Carnet de campagne du sous-officier HAUSSLER Xaver

du 123ème d’infanterie de l'armée allemande,

27ème division, XIIIème corps

 

Mise à jour avril 2014

Retour accueil

 

 

Au service historique de la défense à Vincennes, dans le carton du 57e régiment d’infanterie, cote 25N34/35, il existe d'autres documents ne concernant pas ce régiment, dont le journal de bataille d'un sous-officier allemand traduit en français, du 28/08/1914 au 23/10/1914, 15 pages, petit format. Peut-être que ce carnet a été récupéré sur un Allemand ou retrouvé sur un champ de bataille…

Ce fichier circule sur internet au format pdf, envoyé par Bernard, j’ai décidé de le publier sur mon site.

Le voici donc, recopié par Patrick et François

Il est intitulé : « Haussler Xaver 123e IR, 27e Division, XIIIe Corps »

 

Description : Description : feather

 

 

21 août

Bataille près de Metz. Troupes de toutes les races allemandes. Les Français sont rejetés au-delà des Vosges.

À Ulm, enthousiasme énorme : pavoisement. Les gens de toutes conditions sont comme des fous et embrassent même les soldats dans la rue. La victoire fut connue le soir à 5 heures.

De suite, toutes les cloches d’Ulm sonnèrent. On ne connaît pas encore la portée de la victoire. C’est néanmoins d’une grande importance.

 

Le [illisible] transports de prisonniers français traversèrent Ulm. J’ai été commandé pour faire la police dans la gare. Les prisonniers font une mauvaise impression. Ils manifestent une grande crainte et croient toujours qu’on les fusillera. C’est surtout l’artillerie allemande qui les a battus. De grands convois de soldats légèrement blessés, passent par Ulm : ils sont couchés  dans ces voitures à bestiaux, sur la paille. La population civile est écartée très sévèrement ; les officiers sont très sévères envers les prisonniers.

Des Bavarois passent par la gare d’Ulm.

23 août

16 heures. Alerte. Nous devons aller à Ruksingen pour garder les prisonniers. Les prisonniers ont des baraquements convenablement organisés, entourés de fil de fer à piquants. Devant les entrées sont sentinelles.

Toute la journée du dimanche, on donna un bain aux prisonniers, et ils reçurent du linge de corps.

Le soir, nouvelle victoire.

24 août

Aujourd’hui pas de service.

Nous ne savons guère comment tuer le temps. Pour changer, nous allons voir les pantalons rouges prisonniers ; depuis qu’ils ont pris un bain, les bougres ont bien meilleure mine. Ils reçoivent nourriture et solde comme nous. Aujourd’hui, ils doivent construire une route …

 

Télégramme annonçant de nouvelles victoires du duc Albrecht et du Konprinz.

25 août

De garde devant les tentes. Il y a là 1 400 pantalons rouges : autant dans les baraquements en planches. Ces gens se portent bien. Ils jouent à toutes sortes de jeux.

J’ai un sacré turbin avec ces bougres, qui se bousculent tellement pour aller à la cantine, que, avec 2 sentinelles, j’ai toutes les peines du monde à les tenir en ordre.

26 août

De garde dans les tentes.

Coup d’œil curieux que ces prisonniers avec leurs pantalons rouges et leurs képis. Ils doivent se coucher à 9 heures ; réveil à 6 heures. Un homme qui se montrait récalcitrant, fut conduit au poste et dut, en punition, rester debout toute la nuit près de la sentinelle devant les armes.

À part cela, rien de particulier.

 

Le matin, nous arrive la nouvelle que Namur est pris. Si les Allemands continuent ainsi, nous aurons la paix pour Noël.

 

Le soir, nouvelle grande victoire.

27 août

On apprend qu’on va partir.

Enthousiasme général. Enfin on va entrer en campagne. Notre régiment s’est bravement comporté près de Longwy et a eu beaucoup de pertes, surtout le 3ème bataillon : 2 capitaines tués. Namur est à nous.

Ordre de rejoindre Ulm.

28 août

À 4 heures réveil.

À 5 heures départ : service religieux, confession, moment solennel.

À 11 heures, annonce de grandes victoires allemandes. Zeppelin a fait sauter une usine à gaz à Anvers.

Le soir à 7 heures, départ d’Ulm. Notre marche vers la gare ressemble à une marche triomphale. Des milliers de personnes sont dans les rues, nous font signe, nous appellent, c’est émouvant.

29 août

Marche.

Bruchnel. Enthousiasme. À Germk [illisible], nous voyons les 1er blessés, environ 300 hommes : grande impression sur nous. Notre enthousiasme baisse fortement.

Frankarkal, Spirs : belle ville.

Ludwigs-Hafks : ici l’enthousiasme redevient meilleur.

Worms : nous recevons des cadeaux … etc …

Nouvelle grande victoire sur les Russes.

30 août

Arrivée sur le sol français à 11 heures.

Le champ de bataille se trouve à 25 km en avant sur la Meuse. Les blessés passent ici pour être embarqué. Longuyon, à environ 20-25 km de la frontière. Prononcez : Löguillô.

31 août

Notre journée la plus dure.

Réveil à 3 h ½. Café à 4 h : départ pour Dun-sur-Meuse.

Combat de Montigny.

1er septembre

Marche sur Montfaucon : violente canonnade. Nous sommes toute la journée en flanc garde.

Le soir, notre compagnie devient la 9ème du 123ème régiment d’infanterie.

2 septembre

Bivouac à Montigny : dure journée.

Matinée très froide. Marche en terrain accidenté. Granprés.

Hourrah, on apprend que toute l’armée ennemie est refoulée sur Verdun. Elle est déjà à demi encerclée.

3 septembre

Départ le matin pour Romagne : dur combat, beaucoup de morts et de blessés ; chevaux et  bestiaux courent en tous sens. Nous arrivons bientôt au bivouac, nous pouvons à nouveau nous laver, nous sécher : quels délices.

À Romagne, grand brouhaha.

Le général Moser blessé. Nous sommes envoyés en avant-postes.

4 septembre

7 h 15 : départ dans la direction [illisible]

L’ennemi a de nouveau reculé.

À 15 h 30 : départ pour Epinonville

À 18 h 30 : départ pour Cheppy, contrée fertile.

5 septembre

À 6 h 30, départ pour Varennes, puis pour Clermont où l’on fait une courte halte. Puis on traverse Les Islettes. Clermont est une très belle petite ville : les villages sont plus aimables et encore habités.

À 18 h aux Islettes.

6 septembre

À 7 h 30 à Briseaux.

Grand combat d’artillerie, comme je n’en ai encore jamais entendu. Nous sommes en réserve, mais nous sommes surpris dans notre marche à travers la forêt, violent combat près de Vaubecourt ; je suis envoyé en patrouille.

Grand danger pour moi. Blou m’est venu en aide.

Pendant 11 heures nous sommes restés exposés au feu de l’artillerie.

7 septembre

Vaubecourt, nous sommes en pointe : aussitôt nous sommes accueillis par la fusillade, nous ne pouvons plus avancer jusqu’à ce que notre artillerie nous vienne en aide.

À h 30, nous avançons et nous arrivons sous une furieuse pluie d’obus. Je crois que notre dernière heure était arrivée, mais grâce à Dieu, je vis encore.

Tout s’est bien passé. C’était effrayant. Ce fut le jour le plus dur de mon existence.

À la tombée de la nuit, nous déclenchons une attaque sur le bois et dans le bois où nous nous retranchons.

8 septembre

Dès le matin, combat avec l’ennemi.

Bientôt fuite des pantalons rouges, mais nous entrons en combat avec l’artillerie et nous nous retranchons. Aujourd’hui rien à manger, mais nous buvons du vin et du bon.

Chaque jour, nous perdons quelques hommes. Le soir, nous occupons notre tranchée où nous passons toute la nuit : déjà la 2ème nuit sans dormir.

L’ennemi veut manifestement percer ici pour ne pas être pris.

9 septembre

Encore dans les tranchées.

L’ennemi n’a pas essayé de percer près de nous : plus à droite, nous entendons une fusillade violente. Nous n’avons pas ici une situation facile, nous serions bien heureux si la relève venait.

Notre artillerie est trop faible ? Si nous n’avions pas une bonne tranchée, nous serions flambés.

À 10 h, relève et départ pour le bivouac où nous restons en position d’alerte.

10 septembre

À 1 heure, alerte.

Puis, par une pluie battante, combat avec de nombreuses pertes ; nous sommes attaqués sur le flanc ; ensuite nous sommes dissimulés derrière un remblai sous la canonnade : depuis 4 jours, c’est à devenir fou.

Enthousiasme est tombé. Tout le monde aspire à la paix. Nous souffrons beaucoup. Le service de santé fonctionne mal ; des blessés restent étendus des jours entiers sans secours.

Jusqu’à présent, je suis indemne, grâce à la protection divine.

11 septembre

Depuis hier, de garde devant l’ennemi : tout est calme.

À 5 h 30, la canonnade reprend. Nous nous sommes bien retranchés derrière la voie. Nous avons l’impression que notre artillerie est inférieure à l’artillerie ennemie, c’est pourquoi nous ne pouvons plus avancer.

Le soir, pluie ; départ pour Somexille (?). Bivouac.

12 septembre

Triaucourt.

Nous creusons des tranchées. Tous les corps d’armée reculent pour attaquer d’un autre coté et retenir l’ennemi dans sa marche rétrograde, parce que le IVème corps ne s’est pas encore déployé au sud. Nous en avons tous assez et nous avons l’air de cochons.

13 septembre

Départ de Triaucourt pour rétrograder sur Clermont. Nous ne comprenons pas pourquoi. Nous reculons jusqu’à Varennes à 16 h.

Quelle marche ! Je me suis blessé à force de courir. C’est terrible par une pluie battante. Je crois qu’il nous faudra encore reculer.

Que Dieu nous assiste.

14 septembre

À 8 h debout. Ici çà ne va pas si mal : du miel, de la viande, etc …

À 14 h 15 départ, nous ne savons pour quelle direction. Nous n’avons pas grande confiance. Nous nous retranchons.

À 3 h, on annonce que l’ennemi nous poursuit et nous serions presque restés dans la tranchée par la pluie.

Enfin, à 9 h départ pour le village. On nous apprend que nous devons laisser les Français avancer pour les attirer hors du rayon d’action des forts de Verdun. C’est ce que nous verrons.

15 septembre

Montblainville

À 4 h 30, départ pour se retrancher.

À 10 h, nous sommes salués par l’artillerie française.

Jusqu’à 14 h, c’est un feu furieux ; nous sommes étendus dans nos tranchées, le combat est violent, mais nous sentons que, aujourd’hui, notre artillerie tire mieux. Il est maintenant 17 h, c’est très ennuyeux, nous avons une faim de loup. La cuisine ne vient que la nuit. Nous sommes anxieux de savoir s’il y aura bientôt armistice car le gouvernement français s’est enfui à Bordeaux, à la frontière.

Que le Bon Dieu fasse que ce soit bientôt la paix.

16 septembre

Toujours dans la tranchée près de Charpentry (?). Toute la journée canonnade.

Pendant la nuit et la matinée, pluie. Nous sommes tout couverts de crotte, nous avons par dessus la tête de cette existence. Nous devons aller chercher à manger à la cuisine roulante à 3 h du matin. Nous la cherchons pendant 1 heure pour enfin ne rien recevoir.

L’artillerie ennemie tire bien.

Hier le Kronprinz était près de nous. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons reculer. Hier, on nous a dit qu’il y avait 70 000 prisonniers en Allemagne.

17 septembre

Charpentry ( ?).3ème jour dan la tranchée près de Montblainville ( ?).

Assez violent combat d’artillerie et d’infanterie qui se continuent jusqu’à la tombée de la nuit. Nous verrons ce qu’il en sera. Chaque jour, nous attendons la bataille décisive, mais chaque jour se passe sans rien de particulier.

Aujourd’hui, il pleut sans interruption, de sorte que les tranchées sont pleines d’eau et que beaucoup doivent en sortir. C’est incroyable, on devrait penser qu’il est impossible de supporter tout cela.

Si cela continue ainsi …

18 septembre

Toujours notre misérable condition, dans la tranchée. Il est presque impossible de durer plus longtemps. On nous dit que nous allons être relevés, mais rien ne vient. Nous sommes anxieux de voir ce qui va arriver.

Tout notre espoir repose sur Dieu le Tout Puissant : s’il ne nous assiste pas, nous sommes abandonnés.

Au soir, nous sommes relevés par le 127ème. Nous allons à Aglisfontaine.

19 septembre

Aglisfontaine – Repos – Grand nettoyage.

20 septembre

Repos – musique – bonne nourriture, mais beaucoup d’appels (revues). Nous devons vraisemblablement attendre ici en position d’alerte ou plutôt résister jusqu’à ce que Verdun, Toul soient tombés, pour que, ensuite, avec leurs forces réunies, toutes les armées progressent en commun.

On ne peut prévoir combien de temps cela durera. Aujourd’hui, on dit que 3 forts à l’est de Verdun ont été pris. Il me semble que l’affaire traine en longueur.

21 septembre

Repos.

Une lettre de l’inspecteur d’écoles Sihips me dit que l’affaire n’ira pas si vite. Les Français veulent se retirer dans les montagnes.

Au Sud, se trouve d’ailleurs l’armée bavaroise. Devant Paris, le duc Albert : il nous faut attendre pour voir si l’affaire réussira.

22 septembre

Départ pour Fléville.

Nous sommes toute la journée en réserve du corps d’armée.

Le soir, ordre d’aller cantonner à Fléville. Le temps est meilleur.

On dit que 3 forts à l’Est de Verdun ont été pris. Notre XIIIème corps … l’adversaire s’est replié dans la forêt de l’Argonne.

23 septembre

Fléville.

À 5 h 30 marche sur Apremont, joli village avec monastère, beau site. Toute la nuit, grosse canonnade et, à la pointe du jour, feu d’infanterie. Nous sommes à Apremont en réserve et probablement, nous retournerons à Fléville. Aujourd’hui beau temps.

Nous sommes étendus au soleil : que c’est bon après la saison pluvieuse. J’eus une nuit très mauvaise : j’avais de telles douleurs d’estomac que je me serais abandonné au désespoir sans l’aide de Dieu.

24 septembre

Nuit à Fléville.

À 5 h 30, marche sur Apremont. Halte au sud de la petite ville.

À 16 h, nous allons, dit-on, collaborer à la percée dans la forêt de l’Argonne, où l’ennemi s’est établi.

Ici passent beaucoup de blessés du 123ème et des 5ème et 6ème Chasseurs. Je crois que de dures journées nous attendent. Que Dieu nous assiste.

Le bruit court que notre 1ère et 3ème armée ont reculé en Belgique, espérons que c’est faux.

25 septembre

Arrivée à Varennes dans la nuit ; nous la passons près d’une haie dans le fossé de la route. L’ennemi est à 6 – 8 kilomètres en avant dans la forêt de l’Argonne. Nous restons toute la journée ici.

Le soir au bivouac.

On nous apprend que nous devons être rattachés à la IVème Armée (donc à celle du duc Albrecht). Si cela est vrai, nous marcherons sur Paris et nous tournerions le dos à Verdun.

26 septembre

6 h 45. Marcher en direction de Condé-lès-Autry. On attend d’heure en heure la chute de Verdun. Nous restons ici jusqu’à 15 heures. Puis marche sur Apremont ; ensuite à l’ouest, à travers l’Argonne qui est encore occupée de l’autre coté par l’adversaire.

 

À 22 heures, arrivée à Condé-lès-Autry.

À 23 heures, nous recevons du pain. Nous sommes maintenant à l’ouest de la forêt de l’Argonne avec la IVème Armée. Il y a eu ici de rudes combats, les attaques ennemies ont été repoussées.

27 septembre

Condé-lès-Autry.

Nous avons l’impression que cela va être chaud, que Dieu soit avec nous.

Toute la journée à Condé ; nous ne voyons presque rien du combat. Verdun n’est pas encore pris.

À 18 h 15, départ pour Lançon où nous cantonnons.

On est bien ici.

28 septembre

Lançon. À 6 h, alerte. Marche par Autry sur Binarville, où nous prenons position dans un petit bois.

Puis on marche, tantôt à droite, tantôt à gauche, au sud-ouest de l’Argonne, toujours occupée par l’adversaire. Les coquins se sont nichés là et tirent de leur embuscade.

Le soir, avant-postes dans le moulin entre Binarville et Apremont ; bivouac au N. E. de Binarville. Pas de pain déjà.

29 septembre

À 5 h, marche sur Binarville par le moulin de [illisible], dans la forêt.

Aujourd’hui, on a ordonné une attaque générale, pour chasser l’ennemi du bois.

À 14 30, déclenchement de l’attaque qui s’arrête avec la tombée de la nuit. Nous nous retranchons sur place dans la forêt, il fait très froid. Nous gelons. Si seulement cette guerre pouvait finir.

30 septembre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 5 h, on commence des retranchements.

À 10 h, on organise une nouvelle position ; puis changement, nous devenons réserve du régiment. La nourriture est maigre. On n’a rien touché depuis midi.

On nous fait connaître aujourd’hui qu’il ne sera pas fait de quartier et que l’on fusillera tout le monde.

Ce sont des bois qui ne sont pas nettoyés. On peut à peine s’y frayer un passage ; on ne voit pas chose semblable en Allemagne.

Nous nous construisons des huttes avec des branches.

1er octobre

Dans la forêt de l’Argonne. Toute la nuit, canonnade et fusillade ; le matin les mortiers se mettent en position. Enfin la forêt va  être nettoyée.

 

Soir : nous n’avançons toujours pas.

Devant nous des chasseurs alpins, une bonne troupe. Les bougres ont fait des abatis et tendu des fils de fer ; ils se sont si bien retranchés qu’il nous est impossible d’avancer.

Dans une marche en avant, faite pour protéger les camarades travaillant en arrière, il y eut quelques blessés.

2 octobre

Dans la forêt de l’Argonne. Toujours ici.

Aujourd’hui les Minenwerfer de gros calibre vont bombarder les positions ennemis ; avec quel résultat ?

D’abord, [illisible] jours pas de résultat sur notre front. Les Minenwerfer ne tirent pas encore.

Nous sommes bien tranquilles jusqu’au soir, et bâtissons des toits au-dessus de nos tranchées.

À 9 h, nous devons prendre position en avant, 2 – 3 sections.

À 10 h 45, retour en arrière.

À 11 h, de nouveau en avant. Nous creusons une tranchée.

3 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

Hier soir, 2 hommes de mon groupe blessés. Dans la 10ème compagnie, le capitaine et 5 hommes tués, 30 blessés.

À 10 h, les Minenwerfer de gros calibre tirent pendant une heure ; puis interruption du feu, pendant laquelle nous creusons des retranchements.

Vers le soir, nous occupons la tranchée en 3ème ligne où nous passons la nuit.

4 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 8 h, nous quittons notre tranchée, pour nous placer derrière les Minengenschütze ; temps pluvieux, dimanche du Rosaire.

À 15 h, déclenchement de l’attaque. Mais nous ne pouvons pas dépasser notre position avancée. Des patrouilles envoyées en avant sont ou blessées ou tuées. La position ennemie est imprenable tant qu’elle ne sera pas arrosée par l’artillerie.

Nous avons subi de grosses pertes. Relevés par la 7ème compagnie, le 39ème Pionniers.

5 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 8 h, nous abandonnons notre position et allons nous reposer pour 12 h derrière la ligne principale.

La nuit, je dois patrouiller pendant 2 heures.

À 17 h nous devons aller dans la position 1.

6 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

Aujourd’hui nous relevons la 12ème compagnie dans la position 1 où nous devons rester 24 h.

On dit que la 26ème division a fait 600 prisonniers. Nous sommes ici toujours impuissants.

On dit que les Pionniers vont incendier la forêt, d’autres disent que l’on minera la position ennemie. Je voudrais bien voir ce qu’il y a de vrai.

7 octobre

Dans la forêt de Binarville.

À 7 h, nous reculons en position 1 ; on travaille aux retranchements.

Beau temps, mais froid.

On sait que la 27ème division a été embarquée. Nous ne savons pas encore quand on nous sortira de cette misère ; espérons que ce sera bientôt. Nous souffrons péniblement du froid pendant la nuit et de la faim pendant le jour. Tristes journées en perspectives.

Que Dieu soit avec nous.

8 octobre

Aujourd’hui retour à la position 1. Rien de nouveau.

Nous agrandissons et approfondissons notre tranchée. De tous les cotés tristesse et accablement.

La nuit, rien de nouveau. À la tombée de la nuit, feu furieux comme tous les jours ; en outre, il fait très frais.

À 7 h, nous sommes relevés, vais au lieu de repos. Nettoyage des armes et creusement des tranchées. Nos forces diminuent rapidement.

9 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

Rien de nouveau. Toute la journée travaux de tranchées. Aujourd’hui annonce officielle de la chute d’Anvers. Serons-nous relevés ? Nous sommes dans un état de tristesse augmenté par la faim.

Notre chef de section, le sous-lieutenant Erskkakdt se fait porter malade.

En général, nous ne sommes pas traités par les officiers comme on devrait l’être dans pareilles circonstances. On nous reproche jusqu’au peu de nourriture qu’on nous accorde. Nous avons pour commandant de compagnie un jeune sous lieutenant de réserve.

10 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À nouveau en 1ère ligne ; mais travaux de retranchements. Sa majesté la Reine célèbre aujourd’hui son anniversaire ; pour cette raison musique à midi.

En bas, le sifflement des balles et la faim … en arrière, la musique.

Le soir, à nouveau en position avancée, où nous devons creuser de nouvelles tranchées et recevoir de nombreux coups de feu.

11 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 7 h, relève de la position 1.

Dans le cours de l’après midi, les Minenwerfer s’en vont. Nous recevons alors du pain.

Aujourd’hui relève du 134ème … et nous ?

Enfin, le soir nous partons pour 3 jours à Binarville où nous cantonnons dans une grange.

12 octobre

Binarville – Repos.

Matin : distribution de cadeaux (Liebengabon)

J’ai reçu une chemise, un caleçon, 9 cigares, une grande tablette de chocolat, des pastilles de menthe, du tabac.

À midi, paiement de la solde. À part cela, rien de nouveau.

Il devrait y avoir 4 semaines de repos.

13 octobre

Binarville – Repos.

Matin : revue en tenue de campagne. Bien passé. On dit que l’on a fait à Anvers 42 000 prisonniers.

Repos jusqu’au 16 octobre

À part cela, rien de nouveau.

14 octobre

Binarville – Repos

Matin : appel

Soir : exercice

Rien de nouveau.

15 octobre

Binarville – Repos.

Matin : exercice

Soir : appel.

Demain départ pour notre ancienne position dans la forêt de l’Argonne.

16 octobre

Binarville – Repos.

Ce matin, revue en tenue de campagne.

À 14 h, départ pour la forêt. Arrivée dans l’ancienne position à 16 h. on occupe d’abord la position 1, à 19 h. On occupe la position 2. Nuit assez calme.

Le 17 à 5 h 30, retour à la position 1.

17 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 7 h, retour à la position 3. Nous devons balayer et nettoyer la tranchée ; à part cela, rien de nouveau.

Le soir, suis envoyé en patrouille vers la position ennemie. Je dois voir si l’abatis à des trous, si derrière l’abatis il y a des fils de fer et si la position ennemie ne comprend qu’un groupe.

Je reviens de cette mission indemne.

18 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

8 h. Nous sommes relevés de la position 1. Nous recevons du dépôt 35 hommes. Travaux de tranchée.

À 10 h du matin se présente un parlementaire français. De notre coté, un officier se rend dans la position ennemie, nous espérons déjà qu’il y aurait du changement, mais il n’en fut rien.

À 16 h, les hostilités reprennent. Nous ne savons pas ce que voulait le parlementaire.

19 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 8 h, en avant dans la position 1.

À 10 h, nous commençons un feu violent sur l’adversaire parce que le 2ème bataillon doit procéder à une attaque. De même nos lourds se mettent à tirer contre la tranchée qui doit être prise. Les Minenwerfer de gros calibre dirigent également leur feu sur la position.

Entre temps, un coup des lourds frappe trop court et tue ou blesse 17 hommes de la 11ème compagnie. L’attaque réussit en partie.

20 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

À 8 h relève, retour à la position 1.

De 12 à 14 h, travaux de retranchement. Sinon, rien de nouveau.

L’après midi, je fus commandé pour un enterrement, on enterre 6 hommes de la 11ème compagnie, un volontaire de l’Artillerie et un Pionnier, un aumônier protestant, conduisait l’enterrement et ce fut sublime.

21 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

Le matin en position 2, à nouveau, travaux de tranchées. Aujourd’hui la ville de Verdun doit avoir été bombardée pour la 1ère fois.

Le soir en position 3.

Nous recevons la mission de creuser une tranchée tout à fait en avant entre la sape 1 – 9. Je viens avec le 4ème groupe à l’extrémité droite. Ce n’est pas chose facile de creuser une tranchée à 40 m de l’ennemi.

22 octobre

Dans la forêt de l’Argonne.

Relève le matin : retour à la position 1 où nous avons un peu de repos. Mais quelle nuit ce fut.

Si les ennemis avaient su quel était notre dessein, nous n’aurions pas réussi, certes.

 

FIN DES ECRITS

 

Il fût tué le 23 octobre dans le bois de la Gruerie

 

Description : Description : feather

 

Vers d’autres témoignages de guerre 14/18

Retour accueil