrasse de tout cœur. »
Carte postale destinée à la réponse
Chère Marcelle.
« Aujourd’hui
je n'ai pas eu de tes nouvelles mais ça ne m'empêche pas de t'écrire un mot
tout de même.
J’ai eu une carte de
Geneviève ce soir. Ils sont tous en bonne santé et elle va aussi de mieux en
mieux.
Il y a 2 jours qu’il
ne fait que pleuvoir mais une pluie très fine, ce qui occasionne beaucoup de
boue. À nous encore ça ne nous fait pas trop bien, mais pour ceux qui sont dans
les tranchées ce n'est pas agréable.
Enfin il faut
attendre que ça ne dure pas et que le beau temps reviendra nous voir. »
« Aujourd’hui
on a été bien tranquilles.
Il n'y a que la
pièce de garde qui a tiré quelques coups. C’est toujours dans ma petite cagna
que maintenant je t'écris et tu sais qu'elle est enviée si jamais je partais,
elle ne resterait pas 2 minutes seul.
Enfin vraiment on ne
dirait pas qu'on fait la guerre. Ceux qui n'ont pas de famille ne sont pas du
tout malheureux. Mais ceux qui ont une petite femme et un bébé, comme moi,
trouvent que le temps est long.
Enfin il faut tout
de même avoir l'espoir de se revoir sous peu et en bonne santé.
Je ne vois pas
d'autre chose à te dire pour le moment qu'à vous embrasser tous de tout cœur et
pour petit René des bisous bien mignons. »
Carte postale environs de Villers-Cotterêts dans l'Aisne Dampleux l'église
Bien chère Marcelle.
« Je suis
toujours en bonne santé et désire que ma carte vous trouve tout de même.
Aujourd’hui nous
avons eu un temps assez beau. Ce soir de 18h à 21h du soir nous avons tiré à
peu près 150 coups pour tenir les Boches en respect, car ils menaçaient de
sortir de leurs tranchées.
Et tu sais que
l'infanterie a été satisfaite de les voir rester à leur place après notre feu
de notre 75. »
« Je vais vous
dire au revoir. Beaucoup de bisottes pour le petit
René en attendant toujours de tes nouvelles je t'embrasse mille et mille
fois. »
Bien chère Marcelle.
« J’ai
aujourd'hui des nouvelles de Gervais. Il fait toujours la cuisine. Il est
toujours en bonne santé tu vois.
Tu sais qu’avec Gaubert, (Alfred
Pierre) Malirat et moi
nous avons passé une bonne après-midi. Nous sommes allés à Ollencourt
et nous avons goûté ensemble. Nous avons parlé un peu de nos familles.
La femme de Gaubert est en ce moment prête à être
en famille si ce n'est déjà arrivé (**).
Noémie doit bien la connaître car son mari m'a dit qu'il se servait comme
épicerie à l’épargne.
Alors la prochaine
fois que tu iras au Gua, tu pourras avoir l'occasion
de faire connaissance. Elle est la fille d'un cousin à mon père. Je te réponds
que la soirée n'a pas été longue. »
« Je suis
toujours en bonne santé et désire toujours que vous soyez de même. En attendant
que cette maudite guerre finisse et que l'on puisse se rejoindre en bonne santé
bien des baisers à toute la famille. De grosses bisottes
pour le petit René. »
(*) : Joseph Firmin
GAUBERT, 35 ans, est au 2ème régiment du génie militaire. Voir
sa fiche.
(**) : Noëlie GAUBERT (née GRÈS) est
enceinte.
Lettre
Bien chère Marcelle.
« J’ai reçu
aujourd'hui une carte du 14 et une lettre du 15.
Tu me dis sur la carte
que petit René se met en colère parce que grand-père et grand-mère ne veulent
pas le prendre au jardin.
Tu me dis pas mais
je comprends à peu près pourquoi. C’est que peut-être il n'est pas trop sage et
qu'il arrache les fleurs. Enfin il faut l'excuser et quand papa reviendra il le
prendra au jardin pour aider à semer. »
« Tu me dis
chère Marcelle qu'il y a des artilleurs de Castres qui sont partis pour les
Dardanelles et qu'il y a Justin Laquerbe.
Ici on ne l'avait pas su. On savait qu'il y avait un corps expéditionnaire et
qu'il y avait quelques régiments d'infanterie mais on n'avait pas su
l'artillerie qui était destiné pour y aller.
Au début on avait
dit que peut-être ce se serait nous. Mais c'est comme je te l'ai déjà dit ça
n'a pas été et ma foi je crois qu'il vaut mieux rester où nous sommes que
d'aller voir les Turcs.
Tu me dis aussi
qu’on n’a pas eu des nouvelles du plus jeune des Laquerbe (*). Il
ne faut pas qu'il s'en fasse trop du mauvais sang pour cela. Car il peut être
prisonnier et ne pas pouvoir donner de ses nouvelles comme il veut.
Car c'est comme l'on
voit sur les journaux, ils ne sont pas les plus heureux car il paraît qu'il
souffre de la faim. Au début il y en avait qui disait qu'il valait mieux être
prisonnier et comme cela la guerre serait fini pour eux. Mais maintenant ils ne
disent pas pareil.
Comme cela tu sais
qu'ils n'ont pas le pain qu'ils veulent comme nous et encore ils ont du pain
très noir au lieu que nous nous en avons toujours de reste et du bon pain et
comme nourriture aussi nous avons tout ce qu'il nous faut jusqu'au dessert
qu'on nous donne et c'est pour cela qu'il ne faut pas tant de colis. Comme tu
pourrais le croire et comme tu les envoies c’est assez puisque tu me dis de te
le dire. Mes provisions sont encore grandes. »
« Comme
chaussettes aussi, j'en ai en laine fine et autrement tu n'as pas besoin de
m'en envoyer sans que je te le demande. Car tu sais je ne me gênerai pas quand
il m'en faudra.
C’est comme pour
l'argent aussi, quand j'en aurai besoin d'autres je te le dirai assez tôt. mais encore j'en ai suffisamment pour les bas comme tu me
dis que tu me désires pas trop que je porte des bas en coton. Que tu m'enverras
des bas en laine fine mais tu n'as pas besoin d'avoir souci de ça. J’en ai pas encore besoin j'en ai pas encore
mis en coton depuis que je suis parti. Et comme j'en ai pas simplement en laine
car j'en ai assez grande provision. »
« Nous avons
toujours beau temps.
Mais pour avoir des
pensées il faut que tu me les envois dans les lettres. Quand elle arrive elle
sent très bon. je le garde dans mon portefeuille comme
souvenir de toi et de petit René.
Je suis toujours en
très bonne santé et désire que vous soyez tous de même j'ai oublié de te dire
que j'ai eu des nouvelles de Louis du Gua
aujourd’hui. Il est toujours en bonne santé.
Et il a réussi à
faire rentrer dans sa compagnie, un frère à Noémie. Cela fait qu'il ne
s'ennuiera pas autant. je finis ma lettre en vous embrassant de tout cœur avec
de grosses bises pour petit René en attendant toujours de bonnes nouvelles je
t'envoie un million de baisers. »
(*) : 6 soldats de ce nom ont alors été tués dont 5 nés autour
de Decazeville, impossible donc de savoir s’il s’agit de l’un d’eux (et
lequel).
Carte postale Rosoy en Brie la rue de Paris
Bien chère Marcelle
« C’est
toujours en bonne santé que je t'écris.
Depuis la semaine de
Pâques nous avons un très beau temps. Je t'envoie cette carte que j'ai depuis longtemps
et nous y sommes passés de grosses bises à tous pour petit René et un million
de baisers pour toi et toute la famille… »
Correspondance militaire
Chère Marcelle.
« J’ai reçu
aujourd'hui la carte du 16. Je ne te t'en dis pas long pour le moment.
Demain je t'écrirai
plus long. Je suis toujours en bonne santé. De grosses bises pour René en
attendant, reçoit mes meilleures amitiés. »
Lettre
Bien chère Marcelle.
« Hier je ne
t'en ai pas dit bien long, mais je vais te dire pourquoi. Pourtant je croyais
t'écrire comme d'habitude et j'avais juste reçu une carte du 16 et donc tu me
dis qu'on rappelle de nouveau les réformés.
Hier dimanche, nous
avons eu une très belle journée et nous avons invité, (Alfred
Pierre) Malirat et moi, à
dîner monsieur (Joseph Firmin)
Gaubert et en effet nous
avons passé presque toute la journée ensemble.
Et voilà qu'à 4h30,
les Boches attaquent nos tranchées de Saint-Mard et voilà qu'on nous appelle
pour tirer. Et tu sais les Boches ne le faisait pas pour rire, ils bombardaient
plus que les tranchées. Ils nous envoyaient ces marmites à nous aussi.
Mais heureusement
qu’au lieu de tomber sur la batterie, comme il croyait de le faire, ça tombait
à côté. Cette fois-ci si je ne peux pas te dire que nous n'ayons pas eu de
blessés. Nous en avons eu un qui a été blessé au bras gauche mais très
légèrement. (*)
Je ne crois pas
qu’il parte même de la batterie. Mais tu sais qu'en revanche nous leur avons
passé quelque chose aussi de 4h30 nous sommes restés aux pièces jusqu'à 9h30.
Et dans ce temps nous avons tiré, les 4 pièces comprises, 575 coups de canon et
tu sais que nous les avons repoussés net et avec beaucoup de pertes.
Nos fantassins ont
presque rien car je te dis ça que peut-être tu l'auras vu sur les journaux
quand tu recevras la lettre. Et le restant de la nuit on a été assez
tranquille. »
« C’est justement
que j'avais mon petit cousin pour dire de passer la journée qu'il a fallu que
ces sales Boches viennent nous troubler notre fin de journée.
Enfin ça s'est bien
passé quand même et surtout qu'il y avait plus que notre batterie qui tirait,
il y en avait d'autres qui faisaient comme nous. Mais ce qu'il y a aujourd'hui
nous avons su qu'ils avaient été bien fauchés. »
« Sur ta
réponse ne m'en parle pas au moins sur les cartes. Fais-moi réponse pour des
affaires comme ça sous enveloppe.
Aujourd’hui nous
n'avons pas beaucoup tiré ça a été passablement calme. Nous avons toujours un
temps superbe on se dirait maintenant tout à fait en été.
J’ai eu aujourd'hui
des nouvelles de Gervais et il est toujours bien portant. Moi aussi je suis
toujours en bonne santé et désire que ma lettre vous trouve tout de même.
En attendant que
cette terrible guerre finisse, je t'envoie toutes mes caresses et mes
meilleures amitiés de grosses bises pour le petit René et tous les petits. Bien
des choses à tous nos parents. Bien le bonjour à tous les voisins je t'en
termine on t'embrasse en de tout cœur. »
(*) : Le JMO signale le 18 avril qu’à la 4ème batterie, le
maître-pointeur RAUILHAC a été blessé pendant le bombardement. Il s’agit de Cyprien Jean Joseph RAUILHAC, 30 ans,
atteint par un éclat d’obus au bras gauche. Voir
sa fiche.
Lettre au format télégramme
Bien chère Marcelle.
« Aujourd’hui
je n'ai pas eu de tes nouvelles. Mais j'en ai reçu de Maria. Elle me donne des
nouvelles un peu de tout et de tous.
Depuis dimanche les Boches
n'ont pas bougé et tout reste à peu près calme. Nous tirons cependant toujours
quelques coups pour leur faire voir que nous y sommes toujours. Car où nous
sommes je ne crois pas que nous on attaque.
Car nous sommes
justes au centre et ce ne serait pas notre plan. Il vaut mieux qu’on les serres
aux ailes. Et de ce fait nous risquons bien moins, car il vaut mieux les
attendre que d'attaquer.
Nous avons toujours
très beau temps et les feuilles commencent à beaucoup poussé nous avons déjà vu
les hirondelles.
Je n’ai pas encore
reçu le colis mais sans doute qu'il ne tardera pas à arriver. Mais une autre
fois tu mettras par bureau central de Paris. Enfin je crois bien qu'il viendra
tout de même mais ce n'est pas que ça me presse. Car tu sais nous avons assez
de quoi manger.
Je ne vois pas
grand-chose à te dire pour le moment. Qu’à embrasser petit René pour moi mille
et mille fois bien des baisers pour les parents, Marguerite, petit Roger.
En attendant de se
revoir, je termine en t'embrassant bien fort dans Louis qui t'aime pour la
vie. »
Lettre
Bien chère Marcelle.
« J’ai reçu
aujourd'hui une lettre et une carte du 18 et du 19 et donc je vois que tu as
reçu que nous avons passé quelques moments avec (Joseph
Firmin) Gaubert.
Aujourd’hui nous
n'étions pas de tirer et avec un téléphoniste et le lieutenant nous sommes
allés aux tranchées de premières lignes. J’ai demandé un quart d'heure pour
aller le voir à son travail. En effet c'était juste son poste et il était même
à son chantier.
Ils ont fait un
puits de 13 m de profondeur et au fond une galerie d'une quarantaine de mètres
de longueur. Ils ont un petit ventilateur à bras et par le tuyau d'aération je
l'ai appelé. Il m'a répondu.
Il a été content de
me revoir. Je suis allé faire un tour au fond du puits et même au bout de la
galerie. Ils sont même en train de faire une petite chambre pour mettre la
poudre pour faire sauter les tranchées Boches.
De ce fait aujourd'hui,
j'ai fait une jolie balade tout près des Boches. Et encore nous avons vu qu’ils
réparaient les tranchées démoli de dimanche dernier par le bombardement de
l'artillerie. »
« Tu me dis
chère Marcelle qu’à Cérons il n'a fait guère beau
temps en ce moment c'est bien dommage. Mais je t'assure qu'ici il ne peut pas
faire plus beau. Mais c'est plus que toi qui le dis. Il paraît que dans le Midi
il a fait un hiver affreux. Ici il fait toujours très beau et je t'assure que
nous n’en sommes pas fâchés.
Puisque tu me dis
que tu iras au Gua, et si tu n'y es pas encore allée,
tu donneras bien le bonjour à Noémie et à la famille de Monsieur (Joseph Firmin) Gaubert,
sa femme Noèlie et son beau-père et sa belle-mère que
je connais depuis longtemps.
Tu sais que je
n'oublie pas petit René et puisqu'il est bien sage. Je lui porterais tout ce
que je lui ai promis. Il s'agirait que ça finisse bientôt pour le lui apporter
sans tarder.
Je suis toujours en
bonne santé et j'espère que vous êtes de même. En attendant toujours de vos
nouvelles je termine en vous embrassant tous de tout cœur et pour petit René de
grosses poutounes. »
Lettre format télégramme.
Bien chère Marcelle.
« J’ai reçu
aujourd'hui ta lettre du 20 où tu me dis que Noémie est retombée malade. C’est
tout de même bien ennuyant. Il faut bien croire qu'elle n'a pas de veine ;
enfin il faut espérer que cette grippe ne durera pas longtemps ; et qu'elle
pourra reprendre son service.
Tu me dis que petit
René tousse beaucoup. Mais il faut espérer que ce ne sera peut-être pas
grand-chose puisque il s'amuse comme si de rien n'était. Enfin dans tous les
cas il ne faudrait pas car j'aime mieux apprendre qu'il se porte bien que d'apprendre
qu'il soit malade. »
« Aujourd’hui
nous avons tiré quelques coups le matin et comment se préparer à faire un
réglage à l'aide d'un avion par la TSF. Le temps s’est un peu couvert. L’avion
est bien venu sur nous mais ne pouvait pas voir de loin à cause de quelques
nuages qui passaient devant lui, alors il a télégraphié que le réglage est
impossible pour aujourd'hui. Malgré ça le temps reste beau quand même. »
« Tu me dis sur
ta lettre qu'il te semblait que j'avais l'air de m'ennuyer plus que d'habitude.
Et bien ma chère Marcelle c’est bien toujours à peu près, je ne m'ennuie pas
plus qu'au commencement. Mais enfin malgré ça il nous tarde soit à l'un soit
l'autre que ça finisse bientôt. Car il commence à y avoir quelques mois que
nous sommes séparés et il me tarde de revoir mon petit chéri et ma petite
chérie.
Et il me semble que
jamais je n'aurais passé un jour aussi heureux que celui que nous passerons le
jour que l'on se reverra. Mais tu n'as pas besoin de te faire du mauvais sang.
Pour cela car tu peux croire que je ne m'ennuie pas.
Dans le prochain
colis tu m'enverras tu pourras nous mettre un autre vocabulaire de lettres
télégrammes car il ne m'en reste que deux. Quand je n'ai pas beaucoup pas dire
je les trouve bien commode.
Je suis toujours en
bonne santé et désire que vous soyez tous de même en attendant je vous embrasse
bien fort mon petit René de grosses bisottes. »
Bien chère Marcelle.
« Comme je te
le dis hier sur la carte, je n'ai pas eu des nouvelles. Mais aujourd'hui je me
suis rattrapé car j'ai une lettre de toi, une de Georges, une du cousin (Adrien Auguste) Bras
et une carte de Geneviève.
Pour le moment sont
tous en bonne santé.
Tu me dis que tu es
allé faire un tour au Gua et je suis très content que
tu aies fait leur connaissance. Car maintenant que je sais que Gaubert n'est pas loin de nous, on peut
se voir souvent. Il faut bien croire que monsieur Gaubert a voulu laisser à sa femme un souvenir car voilà le
9e mois qui approche et ce n'est pas encore arrivé.
Tu me dis qu'elle
est un peu près comme toi tu étais. Alors c'est sûr qu'elle aura quelque chose
à faire. Mais quand même que je trouve son mari, je ne lui dirai pas ce que tu
me dis qu'elle est aussi grosse, car il pourrait se faire plus de mauvais sang.
Mais je t'assure que
lui, moi, et d'autres, on ne s'en fait pas. Mais ça n’empêche pas que plus tôt
ce sera fini mieux ce sera.
Tu me dis que la
tante de Combes attend pour le mois d'octobre. Alors c'est bien comme tu me le
dis, elle le fait bien savoir assez tôt. Mais d'une manière elle fait bien, car
comme cela elle ne surprendra personne.
« Aujourd’hui
dimanche les boches n'ont pas fait comme dimanche dernier. Ils n'ont pas voulu
faire les malins. Avec ça ils ont laissé sur le terrain 200 morts. Et nous
c'est insignifiant à peine quelques blessé.
Aussi on a été
tranquille. »
« Tu m'as fait
plaisir en me donnant des nouvelles de Figeac d'Adrien sesagrac et de Cluzel
Ernest encore. Jusqu'ici je n’en ai rencontré aucun de tout près de Cérons ou de Cérons.
Tu donneras bien le
bonjour à tous ceux qui demandent de mes nouvelles. Bien des baisers pour toute
la famille. En attendant toujours de tes bonnes nouvelles. Je t'embrasse mille
et mille fois. De grosses bises pour petit René et dont je suis content qu'il
ne tousse presque plus.
Vraiment je n'ai pas
de la veine pour les colis qui viennent par la gare, car je n'ai pas encore
reçu celui que tu m'as expédié. Enfin heureusement que ce n'est rien qui presse
sans cela il y aurait attendre encore. »
Bien chère Marcelle
« Aujourd’hui
j'ai reçu une carte et une lettre du 23 et 24.
Tu me demandes sur
si je connais rien pour empêcher et se préserver des épidémies. Ma foi je ne
m'en suis pas occupé. Mais pour nous tu sais qu'il n'y a pas grand-chose à
craindre du moment que nous sommes encore assez loin des tranchées.
Ce serait en cas
qu’il faudrait avancer alors on pourrait devenir critique. Enfin il faut
espérer que l'on aurait besoin de rien de tout cela. Enfin si tu veux, tu
pourras bien me mettre une petite boîte de camphre et dans tous les cas, je
m'en servirai. »
« Tu m'as
appris la mort de Léon Besse (*).
C’est tout de même bien triste. Il était une classe avant moi.
Et le fils de la CALMETTES,
il y en a un jeune qui était encore au service et un qui est aussi de ma
classe, mais tu ne me dis pas lequel. Tu voudras bien me le dire la prochaine
fois que tu m'écriras »
« Tu me dis que
Georges nous a dit que j'aurais bien pu lui écrire plus tôt. Pour ça je sais
que j'ai un peu tardé. C’est un peu de négligence. Mais j'espère bien qu'il
n'est pas fâché pour cela. Il ne faut pas qu'ils disent que je préfère plutôt
écrire à Augusta car je ne lui ai encore jamais écrit.
J’ai écrit à ses
parents et de me faire réponse à elle, car c'est elle seule qui m'avait t'écris
et j'ai tant attendu à lui écrire.
C’est que je savais
qu'il avait des nouvelles de moi, puisque il venait à la maison assez souvent
et que moi j'en avais de même de lui. »
« Je ne t'ai
pas écrit hier. Je vais te dire pourquoi.
Le vaguemestre avait
demandé un jour de permission et il a fait et de ce fait il a passé 1 jour sans
venir chercher les lettres et du moment qu'on a su qu'il ne venait pas, on n'a
pas écrit.
Mais comme j'ai l'habitude
d'écrire chaque soir, hier ça me semblait drôle et surtout que je n'ai pas eu
des nouvelles de toi non plus maintenant.
J’attends la photo
de petit René. J’ai bien toujours la dernière que tu m'as envoyée, mais il me
semble qu'il aura beaucoup changé. Tu me dis qu'il est content que je le
prendrai au jardin, mais il faut qu'il écoute toujours maman »
« Nous avons
toujours un très beau temps aussi les arbres … les feuilles.
C’est que nous que
ça ne va pas vite. Enfin il faut espérer que ce temps continue. Ça ne restera
pas là.
Enfin en attendant
il faut toujours se confier nos caresses sur ce fameux papier. Mais nous avons
tout de même l'espoir que ça viendra. Puisque nous sommes toujours en bonne
santé.
En attendant
toujours de tes bonnes nouvelles, je t'envoie mes meilleurs baisers et pour
petit René les plus mignonne des épisodes.
Bien des choses à
tous nos parents, frère, et sœur.
Dans le prochain
colis, tu pourras me mettre, si tu en trouves, un quart de livre de poudre de
savon. Car maintenant ici, ce n'est pas commode pour en trouver et si tu en
trouves pour moi, tu m'enverras deux petites boîtes.
(*) : Les recherches de Philippe nous disent :
Léon Alfred
BESSE a été déclaré « tué
à l’ennemi » le 1er janvier 1915 en Belgique, sans que la date précise
soit connue.
Sa fiche matriculaire (FM) indique donc qu’il est le fils de
Jean Antoine BESSE et de Marie CALMETTES, mais son acte de naissance (seul
enfant Besse né à Aubin en 1886,
de plus le même jour) indique qu’il est le fils d’Augustin BESSE et de Marie
Mélanie CARLES (Voir
l’acte) …. Curieux La FM et l’acte ne correspondent pas !
De plus, l’arbre généalogique sur Généanet
de Marie Carles (établi par Mme
Michèle GRÈS) n’indique qu’un seul enfant : Émile Jules Besse né en 1895 (et qui se mariera en 1919 avec la sœur de
Louis GRES !)
J’ai bien retrouvé la naissance à Aubin de deux Marie CALMETTES,
en 1870 et 1871, mais n’ayant que 15 ans ou 16 ans à la naissance de Léon, il
est très peu probable qu’il s’agisse de l’une d’elles.
De même, le seul Jean Antoine BESSE que j’ai retrouvé dans les
naissances ou mariages (sur Firmy, Decazeville,
Aubin, Cransac….) s’est marié à Firmy
(maintenant Firmi) en 1857 et est né en 1924 à Flanhac (maintenant Flagnac),
donc également très très peu probable.
Par ailleurs, sa fiche
matriculaire mentionne que lui et sa famille habitaient Firmy.
Or ils n’apparaissent ni dans les recensements de Firmy
en 1901 et 1906 (proche de la date de la FM) ni dans celui d’Aubin de 1906
! De plus en plus mystérieux … C’est à
se demander s’il n’a pas fourni de fausses informations lors de sa
conscription.
Concernant Léon Besse,
j’ai retrouvé dans le recensement d’Aubin en 1891 (à Cérons
page
66/154) que Léon Besse était
bien déclarée le fils de Marie Carles
et Augustin Besse. Et encore en
1906 (page
119/169) (son père Augustin étant alors décédé).
Et selon moi, Léon Besse
a volontairement donné une fausse ascendance lors de sa conscription (pour
échapper au Service National ?). D’ailleurs, il avait été déclaré insoumis, ne
s’étant pas présenté à son appel en 1908… mais s’est ensuite volontairement
déclaré en septembre 1914 au Canada pour revenir combattre…
D’autant plus que la seule « Calmettes
» trouvée à Firmy (lieu-dit Fualdès) dans le
recensement de 1911, Marie Rosalie Calmettes,
mariée à François Antoine Labro,
avait 2 fils Jules (18/8/1884) et Joseph (2/10/86). (années
erronées dans le recensement mais actes de naissance vérifiés.)
On remarque que le prénom du père et les prénom et nom de la
mère sont ceux que Louis GrÈs
avait déclaré dans sa FM. Pour moi, il n’a eu qu’à
changer le nom de famille du père par le sien pour s’inventer une fausse
ascendance et adresse (Firmy au lieu d’Aubin).
Qu’en pensent les internautes qui liront cette recherche ? Suggérer
une explication.
Bien chère Marcelle
« Il y a 2
minutes je viens de recevoir ta lettre du 28 et la carte du 26 et c'est il n'y
a pas comme un quart d'heure que nous causions de toi et c'est-à-dire du pays
avec monsieur Gaubert et (Alfred Pierre) Malirat.
Nous avons passé
l'après-midi ensemble et nous avons goûté sur l'herbe à l'ombre d'un arbre car
tu sais qu'ici il fait un temps splendide. Nous disons plus d'une fois que
c'est bien dommage de passer ce beau temps à la guerre.
Enfin il vaut bien
mieux tout de même qu'il fasse beau temps.
Monsieur Gaubert m'a dit qu'il était père d'une
petite fille bien gentille à ce qu'il paraît. Elle s'appelle comme toi. Alors
je n'oublierai pas son nom. Quand tu reviendras, tu ne manqueras pas d'aller
les voir et tu leur donneras un gracieux bonjour de ma part.
Hier après-midi, on
est allé à Offémont pour prendre une douche. On a monté demander une douche
pour tous les militaires et ceux qui veulent-il aller. Comme on n’était pas
débarbouiller partout depuis bientôt 9 mois, je n'ai pas hésité d'y aller et
une fois en passant, ça se fait pas de mal.
J’ai trouvé Monsieur
Domergue, il m'a dit de te donner
bien le bonjour.
En même temps j'ai
descendu un colis que j'ai fait pour le faire partir pour la gare. J’ai un
camarade qui va souvent à Compiègne, Vincent, et qui se charge de me l'expédier
J’ai 3 paires de
caleçon une chemise, 2 paires de chaussettes et il y a trois fléchettes que
laissent tomber les aviateurs sur l'ennemi, des fusées d'obus de 150 mm, et un
peu de tabac que j'ai sorti pour ton père.
Quand l'envie lui
prendra d'en faire une cigarette, il sera commode.
Je n'ai pas encore
reçu celui que tu m'as envoyé par la gare, mais ne t'en fais pas pour cela, car
j'ai tout ce qu'il me faut, et ça ne nous a pas empêché de bien goûter quand
même. J’ai toujours ma réserve et il faut bien que ça se change.
Tu me dis que petit
René va prendre l'apéritif avec tonton Pau. Je suis bien content qu'il commence
à faire un homme. Mais c'est bien comme tu me le dis, je serai encore plus
content si je pouvais y être et l'amener avec moi.
Surtout qu'il doit
être bien intéressant. Mais comment faire, il faut espérer que ce jour viendra
peut-être plus tôt que si l'on croit, mais ce ne sera jamais trop tôt.
Enfin qu'il s'amuse
bien avec ses dominos et qu'ils apprennent à faire des maisons et quand je
reviendrai comme cela nous ne serons pas embarrassé pour nous loger.
Enfin on en rigole
mais tu sais qu'ici il y en a beaucoup de démolies et quand les propriétaires
reviendront ils trouveront drôle, il y a des maisons qu'il n'y a pas une seule
tuile dessus.
Enfin ma chère
Marcelle, il faut prendre patience tant que nous sommes en bonne santé, on a
toujours l'espoir de se revoir. Il ne faut jamais se décourager.
En attendant
toujours de tes bonnes nouvelles, je t'embrasse mille et mille fois et de
grosses poutres tu n'as petit René bien des choses aux parents. »
Chère Marcelle
« C’est
toujours du même endroit que je t'écris. Toujours en bonne santé.
J’ai su par Vinnac de Rulhe
(*), qui est à notre batterie,
et qui fait le ravitaillement de vieux moulin d’Offémont qui se voyait souvent
avec Monsieur Marty, le
voiturier, qui reste en face de la statue cayrade et
je n'ai pas pu le voir.
Mais je lui ai fait
donner le bonjour.
Il fait comme Teissèdre, il répare les routes, pour
cela il doit avoir une bonne place.
Nous avons toujours
du beau temps.
Mille baisers de
celui qui t'aime. Je joins une petite carte pour René. »
(*) : Rulhe à 7km au sud d’Aubin, à
mi-chemin de Bournazel dont sont issus les 2 soldats tués portant le nom de Vinnac.