Mise à jour :
mars 2019
Pascal nous dit :
« Un
grand-cousin, Théophile JOUSSEAUME, était soldat au 64eme RI d'Ancenis. Son
journal, a été dactylographié avec ses fautes d'orthographe, il y a bien longtemps.
Le journal
manuscrit (et perdu depuis) était resté en Vendée à son domicile. »
Celui-ci s'arrête, car Théophile, l'a rédigé pendant sa convalescence, puis est
retourné au front sans le reprendre. Il a ensuite été fait prisonnier. »
Théophile (prénom d’usage) est né le 10
mars 1889 à St Martin des Noyers – Vendée.
Affecté au 64e RI pour son service
militaire en 1910-12- Mobilisé au 64e RI en août 1914.
Sa fiche
matriculaire est visible ici (3 pages)
« J’ai
corrigé volontairement les fautes d’orthographe. Je pense que la première copie
dactylographiée a produit beaucoup de fautes de recopie par rapport au document
original. Tous les lieux cités ont été retrouvés et rectifiés. On les retrouve
facilement dans les JMO (journaux des Marches et Opérations) du régiment, de sa
brigade et même dans celui de la division d’infanterie. J’ai ajouté du texte en
bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans
l’analyse du récit. »
Didier (le Chtimiste).
Jour de mobilisation fût le commencement des engouasses.
J’ai été dire au revoir à ma famille accompagné de ma femme.
Le lendemain, il fallait partir rejoindre mon
régiment le 64ème à Ancenis, le départ de la maison fût assez pénible, mais
enfin une fois parti j’ai repris mon sang froid petit à petit.
J’ai été prendre le train à la gare de Sainte
Cécile à 8 heures du matin ou de nombreux camarades de la commune étaient
réunis pour se diriger chacun sur la direction indiquée.
A huit
heures, le train part, on arrive à Montaigu pour prendre la grande
ligne, déjà la population était nombreuse.
A Nantes, on change de train pour
prendre la direction d’Ancenis. On arrive à Ancenis dans l’après-midi.
Là, j’ai reconnu de nombreux copains de
régiment qui arrivaient pour la même occasion que moi.
Dans la
soirée, on nous a habillés.
Le lendemain on passe la revue en tenue de
campagne, prêt à partir.
Déjà on avait commencé à coucher sur la paille.
Le lendemain, on part ensemble tout le
régiment sur la place d’Ancenis. Le colonel nous fait faire quelques mouvements
d’armes et on prend le chemin de la gare à 10 heures.
La population nous acclamait et nous
distribuait des bouquets que nous mimes à orner nos wagons et en avant pour la
frontière.
Le voyage a duré 36 heures, le voyage fût
long car il y avait beaucoup d’encombrement et le train était chargé, nous
suivions la vallée de la Loire jusqu’à Angers où nous restons une heure,
ensuite on a pris la direction de Paris en passant par Le Mans, Chartres
et le lendemain matin nous arrivions à Rambouillet, là on nous a
distribué.
Juste un peu plus tard on arrivait à Versailles,
de là on prend le train et on laisse Paris sur la gauche, on passe à Choisy-le-Roi,
Nogent, Noisy-le-Sec. Nous changeons de direction pour prendre la
ligne de Meaux - Reims, où nous avons arrêté une heure à Reims pour nous
diriger ensuite sur le nord-est de la France.
On débarque à une heure du matin à Grandpré dans les Ardennes.
On a passé le reste de la nuit à Grandpré. (*)
(*) : Seuls, les 1e et 2e bataillons couchent à Grandpré.
Le lendemain, on va cantonner à Harricourt, l’étape fût assez pénible car il faisait
mauvais temps, il y avait de fortes collines en arrivant à Harricourt,
j’ai été en un petit poste et on a couché sur le bord de la route, on n’a resté
deux jours à Harricourt.
(*) : Seul le 1e bataillon cantonne à Harricourt.
Théophile est donc soldat de ce bataillon.
On reprend notre marche par une chaleur
étouffante, l’étape assez longue, nous arrivions à Mouzon vers dix
heures, nous allions cinq kilomètres plus loin jusqu’à Amblimont.
Là, nous
restons huit jours notre compagnie était en avant-poste pour assurer le
passage d’un corps d’armée.
De là, on découvrait déjà les forêts de Belgique.
Le 16 au matin nous avions reçu l’ordre de
partir. Nous avons suivi la vallée de la Meuse pour aller jusqu’à Sedan
où nous avons été cantonnés dans une filature.
Nous y sommes restés trois jours.
On a quitté Sedan pour rejoindre la
Belgique qui se trouve à dix kilomètres environ.
En arrivant au poteau frontière il y avait le
drapeau français et le drapeau belge. Nous avons suivi une belle allée de
sapins pendant trois ou quatre kilomètres. A notre gauche nous avions la France
et à droite la Belgique.
Déjà on se demandait quand on reverrait notre
France.
Sortant de cette belle allée nous nous
trouvions sur une crête d’où nous apercevions différentes forêts qui dominaient
au lointain sur la Belgique.
De là nous avons été cantonné à Corbion,
nous y sommes restés deux jours.
On a quitté Corbion
au soir pour faire une marche de nuit à travers la forêt du Luxembourg belge.
Nous avons resté une journée encore dans un petit village dont je ne connais
pas le nom. (*)
(*) : Il s’agit de Mogimont,
Belgique.
Le vingt et
un, vers 4 heures, on part encore pour faire une marche, à peine avait on fait
quelques cents mètres qu’un violent orage éclate comme on a guère vu. ça tombe à torrent.
il fallait marcher tout de même, de sorte que
nous étions traversé de part en part pendant notre marche, on croisait des
cavaliers, des dragons, des chasseurs, des hussards, des cuirassiers après
avoir passé cette xxxx qui a duré pendant quatre à cinq kilomètres,
nous arrivions au cantonnement.
Là nous fîmes du feu pour nous sécher un peu avant
d’arriver au village, deux hulans égarés ont été tués pour le 25 xxx cycliste.
Le lendemain nous quittons le village à xxx,
de là nous passons à Paliseul, de là on
entendait dans le lointain le bruit sourd des canons. À peine avions nous passé
Paliseul que nous apercevions au-dessus des
forêts à l’horizon un nuage de fumée sur le village de Maissin
qui était en feu.
Nous avons passé par xxx et quelques instants
après nous arrivions au pied d’une colline et on nous a distribué encore des
cartouches. Les brancardiers ont xxxx leurs
brancards, on nous fît marcher en ligne déployée pendant environ quinze cents
mètres, il était environ quatre heures, on gravit cette colline pour la
redescendre, ensuite nous longions une forêt à notre gauche car nous étions en
bas dans une prairie.
De là, notre capitaine envoie une patrouille
pour voir ce qu’il y avait dans le bois à notre gauche.
Ils n’avaient pas fait cinq cents mètres
qu’ils tombèrent tués, alors les balles commençaient pour la première fois à
nous siffler aux oreilles. On baissait la tête, « froussards » nous dit un lieutenant, « n’ayez pas peur ».
En effet, nous fîmes encore quelques cents
mètres dans un champ d’avoine, de là on se déployait en tirailleurs face à
l’ennemi, en arrivant à trois cents mètres d’eux, on avance environ de cent
mètres et on se terre à plat ventre car les balles et les obus nous menaçaient
sérieusement déjà.
« En
avant » nous dit le capitaine.
On avance encore et on ne peut avancer, on se
terre une autre fois et plusieurs ce fût la dernière.
Hélas une pluie de balles nous criblaient au
bout de quelques temps, on entendait des cris déchirants et il y avait pas mal
de morts. Cette pluie de balles, qui était aussi épaisse que la grêle de la
veille, a duré pendant trois heures de temps.
Je me rappelle que j’ai resté trois heures de
temps le nez à terre sans pouvoir bouger, les balles tombaient de tout côté, je
me croyais au dernier jour. En avant de moi se trouvait le capitaine, lui fût
blessé à une fesse et à côté de lui un camarade fût tué, et de chaque coté c’était la même chose.
Enfin après
une heure d’attente, nous artillerie commençait à battre la
lisière du bois que les boches occupaient.
Là notre artillerie se fit entendre, ça
venait de devant, de derrière, ont été assourdis, c’était une fumée de poudre
de tout côtés, à la fin de la journée les clairons
sonnent la charge à la baïonnette pour chasser définitivement la position de
l’ennemi.
Là, je me relève à moitié étourdi car je me
demande comment je faisais pour me trouver encore vivant, car de chaque côté de
nombreux copains étaient inanimés, la scène fût touchante, les clairons
sonnaient la charge, des cris de « en
avant à la baïonnette » se répétaient de tous côtés en se mêlant
aux cris déchirants des blessés.
Les deux clairons de ma compagnie furent tués
en sonnant la charge. À chaque pas que l’on faisait on se heurtait dans les
morts ou les blessés, malgré tout nous marchions toujours sur la lisière du
bois en fuyant devant nous comme des lâches, mais sur deux cent soixante que
nous étions avant à la compagnie, deux heures après nous étions que cent trente
sur le champ de bataille.
La nuit commençait à venir, alors une
compagnie fût installée en petit poste sur le bord de la route qui allait du
bois au village de Maissin.
On était au milieu des morts et des blessés
boches qui gisaient de chaque côté dans un grand nombre tout le long de la
route à dix heures nous entendions tirer sur notre droite en la direction de Maissin, c’était les boches qui voulaient attaquer pour
prendre le village, mais le 62 qui était encore là, qui avait fait placer ses
mitrailleuses qui les attendaient, les a refoulées avec des pertes
considérables.
Le reste de la nuit s’est passé dans une grande anxiété.
Enfin à l’aurore, on était dans le village de
Maissin.
On continue l’attaque en attendant des
renforts car nous étions qu’une poignée d’hommes du 1er bataillon du 64 et du
62, car toutes les troupes s’étaient repliées dans la nuit à plus de vingt
kilomètres en arrière et nous n’en savions rien.
Si c’est vers 7 heures qu’on reçoit l’ordre
de nous replier et c’était temps car l’ennemi qui avait peu de troupes qui les
arrêtaient, menaçaient de nous cerner et nous faire prisonnier et nous arroser
d’obus et de balles pendant plus de trois kilomètres, alors on se trouve dans
une forêt où une batterie du 35 était abandonnée.
Nous avons marché pendant environ deux heures
à travers les bois et nous voilà de retour à Paliseul
vers 10 heures où nous avions passé la veille.
Là, un camarade et moi, on achète chacun un
œuf pour notre repas car on ne recevait pas de vivres.
Voilà à Bouillon on les attendait avec des
fortifications plus organisées qu’à Maissin, mais qui
n’a servi à rien car le lendemain on rentrait en France jusqu’à Sedan. (*)
(*) : Le combat de Maissin a
causé au régiment 8 officiers tués, 2 blessés et 458 sous-officiers et hommes
hors de combat. (JMO)
Nous avons arrêté l’ennemi car on leur donnait le passage
de la Meuse difficile. Mais on avait en face de Sedan le 17ème corps qui leur a
laissé passer la Meuse sans résistance.
Au soir, il a fallu se replier encore de
nouveau.
On a passé la nuit dans un champ de terre labouré, on
était couché par quatre toujours sac au dos. il a
tombé de l’eau toute la nuit.
Le jour suivant on s’est replié sans aucune
résistance jusqu’auprès de Bulson.
Nous avons resté pendant trois jours.
Le vingt-huit nous avons
attaqué, il a fallu encore une fois franchir la mitraille, c’est alors qu’en
fonçant en avant j’ai été atteint d’un éclat d’obus à deux pas de moi, trois
camarades tombent morts et le quatrième eût les deux jambes coupées.
Moi j’ai été en plusieurs endroits différents
sans être blessé, ce qui eût le plus de mal c’est ma gamelle qui fût traversée
de part en part et mon quart fût broyé également dans ma musette, ma capote et
mon képi furent déchirés mais ça n’a pas été plus loin.
Mais j’ai dû rester sur place pendant un
petit moment quand un camarade me dit :
« Es-tu blessé ».
« Non », je lui réponds sans trop
savoir si c’était bien vrai.
Mais en effet j’en étais quitte que pour la
peur et je reprends ma marche en avant à travers les balles qui sifflaient de
tous les côtés.
La nuit arrivait et on s’est encore retiré
pour marcher toute la nuit, c’est alors qu’un copain du 13ème me donne un bout
de pain et un quart d’eau car on n’avait pas touché de vivres depuis deux jours
et on marchait toujours avec une soif terrible
La veille, le 13ème avait pris un colonel et
un drapeau à l’ennemi, ceci se passe à Bulson,
notre compagnie commence alors à être bien déformée, il ne reste plus que 60
hommes environ. (*)
Et le vingt-neuf
nous avons été rejoindre le renfort qui nous arrivait d’Ancenis. (**)
(*) : Au combat de Bulson, le
64e RI a plus de 100 tués.
(**) : Le renfort est composé d’environ 800 hommes.
Du 29 au 31 août, le régiment est en retraite vers le
sud.
On a passé la journée sur le bord d’une voie
ferrée.
Nous étions dissimulé derrière un talus à
trois cent mètres devant nous coulait un ruisseau.
Nous avons été faire un pont pour permettre à
nos premières lignes de passer en cas de repli et en effet un peu plus tard on
se débinait de nouveau à travers les obus, c’était Attigny.
Après nous avoir ainsi fait la chasse pendant
une heure, on a marché jusqu’à une heure du matin et nous sommes couchés dans
un chemin à côté d’un petit village.
Il y avait à peine trois heures que nous
étions là, que nous étions réveillés par les obus qui nous tombaient, car les
boches avaient aperçus des feux que les cuisiniers faisaient, ce fût une grande
débandade et heureusement que ce matin-là il y avait un fort brouillard qui les
empêchés de nous voir débiner.
Là, il y a encore plusieurs blessés, enfin
après avoir marché pendant deux heures on nous vit déployer en tirailleurs face
à l’ennemi, mais nous n’avons pas été longtemps car plus tard on attendait le
commandement des officiers allemands.
Nous avons encore reculé un peu plus loin et
nous avons resté un moment sous les obus. Derrière nous était le canal de la
Marne au Rhin.
On a
traversé ensuite le canal et l’on se trouvait dans la vallée de la Marne. Nous
marchions dans la vallée depuis un moment quand tout à coup à la Marne, on l’a
suivie un moment pensant trouver un pont pour traverser et finalement on s’est
aperçu qu’il n’y avait pas de pont. En ce milieu et la Marne faisait un fameux
coude et pour trouver un passage il fallait retourner en arrière et à gauche de
trois kilomètres environ. Il y avait un pont à notre gauche mais les boches
bombardaient déjà.
Notre position était critique, nous étions
environ 150 hommes, c’est alors qu’on découvre une barque qu’il y avait à
l’autre rive, alors un homme se met à la nage avec une pioche dans les dents
pour couper la chaîne qui tenait le bateau.
Après beaucoup d’efforts, il réussit à
ramener la barque de notre bord pour nous embarquer. On ne pouvait pas monter
plus de sept à la fois, c’est alors que le capitaine emmène la moitié des
hommes passer au point qui était à notre gauche, il y avait pas la moitié de
passé que les balles sifflaient déjà.
Ce fût un vrai désarroi complet car tout le
monde voulait passer à la fois de peur d’être fait prisonnier, mais le bateau
n’était pas assez grand.
À un tour on monte douze, l’eau affleurait
les bords, en arrivant à l’autre bout, quatre attrapent des branches mortes et
le bateau chavire et nos hommes coulaient à pic, sinon deux ou trois ils se
seraient noyer car à cet endroit il y avait bien 5 mètres d’eau.
Enfin au bout d’une heure, le travail était
terminé sans accident.
Mais après il fallait marcher pour rejoindre
le régiment, mais la chaleur nous accablait et nous étions beaucoup fatigué,
car on marchait toujours par grande privation, c’était le trois septembre.
On ne dormait presque pas. Des vivres on n’en
avait presque jamais.
Il faisait dans ce moment une chaleur
terrible et on se demandait si ça durerait longtemps cette drôle d’existence.
On mangeait des pommes, des prunes que nous ramassions sur notre passage.
Un jour nous n’avions pas reçu de vivres
depuis la veille et sans savoir où était les xxx alors on fit cuire chacun deux
ou trois pommes de terre en vitesse.
Jusqu’au
cinq, il n’eût pas grand événement. (*)
(*) : Ils sont toujours en retraite vers le sud
Mais le cinq au soir, on fît prendre position
près du petit village de Beurile (*), repos là.
Nous avons passé la nuit sur le bord d’une
route dans le fossé toujours le sac sur le dos car je crois bien qu’on l’avait
bien presque nuit et jour pour être pus vite prêt à
se sauver. (*)
(*) : Le JMO précise que le 1e bataillon reçoit l’ordre
d’occuper Écury-le-Repos à 16h00.
Le lendemain matin juste vers 9 heures on ne
voyait rien qu’en tout à coup l’ennemi nous renvoie des rafales d’obus qui nous
criblent. On restait toujours sur place malgré la mitraille quand tout à coup
on aperçut que les boches cherchaient à nous cerner.
En effet, pendant que leur artillerie nous
faisait terrer, leur infanterie cherchait à nous prendre de flanc, c’est alors
qu’il a fallu nous replier de nouveau et faire vite à travers une grande plaine
d’où les boches nous criblaient par leurs obus. Pendant toute la traversée, je
me demande comment on a fait pour se tirer encore cette fois car ça tombait de
tout côté.
Enfin, bref, on arrive à gagner la lisière
d’un bois, là on fit encore face aux boches et on les attend de nouveau.
Le soir, on couche
sur terrain c’était le 6 septembre
Le lendemain 7, nous allions pour renforcer
le 293 qui se trouvait à notre droite dans le bois.
Vers midi, on se retire
c’est alors qu’un commandant nous dit qu’il fallait tenir coûte que coûte, il
fallait tenir l’ennemi pendant quatre jours et c’était le troisième jour que
nous étions là et il ne fallait pas que les boches avancent plus loin, car leur
armée de droite reculait et il fallait nous aussi les repousser.
Alors on retourne sur nos pas jusqu’à la
lisière du bois pour repousser les boches, mais les balles nous criblaient, je
me couche alors à plat ventre à la lisière du bois derrière un sapin.
La nuit
venue, on se retirait un peu plus loin dans le bois et on se couche et on
dormait comme si rien n’était, tellement que nous étions fatigués en ce moment.
Quand vers
trois heures du matin, on aperçoit des ombres qui se dissimulaient
dans le bois.
D’abord nous croyons que c’était nos petits
postes qui se repliaient quand tout à coup ça tire sur nous, nous leur
défendions de tirer croyant que c’était des Français, mais c’était les Boches
qui avaient pris les sentinelles et s’avançaient sur nous.
Ce fût alors une mêlée de hurlements et de
coups de fusil, car on était les uns sur les autres et ils s’amenaient en
masse, le 293 s’est battu à coups de crosse et il y
eût des prisonniers, des blessés et des morts car ce fût une débandade à
travers la plaine et les bois.
On
utilisait les accidents du terrain comme on pouvait en se sauvant, car ça
venait de partout ils cherchaient encore à nous cerner, plus on se sauvait plus
les balles étaient nombreuses, là notre capitaine fût tué, heureusement que
nous avions d’autres lignes pour les arrêter car ils s’avançaient vite.
Enfin après s’être sauvé comme cela pendant
plusieurs kilomètres, le régiment s’est rassemblé, c’est alors qu’il y avait
encore beaucoup d’absents près de huit cent dans le régiment, blessés, prisonniers
ou morts. Il ne reste plus d’officiers et guère de sous-officiers, c’était le huit septembre que cela se
passait, c’était bien dur en ce moment car il fallait faire vite à se sauver
avec le ventre vide souvent.
C’était à la Fère-Champenoise.
(*) : La retraite de la Marne et les combats
d’Écury-le-Repos coutent au régiment 3 officiers tués, 15 blessés, 8 disparus
et 21 hommes de troupe tués, 236 blessés, 993 disparus.
Le lendemain
neuf, on n’était auprès du petit village de Corroy.
Là, les obus nous ont dégringolé
encore toute la journée.
Et le dix, on se
prépare encore à l’attaque quand soudain l’ennemi n’était plus là, ils étaient reculé.
Alors notre artillerie les poursuivi et les
forçaient à se sauver au plus vite.
C’est en débinant qu’ils subirent des grandes
pertes, car dans notre marche en avant on battait les bois pour voir s’il en
restait personne et ceux qu’on trouvait se rendaient la plupart.
C’est là que nous voyons les effets de la
guerre, les cadavres se multipliaient.
Je me souviens que dans un petit bois que des
débris de pantalons, des chemises, des casques, des bottes, le tout était des
reliques de boches tout ensanglantées, des fusils il y en avait beaucoup aussi,
mais ils étaient tous broyés.
Tous les villages étaient incendiés et cela a
duré pendant quatre jours.
On a avancé d’environ quatre-vingt
kilomètres. Nous avons passé à Châlons-sur-Marne.
Là on nous fit coucher sous un hangar. On se trouvait
heureux d’être abrité, car on n’avait pas couché à l’abri depuis Sedan.
Enfin le 13, on marche
jusqu’au camp de Chalons.
Là nous y sommes restés pendant cinq jours.
Là encore ont été pas encore heureux car les
cinq jours que nous avons passé dans le camp il n’a fait que tomber de l’eau et
nous couchions à plat ventre sur le terrain en colonnes par quatre sans paille
ni rien tout équipé.
Le matin, on se relevait à moitié gelé pour
aller prendre position en avant sur une crête. Nous avions le 137 qui occupait les premières lignes devant nous et le quatrième
jour le colonel nous dit qu’il fallait aller renforcer le 137 coûte que coûte
car les Boches étaient là et ils ne reculaient plus.
Alors on passe la crête au pas de gymnastique
car les Boches nous arrosaient d’obus, alors on va rejoindre le 137 et on reste
jusqu’au soir.
A vingt mètres de moi, il tombe un obus sur
une escouade du 137 qui en blesse quatre et en tue deux.
Enfin le soir, on remonte la crête et on
retourne se coucher sur le camp qui était environ 500 mètres derrière nous.
Le lendemain, on
retourne occuper une tranchée à droite du 137.
Là, il a tombé de l’eau toute la journée et la nuit et
fait un vent épouvantable, je me souviens, qu’un camarade et moi, on quitte
notre tranchée pour aller nous coucher dans une meule de paille qui était en
avant de nous.
Le lendemain
matin 19 septembre, on reçoit l’ordre de partir pour Reims vers 6 heures.
On quitte le camp de Chalons, on fait plus
de quarante kilomètres dans la journée, car nous avons marché tout le jour
avant d’arriver à Reims.
Nous avons trouvé de grands vignobles, cela
nous faisait ouvrir les yeux car on n’avait pas vu un pied de vigne partout
ailleurs et nous avions déjà été en Belgique, dans les Ardennes et une grande
partie de la Marne.
On arrive la nuit auprès de Reims. Pour nous
reposer de notre marche, on nous fit coucher dans un champ de terre labourée où
il a tombé de l’eau encore toute la nuit.
Le matin nous étions traversés de part en
part.
Là, je me demandais si c’était la fin, jamais
une nuit m’avait paru encore aussi pénible, enfin je n’étais pas encore mort
pour cela. De là on nous emmène jusqu’à Cormontreuil tout auprès des
maisons de Reims.
Là on fit du feu pour se réchauffer et une
heure après on était rétabli, on passe la journée à Cormontreuil et le
soir on retourne coucher où on était la veille, c’est vrai que le plumard était
bon.
Devant nous on voyait la ville de Reims qui était en feu.
Cette belle cathédrale était en flammes.
Le vingt-deux ont s’en va être soutien d’artillerie à côté de Cormontreuil,
dans la soirée on nous ramène à Bezannes qui
était à gauche de Reims pour nous reformer de nouveau.
On passe ici une journée de repos et le 24 on reçoit l’ordre de se diriger
sur Épernay, on part vers 7 heures du soir.
Nous avons marché toute la nuit jusqu’à 7
heures le lendemain, là on nous fait une pause de trois heures et à dix heures
on reprend notre marche, nous avons passé à côté de l’état-major anglais qui
était à la Fère-en-Tardenois dans le département de l’Aisne.
Nous arrivons au cantonnement à huit heures
du soir, nous avions cinquante kilomètres environ depuis la veille.
Le lendemain on reprend
la marche jusqu’à Compiègne qui était environ à trente-cinq kilomètres.
Nous avons logé chez un marchand de vins,
nous y sommes restés jusqu’au vingt-huit et le lendemain on part pour
Compiègne, nous avons traversé la belle forêt de Laigue
d’une longueur de quinze kilomètres avant d’arriver à Compiègne.
Là, nous avons traversé la rivière l’Oise sur
un pont de bateau fait par le génie car les autres étaient sautés et ensuite
nous avons été à la gare pour prendre le train.
Le régiment part pour la Somme pour un épisode de la guerre que l’on nommera « la course à la mer ».
Ce nom s’est imposé après la bataille. Il ne correspond
pas à la réalité. La mer ne constitue nullement un objectif. Mais cette course,
qui s’est engagée pour prendre à revers l’aile droite ennemie à partir de la
mi-septembre, s’est terminée quand les armées ont atteint le littoral de la mer
du Nord à la mi-novembre. Le 64e RI fait partie du 11e corps d’armée. Voir une
carte d’ensemble du mouvement à ici
On a été débarqué à La Boissière-Fécamp,
nous y sommes restés pendant un jour.
Le lendemain, nous avons
fait encore une quinzaine de kilomètres et on nous a embarqué de nouveau dans des
camions automobiles pour prendre la direction d’Amiens, on descend vers minuit
dans un petit patelin où nous avons passé la nuit.
Depuis Chalons, nous avons contourné la ligne
de combat pour aller dans l’aile gauche.
Le lendemain 1er octobre on se dirige sur Albert.
Là, nous avons rencontré des boches alors un
violent combat s’est encore produit car il a fallu encore les arrêter. Nous les
avons arrêtés en effet mais encore une fois il y a eu des victimes.
Nous avons tenu les boches pendant huit jours
et nous avons été remplacés par le vingtième corps. (Combats de La Boisselle-Fricourt,
80)
De là, on reprend pour aller plus au nord,
mais en passant à Mailly-Maillet
environ dix kilomètres de là il y avait des régiments territoriaux, qui tendait
à battre en retraite alors on nous a fait rester pour les renforcer.
Le soir, on a passé la nuit sur le bord d’une
voie ferrée.
Le lendemain on a été
dans les tranchées que le génie avait fait en avant de Mailly-Maillet.
Notre compagnie y a resté pendant une douzaine de jours, on commence à être pas
trop mal, nous étions guère au danger car on était en dernière ligne.
C’était en les premiers jours d’octobre.
On a resté
là pendant plusieurs semaines.
On a progressé sur les boches de tranchées en
tranchées.
Il y eût toujours quelques victimes, mais
moins que les mois précédents et c’était moins pénibles que par le passé car on
était mieux nourri. Les vivres venaient plus régulièrement. On pouvait faire la
cuisine en arrière ligne de feu dans les patelins environnants, mais on était
souvent dérangé par les grosses marmites que les boches envoyaient de temps en
temps qui démolissaient nos maisons et mettaient le feu partout.
Alors il fallait plier bagage et on se
débinait à côté car il ne faisait pas toujours bon où cela tombait.
Étant de repos, c’est à dire à deux ou trois
kilomètres des premiers lignes, on était en sûreté pour les balles, on avait
que les obus à craindre, là on faisait des tranchées qu’on recouvrait de paille
et de terre pour se loger et qui ne dépassaient pas le ras du sol pour être
moins visible, on s’enterrait déjà tout vivant.
Les tranchées qui étaient plus en avant
étaient moins compliquées. C’était simplement de grands fossés pour permettre
de tirer et de se protéger des balles dans le fond des tranchées qui étaient à
peine à 100 mètres des boches. On avait chacun un trou comme un terrier de
lapin, et quand ça venait des rafales d’obus on se fourrait dedans.
Pas une drôle de
vie, le travail n’était pas si pénible que quand il fallait marcher jour et
nuit.
Mais l’hiver vient à grand train le froid, la neige
arrive et il commence à y faire moins bon à rester inanimé ou à coucher sur la
terre.
Mais voilà le mois de novembre.
C’était le quatrième mois de guerre et
toujours la même chose.
Les attaques étaient moins fréquentes, car on
avait qu’à maintenir les boches, mais voilà le 18 novembre ma compagnie est au
repos à Forceville pour trois jours un petit
village en arrière de la ligne de feu.
On avait
deux jours de passé, quand le 18 au soir qu’on reçoit l’ordre de
partir, tout le monde se demandait ce qui allait se passer.
On nous distribuait des outils, des officiers
paraissaient empressés, les voitures à munition tout était sur pied, on croyait
partir plus au Nord mais on n’en savait rien.
On passe dans le petit village de Beaussart vers minuit. On se couche dans les
bâtiments qui étaient disponibles et à deux heures on repart et on reprend la
direction des tranchées que nous avions quitté il y avait deux jours.
Ma section a été désignée pour être en
première ligne, on relève le 69 qui était dès la veille en arrivant le génie
était là à placer des pétards à mélinites devant les tranchées aux boches pour
faire sauter les fils de fer qu’ils avaient placé pour nous en empêcher de
charger à la baïonnette.
Là on s’est dit c’est un coup qui se prépare et c’était
réel car on est fait à tous les caprices. Le génie a fait partir ses pétards et
ensuite notre artillerie a commencé à bombarder les tranchées des boches pour
tenter à les déloger.
Il était 7
heures du matin le bombardement a duré une demi-heure sans relâche.
Cela faisait un vacarme épouvantable.
Vers huit
heures l’artillerie cesse et alors on reçoit l’ordre qu’il fallait sortir des
tranchées et délogés les boches à la baïonnette. Mais ce n’était pas toutes les
tranchées, c’était peut-être à soixante mètres les unes des autres et les
boches n’étaient pas tous morts.
Ils étaient encore là bien retranchés, et
tous voyaient le danger qu’il y avait à foncer à la baïonnette, car ce n’était
pas la première fois que cela se produisait depuis le début de la guerre et à
chaque fois c’était des pertes énormes et aucun résultat.
Et alors vers
huit heures et demi, l’ordre arrive de nouveau qu’il fallait forcer coûte
que coûte mais ce n’était pas à qui sortirait le premier, car chacun voyait le
sort qui l’attendait quand tout à coup le lieutenant prend son revolver et dit
« je tire sur celui qui recule ».
Alors un caporal lève la tête par-dessus la
tranchée pour tenter à avancer, le pauvre malheureux reçoit une balle en plein
dans la tête et il tombe sur le coup il était mort et alors le lieutenant sort
son revolver car ça l’avait impressionné de le voir tomber à ses pieds. Chacun
croyait être à sa dernière heure, encore une fois on est resté dans l’anxiété
comme cela pendant un petit moment car personne ne voulait avancer.
Vers 11
heures, encore la comédie qui reprend de nouveau avec des sommations pour
avancer.
A force de supplier, quelques camarades se
sont risqués à sortir mais ils n’ont pas été loin car ils reçoivent une rafale
de balles qui les a criblés.
J’étais là, moi aussi, à attendre le moment
fatal quand tout à coup, il tombe une bombe sur la tranchée où j’étais. Je me
suis cru coupé en deux et les copains qui étaient à mes côtés, ont ressenti la
même secousse, ont été recouverts de terre et assourdis par la détonation.
Mais il y avait aucun accident, c’était que
l’effet de la poudre.
Alors on se débine dans une tranchée en
arrière, on s’est dit blessé mais c’était faux ; heureusement et par la
pluie qu’il tombait à force de se rouler sur la terre on ne savait pas si
c’était des hommes qui étaient là.
Vers la fin
de la journée au lieu de tomber de l'eau c'était de la neige, en
l'espace d'une heure la terre fut recouverte alors pour la troisième fois dans
la journée on reçoit l'ordre de foncer en avant.
Là je me trouvais un peu plus en sûreté car
je n'étais plus dans les premières tranchées et je pensais, je ne serai pas le
premier à partir en avant chacun fait comme il peut.
Là au commencement de « en avant » plusieurs hommes
s'avancent en poussant des cris de « en
avant » pour effrayer les Boches, mais malgré tout
les Boches tiraient sans relâche et bientôt des cris de détresse se mêlaient
aux cris de « en avant »
car il y avait déjà plusieurs victimes et on ne peut aller plus loin, car à
chaque pas les rangs s'éclaircissaient.
la fusillade
s'arrête et les Boches n'ont pas reculé mais parmi nous il y avait des absents.
C'était encore un tableau de voir nos
camarades qui gisaient inanimés sur la terre couverte de neige.
Vers deux
heures, notre compagnie fut relevée par une compagnie du 65.
C'est en nous repliant qu'une chose me fit de
la peine et plusieurs camarades comme moi, quand on a vu depuis le commencement
un camarade était tombé mort dans une tranchée et nous tous passer dessus lui
sans savoir si c'était un homme.
Cette journée du 19 est encore mémorable pour
nous.
le soir, nous avons
été coucher à Colincamps un peu plus en
arrière de la ligne de feu en nous retirant on est passé auprès d'une sucrerie (*) où tout
était dévasté, brûlé et démoli par les obus et avec la neige et la lune, qui
rayait le tout, semblait à une journée de tristesse.
Les jours
suivants se passèrent sans faits remarquables comme celui-ci
jusqu'à la fin de novembre, ce qui nous faisait le plus de mal c'était le
mauvais temps, la pluie, le froid qui nous menaçait dans nos tranchées et qui
parfois écroulait et on se trouvait sans abri et alors il fallait reconstruire
sa maison de nouveau.
C’était la peine du métier.
(*) : Sur l’emplacement de l’ancienne sucrerie, a été
érigé un cimetière britannique qui porte le nom de « Sucrerie Military Cemetery »
Nous voilà au mois de décembre.
Les premiers jours nous nous trouvons au repos c'est
toujours le mauvais temps d'hiver vent et neige fondue par moment.
Le 3 au soir, on reçoit
l'ordre de repartir dans les tranchées relever le deuxième bataillon qui venait
au repos à son tour qui occupait le secteur où était le 137, depuis deux mois à
la limite de la Somme et du Pas-de-Calais.
Nous avons passé là huit jours assez
paisiblement. Aucun accident extraordinaire ne s’est produit, quelques coups de
feu de temps en temps sans faire trop de mal.
On n'était pas trop mal ravitaillé. Les
cuisiniers nous faisaient de la soupe et du jus chaud à volonté en arrière de
la ligne de feu dans les bâtiments d'une ferme détruite par l'artillerie
allemande.
Je me souviens qu'un matin la terre était
gelée et encore recouverte par la neige et comme l'eau est très rare dans le
pays que nous occupons, il faut la chercher à cinquante à soixante mètres de
profondeur et les citernes peu fréquentes.
Notre cuisinier de l'escouade eût l'intention de faire du
café en faisant fondre la neige mais le résultat fût médiocre, la neige au lieu
de fondre brûlait au fond de la marmite, par bonheur une mare d'eau se trouvait
à quelque pas de là alors nous avons pris notre jus comme à l'ordinaire.
Le 11 au
matin, on nous relève par un bataillon du 137, car tout notre régiment s'en
allait au repos à Acheux et à Léalvillers, petit pays environ dix kilomètres en
arrière des lignes.
Nous restâmes ici jusqu'au 15
Le lendemain réveil à deux heures pour aller
renforcer une attaque qui devait avoir lieu dans la zone que nous occupions les
jours précédents.
Mais le coup fut manqué, je ne sais pas
pourquoi et alors on retourne à notre emplacement que nous avions quitté le
matin.
Nous restons là deux jours.
Le dix sept., on part à
trois heures du matin sans savoir où on allait comme toujours, mais de loin on
apercevait les boches qui lançaient des fusées.
Nous arrivâmes à une petite ligne de chemin de
fer, là notre colonel déploya son régiment dans un bas-fond tout le long de la
voie ferrée, nous restons là jusqu'à 10 heures dans la matinée. Nous étions à
trois ou quatre kilomètres des lignes boches le temps était beau, les
aéroplanes voyageaient quand tout à coup un air boche par-dessus nos têtes
donnait des signaux à son artillerie.
Là on
reçoit quatre à cinq grosses marmites qui ne nous fit pas trop de mal, il y eut
un mort et un blessé parmi nous après la rafale on se place pour prendre
position plus en avant à notre droite, en avant du petit village d'Aveluy. Nous étions en réserve du 62 et du 19
d'infanterie.
Toute la journée forte canonnade d'artillerie
française leur répondirent de temps en temps pour faire voir qu'ils étaient
toujours là, les obus allemands tombaient à côté de nous dont un fit assez de
mal.
Environ cinq cent mètres de nous se trouvaient des
chevaux, des mitrailleuses, un obus en tua huit et un infirmier qui se trouvait
là, plusieurs chevaux n'étaient que blessés mais on fût obligé de les finir à
coup de revolver le soir en retournant nous coucher dans un petit village un
peu plus en arrière.
Le lendemain
18, on retourne au même emplacement de la veille. Pendant plus d'une heure
les canons nous étourdissent.
Ensuite vers six heures du matin, le 19,
attaqués par une charge à la baïonnette les boches résistent.
On arrive malgré tout à les déloger de leur
première tranchée mais il y eût beaucoup de victimes et de prisonniers au dix neuf car toute la journée on vit passer que des
blessés. Toute la journée ce fût que des coups de fusil et de canons de tous
côtés.
Le soir, on couche à notre emplacement de la journée sous
nos toiles de tente, on reste comme cela jusqu'au 24 sous le feu de
l'artillerie française principalement, car du côté ennemi on aurait dit qu'il
ménageait leurs munitions.
Le 24 au
soir, on reçoit l'ordre de partir, on nous dirige sur Albert petite
ville de la Somme où nous étions au premier jour d'octobre.
En passant dans cette petite cité, on ne
voyait plus que des maisons en ruines toutes détruites par les grosses marmites
allemandes qui bombardaient depuis trois mois. Seul le beau clocher en briques
rouges restait intact au milieu des ruines. Il était surmonté d'une large
plaque dorée où est gravée une sainte vierge qui semble s'élever vers les cieux
dans le sifflement des obus qui lui semble invisible.
De là nous allons remplacer le troisième
bataillon de notre régiment qui avait été attaqué en avant d'Albert et qui
avait subi des pertes assez grosses surtout des officiers avaient disparu,
quelques compagnies de notre 64 avaient eu trente à quarante blessés ou morts
par compagnie.
Mais nous avions progressé sur l'ennemi. On
fit des nouvelles tranchées en avant, mais nous avons sous les yeux un triste
spectacle plusieurs de nos camarades avaient trouvé la mort il y a déjà trois
mois, étaient restés étendus sur le sol entre les lignes de feu assez
clairsemées.
Ce qui nous menaçait le plus c'était le froid.
Le 26, on tente
de reprendre pour attaquer pour prendre le petit village La Boisselle qui était devant nous et que les boches
occupaient, notre génie fit des préparations pour faire sauter les réseaux de
fil de fer qui étaient en avant des tranchées boches, mais l'ennemi s'est
aperçu. Il fit plusieurs coups de feu sur eux quelques-uns furent blessés et le
coup fut manqué.
Le
reste de la journée forte canonnade d'artillerie d'un côté comme de l'autre,
même l'artillerie se montrait plus vive qu'on ne l'avait vu depuis longtemps.
Je me trouvais dans une tranchée en troisième ligne, nous étions arrosé assez
fortement par les obus, mais comme la tranchée se trouvait à bonne distance, il
n'y ait eu pas de mal, seul mon sac qui se trouvait en avant de moi reçoit un
éclat d'obus qui fit pas mal de fracas.
La nuit se passe assez paisible mais le
lendemain matin probablement que l'ennemi s'est figuré que l'on voulait
reprendre la partie de la veille, dès cinq heures du matin, ils nous sonnèrent
le réveil par leur canon et se montraient aussi violents que la veille dans ma
tranchée.
Environ vingt-cinq mètres d'où j'étais, deux
camarades furent tués et un blessé, le reste de ma compagnie se trouvait en
première ligne et il y eu plus de mal car deux ou trois obus tombèrent dans ma
tranchée.
Il y eu une dizaine de morts et plusieurs
furent blessés.
Pendant huit
jours il nous a fallu rester ainsi au milieu de nos camarades tombés depuis
longtemps. La plupart est pour la pluie et le froid qui nous menaçaient autant que
les projectiles ennemis.
1915
Le 1er
janvier au soir à 11 heures on fût remplacé par une compagnie du
deuxième bataillon, on va prendre un peu de repos pour nous faire oublier le
mauvais temps que nous venions d'endurer pendant cette huitaine.
Là, on nous reforme de nouveau pour boucher
les places vides des absents des jours précédents.
Et le sept, on part à
deux heures du matin revoir La Boisselle. On
reste là trois jours en première ligne.
Nous étions environ à soixante mètres des
boches qui étaient terrés comme nous dans leurs trous et se relevaient parfois
pour nous échanger quelques coups de feu et des bombes qu'ils lançaient sur nos
tranchées sans faire trop de mal.
Le dix, les boches
tentèrent une attaque sur notre gauche, mais une fusillade les reçus et ne
purent avancer plus loin, la fusillade cessa, ma compagnie part un peu plus en
arrière, c'était la quatrième qui prenait place.
Vers midi, notre artillerie dirige son tir
sur les maisons de La Boisselle, dont les
boches occupaient toujours. Les maisons déjà démolies s'affaissaient de
nouveau. Le bombardement dura une heure.
À une heure, ils ont nous dit de nous
préparer et que la compagnie de première ligne devait attaquer et nous les
renforcer ensuite.
Il fallait les sortir de là. Les compagnies
de tête sortent et allèrent se porter dans la première tranchée boche qui était
abandonnée, pendant le bombardement ils s'y portèrent sans trop de mal, mais on
fut obligé de quitter ensuite, car il y eu beaucoup de victimes et impossible
d'aller plus loin.
Le treize, on part au
repos à Dernancourt en arrière d'Albert.
le quinze, les boches
de nouveau bombardèrent sur Albert dont ils semblaient oublier depuis quelques
temps ce beau clocher qui avait resté toujours debout depuis le premier obus
qui avaient sifflé à ses côtés, le quinze il fût sérieusement endommagé par les
obus ennemis, le soir les boches attaquèrent nos premières lignes auprès de La
Boisselle, mais ne purent avancer sur nous.
Le quinze, on reprend la direction des
tranchées, nous allions renforcer les compagnies de première ligne car on
craignait une attaque des boches qui heureusement n'exista pas, on resta
jusqu'au dix-huit.
Et le dix-huit
au soir, tout le régiment partait eu repos à Hénencourt
pendant trois semaines à sept kilomètres d'Albert.
Là, on nous change des effets on nous reforme
encore de nouveau, les compagnies allaient faire des travaux à l'arrière des
lignes.
Le vingt-huit
janvier 1915, nous allons passer en revus par le Général JOFFRE, il a
remis plusieurs décorations, nous étions assez bien cantonnés à cet endroit.
Le 6 février, on quitte Hénencourt pour aller à Forceville.
Là nous restâmes six jours encore au repos.
le 12
février, on repart de nouveau pour les tranchées dans notre
ancien secteur en avant de Mailly-Maillet,
nous relevions le 65ème. A ce moment là, je reste
comme homme de liaison auprès du commandant, je n'étais pas si mal qu'étant à
la compagnie, je restais à l'arrière du poste de commandement.
On est à Auchonvillers
pendant six jours.
De là le bataillon repart de nouveau au repos
à Acheux le
dix-huit février.
Les jours de tranchées avaient été très
calmes aucune attaque d'un côté comme de l'autre
On resta jusqu'au 26 au repos
Le 26, on
retournait de nouveau prendre place en première ligne c'était ma compagnie qui
était en avant auprès de Beaumont.
On resta là jusqu'au quatre mars, nous avons passé six jours à faire que des
travaux à aménager les boyaux et les tranchées de premières lignes..
De là on part pour Colincamps,
nous étions relevés le quatre au soir.
Je me souviens que j'avais de la peine à me
rendre, j'étais à moitié malade. Je ne pouvais même pas porter mon sac. Le soir
je couche sur un peu de paille comme les camarades dans une écurie.
Le lendemain je me fis porter malade. J’étais
à moitié raide et j'avais la fièvre assez forte. Je passe la journée couché et
la nuit également, je ne pouvais bouger seul le lendemain matin, j'avais des
rhumatismes articulaires, le six je fus évacué, j'étais à Colincamps.
J’ai passé un jour à l'ambulance et de là
j'ai été évacué pour Amiens en automobile.
J’ai resté du sept mars au dix-huit, c'est à dire douze jours à l'hôpital
auxiliaire n° 9 rue du Cange.
J’étais très bien soigné et ce qui était bon
c'était de coucher dans un lit, car depuis sept mois c'était la vie au grand
air. On se déshabillait jamais que pour changer de
linge.
Le dix-huit je quitte Amiens,
j'ai été évacué sur l'arrière jusque dans les Côtes du Nord à Saint-Brieuc.
C’est là que j'ai passé du bon temps pendant ma maladie, j'étais à l'hôpital
Saint Charles n° 3. J’étais soigné par les infirmières de la Croix Rouge qui
étaient très bonnes pour nous.
J’ai passé jusqu'au 22 mai, c'est à dire environ deux mois, le premier mois
j'ai souffert beaucoup de mes rhumatismes, mais ensuite ça été beaucoup mieux.
On avait la permission de sortir l'après-midi ce qui faisait que le temps
paraissait s'écoulait encore vite.
Sortant de Saint Charles j'ai passé devant la
commission du service de santé, j'ai eu deux mois de convalescence pour aller
me reposer auprès de ma famille, j'étais heureux de retrouver ceux que j'avais
quitté, surtout après tant de jours pénibles passés depuis le début des
hostilités.
Donc du
vingt-deux mai au vingt-deux juillet, j'étais en convalescence.
De là je retourne rejoindre mon dépôt à Ancenis.
Fin des écrits
Théophile
repart au front le 25 novembre 1915. Il sera
déclaré « disparu » le 13
février 1916 à Tahure (Marne). Il sera prisonnier à
au camp de Walhn. Rapatrié en décembre 1918. Aucune
blessure – Aucune citation.
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