Les 3 carnets de guerre d’Arsène LERIDON

Du 71e régiment d’infanterie territoriale (7e compagnie, 16e escouade).

Août 1914-mai 1917

Mise à jour : février 2020

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Arsène LERIDON

Christian, son petit-fils, nous dit en janvier 2020 :

« Je vous envoie les carnets de mon grand-père LERIDON Arsène. Dans tous les cas je reste à votre disposition pour tous renseignements complémentaires. »

Prélude

Arsène LERIDON est né en 1878 à Thorigné (Maine-et-Loire), il y est cultivateur (à 20 ans). Il fait son service militaire au 66e régiment d’infanterie (fin 1899-1902). Vu son âge en août 1914, il intègre donc logiquement à la mobilisation générale un régiment territorial de sa région. Ce sera le 71e régiment d’infanterie territoriale d’Angers.

Le 71e régiment d’infanterie territoriale est formé à Angers de 3 bataillons comprenant 44 officiers, 3108 sous-officiers et hommes de troupe et 69 chevaux et mulets. Le 71e RIT fait partie de la 172e brigade d’infanterie territoriale (avec le 72e RIT). La 172e BIT (avec la 171e BIT) fait partie de la 86e division territoriale. Quand ils seront en premières lignes ces soldats du 71e RIT, plus vieux, seront amalgamés avec des soldats de régiments d’active.

De ce fait, Quand Arsène sera en tranchée, il nous parlera de temps en temps de soldats de ces unités d’active (408^e, 409e et 236e régiments d’infanterie entre autres).

Les noms de villages ont été corrigés dans le texte. J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. J’ai aussi ajouté des dates pour pouvoir mieux se repérer dans le récit par rapport au JMO (Journal des Marches et Opérations) du régiment.

Merci à Philippe S. pour les corrections.

Carnet 1 : 11 août 1914 au 6 octobre 1915 - Oise, fermes d’Attiche, de La Carmoye, de Belle-Assise, l’Écouvillon, Élincourt…

Carnet 2 : 7 octobre 1915 au 15 juin 1916 – Somme, Tilloloy - Verdun, fort de Tavannes, fort de Vaux - retour Oise, fermes Gamet et de Navet, Attichy…

Carnet 3 : 16 juin 1916 à mai 1917. Oise : Escafaut, Moulin-sous-Touvent…

Carnet N°1 - 11 août 1914 au 7 octobre 1915.

Sur la couverture :

Monsieur Arsène LERIDON au bourg de Champigné Maine et Loire - LERIDON Arsène au 71e Territoriale, 7e compagnie à Angers, 16 escouade

Août 1914

Départ d’Angers le 11 août à 3 heures du matin. Passe à Saumur, Tours, Vendôme, Châteaudun.

Arrive gare d’Ivry. Couche à Bagnolet. (*)

(*) : Seul le 2e bataillon couche à Bagnolet. (JMO). Arsène fait partie de la 7e compagnie, qui fait partie du 2e bataillon.

(Seine)

Départ pour Stains le 12 août, porte de l’Abattoir, St Denis, Stains. Reste à Stains 15 jours jusqu’au 20 août.

Marche passant par Garches, Dugny.

Le 26 août, départ pour Écouen passant par Sarcelles. A Ecouen, resté 4 jours.

Marche Le Mesnil Aubry.

Le 30 août, départ pour Domont passant par Andilly, Domont.

Septembre 1914

Les 1er, 2 et 3 septembre : alerte pour les habitants de la commune.

(Seine et Oise)

Le 5 septembre, passage des troupes du 265e, du 264e et 216e artillerie, 51e venant de l’Est pour prendre part à la bataille de la Marne. Le canon gronde pendant les journées du 4 au 8 septembre.

Le 12, visite du général GALLIÉNI, de SEMBAT, BRIAND et SARRAUT.

Le 13, marche passant par Moisselles, Villaines, Belloy, forêt de Luzarches.

Le 21, départ de Domont pour Sannois par Montlignon, Eaubonne, Ermont.

Garde à la poudrière.

Le 22, rentre à Domont à 9 heures du soir.

Le 23, départ pour Montmorency.

Le 24, faire une patrouille à St-Prix par Montlignon.

Le 25, prendre la garde à l’état-major hôtel de Ville.

Le 26, patrouille à Montlignon.

Le 27, rentrée à Domont.

Le 28, marche St-Martin-du-Tertre.

Octobre-novembre 1914

1e octobre, marche de nuit.

Le 15, marche St- Martin-du-Tertre, Presles, Beaumont, Nerville, Maffliers.

Le 20, départ pour Montmorency. Le soir départ pour Villiers-le-Sec passant par Domont, Moisselles, Attainville.

Arrivée à minuit à Villiers-le-Sec.

Le 22, 23, 24, travail des tranchées.

Le 25, départ de Villiers-le-Sec pour Belloy, occupé à faire des tranchées tout le séjour à Belloy.

Décembre 1914

5 décembre, arrivée de territoriaux. (*)

400 ans d’Angers.

(*) : Le JMO indique que le 4 décembre un renfort rejoint le régiment à Montsoult (2 s/s lieutenants, 33 s/s officiers et caporaux, 200 hommes de troupe).

Le 14 décembre, départ de Belloy pour Uny-St-Georges passant par Luzarches, Lamorlaye. Chantilly, Creil (Oise) Laigneville.

Le 15, départ d’Uny-St-Georges pour Sacy-le-Grand : Liancourt, Labruyère, Sacy-le-Grand.

Le 21, marche Cinqueux.

Le 23, marche Catenoy, Nointel, 3 kilomètres de Clermont.

Le 24, marche St-Martin-Longueau.

Parti de Sacy-le-Grand le 30 décembre pour aller à Laneuville-Roy, passant par Avrigny, Bailleul-le-Soc, Eraine.

Parti de Laneuville-Roy le 31 pour aller à Vaux, passant par Avrigny, Bailleul-le-Soc, Eraine, Tricot, Le Frestoy-Vaux.

Janvier 1915

Parti de Vaux le 1er janvier pour aller à Faverolles, passant par Assainvillers, Piennes-Onvillers (Montdidier).

(Somme)

Parti de Faverolles le 9, dans la nuit, pour aller prendre mon service dans les tranchées en 3 lignes. On entend les balles siffler à nos oreilles, les obus éclater à 50 mètres de nous.

Passe par Ételfay, Lignières.

Entre le 13 à Faverolles pour 4 jours de repos.

Parti de Faverolles le 17 dans la nuit pour aller en petit poste pour 4 jours.

Les 4 jours assez calmes, pas d’attaque. Journée très mauvaise, de la neige, de la pluie pendant les 4 jours. Passant par Ételfay, Lignières, Guerbigny. Rentrée à Faverolles pour 8 jours de repos. Pendant ces 8 jours : travail de tranchées.

Parti de Faverolles le 30 janvier, pour 8 jours dans les tranchées, 4 jours L’Échelle-St-Aurin, 4 jours de repos, pendant ces 4 jours travail de tranchées, repos.

L’Adjudant QUILLY (3^e du g. à d.) du 72^e régiment d’infanterie territoriale se fait photographié avec d’autres sous-officiers à L’Échelle-Saint-Aurin.

Henri QUILLY a pris quelques clichés du 71^e RIT.

Février 1915

Rentre à Faverolles le 7 février. L’Échelle-St-Aurin détruit, plus de maisons.

Parti de Faverolles le 10 pour aller à Ételfay pour 4 jours.

Parti d’Ételfay le 15 au matin pour les tranchées pour 8 jours.

Le 15 au soir, on entend une attaque à 7 ou 8 kilomètres de nous. Tout n’est que feu et flammes. Le canon gronde sans relâche, la mitrailleuse fait rage.

L’infanterie tire sans arrêt. Rentre des tranchées le 23 au matin à Ételfay.

Mars 1915

Parti d’Ételfay le 2 mars pour les tranchées. La compagnie au repos pendant le 8 jours. Rentrer à Ételfay le 8 mars.

Parti d’Ételfay le 9 mars (*), pour les tranchées à Armancourt passant par Laboissière-en-Santerre, Marquivillers. Armancourt petite commune complètement détruite, il ne reste même pas des murs. Tout est écroulé. Marquivillers a bien souffert de la guerre aussi.

Le 317 d’infanterie est remplacé par les tirailleurs algériens.

Le 22 mars au soir, fusillades dans les tranchées, lancement de fusées lumineuses en l’honneur de la prise de la ville de Przemysl en Autriche. Les Russes en faisaient le siège depuis 6 mois, la ville s’est rendue. Des cris de joie sortent des tranchées françaises.

Au moment de la fusillade nos tranchées sont bombardées par le canon ennemi. Tous les jours les obus viennent tomber près des tranchées, pas d’accident au 71e (**) au 317 il y a 2 morts, plusieurs gravement blessés.

On rentre à Ételfay le 25 mars au matin pour y passer 9 jours de repos.

(*) : Le JMO indique une relève du 3e bataillon par le 2e dans la nuit du 10 au 11 mars

(**) : Le JMO indique 1 tué par bombardement : le caporal-fourrier Henri Louis PINEAU de la 5e compagnie (tué le 22 mars). Voir sa fiche.

Avril 1915

Oise

Parti d’Ételfay le 5 avril pour Cuvilly passant par Faverolles, Rollot, Mortemer et Cuvilly. Resté à Cuvilly 4 jours.

Parti de Cuvilly le 9 au matin pour aller à Giraumont passant par Antheuil, Coudun. Resté à Giraumont 4 jours. (*)

(*) : nota : le 71e RIT a été amalgamé avec le 38e RI le 9 avril par décision du général commandant le 13e corps d’armée. Arsène étant à la 7e compagnie, il reste au 2e bataillon du 71e RIT dit « amalgamé » (donc son parcours reste décrit au JMO du 71e RIT).

Marche le 10, passant par Longueil, le mont Ganelon d’où l’on découvre la vallée de l’Oise. La ville de Compiègne est à 6 kilomètres environ. On découvre les petites bourgades de Bienville, Clairoix, Coudun, Giraumont.

Le 11, marche passant par Villers-sur-Coudun, Coudun et Bienville. Resté à Giraumont 4 jours.

Parti de Giraumont le 12 pour aller à Longueil-Annel petit bourg touchant Longueil, Janville, Thourotte, Le Plessis-Brion, Montmacq, Choisy-au-Bac (*). Pendant notre séjour à Longueil, on est occupé à faire l’exercice.

Resté à Longueil 8 jours.

(*) : Ces 5 villages (Janville, Thourotte, Le Plessis-Brion, Montmacq, Choisy-au-Bac) ne peuvent pas constituer le chemin de Giraumont à Longueil-Annel distant de moins de 4km, étant de plus listés en ordre aléatoire. Selon le JMO, le régiment reste à Longueil pour y faire des marches, exercices, tirs, « escrime à la baïonnette » !…Il doit donc s’agir des marches qu’il a effectuées dans cette période.

Parti de Longueil le 20 avril pour aller dans les tranchées, passant par Mélicocq, Montigny. Nous nous installons dans les tranchées à la ferme d’Attiche, la ferme de La Carmoye et la ferme de Belle-Assise. La ferme d’Attiche est complètement détruite, il ne reste plus rien même pas les murs. La cour de La Carmoye est un cimetière, beaucoup de nos camarades d’armes y sont enterrés. De cette ferme on voit des cadavres allemands qui sont restés entre les deux lignes. Sans pouvoir aller les chercher, ils y sont depuis plusieurs mois. Ils touchent nos réseaux de fils de fer à une vingtaine de mètres de la tranchée.

A la ferme d’Attiche beaucoup de nos camarades y sont restés. Ils sont enterrés par-ci par-là dans une prairie qui touche les bâtiments.

Nous restons cinq jours dans les tranchées. Les cinq jours sont assez calmes, on ne tire pas un coup de fusil. Les obus tombent un peu éloignés de nous sur la ferme de La Carmoye.

Nous partons des tranchées le 25 avril au matin pour aller au repos à Machemont, passant par Montigny. Quelques soldats sont enterrés dans ce pays, on passe à côté de leurs tombes. De petites croix en pierre sont taillées en souvenir de leur bravoure. Un petit autel se trouve près de leurs tombes, on voit qu’un prêtre est venu leur dire quelques prières et même dire une messe pour ces pauvres défunts. Nous sommes installés à Machemont dans la matinée de 28 avril.

Nous restons 5 jours à Machemont. Pendant les 5 jours, on ne nous fait pas trop faire de travail, on nous vaccine, 2 jours de repos.

Le 29 l’après-midi, on nous mène au travail de tranchées. Je vais visiter les carrières de Montigny. Un gouffre se présente à notre vue, tout le sol est creusé ne portant que des piliers pour tenir la voute du dessus où le terrain est cultivé. Nous avançons plus loin, toujours la même chose à perte de vue, le sol creusé. À un endroit on s’arrête, un autel est construit en feuillage, guirlandes de lierre. Un prêtre militaire y dit une messe.

Le dimanche on ne craint rien, les obus ne peuvent faire crever la voute du dessus, elle a peut-être 3 ou 4 mètres d’épaisseur. Des soldats y couchent, font la cuisine sans rien risquer.

Parti de Machemont le 30 au matin pour aller à Samson, petit hameau en réserve. Passé par Chevincourt, à notre gauche Élincourt-Ste- Marguerite.

Le 30 au soir, alerte, on entend les fusils tirer. Le canon gronde.

Mai 1915

Le 3 mai, à 6 heures du matin, on va prendre nos positions dans les tranchées. Les Allemands sortent de leurs tranchées pour attaquer. L’attaque ne dure pas plus d’une demi-heure. Ils sont obligés de rentrer le 75 et le 120 gronde. L’infanterie tire sans relâche à mitrailleuse. Deux blessés à notre compagnie. (*)

Non loin de notre logement se trouve un petit calvaire, un autel est construit avec des branches d’arbres et des guirlandes de lierre. Un aumônier militaire vient y célébrer la messe. Le dimanche, le militaire y assiste pieusement.

(*) : FERRON et PÉCHETEAU de la 7e compagnie.

Le 4 mai, un fort orage passe sur nous vers 3 heures de l’après-midi, l’eau tombe à flots dans les tranchées, l’eau pénètre dans les cabanes, les sacs sont tout mouillés, il faut vider l’eau des guitounes. (*)

Resté 5 jours à Samson.

(*) : Le JMO dit « à 14h, un orage d’une extrême violence éclate sur tout le secteur. Pendant 2 heures une pluie torrentielle, accompagnée de grêle, cause des dégâts énormes dans les tranchées où, sur certains points, l’eau atteint 1 mètre de hauteur. »

Le 5, rentré à Machemont à 8 heures du matin pour le repos. Passé par Chevincourt.

Machemont n’a pas trop souffert de la guerre. Quelques obus français ont été envoyés sur Machemont au moment du séjour allemand dans cette commune. Le clocher a reçu plusieurs obus et ils ont fait du fracas. Resté à Machemont 4 jours, 2 jours occupés aux travaux de tranchées.

Le 9 mai, parti de Machemont à 5 heures du matin pour aller à Samson en réserve pour 4 jours : 2 jours de garde, 2 jours de travail de tranchées dans le bois de l’Écouvillon.

Le 12, alerte pour prendre position dans les tranchées de réserve à 11heures du soir. Tout se passe bien.

Rentré à 3 heures.

Le 13, départ à 4 heures de matin pour aller à l’Écouvillon prendre position dans les tranchées de premières lignes dans le bois de l’Écouvillon et au village. Même ce village est complètement détruit, il ne reste plus que des débris de maisons.

Le 13, à deux heures de l’après-midi, on nous envoie quelques obus. Un vient éclater sur notre tranchée à un mètre de notre guitoune. Les éclats tombent partout sur notre maison mais pas d’accident de personne. Tous les jours des obus viennent nous rendre visite à la même heure environ, mais tout se passe bien, pas d’accident de personne pendant nos 8 jours de tranchées. Rentré à Machemont pour le repos. On y reste 4 jours.

Pendant ces 4 jours travail de tranchées et de gabions et nettoyage des effets.

Le 25, parti de Machemont à 4 heures et demie du matin pour aller à Samson. Il fait un temps superbe.

Resté à Samson 4 jours, pendant ces 4 jours travail de gabion et faire un passage dans un bois pour chemin de retraite.

Le 29 mai, parti de Samson à 4 heures du matin pour aller prendre nos positions dans les petits postes dans le bois de l’Écouvillon, petits postes de premières lignes. Ce bois est le prolongement de la forêt de Compiègne.

Le 30, nous faisons une patrouille en avant des tranchées, nous nous installons au pied d’un arbre pour nous dissimuler de la vue de l’ennemi. On y reste pendant 4 heures. C’est long de faire la tête de cane, il faut se faire petit, nous avons une grande blouse qui nous recouvre, elle est peinte de différentes couleurs bleu, vert, jaune, couleur terre. Étant couchés sur la terre, on ne peut nous voir, un rabat tombe sur notre figure : les yeux, la bouche seulement sont à l’air. On dirait de véritables comédiens avec cette tenue.

Près de nous un soldat allemand a trouvé la mort. Ce pauvre soldat n’est plus que squelette. Il n’est pas enterré, il se trouve dans le champ à la lisière de bois sous un pommier. L’herbe le recouvre, on le voit à peine.

Juin 1915

Le premier juin, 3 hommes de mon escouade font la patrouille. Ils font la rencontre d’une patrouille allemande. Un coup de fusil fut tiré de notre côté sans résultat. Les Allemands font vite demi-tour.

Nous restons 5 jours dans ce petit poste. Pendant ces 5 jours, tout a été assez calme, on ne tire que quelques coups de fusils des deux côtés sans résultat. Le canon gronde de temps à autre.

Nous rentrons à Machemont le 3 juin par un temps chaud. Arrivée à 8 heures du matin.

Resté à Machemont 6 jours.

Le 6, dimanche, alerte. Nous allons prendre nos positions comme soutien d’artillerie à quelques kilomètres de Machemont. On part à 1 heure de l’après-midi par une chaleur forte. Nous prenons un bon bain de sueur.

On rentre à 7 heures et demi du soir. Il ne faut pas défaire les sacs pour que tous soient près à partir à la première alerte. A 4 heures du matin le rassemblement de la compagnie se fait, nous sommes encore couchés. Notre escouade est vite prête à partir. On va rejoindre la compagnie à la même place que la veille. Nous attendons les évènements. Pendant ce temps le canon gronde continuellement, sans relâche.

Toute la nuit et toute la matinée du 7 juin, par moment, on entend les fusils et la mitrailleuse qui tirent en abondance. Tout cela se passe à une dizaine de kilomètres de nous, par Tracy-le-Mont. Rentré à Machemont à 8 heures du soir. On reste toute la journée dans un petit chemin creux.

Parti de Machemont le 9, à 2 heures du matin, pour aller prendre notre position d’un petit poste de premières lignes dans un bois. Il fait un temps orageux la route est pénible à faire. On y reste pendant 4 jours, tout se passe bien, tout est calme, on passe quelques heures tous les jours à mettre du fil de fer au-devant des sentinelles pour protéger. Tous les matins, une patrouille est envoyée pour voir ce qui se passe dans le bois au-devant des sentinelles.

Le 12 juin 1915, la 86 division territoriale (dont fait partie le 71e RIT) apprend qu’elle sera dissoute le 18 juin. Le 71e RIT devient alors réserve d’infanterie du 13e corps d’armée (JMO 13e CA) et est rattaché à la 120e division d’infanterie (38e, 86e, 408e et 409e régiments d’infanterie), nouvellement créée.

Le 13 juin, nous partons de notre poste pour aller dans un petit poste en arrière des lignes au-dessus d’Élincourt-Ste -Marguerite comme soutien d’artillerie. On se trouve sur une hauteur d’où l’on découvre une vallée à perte de vue où se trouve Élincourt.

Dans la profondeur, on aperçoit la route de Compiègne qui est plantée d’arbres. Élincourt a souffert un peu de la guerre, quelques maisons par-ci par-là ont été détruites par le feu au passage des troupes allemandes au moment où il a fallu qu’ils se replient pour se terrer à l’Écouvillon qui se trouve à 4 kilomètres environ.

Nous y restons trois jours, heureux, la garde n’est pas dure : 2 heures de garde par 24 heures.

Pendant ces trois jours, on entend le canon gronder continuellement à 7 ou 8 kilomètres de nous à Quennevières, Tracy-le-Mont où nous avons pris quelques tranchées.

Le 16 à 8 heures du matin nous partons de ce petit poste pour aller à Marest-sur-Matz passant par Élincourt-Ste-Marguerite. Il n’y a que quelques kilomètres à faire. On nous dit que l’on quitte les tranchées pour aller au repos.

Au repos, on félicite le 71è territorial de sa bonne tenue dans les tranchées, qu’il a fait bien son devoir.

Le 17 juin, je vais visiter la statue de Notre-Dame de Rimberlieu, elle se trouve posée sur une tour de 20 mètres de hauteur environ. Au pied de cette tour voici l’inscription :

« L’an de grâce MCMVI sur l’emplacement de l’ancien château de Guillaume de Flavy, a été érigée par le comte de Béthune et bénie par sa grandeur Monseigneur DOUAIS, Évêque de Beauvais Noyon et Senlis, la statue de Marie Immaculée sous le vocable de Notre-Dame de Rimberlieu. »

Au pied de cette tour, la statue de Jeanne D’arc sur son cheval en armure de guerre, non loin de là se trouve une autre statue de Jeanne D’arc montée sur un pilier. Elle est plus jeune, cependant elle porte une armure, son épée portée avec ses deux mains comme une croix et invoque le ciel de lui venir en aide. Cette statue est abritée par un kiosque, couverture de paille qui donne un ton original. A 100 mètres plus bas, on voit le château de Rimberlieu.

Tous les ans au mois d’octobre, il se fait des pèlerinages. Des pensionnaires collégiens, des sourds et muets viennent invoquer la vierge.

Le 18, nous allons faire des clayonnages pour mettre sous notre paille, on va dans le parc de Rimberlieu, on passe au pied du château qui est superbe avec un parc magnifique.

Du 18 au 24, on nous a occupés à faire des travaux de tranchées en arrière des premières lignes à un kilomètre environ. On mange sur le terrain. On part à 6 heures du matin jusqu’à 6 heures du soir. Nous avons 4 kilomètres à faire pour aller au travail, on passe par Élincourt.

Le 25, on fait un service en campagne par Vandélicourt, petit bourg à deux kilomètres de Marest-sur-Matz. Il n’a pas l’air bien riche, beaucoup de maisons sont construites en terrasse mais il n’a pas souffert de la guerre.

Le 25, l’après-midi on va au bain à Chevincourt qui se trouve à deux kilomètres environ de Marest-sur-Matz, nous passons au pied de l’église on voit que l’on s’est battu, des rifles de balles ont frappé dans les murs, le clocher est criblé de balles, on ne voit pas beaucoup de traces d’obus. Ce bourg qui est assez important n’est pas détruit.

Le 25 au soir, nous prenons la garde au poste de police. La journée s’est bien passée.

Le 28, service en campagne. Passé par Vandélicourt, Vignemont.

Le 29, même service en campagne.

L’après-midi, nous avons été à Notre Dame de Rimberlieu.

Le 30, service en campagne par Vaugenlieu, Mélicocq, château de Rimberlieu. Nous montons à la statue.

Rentré à 9 heures et demie.

Juillet 1915

Le premier juillet, service en campagne. Pars dans les bois de Rimberlieu, la statue.

Rentre à 9 heures.

Le 2 juillet, on va faire des travaux de tranchées au-dessus d’Élincourt.

Le 3, travaux de tranchées.

Le 4 et 5, repos, préparatif pour les tranchées de premières lignes. (*)

(*) : Le JMO au 05/07 nous apprend que la 7e compagnie est maintenant amalgamée avec le 2e bataillon du 408e RI et son parcours est maintenant relaté dans le JMO du 408e RI (303e brigade).

Le 5, à 11 heures du soir, on part de Marest pour aller prendre position en première ligne. On s’installe à Le Marais passant par Élincourt, la ferme St-Claude.

6 escouades de la compagnie sont en premières lignes. Nous sommes en réserve à Le Marais. Couchés dans des caves et d’autres couchés dans quelques coins de bâtiment dont la couverture a été épargnée par les obus. Ce village (*) est bien détruit, pas une maison n’a été épargnée des balles, des obus ou du feu. Les habitants surpris n’ont rien enlevé, leur mobilier leur linge tout est resté. Ce n’est plus que ruines. Dans les maisons, linge disparu, mobilier en ruine et photographies traînent sur place.

C’est triste à voir.

(*) : Le Marais qui n’existe plus était un hameau le long du ru « la Broyette » en amont de la rue des Boucaudes (ou Bocaudes) près du village les Bocages.

La journée du 6 est très mauvaise. On est bombardé pendant toute la journée. Un obus vient tomber dans une cave où est l’infirmerie du 408. Il éclate dans cette cave. Il tue 5 soldats.

Quelque temps après un obus vient éclater près des cuisines de ma compagnie, deux soldats sont où l’obus éclate, il en tue un (*), l’autre n’a pas de mal. Il se fait tard dans la journée et devient calme.

(*) : Il doit s’agir de Louis LHUMEAU tué aux Bocages et mentionné au JMO du 71e RIT auquel la 7e compagnie reste administrativement rattachée (mais pas opérationnellement).

Le 7, tout est calme, pas d’obus. On a repos, pas de travail.

Le 8, tout est calme. On va porter des piquets au bas du village par les boyaux car il ne faut pas se montrer.

Le 9 tout calme toute la journée. On est occupé à mettre le fil téléphonique sous terre du village au Bocage qui joint le village du Marais où ont été tués les pauvres soldats.

Le soir à 9 heures, on va chercher l’ordinaire à deux kilomètres du Marais. Notre corvée faite, il est près de minuit.

Le 10, tout calme. Le soir à 9 heures, on va faire des travaux de tranchées de 9 à 12 heures.

Le 11, 12, 13, Ils envoient des obus assez fréquemment.

Le 13, 200 obus sont envoyés au tour de nous sans rien atteindre. Tous les soirs travaux de tranchées de 9 heures du soir jusqu’à minuit.

Le 14 juillet se passe assez calme. Quelques obus viennent nous rendre visite.

Le 15, 16, pas de changement toujours quelques obus passent pour éclater plus loin. Le 408 d’active prend un soldat allemand qui était en patrouille.

Le 17 juillet, même chose. Toujours des obus vers 5 heures du soir.

Ils bombardent Le Marais où nous sommes une quinzaine vient tomber près d’où nous sommes. Personne n’a été atteint.

Le 18, toujours des obus vers 10 à 11 heures. Beaucoup passe au-dessus de nous pour aller tomber plus haut sans rien attraper.

A 8 heures du soir, voilà la canonnade qui recommence. Le 75 envoie des obus sur les tranchées allemandes. Les Allemands répondent. On n’entend qu’un sifflement d’obus qui passe sur nous. Cela dure à peine une demi-heure.

La nuit est bien calme.

Le 19, le réveil, aux sons du canon qui sont envoyés sur un aéroplane. Dans la journée des obus sont envoyés de temps à autre.

Vers 3 heures de l’après-midi, il nous envoie beaucoup d’obus qui tombent à 200 mètres de nous sans avoir de résultat.

Le 19, à 7 heures du soir, un ordre vient de se tenir : prêt pour 9 heures pour aller remplacer le premier peloton qui est dans les tranchées et au village du Bocage. Tout le deuxième peloton s’installe dans les tranchées.

2 escouades restent au Bocage pendant la nuit, elles montent la garde à l’arrivée du pays et prennent la faction dans les tranchées.

Le 20, la journée se passe. Calme sans trop de bombardement.

Le 21, bombardement de notre artillerie sur la gare de Noyon qui est à 8 kilomètres de nous. Les Allemands répondent avec vivacité. Leur obus tombe à droite de Belval sans avoir de résultat.

Dans la nuit vers 10 heures les tirailleurs chantent la marseillaise dans les tranchées de premières lignes tout près de nous pour fête nationale Belge. Les Allemands envoient des coups de canons sur les tranchées et se mettent à tirer des coups de fusils. Tout le monde se met dans les créneaux en cas d’attaque.

Tout se passe bien sans avoir aucun accident.

Le 22, la matinée est calme.

Vers 2 heures, on entend quelques coups de canons qui sont envoyés sur les tranchées. Les Allemands allongent leurs tirs. Deux obus viennent tomber près d’une pompe où l’on va chercher de l’eau pour la cuisine, deux autres arrivent près de nous à une vingtaine de mètres. Les éclats passent par-dessus nous sans faire aucun mal. On se cache vivement dans notre cave qui est assez forte pour nous protéger des obus. En un clin d’œil, il en tombe une vingtaine tout autour de nous. Pas un accident, nous en sommes quittes encore une fois pour la peur. Tout le reste de la journée et de la nuit est calme.

La journée du 23 très calme.

Le 24, quelques obus sont envoyés sur l’artillerie qui est placée derrière nous dans les bois. Ce petit village du Bocage est encore plus détruit que le Marais. Il se trouve repéré par l’artillerie allemande, à chaque instant il le bombarde.

Il faut se réfugier dans les caves au moment des bombardements car il ne fait pas bon. Nous sommes à 3 kilomètres de Lassigny, 8 kilomètres de Noyon. Ces pays, en temps de paix étaient bien jolis. Tout avait l’air bien propre, beaucoup d’arbres à fruits partout dans les champs et jardins.

Le 25, tout assez calme.

Le 26, dans le courant de la journée, quelques obus viennent nous rendre visite.

A 5 heures du soir, ils bombardent l’artillerie sans résultat.

Le 27, on est relevé des tranchées à 1 heure du matin par 409 de ligne, pour aller coucher à Vandélicourt. On a 7 à 8 kilomètres à faire passant par Élincourt.

Arrivée à Vandélicourt à 4 heures du matin.

A 3 heures un ordre vient qu’il faut que nos sacs soient prêts pour partir le 28 à 5 heures et demie du matin pour aller à Machemont, 7 kilomètres à faire environ. (*)

(*) : L’amalgame du 71e RIT avec les 38e et 408e RI est supprimé et la 7e compagnie rejoint le gros du 71e régiment d’infanterie territoriale à Machemont (le JMO y mentionne 3 compagnies)

Le 28, départ de Vandélicourt pour Machemont, à 5 heures et demie du matin, passant par Marest-sur-Matz, Chevincourt et Machemont.

Arrivée à Machemont à 8 heures.

Le 29, on va faire une corvée à Antoval, passant par Cambronne-les-Ribécourt et Antoval.

Le 30, repos.

Le 31, toute la journée occupée à faire des gabions.

Août 1915

Le 1 août, repos.

Le 2, toute la journée occupée à faire des piquets.

Le 3, repos.

Le 4 août à 5 heures du matin, nous partons pour les tranchées à Ribécourt-Dreslincourt passant par Cambronne.

La journée du 4, pas de coup de canon.

Le 5, quelques obus sont envoyés par le cimetière et dans le pays.

Le 6, vers dix heures du matin, il envoie une quinzaine d’obus sur la briqueterie qui se trouve à quelques cents mètres de nous.

Le 7, nous sommes bombardés vers 10 heures du matin et à 5 heures du soir.

Le 8, à 10 heures même chose.

A 3 heures, ils nous bombardent la maison où est tout notre ordinaire. Un obus tombe dans cette maison, tous les légumes sont broyés, le sel perdu. Quelques minutes avant, le caporal d’ordinaire faisait la distribution à tous les cuisiniers.

Aucun accident.

Le 9, entre 10 et 11 heures, ils bombardent le pays un peu partout les obus tombent sur la cuisine du 1e peloton sur la maison d’ordinaire. Pas d’accident.

Vers 6 heures, une de nos pièces bombarde Pimprez, petit village située à 3 ou 4 kilomètres de nous. Les Allemands répondent, ils n’épargnent pas les obus qu’ils envoient sur nous pendant une demi-heure partout, le village est bombardé. Un, tombe à quelques mètres de nous. Le canon se calme, on va voir.

Pas d’accident à notre compagnie. Un homme de la 8e compagnie est blessé. (*)

La nuit est calme.

(*) : Soldat FOUGÉ

Le 10, la journée a été calme.

Le 11 à 8 heures du matin, on est relevé des tranchées pour aller au repos à Machemont.

Ribécourt est une commune assez importante, c’est canton. Tout le bourg est presque détruit. Les allemands y ont habité pendant quelques mois et nous l’avons repris. Depuis il bombarde assez fréquemment ce pays. Les maisons sons à moitié détruites. Les habitants, surpris, ont laissé tout dans leurs maisons à la merci de tous. Tout n’est que pillage, tout traîne par les places. Il faut monter sur le linge de corps ou literie pour avancer. Dans les appartements, on voit des tas de linge plus haut que le genou, par endroit, les magasins tout bouleversés, coupon pièces de toile, chaussures. C’est une véritable ruine partout. Dans les jardins, dans les maisons, des tranchées ou boyaux de communication ont été faits pour pouvoir voyager et être protégé du canon.

L’église n’est plus qu’un amas de décombres. Le clocher ne tient plus, toute la voûte est tombée sur les bancs, il ne reste plus de vitraux. Partout on ne voit que des traces d’obus qui sont venus frapper et éclater pour détruire tout.

Seul est resté intact le grand autel et les deux petits autels que le canon a protégé. Par miracle, pas une balle n’a touché à ces autels. Les troncs ont été défoncés par une main d’homme pour les aumônes qui étaient faites. Cette église toute neuve et grandiose a été inaugurée en 1887.

Le 11, on arrive à Machemont vers 9 heures du matin avec beaucoup de fatigue.

Le 12, à midi, on part pour le travail de tranchées à la ferme de La Cense qui se trouve près de l’Écouvillon pas loin des premières lignes.

Le 13, départ à 4 heures et demie pour aller travailler à la ferme de La Cense passant par Chevincourt.

Le 14, départ à 5 heures pour aller au travail à Antoval.

Rentré à 5 heures, passant par Cambronne, Antoval se trouve près de Ribécourt. Ces deux bourgs ont moins souffert de la guerre que Ribécourt. Quelques obus ont mit le feu à plusieurs bâtiments. L’église de Cambronne est un peu découverte par les obus.

Antoval plusieurs maisons ont été incendiées mais rien de bien grave.

Le 15, repos.

Le 16, travail pour le fil de fer au-devant des tranchées à la ferme La Cense.

Le 17, à la ferme de La Cense. Rentrée dans la matinée au-dessus St-Amand.

L’après-midi à Montigny dans les bois à faire des fagots.

Le 18, nettoyage des bois près de Montigny.

Nous restons jusqu’au 31 août. Tous les jours nous sommes occupés à faire des tranchées à Antoval et Montigny.

Septembre 1915

Le 1e septembre, on part de Machemont pour aller à Béthancourt où loge le colonel, on assure le service.

Départ de Machemont à 4 heures du matin, il y a 4 kilomètres environ de marche.

Le 2 septembre, l’après-midi on va faire des travaux de tranchées à Ribécourt.

Le 3, tranchées Ribécourt.

Le 4, de garde.

Le 5, aux travaux à Antoval à tirer de la pierre pour encaisser un chemin neuf.

Le 6, 7 et 8, travaux à Antoval. Tirer de la pierre.

Le 9, travaux de tranchées à Ribécourt.

Le 9 au soir, départ à 5 heures et demie pour aller prendre la garde au pont du canal qui touche le bourg de Montmacq.

Dans la journée du 9, 4 avions allemands viennent voler sur Montmacq, ils lancent de bombes qui tombent un peu partout. Une maison se trouve atteinte, sans accident de personne. Une trentaine tombe tout autour de notre petit poste, une vient tomber sur la route et n’éclate pas. Il faut la garder par crainte que quelqu’un y touche et peut la faire éclater sur Mélicocq. Les avions lancent des bombes. Une n’éclate pas. Sur tout ce qu’ils envoient de bombes pas une n’a atteint quelqu’un. Montmacq, petite commune qui n’a pas souffert de la guerre, quelques obus envoyés sans grand résultat.

Le 10, la journée est calme.

Le 11, visite de 2 avions ennemis. Un jette 3 bombes près de notre poste, une tombe dans le canal, les deux autres dans les champs. Pas d’accident. On entend bien la bombe tomber par son sifflement dans l’air et fait même une émotion plus grande qu’un sifflement d’obus. On ne sait où se cacher on craint toujours qu’elle vienne tomber sur vous. Ces bombes sont en forme de poire, deux bandes ferrées maintenues avec 4 boulons au-dessus de la poire maintenue par les deux bandes de fer. Une feuille de taule large d’environ 20 centimètres forme entonnoir.

Au milieu se trouve une hélice qui donne le soutien à la bombe. Dessus se trouve une anse pour l’accrocher à l’aéroplane.

Le 12, à 5 heures et demi du matin, passage de 8 avions français qui se dirigent sur les lignes ennemies pour aller bombarder le camp d’aviation allemand.

Le 12, on est relevé de notre garde. On rentre à Béthancourt à 7 heures du soir.

Le 13, travail, à la cote 113.

Ce coteau, forme petite montagne, domine tous les environs de Ribécourt et nous donne un avantage sur l’ennemi pour voir tout ce qui se passe dans la vallée de l’Oise que l’on découvre à perte de vue.

On découvre Dreslincourt, Noyon, on voit la cathédrale, les casernes. On voit Pimprez, Carlepont. Tous ces bourgs sont occupés par l’ennemi. Il s’est passé de rudes combats pour avoir cette crête que les Allemands voulaient occuper. Ourscamps, Sempigny.

Le 14, Antoval.

Le 15, la cote 113 vers 11 heures de la matinée, les obus tout autour de nous. On se cache dans les trous, où l’on peut, pour se protéger.

Il n’y a pas d’accident.

16, Antoval, 17, de service à Béthancourt.

Le 18, départ de Béthancourt pour aller en petit poste de premières lignes à 100 mètres du village du Hamel. A 600 mètres de nous environ, se trouve la commune de Dreslincourt où se trouve l’ennemi. Cette commune a l’air d’être bien détruite par nos obus. On aperçoit l’église qui n’est plus qu’un amas de ruines, les maisons bien démolies.

Le Hamel est un village qui est complètement détruit. Les soldats ne logent plus dedans. On a construit des abris en terre pour être plus protégé des obus qui y tombent assez fréquemment.

A 8 heures, on prend possession de ce petit poste.

A 10 heures, une rafale d’obus est tirée sur les tranchées. On en tire des deux côtés. Le reste de la journée calme.

Le 19, à 8 heures, voilà le canon qui gronde. Deux obus viennent tomber à quelques mètres de moi, pas un éclat ne me touche. Ma toile de tente qui est près de moi, étendue sur une branche, a plus de 80 trous. Ce n’est plus qu’un lambeau. Je me sauve vite dans l’abri.

Cela dure une demi-heure.

Vers 4 heures, la même chose. Les obus tombent près de notre cabane.

La nuit, calme.

Le 20, à 10 heures, voilà les obus qui s’abattent près de nous. Il est temps de se ramasser dans les abris, cela dure environ une demi-heure.

Le 20, à 8 heures, bombardements et à 4 heures de part et d’autre.

Le 21 à 8 heures, on bombarde avec activité leurs tranchées près de nous. Ils répondent de même.

Le soir, la même chose, un obus vient frapper dans un arbre, le coupe en deux près de nous.

Le 22, la matinée assez calme.

Vers 5 heures le bombardement commence, on a à peine le temps de manger la soupe. Je vais laver les gamelles, un obus vient éclater à plusieurs mètres de moi. Je reçois comme une poignée de projectiles partout sur moi, ma capote est percée en deux endroits, mon pantalon de même, une petite égratignure à la main droite mais je n’ai pas de mal. Un morceau d’obus vient frapper un de mes camarades à la main droite, le blesse sérieusement. (*)

Il est évacué de suite.

(*) : Soldat VALLERAY

Le 23, vers dix heures, canonnade. A 5 heures de même.

8 heures du soir, on bombarde leurs tranchées. Ils répondent, tout n’est que feu et flammes.

Tout autour de nous pas d’accident.

Le 24, à 8 heures, à 10 et 4 heures nous sommes bombardés tout autour de nous, pas d’accident.

Le 25, à 5 heures du matin, nous sommes relevés de ce petit poste pour aller en réserve près du village du Annel. On loge dans des abris bien confortables et solides creusés dans le sol. On a repos toute la journée.

Les 25, 26, 27 travaux de tranchées près du Annel.

27, à 8 heures du soir, on nous mène à mettre du fil de fer et piquer des piquets en avant des tranchées de premières lignes pour les protéger de l’ennemi. Tout se passe dans un silence pour n’être pas entendu des sentinelles.

Le 28, travail de tranchées.

Le 29 à 8 heures du soir, placer des piquets pour fil de fer.

Le 30 et le 1 octobre, travail de tranchées et transporter des bois pour faire des abris de premières lignes.

Octobre 1915

Le 2, à 5 heures du matin, on va faire la relève pour prendre position dans les tranchées de premières lignes au Annel (*).

Nous sommes logés dans un abri confortable. On ne fournit pas de sentinelle en jour, la tranchée se trouve visible de l’ennemi en côté et devant, il envoie des obus quand les sentinelles s’y trouvent.

(*) : Il doit s’agir du Hamel qui était effectivement en première ligne contrairement à Annel ~6 km en arrière.

La journée du 2 et 3 est calme, pas d’obus.

Le 4, quelques obus viennent nous rendre visite.

Le 5, tout assez calme. Le soir on va faire une patrouille.

Le 6, quelques obus viennent autour de nous.

Le 7, de même, assez calme.

Carnet N° 2 : 7 octobre 1915 au 15 juin 1916

Le Annel

Le 7 octobre, on va faire une patrouille au-devant des fils de fer. Les hommes ne s’avancent pas loin avant de tirer des coups de fusils sans les atteindre.

Le 8, quelques obus éclatent près de nous sans rien atteindre.

Le 9 à 5 heures du matin, nous sommes relevés par le 1er peloton. On rentre dans notre abri que nous avions occupé pendant 2 jours.

L’après-midi aux travaux de gabionnages.

Le 10, repos le matin, l’après-midi travaux de gabionnages.

Le 11, travaux de gabionnages.

Les 12 et 13, mettre du fil de fer, travaux de défense.

Le 14, au fil de fer.

Le 15, arranger les tranchées.

Le 16, à 5 heures du matin, nous sommes relevés par la 11ème compagnie. On rentre à Machemont.

Repos toute la journée.

Le 17, repos toute la journée, on nous donne des casques et vareuses.

Le 18, occupé à faire du clayonnage.

Le 19, repos.

Le 20, occupé à faire des piquets.

Le 21, faire des gabions.

Le 22, aux piquets.

Le 23, 24, nettoyage des rues de Machemont.

Le 25, repos.

Le 26, de service à Machemont.

Le 27, à 7 ¾ départ de Machemont pour aller cantiner à Cambronne.

L’après-midi au travail au point 5 à partir du bois dans les tranchées de premières lignes.

Le 28, même travail.

Le 29 et le 30, de même. Quelques obus viennent nous trouver au travail.

Le 31, repos.

Novembre 1915

Le 1 novembre, repos.

Le 2 novembre, à 4 heures du matin, on nous prévient de se tenir prêt pour partir à 8 heures pour aller en arrière.

On fait environ 20 kilomètres. On est couché dans une grande ferme de 290 hectares en passant par Machemont, Chevincourt, Marigny-sur-Matz. On passe près de Marquéglise, Ressons, Cuvilly et Lataule. Cette ferme où l’on est logé est à 1500 mètres de Lataule, à La Garenne.

Le 3, départ de La Garenne pour aller à Rollot.

Départ à 7 heures et demie du matin passant par Lataule, Mortemer.

Arrivé à 10 heures, 10 kilomètres environ à faire.

Le 4, départ de Rollot à 9 heures du matin pour aller à Ételfay, passant par Piennes-Onvillers, Faverolles, 10 kilomètres environ.

Le 5, repos.

Le 6, corvée de bois à Laboissière-en-Santerre.

Les 8, 9, 10, exercice l’après-midi.

Le 12, marche passant par Montdidier.

Le 13 et 14, repos.

On loge dans une grande ferme où le général VON KLUCK s’est arrêté et entré dans la maison. Tous ont été bien polis.

En partant, il a fait une flèche et écrit quelques mots au-dessus, en allemand, à un angle du mur de cette ferme. Tous ses soldats ont respecté cette ferme en se montrant cet insigne que leur chef avait fait.

Le 15, repos.

Le 16, départ d’Ételfay à 6 heures du matin pour Bus-la-Mésière passant par Piennes-Onvillers, Fescamps, Remaugies. Il tombe de la neige pendant toute la matinée.

Arrivée à 9 heures, nous sommes de garde en arrivant. On reste 3 jours à Bus, les deux autres jours de repos. Ce petit bourg est bombardé de temps à autre. Quelques maisons ont été détruites par les obus.

Le 19, départ de Bus pour les tranchées de première ligne près du château de Tilloloy. Ce château se trouve au bourg même. Tout est complètement détruit par les obus. Le château, l’église, le bourg ne sont plus qu’un amas de décombres.

Notre section est en réserve. Dans des abris bien peu confortables, pas de paille pour se coucher, du treillage est tendu pour se coucher à 50 centimètres de tous. La journée se passe calme, quelques obus par-ci par-là, des balles passent par-dessus nous.

A 6 heures du soir, on va faire des travaux de tranchées de première ligne. Quelques obus sont envoyés près de nous sans nous atteindre.

Le 20, la journée est calme. Vers 5 heures du soir, près de nous, on entend des fusils, le canon gronde sans relâche.

A 8 heures du soir, des obus sont envoyés, l’un tombe sur un abri, en tue trois. (*)

(*) : Confirmé par JMO, tous 3 de la 12e compagnie :

Louis Joseph Marie Henri BROUILLET annoncé au 135e RIT où selon sa FM, il avait été en réserve d’active puis était passé fin 1913 dans la territoriale au 71e RIT. Voir sa fiche.

Joseph Adolphe CADEAU. Voir sa fiche.

Georges Jean Baptiste PASQUIER. Voir sa fiche.

Le 21, à 1 heure du matin, je me prépare pour partir en permission.

À 2 heures, départ des tranchées pour prendre le train à Montdidier à 8 heures et demi. Nous avons environ 16 kilomètres à faire.

Départ de Montdidier à 9 heures passant par Tricot, Estrées-St-Denis, Longueil-Ste-Marie, Verberie, Béthisy, Crepy-en-Valois. Nous avons 5 heures d’arrêt.

Départ de Crépy à 4 heures, passant par Le Bourget, Nogent-sur-Marne, Le Perreux, Champigny-sur-Marne, Orléans, St-Pierre-des-Corps, Saumur, Angers. Arrivée à 3 heures ¼.

Départ d’Angers à 5 heures 40, arrivée à Châteauneuf à 7 heures, Champigné 8h ½. La permission se passe à merveille.

Le 30, ce n’est pas le rêve, il faut partir.

Je prends le train à Châteauneuf, Étriché 10 heures 50, départ d’Angers minuit 13, passant par Saumur, St-Pierre- des-Corps, Orléans, Villeneuve-St-Georges, La Varenne, Champigny-sur-Marne, Nogent-sur-Marne, Le Perreux-sur-Marne, Rosny-sous-Bois, Noisy-le-Sec, Le Bourget, Crépy-en-Valois. Arrive vers 2 heures.

Départ de Crépy à 4 heures, arrive à Montdidier 6 heures ½. Nous allons coucher dans un hôtel, un grenier est disposé pour le pensionnaire de passage. On prend un bon fond avant d’aller au lit dans la paille.

Départ de Montdidier à 8 heures. Je rejoins ma compagnie à Remaugies, qui est au repos, le premier décembre à 10 heures du matin. Ce petit bourg se trouve à 10 kilomètres environ des tranchées.

Décembre 1915

En arrivant, nous avons repos le reste de la journée.

Le 2 décembre, le 3, repos.

Le 4, corvée de travail à Tilloloy. Ce n’est que de la boue partout. Les tranchées s’écroulent par le temps qu’il fait. Tous les jours, il tombe de l’eau. On ne voit plus la couleur des vêtements, ils sont couverts de boue. Départ à midi, rentrée à 6 heures du soir.

Le 5 et 6, repos.

Le 7, petite marche à Regibaye.

Le 8, à 9 heures du matin, alerte. Vite, on fait son sac et on part, passant par Onvillers, Boulogne-la-Grasse, Bus-la-Mésière et Fescamps. Arrivée à 3 heures.

Nous sommes à faire la pause à Onvillers. Des camarades crient voilà 2 avions qui étaient à environ 3000 mètres de hauteur, une mitrailleuse des avions se met à cracher. Au même instant, on voit un avion qui pique droit à terre laissant voir une grande traînée de fumée, puis on voit du feu se dégager de l’avion, les flammes deviennent plus fortes. L’avion est en flamme, puis on le voit se redresser un peu en planant. Au même moment qu’il se redresse, un homme tombe par terre, l’avion plane toujours, se dirige vers les lignes ennemies à 200 mètres environ du sol, un autre homme tombe mais l’avion file toujours vers leurs lignes, tombe entre les deux lignes, personne ne peut l’approcher.

On se met en marche. En arrivant à Bus, la capitainerie est arrivée par une auto. C’est l’aviateur qui vient d’abattre l’avion allemand, il demande le chemin de Tilloloy où sont tombés les deux aviateurs. Ils sont tombés dans le parc du château de Tilloloy.

Puis on fait la grande halte, la cuisine roulante est arrivée. Tous courent à la soupe.

Une heure après, le bruit court qu’une auto est arrêtée qui emporte le corps d’un aviateur. Les deux jambes brisées, il s’est tué dans la chute. On court pour voir l’auto arriver. Tous peuvent voir cet allemand, fort gaillard à grosse tête. La figure n’est pas abimée, il repose sur un brancard, est vêtu d’un veston de cuir jaune, les jambes sont couvertes d’une couverture.

Un quart d’heure après, une autre auto passe et emporte l’autre aviateur qui est complètement carbonisé par les flammes. Il est méconnaissable.

Le 9, corvée de bois pour la cuisine.

Vers 1 heure, un prisonnier allemand passe à Remaugies, accompagné de trois soldats qui le gardent. Il a été fait prisonnier par une patrouille, il n’a pas l’air de se faire de bile, il rigole de nous voir tous courir pour le voir. Fort gaillard de 22 ans environ, il n’a pas l’air de mourir de faim avec sa face réjouie.

Le 10, départ de Remaugies à 2 heures du matin pour aller à Tilloloy.

Pendant le parcourt de la route, la pluie tombe. Ce n’est que de l’eau et boue partout. Ma compagnie est en réserve, chaque escouade est logée dans des caves. Pour arriver à ces caves en pleine nuit par la pluie, il fait noir, on passe par des sentiers, ce n’est que des démolitions, des débris de maisons. Ce n’est pas facile d’avancer.

Il faut passer par-dessus les boyaux des tranchées. Il y a où se casser le cou. Plusieurs de mes camarades tombent dans la boue, l’un tombe dans un boyau. Il faut se mettre à deux pour le retirer. Nous sommes dans de triste état. Comme caves, elles sont assez bien, quelques lits de fer pour se coucher, les autres couchent sur des planches suspendues à 50 cm du sol avec quelques brins de paille qui nous servent de matelas. Le plus agréable, l’eau ne vient pas nous trouver, on est au sec.

Le 10, l’après-midi, on va nettoyer les boyaux qui sont dans de tristes états. La terre s’écroule partout de chaque côté. Ce n’est que de la boue par endroit, de l’eau jusqu’aux genoux.

Au moment de la relève, en pleine nuit, plusieurs se sont piqués sans pouvoir se retirer. Ils ont appelé à leur secours pour les aider à se retirer. C’est incroyable la boue qui existe dans ces tranchées ! L’eau tombe tous les jours depuis une douzaine de jours.

Dans les abris de premières lignes, ce n’est que de la boue, l’eau tombe à travers la couverture. Ils ne peuvent se coucher ou s’asseoir sur leurs sacs.

Le 11, nettoyages des boyaux et corvée de paille. Ce n’est pas le rêve d’aller trouver nos camarades dans la première ligne. En rentrant on est obligé de rester pendant quelque temps dans le boyau avant de rentrer aux communs du château où on prend tout ce que nous avons besoin, paille, pelles, pioches. Les obus viennent tomber un peu partout dans le bourg et les servitudes du château, mais pas d’accident de personne. Je passe près du cimetière militaire où beaucoup de nos camarades d’armes sont enterrés. La plupart des tombes ont une croix qui a été faite par leurs camarades, taillée dans de la pierre de tuf et toutes ont une couronne. Ces tombes sont entretenues.

Le 12, nettoyage de boyau le matin mais nous sommes obligés d’en laisser, par endroit il est complétement écroulé et il faut l’abandonner. Ce n’est que de l’eau, de la bouillie. Nos camarades de première ligne sont obligés de passer par dans ce bouillon, ils en ont jusqu’au hanches, tous sales, tous mouillés et être obligé de monter la garde comme cela.

A 5 heures du soir, on nous mène à faire un boyau pour éviter de passer par celui qui n’est plus praticable. Deux compagnies se relèvent pour travailler toute la nuit afin qu’il soit terminé pour le matin.

Le 13, le matin, repos. Je vais visiter l’église et le château.

L’église, jolie autrefois, n’est plus qu’un amas de décombres, plus de couverture, le plafond n’existe plus, les murs des côtés restent encore percés de trous d’obus, plus de fenêtres. Il y avait beaucoup de sculptures, en trois endroits, forme de petite chapelle se trouvent des caveaux qui datent de 1620. Tout est couvert de décombres et détruit.

L’autel n’existe plus, toutes les pierres de marches ainsi que piliers de marches roulent par terre, brisés. La grande croix où repose notre Seigneur Jésus Christ est épargnée des obus, quelques petits trous seulement ont percé le corps et la jambe par les shrapnels. Une ou deux statues sont de reste. Tout est détruit.

Le château à 100 mètres environ séparé d’une douve de l’église. Au château le feu y a passé, le canon a bouleversé tous les murs.

L’aspect de tout cela donne une horreur de cette guerre terrible et l’acharnement de tout détruire ce qui était beau et grandiose.

Non loin se trouve l’hôpital, bâtiment bien construit et assez grand. Le feu y a passé, les obus y sont venus pour démolir et écraser les murs. Tout ce bourg qui paraissait assez bien construit, tout en ruine, tout est bouché par les boyaux de communication. Pour les tranchées, celles qui restent sont crénelées pour servir de défense au cas où l’ennemi voudrait reprendre le pays. Les obus y tombent assez souvent se perdant dans les débris des maisons sans qu’il arrive d’accident.

L’église date de 1534.

Le 13, à 5 heures du soir, départ pour le travail de nuit. On rentre à 11 heures ¼ travaux de tranchées.

Le 14, repos toute la journée.

A midi, je vais porter le thé aux escouades qui travaillent en première ligne à faire des abris en galerie profonde d’environ 6 à 7 mètres. C’est un travail de mineurs. Il faut que tout soit étayé avec des planches, des piliers pour soutenir la voûte.

De 5 à 11 heures du soir, travaux de tranchées.

Vers 8 heures notre artillerie tire une rafale d’obus sur les travailleurs. Les Allemands répondent. Les obus tombent dans le bourg de Tilloloy. Pas d’accident.

Le 15, pendant le jour, on fait plusieurs tours aux tranchées de première ligne pour porter de la paille puis des piquets au clayonnage. Le soir travaux de tranchée jusqu’à 11 heures.

Le 16, même travail pendant le jour, le soir travail de tranchées.

Vers huit heures, notre artillerie bombarde vers Beuvraignes, l’ennemi répond. Les obus tombent toujours sur le bourg. Quelques-uns tombent sur bâtiment où est la cuisine. Par bonheur, personne n’a été atteint.

Le 17, une corvée de jour va porter des échelles en première ligne.

Le soir, travaux de tranchée. Pendant le jour, quelques obus viennent tomber sur le bourg et tuent un homme de la 9ème compagnie. (*)

(*) : Ernest JOUANDOU. soldat de 2e classe du 71e régiment d’infanterie territoriale, né à Paris. Voir sa fiche.

Le 18, même travail.

Voilà un rapport qui court dans toutes les compagnies,

« Un homme de la 10ème compagnie se hasarde à aller chercher un cadavre français au-devant des fils de fer allemands. Il monte sur la tranchée et va droit au cadavre. Pas un soldat allemand ne tire. Arrivé au cadavre, les Allemands remontent par-dessus la tranchée, puis il leur fait signe de venir. Plusieurs viennent près de lui, puis dans l’espace de cinq minutes, il se trouve une vingtaine d’Allemands et de français sur la tranchée, à se parler ou plutôt se faire des signes pour se comprendre.

Ils échangent du tabac même ils essayent leurs casques. Un capitaine du 71 leur parle en allemand mais ne sort pas de la tranchée. Le temps s’écoule puis le 75 envoie 4 obus dans les lignes allemandes. Vite tous rentrent dans leurs tranchées, ce n’est plus le moment de tenir conversation. Les Allemands envoient juste 4 coups d’obus aussi. »

Extrait du JMO du 71^e régiment d’infanterie territoriale qui confirme la fraternisation du 16 décembre 1915.

Cote 106 de Tilloloy : Zone probable de la fraternisation

Le 19 pendant le jour, corvée de piquets et d’échelles pour la première ligne.

Le soir de même.

Le 20 et 21, même travail.

Le 22, à 6 heures du matin, départ pour Bus-la-Mésière. On est remplacé par 12e compagnie. 3 kilomètres à faire.

Le 22 et 23, repos.

Le 24, corvée à Tilloloy. Apporter des pieds d’arbres pour les abris de première ligne.

Le 25, de garde.

Le 26, Corvée de bois dans la forêt de Bus.

Le 27, repos.

Le 28, travail à Tilloloy.

Vers 2 à 3 heures, les Allemands envoient des obus sur les servitudes du château. C’est le moment de se tirer les pieds.

Pas d’accident.

Le 29, travail au bois de Bus.

A 11 heures, les obus viennent tomber à Bus à quelques mètres de notre baraquement.

Le 30, même travail. Vers 11 heures quelques obus viennent tomber à Bus, près de nous.

Le 31, travail à Tilloloy.

Vers 9 à 11 heures, les obus viennent tomber dans les servitudes du château. Quelques obus tombent près de mes camarades sans les atteindre.

Janvier 1916

Le 1 janvier, repos.

Le 2, le matin, travail dans le bois de Bus, l’après-midi, repos.

Le 3, départ à 5 heures du matin pour aller prendre position dans les tranchées de première ligne.

Dans le jour, nous ne prenons pas de garde, qu’à 8 heures1/4 du soir.

Tout est assez calme, quelques coups de fusil.

Le 4, quelques obus viennent tomber près de nous dans un boyau de communication, dans la longueur de 10 mètres. Le boyau est recomblé.

Au moment de la soupe, qui se trouve à Tilloloy, les obus tombent à quelques mètres. Pas d’accident.

Dans les servitudes du château, tous les jours, ils reçoivent des obus.

Le 5, tout assez calme. Près de nous dans les tranchées, on installe un poste pour envoyer des torpilles pour démolir un petit poste ennemi. Il envoie deux torpilles, pendant le jour, pour se rendre compte de la distance.

Dans la nuit, il en envoie une quarantaine dans cet endroit.

Le 6, le matin assez calme.

Vers 3 heures de l’après-midi, ils envoient une cinquantaine d’obus dans la tranchée de première ligne cherchant l’endroit où l’on envoie des torpilles. Ils ne se trompent pas beaucoup, les obus tombent à environ 50 ou 100 mètres de l’endroit.

Vers 7 heures du soir, ils en envoient encore quelques obus dans le même endroit. Ils ont bouleversé la tranchée sans atteindre personne. Une douzaine d’obus n’éclate pas.

Le 7 dans la matinée, ils bombardent encore le même endroit que la veille.

6 obus n’ont pas éclaté mais cette fois, ils ne s’éloignent pas de l’endroit où est le lance-torpilles, à quelques mètres seulement, ils culbutent les tranchées. Leur tir est bien réglé pour faire du fracas. Pas d’accident de personne.

Le 8, tout est assez calme près de nous. On ne nous bombarde plus. Le lance-torpilles ne marche plus, heureusement !

Le 9, les artilleurs emportent leur lance-torpilles. Nous sommes tranquilles dans les tranchées, on ne reçoit plus d’obus.

Le soir, vers 6 heures, on monte sur la tranchée pour abaisser la terre pour voir pour tirer.

Le 10, tout est calme par envers nous.

On bombarde Tilloloy, nos cuisines, jour et nuit. Nos cuisiniers ne sont pas tranquilles.

Le 11, même chose.

Vers 9 heures du soir, on entend les Allemands chanter dans leurs tranchées. Ils sifflent, font beaucoup de tapage.

A 4 heures du matin, je crois qu’ils font la relève. On entend marcher dans les boyaux puis ils prennent la route de Roye. Ils bavardent beaucoup, cette relève fait beaucoup de bruit. Il y en a qui sont au travail, on les entend enfoncer des piquets puis décrotter leurs pelles. Le 75 tire par deux reprises sur leurs tranchées.

Le 12, on entend au loin des bombardements forts sans cesse. Le soir, on fait des travaux de clayonnage dans la tranchée de première ligne, remettre des fils de fer en avant, la nuit.

Le 13, du petit poste ennemi, ils nous envoient des torpilles qui tombent autour de la tranchée.

Vers 10 heures du soir, on entend les allemands chanter, siffler. Ils font du tapage. Dans la nuit, ils viennent mettre plusieurs journaux avec un petit paquet contenant 5 cigares près de nos réseaux de fil de fer. (*)

(*) : Tentative de fraternisation ? …Pas de mention au JMO.

Le 13, quelques soldats hardis, de chez nous, vont chercher ces paquets qui étaient placés en deux endroits près des petits postes.

Le 14, dans la nuit de même, ils ne se gênent pas pour parler puis on les entend enfoncer des piquets et parler haut.

Le 15, à 6 heures du matin, on est relevé des tranchées pour aller à Tilloloy en réserve. On se loge dans les caves qui sont assez confortables mais petites. Mon escouade est en 3 endroits. Repos pour toute la journée. Vers 5 heures, les Allemands nous envoient des obus qui viennent tomber près de nous.

Deux tombent au bout de notre cave, on sent une secousse comme un tremblement. A 7 heures, même chose, la terre tremble à chaque obus qui tombe à terre.

Le 16, 9 heures du matin, notre artillerie bombarde, mais vite ils répondent. Les obus viennent tomber partout autour de notre cave puis ils arrosent un peu partout le bourg. A 11 heures ½ du soir, on va travailler dans une sape en première ligne.

On rentre à 6 heures du matin. En arrivant à notre cave, on voit tout démoli une maison qui touche la cave. On craint qu’il y ait des accidents car deux de nos camarades sont de reste dedans. La porte de la cave même est défoncée. Ce n’est plus que lambeaux. Pas d’accident de personne. Les éclats sont tombés par l’escalier puis ont frappé sur une table qui se trouve en face de la porte par devant la table est traversé de même à quelques mètres, il est tombé 8 obus, du 105. Il y a un trou énorme.

Le 17, le jour assez tranquille. Vers 8 heures la même chose, on est bombardé par tout le bourg.

Le 18, à midi, notre artillerie tire beaucoup puis les marmitent tout sur le pays.

19, vers 8 heures du matin, bombardement des deux côtés.

Le 20, à 10 heures, on vient nous chercher pour aller porter des torpilles en première ligne.

Il y en a de deux espèces. Les petites pèsent environ 22 kilos, les grosses 42 kilos environ. Ce n’est pas bien portatif.

Le 21, bombardement à midi puis vers 5 heures du soir.

Pendant nos 6 jours, nous allons toutes les nuits faire une sape, de minuit à 6 heures du matin.

Le 22, on change de cantonnement. On va se loger dans le bois près du château de Tilloloy. Cet abri ne se trouve pas dans la zone du tir. Les obus viennent rarement. Repos toute la journée.

23, travail pour porter des piquets dans la première ligne.

24, même travail.

25, repos toute la journée.

26, départ à 6 heures du matin pour aller au travail dans les abris cavernes à 5 mètres de profondeur dans le sol.

27, de même dans la nuit, on entend le canon gronder du côté de Chaulnes. L’ennemi occupe Frise.

28, même travail toute la journée, le canon gronde sans arrêt par Chaulnes. L’ennemi est arrivé à occuper Frise, petit faubourg peu important. La canonnade est terminée, tout est calme.

29, tout assez calme.

30, notre artillerie tire beaucoup dans la direction de Beuvraignes où elle disperse des troupes ennemies.

31, les obus, vers 2 à 3 heures, viennent nous trouver. Il en tombe un peu partout, le bourg, le château et les communs.

Février 1916

Le 1e, je vais au travail à la sape 8 en première ligne.

Là dans les tranchées, il tombe souvent des grenades qui sont envoyées par le fusil tromblon. Nous nous en envoyons aussi, mes ces grenades ne font pas grand dégât. C’est presque insignifiant, c’est bien rare que quelques soldats se trouvent blessés.

Le 2, au travail la matinée, repos tout l’après-midi.

Le 3, au travail de sape.

On rentre vers 11 heures, on mange de suite en arrivant. Notre repas est presque terminé, on entend un obus qui vient vers nous. Comme ils ont l’habitude de tomber dans le bourg, ne viennent jamais vers nous. Mais on sent qu’il change de direction, dans un clin d’œil, il est arrivé à nous.

Il éclate à quelques mètres de nous, pas le temps de se sauver dans notre abri, on se couche sur notre table, sur les bancs pour se garantir. On se relève, on voit de la fumée partout sur nous. Pas de doute quelqu’un est atteint. Partout des éclats ont frappé la terre. Notre table est traversée, le banc, une gamelle, un quart puis une fourchette, tout est macabullé.

On rentre vite dans notre abri mais le caporal reste à la table. On court vite vers lui, il est atteint et se plaint du ventre. On le rentre, un éclat lui a meurtri le bas des côtes, la peau n’est pas coupée. (*)

Quelqu’un de nous a quelques égratignures à la figure par les débris. Un camarade d’une autre escouade a été atteint à l’épaule gauche, le sang coule, il est évacué de suite. (**)

L’après-midi est assez calme.

(*) : Caporal GUÉRIN (JMO).

(**) : Soldat BELISSON également à la 7e Cie (JMO : blessure assez grave à la poitrine). Un soldat Auguste Albert BÉLISSON est mort en novembre 1916 de suite de blessures dans la somme. Sa fiche matriculaire ne mentionne pas la date de sa blessure ; il était au 308e RI puis dans la territoriale au 71e RIT. Il s’agit très probablement de lui, décédé plusieurs mois après sa blessure.

Le 4, travail d’abris, toute la matinée. Tout est assez calme.

Le 8, départ à 6 heures du matin pour aller à Fescamps, il y a environ 6 à 7 kilomètres. Repos toute la journée.

Le 6, l’après-midi, corvée dans le bourg de Fescamps.

Le 7, repos.

Le 8, alerte. Il faut faire son sac prêt à partit au premier instant. La journée se passe tranquillement.

Le 9, repos la matinée.

L’après-midi, alerte, faire son sac prêt à partir en cas d’alerte.

Le 10, alerte, faire son sac prêt à partir.

Vers 5 heures, il faut avoir son ceinturon tout prêt.

Plusieurs compagnons du 409 ont été dans un petit bois de soutien. Un a été dans la première ligne pour aller reconnaître un petit poste ennemi que notre artillerie avait bombardé.

Dans le soir, il se déclenche une fusillade au moment qu’il y pénètre. Il ne voit rien dans le petit poste, il revient avec 5 blessés de la section qu’il est allé voir.

Le 11 de garde au poste de police.

Le 12, départ de Fescamps pour aller dans les tranchées de première ligne, secteur Tilloloy-est en face de Beuvraignes.

Dans la journée, on reçut quelques torpilles dans les tranchées mais le fusil ne tire presque pas.

Le 13, vers 2 heures on envoie des torpilles sur les lignes ennemies. Le 77 répond un peu aux assauts dans la seconde ligne. Dans la nuit, quelques torpilles viennent nous rendre visite.

Le 14, tout se passe au calme.

Le 15, à 6 heures du matin, on nous relève pour aller coucher à Marestmontiers, 25 kilomètres de marche, passant par Bus, Fescamps, Remaugies, Piennes, Montdidier.

On y reste 4 jours. Pendant ces 4 jours, repos.

Le 19, départ à 8 heures du matin pour aller à Grivesnes, passant par Malpart, environ 6 kilomètres de marche.

Grivesnes est un petit bourg assez bien propre. Les habitants sont bien aimables. Dans le bourg même se trouve un château appartenant autrefois à Monsieur le Vicomte de LA MYRE qui fit construire l’église qui est jolie. Un dôme a été élevé sur le chœur qui donne beaucoup de classe à cette église. On y reste 2 jours,

Le dernier jour, revue du commandant. Pendant la revue, un ordre arrive : départ à midi.

Le 21, nous partons à midi pour aller à Ferrières passant par Cantigny, Fontaine-sous-Montdidier, Mesnil-St-Georges (Somme) (Oise) Royaucourt, Ferrières. On fait environ 14 à 18 kilomètres.

Le 22, départ à 1 heure pour aller faire une petite marche passant par Crèvecoeur-le-Petit.

Le 23, départ à 1 heure pour aller en petite marche passant par Crèvecoeur, Maignelay.

Le 24, repos toute la journée. Départ à 10 heures du soir pour aller prendre le train à Montdidier (Somme). 8 kilomètre à faire.

Départ Montdidier à 4 heures du matin pour une direction inconnue passant par Creil, Paris ceinture, Lagny, Meaux, Le Tréport, La Ferté-sous-Jouarre, Château-Thierry, Dormans, Épernay.

On descend du train Villers-Daucourt (Marne) à 1 heure du matin. On fait 10 kilomètres pour aller coucher à La Neuville-aux-Bois.

Arrivée à 5 heures du matin le 26. Pendant toute la journée du 25, la neige tombe au passage à Meaux. Il y en a plus de 5 centimètres à Villers-Daucourt. Cette neige est fondue. Le froid fait geler cette neige fondue qui fait verglas, il faut marcher sur le côté de la route, le chemin est pénible à faire.

On couche dans une grande remise où toute la compagnie est couchée mais il n’y fait pas chaud.

Le 26, départ de La Neuville-aux-Bois à midi pour aller coucher à Passavant passant par Bournonville, Le Chemin, Passavant. 8 kilomètres de marche. 13 kilomètres de Ste-Menehould.

Le 27, départ à 7 heures 1/2 du matin pour aller coucher à Fleury-sur-Aire passant par Brizeaux (Meuse), Waly. 12 kilomètres environ. Fleury est encombré de troupes, dans les rues ce n’est qu’autos qui circulent, camions, c’est un va-et-vient continue.

Le 28, départ à 7 heures du matin passant par Ippécourt, Vadelaincourt, Lemmes, Senoncourt-les-Maujouy, Ancemont, Dugny-sur-Meuse. On y couche, arrivée à 7 heures du soir.

23 kilomètres.

Le 29, repos.

Mars 1916

Le 1er mars, prise d’arme. Repos toute la journée.

Dans l’après-midi on va faire un tour au fort de Dugny qui se trouve sur une hauteur. On découvre Verdun, toutes les casernes, beaucoup de petits bourgs autour de la ville puis la chaîne de coteaux

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qui préserve cette ville. Ce coteau se prolonge à perte de vue, des deux côtés.

Le 2 mars départ à 9 heures le matin pour aller faire des tranchées dans des coteaux au-dessus du fort de Tavannes passant par Belleray, les casernes des chasseurs à cheval à 4 kilomètres de Verdun. 15 kilomètres à faire pour se rendre au travail. Rentré le soir à 8 heures1/2, bien fatigué.

Au passage au fort de Tavannes, les obus tombent comme de la grêle, les casernes de même. Beaucoup de chevaux sont tués par des obus. Tout l’après-midi, ce n’est que qu’un roulement d’obus qui tombent autour de nous et plus loin que nous où le canon encore d’avantage. On voit se dégager des nuages, des fumées qui viennent des obus tirés. Jamais je n’avais vu un orage aussi fort.

Le 3, départ à 6 heures du matin, même travail. Le bombardement est de même pendant tout le jour.

Le 4, départ à 7 heures du matin pour aller habiter dans le bois où nous travaillons. On fait des abris pour s’abriter pour y séjourner.

La journée du 3 est bien mouvementée. Pour le canon, ce n’est toujours qu’un roulement d’obus et toute la nuit.

Le 5, pas de changement, le bruit du canon ne s’arrête pas. Dans l’après-midi, on ressent dans l’air comme s’il envoyait des gaz asphyxiants. Vers 2 heures du matin, une canonnade sans interruption, pendant une demi-heure, on craint qu’il n’y ait une attaque.

Le 6, pendant la journée, pas de changement. On est nommé pour aller faire une corvée au fort de Vaux qui se trouve à 3 ou 4 kilomètres d’où nous sommes. On part à minuit car la route n’est pas agréable. Jour et nuit, il tombe des obus, notre corvée rentre sans avoir d’accident. Il était temps, les obus tombent comme l’on rentrait.

Le 7, on s’occupe à améliorer nos abris dans le bois. Le tir de l’ennemi ne s’arrête pas.

Le 8, même travail, mais le canon gronde encore plus que jamais et sans arrêts toute la nuit et journée.

Le 9, pas de changement, autant de tapage.

A 6 heures du soir, on part au bois de l’hôpital pour aller au fort de Tavannes en corvée de route. Tout va bien mais il est temps d’arriver, les obus tombent comme de la grêle à l’entrée du fort.

Le 10, le roulement du canon ne cesse pas.

A 3 heures, un ordre arrive, il faut partir du fort pour retourner dans notre bois. Le changement se fait sans accident.

Le 11, de service à la ferme de Bellevue. Pendant toute la journée, les obus tombent autour de cette ferme sans nous atteindre mais vers 5 heures du soir quelques obus viennent tomber dans un magasin d’explosifs qui ne tardent pas à exploser.

Tout à coup, on entend une forte détonation qui bouleverse le hangar derrière notre maison puis fait sauter les portes et casse les vitres des fenêtres. On se croit foudroyé tellement le fracas est fort, on se sauve dans la route pour s’éloigner de l’incendie qui se trouve qu’à une trentaine de mètres de notre porte. Les fusées, les plaques de tôle, tout saute partout, cela pendant plus d’une heure.

Pas un accident de personne, il y a 6 chevaux de tués et tout ce qui est dans le magasin est détruit.

Le 12, le bombardement dure toujours mais moins violent.

Départ à 12 heures de la nuit pour aller en corvée au fort de Vaux. Ce n’est pas le rêve car ce fort est continuellement bombardé et la route qui nous y conduit. On y parvient avec beaucoup de peine sans avoir d’accident. C’est miracle que les obus ne nous attrapent pas, tout autour de nous ça tombe.

Le 13, on est relevé de notre bois.

Départ à 11 heures du matin pour aller coucher à la caserne d’Anthouard. Elle se trouve dans la ville de Verdun. Cette caserne a été bombardée par un zeppelin qui a démoli à plusieurs endroits les murs et fait sauter toutes les vitres.

Le 16, 17, repos.

Le 18, départ à 6 heures du soir pour aller faire un boyau. On rentre à 4 heures du matin.

Le 19, repos.

Le 20, départ à 6 heures du soir pour aller au travail.

Rentré à 3 heures ½ du matin.

Le 21, repos.

Le 22, départ à 6 heures pour aller au travail, rentré à 3 heures du matin.

Le 23, repos. Dans la matinée, l’ennemi envoie des obus incendiaires sur la ville. 3 incendies commencent. On y va pour porter secours et mettre la part au feu mais ce n’est pas facile. L’incendie s’augmente toujours toute la nuit.

Le lendemain de même. Toute une rue est en feu.

Le 24, même chose, l’incendie n’est pas éteint.

Pendant les 9 jours que nous restons à Verdun, tous les jours ils tombent des obus par-ci-par-là dans la ville. Beaucoup de bâtiments ont souffert des obus.

Le 23, quelques obus tombent près de la caserne et tuent une sentinelle. Les obus tombent rarement sur notre caserne.

Le 24, départ de la caserne pour aller à Regret prendre les autobus vers 11 heures du matin passant par Issoncourt,

Lemmes (traversé avant Issoncourt), Chaumont-sur-Aire, Naives-sur-Bar, Bar-le-Duc et Behonne. Pendant notre parcours, on est obligé de changer de 3 autos. On arrive à Behonne à 6 heures du soir.

Le 25, je vais faire un tour à Bar-le-Duc. Charmante petite ville qui n’a pas été détruite par la guerre. Cela semble bien bon de voir revivre notre ancienne existence, c’est plus agréable que les obus.

Dans notre parcours de Verdun à Bar-le-Duc (donc le 24 mars après 11h), on rencontre le cortège présidentiel.

Le président de la république accompagné du Prince de Serbie et le général JOFFRE (*) qui vont visiter le front et vont à la ville de Verdun. Nous arrêtons à Chaumont pour reprendre une autre auto. On nous dit que plus de 5000 autobus, ainsi qu’autos, camions passent tous les jours. (**)

Ce n’est pas à se faire une idée le transport qui se fait partout. La route, que des autos pour toute sorte de transport.

(*) : Exact : ils ont une revue le 24 mars à 10h15 la 39e DI à 1km de Combles-en-Barrois (JMO 39e DI) et le 5e bataillon du 241e RI au camp de Dubiefville près de Florent-en-Argonne (JMO 241e RI) mais la revue de la 2e DI prévue à 17h est annulée (JMO 20e CA).

Ils ont repris le train pour arriver à Paris le lendemain 25 mars à 8h pour un conseil de défense après avoir reconduit le prince de Serbie à l’hôtel Continental. Voir ici.

On peut lire ce passage dans les mémoires de POINCARÉ, ici.

(**) : Ils circulent sur la route que l’on appellera « voie sacrée »

Le 26, nous avons repos. Comme l’on trouve bon de se trouver en paix pour respirer tranquille.

A partir d’ici et jusqu’au 29, il décrit plus en détails les moments terribles qu’il a vécu du 6 au 15 mars 1916 (du 1er au 18 mars, le 71e régiment d’infanterie territoriale a eu 51 tués et 203 blessés tout en ne faisant « que » le service aux combattants, sans rester en première ligne…). J’ai changé volontairement de police d’écriture pour mieux distinguer ce récit à postériori et très détaillé.

Pendant notre séjour du bois de l’hôpital pour aller approvisionner le fort de Vaux que de tourment !

Jamais tranquilles, on était toujours dans l’inquiétude de se dire « est-ce moi qui vais aller à cette corvée et je ne suis pas sûr de revenir ». Tous les jours, des morts ou des blessés.

Je me rappelle la première nuit n’a pas eu d’accident.

La deuxième nuit, je me trouvais à la première corvée, les obus tombaient au hasard de chaque côté de la route qui nous donnait un peu à réfléchir. On fait la pause dans un endroit que l’on trouvait plus en sécurité puis l’on continue la marche, mais c’était le plus difficile, on arrive à la hauteur de la crête où est le fort. Dans la route, des trous d’obus de 380 ou 420. La route est complètement défoncée. Ces trous d’une profondeur de 3 ou 4 mètres et de 10 mètres environ de circonférence, il faut choisir les endroits où l’on peut passer pour arriver au fort sans accident. On arrive au fort sans accident. Notre retour se fait de même. Comme l’on arrive au ravin où on habite, les obus viennent tomber près de nous. Plusieurs fois, on est obligé de se coucher.

Enfin nous voilà sauvés mais on voit un sous-off de la compagnie qui était de la deuxième corvée, tout en larmes. Cette corvée n’est pas en veine, deux de ses hommes ont été tués. Un obus était tombé près d’eux et plusieurs blessés. Cela nous donne encore le cafard plus que jamais et il faut y retourner tous les jours.

Le 3ème jour je ne vais pas. J’étais un peu souffrant. J‘avais été voir le major, il me met exempt de travail.

Dans le soir, un ordre vient pour aller au fort de Tavannes à quelques kilomètres de nous. Ce n’est pas gai, on part en plein jour pour s’y rendre. On arrive au fort, comme ça ne va pas vite pour entrer sous la voute du fort mes compagnons sont de reste avec moi en dehors sous les obus. Plusieurs grandes marmites viennent tomber près de nous à l’entrée du fort qui fait trembler la terre. On se blottit le long de murs. Rien n’est arrivé, nous voilà entrés dans le fort en sécurité.

A 10 heures du soir, un ordre arrive par la corvée du fort de Vaux. 3 corvées y vont 50 hommes vont chercher des grenades, des cartouches. Tous partent mais pas gais. Je suis malade, je n’y vais pas.

A 4 heures du matin, rien encore d’arrivé. Qu’est-ce qui se passe, en voilà plusieurs qui arrivent tout en sueur, plein de neige, il y avait 5 centimètres de neige. Cette nuit-là, ils nous disent que personne n’a pu approcher du fort tellement il était bombardé. Il a fallu qu’ils laissent les munitions dans un fossé à quelques cent mètres du fort.

Un autre arrive, nous dit qu’un de nos camarades a été tué par un obus. Ils étaient couchés tous les deux dans un trou d’obus, il a voulu porter secours à son camarade qui était près de lui, mais hélas il n’était plus qu’une bouillie. Il a fallu renoncer à l‘apporter.

Les obus tombaient plus fort que jamais, le temps s’écoule petit à petit chacun arrive. Qu’un ne manque à l’appel.

Vers 2 heures de l’après-midi, un ordre vient qu’il faut quitter le fort de Tavannes pour retourner dans notre bois et toujours en plein jour. Nous voilà prêts, le capitaine donne ses ordres pour partir. Tout à coup les vitres des fenêtres tombent et un tremblement qui nous fait coucher par ce qui est donc arrivé. Un obus de gros calibre vient de tomber sur le fort, mais pas d’accident. Nous partons, on marche vite, on craint les avions ennemis qui pourraient signaler notre déplacement. Quelques obus tombent par-ci par-là sans nous atteindre.

La nuit se passe tranquillement, le lendemain de même.

Le soir on est commandé de garde pour aller à la ferme de Bellevue où se trouve un croisement de routes. Les obus viennent tomber partout dans la plaine. Une maison a été épargnée par les obus où nous nous abritons puis deux magasins de munitions qui se trouvent près de là.

Tous les jours, les obus tombent autour de cette maison où est installé le poste.

Vers 4 heures du soir, un vient tomber dans le magasin de munitions. Une petite détonation se produisit, on ne fait pas attention. Un instant après, voilà une détonation épouvantable, les portes de la maison tombent par terre, un hangar s’écroule derrière la maison. Toutes les vitres sont tombées par terre. On se blottit dans un coin, on n’ose même pas bouger, on voit que le bâtiment va s’écrouler, on nous crie « sauvez-vous », les munitions qui sautent. On se sauve dans la route, on voit les fusées sauter en l’air, les plaques de tôle tortillées jetées au loin les grenades ainsi que les cartouches.

Tout est à la merci du feu. Cela dure pendant quelques heures. Pas un accident de personne. 6 mulets sont tués.

La nuit se passe sans accident. On est relevé vers 7 heures du matin.

La journée se passe tranquillement malgré que quelques obus viennent nous rendre visite dans notre ravin, qui en blessent quelques-uns.

Vers 6 heures on me nomme pour aller au fort de Vaux, nous partons à 11 heures de la nuit.

Le départ se fait assez bien. En cours de route, on voit des chevaux sur la route tués, d’autres qui sont encore attelés à quelques caissons et blessés sont de reste, le conducteur les a abandonnés. Au passage d’un ravin, on sent des gaz asphyxiants qui sont envoyés par les obus. Plus on approche, plus cela devient dangereux. Près de nous un obus est tombé sur la route, il a tué 6 soldats. Ils sont couchés à plat ventre, leur sac est sur le dos tout équipé, il faut passer de côté pour éviter de marcher dessus

Plus loin, il s’en trouve d’autres que les caissons sont passés dessus. Ils sont tout en bouillie, les uns plus de tête, d’autres plus de bras ou les jambes coupées. L’aspect devient affreux. Plus l’on s’avance, plus c’est triste. Les obus tombent comme la grêle. Il faut se coucher par terre pour s’abriter. Les obus approchent de nous. On fait quelques mètres puis la même chose partout dans les trous d’obus sont des soldats cachés pour attendre le moment plus calme pour arriver au fort. Quel moment pénible à passer pour arriver à ce fort !

Les minutes s’écoulent à force de faire de bonds, nous arrivons au fort mais je ne m’y reconnais plus. La route est toute labourée par les obus, plus de passage de route.

A l’arrivée du fort, la porte est écroulée, la voûte condamne la porte d’entrée. Il n’y a plus qu’un passage de chaque côté pour y entrer. On repère un peu, nous voilà dans le fort. Quel encombrement de troupes dans ce fort ! Les blessés qui arrivent des premières lignes sont là, en attendant le moment plus calme pour partir du fort.

Nous déposons les munitions puis nous partons pour revenir. Même travail à faire car les obus ne cessent pas. Chacun tire sa peau comme il peut. Nous voilà rentrés. Dans notre bois quelques blessés puis un mort.

On se repose pendant la journée mais vers 6 heures, on est commandé de corvée pour le fort. Tous se regardent et s’inquiètent de son sort. On se couche de bonne heure pour se reposer mais on ne peut dormir. On se tourmente de cette corvée. L’heure arrive nous partons le cœur glacé car les obus tombent toujours. Nous allons sans trop de presse.

A 2 kilomètres du fort, on se repose un peu, nous en avons besoin. On marche le plus vite que l’on peut et partout sur la route, ce n’est que des débris de voitures, autos en panne, des camions. Sur la route, les chevaux sont tués. Tout par les routes, partout, on voit des morts. Il faut enjamber par-dessus pour éviter de mettre les pieds sur les cadavres. On voit deux chevaux emballés qui marchent sur la route. Plus de conducteur, il a été tué.

Nous continuons notre route. C’est le plus difficile. Il faut commencer à se cacher dans les trous d’obus pour se préserver. Tous nous sommes couchés en attendant un moment d’accalmie. Les obus tombent partout. Tout à coup on entend crier « au secours, à moi » en tête de la corvée. Un obus vient de tomber, il fait plusieurs blessés, un à un œil tire l’autre les mains abimées. Tous se plaignent et gémissent. L’ennemi qui entent se tapage envoie une rafale d’obus, on se blottit le long de la terre. On est entre la vie et la mort, pourtant il faut se décider à partir pour accompagner notre corvée.

Il nous faut plus d’une heure pour faire 500 mètres. Nous voilà arrivés à la porte du fort, mais plus de place, tout est garni, il faut attendre son tour pour passer.

Nous voilà de reste dans les trains d’obus, à plat ventre, on y reste encore plus d’une demi-heure. Les obus viennent tomber autour de nous, les éclats tombent sur nous mais ils n’ont plus de force. Aucun accident n’est arrivé à cet endroit.

Notre tour arrive pour déposer nos munitions puis nous partons du fort.

On est engagé sur la route, voilà une fusée qui éclaire. L’ennemi nous voit défiler, c’est le moment de se coucher, pas de temps à perdre, les obus radinent partout car ils ne sont pas regardant de leur mitraille. Je reste un instant, je regarde partout au tour de moi. Je vois partout des soldats qui sont couchés, pourtant personne ne bouge, pourtant il faut sortit de cet endroit dangereux. Faut se décider à partir. Je me lève, fais quelques mètres, faut se coucher.

Pendant 4 à 500 mètres, c’est le même travail, courir, se coucher et j’arrive à l’endroit où sont mes camarades qui attendent, tous, on en peut plus, tellement de transport, de fatigue à courir, puis on est en sueur. Voilà qu’il nous envoie des fusées où nous sommes. Il faut quitter cette place, elle devient dangereuse et il faut rentrer. Tout à coup, le 75 se met à cracher. Que se passe-t-il ?

Sans arrêt il tire, c’est un vacarme à étourdir. Pas de doute, une attaque. On marche le plus vite que l’on peut, c’est le moment d’en profiter car l’ennemi ne tire pas, on est tranquille, tout le reste de la route, la compagnie n’a pas eu de blessé.

Cette nuit-là, d’autres ont été plus éprouvé.

En rentrant dans nos gourbis, il faut changer de linge, pas un morceau de sec. C’est la dernière nuit de souffrance, le 15 on part du ravin pour aller en caserne de Verdun, mais ce n’est le tout, faut sortir de cet endroit. Comme le tir de l’ennemi s’augmente toute la matinée, bombarde nos cuisines puis le bas du ravin, faut passer d’un côté ou de l’autre, faut traverser cette mitraille, le temps en couvert, les avions ne circulent pas.

A 11 heures, départ pour Verdun, la partie se fait par section. Tous, le cœur inquiet de savoir comment cela va se passer. Ma section est en tête, nous voilà en route, 5 kilomètres à faire. Le tir de l’ennemi est plus calme.

On passe dans les points bombardés. Partout la terre est labourée, pas un endroit n’a été épargné. La marche se fait plus vite pour se tirer des mauvais endroits. Nous voilà à découvert, faut changer de côté, on aperçoit dans le lointain la saucisse ennemie qui pourrait nous faire bombarder.

En effet, ça ne demande pas grand temps, comme l’on arrive sur la route quelques obus tombent au hasard dans notre direction. On se couche le long du fossé de la route mais faut partir de cet endroit, il est dangereux. Nous voilà arrivés au faubourg de Verdun, on respire un peu plus tranquillement mais la 5e compagnie qui était derrière nous s’est trouvée dans le feu de l’ennemi, les obus radinent un peu partout, quelques-uns tombent près des hommes, ils reçoivent des éclats, quelques égratignures, pas un n’a été grandement blessé.

Nous voilà arrivés en ville, on passe par les fortifications qui nous paraissent imprenables.

A peine arrivés en ville, on voit des débris de maisons qui sont bombardées, toujours la mine de la guerre, les ponts principalement visés pour arrêter la circulation, plus nous avançons toujours le même spectacle toujours la ruine. La caserne de même a été bombardée par un zeppelin en plusieurs endroits, le bâtiment est écroulé.

Nous voilà installés tant bien que mal les uns sur une paillasse, les uns sur un matelas, les autres sur les planches. Comme tout a été bouleversé depuis le passage des troupes d’active, tout est au pillage, tout culbuté.

On passe 9 jours dans Verdun. Pendant ce séjour beaucoup ont été malades, une épidémie est sur le régiment, tous ont la diarrhée, la fatigue de Vaux nous a tous rendu malades à la visite puisque 80 hommes par compagnie et tous les jours, tous ce que nous sommes, on ne tient plus debout par cette diarrhée qui nous anéantie. Tout notre séjour de caserne, c’est la même chose.

On part de Verdun le 24 avec le cœur bien gai de quitter cette ville qui est toujours bombardée. Nous voilà arrivés à Behonne, 3 kilomètres de Bar-le-Duc. Là, on respire un peu, le grand air nous fait revivre, nous en avons besoin. Cette petite bourgade qui n’a pas souffert de la guerre, on trouve ce que nous avons besoin.

On reste 5 jours à Behonne. On a la tranquillité, pas de travail, le repos complet.

Le 29, à 1 heure de l’après-midi, départ pour aller coucher dans un château près de Fains, passant par Bar-le Duc. 8 kilomètres environ.

Le 30, on reste dans le château. La Meuse passe dans le parc (il s’agit de l’Ornain et non de la Meuse). On s’occupe à nettoyer notre matériel.

La journée est superbe et chaude même. Près de la rivière, se trouve un abattoir militaire, les autobus viennent le chercher pour ravitailler les premières lignes.

Le 31, départ à 6 heures du matin de ce château passant par Mussey, Couvonges.

Ce bourg a bien souffert de la guerre. Tout un côté de la rue est détruit par le feu. De Mussey à Couvonges, dans les champs, on voit des tombes par-ci par-là. La retraite de la Marne a passé par ce pays. Ensuite on passe par Beurey, Robert-Espagne. Ces pays sont assez importants, rien n’est détruit. On fait la grande halte à Robert-Espagne, commune assez importante. On passe dans la commune des Trois-Fontaines qui appartient à l’état et Baudonvilliers. On y couche une nuit. 20 kilomètres.

Vers 9 heures du matin, un ordre vient que l’on part à midi pour aller à Vouillers. 18 kilomètres à faire, ce n’est pas le plus amusant.

On est bien fatigué de la veille. On passe dans la forêt des Trois-Fontaines qui a au moins 10 kilomètres de traversée. Beaucoup sont fatigués par la chaleur et restent sur la route. On ne ressent aucun air dans ces bois, on passe sur une pointe avancée de la Haute-Marne.

A 4 kilomètres de nous se trouve St-Dizier. Puis on traverse Villiers-en-Lieu et Vouillers dans le département de la Marne. Cette bourgade de 150 habitants donne un aspect pauvre. Toutes les maisons construites toutes en terrasse puis les murs sont recouverts de planches pour garantir la terre, même d’autres murs sont recouverts avec des petites planches forme de très petites ardoises. Dans notre parcours, jamais on avait vu de construction de la sorte.

On est arrivé à Vouillers le 1 avril à 6 heures du soir avec une grande fatigue. On a fait environ 18 kilomètres en pleine chaleur car il fait un temps superbe. La campagne est assez bien, de grandes plaines à perte de vue. C’est toujours la grande culture.

La journée du 2 est splendide, on a le repos complet. Chacun s’occupe à nettoyer son linge, on profite du beau temps.

On reste 10 jours à ne rien faire, personne ne s’occupe de nous, c’est le repos complet.

Le 10, départ pour l’exercice à 7 heures du matin. Rentré à 10 heures.

L’après-midi, repos.

Le 11, même travail.

Le 12, petite marche passant par Perthes. Ce petit bourg, construit tout en terrasse, les murs recouverts avec des planches, n’annonce pas un pays bien riche.

Le 13, départ à 7 heures ½ pour une petite marche passant par St-Vrain, 3 kilomètres de Vouillers.

Toutes ces bourgades sont construites de la même façon, on ne voit que terrasse. Toutes, construction légère et peu solide, toutes n’annoncent pas un pays riche.

Le 14, petite marche passant par Perthes. Ce bourg est de la Haute-Marne.

Le 15, marche passant par Perthes.

Le 16, corvée de bois dans la forêt d’Argonne passant par St-Eulien. Ce bourg est construit de même façon que tous les bourgs où nous avons passé dans la Marne, tous en terrasse.

A midi, un ordre vient que l’on part le lendemain à 11 heures pour prendre le train. On reste 16 jours à Vouillers. Tout ce temps a été pour le repos, personne ne nous a embêtés. Pendant quelques jours on a fait l’exercice le matin et l’après-midi tranquille.

Départ de Vouillers, le 17 avril, pour aller prendre le train à St-Eulien, 3 kilomètres à faire par de la pluie.

Le train part à 3 heures environ de l’après-midi passant par Blesme, Haussignémont (gare de Bleme-Haussignémont), Vitry-le-François, Huiron, petite commune qui est complètement détruite. Le feu a passé partout, peu de maisons ont été épargnées, quelques constructions en bois par-ci-par-là pour loger les habitants. Sompuis, Sommesous ont vu les horreurs de la guerre. Tout est brûlé, il n’y a plus que les murs des maisons.

Lenharrée. On passe par la Champagne pouilleuse, triste pays, tout est en terrain inculte. On voit des sapins partout qui ne peuvent même pas pousser, la terre nue, même pas d’herbe la recouvre. Dans tout ce parcourt de la Marne, il s’est passé des combats sanglants partout dans la plaine ou dans les sapins.

Sur le bord de la voie ferrée, on voit des tombes où il y a peut-être enterrés beaucoup de mes camarades. Ce n’est qu’un vaste cimetière par tous ces endroits mais toutes ces tombes sont entretenues, pas d’herbe n’a été laissée pousser dessus ni autour.

La nuit est arrivée, on ne voit plus où l’on passe. Marly, on nous donne le café à 3 heures du matin, Pantin, Aubervilliers, St-Denis, Chantilly, Creil. On voit des prisonniers qui sont occupés au service de la gare. Pont-Ste-Maxence, Chevrières où l’on descend, mais on a encore 15 kilomètres à faire à pieds pour aller cantonner passant par Houdancourt, Bazicourt, St-Martin-Longueau, Pont-Ste-Maxence et Pontpoint.

Nous voilà arrivés à 3 heures de l’après-midi dans l’Oise le 18 avril 1916.

Nous voilà installés dans cette petite bourgade qui est assez agréable pour notre repos. Les pays agréables ne ressemblent pas au département de la Meuse ou la Marne. Les habitants sont bien aimables.

Le 19, repos complet.

Le 20, de même.

Le 21, revue par le Général d’armée Alby et Maunoury (*) qui disent aux officiers de nos compagnies de donner du repos aux hommes, de leur donner une bonne nourriture.

(*) : Le JMO indique « par le général commandant le 13e corps d’armée » qui était bien le général ALBY. Pas trouvé d’autres informations pour MAUNOURY et autres gradés (rien au JMO du 13e CA).

Le 22 et 23, repos. Un ordre arrive à 5 heures du soir que nous partons le lendemain à 7 heures du matin.

Le 24, à 7 heures du matin, départ passant par Moru, Rhuis, Verberie et Saintines où l’on couche.

Arrivée à 10 heures, 9 kilomètres de marche.

Le 25, départ à 7 heures du matin pour aller à Morienval passant par Béthisy-St-Martin, Orrouy, Gilocourt, Bellival, Élincourt et Morienval. 14 kilomètres de marche.

Le 26, départ à 6 heures du matin pour aller à Breuil passant par la forêt de Compiègne, Palesné, Pierrefonds, là se trouve un superbe château : huit tours. Cuise-la-Motte et Breuil. 16 kilomètres de marche.

C’est une commune assez importante et il y a plusieurs usines, une d’engrais chimiques puis une autre de jumelles.

Le 27, départ de Breuil à 4 heures du matin pour aller à Rethondes passant par Trosly, 5 kilomètres à faire.

La journée du 27, repos. Cette petite bourgade bâtie sur le bord de l’Aisne est bien agréable. Tout est entretenu avec goût malgré que beaucoup d’habitants aient abandonné leur maison. Beaucoup de petites villas sont à la merci des soldats, qui les ont comme cantonnement.

Les obus ne tombent pas dans ce pays. Le pont qui traverse l’Aisne a été fait sauter par l’ennemi au moment de la retraite de la Marne, il a été relevé et soutenu par des tréteaux et madriers solides. Les voitures circulent dessus.

Le 28, départ à 6 heures du matin pour aller à la gare de Rethondes pour décharger les trains de marchandises, paille, foin, planches ou piquets, charbon.

A 5 heures, je vais voir le ballon captif qui se trouve à 1500 de nous, j’assiste à la descente. Ce ballon volumineux maintenu par un câble en fer est retenu à une auto, un moteur fait manœuvrer ce câble pour la descente d’une nacelle suspendue où montent deux personnes pour observer ce qui se passe en avant des lignes ennemies.

Le 29, corvée à la gare pour décharger les wagons. Cette gare de Rethondes se trouve à 6 kilomètres de Compiègne et enfermée dans la forêt de Compiègne, aucun obus n’est venu tomber dans ces endroits. C’est un vrai plaisir de faire cette corvée.

Le 30, départ à 7 heures du matin pour prendre la garde dans un petit poste.

Dans le pays, on y reste pendant deux jours. Ces deux jours se passent admirablement bien. Le poste est plutôt au café pendant tout le jour. Des camarades nous donnent de l’argent pour aller chercher du vin à un café consigné qui se trouve dans la cour du poste.

On est relevé à 7 heures du matin le 2 mai.

Mai 1916

Le 2 mai, repos.

Le 3, départ à 6 heures du matin pour aller en corvée à la gare de Rethondes à charger de la paille et des sacs de maïs dans la voiture de ravitaillement.

Le 4, départ de Rethondes à minuit pour aller en réserve à la ferme de Gamet à .. (*) kilomètres environ des lignes premières, 11 kilomètres à faire pour y arriver passant par Berneuil-sur-Aisne, Attichy.

Ces bourgades ne sont pas trop détruites, quelques obus y tombent de temps à autre, il y a encore des civils. Cette ferme de Gamet, bien construite avec goût, éclairée à l’électricité, avec service d’eau, est située sur une hauteur d’où l’on découvre les hauteurs de deux grands coteaux de 4 à 5 kilomètres, de là un grand ravin, d’une grande profondeur sépare ces coteaux qui gênerait beaucoup la marche de l’ennemi en cas d’avance. Partout le pays est accidenté.

À 1 kilomètre de cette ferme, dans le fond, un pays s’y trouve, le bourg de Bitry. On voit quelques traces d’obus mais n’est pas détruit, le civil n’est pas évacué. Entre deux ravins, à perte de vue, on peut voir un joli panorama.

Dans le lointain, on voit les flèches de la cathédrale de Soissons.

Repos le 4.

(*) : le front étant vers Touvent, ils sont à ~4 km des premières lignes (ce qui est confirmé le 8 mai…).

Le 5, repos. La tranquillité règne autour de nous.

On entend, au loin, vers les premières lignes, le canon gronder et le crapouillot. Pas d’obus autour de nous.

Le 6, mais je suis de corvée de soupe. C’est une véritable corvée, faut aller chercher notre nourriture à St-Pierre-les-Bitry. Cette autre petite bourgade se trouve dans le ravin à environ 2 kilomètres de nous. Ce petit bourg, pas trop démoli, n’est pas trop bien récréatif, le civil est parti, presque pas y sont restés.

Le soir, je vais faire un tour à Bitry. Ce bourg assez gros, beaucoup de civils sont de reste. Par-ci par-là, on voit des traces d’obus, le clocher a été traversé par un obus. On trouve tout ce que nous avons besoin, épicerie, vin, les gens ont l’air bien aimable. Dans ce bourg, on voit encore quelques maisons couvertes en paille qui n’annoncent pas la richesse.

Le 7, repos. La tranquillité est toujours autour de nous. On entend les obus tomber plus loin que cette ferme.

On reste 4 jours dans cette ferme.

Le 8, départ à minuit ½ pour aller prendre les tranchées de première ligne. 4 kilomètres à faire. On suit un ravin d’une grande profondeur qui nous préserve des obus. Partout ce pays on l’on passe, est accidenté. Ce ne sont que des coteaux, ravin et bien boisés. On arrive là où se trouve une plaine où sont nos tranchées. Celles de l’ennemi sont sur la crête et dominent un peu les nôtres. On loge dans un abri qui est assez confortable, pourrait supporter un 105 sans le démolir. Comme tranchées, elles sont solides et profondes.

Au près des sentinelles, des trous creusés dans le fond de la tranchée pour protéger en cas de bombardement. Les lignes sont à 7 ou 800 centimètres environ les unes des autres. Des petits postes sont détachés des tranchées et s’avancent dans la plaine.

Le premier jour, tout est assez calme, quelques crapouillots sont envoyés de chaque côté de nous ainsi que des coups de canon. Où nous sommes, pas un obus, pas de torpille, c’est la tranquillité.

Le 9, je vais prendre la faction dans un petit poste qui domine les tranchées ennemies.

Avec une jumelle, on voit tous leurs travaux comme si on était près de leurs tranchées. Ce n’est pas facile d’y arriver, beaucoup de fils de fer barbelés préservent leurs tranchées. On voit très bien les créneaux d’une grande largeur où même ils peuvent mettre une mitrailleuse pour balayer la plaine.

Pendant le jour, je crois que peu de sentinelle sont de reste dans ces petits postes. Au moment de la relève, on pourrait voir passer quelqu’un dans l’intérieur de la tranchée en face de ces créneaux.

Le 10, pas grand changement, quelques coups de canon qui sont envoyés sur la première ligne ennemie, en face de nous. Plus à notre droite les torpilles sont échangées des deux côtés avec quelques coups de canons, sans grand résultat. Chacun se terre dans les abris qui sont près des sentinelles. C’est assez rare qu’un obus vienne tomber sur ces abris.

Vers 8 heures du soir, il se trouve un peu de mouvement, le canon gronde, plusieurs mitrailleuses ennemies se mettent à cracher, mais ce n’est rien. Le calme se rétablit puis la tranquillité pour le reste de la nuit.

Le 11, la journée est assez calme, la nuit beaucoup de coups de fusils des deux côtés. Les torpilles sont envoyées des deux côtés, le canon gronde brusquement vers 10 heures puis tout se calme jusqu’au matin.

Le 13, mauvais temps, de la pluie une partie de la journée et toute la nuit. Tout est calme par ce mauvais temps.

Le 14, à 3 heures du matin, on est relevé par une autre compagnie de notre bataillon. On la remplace dans le ravin de la Faloise, un kilomètre de première ligne, ma section va loger au-dessus du ravin sur le coteau dans des abris bien confortables et solides.

A 8 heures du soir, corvée pour aller, en première ligne, porter des fagots pour clayonnages.

Le 15, une corvée le matin, porter des passe-pieds dans la tranchée de première ligne.

L’après-midi, 2 corvées porter piquets et fagots pour clayonnages.

La nuit tranquille.

Le 16, tout est tranquille, presque pas d’obus envoyés.

Le 17, de garde, on emmène, dans une tranchée de réserve pour avertir en cas de bombardement ou de gaz, un appareil près de la sentinelle qu’il doit faire manœuvrer pour prévenir que les gaz viennent sur le filon. La journée est tranquille puisque pas d’obus.

Mais vers 6 heures du soir, voilà que les torpilles voyagent des deux côtés, font de trop fortes détonations, puis le canon se met à gronder de chaque côté puis cela s’augmente, le tir devient plus rapide, les torpilles ainsi que les obus ne cessent de tomber.

Tout ressemble à une attaque.

On voit de gros nuages se détacher de terre par l’éclatement des obus. Dans l’espace d’une demi-heure, tout n’est que feu et flamme. Le tir est toujours aussi rapide, cela se passe à quelques kilomètres de nous dans une grande plaine que l’on découvre à perte de vue. Comme tout est calme où nous sommes, on assiste comme spectateur à ce bombardement qui continue toujours puis voilà la mitrailleuse qui se met à cracher et les fusils. Tout n’est plus que feu et flamme. Une petite attaque, les Allemands sortent de leurs tranchées, mais nous, il faut quitter notre endroit de spectateur car les balles ennemies viennent passer partout autour de nous.

Comme le terrain est plus élevé, elles viennent atterrir où nous sommes. C’est le moment de rentrer dans notre abri, se mettre tout prêt à sortit pour aller se porter au secours de nos camarades de première ligne. Cela dure encore quelque temps, puis un peu de calme, ça se ralentit petit à petit puis le calme se rétablit complètement. On peut se coucher tranquille. Tout cela a duré 2 heures environ.

Le lendemain, on nous dit qu’une reconnaissance ennemie qui tentait d’aborder nos lignes aux abords de Quennevières a été contre-attaquée par le 408 et s’est dispersée laissant des morts sur le terrain.

Le 18, la journée est assez tranquille. Les avions viennent de partout pour voir ce qui se passe chez l’ennemi.

A 8 heures du soir, on va au travail de tranchées.

Le 19, la journée est un peu plus mouvementée, le canon gronde de temps à autre, puis vers 6 heures du soir, les torpilles voyagent et font de très fortes détonations, nous en envoyons plus qu’une sur leurs tranchées et ne répliquent pas trop la nuit et de même le canon gronde. A chaque instant, on craint que l’ennemi installe des tuyaux pour envoyer des gaz car on entend dans leurs tranchées des bruits de tôles.

Le 75 tape où l’on croit que quelqu’un travaille.

Le 20, on est relevé des tranchées de réserve à 2 heures du matin pour se rendre à Berneuil passant par Attichy, 6 kilomètres environ à faire. Cette petite bourgade de Berneuil assez bien bâtie, beaucoup de civils y sont restés.

On trouve son nécessaire et n’est pas détruite. Par hasard les obus y tombent, ont fait quelques victimes puis détruit des maisons. A 400 mètres du bourg se trouve une fabrique de sucre qui se trouve près de l’Aisne.

A 6 heures du soir, je vais me promener à la Motte-Breuil, petits pays qui se joignent car les bourgades ne sont pas loin les unes des autres. Là se trouve un quartier ouvrier, une usine d’engrais chimiques qui était aux allemands. Les Français avaient installé une fabrique de munitions mais les Allemands s’en sont aperçus puis ils ont envoyé quelques obus de 400 sur l’usine. Plusieurs y sont tombés sur le hangar puis, détruit le matériel. Il a fallu abandonner cet endroit. Depuis tout est tranquille, pas un obus n’a été envoyé.

Le 21, corvée de nettoyage dans le bourg puis, le soir, départ à 6 heures, pour aller au travail dans les secondes lignes à 4 kilomètres d’où nous sommes pour faire une tranchée.

Rentée à minuit et demi, nous ne sommes pas bombardés. On voit des traces d’obus partout dans la plaine.

Le 22, repos toute la journée.

Le 23, travail de tranchées au-dessus de Berneuil, sur les hauteurs où se trouvent des carrières immenses. Le sol est creusé partout, seuls des piliers, de distance en distance pour soutenir la voûte de terre où l’on peut labourer. Il a été tiré de la pierre de tuffeau, on peut abriter de la troupe en quantité dans ces carrières sans craindre les obus car la voûte est solide.

A 5 heures du soir, on est nommé de garde pour aller au château de Sainte-Claire, 3 kilomètres à faire. Là se trouve le général de division Nicolas. On y reste un jour. Ce petit château, bien construit et propre, n’a pas souffert de la guerre. Tout est intact. Un joli parc l’entoure. Cette journée se passe très bien, c’est plus agréable que la vie de tranchée.

Le 24, nous rentrons à Berneuil vers 7 heures du soir, notre garde est terminée.

Le 25, départ vers 5 heures et demie du matin, pour aller au travail aux carrières mais avant de se rendre au travail, on nous mène voir ce que c’est que des gaz inflammables qui sont envoyés au moment d’une attaque. C’est un travail de génie.

Des hommes désignés pour porter un appareil sur leur dos qui contient le liquide. Ce liquide est un mélange d’essence, d’huile et de goudron. Puis au moyen d’une pompe à main font fonctionner l’appareil portatif qui fait un jet d’eau pour l’envoyer à environ 20 mètres en avant des hommes, puis chaque homme porte des pétards qu’il allume et les jette dans ce liquider répandu à terre.

Au même instant, il se dégage une fumée épouvantable épaisse et noire qui s’élève de plus de 30 mètres de hauteur, puis la terre est couverte de flammes et fait un grand pétillement. Ce rideau de fumée et de flammes avec le pétillement fait un frisson et malgré soi, on recule devant cette épouvantable fournaise et derrière le rideau, la troupe s’avance pour arriver à prendre la tranchée.

Rien ne peut résister dans ces flammes.

Le 26, départ à 6 heures du matin pour aller à la ferme Navet à Attichy, 5 kilomètres à faire. On est occupé à faire des tranchées. Cette ferme n’est pas abritée mais pas détruite. Les obus ne viennent pas.

Rentée à 4 heures ½ du soir.

Le 27, repos toute la journée puis, à 7 heures du soir, on part pour aller au travail de seconde ligne. 5 kilomètres à faire à la ferme de Morenval.

Cette ferme se trouve dans une grande plaine et complètement détruite. Il ne reste plus rien, les murailles sont toutes écroulées, c’est une ruine. On est occupé à faire un abri pour ma mitrailleuse dans la plaine, à 2 kilomètres des premières lignes.

Le 28, repos.

Le 29, départ à 5 heures ½ du matin pour aller au travail à Rethondes pour transporter des pieds d’arbres toute la journée.

Rentrée à 5 heures du soir.

À 7 heures du soir, on prend la garde au poste de police de Berneuil.

Le 30, de garde dans l’après-midi, un ordre vient qu’il faut que l’on parte de Berneuil, à 5 heures du soir, pour laisser les cantonnements libres. On quitte le poste pour aller coucher à Couloisy passant par la Motte-Breuil. 3 kilomètres à faire. Cette petite commune n’est pas grande mais bien agréable retirée sur le bord de l’Aisne. Rien n’est détruit, pas d’obus n’y ont tombé.

Cependant, de notre cantonnement, on voit deux ballons captifs qui peuvent voir tout ce que nous faisons dans ce pays. Tout mouvement de troupe est vu. On ne saurait se dissimuler à la vue du ballon à moins de ne circuler que la nuit.

Le 31, repos, mais on nous prévient qu’à 10 heures du soir, départ pour aller en réserve dans les carrières au-dessus d’Attichy. La compagnie part à 10 heures passant par Attichy. 5 kilomètres à faire environ pour se rendre à nos carrières.

On passe sur le pont d’Attichy qui a été reconstruit par les Anglais depuis le recul des Allemands. Il est suspendu par des câbles de fils de fer. A côté, un autre pont construit provisoirement tout en bois. Tous ces ponts ont été faits sauté par les Allemands, celui d’Attichy, le pont de la Motte à Berneuil et celui de Rethondes. Tous sont reconstruits.

Nous voilà arrivés à nos carrières, vers minuit. En arrivant, on peut se reposer le reste de la nuit.

Le matin pas de travail, on peut faire la grasse matinée.

Juin 1916

Le 1 juin, repos.

On s’oriente un peu dans notre nouvelle habitation. Ces carrières où il a été tiré de la pierre tendre, on n’en voit pas le bout. Le sol est creusé partout des piliers de distance en distance soutiennent la voûte, du dessus on peut cultiver la terre. Comme aménagement, on est assez bien, des couchettes en bois avec du grillage qui nous sert de sommier sont dispersées partout, mais ce n’est pas le rêve.

Il fait noir, on y voit à peine malgré les bougies qui sont allumées puis il fait froid, il faut se couvrir pour la circonstance sans cela c’est facile d’attraper rien de bon. A l’entrée, un réfectoire assez bien, qui nous permet de pouvoir manger à son aise. On dirait plutôt une caverne avec toutes ses installations.

Tout est installé près de nous, cuisine roulante ordinaire, car dans ces carrières il y a bien où loger plusieurs régiments.

A 40 mètres de notre logement se trouve une autre carrière, une grande chambre qui est installée pour célébrer la messe. Un petit autel est taillé dans la pierre de chaque côté, on a mis des branchages de verdure. L’aumônier de chaque bataillon y célèbre la messe le dimanche et jours de fête.

Dans d’autres endroits, ces caves servent d’écuries même on peut mettre des canons ou caissons ainsi que des munitions. Au-devant de ces carrières, des petites baraques construites pour les officiers même quelques petites maisons bien confortables avec fenêtres et d’autres sont très bien éclairées par une grande vitrine. C’est le rêve de ces messieurs.

Comme jamais les obus n’y tombent, nous avons repos toute la journée.

Le soir on part au travail à 7 heures du soir pour aller faire un boyau de communication dans une grande plaine en quatrième ligne. Quelques obus y sont tombés mais pour la première nuit, c’est la tranquillité. Rien ne vient nous troubler de notre travail. Rentrée à 11 heures.

Le 2 juin, repos le jour et la nuit.

Le 3, départ à 5 heures du matin pour aller faire un boyau dans le coteau, que du ravin de la Falaise.

Rentré à 10 heures.

Le 4, dimanche, j’assiste à la messe, dans les carrières, qui est célébrée par l’aumônier de notre bataillon.

Le 5, départ à 8 heures du soir pour aller au travail faire un boyau.

Rentré à 11 heures.

Le 6, repos toute la journée.

Départ à 8 heures du soir pour aller travailler dans la plaine à un abri qui est construit solidement de fer, de ciment, de pierres et boisé à l’intérieur. Recouvert de terre, cet abri servirait d’observatoire pour le général. Il domine la plaine. 3 ouvertures permettent de voir ce qui se passe de tous côtés.

Le 7, départ à 1heure de l’après-midi pour aller à l’exercice de grenades pour s’habituer à en envoyer, mais elles ne sont pas chargées.

A 8 heures du soir, départ pour le travail, à faire le boyau de communication. On n’y est pas longtemps. L’eau se met à tomber, on est tout mouillé en rentrant et sale par la boue.

Le 8, repos tout le jour et la nuit.

Le 9, départ à 6 heures du matin pour aller au travail dans un boyau pour l’élargir.

A 1 heure de l’après-midi, je vais faire un tour à Attichy, à 2 kilomètres des carrières. Cette petite commune assez importante bien bâtie avec goût, cette une petite bourgade bien jolie pour la campagne, mais presque pas bombardée. Beaucoup de civils sont partis car quelques obus y tombent de temps à autre.

Le 10, départ à 5 heures du matin pour continuer notre boyau.

Dans l’après-midi, avec d’autres camarades, je vais visiter les carrières où nous sommes logés. Ces carrières bien plus grandes que ce que l’on nous avait annoncé. On se munit de lumière puis nous marchons dans le souterrain. Nous marchons toujours, c’est l’obscurité complète, plus on y va, on voit toujours des chambres où a été tiré de la pierre.

Nous voilà arrivés au bout de la galerie, là se trouve un puisard qui donne de l’air à la galerie, un escalier a été creusé dans la voute pour correspondre dans la tranchée. On monte l’escalier, il y a 40 marches à monter puis on se trouve à la profondeur de la tranchée. Le niveau du sol est encore à 1 mètre 80 au-dessus de nous. Il y a au moins 12 mètres de profondeur pour y descendre. L’ennemi peut bombarder sur ces carrières. Sans ne rien craindre nous descendons l’escalier pour aller voir les champignonnières qui sont installées.

Nous voilà arrivés dans les chambres, partout on voit du fumier de chevaux qui a été mis en sillons bien arrangés, pas de place à perdre des passe-pieds pieds entre ces sillons pour permettre de circuler sans marcher sur le fumier puis ces sillons sont recouverts de sable bien frapper pour fouler le fumier. C’est un travail fait avec goût. On dirait plutôt être dans un jardin que dans une carrière, car partout où nous passons, c’est la même chose.

Dans toutes ces cavernes, il y a bien au lever 10 000 hommes de troupes bien en sécurité. D’ici quelques semaines, l’éclairage, à l’extrémité, va être installé qui permettra de pouvoir circuler partout sans hésiter.

Le 11, repos.

Le 12, repos toute la journée. Départ à 10 heures du soir pour aller en première ligne. Je suis agent de ligne, je pars en tête de la compagnie avec le capitaine. 4 kilomètres à faire pour y arriver par du mauvais temps. La pluie tombe fine.

Nous voulons arriver à notre abri. On est trois à y loger, il n’est pas trop solide. Cet endroit est des plus mauvais pour les torpilles qui tombent à chaque instant.

Le 13, la matinée tout est tranquille.

Vers 3 heures le capitaine m’envoie prévenir la première ligne que nous allons envoyer 5, 6 torpilles. Chacun se met à l’abri le plus qu’il peut car les abris ne sont pas solides et ne pourraient supporter une torpille.

Voilà deux torpilles de chez nous qui sont envoyées, pas plus. L’ennemi n’est pas satisfait de cela, il se met à nous répondre, il en envoie une soixantaine par-ci par-là. Une vient tomber à quelques mètres de notre abri qui fait trembler la terre et re-comble un boyau. Ce n’est pas le moment de sortir. Les éclats volent de tous côtés puis les obus, qui viennent nous rendre visite.

Bilan, la nuit tout est assez calme.

Le 14, la matinée est tranquille.

Vers 3 heures de l’après-midi, on envoie 100 torpilles sur leur ligne, qui culbutent leur tranchée. Ils nous répondent, en envoient un peu partout autour de nous, une vient tomber sur le haut de la tranchée. Un homme se trouvait dans un trou, caché. Elle culbute la terre et enveloppe cet homme. Sans pouvoir s’en retirer, il y reste pendant une heure. Quelqu’un se trouve à passer dans la tranchée, il appelle au secours, on le dégage de sous cette terre mais il est contusionné, courbaturé par cette terre qui l’enveloppait. Il a été évacué de suite.

Le soir devient plus calme, la nuit est assez tranquille.

Le 15, le matin tout est calme. Vers 10 heures les obus voyagent un peu de tous côtés.

A 11 heures, ils nous envoient des obus autour de notre abri à quelques mètres seulement. Ils cherchent l’endroit où se trouve le lance-torpilles. Un obus éclate à l’endroit même où il se trouve.

Une dizaine d’obus sont envoyés autour de nous.

L’après-midi tout est assez tranquille. Dans le courant de la nuit, les torpilles sont échangées de part et d’autre, même quelques grenades sont envoyées sur la première ligne puis quelques coups de 77 autour de nous.

Troisième carnet

Le 16 juin 1916

Le matin très calme mais vers 2 heures, le 75 tire sur les premières lignes ennemies puis les Allemands nous envoient des torpilles, nous leur répondons. De chaque côté, ce n’est qu’un bombardement de tranchées. Les obus sont envoyés un peu de tous côtés. On se trouve au milieu de ce carnage qui dure toujours.

Je suis dans un abri, je ne bouge pas mais voilà des camarades qui arrivent à toute vitesse, se précipitent dans notre abri, on est serré comme des sardines. Ils arrivent dessous le tunnel. Deux torpilles sont même tombées à un bout du tunnel et écrasent le boyau. Le tunnel est bouché. Deux se trouvent tués sur le coup puis un autre blessé. Cela met un peu la panique parmi les hommes qui se sauvent un peu partout pour trouver un refuge. Nous ne sommes pas fiers dans cet abri qui n’est pas solide. A chaque torpille qui tombe cela fait trembler notre abri.

Cette canonnade dure pendant plus de 4 heures. On ne reconnaît à peine les boyaux, tout est bouleversé.

Vers 5 heures le calme est rétabli mais on n’est pas encore rassuré.

Le 17 juin

Pendant le jour, nous sommes assez tranquilles dans notre première ligne. Le canon tire de chaque côté dans le lointain.

Vers 9 heures du soir, quelques torpilles sont envoyées de chaque côté autour de nos abris qui tuent la chandelle par plusieurs fois.

Vers deux heures du matin, quelques torpilles échangées de chaque côté, l’ennemi nous envoie une rafale d’obus partout dans la première ligne, culbute les tranchées puis le calme est rétabli.

Le 18 juin

La tranquillité. Notre canon 98 ne marche pas, il a reçu ordre de ne pas envoyer de torpille. Quand nous restons tranquilles, l’ennemi est de même. Vers trois heures de l’après-midi, l’ennemi nous envoie quelques torpilles qui tombent autour de nous. Mais nous ne leur répondons pas, ils s’arrêtent.

La tranquillité pour tout le reste du jour et de la nuit.

Le 19 juin

A minuit, départ de la première ligne pour aller en réserve en deuxième ligne, 400 mètres environ de la première.

Là nous sommes un peu plus tranquilles. Les torpilles ne nous rendent plus visite, c’est trop loin. Le canon seul peut nous visiter. Je suis à un petit poste d’observation qui découvre la plaine. Chez l’ennemi tout est calme.

La journée se passe agréablement ainsi que la nuit.

Le 20 juin

Nous voilà installés dans un abri bien solide. Je fais l’homme de liaison puis observateur avec des jumelles. De notre poste observatoire, on découvre les tranchées ennemies ainsi que les nôtres. La journée est tranquille.

Le 21 juin

Le canon gronde un peu, tire en arrière de nous dans le ravin de la Faloise.

Vers 3 heures de l’après-midi, quelques torpilles sont envoyées des deux côtés. Rien de bien grave.

Le 22 juin

Tout est assez calme, presque pas de torpilles. Le canon ne tire pas beaucoup.

Le 23 juin

Tout est calme en première ligne, le canon tire au loin de chaque côté sans avoir trop de tapage.

Le 24 juin

Tout est calme.

Le 25 juin

Tout se passe dans le grand silence.

A 11 heures de la nuit, on est relevé par notre 3ème bataillon pour aller au château d’Offemont où se trouve le général de brigade. La 7e compagnie est seule au château. On est installé dans un grenier sur les servitudes du château.

Le 26 juin

On s’installe tant bien que mal car la paille manque. Beaucoup couche sur le plancher, quelques brins de paille, mais ce n’est rien. Cette propriété appartient, dit-on, au Comte PILLET-WILL. Rien n’est détruit au château ni les servitudes. Les obus n’y sont pas envoyés et cependant le château ne se trouve qu’à 3 kilomètres des premières lignes.

La journée du 26, repos.

Le 27 juin

Repos. Je vais à la corvée de pinard à St-Crépin, petite commune à 3 kilomètres environ château. Cette bourgade n’est pas détruite. Les obus n’y tombent jamais.

A 9 heures du soir, on part pour aller travailler à faire un boyau pour mettre les fils téléphoniques à 2 mètres de profondeur. Rentrée à 2 heures et demie du matin.

Le 28 juin

Repos pendant la journée. 9 heures du soir, départ pour aller au même travail. Rentrée à 1 heure du matin avec beaucoup de fatigue.

Le 29 juin

Repos toute la journée, travail de nuit.

Le 30 juin

Travail de nuit

Juillet 1916

Le 1 juillet

Travail de nuit. L’artillerie française se montre plus active sur notre secteur.

Le 2 juillet

Travail de nuit. Notre artillerie bombarde la première ligne. On entend les torpilles tomber sans arrêt sur les tranchées.

De 9 à 10 heures du soir on envoie beaucoup d’obus puis des torpilles.

Le 409 doit aller faire une reconnaissance dans la première ligne allemande. Vers une heure du matin, ils vont voir ce qui se passe, ils ramènent deux prisonniers. Un du 409 a été tué par le par le 75, plusieurs blessés. (*)

Tout le reste de la nuit est calme.

(*) : Les pertes du coup de main du saillant 163 sont : MARTIN Jean (tué) et 2 blessés : GUYOT Benjamin, HERVÉ Émile, tous du 409e régiment d’infanterie.

Le 3 juillet

Travail de nuit.

Le 409 va pour faire une reconnaissance comme la nuit précédente mais cela ne réussit pas. (*)

Les Allemands les attendent en avant de fils de fer. Au moment où les poilus sortent de leur tranchée pour traverser nos fils de fer, les Allemands crient « Français, rendez vous » puis ils tirent des coups de fusils. Chacun se sauve comme il peut pour rentrer dans la tranchée, plusieurs ont été blessés mais pas de tués.

Tout calme le reste de la nuit.

(*) : Il s’agit d’un coup de main sur le saillant 485, exécutée par 91 hommes du 409e régiment d’infanterie.

Le 4 juillet

Repos toute la journée et la nuit. Notre artillerie calme s’en tire.

Le 5 juillet

Repos. Je vais faire une promenade dans le parc qui est bien planté d’arbres. On dit qu’il contient 400 futaies. Tout semble partout le bien-être en temps de paix.

Tout près du parc se trouve un cimetière. 500 à 600 de nos camarades reposent dans leur dernière demeure. Beaucoup sont tombés à l’attaque de Quennevières, juillet 1915. Tout est entretenu. Tous ont une petite croix et presque tous ont des couronnes offertes par leurs camarades.

Le 6 juillet

Repos tout le jour.

A 11 heures du soir départ pour les tranchées de première ligne, au ravin de la Bombe. On arrive aux tranchées vers 1 heure du matin, on s’installe tant bien que mal dans nos abris.

Extrait d’une carte du secteur de 1918. On y distingue le ravin de la Bombe et le bois des Bouleaux.

Cliquez sur la carte pour agrandissement. Et ici, on y distingue le ravin de la Bombe de nos jours.

Le 7 juillet

Chacun finit de trouver sa place car jamais on avait eu des abris de cette façon. Ce sont des abris caserne assez profonds avec un couloir d’un côté par de l’autre sont les chambres à coucher. Il y a des abris qui ont jusqu’à 6 appartements. On dirait entrer dans des catacombes. Ces abris ont été construits par l’ennemi en 1914. Il a été obligé d’abandonner ses tranchées en juillet 1915 à l’attaque de Quennevières.

La première journée tout se passe calme ainsi que la nuit.

Le 8 juillet

L’eau tombe une partie de la journée, par moment l‘eau tombe à torrent. Ce n’est que de l’eau partout, la terre s’écroule dans les boyaux, ce n’est plus qu’une bouillie.

Vers 10 heures du matin on leur envoie quelques torpilles, ils nous en renvoient quelques-unes, la nuit de même, mais pas grand fracas.

Le 9 juillet

Le matin très calme.

Vers 3 heures de l’après-midi quelques torpilles sont envoyées de chaque côté sans grand résultat. Tout se passe dans la tranquillité, quelques coups de canon par-ci par-là.

Le 11 juillet

Le matin calme, quelques torpilles et quelques coups de canon.

Le 12 juillet

Tout est calme autour de nous.

Le 13 juillet

La tranquillité dure toujours.

Le 14 juillet

Tout est bien calme.

Le 15 juillet

Dans l’après-midi quelques torpilles et obus viennent nous rendre visite.

Le 16 juillet

La matinée, tout est calme.

Vers 3 heures les torpilles se mettent à tomber puis de grosses grenades à fusils puis des petits obus envoyés avec leurs canons revolvers pendant plusieurs heures. Cela tombe de tous côtés. A ma compagnie, un tué (*) et 2 blessés.

Vers 8 heures du soir, l’ennemi cherche à sortir de ses tranchées, quelques-uns arrivent jusqu’aux fils de fer mais le 75 envoie une rafale qui fait rentré tout, puis la nuit est calme.

(*) : Il s’agit de Joseph Eugène CARRÉ. Voir sa fiche.

Le 17 juillet

Relève des tranchées à 1 heure du matin pour aller aux carrières de l’Ecafaut. Cette carrière se trouve près de la ferme du même nom. Cette ferme toute complètement détruite par les obus, il ne reste plus que décombres.

Nous sommes bien à l’abri de tous projectiles qui pourraient venir nous trouver, où nous couchons un escalier pour sortir dehors, il faut monter 40 marches. Les obus ne peuvent rien faire à la voute. En entrant dans cette carrière on sent la fraicheur nous saisir par l’humidité.

Tout est moisi, notre sac, nos effets. C’est vivre comme des prisonniers dans le fond des cachots. Nous avons repos le matin, à midi on part au travail à nettoyer un boyau où il y a beaucoup d’eau et de la boue. Rentrée à 5 heures du soir.

Le 18 juillet

Travail à 6 heures ½ du matin jusqu’à 4 heures du soir.

Le 19 juillet

Travail toute la journée.

Le 20 juillet

Travail toute la journée.

Le 21 juillet

Même travail.

Le 22 juillet

Travail me matin, repos l’après-midi. Une corvée va charger des wagons de piquets et fils de fer, torpilles. Des tonnes d’eau pour les compagnies de première ligne puis à 9 heures ½ du soir on y retourne pour aider à manier ces wagonnets qui vont sur rails, traînés par un cheval ou des mulets.

La corvée de nuit est terminée vers 11 heures de la nuit.

Le 23 juillet

Repos.

Le 24 juillet

Corvée de wagons.

Le 25 juillet

Même corvée.

Le 26 juillet

Départ pour aller cantonner au bois de l’Étoile.

Départ à 12 heures de la nuit, quelques kilomètres à faire. On est couché dans des baraquements en planches assez bien instables. Toutes ses baraques se trouvent dans le parc d’Offémont, près du château, sous les arbres pour les dissimuler à la vue de l’ennemi.

La journée du 26, on a repos pour se nettoyer.

Le 27 juillet

Repos.

Le 28 juillet

On va au travail au 80 de montagne dans un ravin près des lignes à mettre du fil de fer. A l’arrivée quelques rafales de 77 viennent nous rendre visite et du 115. Pendant tout le reste de la journée, on est tranquille.

Le 29 juillet

Au travail de restauration des fils de fer dans le ravin de la Bombe.

Le 30 juillet

Travail dans les abris de secondes lignes.

On va assister à une revue pour la remise de décorations près de château de Sainte-Claire. Les décorations sont remises par le général de division.

L’après-midi on va à la visite médicale pour partir en permission.

Août 1916

Le 1, départ à 3 heures du matin pour aller prendre le train pour aller en permission. Départ de la gare de Rethondes à 9 heures du matin, Crépy-en-Valois, 2 heures d’arrêt. 2 heures 1/2, départ passant par Villiers-le-Sec près de Paris, Orléans, Tours, Angers.

A 2 ½ arrivée en gare le 2 août au matin.

Le 2 août

Départ d’Angers à 5 heures du matin, arrivée à Champigné à 8 heures du matin.

Cette permission se passe vite. Les jours ne sont que des heures.

Départ de Champigné le 9 août à 9 heures du soir. On prend le train à Étriché.

On manque le train de permissionnaires, Angers faut prendre l’express de minuit qui va à Paris, 7 heures du matin en gare d’Orléans, prendre le métro pour aller à la gare du Nord, 2 heures ½ d’arrêt, on prend le métro pour aller 42 avenue Gabriel de retour pour notre train qui part à 9 heures 50 pour Crépy-en-Valois.

Arrivée à Crépy à 12 heures. 3 heures ½ d’arrêt. Le train part à 3 heures 1/2 pour Rethondes.

Arrivée à Rethondes à 6 heures ½ du soir. 6 kilomètres à faire à pieds pour coucher à Breuil.

Le 11, arrivée dans les tranchées de première ligne au ravin de la Faloise. Arrivé à midi, le secteur est bien calme.

Vers 9 heures du soir, les torpilles sont envoyées des deux côtés. Ce n’est qu’un bruit infernal. Mais rien ne tombe où nous sommes.

Le 12 août

La journée est tranquille, dans la nuit quelques torpilles, mais ce n’est rien.

Le 13 août

Dans l’après-midi vers 4 heures du soir, on envoie des torpilles pendant plus de deux heures sans que l’ennemi nous réponde.

A 8 heures, alerte, pour les gaz, on fait nos sacs puis on prend la position de la deuxième ligne, puis on rentre dans nos abris et ensuite la garde. Il fait nuit, l’ennemi commence à envoyer des torpilles à notre gauche et à notre droite. Nous leur répondons avec des torpilles et le canon. Cela dure pendant plus de 3 heures, cela ne cesse de tomber de chaque côté.

Vers 11 heures, le tir diminue puis le reste de la nuit est calme. Pas d’accident, un poilu s’est trouvé enveloppé dans la terre sans grand mal.

Le 14 août

Quelques torpilles sont envoyées de chaque côté, quelques coups de canon ennemi, mais notre artillerie est active, elle tire sur la première ligne, un peu partout.

Vers 4 heures, il faut faire son sac pour aller prendre la deuxième ligne, on se prépare pour l’envoi des gaz.

Vers 5 heures, la pluie commence à tomber, contre-ordre pour les gaz, le vent est contraire.

Le 15 août

Relève à 3 heures du matin pour aller en réserve en arrière des premières lignes. On loge dans la plaine dans des abris cavernes.

A 6 heures du matin, alerte, on se prépare pour l’envoi du gaz, notre artillerie commence à bombarder la première ligne pour faire rentrer l’ennemi dans ses abris. Le bombardement commence un quart d’heure avant l’envoi des gaz. Les préparatifs se font, le génie est prêt dans la première ligne, les premiers gaz qui sont envoyés ne sont pas visibles mais des secondes, on aperçoit de la fumée comme si l’on faisait du feu, cela dure pendant une heure l’envoi des gaz et notre artillerie tire toujours sur la première ligne.

L’ennemi nous envoie quelques obus mai presque pas. Cela nous étonne un peu qu’il soit aussi calme pendant l’envoi des gaz. Voilà les gaz envoyés.

La tranquillité existe pendant toute la journée on entend quelques torpilles envoyées de notre côté ainsi que quelques coups de canons, mais l’ennemi est tranquille, il ne répond pas. On trouve un peu de changement auprès des autres jours, il y avait toujours du tapage. (*)

Le 15, nous sommes de garde à un clayonnage. 4 poilus pour 24.

(*) : L’émission de gaz est effectuée par la 4^e compagnie du 31^e bataillon du 1^e régiment de génie. Voir le compte-rendu de l’émission ici : page 21 – 22 – 23 – 24 – 25 – et la carte de l’émission-

Le 16 août

Travail de clayonnage dans la deuxième ligne de tranchées. La tranchée est toute bouleversée par les torpilles qui y tombent à chaque instant.

Le 17 août

Repos le matin, l’après-midi au travail de clayonnage et on y passe dans la nuit pour attacher les piquets avec du fil de fer.

Le 18 août

A 4 heures du matin, alerte pour les gaz. On fait les préparatifs pour les envoyer, mais à 5 heures, contrordre, le vent n’est pas pour nous, on ne peut pas les envoyer. Repos toute la journée. Deux heures de travail de nuit pour attacher les piquets.

Le 19 août

Travail l’après-midi et le soir pour attacher des piquets puis les enfoncer en terre.

Le 20 août

Même travail.

Le 21 août

Même travail

Le 22 et 23 août

Même travail.

Le 24 août

Même travail.

Vers 7 heures du soir, le bombardement de torpilles commence, qui sont envoyées des deux côtés. Cela dure une partie de la nuit.

Le 25 août

Les carrières des Navets.

Nous sommes relevés des tranchées de seconde ligne à 5 heures du matin. Arrivée aux carrières à 6 heures. Cette carrière a été bien aménagée. Depuis quelques mois, l’électricité est installée, on y voit comme en plein jour, on peut circuler à son aise.

Le 25 repos.

Le 26 août

Repos.

Le 27 août

Repos.

Le 28 août

Repos.

Le 29 août

Travail dans le ravin des 80 à faire des réseaux de fils de fer.

Extrait du JMO du 236e régiment d’infanterie.

On peut y lire la position exacte du 71e régiment d’infanterie territoriale : centre de résistance (CR) Bouleaux et Touvent.

Le 71e RIT est en tranchée avec le 236e RI depuis quelques jours, celui-ci ayant remplacé le 409e RI depuis le 22 août. Les territoriaux sont toujours « mélangés » aux troupes d’actives quand ils sont en premières ligne.

Le 30 août

Repos.

Le 31 août

Tranchées de première ligne à la Bombe. Départ des carrières à 4 heures du matin. On prend possession de nos tranchées vers 6 heures du matin. La journée se passe trop bien, l’ennemi ne nous bombarde pas beaucoup pourtant, dans l’après-midi on lui envoie des torpilles à chaque instant, il ne répond pas. La nuit se passe sans avoir trop de tapage.

Septembre 1916

Le 1 septembre

Le matin tout est calme.

Vers 1 heure de l’après-midi, on fait des tirs de torpilles tout l’après-midi et vers le soir on envoie des obus pour culbuter leurs fils de fer. Il ne répond qu’avec quelques 77 sur nos tranchées et sur le lance-torpilles.

Dans la nuit, toutes les 15 minutes quelques coups de canon sont envoyés sur le même point pour empêcher les travailleurs de remettre des fils de fer. Il ne répond pas.

Dans la nuit, il n’y a que notre côté qui envoie des obus.

Le 2 septembre

Le matin tout est calme, l’après-midi de même que la veille, on envoie des torpilles et le canon de 80 tire à chaque instant sur la première ligne. L’ennemi ne répond que par des grenades de temps à autre. Ils ont un blessé à la 5è compagnie, le capitaine.

Toute la nuit le 80 de montagne tire toutes les 10 minutes pour empêcher les travailleurs de mettre des fils de fer.

L’ennemi ne nous répond pas.

Le 3 septembre

Le matin calme, vers deux heures de l’après-midi jusqu’à 6 heures du soir, on ne cesse d’envoyer des torpilles puis des petits obus de 38 millimètres mais l’ennemi nous répond par des obus lisses qu’il envoie de tous côtés en arrière la première ligne et tombent près de l’abri caserne. Le calme se rétablit sans accident.

Le 4 septembre

Le matin calme, l’après-midi la canonnade reprend, les torpilles voyagent et nous on tire bien le canon. Il envoie des grosses torpilles dans le même endroit que la veille, une vient tomber sur l’entrée de notre abri qui démolit toute la …. et condamne l’entrée de terre et de bois. Pas d’accident. Cela nous bonne une trop forte détonation ainsi qu’un tremblement dans l’abri.

On n’est pas trop fiers, puis ils continuent leurs tirs mais elles tombent plus loin que l’abri, on est quitte que pour la peur.

Le 5 septembre

Quelques grenades viennent nous rendre visite dans nos tranchées.

L’après-midi la sérénade recommence de torpilles ainsi que les obus. Une torpille tombe sur un abri au 236 et tue deux hommes et en blesse 4. (*)

La nuit, toutes les 10 minutes, on leur envoie un coup de canon pour empêcher les travailleurs de remettre du fil de fer dans les endroits où les torpilles ont fait des ouvertures.

(*) : Aucun soldat du 236e régiment d’infanterie n’a été tué ce 5 septembre ; mais 2 le 6 septembre, est-ce eux ?

Le 6 septembre

De même l’après-midi est mouvementé. Il envoie quelques minen qui tombent sur le ravin de la Bombe, qui blessent un infirmier de la compagnie. La nuit de même, les obus tombent à chaque instant.

Rien ne nous répond.

Le 7 septembre

Le matin calme. Les torpilles reviennent nous rendre visite, culbutent les boyaux qui nous donnent du travail. Nous de même, on leur envoie torpilles et obus.

Vers 11 heures l’ennemi envoie, pendant plus d’une heure, des bombes.

A notre gauche, ça tombe comme la grêle. Pas d’accident.

Le 8 septembre

Le matin calme, l’après-midi quelques bombardements des deux côtés mais l’ennemi ne répond que par quelques torpilles sur les premières lignes.

Le 9 septembre

Quelques torpilles sont envoyées de part et d’autre sans avoir grand résultat. Cela tombe un peu en arrière des 1è lignes. Cela bouleverse la plaine puis c’est tout.

Le 10 septembre

Départ pour Attichy à 5 heures du matin. 6 kilomètres à faire. La relève se fait sans avoir d’ennui. Tout est calme. On est logé dans un baraquement en bois qui a été construit pour la troupe. C’est bien propre et une paillasse sur laquelle on est assez bien couché. Ce petit bourg qui est bien agréable n’est presque pas détruit. Quelques obus y sont tombés par-ci par-là sans causer beaucoup de dégâts. Encore beaucoup de civils y sont de reste mais beaucoup ont fuient pour être plus tranquilles.

Le 10, c’est repos.

Le 11 septembre

Repos.

Le 12 septembre

Un peu de travail au parc du génie à 200 mètres de l’Aisne.

Dans la soirée, on va faire un tour dans le pays, voir le pont qui a été construit par les Anglais, qui a été construit sur l’Aisne, pont en fer soutenu par des câbles de fil de fer, à côté un autre pont en bois est construit qui donne de la circulation en cas de retraite.

Le 12 septembre

Je vais donner un coup de main à la cuisine pendant une période de 10 jours pour remplacer 2 cuisiniers qui sont partis en permission.

Vers minuit et demie, alerte pour les gaz. On nous fait changer de logement. On nous mène toute la compagnie à l’abri d’un coteau. On craint les représailles que l’ennemi pourrait nous envoyer.

A 2 heures du matin, on nous dit de rentrer que les gaz sont remis à une fois, le vent est contraire. On rentre se coucher.

Le 14 septembre

Tranquillité. Préparation pour le départ du lendemain.

Le 15 septembre Ker Julot

Départ à 5 heures du matin pour nous rendre à Ker Julot, endroit où sont les cuisines, dans la pointe du ravin qui borde la plaine. Là, la compagnie de première ligne et la Cie de seconde ligne viennent chercher leur nourriture. A cet endroit, il y a au moins 2 à 3 kilomètres à faire par boyau.

La compagnie est en réserve à Clisson.

Position de Ker Julot et du PC Clisson

Le 16 septembre

Chacun est installé tant bien que mal dans des abris qui sont assez confortables. C’est la tranquillité. Comme nous sommes en seconde ligne, pas de garde à prendre. Chaque homme est désigné pour chaque corvée ou travail qu’il y a à faire : entretien des tranchées ou travail dans les sapes à vider les sacs de terre.

Pendant les dix jours, c’est de même, toujours le même travail. Quelques obus sont envoyés près de nos tranchées. Cela tombe au hasard dans la plaine. Pas d’accident, pendant cette période, tout va bien.

Le 25 septembre

La Motte Breuil

Départ des tranchées vers 6 heures du matin. Environ 8 kilomètres à faire pour aller à notre cantonnement.

Arrivée vers 8 heures. On est logé dans des baraquements en planches, bien bâtis et tout est propre. Chacun a sa paillasse pour coucher sur les planches. Dans ces baraquements, on peut mettre 80 hommes à coucher à son aise. Ces baraques sont construites sur un coteau dans le bois qui domine La Motte. Cela donne une vue pittoresque. Dans le fond se trouve l’Épine. Sur le bord de cette rivière, beaucoup de petits pays y sont construits.

En temps de paix, il y avait beaucoup d’ouvriers, trois grandes fabriques, une de sucre, l’autre pour faire des jumelles et une usine d’engrais chimiques qui a été bombardée par l’ennemi dans la première année de guerre. Cette usine était une installation allemande.

Le 26 septembre

Repos.

Le 27 septembre

On va se faire vacciner dans le dos. Ce n’est pas gai, cela ne nous fait pas plaisir comme ce vaccin nous rend bien malade. Cela nous donne la fièvre et pendant plusieurs jours, tout le côté gauche est paralysé.

Nous avons repos pendant tout notre séjour à La Motte qui n’est pas long. Trois jours sont bientôt écoulés, notre piqûre est à peine guérie qu’il faut partir aux tranchées de première ligne avec le sac.

Le 28 et 29 repos.

Le 30 septembre

La tranchée Boblet

Départ à 3 heures du matin pour se rendre en première ligne. 8 kilomètres à faire environ. Arrivée à la tranchée à 6 heures du matin. La route se fait avec un peu de fatigue. La vaccination est à peine guérie. On fait la route avec toute notre charge habituelle.

On loge en première ligne dans un abri qui a été construit par l’ennemi la première année. Cet abri de 26 marches à descendre est bien solide, il faut plusieurs torpilles pour arriver à le défoncer.

Le premier jour, c’est bien calme, notre artillerie tire un peu et quelques grenades à fusils leur sont envoyées, mais rien ne nous répond. Ils sont comme morts.

Le 1 octobre

De même on leur envoie quelques obus et grenades. Ils envoient 4 torpilles vers la première section puis c’est la tranquillité nuit et jour.

Le 2 octobre

La journée a été bien calme. Dans la Somme on entend le bombardement.

Le 3 octobre

La matinée calme.

Vers deux heures de l’après-midi, on envoie des torpilles pendant deux heures sur la première ligne puis des obus tombent un peu partout sur les tranchées. L’ennemi ne répond pas par torpilles, il envoie du 105 sur l’arrière qui blesse 2 hommes sans être bien grave. Il tire pendant que nous leur envoyons des torpilles et des obus mais avec bien moins de vigueur.

La nuit calme.

Le 4 octobre

La matinée toute calme.

Vers 2 heures de l’après-midi, on lance des torpilles sur la première ligne ennemie puis le canon envoie des obus par-ci par-là pour détruire les réseaux de fil de fer.

Vers 5 heures du soir, le premier génie vient prendre ses places pour l’émission de gaz, le vent est bon pour nous. Chacun découvre leurs trous où sont enfouis les gaz qui sont dans de grandes bouteilles d’un mètre de hauteur. Pour nous, nous avons ordre d’évacuer la première ligne mais il reste 3 hommes à chaque boyau de retraite comme bombardiers pour empêcher l’ennemi au cas qu’il voudrait venir dans la tranchée. Chacun est à son poste, moi avec deux de mes camarades d’escouade, je me trouve bombardier à un boyau.

Il est 6 heures du soir, l’ennemi commence à nous envoyer des obus qui tombent au hasard. Dans la plaine, il commence avant nous à bombarder, on dirait qu’il prévoit l’émission de gaz. Notre artillerie commence à tirer quelques minutes avant l’envoi du gaz. Le génie ouvre les robinets des bouteilles, l’émission commence.

L’artillerie tire des deux côtés, la mitrailleuse de même, le vacarme continue pendant tout l’envoi des gaz mais les obus viennent radiner près de nous, on va se mettre à l’abri dans un abri où on ne craint pas les obus. Voilà les gaz qui pénètrent dans notre abri. On met nos gaz pour nous protéger, on vapote très bien notre gaz à la bouche.

Comme dans la tranchée il n’y a pas de gaz, on sort dehors pour respirer à son aise. Le bombardement continue de chaque côté. L’ennemi n’est pas sûr de lui, il envoie beaucoup de fusées éclairantes pour voir ce qui se passe au-devant de la plaine. Il en envoie quelques-unes qui partent comme des tourniquets. On se croirait au feu d’artifice. Ces tourniquets, quand ils sont rendus à destination, envoient des lueurs vertes qui sont un signe pour l’artillerie pour envoyer des obus. Cela dure pendant une heure un quart.

Voilà les gaz envoyés, notre artillerie tire toujours. Des volontaires vont aller reconnaître dans la tranchée ennemie ce que les gaz ont fait et s’il est possible, ramener quelques prisonniers.

Une trentaine du 236 et une quinzaine du 71, tous sont prêts dans la tranchée, prêts à monter sur la plaine. Nous tous on reprend notre poste dans la tranchée pour prendre la garde et les sentinelles sont doublées pendant que les patrouilleurs vont faire leurs rondes. Les voilà sur la plaine, chacun se met en tirailleur pour s’avancer, sans trop de tapage, de l’ennemi, pourtant il se méfie d’une reconnaissance. Tout le temps il envoie des fusées, les hommes se couchent à plat ventre quand les fusées éclairent puis quelques-uns arrivent près des réseaux de fils de fer, d’autres sont prêts à descendre dans la tranchée.

L’ennemi leur envoie quelques grenades et la panique arrive parmi les patrouilleurs, le lieutenant se sauve et les hommes de même, c’est à qui sera le premier rentré dans notre tranchée. Ils ne font même pas attention où ils se trouvent, ils passent à travers nos fils de fer, même se faire du mal. Un crie « viens donc à mon secours, je suis pris dans le fil de fer » mais chacun fait le plus vite pour être dans la tranchée. L’ennemi ne tire pas sa mitrailleuse pas de coups de fusils car s’il avait fait mouche avec la mitrailleuse, il y aurait eu beaucoup d’accidents.

Voilà tout le monde rentré, chacun à son abri, mis pendant tout ce travail, il est 11 heures du soir. Dans notre secteur, il y a des victimes, un homme tué du 236 d’infanterie, 4 blessés à ma compagnie, 5 tués dans un abri du canon 58 et on dit 7 ou 8 blessés, tous étaient ensevelis dans l’abri défoncé, puis 4 du génie qui ont été pris par les gaz au moment de l’émission. Tout cela n’est pas drôle. Tout le reste de la nuit, l’ennemi n’était pas sûr de lui, tout le temps il envoyait des fusées éclairantes mais le canon ne grondait plus. Tout était redevenu calme comme par le passé.

Comme le génie découvrait ses trous, on était enfoui les gaz, un obus ennemi tue 2 soldats du génie et défonce plusieurs bouteilles de gaz. Comme le vent lui porte nos gaz, il se méfie de l’émission et là, il commence à bombarder un peu partout. Il est probable qu’il s’est aperçu de la casse qu’il a fait pour les bouteilles.

Le 5 octobre

La tranquillité pendant la journée, quelques torpilles que nous envoyons le soir mais l’ennemi ne répond pas.

Vers 7 heures du soir, un ordre parce qu’une reconnaissance va se faire du côté de Quennevières qui se trouve à notre gauche à quelques kilomètres. Elle va se faire entre 8 ½ et 9 heures.

A 8 ½ précise, notre artillerie se met à bombarder sur une largeur de plusieurs kilomètres d’un seul trait. Les pièces se mettent à tirer sur la première ligne ennemie, puis par-ci par-là en arrière.

Il faut se blottir dans un coin pour que les éclats ne viennent pas nous atteindre. Comme la première ligne n’est pas loin de nous, les obus nous rasent la tête en passant. Cela dure pendant une demi-heure. Pas de nouvelle de la reconnaissance. (*)

La nuit reste calme. L’ennemi envoie seulement 3 obus en arrière dont nous sommes.

(*) : Le coup de main sur les lignes allemandes, composé de l’adjudant BEE et de 24 volontaires du 236e régiment d’infanterie, sera couronné de succès et félicité par le général du 13e corps d’armée. Lire le compte-rendu ici.

Le 6 octobre

Quelques torpilles sont envoyées des deux côtés sans avoir de résultat.

Le 7 octobre

Le jour assez calme.

Vers 6 heures du soir, l’ennemi nous envoie une quarantaine de torpilles sur les deuxièmes lignes. On peut se passer de ces torpilles, comme il fait un peu noir, on voit une traînée de feu longue d’environ 2 mètres au bout de la torpilles pendant son parcourt en l’air. On peut se sauver dans une autre place si on voit qu’elle vient pour tomber sur nous. La nuit calme.

Le 8 octobre

De même, calme pendant le jour.

A la même heure le soir, quelques torpilles viennent nous rendre visite. Elles tombent toujours sur la dernière ligne et plus loin, il faut qu’elles tombent sur quelques abris pour faire des victimes. Pas beaucoup de poilus circulent dans ces endroits.

Le 9 octobre

Journée assez tranquille. Quelque torpilles envoyées et notre artillerie tire beaucoup.

Vers 6 ½ l’ennemi envoie des torpilles par-ci par-là sans atteindre personne.

Le 10 octobre

Attichy

Départ des tranchées à 8 ½ pour se rendre à Attichy. Au moment de la relève quelques grenades sont envoyées qui blessent deux hommes de la compagnie. Ils sont évacués. La relève se fait sans autre accident. Attichy, on loge dans une ancienne sucrerie dans grande chambre au premier sur des paillasses qui sont en assez mauvais état. Le premier jour, repos.

Le 11 octobre

On va à la vaccination. On nous vaccine dans le dos le matin mais vers 11 heures la fièvre fait son apparition puis un mal de tête. Il faut rester coucher tout l’après-midi.

Le soir, je ne mange pas, cela ne va pas, même la nuit n’est pas bien bonne, le matin de même et cela se dissipe petit à petit.

Nous restons 5 jours à ce patelin. Pendant ces 5 jours, sur le repos complet, personne ne nous embête si ce n’est le vaccin.

Le 15 octobre

Les tranchées.

Réserve du Ravin de la Faloise en seconde ligne. Je me trouve de garde avec 4 copains de l’escouade au klaxon sur le filon. Être de garde pendant 10 jours sans s’occuper d’autre chose pendant notre séjour de réserve, on a la tranquillité et rien ne nous ennuie.

Le 24 octobre

Vers 7 heures du soir, alerte pour les gaz. Il faut quitter son abri pour aller à 300 mètres environ dans une tranchée de soutien. Là se trouvent des abris-cavernes, on se met à l’intérieur.

C’est une fausse alerte, les gaz ne sont pas envoyés. Le vent n’est pas du bon côté. On rentre vers minuit.

Le 25 octobre

Relève de la Faloise pour aller à la carrière de Navet. On part à 7 heures du matin pour la carrière.

On y reste 5 jours. Pendant ces 5 jours, on nous vaccine pour la 3è fois.

Pas de travail, le repos complet pour se nettoyer, laver notre linge.

Le 30 octobre

Départ de la carrière pour la première ligne. Du jambon arrive vers 8 heures du matin sans accident. Le temps est mauvais, la pluie commence à tomber aussi tôt que nous sommes arrivés.

Toute la journée et la nuit, il tombe de l’eau. Notre section est en réserve, pas de garde la nuit ni le jour. On s’occupe des travaux de tranchées qui sont bien écroulées par la pluie.

On y reste 6 jours. Pendant nos 6 jours, même travail.

Le 5 novembre 1916

Le 70è territorial vient nous relever vers 7 heures du matin. Le régiment va au repos pour …. jours.

Notre compagnie va à la Motte. On loge dans une maison dans le milieu du patelin.

Le 6 novembre

De garde dans le pays pendant quatre jours. On ne fait que d’assurer le service.

Le 11 novembre

On va aux travaux de fils de fer en avant de Berneuil.

Le 12 novembre

Repos.

Le 13 novembre

Travaux de fils de fer près du bourg de Berneuil.

Le 14 novembre

On va à l’exercice de grenades, 4 kilomètres à faire, on passe par Cuise.

Le 15 novembre

Repos.

Vers 6 heures du matin, un Taube vient voler au-dessus de la Motte à très faible hauteur puis il prend la direction des lignes et il fait demi-tour pour revenir sur le bourg de Couloisy où il vole encore plus bas. Les artilleurs le surveillent.

A un moment, il se met à atterrir dans la plaine à 200 mètres du bourg. Les artilleurs courent voir ce qui se passe et c’est bien un boche qui est à terre, ils courent le faire prisonnier. Les aviateurs lèvent les mains en l’air, puis ils disent « camarade ». Ils sont faits prisonniers sans se défendre. Ils ne font aucune résistance. Ils sont deux, un pilote sergent et un observateur lieutenant.

La nouvelle nous est vite arrivée qu’un avion est tombé à Couloisy. On y court pour voir l’appareil qui n’est pas du tout détruit. Ils ont atterri de bon cœur. Ils sont interrogés et ont dit qu’ils avaient été escortés par une escadrille de bombardement, s’étant égarés, qu’ils avaient atterri pour se reconnaître et qu’il ne fallait pas que quelqu’un touche à la manette de leur appareil, qu’il ferait explosion au moment qu’elle serait mise en marche.

Ils sont emmenés à la mairie du pays. C’est là qu’ils seront interrogés. On ne peut voir que le Lieutenant qui paraît avoir 35 ans. De là, le sergent a été reconduit à l’avion pour ôter les explosifs qui s’y trouvaient afin de pouvoir enlever l’appareil. Une boite était posée pour faire sauter tout, au moment qu’il aurait été mis en marche.

L’appareil est libre. Les deux aviateurs sont emmenés en arrière en auto, puis l’après-midi trois camions viennent chercher l’appareil, il est démonté. C’est jolie prise.

L’Adjudant QUILLY du 72^e régiment d’infanterie territoriale se fait photographié devant l’avion.

Henri QUILLY a pris quelques clichés du 71^e RIT.

Le 16 novembre

De garde, police.

Le 17 novembre

Exercice dans les champs.

Le 18 novembre

Repos.

L’après-midi on va passer la visite de santé pour partir en permission.

Le 19 novembre

Départ de La Motte à 5 heures du matin pour aller prendre le train à la gare de Rethondes. Départ à 8 ½ passant par Crépy-en-Valois, Paris, Orléans, Tours, Saumur, Angers. Arrivée à six heures moins un quart du matin le 20 novembre. Puis Etriché, Châteauneuf, Champigné, 8 heures du matin.

Le 20, Champigné

Passe permission très bonne.

Le 28 novembre 1916

Départ de Champigné à 7 heures du soir. Prendre le train à la gare de Châteauneuf, Etriché pour le train de 9 heures 50 passant par Sablé, Le Mans, Chelles changé de train ainsi qu’au Mans, Paris, Crépy-en-Valois et Rethondes. Descente du train à La Motte-Breuil. Arrivée à 10 heures du soir le 29 novembre.

Le 30 novembre 1916

Repos, préparatif pour le départ.

A partir de décembre, le 71e régiment d’infanterie territoriale est mis à la disposition de la 1e armée pour l’entretien des route dans la région de Meaux.

Le 1 décembre 1916

Départ de la Motte à 7 heures du matin pour le rassemblement du bataillon sur la route de Cuise. Les autos viennent nous chercher à 9 heures du matin passant par Crépy-en-Valois. Arrivée à Vincy-Manœuvre, Seine-et-Marne, 3 heures de l’après-midi. Petit pays qui a souffert de l’ennemi. Beaucoup de maisons ont été brûlées. On couche dans une grande ferme de 400 hectares, dans le grenier, sur le foin. Ce pays est situé à 16 kilomètres de Meaux.

On y reste deux jours. Un ordre arrive le 3 décembre, vers 2 heures de l’après-midi, de se préparer à faire son sac pour reprendre les autos. Au pays, même qu’il s’estime heureux que le régiment ne devait pas être changé de place.

A 6 heures du soir, le 3 décembre, on prend les autos qui nous amènent à Mélicocq, Oise, à 3 heures du matin.

Nous voilà installés dans ce petit bourg.

Le 4, repos. Chacun s’installe tant bien que mal. Les logements ne sont pas très confortables. Les bâtiments deviennent en ruine par la troupe qui y loge depuis le déclin de la guerre.

Le 5 décembre

La compagnie va au travail à casser de la pierre pour mettre sur les routes qui sont bien mauvaises par la grande circulation du transport des troupes et du ravitaillement.

Moi, je remplace le cycliste de la compagnie pour la durée de sa permission. Dans mon parcours en bécane, je revois les pays que nous avions habités autrefois, Marest-sur-Matz, Giraumont, Coudun. Tous les jours, je vais à Clairoix passant par Longueil-Annel, Janville. Je vais passer à Compiègne-gare pour chercher les journaux du bataillon.

Je reprends mon service avec mes camarades, le 16 décembre, à tirer de la pierre dans une carrière. Tous les jours, on y va.

Le dimanche, repos mais le jour de Noël, on travaille toute la journée. Qu’il fasse beau ou mauvais temps, toujours on se tient au travail. Je reste à ce travail jusqu’au 27 au soir.

A 8 heures du soir, on vient me dire qu’il faut que je sois à Villers-sur-Coudun pour prendre le train pour aller aux motopompes.

Le 28 à 5 heures du matin, je pars pour la gare de Villers, je me dirige à Béthisy-St-Pierre dans l’Aisne et je suis versé au 1e génie, service des courriers. Le 28, on ne fait rien, on n’arrive que le soir.

Le 29 décembre

On va au dressage, à faire marcher des moteurs qui sont neufs et ne sont pas toujours faciles à faire marcher mais c’est plus agréable que d’être à casser des cailloux.

Pendant tout le temps de notre séjour à Béthisy-St-Pierre, on est occupé après le moteur.

Je fais un séjour de 52 jours dans ce pays.

Février 1917

Le 19 au matin, on part pour Compiègne. 15 kilomètres à faire à pieds mais une voiture transporte notre fourniment. La route est agréable à faire, on traverse la forêt de Compiègne, Lacroix-St-Ouen et Royallieu.

On loge dans la caverne des Cuirassiers sur le bord de l’Aisne. Je reste 10 jours dans cette caverne.

Le 29 février

Je vais me promener. En Compiègne, visite le parc du château qui est magnifique.

Le 1 mars

Départ avec une motopompe pour Mélicocq. Je suis installé dans un ravin. Je loge dans une petite cabane en bois avec le moteur. C’est le rêve de l’existence pendant la guerre.

Le 7 mars

Je pars en permission, prendre le train à Villers-sur-Coudun.

Arrivée chez moi le 8 mars.

Le 16 mars

Départ de Champigné pour rentrer à Mélicocq.

Arrivée à Mélicocq le samedi 17 pour reprendre mon service avec mon moteur.

Le 30 avril

Départ de Mélicocq pour Compiègne. Reste seulement un jour.

Le 1 mai

Départ pour le puit d’Orléans, poste d’eau, pour seconder le mécanicien qui est malade. Ce poste se trouve en pleine forêt de Compiègne. Il y a 3 à 5 kilomètres à faire pour trouver un pays. C’est l’isolement, la vraie solitude.

Je reste 10 jours.

Le 11 mai

Je rentre à Compiègne, au dépôt.

Fin des carnets

Il passe au 1e régiment du génie le 3 août 1917.

Je désire contacter le propriétaire du carnet d’Arsène LERIDON

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Vers d’autres témoignages de guerre 14/18

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