Mise
à jour avril 2014
Au
service historique de la défense à Vincennes, dans le carton du 57e régiment
d’infanterie, cote 25N34/35, il existe d'autres documents ne concernant pas ce
régiment, dont le journal de bataille d'un sous-officier allemand traduit en
français, du 28/08/1914 au 23/10/1914, 15 pages, petit format. Peut-être que ce
carnet a été récupéré sur un Allemand ou retrouvé sur un champ de
bataille…
Ce
fichier circule sur internet au format pdf, envoyé
par Bernard, j’ai décidé de le publier sur mon site.
Le
voici donc, recopié par Patrick et François
Il
est intitulé : « Haussler
Xaver 123e IR, 27e Division, XIIIe Corps »
Bataille
près de Metz. Troupes de toutes les races allemandes. Les Français sont rejetés
au-delà des Vosges.
À Ulm,
enthousiasme énorme : pavoisement. Les gens de toutes conditions sont comme des
fous et embrassent même les soldats dans la rue. La victoire fut connue le soir
à 5 heures.
De suite, toutes
les cloches d’Ulm sonnèrent. On ne connaît pas encore la portée de la
victoire. C’est néanmoins d’une grande importance.
Le [illisible] transports de prisonniers français
traversèrent Ulm. J’ai été commandé pour faire la police dans la gare.
Les prisonniers font une mauvaise impression. Ils manifestent une grande
crainte et croient toujours qu’on les fusillera. C’est surtout l’artillerie
allemande qui les a battus. De grands convois de soldats légèrement blessés,
passent par Ulm : ils sont couchés
dans ces voitures à bestiaux, sur la paille. La population civile est
écartée très sévèrement ; les officiers sont très sévères envers les
prisonniers.
Des Bavarois
passent par la gare d’Ulm.
16 heures.
Alerte. Nous devons aller à Ruksingen pour garder les prisonniers. Les
prisonniers ont des baraquements convenablement organisés, entourés de fil de
fer à piquants. Devant les entrées sont sentinelles.
Toute la
journée du dimanche, on donna un bain aux prisonniers, et ils reçurent du linge
de corps.
Le soir,
nouvelle victoire.
Aujourd’hui
pas de service.
Nous ne
savons guère comment tuer le temps. Pour changer, nous allons voir les pantalons rouges prisonniers
; depuis qu’ils ont pris un bain, les bougres ont bien meilleure mine. Ils reçoivent
nourriture et solde comme nous. Aujourd’hui, ils doivent construire une route …
Télégramme
annonçant de nouvelles victoires du duc Albrecht et du Konprinz.
De garde
devant les tentes. Il y a là 1 400 pantalons rouges : autant dans les baraquements
en planches. Ces gens se portent bien. Ils jouent à toutes sortes de jeux.
J’ai un
sacré turbin avec ces bougres, qui se bousculent tellement pour aller à la
cantine, que, avec 2 sentinelles, j’ai toutes les peines du monde à les tenir
en ordre.
De garde
dans les tentes.
Coup d’œil
curieux que ces prisonniers avec leurs pantalons rouges et leurs képis. Ils
doivent se coucher à 9 heures ; réveil à 6 heures. Un homme qui se montrait
récalcitrant, fut conduit au poste et dut, en punition, rester debout toute la
nuit près de la sentinelle devant les armes.
À part cela,
rien de particulier.
Le matin,
nous arrive la nouvelle que Namur est pris. Si les Allemands continuent
ainsi, nous aurons la paix pour Noël.
Le soir,
nouvelle grande victoire.
On apprend
qu’on va partir.
Enthousiasme
général. Enfin on va entrer en campagne. Notre régiment s’est bravement
comporté près de Longwy et a eu beaucoup de pertes, surtout le 3ème
bataillon : 2 capitaines tués. Namur est à nous.
Ordre de
rejoindre Ulm.
À 4 heures
réveil.
À 5 heures
départ : service religieux, confession, moment solennel.
À 11 heures,
annonce de grandes victoires allemandes. Zeppelin a fait sauter une usine à gaz
à Anvers.
Le soir à 7
heures, départ d’Ulm. Notre marche vers la gare ressemble à une marche
triomphale. Des milliers de personnes sont dans les rues, nous font signe, nous
appellent, c’est émouvant.
Marche.
Bruchnel.
Enthousiasme. À Germk [illisible], nous voyons les 1er blessés, environ 300 hommes
: grande impression sur nous. Notre enthousiasme baisse fortement.
Frankarkal, Spirs
: belle ville.
Ludwigs-Hafks
: ici l’enthousiasme redevient meilleur.
Worms : nous
recevons des cadeaux … etc …
Nouvelle
grande victoire sur les Russes.
Arrivée sur
le sol français à 11 heures.
Le champ de
bataille se trouve à 25 km en avant sur la Meuse. Les blessés passent ici pour
être embarqué. Longuyon, à environ 20-25 km de la frontière. Prononcez :
Löguillô.
Notre
journée la plus dure.
Réveil à 3 h
½. Café à 4 h : départ pour Dun-sur-Meuse.
Combat de Montigny.
Marche sur Montfaucon
: violente canonnade. Nous sommes toute la journée en flanc garde.
Le soir,
notre compagnie devient la 9ème du 123ème régiment d’infanterie.
Bivouac à Montigny
: dure journée.
Matinée très
froide. Marche en terrain accidenté. Granprés.
Hourrah, on
apprend que toute l’armée ennemie est refoulée sur Verdun. Elle est déjà
à demi encerclée.
Départ le
matin pour Romagne : dur combat, beaucoup de morts et de blessés ;
chevaux et bestiaux courent en tous
sens. Nous arrivons bientôt au bivouac, nous pouvons à nouveau nous laver, nous
sécher : quels délices.
À Romagne,
grand brouhaha.
Le général Moser blessé. Nous sommes envoyés en
avant-postes.
7 h 15 :
départ dans la direction [illisible]
L’ennemi a
de nouveau reculé.
À 15 h 30 :
départ pour Epinonville
À 18 h 30 :
départ pour Cheppy, contrée fertile.
À 6 h 30,
départ pour Varennes, puis pour Clermont où l’on fait une courte
halte. Puis on traverse Les Islettes. Clermont est une très belle
petite ville : les villages sont plus aimables et encore habités.
À 18 h aux Islettes.
À 7 h 30 à Briseaux.
Grand combat
d’artillerie, comme je n’en ai encore jamais entendu. Nous sommes en réserve,
mais nous sommes surpris dans notre marche à travers la forêt, violent combat
près de Vaubecourt ; je suis envoyé en patrouille.
Grand danger
pour moi. Blou m’est venu en
aide.
Pendant 11
heures nous sommes restés exposés au feu de l’artillerie.
Vaubecourt,
nous sommes en pointe : aussitôt nous sommes accueillis par la fusillade, nous
ne pouvons plus avancer jusqu’à ce que notre artillerie nous vienne en aide.
À h 30, nous
avançons et nous arrivons sous une furieuse pluie d’obus. Je crois que notre
dernière heure était arrivée, mais grâce à Dieu, je vis encore.
Tout s’est
bien passé. C’était effrayant. Ce fut le jour le plus dur de mon existence.
À la tombée
de la nuit, nous déclenchons une attaque sur le bois et dans le bois où nous
nous retranchons.
Dès le
matin, combat avec l’ennemi.
Bientôt
fuite des pantalons rouges, mais nous entrons en combat avec l’artillerie et
nous nous retranchons. Aujourd’hui rien à manger, mais nous buvons du vin et du
bon.
Chaque jour,
nous perdons quelques hommes. Le soir, nous occupons notre tranchée où nous
passons toute la nuit : déjà la 2ème nuit sans dormir.
L’ennemi
veut manifestement percer ici pour ne pas être pris.
Encore dans
les tranchées.
L’ennemi n’a
pas essayé de percer près de nous : plus à droite, nous entendons une fusillade
violente. Nous n’avons pas ici une situation facile, nous serions bien heureux
si la relève venait.
Notre
artillerie est trop faible ? Si nous n’avions pas une bonne tranchée, nous
serions flambés.
À 10 h,
relève et départ pour le bivouac où nous restons en position d’alerte.
À 1 heure,
alerte.
Puis, par
une pluie battante, combat avec de nombreuses pertes ; nous sommes attaqués sur
le flanc ; ensuite nous sommes dissimulés derrière un remblai sous la canonnade
: depuis 4 jours, c’est à devenir fou.
Enthousiasme
est tombé. Tout le monde aspire à la paix. Nous souffrons beaucoup. Le service
de santé fonctionne mal ; des blessés restent étendus des jours entiers sans
secours.
Jusqu’à
présent, je suis indemne, grâce à la protection divine.
Depuis hier,
de garde devant l’ennemi : tout est calme.
À 5 h 30, la
canonnade reprend. Nous nous sommes bien retranchés derrière la voie. Nous
avons l’impression que notre artillerie est inférieure à l’artillerie ennemie,
c’est pourquoi nous ne pouvons plus avancer.
Le soir,
pluie ; départ pour Somexille (?). Bivouac.
Triaucourt.
Nous creusons
des tranchées. Tous les corps d’armée reculent pour attaquer d’un autre coté et
retenir l’ennemi dans sa marche rétrograde, parce que le IVème corps ne s’est
pas encore déployé au sud. Nous en avons tous assez et nous avons l’air de
cochons.
Départ de Triaucourt
pour rétrograder sur Clermont. Nous ne comprenons pas pourquoi. Nous
reculons jusqu’à Varennes à 16 h.
Quelle
marche ! Je me suis blessé à force de courir. C’est terrible par une pluie
battante. Je crois qu’il nous faudra encore reculer.
Que Dieu
nous assiste.
À 8 h
debout. Ici çà ne va pas si mal : du miel, de la viande, etc …
À 14 h 15
départ, nous ne savons pour quelle direction. Nous n’avons pas grande
confiance. Nous nous retranchons.
À 3 h, on
annonce que l’ennemi nous poursuit et nous serions presque restés dans la
tranchée par la pluie.
Enfin, à 9 h
départ pour le village. On nous apprend que nous devons laisser les Français
avancer pour les attirer hors du rayon d’action des forts de Verdun. C’est ce que
nous verrons.
Montblainville
À 4 h 30,
départ pour se retrancher.
À 10 h, nous
sommes salués par l’artillerie française.
Jusqu’à 14
h, c’est un feu furieux ; nous sommes étendus dans nos tranchées, le combat est
violent, mais nous sentons que, aujourd’hui, notre artillerie tire mieux. Il
est maintenant 17 h, c’est très ennuyeux, nous avons une faim de loup. La
cuisine ne vient que la nuit. Nous sommes anxieux de savoir s’il y aura bientôt
armistice car le gouvernement français s’est enfui à Bordeaux, à la frontière.
Que le Bon
Dieu fasse que ce soit bientôt la paix.
Toujours
dans la tranchée près de Charpentry (?). Toute la
journée canonnade.
Pendant la
nuit et la matinée, pluie. Nous sommes tout couverts de crotte, nous avons par
dessus la tête de cette existence. Nous devons aller chercher à manger à la
cuisine roulante à 3 h du matin. Nous la cherchons pendant 1 heure pour enfin
ne rien recevoir.
L’artillerie
ennemie tire bien.
Hier le
Kronprinz était près de nous. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons
reculer. Hier, on nous a dit qu’il y avait 70 000 prisonniers en Allemagne.
Charpentry ( ?).3ème
jour dan la tranchée près de Montblainville ( ?).
Assez
violent combat d’artillerie et d’infanterie qui se continuent jusqu’à la tombée
de la nuit. Nous verrons ce qu’il en sera. Chaque jour, nous attendons la
bataille décisive, mais chaque jour se passe sans rien de particulier.
Aujourd’hui,
il pleut sans interruption, de sorte que les tranchées sont pleines d’eau et
que beaucoup doivent en sortir. C’est incroyable, on devrait penser qu’il est
impossible de supporter tout cela.
Si cela
continue ainsi …
Toujours
notre misérable condition, dans la tranchée. Il est presque impossible de durer
plus longtemps. On nous dit que nous allons être relevés, mais rien ne vient.
Nous sommes anxieux de voir ce qui va arriver.
Tout notre
espoir repose sur Dieu le Tout Puissant : s’il ne nous assiste pas, nous sommes
abandonnés.
Au soir, nous
sommes relevés par le 127ème. Nous allons à Aglisfontaine.
Aglisfontaine – Repos – Grand nettoyage.
Repos –
musique – bonne nourriture, mais beaucoup d’appels (revues). Nous devons
vraisemblablement attendre ici en position d’alerte ou plutôt résister jusqu’à
ce que Verdun, Toul soient tombés, pour que, ensuite, avec leurs
forces réunies, toutes les armées progressent en commun.
On ne peut
prévoir combien de temps cela durera. Aujourd’hui, on dit que 3 forts à l’est
de Verdun ont été pris. Il me semble que l’affaire traine en longueur.
Repos.
Une lettre
de l’inspecteur d’écoles Sihips
me dit que l’affaire n’ira pas si vite. Les Français veulent se retirer dans
les montagnes.
Au Sud, se
trouve d’ailleurs l’armée bavaroise. Devant Paris, le duc Albert : il
nous faut attendre pour voir si l’affaire réussira.
Départ pour Fléville.
Nous sommes
toute la journée en réserve du corps d’armée.
Le soir,
ordre d’aller cantonner à Fléville. Le temps est meilleur.
On dit que 3
forts à l’Est de Verdun ont été pris. Notre XIIIème corps … l’adversaire s’est
replié dans la forêt de l’Argonne.
Fléville.
À 5 h 30
marche sur Apremont, joli village avec monastère, beau site. Toute la
nuit, grosse canonnade et, à la pointe du jour, feu d’infanterie. Nous sommes à
Apremont en réserve et probablement, nous retournerons à Fléville.
Aujourd’hui beau temps.
Nous sommes
étendus au soleil : que c’est bon après la saison pluvieuse. J’eus une nuit
très mauvaise : j’avais de telles douleurs d’estomac que je me serais abandonné
au désespoir sans l’aide de Dieu.
Nuit à Fléville.
À 5 h 30,
marche sur Apremont. Halte au sud de la petite ville.
À 16 h, nous
allons, dit-on, collaborer à la percée dans la forêt de l’Argonne, où l’ennemi
s’est établi.
Ici passent
beaucoup de blessés du 123ème et des 5ème et 6ème Chasseurs. Je crois que de
dures journées nous attendent. Que Dieu nous assiste.
Le bruit
court que notre 1ère et 3ème armée ont reculé en Belgique, espérons que c’est
faux.
Arrivée à Varennes
dans la nuit ; nous la passons près d’une haie dans le fossé de la route.
L’ennemi est à 6 – 8 kilomètres en avant dans la forêt de l’Argonne. Nous
restons toute la journée ici.
Le soir au
bivouac.
On nous
apprend que nous devons être rattachés à la IVème Armée (donc à celle du duc
Albrecht). Si cela est vrai, nous marcherons sur Paris et nous
tournerions le dos à Verdun.
6 h 45.
Marcher en direction de Condé-lès-Autry. On attend d’heure en heure la chute
de Verdun. Nous restons ici jusqu’à 15 heures. Puis marche sur Apremont
; ensuite à l’ouest, à travers l’Argonne qui est encore occupée de l’autre coté
par l’adversaire.
À 22 heures,
arrivée à Condé-lès-Autry.
À 23 heures,
nous recevons du pain. Nous sommes maintenant à l’ouest de la forêt de
l’Argonne avec la IVème Armée. Il y a eu ici de rudes combats, les attaques
ennemies ont été repoussées.
Condé-lès-Autry.
Nous avons
l’impression que cela va être chaud, que Dieu soit avec nous.
Toute la
journée à Condé ; nous ne voyons presque rien du combat. Verdun
n’est pas encore pris.
À 18 h 15,
départ pour Lançon où nous cantonnons.
On est bien
ici.
Lançon. À 6 h,
alerte. Marche par Autry sur Binarville, où nous prenons position
dans un petit bois.
Puis on
marche, tantôt à droite, tantôt à gauche, au sud-ouest de l’Argonne, toujours
occupée par l’adversaire. Les coquins se sont nichés là et tirent de leur
embuscade.
Le soir,
avant-postes dans le moulin entre Binarville et Apremont ;
bivouac au N. E. de Binarville. Pas de pain déjà.
À 5 h,
marche sur Binarville par le moulin de [illisible], dans la
forêt.
Aujourd’hui,
on a ordonné une attaque générale, pour chasser l’ennemi du bois.
À 14 30,
déclenchement de l’attaque qui s’arrête avec la tombée de la nuit. Nous nous
retranchons sur place dans la forêt, il fait très froid. Nous gelons. Si
seulement cette guerre pouvait finir.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 5 h, on
commence des retranchements.
À 10 h, on
organise une nouvelle position ; puis changement, nous devenons réserve du
régiment. La nourriture est maigre. On n’a rien touché depuis midi.
On nous fait
connaître aujourd’hui qu’il ne sera pas fait de quartier et que l’on fusillera
tout le monde.
Ce sont des
bois qui ne sont pas nettoyés. On peut à peine s’y frayer un passage ; on ne
voit pas chose semblable en Allemagne.
Nous nous
construisons des huttes avec des branches.
Dans la
forêt de l’Argonne. Toute la nuit, canonnade et fusillade ; le matin les
mortiers se mettent en position. Enfin la forêt va être nettoyée.
Soir : nous
n’avançons toujours pas.
Devant nous
des chasseurs alpins, une bonne troupe. Les bougres ont fait des abatis et tendu
des fils de fer ; ils se sont si bien retranchés qu’il nous est impossible
d’avancer.
Dans une
marche en avant, faite pour protéger les camarades travaillant en arrière, il y
eut quelques blessés.
Dans la
forêt de l’Argonne. Toujours ici.
Aujourd’hui
les Minenwerfer de gros calibre vont bombarder les positions ennemis ; avec
quel résultat ?
D’abord, [illisible] jours pas de résultat sur notre front. Les
Minenwerfer ne tirent pas encore.
Nous sommes
bien tranquilles jusqu’au soir, et bâtissons des toits au-dessus de nos
tranchées.
À 9 h, nous
devons prendre position en avant, 2 – 3 sections.
À 10 h 45,
retour en arrière.
À 11 h, de
nouveau en avant. Nous creusons une tranchée.
Dans la
forêt de l’Argonne.
Hier soir, 2
hommes de mon groupe blessés. Dans la 10ème compagnie, le capitaine et 5 hommes
tués, 30 blessés.
À 10 h, les
Minenwerfer de gros calibre tirent pendant une heure ; puis interruption du
feu, pendant laquelle nous creusons des retranchements.
Vers le
soir, nous occupons la tranchée en 3ème ligne où nous passons la nuit.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 8 h, nous
quittons notre tranchée, pour nous placer derrière les Minengenschütze ; temps
pluvieux, dimanche du Rosaire.
À 15 h,
déclenchement de l’attaque. Mais nous ne pouvons pas dépasser notre position
avancée. Des patrouilles envoyées en avant sont ou blessées ou tuées. La
position ennemie est imprenable tant qu’elle ne sera pas arrosée par
l’artillerie.
Nous avons
subi de grosses pertes. Relevés par la 7ème compagnie, le 39ème Pionniers.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 8 h, nous
abandonnons notre position et allons nous reposer pour 12 h derrière la ligne
principale.
La nuit, je
dois patrouiller pendant 2 heures.
À 17 h nous
devons aller dans la position 1.
Dans la
forêt de l’Argonne.
Aujourd’hui
nous relevons la 12ème compagnie dans la position 1 où nous devons rester 24 h.
On dit que
la 26ème division a fait 600 prisonniers. Nous sommes ici toujours impuissants.
On dit que les
Pionniers vont incendier la forêt, d’autres disent que l’on minera la position
ennemie. Je voudrais bien voir ce qu’il y a de vrai.
Dans la
forêt de Binarville.
À 7 h, nous
reculons en position 1 ; on travaille aux retranchements.
Beau temps,
mais froid.
On sait que
la 27ème division a été embarquée. Nous ne savons pas encore quand on nous
sortira de cette misère ; espérons que ce sera bientôt. Nous souffrons
péniblement du froid pendant la nuit et de la faim pendant le jour. Tristes
journées en perspectives.
Que Dieu
soit avec nous.
Aujourd’hui
retour à la position 1. Rien de nouveau.
Nous
agrandissons et approfondissons notre tranchée. De tous les cotés tristesse et
accablement.
La nuit,
rien de nouveau. À la tombée de la nuit, feu furieux comme tous les jours ; en
outre, il fait très frais.
À 7 h, nous
sommes relevés, vais au lieu de repos. Nettoyage des armes et creusement des
tranchées. Nos forces diminuent rapidement.
Dans la
forêt de l’Argonne.
Rien de
nouveau. Toute la journée travaux de tranchées. Aujourd’hui annonce officielle
de la chute d’Anvers. Serons-nous relevés ? Nous sommes dans un état de
tristesse augmenté par la faim.
Notre chef
de section, le sous-lieutenant Erskkakdt
se fait porter malade.
En général,
nous ne sommes pas traités par les officiers comme on devrait l’être dans
pareilles circonstances. On nous reproche jusqu’au peu de nourriture qu’on nous
accorde. Nous avons pour commandant de compagnie un jeune sous lieutenant de
réserve.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À nouveau en
1ère ligne ; mais travaux de retranchements. Sa majesté la Reine célèbre
aujourd’hui son anniversaire ; pour cette raison musique à midi.
En bas, le
sifflement des balles et la faim … en arrière, la musique.
Le soir, à
nouveau en position avancée, où nous devons creuser de nouvelles tranchées et
recevoir de nombreux coups de feu.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 7 h,
relève de la position 1.
Dans le
cours de l’après midi, les Minenwerfer s’en vont. Nous recevons alors du pain.
Aujourd’hui
relève du 134ème … et nous ?
Enfin, le
soir nous partons pour 3 jours à Binarville où nous cantonnons dans une
grange.
Binarville – Repos.
Matin :
distribution de cadeaux (Liebengabon)
J’ai reçu une
chemise, un caleçon, 9 cigares, une grande tablette de chocolat, des pastilles
de menthe, du tabac.
À midi,
paiement de la solde. À part cela, rien de nouveau.
Il devrait y
avoir 4 semaines de repos.
Binarville – Repos.
Matin :
revue en tenue de campagne. Bien passé. On dit que l’on a fait à Anvers 42 000
prisonniers.
Repos
jusqu’au 16 octobre
À part cela,
rien de nouveau.
Binarville – Repos
Matin :
appel
Soir :
exercice
Rien de
nouveau.
Binarville – Repos.
Matin :
exercice
Soir :
appel.
Demain
départ pour notre ancienne position dans la forêt de l’Argonne.
Binarville – Repos.
Ce matin,
revue en tenue de campagne.
À 14 h,
départ pour la forêt. Arrivée dans l’ancienne position à 16 h. on occupe
d’abord la position 1, à 19 h. On occupe la position 2. Nuit assez calme.
Le 17 à 5 h
30, retour à la position 1.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 7 h,
retour à la position 3. Nous devons balayer et nettoyer la tranchée ; à part
cela, rien de nouveau.
Le soir, suis
envoyé en patrouille vers la position ennemie. Je dois voir si l’abatis à des
trous, si derrière l’abatis il y a des fils de fer et si la position ennemie ne
comprend qu’un groupe.
Je reviens
de cette mission indemne.
Dans la
forêt de l’Argonne.
8 h. Nous
sommes relevés de la position 1. Nous recevons du dépôt 35 hommes. Travaux de
tranchée.
À 10 h du matin se présente un parlementaire
français. De notre coté, un officier se
rend dans la position ennemie, nous espérons déjà qu’il y aurait du changement,
mais il n’en fut rien.
À 16 h, les
hostilités reprennent. Nous ne savons pas ce que voulait le parlementaire.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 8 h, en
avant dans la position 1.
À 10 h, nous
commençons un feu violent sur l’adversaire parce que le 2ème bataillon doit
procéder à une attaque. De même nos lourds se mettent à tirer contre la
tranchée qui doit être prise. Les Minenwerfer de gros calibre dirigent
également leur feu sur la position.
Entre temps,
un coup des lourds frappe trop court et tue ou blesse 17 hommes de la 11ème
compagnie. L’attaque réussit en partie.
Dans la
forêt de l’Argonne.
À 8 h
relève, retour à la position 1.
De 12 à 14
h, travaux de retranchement. Sinon, rien de nouveau.
L’après
midi, je fus commandé pour un enterrement, on enterre 6 hommes de la 11ème
compagnie, un volontaire de l’Artillerie et un Pionnier, un aumônier
protestant, conduisait l’enterrement et ce fut sublime.
Dans la
forêt de l’Argonne.
Le matin en
position 2, à nouveau, travaux de tranchées. Aujourd’hui la ville de Verdun
doit avoir été bombardée pour la 1ère fois.
Le soir en
position 3.
Nous
recevons la mission de creuser une tranchée tout à fait en avant entre la sape
1 – 9. Je viens avec le 4ème groupe à l’extrémité droite. Ce n’est pas chose
facile de creuser une tranchée à 40 m de l’ennemi.
Dans la
forêt de l’Argonne.
Relève le
matin : retour à la position 1 où nous avons un peu de repos. Mais quelle nuit
ce fut.
Si les ennemis
avaient su quel était notre dessein, nous n’aurions pas réussi, certes.
FIN
DES ECRITS
Il fût tué le 23 octobre dans le
bois de la Gruerie
Vers d’autres témoignages
de guerre 14/18