Carnet de captivité de Louis LOGNON

Camps de Münster, de Rennbahn (dit Münster 2) et de Senne.

 

Mise à jour août 2018

Carnet publié en 2014

 

 

La recopie de ce carnet, ou d’une partie, est interdit sans l'autorisation expresse du propriétaire

 

 

 

Pour son grand-père qui voulait que ses écrits restent ; merci à sa petite-fille.

 

Merci aussi à Marie-Hélène pour la recopie et l’envoi du carnet :

« Au début de sa captivité, Louis Lognon va plutôt "bien" : au dépôt des colis à Münster.

Sa hantise : aller en " kommando " travailler aux mines. Et c'est ce qui va lui arriver...

Très dur travail. Il a 36 ans. Moral en berne après plusieurs années (3 ans de captivité).

On le voit à l'écriture qui rétrécit. Il n'écrit plus que tous les mois. Mais à la fin du carnet novembre 1918 : armistice.

Les mots sont écrits en plus gros ! Je vous avoue que je n'ai pu aller au bout de la lecture du carnet, je la reprendrais avec un peu de recul !!!

On se rend compte que tous ces prisonniers ne "tenaient" que grâce aux lettres et colis. Un jour sans... et le moral retombait. »

 

Merci à Philippe qui, en seconde lecture, a repéré quelques fautes et fait des recherches sur les noms de villages allemands cités dans le texte :

 

 

Description : feather

 

Description : Carnet premiere page.jpg

 

 

Ce récit est composé de 2 carnets. Malheureusement le premier a disparu.

Louis LOGON habitait à Abbeville, 40 chaussée Marcade. Marié, 2 enfants

Quand il fût fait prisonnier le 29 septembre 1915 à Sainte-Marie-à-Py (51), il était au 402e régiment d’infanterie. Voir sa fiche matriculaire (2 pages).

 

Suite des notes et impressions de mon séjour au front et de ma captivité en Allemagne

Cahier n° 2

Description : feather

 

26 décembre

Il fait un temps affreux, je ne peux donc sortir et le temps me semble bien long.

Je recopie quelques unes de ces pages. J’ai aussi un travail intéressant à faire : une longue lettre qui sera si bienvenue par toi ma chère petite femme.

Si ces deux jours nous ont été rendus un peu plus doux, ils sont malgré tout pour moi des jours de chagrin, car plus que d’ordinaire, je pense à vous tous et surtout à mes chers petits en ces jours où l’on  parle de fêtes d’enfants.

Je te vois avec eux allant visiter les crèches au pied desquelles je sais que vous avez prié pour moi. Continuez, car plus que jamais j’ai confiance, ayant dans bien des cas jusqu’à présent été exaucé.

Semaine du 27 au 31 décembre

Comme la précédente semaine de 5 jours puisque le samedi c’est le jour de l’an, journées passées à Münster au bureau du dépôt au chaud.

 

Nous sommes de retour le vendredi à 2 heures, j’en profite pour faire ma petite lessive afin d’être absolument libre pendant ces deux jours de repos.

Année 1916

1er et 2 janvier

Journées bien tristes pour moi car c’est la première fois que je ne pourrai embrasser ma bonne mère ni les miens en ce jour de renouvellement d’année.

Par la pensée, je fais des vœux du fond du cœur pour tous et le principal est que cette année nous réunisse tous.

 

Il semble que la fatalité se met de la partie et contribué aussi à nous rendre plus tristes ces jours de fête.

Les lettres ayant eu un grand retard au départ, je n’ai ni argent, ni colis. Heureusement, je touche 1,25 ( ?) de ma semaine, cela suffira pour me procurer ce qui m’est indispensable et me faire patienter pour attendre le colis que je compte recevoir courant de cette semaine.

Notre vie journalière étant à peu près toujours la même à présent et pour ne pas toujours répéter la même chose, je me bornerai dès à présent à noter simplement par dates les journées ou quelque chose d’intéressant.

3 janvier

Début de semaine au train dépôt.

4 janvier

Départ de Goufoir en Kommandos dans les mines, sans savoir à quel genre de travail on le destine.

Il part avec gros cœur et cela fera un vide pour moi surtout que c’était un bon camarade et que l’on pouvait avoir des nouvelles de nos familles quand l’un ou l’autre recevait une lettre.

6 janvier

Fête des rois.

Repos, mais toujours un temps pluvieux. La boue nous monte au dessus des chevilles. Heureusement, nous mettons de gros sabots de bois. Pour me procurer quelques sous en attendant mon mandat, je vends deux bagues et mon briquet.

J’ai la joie de toucher un colis aujourd’hui ce qui me permet de passer une journée un peu meilleure.

L’ennui est que mes correspondances ont été retardées et je ne reçois plus de nouvelles, cela me fait paraître le temps bien plus long.

7 et 8 janvier

Fin de semaine à Münster au train dépôt.

9 janvier

Mauvais dimanche d’ennui, car je n’ai pas encore de vos nouvelles.

Je dois t’écrire une lettre et vraiment je ne sais plus quoi dire car j’ignore si tu recevrais toutes ces correspondances.

Heureusement je passe un bon moment avec Vacossaint et nous déjeunons ensemble. Que la brioche et le pâté de M. Cordellier  me semblent bons !!

J’ai le bonheur de recevoir pour terminer cette journée ta carte du 28 décembre, cela me rend un peu plus gai.

10, 11, 12 janvier

Corvée à Hiltrup dehors sous la pluie.

13 janvier

Repas au camp.

14 janvier

Corvée à Pertershafen (*). Travaux de terrassement.

 

(*) : Partie du port fluvial de Münster et qui s’appelle maintenant Stadthafen.

15 janvier

Corvée de brouettes autour du camp.

16 janvier

Je touche ce matin quelques douceurs du comité de secours où momentanément je me suis fais inscrire, ignorant si je vais retourner aux corvées payées.

Les séminaristes parmi lesquels mon ami Briet le caporal, quittent notre block pour s’installer mieux au block 4. Je vais passer un moment avec lui avant son départ pour le remercier de ses bontés.

 

J’ai la chance le soir d’être à nouveau nommé pour le train dépôt, c’est encore 8 jours de tranquillité surtout qu’il part beaucoup d’hommes en kommandos en ce moment.

35 de ma chambre dont 2 copains qui couchaient près de moi partent demain matin, pour les mines ou les usines, on ne sait pas pour où à l’avance.

17 au 23 janvier

Semaine au train dépôt au bureau.

Beau temps. Dimanche assez agréable pour moi.

N’ayant pas beaucoup de besogne, j’assiste à la grand-messe.

 

L’après-midi, je fais le tour des blocs et je vais dire bonjour à M. Briet, à legrand, Chivot et au sergent Blondin auquel je me fais inscrire sur la liste des personnes de la Somme afin d’obtenir s’il est possible un colis gratis de temps à autre.

 

J’ai reçu hier un colis de mon parrain et j’aurai le tien demain, je ne suis donc pas malheureux ces jours-ci. De plus ce soir, je suis encore sur la liste de la corvée du train dépôt.

27 janvier

Repos. Fête du Kaiser.

30 janvier

Dimanche avec emploi du temps analogue aux dimanches précédents.

31 janvier

Début de semaine à Münster.

Crainte toute la journée d’une punition de prison pour être arrêté en chemin pour satisfaire un besoin. L’évasion de l’un des nôtres fait oublier cette faute aux sentinelles.

2 février

Repos la matinée faute de sentinelles pour nous conduire.

6 février

Dimanche pendant lequel je n’ai guère le temps de m’ennuyer car j’ai pas mal de besogne.

Sabots neufs  à arranger, couture, lettres à t’écrire et à mon parrain etc. J’ai touché hier une partie du mandat de M Cordellier, ma vie commence à être plus agréable à part l’ennui, car à présent j’ai un peu de douceurs en vivres et en argent.

Le plus ennuyeux est qu’on a encore arrêté la distribution des correspondances par rapport aux évasions fréquentes qui se produisent en ce moment sous le nez des gardiens.

7 au 12

Semaine à Münster. J’obtiens de rester le samedi pour laver et mettre mes affaires en ordre et aller aux douches.

13 février

Journée de tout repos pour moi puisque j’ai fait tout mon travail hier.

Mauvaise après-midi. Migraine, douleurs aux épaules et mal de gorge, je dois rester couché car je frissonne.

14 février

Je me porte malade pour ne pas sortir par le vilain temps qu’il fait. Photographie et théâtre.

Après-midi passée agréablement à la représentation de Miquette et sa mère. Gaité folle, mais ennui le soir car je n’ai pas encore de correspondances depuis bientôt un mois.

 

Description : Miquette et sa mere.jpg

 

Miquette et sa mère du 14 février 1916

 

 

15

Second jour de repos. Petits travaux de passe-temps.

16 au 19

Corvée à Münster au train de dépôt.

 

Description : Harmonie 17 fév 1916.jpg

 

Affiche du concert de Gala du jeudi 17 février 1916

20

Dimanche agréable.

Beau temps et suis heureux. Ai reçu lettres et cartes, colis et avis de mandat. Nous avons maintenant des lits en bois, c’est mieux et plus propre. J’ai bien peur qu’on nous installer ainsi car nous resterons sans doute encore de longs mois ici.

21 – 22

Même besogne à la corvée de Münster.

23

Visite médicale pour les kommandos. Je suis classé n° 2. Je dois être compris dans la série culture, j’espère donc éviter les usines et les mines.

24, 24, 25

Corvée train dépôt. Le sol est recouvert de 30 cm de neige.

26

Repos du dimanche avec temps meilleur.

Besogne ordinaire.

27, 28, 1 et 2 mars

Corvée train de dépôt (changement de nourriture).

3 et 4 mars

Repos forcé. Manque de sentinelles. Mutinerie au block II pour refus de départ en kommandos.

5 mars

Dimanche de tout repos, promenade etc…

Ma vie commence à être plus agréable avec les colis que je reçois, j’ai bien ce qu’il me faut. Mais nouvel ennui, arrêt du paiement des mandats.

Visite agréable au caporal Brillet. Longue lettre à t’adresser.

6 mars

Repos au camp faute de sentinelles.

7 au 11 mars

Travail habituel au train de dépôt par un temps pluvieux et neigeux toute la semaine.

La corvée est devenue moins bonne car au lieu d’être assez bien nourri par la caserne de Münster, on nous apporte le repas de midi du camp et certes ce n’est pas fameux ; de plus le café du matin est supprimé.

Heureusement que j’ai tes colis et ceux d’Amélie. D’autres ennuis s’ajoutent à celui-ci-dessus. La banque ne nous paye plus nos mandats qu’à un taux relativement bas, beaucoup en refusent le payement, ce qui fait un retard sensible pour avoir de l’argent.

La monnaie de nickel et d’argent a été remplacée par des jetons en fer blanc qui ne peuvent être utilisés que dans le camp où tout est vendu très cher et où on ne peut presque rien se procurer.

Impossible à présent de pouvoir faire acheter en ville.

12 mars

Occupations de nettoyage, rangement etc… de chaque dimanche. J’ai eu mes photos et les prépare pour te les envoyer mardi.

L’ennui est que je n’ai reçu aucune correspondance cette semaine.

Je mets toutes mes affaires en ordre car on est toujours à la merci d’un départ précipité pour un kommandos.

13 au 18

Semaine au train de dépôt par un temps superbe.

Remue-ménage dans les chambres, je reste toujours chambre 5.

19

Dimanche avec un vrai temps de printemps.

Je range mes petites collections de cartes de Münster et du camp et j’écris à M. Cordellier.

La matinée se passe aux petits travaux habituels.

 

Mais je sors l’après-midi faire un tour dans les blocks.

20 au 25

Toujours même besogne au train de dépôt. Le temps est redevenu mauvais, neigeux surtout. Un kommando spécial est parti. Berly et Legrand en sont.

De jour en jour mes copains me quittent ; mais je préfère rester ici le plus longtemps possible.

26

Dimanche habituel comme occupation.

Le temps est froid, aussi je ne sors guère. Je fume allongé sous mes couvertures.

Déjeuner succulent que m’offre Vacossin avec les provisions que sa femme lui a envoyées.

27 au 1er avril

Semaine agréable au train de dépôt à Münster par un temps d’été. On est mieux à sortir que de rester au camp, le temps parait moins long.

Les rapports qu’on nous lit tous les soirs nous donnent de l’espoir mais nous font aussi supposer que nous ne sommes pas encore à moitié de notre captivité.

Quel grand point d’interrogation lorsque nous nous demandons à quelle époque nous pourrons embrasser tous ceux qui nous sont chers.

2 avril

Beau temps d’été, mais quelle promenade faire ?

C’est toujours le chemin entre les baraques.

Le seul agrément que nous retirons de notre dimanche est le repos et la remise en état de notre linge. Ah j’oubliais le meilleur, car souvent ce jour là, Vacossin et mois nous faisons un bon repas.

 

La journée se termine toujours par le salut où nous sommes heureux et d’aller pour nous recueillir un instant et prier pour les nôtres et nos amis et camarades qui combattent.

3 avril

Journée de corvée à Münster.

4 avril

Nous avons repos car aujourd’hui nous devons passer une visite du docteur allemand qui nous classer par séries pour le travail.

Après 2 heures d’attente, c’est mon tour, je crois que le major me classe série 3 ce qui doit je l’espère me faire éviter le travail dans les mines et les usines.

Je profite du reste de ma journée pour mettre en ordre mes petites affaires et avoir dimanche une vraie journée de repos.

5 au 8

Nous reprenons pour le reste de la semaine notre travail à Münster, mais ces 4 jours ne m’enchantent guère. Je nettoie le grenier immense, c’est plutôt sale. Mais le plus grand ennui m’attend le mercredi soir à mon retour.

Il nous faut quitter notre chambre 5 où j’étais bien installé et cela en 5 minutes.

On nous met dans une chambre sale où je dois coucher sur un hamac sous un autre camarade.

 

J’y ai froid et j’ai des maux de reins et le torticolis.

De plus, le froid m’occasionne un point entre les épaules. Ces quelques jours sont de ceux pendant lesquels je pense à ma misère.

J’ai hâte d’être au dimanche pour me remettre un peu.

9 avril

Je m’éveille encore plus courbaturé et je dois même aller à l’infirmerie où l’on me donne deux cachets d’antipyrine.

Ensuite j’arrange mieux ma couchette. Je tends mon hamac. Je suis un peu mieux dans la journée et j’ai espoir demain de prendre un hamac inférieur.

Je déjeune avec un copain. Menu : bœuf aux carottes, flageolets, compose de prunes, café.

 

L’après-midi, je fais quelques parties de manille. Je pers deux pfennigs.

Demain je compte néanmoins reprendre ma corvée à Münster.

10 avril

Reprise de ma corvée habituelle, mais je souffre beaucoup du dos et des épaules.

A mon retour, je me loge dans un hamac supérieur dans lequel je dors mieux et ai moins froid, jais je veux rester demain pour voir le docteur car ces douleurs m’ennuient.

11 avril

Nuit assez bonne, mais je me porte malade après 2 heures d’attente au dehors, le docteur me dit que c’est peu de chose et me fais mettre un peu de teinture d’iode.

Je ne me sens pas à mon aise dans la journée et je me décide à aller voir un de mes amis qui est infirmier au block 2. Il me met 2 ventouses sur la poitrine et me badigeonne bien partout. Si cela ne va pas mieux à la fin de la semaine, j’irai revoir le docteur.

 

Je profite d’être resté pour à nouveau installer mes boites et armoires, batterie de cuisine etc. dans un petit rayon de fortune que je confectionne avec les bouts de planches que je trouve. Je m’ennuie de ne pas avoir de tes nouvelles depuis le 20.

Aussi, c’est une mauvaise journée pour moi.

 

Je reprends le chemin de Münster le mercredi quoique j’aie encore des douleurs. L’ennui est qu’il fait mauvais pendant ces quatre jours.

Je vais mieux de jour en jour et j’ai le bonheur de recevoir ta lettre du 2 et une de mon parrain avec de meilleures nouvelles.

16

Dimanche monotone avec occupations habituelles, néanmoins c’est un peu de repos.

En ce jour des Rameaux où je ne pourrai aller prier sur la tombe de ceux qui me sont chers, j’assiste à la grand-messe à leur intention ainsi qu’à celles de mes pauvres camarades tombés au champ d’honneur.

Déjeuner en compagnie de Janin, un brave parisien qui est mon voisin de hamac. Filets de harengs – civet de lièvre – épinards – raisin mendiants, baba. Boissons : eau naturelle, café et vin !

17 au 20

Semaine de travail écourtée pour les fêtes de Pâques. Je passe ces quatre jours agréablement au train de dépôt et compagnie du jeune Violin qui est depuis quelques jours avec moi. Caractère gai et jeune qui me fait un peu oublier l’ennui de cette captivité.

Nous avons repos le jour du vendredi Saint car ici personne ne travaille en cette journée.

21

Journée de repos. J’en profite pour faire mes petits travaux de nettoyage afin d’être tout à fait libre (de mon temps seulement hélas !) le jour de Pâques.

22

Reprise du travail et fin de semaine à Münster.

23

Jour de Pâques.

Il fait mauvais et la principale occupation est d’aller aux offices à la chapelle. On prépare Janin et moi un bon petit déjeuner ; d’autant plus que quoique je n’ai plus grand-chose à manger, j’ai la bonne fortune de toucher un peu de provisions de la Caisse de Secours.

 

J’essaye aussi les effets reçus de M. Cordellier afin de pouvoir être un peu mieux habillé et aussi pour avoir la facilité de laver mes vêtements de travail.

En ces jours de fête, je pense beaucoup à vous tous, surtout qu’en temps ordinaire, on se trouvait souvent en famille.

Par la pensée, je te vois ma chère petite Dédette ayant à tes côtés mes deux chéris tout habillés de neuf. Ce qu’ils doivent être gentils ! Et je ne peux les voir ; quel crève-cœur !

Mais je ne dois pas murmurer car je sais qu’il y a beaucoup pis que moi.

Demain c’est encore repos.

24 au 5 mai

La vie est devenue toujours à peu près la même pour moi.

Le temps est beau, c’est le principal. On a fait des massifs dans les blocs et nous voyons tout verdir sur notre route tous les matins, et les lilas fleurir, mais malheureusement je ne puis t’en envoyer.

Les pendules ont été avancées d’une heure, le réveil est à 5 heures et en réalité avec cette avance et celle habituelle de l’Allemagne sur la France, nous nous levons donc à 3 h ½ à demi-endormi.

 

Le 5 au soir en rentrant de corvée, je trouve l’adjudant qui m’annonce que je suis inscrit pour la corvée des colis et que je dois débuter le lendemain.

C’est une bonne soirée pour moi car je suis heureux de cette nouvelle et de plus je touche ton colis qui me permet de faire un bon souper.

6 mai

Levés de bonne heure, nous partons à 6 h ½ pour nous rendre au camp 3 où est le baraquement affecté à l’arrivage des colis.

Nous prenons la route de Münster, puis nous traversons toute la ville qui est très jolie. Nous passons devant le palais du Gouverneur et parcourons le parc du jardin zoologique.

C’est une promenade vraiment agréable quoique un peu longue, il y a 14 Kms aller et retour.

 

Aussitôt arrivés, on se met au travail qui consiste à triller les colis et à les classer par camp, block et kommandos.

Il y a de la besogne, mais ce travail me plaît surtout que nous travaillons pour nous tous et que de notre besogne dépend la distribution vivement faite des colis à nos camarades.

 

Le midi, nous mangeons au camp 3, pour la première fois, je bois de la bière allemande.

Nous sommes de retour à Rennbahn (*) à 7 heures.

Le second bon côté de cette corvée est que nous sommes de service 3 fois la semaine, les mardis, jeudi et samedi. Les quatre autres jours, nous sommes libres.

Je pourrai donc me reposer et à mon avis ranger toutes mes petites affaires et effets.

 

(*) : Rennbahn est le camp de prisonnier dit « Münster II » au nord-ouest de Münster.

7 mai

Journée du dimanche bien remplie et par un beau temps. Je n’ai guère de besogne ce jour car je suis resté jeudi pour aller aux douches et laver mon linge.

 

Le matin, nous nous faisons photographier en groupe, heureux que nous serons plus tard de posséder ce souvenir. J’ai mis les effets de Robert qui me vont à merveille.

 

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Il semblerait qu’il s’agisse de cette photo. Le cliché a été pris en mai 1916.

Louis l’a inséré dans un napperon brodé. Il a terminé ce souvenir en 1917, date brodée dessus.

Cliquez sur la photo pour l’agrandir.

 

 

L’après-midi se passe au théâtre où nous voyons jouer d’une façon admirable la pièce « La Belle Aventure ». Les décors et les costumes féminins sont merveilleux.

Ces quelques instants de plaisir nous font oublier les misères de notre exil.

Du 8 mai au 10 juin

Suite de mes corvées coupée tous les 2 jours par une journée de repos pendant laquelle je vais passer quelques instants avec mes copains dans les autres blocks.

Je dessine aussi des modèles de broderie ou de cadres entaillés pour faire plaisir aux camarades qui veulent se distraire à ces genres de travaux.

Pour ma part, je ne me sens pas encore la patience d’en débuter un.

 

Le reste du temps, c’est toujours la même vie monotone, surtout dans les moments inoccupés ; c’est pourquoi je ne fais plus de résumé de captivité que par périodes, car je n’avais pas compté sur un aussi long nombre de jours à rester ici.

Et cependant, il faut nous compter heureux comparés à beaucoup de nos camarades qui sont en Kommandos.

On vient d’orner les blocks de quelques massifs de fleurs et de bancs rustiques. De plus, une imprimerie a été créée, et toutes les semaines nous pouvons acheter « l’écho de Rennbahn » feuille qui aura peu d’attrait, attendre que la censure sera rigoureuse, mais ce sera un moment de lecture et une feuille à conserver comme souvenir. (*)

 

(*) : Effectivement Louis a conservé tous ces documents.

Le 1er juin

Fête de l’Ascension, nous avons repos.

Je passe l’après-midi au théâtre où l’on joue le vaudeville « Théodore et Cie ».

Tous les rôles ont été remplois d’une façon merveilleuse et les rôles des femmes, tenus par nos copains, nous font croire à la réalité ; dans ces instants, on pense aux siens et plus d’une fois les larmes viennent aux yeux.

11 juin

Fête de la Pentecôte, célébrée à la chapelle avec le concours de l’harmonie. L’autel était partout orné de fleurs.

 

L’après-midi a lieu l’inauguration de la 4ème exposition des « Amis des arts ».

Le général assiste à l’ouverture pendant que la symphonie se fait entendre. Une tonnelle rustique a été installée à l’entrée ; on y vend limonade, bière et vin blanc.

 

L’exposition a à peu près le même aspect que celle de Noël 1915 ; certains travaux sont vraiment remarquables. Étant beaucoup plus libre à présent et voyant pas mal de camarades faire des souvenirs, je me décide à faire un tableau des drapeaux des alliés dont le dessin qui est de mon idée personnelle sera recouvert de fils de coton mercerisé.

 

J’ai pu me procurer à Münster toutes les teintes nécessaires et j’espère arriver à un bon résultat. C’est un travail de patience et il va me falloir apprendre à tenir l’aiguille. Mais cela occupe mes loisirs et je serai si heureux de remporter en France un souvenir de ma captivité fait par moi-même.

Si je peux, je ferai un petit cadre pour la photo de mon cher petit Pierre que je viens de recevoir et avec quelle joie.

Du 12 juin au 2 juillet

Rien de bien saillant pendant cette période, si ce n’est le départ pour la Suisse d’heureux camarades qui vont se sentir libres !

Moi je ne peux espérer ce bonheur et peut-être pour moi vaut-il mieux aussi car certainement la plupart ont une maladie ou infirmité reconnue après plusieurs visites sérieuses.

 

Une imprimerie a été installée et tous les samedis on nous vend « l’Écho de Rennbahn ». Je rapporterai la collection (*), ce sera le meilleur résumé de notre vie au camp, peut-être pas très sincère car le journal passe à la censure, mais enfin !

Je suis allé voir jouer « le mariage de Melle Beulemans », pièce très intéressante et très bien rendue. J’ai assisté également à une représentation des Russes « La m… au Village » avec chants et costumes nationaux ; c’était très intéressant.

 

Description : Programme 25 JUIN_Page_1.jpg

 

Affiche du Mariage de Melle BEULEMAN

 

Dans mes jours de repos, je continue mon tableau de canevas de coton, j’y prends goût et patience et bientôt il sera terminé et je serai, je croix, heureux de mon travail.

La Fête Dieu est célébrée ici le jeudi et absolument comme chez nous.

Procession par paroisse avec reposoirs magnifiques. Le cortège est le même qu’en France.

 

En résumé, jusqu’à présent, à part l’éloignement si loin et si long de vous, je peux m’estimer un des heureux, car tous les jours, il en part en kommandos. J’ai reçu un colis du comité de la Somme et je suis un peu aidé par la caisse des secours du camp.

Ma vie est donc un peu meilleure comme nourriture ; l’ennui est qu’à présent, nous ne recevons plus de pain de France, on débute ce jour la distribution de 40 petits biscuits par hommes et par semaine.

 

(*) : Effectivement Louis a conservé tous ces documents.

Du 3 juillet au 17 juillet

Notre corvée des colis est dissoute le 8, mais avant la fin de ces voyages au camp 3, j’ai la chance de traverser Münster dans ses plus beaux quartiers ; j’ai donc vu à peu près tous les monuments dont j’ai acheté les cartes, vues comme souvenir.

 

Je suis ennuyé de quitter cette corvée, mais je n’y peux rien et momentanément je prends un peu de repos. Un ennui n’arrive généralement pas seul nous ne toucherons plus de pain de nos familles ; une distribution de 2 btes de biscuits par semaine nous est assurée par la France.

 

Depuis mercredi 12, je retourne au train de dépôt à Münster, je verrai lundi prochain si c’est à continuer.

Du 17 juillet au 30 juillet

Mon dimanche se passe en lessive, réparations d’effets et à t’écrire une longue lettre. Je suis prévenu le soir que je pars pour la semaine à la corvée des colis et que nous devons rester à coucher les 6 jours.

Je prépare donc en hâte quelques objets et victuailles qui me sont indispensables car là, je n’aurai pas près de moi mes affaires et mes camarades.

 

Nous partons le lundi à 5 h ½ du matin et aussitôt arrivés, nous nous mettons à la besogne. Nous ne sommes pas mal logés et le camp est moins triste qu’à Rennbahn (*) mais il y a un ennui, il y a des puces.

Je mets de la naphtaline afin d’en être préservé.

 

Nous travaillons tous les jours, et j’ai assez bien dormi. Je passe un moment le soir avec M. Gosset qui est très aimable et j’ai eu la chance de rencontrer là un abbevillois, M. Hermé, ce qui me permet de causer longuement de mon cher pays. La semaine s’achève et nous sommes de retour ici le samedi soir à 6 heures.

 

Nous ne savons pas si nous devons y retourner lundi.

Je suis donc obligé de passer mon dimanche à mes occupations habituelles afin d’être prêt en cas de départ. J’ai la chance de ne pas marcher cette semaine et d’être au repos toute la semaine.

Cela me fait plaisir et me permet de faire quelques petits travaux d’art, de coudre etc… et puis je peux dormir souvent car la température est chaude.

 

Toutes mes affaires sont en ordre, car probablement que je repartirai lundi pour 8 jours.

 

Aujourd’hui dimanche 30, je vais passer l’après-midi au théâtre où l’on joue « En avant, c’est la gastero ». C’est vraiment d’une gaieté folle, c’est une revue qui a trait au camp.

Je ne puis la détailler ici, j’en ai acheté le programme comme souvenir.

Donc bonne journée aujourd’hui, sans trop d’ennui puisque j’ai été occupé.

 

(*) : Louis a donc connu au moins 2 camps différents.

Du 1er août au 6 août

Comme je l’avais prévu, je vais pour la semaine au camp 3 au service des colis. J’en suis heureux car j’ai cette fois avec moi un de mes bons copains, un jeune nantais A. Violin ; c’est moins monotone.

Et de plus cette semaine, beaucoup vont partir en kommandos, c’est donc une sécurité. La semaine se passe agréablement, travail minime, le nombre de colis arrivant ici étant fort diminué. Nous sommes de retour tous les soirs à 4 h ½ ; c’est beaucoup de temps libre à tel point que deux fois ces soirées m’ont semblé interminables.

 

J’avais ce qu’on appelle « Le Cafard », c’est terrible et cela se termine souvent par les larmes, soulagement sans pareil.

Somme toute, bonne semaine.

Nous sommes de retour à Rennbahn le samedi soir à 5 heures. Pour nous débarrasser des puces nous allons de suite aux douches et nous changeons de linge.

6 août

Dimanche aux travaux divers de propreté et visite aux copains.

Beau temps.

Jeux de sports et concert en plein air.

Du 7 août au 24 septembre

Période sans changement.

Repos total du 7 au 13.

 

Semaine de travail au camp 3 du 14 au 19.

C’est moins dur qu’autrefois car depuis la suppression des envois de pain, le nombre de colis est fort diminué.

 

Repos à nouveau du 20 au 27.

Le temps parait plus long que lorsqu’on est au travail. Mais on s’occupe quand même et on en profite pour combiner un peu mieux ses repas avec le peu qu’on nous donne et ce qu’on reçoit.

 

Les semaines s’écoulent, 8 jours ici, 8 jours au camp 3, mais ici le temps commence à devenir long, surtout les soirées ; je lis beaucoup, mais cela ne me réussit guère car je dors mal.

Il faut bien faire quelque chose, car autrement l’ennui me prend ; surtout pendant ces quelques jours du 17 au 24 septembre ; c’est le départ du service médical pour notre chère France.

 

Pendant plusieurs jours, nos camarades se préparent et on envie leur bonheur. Quand aurons-nous la joie de penser au retour dans notre chère patrie près des nôtres.

Nous sommes heureux néanmoins de les voir partir.

 

Un autre ennui me tracasse.

Les sous-officiers français remplissent à présent certaines places de soldats et de caporaux, de ce fait, beaucoup vont être obligés de changer de corvée ou de partir en kommandos. Je crains fort de ne plus aller lundi à ma corvée des colis.

Enfin, il faut se résigner, on verra la suite. Voilà bientôt un an de passé et sous le rapport du travail, je n’ai pas été trop ennuyé.

Que me réserve l’avenir et pour combien de mois encore ?

Personne ne le sait.

Il faut se laisser vivre comme l’on dit vulgairement ici.

Du 24 sept au 1er octobre (1916)

Dimanche passé comme depuis un certain temps en compagnie de Chivot de Miannay.

Comme je le prévoyais, la corvée des colis est transformée, il n’y a plus qu’une équipe et beaucoup de gradés ayant demandé à en être, nous sommes supprimés à 60 et je suis du nombre.

 

Je reste au repos le lundi, le mardi je suis désigné pour aller dans une ferme aider à la batteuse. C’est une journée bien dure pour moi, n’étant pas rompu à ces sortes de travaux et je rentre bien fatigué.

Je vais le lendemain à la corvée de Peters (?), c’est moins pénible, mais le reste de la semaine se passe dans les fermes, battage, ramassage de pommes de terre etc…

Je ne puis me faire à ces genres de travaux et je suis complètement moulu et ai mal aux reins. Je suis néanmoins content d’y être allé afin de connaître un peu les habitudes et les mœurs des campagnes westphaliennes.

 

Nous mangeons dans les fermes où c’est généralement très propre et bien meilleur qu’au camp, mais détail particulier, les repas se font sans pain et sans boisson.

 

De plus, un autre ennui est venu me peiner pendant mon absence.

Beaucoup de mes camarades sont partis en kommandos, et entre autres mes bons copains Janin et Violin ainsi que Hesdin et je ne les ai pas vus avant leur départ ; peut-être sera ce mon tour sous peu ?

Du 1er octobre au 8 octobre

Mes dimanches vont donc se passer avec Chivot, qui vient manger avec moi, cela me fera une distraction, surtout que je vois peu Vacossin car il est dans une autre chambre.

J’ai la joie d’apprendre pendant cette journée que je retourne demain au train dépôt à Münster, cela me fait plaisir, car je connais la corvée, c’est peu fatigant et l’on est payé à 25. La semaine est donc pour moi meilleure que la précédente.

 

J’obtiens de rester le vendredi pour laver mon linge et faire mes petits travaux divers.

De cette façon, j’aurai mon dimanche libre avec mes camarades et aussi la liberté d’aller aux offices prier pour tous ceux qui en ce moment sont dans le chagrin, les peines ou l’ennui.

Du 9 au 18 octobre

Continuation de ma corvée à Münster où je ne suis pas trop malheureux, mais il fait un temps affreux, toujours de la pluie.

 

Aujourd’hui 18 à notre retour nous sommes ennuyés d’apprendre que c’est la fin de notre corvée ; peut-être partirons-nous demain ou après-demain pour aller arracher des pommes de terre, betteraves ou rutabagas.

Il parait qu’ensuite on reviendra ici, mais on n’ose pas y croire. De toute façon, on va sûrement partir car tous les amis s’en vont de côté et d’autre et beaucoup aux mines ou dans les hauts-fourneaux. J’espère néanmoins ne pas y aller car le docteur m’a classé dans la catégorie 3.

Il faut donc se laisser vivre et attendre les évènements, se mettre au noir n’avance en rien les choses et ne font que vous rendre la captivité plus amère.

 

Nous sommes nommés dans l’après-midi pour soi-disant une corvée de culture de 3 semaines, nous sommes 300. Reviendrons-nous ci, nous l’espérons, mais nous ne pouvons l’affirmer, nous devons emporter toutes nos affaires et ce n’est pas le moins ennuyeux car depuis 1 an, on a réuni pas mal de choses.

Je prépare donc mes boîtes et musettes, j’au au moins 40 kgs de bagages.

 

Le reste de l’après-midi est donc vite passé. Je vais dire au revoir à Vacossin, Briet etc… L’ennui est que l’on va être longtemps sans nouvelles et colis.

19 octobre (1916)

Réveil à 4 h ½.

Déjeuner sommaire au cacao artificiel, puis on charge ses ballots et l’on se rassemble. Après plusieurs appels, le signal du départ est donné, il est 6 h ½.

C’est dommage que l’on n’ai pas pris une photo de notre colonne, car ce n’est pas un spectacle ordinaire que ces 300 hommes chargés comme des ânes.

 

Nous arrivons après bien des pauses à la gare des voyageurs de Münster. Il est 8 heures. Nous sommes installés par 8 dans des compartiments de 4ème classe. Où allons-nous, nous n’en savons rien.

Nous passons à Münster, Hannover, etc… Nous sommes donc dans la province de Hanovre et nous allons vers le Nord.

Nous avons donc bon espoir que le pays minier est passé ; on a si peur d’aller aux mines. Après une cinquantaine de stations, nous descendons le soir à 11 h en gare de Wittingen.

Une partie de notre détachement est resté en route, le reste est réparti en plusieurs petites corvées pour les fermes, cette fois nous sommes rassurés.

 

Pendant les parlementaires entre le maire et le poste, nous restons au moins 1 heure dehors, on est gelé et on n’a rien pris pendant cette journée.

On nous dirige enfin vers le village et l’on nous met pour passer la nuit dans une salle de théâtre, on nous donne un quart de jus et je m’endors sur deux chaises.

Mauvaise nuit.

20 octobre

Réveil à 6 h.

Départ à 9 h pour la gare toujours avec nos bagages.

Arrivée à 10 h 1/2. à …

 

Nous sommes désignés par 6 pour une petite ferme ; le patron nous emmène et nous donne à déjeuner, cela nous semble bon car nous avons bien faim.

Nous allons apprendre à connaître les mœurs et les coutumes allemandes. C’est très bizarre, surtout pour le manger.

Le repas se termine, nous partons arracher les betteraves.

 

Je ne vous parlerai pas de l’impression que me fait ce genre de travaux auxquels je ne suis pas rompu. Les jours suivants, même besogne, arrachage de pommes de terre et déjeuner à 7 h, dîner à 12 h, collation à 4 h et souper à 7 h.

Rentrer pour coucher au rassemblement du kommando à 8 h. Nous couchons sur la paille et n’avons pas de couvertures, c’est ennuyeux car il fait très froid et il gèle toutes les nuits.

 

Vu tous ces changements et la durée de cette captivité, je suis obligé de ne noter que les choses saillantes par dates afin de me les rappeler et pouvoir à mon retour continuer ces écrits.

29 octobre

Départ de Schönewörde à 6 h. Matin après déjeuner.

Bonne semaine passée chez des gens aimables.

 

Arrivée à Münster à minuit ½ à Rennbahn à 2 h du matin. Coucher au block 1.

Bien ennuyé de ces changements.

30 octobre

Revu Chivot et Vacossin.

Après-midi corvée à Hiltrup.

Pas de repos. Reçu lettres de mon absence.

31 octobre

Repos.

Changement de block. Je rejoins mes camarades au block 2, mais je suis bien mal installé et je suis littéralement gelé la nuit.

Civils belges à partir de 14 ans.

1er novembre

Fête de la Toussaint. Repos et grande partie de la journée passée à la chapelle.

2 novembre

Repos.

Visite médicale où j’ai la déveine d’avoir le n° 1 A, ce qui veut dire très bon et me voudra peut-être le départ pour la mine.

3 novembre

Corvée à Peters.

Journée agréable au repos au centre de Münster.

4 novembre

Repos.

J’ai une paillasse et n’ai plus froid.

5 novembre

Dimanche passé en compagnie de Chivot.

6 et 7 novembre

Conduite de voitures services des colis à Hiltrup et à la poste de Münster.

8  novembre

Je m’installe dans un lit et arrange mes étagères.

9 novembre

Corvée à l’usine de conserves d’Hiltrup.

10 novembre

Corvée de vases, écoulement des eaux du camp.

11 et 12 novembre

Repos le samedi et dimanche sans voir Chivot. Blocks consignés.

Triste et longue journée, pas d’offices.

13 novembre

De corvée à Petershofen.

Nommé le soir pour partir le lendemain à 9 h en kommando. Essaye de rester, rien à faire.

Vais de suite dire au revoir aux copains et m’occupe de préparer mes affaires.

14 novembre

Préparatifs, à la banque pour mandat, caisse de secours etc…

 

Rassemblés à 9 h, nous ne partons qu’à midi ½ heure après une minutieuse inspection. Reprise des effets en double.

Route fatigante avec bagages jusque la gare de Münster.

 

Nous montons dans le train à 3 h, nous prenons la direction de Dulmen, Obertrof, Wanne et arrivons à Obershausen à 6 h.

Sommes dirigés vers le dortoir d’une mine.

Bien couchés pour la première fois depuis ma captivité dans des draps. Mais tous ces changements me tourmentent et cette nouvelle vie me fait peur. Aussi je dors agité et je m’éveille avec une forte migraine.

 

Nous allons être à présent au camp de Senne. (*)

Je ne reverrai donc plus les copains.. Et puis quand aurais mes lettres et colis, c’est bien ennuyeux et un vilain moment à passer. Cela me reporte à cette vie si heureuse et agréable au milieu de ma petite famille.

Hélas, quand les reverrai-je ?

Je leur écris ce jour. Eux aussi vont être ennuyés de tous ces changements.

 

(*) : Senne : Camp principal, pour prisonniers de guerre situé en Westphalie, au Sud-est de Münster. Il y a 3 camps à Senne. Il existe dans un de ces camps (lequel des trois ?) un comité de secours [existe t'il une section de ce camp qui sert de camp de rapatriement ? (heimkehrlager) et de camp de triage ? (durchganslager)].

L'un ou la totalité des camps de Senne a reçu la visite des délégués espagnols le 23 septembre 1916, à cette date, il y a 3.161 prisonniers à l'intérieur du camp, dont 2.665 français, et 7.550 prisonniers répartis dans des détachements de travail, dont 5.516 français.

Voir le site d’une amie, très bien construit, sur les camps de prisonniers en Allemagne >>>  ici  <<<

15 novembre

C’est une journée de repos avant de débuter cette nouvelle vie.

On nous donne nos numéros et des effets spéciaux : toque, bidon, souliers etc… Nous sommes prévenus du réveil pour demain matin 4 h ½ et départ pour la mine à 5 h ½, descente à 6 h.

Je fais mon installation, je suis au 3e lit en hauteur, c’est haut, mais j’ai l’espace supérieur pour arranger mes boîtes et effets.

16 novembre

Première journée de travail. Je ne puis noter toutes mes impressions.

Je n’en conserve que le canevas.

Réveil à 4 h, café clair.

Départ.

Arrivée à la mine. Habillement en tenue de mineur, lanterne à la main, bidon au côté. Arrivée à la cage, descente avec le premier pressoir.

Aspect extérieur de la mine, cage de l’ascenseur, aspect intérieur de la mine, locomotive à air comprimé, berlines, ascenseurs, écuries, galeries…

Remontée au jour – douches – repas – retour au kommando.

17 novembre

2ème journée de mine.

Même travail qu’hier. Je suis passé entre deux berlines, douleur de peu de durée. J’ai les chevilles en sang, mal aux épaules et les yeux me piquent.

Je m’endors aussitôt rentré sur mon lit.

 

Ce jour, un de nos camarades a eu la cuisse cassée.

18 novembre

3ème journée. Sur 4 de mon équipe, 3 de mes copains sont malades. J’ai pas mal de besogne. Mes yeux me font fort mal et je tousse, c’est l’air comprimé sans doute.

Rien de particulier.. F….hommes – douche.

Je charge en 8 h 1200 berlines de 800 kg

 

Description : 1.jpg

Dimanche.

Repos. Je puis me lever plus tard. Néanmoins, je ne fais pas grasse matinée car je veux profiter du droit qu’on nous donne d’aller à la messe.

Du reste, je veux prier pour être protégé dans mon nouveau travail. Je viens de toucher ma première paye 2 ° marks, soit 1 m par jour. Payés en jetons de camp.

Cela me fera améliorer un peu l’ordinaire.

 

Je ne bois plus d’eau, je prends de la limonade et je me payerai plus facilement une petite douceur ; cela rachètera un peu les fatigues de ce dur labeur.

Nous rentrons de la messe qui a lieu dans la chapelle d’un pensionnat. Le prêtre nous fait une petite causerie en Français, cela nous fait plaisir.

Depuis que j’avais quitté Meximieux où j’avais toujours mon René devant les yeux en allant aux offices car tous les enfants de chœur ont le même aspect : je n’avais plus revu ce costume. Aussi j’ai été bien ému de voir la messe servie par 2 enfants de cœur absolument habillés comme chez nous.

Ils étaient tous deux de l’âge de René à peu près.

Cela m’a rendu pensif toute la journée. Je vous voyais de bien loin tristes aussi de ma longue absence.

Pour passer le temps, j’ai fait un peu de broderie allongé sur mon lit car il pleut à verses.

20 et 21 novembre

Début de semaine, toujours même besogne à 300 m de profondeur. Bruit assourdissant du monte-charge.

22

Repos. Fête religieuse protestante.

23, 24, 25

Continuation de semaine sans nouveautés pour moi.

Corvée de tinettes !

26

Dimanche. Repos.

Occupation au nettoyage du couchage, linge etc…

Petits travaux d’agrément, écritures etc… L’ennui est que je n’ai plus de vivres ni biscuits, c’est la plus grande privation et surtout pas de sucre !

Travailler beaucoup et pas de douceurs ! Il y a de durs moments dans la vie et on ne peut et on ne veut pas les prévoir. Terrible école parfois que l’existence, mais on ne peut la recommencer ; mais cela peut servir pour enseigner bien des choses aux enfants.

à eux ensuite d’en tirer leur profit. Mais que Dieu les préserve de passer par de si cruelles épreuves !

27

Mauvais début de semaine.

à 10 heures, blessé doigts de pied gauche écrasés, je crie pendant ce petit accident.

Remonte aussitôt au jour. Pansement sommaire au bureau.

Nettoyage et on me laisse au réfectoire jusque 4 h.

 

Pansement au lazaret. Retour en boitant. Je m’allonge aussitôt et je crains surtout demain, car le docteur va sans doute me faire mal.

28

Nuit assez bonne.

Visite à 9 h. Je souffre pendant l’instant que le docteur m’enlève les ongles et me cautérise les plaies. Je dois y retourner vendredi.

Me voila donc au repos pour qq jours. C’est encore pis qu’au travail car on voit tout en noir. Que de fois je vous aperçois dans mes pensées.

Je pouvais être estropié pour la vie. Je m’estime heureux d’en être quitte ainsi car je n’avais pas le pied sur le rail, autrement avec une berline de 800 Kg !

29, 30 novembre 1916

Je suis heureux de mon repos, je ne souffre pas trop. Je fais qq petits travaux à votre intention à tous en guise de souvenir de ce dur moment à passer pour moi.

Ce repos me serait agréable si j’avais mes colis, mais toujours rien, rien à pouvoir grignoter ou boire entre deux !

C’est dur quand même.

 

Ce jour, mort de 2 de nos camarades écrasés à la mine.

C’est bien terrible, ce sont 2 pères de famille. Nous nous cotisons pour leur avoir une couronne et un petit monument, le service doit avoir lieu dimanche.

1er décembre

Je rentre de la visite du docteur, mon pied va un peu mieux, mais le pouce est meurtri et l’ongle noirci. Je ne dois pas trop me poser sur le pied.

Enfin, je ne souffre pas beaucoup, la durée du temps n’est rien.

Quelle joie en rentrant, j’ai 10 lettres et cartes de vous, de mon parrain etc… Voilà un moment agréable à passer pour lire et relire ces lettres.

 

Je prépare mon petit ménage pour lorsque je recevrai mes colis, ce que j’espère bientôt. Je couds beaucoup et je vais essayer de faire des petits tapis en coton noués.

Le temps est bien long loin de vous, mais néanmoins, je sais m’occuper pour ne pas avoir trop le cafard !

Je dois retourner à la visite lundi.

Du 2 au 10 décembre

Continuation du repos, sans trop souffrir, sauf le jour où l’on m’ôte l’ongle du pouce, c’est très douloureux, je ne dors pas et toute la jambe me fait mal. Je crois bien rester encore toute la semaine à la chambre.

Heureusement, je ne m’ennuie pas car je m’occupe toujours. Je m’installe entièrement étagère, boîtes, casserole etc… je cous souvent et je confectionne des petits tapis noués qui seront pour certains privilégiés un gentil petit souvenir de ma captivité.

Et puis, j’ai mes lettres à présent et hier 1 colis.

Il faut savoir se contenter dans ma position.

Du 10 au 17 décembre jusqu’au 24

Je viens de t’écrire, et je te dis : je vais bien et cependant, voilà 15 jours que je suis blessé. Ce qu’il faut mentir pour ne pas alarmer les siens.

Toujours au repos, mon pied va mieux, je vais 2 fois par semaine chez le docteur qui me fait le pansement. Je commence à trouver le temps long car je n’ai plus rien à faire.

J’attends de gagner un peu d’argent pour acheter du coton et faire qq petits tapis. Je pense que je recommencerai à la fosse le 27.

Le 25

Ce qui est le plus triste à passer, ce sont ces jours de fête loin des siens.

Rien ne nous fait voir que c’est Noël, mais on le sait bien tout de même. Je passe une journée à correspondre avec toi, ma petite Dédette et puis avec M. Cordellier et mon parrain.

Nous n’avons jamais pu aller à la messe ce matin, c’est demain qu’on nous conduit à celle réservée pour nous.

Je passe l’après-midi à jouer des manilles

26 décembre

C’est encore fête aujourd’hui en Wesphalie.

Je me lève pour aller à la messe et en rentrant je prépare mes affaires pour recommencer à travailler demain ; car mon pied est beaucoup mieux et je m’ennuie ici toujours dans mon lit. Si je fatigue trop, je retournerai voir le docteur pour avoir un ou deux jours de repos.

 

Hier soir, en guise de réveillon, de maïs et c’est tout !

Certains d’entre nous improvisent au réfectoire un petit concert et des assauts de lutte, boxe et des tours d’acrobatie, c’est une distraction en ce jour bien triste pour nous loin des nôtres ; mais cela ne m’amuse guère, car je pense à ceux que j’aime ; qui là-bas, pensent bien à moi et ne sont pas plus gais que moi-même.

27 au 29 décembre (il a écrit 27 nov. au 29 nov.)

Retour à la mine au même emploi. Mon pied continue à bien aller et je n’en souffre pas.

L’ennui est qu’avec ce changement de camp, je ne reçois pas mes colis, ce qui fait que je n’ai rien à manger, à part mes biscuits dans du jus (café) et pas même de sucre ni de tabac.

Pas de nourriture, charcuterie, …. Orge, maïs.

Prix des denrées et des produits divers.

 

Je rentre tous les soirs fatigué, j’ai des douleurs dans les jambes, dans les épaules. Aussi on doit aujourd’hui samedi faire une nuit après notre journée commencée à 4 h du matin, mais je me porte malade.

 

Refus de travail des copains, rassemblement, mouvementé, descente à la fosse mais sans travailler.

Ils sont de retour à 3 h matin après être restés 1 h dehors.

Année 1917

30 et 31 décembre, 1er janvier 1917

Les camarades étant cette nuit allés à la mine sans travailler, ont dû accepter de travailler demain jour de l’an.

 

Moi, je suis au repos ces deux jours, mais ces journées de fête sont bien longues pour moi car je les compare à celles de la même époque chaque année où nous étions réunis.

De plus le 1er janvier, je reçois la lettre me disant maman bien souffrante à l’Hôtel-Dieu

 

Cela me chagrine et j’ai hâte d’avoir de meilleures nouvelles, car qu’elle peine en plus lorsqu’un malheur vous frappe loin des siens avec cette circonstance malheureuse, votre journée du 1er janvier, déjà bien triste, s’en est trouvée encore plus pénible pour vous.

C’est à tous ces ennuis que je pense.

Aussi j’ai hâte de reprendre le travail et de vieillir un peu.

Du 2 au 5 janvier 1917

Toujours même travail à 300 m sous terre au même poste. Souvent blessés, tués etc… bruit incessant des machines et berlines.

 

Samedi 5, veille de l’Épiphanie, travail de nuit, car demain on fête les Rois en Westphalie. C’est dur pour attendre 6 h matin.

Je sommeille en travaillant et c’est fort ennuyeux, car on peut se faire blesser à chaque instant. Et  puis, je suis gelé, l’air envoyé du four par les pompes est glacial dans les galeries. Enfin, nous remontons au jour.

6 et 6 janvier

Fête des Rois et dimanche.

Repos.

Rien de particulier. Nous profitons de ces jours libres pour manger un peu mieux. J’ai fait un nouveau camarade, très bon cœur, avec qui je mange. Il est chef cuisinier et pour bien des assaisonnements je ne puis qu’y gagner. Il s’appelle Mairet.

 

Depuis Noël,  on ne nous avait pas conduits à la messe. Nous y sommes allés ce matin.

J’ai bien pensé à tous et surtout à ma pauvre mère.

8 au 14 janvier

Reprise du travail comme d’ordinaire, c’est notre vie à présent.

Partir la nuit, travailler à la lumière, et rentrer à la baraque à la lumière, c’est bien peu de temps que l’on voit le jour en remontant de la fosse.

Il commence faire bien mauvais, je dois me couvrir, car il fait froid au fond.

Du 14 au 28 janvier

Toujours la même besogne mais il gèle dur, même au fond, je dois bien me couvrir et la route du matin est peu agréable ; on glisse. Complète installation table pour manger sur mon lit au 3e étage, étagère etc… il faut occuper tout son temps pour ne pas s’ennuyer.

 

Le dimanche 21.

Refus de travail des kokerei (?) qui doivent faire 24 h. Poteau sans capote ni manger de 5 h matin à 4 h après-midi.

 

 

Description : Punition dite du

 

 

Punition, dite du poteau, au camp de Wahn (photo allemande). Collection J.C. Auriol

 

 

Ai de meilleures nouvelles de maman, cela me console un peu et je reçois mieux colis et lettres, ce qui me permet de faire quelques bons repas pour un prisonnier en compagnie de mon ami Mairet.

29 janvier au 11 février

Lundi 29. Repos. Suis souffrant de névralgies intercostales. Quoique bien couvert, j’ai froid au fond, il y a de la glace à 300 m près des écuries 15 chevaux.

Effet explosion de mine dans granit. Galerie éboulée. Montée et déchargement de la cage : 300 m en 5 minutes.

Montée seule : 1 minute, soit 18 Ktre à l’heure.

Mon travail varie peu d’un poste à l’autre.

Caisse de secours fondée pour camarades au repos.

Du 11 février au 25 février

Température moins froide, mais travail fatiguant. Visite de porions femmes en costumes masculins.

Vie toujours la même, temps très long. Période de nourriture immangeable, heureusement, ai bien mes colis, vie assez bonne avec Mairet, j’apprends à cuisiner.

 

Les 21 et 22, repos forcé par suite de mauvaise digestion, brûlure à l’estomac, fièvre, faiblesse, diarrhée mais c’est passé et je termine ma semaine à la mine. J’ai profité de ce repos pour me faire une seconde boite de voyage.

En plus j’ai eu la joie d’avoir vos lettres et un bon colis de M. Cordellier, tout cela rompt la tristesse de ces longues journées.

Du 25 au 18 mars (1917)

Grande partie de cette journée de dimanche …….. à vous écrire longuement et à mon parrain, cela nous rapproche un peu par la pensée.

Puis feu en plein air pour faire cuire nos aliments.

 

À la mine, toujours même besogne, temps bien long. J’ai souvent mal à la tête tellement une foule d’idées me traversent le cerveau pendant ce travail abrutissant, et puis l’air comprimé y contribue aussi.

J’ai eu toute la semaine mal à l’estomac cela à cause du mauvais pain.

Toujours des accidents et des morts à la mine !

 

Arrivée de nouveaux camarades à la corvée. Évasion de 8 d’entre nous.

Mauvaise période pour arrivée lettres et colis. J’en ai deux de décembre de perdus.

Heureusement que Mairet est à et qu’il a bon cœur.

Du 18 mars au 1er avril

Distraction du dimanche, cuisine en plein air.

Confection de brodequins, cache-col etc…

Privation de fumer pendant 8 jours, quoique évadés revenus. On fume en cachette. Les colis et les lettres arrivent avec pas mal de retard.

Enfin, il y a encore plus malheureux que moi. Je suis heureux de ma petite installation car toutes mes petites affaires sont bien en ordre ; c’est le principal car je suis toujours un peu maniaque et c’est un passe-temps agréable pour moi.

Du 1er avril au 15 avril

Enfin, nous avons 2 ou 3 lettres et un colis, mais la série noire recommence, aujourd’hui 15, il y a 12 jours que nous n’avons rien reçu.

Les fêtes de Pâques ont été bien tristes. Ce qui m’a fait le plus plaisir a été la messe du lundi de Pâques où j’ai bien prié pour vous et m’a redonné confiance car on a bien des instants où le découragement vient malgré soi, car combien de temps avons-nous encore à rester ainsi ?

Peut-être de longs mois, tous l’ignorent.

Début de longue coupe à la mine, c’est-à-dire 12 heures de travail sans repos, et la nourriture est si légère !

Du 15 avril au 29 avril

Mauvaise journée de dimanche car à l’appel on nous annonce la privation de fumer, de colis et de lettres jusqu’au 21.

Cela fera 20 jours sans rien.

Quel triste moment d’ennui, c’est dans ces jours que le cafard vous prend. Et puis, que nous réserve la journée de demain.

 

Nous voila lundi, on n’accepte pas les privations ci-dessus et l’on refuse le travail. Donc poteau, nuit à la cave chaude et le mardi à nouveau poteau.

Propositions de l’officier, on reprend le travail le mercredi sans avoir rien obtenu.

 

Je rentre le samedi soir avec ma cheville enflée, je souffre énormément, j’y fais mettre un cataplasme et je me couche.

 

Je m’éveille le dimanche ayant encore fort mal au pied mais dans la journée, la joie de recevoir des colis et des lettres me le fait un peu oublier. Il y avait un mois que je n’avais rien reçu.

L’après-midi, je vous fais une longue lettre avec un mensonge puisque je vous écris : je vais bien.

Aujourd’hui lundi, je me suis porté malade et le docteur m’a donné deux jours de repos. On enterre cet après-midi un de nos jeunes camarades de 24 ans, mort à la suite d’une péritonite, c’est bien triste.

Délégation de 30 d’entre nous et jolies couronnes.

 

J’obtiens encore le mercredi comme repos, c’est d’autant plus agréable que c’est jour de longue coupe.

Je ne reprends donc mon travail que le jeudi, la semaine me parait donc courte.

Du 29 avril au 13 mai

Aujourd’hui dimanche, le temps est au beau, et cet après-midi, j’ai été heureux de me faire photographier afin de pouvoir faire quelques heureux le jour où l’on reverra les photos. (*)

 

Pendant cette semaine du 29 avril au 5 mai, rien de particulier.

 

Semaine du 6 au 13, repos le jeudi et vendredi avec mon ami Mairet, accordée par le docteur, je ne suis pas malade, mais fatigué et qq douleurs dans le côté.

Temps splendide, c’est un repos agréable.

Je lave mes habits de draps, chandail, casquette etc… Ici on peut toujours laver et coudre avec ce travail noir et qui use tant.

 

(*) : Il s’agit de la photo individuelle présentée en tout début de page

Du 13 au 20 mai

Début de dimanche par la messe à la chapelle habituelle, promenade un peu allongée pour le retour afin de profiter de cette sortie permise.

Semaine aussi monotone que les précédentes, coupées cependant par un jour de repos pour la fête de l’Ascension.

Du 20 au 27

Rien d’intéressant, il fait  chaud, on étouffe dans le dortoir. Camarade LevesqueS gravement blessé et accidents successifs à la mine.

Fête de la Pentecôte, mais on le sait à peine car le lundi nous devons travailler comme chaque semaine.

 

Du 28 mai au 3 juin

Nous n’avons même pu aller à la messe ces deux jours de fête puisque nous devons aller à la mine. Il fait très chaud, au fond, on se fatigue, mais la température est bonne.

Le plus triste est que l’on voit journellement des morts et accidents graves. Notre bon camarade LevesqueS est mort des suites de son accident, pauvre garçon, c’est triste, il avait 24 ans.  (*)

 

Chaque jour de la semaine est semblable au précédent, on est heureux lorsque 1 ou 2 fois par semaine au retour, on a des lettres de ceux qui vous sont chers.

 

(*) : (*) : André François Marie LEVESQUES, soldat au 18e bataillon de Chasseurs, est né le 21/02/1894 à L’Aigle (61). Sa fiche indique « mort de suite de privations… » : Sa fiche de décès ----- Sa fiche matriculaire (Page 234)

Du 3 au 10 juin

Rien de particulier.

En ce jour la Trinité, on pense que sauf cette terrible guerre, on serait sans doute réuni en famille pour célébrer une fête que l’on se rappelle longtemps surtout pendant ces tristes évènements, la 1ère communion de notre grand René.

Que Dieu m’accorde d’y être dans 1 an à pareille jour pour le remercier de m’avoir toujours protégé.

 

Ici a eu lieu Jeudi la Fête Dieu, jour de repos en Allemagne, mais nous sommes allés à la mine, nous avons vu les reposoirs, toujours des objets qui vous rappellent notre cher pays, si loin cependant en ce moment.

Du 11 juin au 17 juin

Semaine de malaises pour moi, d’abord je me suis un peu écrasé le bout du pied.

Je me porte malade mais non reconnu, donc travail à la Hokerei, dans une chaleur torride, ce qui m’abat tout-à-fait ; et puis maux de tête, douleurs dans le cou, écorchure au pied, Bref mauvaise semaine, et il faut travailler.

 

Heureusement la fin en est meilleure, l’ennui est qu’en ce jour de dimanche, je n’ai reçu ni lettre, ni colis, ce qui me donne un peu le cafard, mais il faut se résigner.

Encore un camarade gravement blessé, peut-être mortellement, c’est terrible d’être ainsi tous journellement exposés !

Du 18 juin au 25 juin

Peu de choses à noter, si ce n’est une triste fin, celle de notre camarade …ague, blessé à la tête samedi dernier et mort le surlendemain.

Aujourd’hui 24, nous sommes allés à la messe, il y avait bien longtemps qu’on ne nous y avait conduit. J’ai donc été très heureux d’y assister, cela réconforte un peu.

 

L’après-midi se passe à correspondre avec M. et Mme Cordellier et avec vous tous.

Comme d’ordinaire, peu de changement, le 29 jour de Fête de Sts Pierre et Paul ici.

Du 25 juin au 1er juillet

Nous travaillons néanmoins mais la journée est un peu rude, je travaille à l’air dans les voies de chemin de fer de la mine et à midi c’est terminé.

Du 1er juillet au 8

Semaine triste pour le cerveau, travail toujours de même à la mine, mais mauvais rapport pour nos colis et de plus pas de correspondances, sauf une carte de René bien mal écrite et il va avoir 11 ans !

 

Aujourd’hui dimanche, je mais ma longue lettre à vous adresser le 10.

Je suis allé ce matin à la messe, cela m’a fait plaisir et redonner un peu de courage.

Du 8 juillet au 15 juillet

Semaine passée agréablement sans travail.

Je me sens fatigué et le docteur m’accorde 5 jours de repos qui me font du bien. Je suis doublement content car pendant ce temps je reçois lettres, colis et biscuits. Je me soigne un peu comme nourriture puisque j’ai le temps.

 

Le samedi je vais terminer la semaine à la mine et prendre une douche, je suis donc tranquille pour mon dimanche et n’ai rien à faire ce jour.

J’ai eu le temps dans la semaine de tout mettre en ordre.

Du 15 au 22 juillet

En temps normal, ouverture de la foire d’Abbeville. Quel contraste aussi j’y pense. Travail de même, mais de moins en moins intéressant.

Explosion à la mine, aveuglé de poussière. Morts ! etc… Venue d’aéros ( ?) sur Oberh.

On parle de plus en plus de la Suisse mais je n’ose penser que j’aurai le bonheur d’y partir avant de longs mois encore.

Du 22 au 29 juillet

Deuil des 3 victimes de l’explosion.

Reçu colis, cartes et lettres et suis heureux.

 

Ne vais pas continuer à noter par semaine. Je dois  y renoncer, cette captivité durant trop longtemps et la vie étant toujours la même avec plus ou moins d’ennuis journaliers.

Heureusement je n’ai pas trop le cafard ; et je suis plus que jamais croyant, donc j’espère fermement.

Mois d’août (1917)

Rien de particulier, si ce n’est la joie de recevoir la photo de ma petite famille qui est pour moi une consolation en bien des moments.

Depuis qq temps on parle de rapatriement ou internement en Suisse des prisonniers ayant 18 mois de captivité, mais rien n’est encore certain et je n’ose espérer que cette année verra mon départ d’Allemagne.

 

Le temps est bien long, je vais commencer mon 24ème mois d’exil et mon 31ème mois loin de ma famille.

Quelle triste destinée !

Mois de septembre

Toujours triste vie, travail à la mine de moins en moins agréable.

On ne parle plus de la Suisse, encore un espoir envolé. Nous avons eu un camarade tué au travail par un poste, cela nous a fait une terrible impression.

 

Quand quitterons-nous toutes ces misères. Le manger est parfois un peu meilleur en ce moment et cependant je suis bien fatigué.

De plus, je me suis blessé à la main, on a toujours quelque chose qui vous donne le cafard. Je suis allé en promenade à travers Oberhausen.

J’ai été content de visiter le pays, mais c’est bien un pays exclusivement industriel.

Mois d’octobre

Vie toujours aussi monotone, séance au cinématographe, repos une semaine piqûre à la main ; toujours fortes migraines, douleurs faciales, écorchures aux coups de pieds.

J’ai le cafard car j’ai dû quitter mon installation au 3ème je suis logé dans un lit sous les autres, je ne peux rien faire, pas même m’assoir.

De plus, les colis et les lettres arrivent mal et le temps est bien mauvais, froid et pluvieux. Visite d’aéros, dans les environs, dégâts, y-a-t-il parmi les victimes des camarades ?

 

Nourriture un peu meilleure depuis un certain temps, mais tendant à redevenir infecte à l’approche de l’hiver.

 

Dimanche 21, nettoyage complet de la chambre, tout dehors, pas de messe ni de ciné. Quelle saleté à ôter.

Mais c’était à faire, car on est rongé par les puces ! Quelle triste vie dans ce milieu surtout ! On peut faire des études de mœurs et caractères, mais ce n’est pas sur ce papier que je veux en causer, le souvenir m’en restera certes bien suffisant.

Fin du mois assez bonne, 5 jours exempt pour maux d’estomac !

Je couds des moufles, etc… Toujours des bobos divers. Coup à la tête.

Novembre

C’est une chance inespérée d’avoir repos le jour de la Toussaint.

C’est le premier jour de fête où l’on ne travaille pas.

 

L’ennui est qu’il n’y a pas messe ni visite au cimetière sur la tombe de nos pauvres camarades. Triste journée car en ce jour on pense plus encore aux disparus de sa famille et de ses amis. Grande partie de la journée au lit, n’ai pas de lettres ce jour, ce qui me rend encore plus triste. Rien de particulier en ce mois.

 

Le 21, repos, fête religieuse, protestante et 3 jours dans le mois exempt par le docteur maux de reins.

Camarade blessé à la mine par civil.

Lettres et colis arrivent très mal aussi suis encore plus maussade, j’ai le cafard et le caractère aigri ; surtout dans un semblable milieu.

Décembre

Très mauvais début de mois ; ration de biscuits diminuée et de plus, il n’arrive pas et les colis non plus.

Premières fortes gelées, j’attrape froid et doit rester à la baraque. Je ne me sens pas bien du tout, j’ai la tête en feu et la toux m’arrache la poitrine.

Douleurs faciales etc…

Je suis exempt une semaine et veut essayer de reprendre le travail mais je retourne à Senne le 12 avec Conseille.

 

Bien ennuyé de quitter Mairet et mes chères habitudes. Préparatifs de départ ennuyeux. Parti d’Oberhausen 6 h matin.

Changement de train à Mulheim, Dortmund, Una, Ossoel (café au lait à la Croix-Rouge). Arrivée à Paderborn à 2 h.

 

Trajet de 8 kms à pied avec mes bagages, je ne croyais pas pouvoir y arriver. Fouille à l’arrivée.

Nuit passée dans baraque sur le plancher.

 

Désinfection et tonsure. Arrivée au bloc le 13  11 h. Fouille, conserves etc…

Affecté 4ème Cie Vacossin et Haclfert ( ?) sont partis. Ces quelques jours au camp sont les plus tristes que j’ai passés. Je suis gelé surtout la nuit (2 couvertures)

 

Soupe claire !

Rassemblement prolongé, visites etc… queues aux colis, conserves. J’ai hâte de repartir quoique j’ai obtenu 10 jours de repos du docteur. Je vais tâcher de retourner à Concordia. Je m’ennuie de plus en plus et je suis gelé.

 

Le dimanche 23, je suis prévenu que je repars et aussitôt je m’intéresse de savoir où ? C’est à mon ancienne corvée. J’en suis heureux car je vais retrouver mon bon ami Mairet et reprendre mes habitudes et surtout mon bon lit et ma chambre chauffée.

 

Préparatifs de départ.

Pesage des bagages, biscuits, fouille etc… Départ à la baraque de départ. Nuit passée près du poële.

 

Départ à 6 h pour la gare de Senne. Route fatiguante mais courte.

Retour à Oberhausen par Victenbruck, Dortmund, etc…

Arrivée à 1 h. Rentrée au K°. Je touche mes affaires, et remet tout en place. 2 jours de repos pour les fêtes de Noël.

Messe solennelle.

27 décembre (1917)

Je reprends ce jour à la même date que l’an dernier après ma blessure mon travail à la mine où tous Allemands et camarades sont heureux de me revoir.

Je serai relativement heureux s’il n’y avait pas eu arrêt dans les colis car ni moi ni Mairet n’avons plus rien à manger.

C’est un mauvais moment à passer.

Année 1918

Janvier

Le jour de l’An, repos, mais bien triste loin des siens.

Suis heureux car je reçois 2 lettres de toi et René en retard. Tristes repas n’ayant plus de vivres !

 

Les jours suivants ne sont pas meilleurs car je n’ai plus de nouvelles ni de colis les jours suivants. Heureusement Mairet commence à recevoir un peu. Je suis sans tabac, le seul consolateur, c’est le cafard en grand.

Surtout que je sais que lettres et colis sont partis. De plus, ce mois a été rigoureux comme température, gelée, neige, pluie.

 

Je reçois vers la fin du mois qq lettres, mais il m’en manque beaucoup et toujours pas de colis. Et penser que ma chère Dédette et mes amis font tout ce qu’ils peuvent pour adoucir mon sort !

Février

Enfin, le dimanche 3, j’ai la joie de recevoir 2 colis, quelle gâterie pour moi depuis si longtemps !

De plus, j’ai des nouvelles assez récentes de tous, quoiqu’il me manque toujours beaucoup de lettres. De loin, je maudis mon parrain, pour le procédé par lui employé pour se renseigner sur ma chère petite Dédette. Ils seront donc toujours inconséquents et peu intelligents aussi le 5 je ne leur écris pas.

Mauvaise période avec maux de dents, boutons aux lèvres, …..

 

Le 12. Catastrophe à la mine, coup de grisou. Sensation de malaise, mais pas blessé. 10 blessés et 22 morts dont … ( ?) de nos camarades.

 

Le 16 enterrement. Cérémonie bien triste, les cercueils sur 2 chars funèbres.

Mars

Rien de particulier. Camarades partis fosse 4 suis heureux de rester avec Mairet. Reçois même lettres et colis.

Ai repris une place au-dessus, suis plus content et mieux installé. Ai été blessé à la main, mais ce ne sera pas grave.

 

Repos une douzaine de jours. Ce qui est le plus pénible pour moi, c’est de penser que la 1ère communion de notre grand René va avoir lieu sans moi, c’est bien triste.

Pauvre chéri !

Fêtes de Pâques bien tristes sans lettres ni colis ! Mauvaises nouvelles au front. Avance invasion chez nos amis environs de Montdidier et approche Amiens. (*)

 

Heureux soulagement intérieur le lundi de Pâques par bonne communion pascale et recommandation de René au prêtre pour le jour de sa première communion. Repos le Vendredi Saint. Jour et Lundi de Pâques.

 

(*) : Il s’agit de la première grande offensive allemande de 1918. Pour détails, voir mon site  >>>  ici  <<<

Avril

Suite du cauchemar de l’offensive, approche Amiens, ce que je pense à ceux que j’ai laissé au pays et qu’y faire et quels conseils donner ici ?

 

Le 15 reçu colis qui sont les bienvenus, mais celui début février me manque, je le crains perdu.

 

Le 17, voyage à Essen p. la visite p. la Suisse par le docteur neutre. Je n’aurai rien à me reprocher, mais je n’ai guère d’espoir.

Visite de la ville qui est très jolie et retour au K° à 1 heure.

 

Les 25, 26 et 27 je vais à la corvée de la Presse Werke. Je manie des obus toute la journée ; mais je préfère mon travail à la mine, l’ennui est d’être au fond.

 

J’y retourne le 29 et j’en suis heureux car j’aurai peur de perdre mon poste. Ennuis divers p. camarades évadés et sortis en ville.

Fouilles, appel à 9 h et cabinets dans la chambre etc…

Qu’il est dur de vivre au milieu de gens qui ne pensent qu’à augmenter nos souffrances morales et physiques !

Mai

Fête de Pâques et de l’Ascension passées au repos mais dans l’ennui sans lettres ni colis. Ennuis à nouveau p. évasion et toujours colis perdus.

 

Semaine du 12 au 19 assez agréable pour moi au repos à la baraque, accordé par le docteur, maux d’estomac et d’intestins.

Fêtes de la Pentecôte un peu moins tristes qu’à Pâques. Beau temps et je viens de recevoir 6 lettres et plusieurs colis.

Promenade au parc au concert et le lundi messe à la Chapelle. Je demande au prêtre de prier spécialement le 26 p. la 1ère Cion de mon cher fils.

 

Le 21, reprise du travail courant à la mine, on parle à nouveau officiellement parait-il du rapatriement de tous les prisonniers ayant accompli 18 mois de captivité, mais on n’ose y croire. Si seulement pour la fin de l’année je pouvais espérer embrasser mes êtres aimés, quelle joie ! Espérons donc.

 

26 mai. Fête de la Trinité. 1ère Cion à Abbeville de mon cher René, je suis bien pensif toute cette journée. Et de loin je vois toute ma famille bien triste, quand au contraire en ce beau jour elle devrait être dans la joie.

 

Le 30. Fête Dieu.

Repos pour les Allemands, mais nous, nous allons cependant à la mine, mais nous avons fini à midi. De plus en plus, on espère le rapatriement mais je crains que mon tour ne soit encore bien long à venir ?

Juin

Fête du St Sacrement. Messe à la chapelle. En pensée, je vois mes deux chéris à la procession ; moi qui serai si heureux de les suivre. Puissent leurs prières me ramener au plus tôt près d’eux et de leur maman.

 

Semaine du 2 au 9 en partie à la Presse Werke, temps magnifique, corvée agréable en compagnie de Mairet.

Retour à la mine.

Un camarade anglais tombé de 35 m de haut, tué. Deuil le 7. 8 couronnes, pauvre ami, il était arrivé dernièrement ici.

 

Encore période d’ennui sans nouvelles et de plus on parle d’aller loger à la fosse 4 ; on était habitué ici et c’est bien ennuyeux de déménager.

Reçois enfin lettre de toi et de M. Cordellier et René le 30, mais que de larmes en lisant ces lettres et ce que je vous plains. Quelle issue aura donc tous ces ennuis et chagrins ?

Je prie bien pour vous et mon cher frère Henri.

Juillet

Suite de mauvaises nouvelles, Communion de René si triste et si peu de monde, je comprends ce que cela veut dire.

Et la mort de cette pauvre Léonie, quel malheur si jeune ! Pauvre frère, quel chagrin !

On doit de plus changer de local le 7 et aller à la fosse 4. Quel ennui.

 

Le 7, changement de K° suis souffrant d’une forte grippe, ne peut pas me porter. Suis bien ennuyé de ce changement mais …… ( ?) m’aident et suis heureux un peu plus tard car bien mieux logés et Mairet est toujours près de moi.

Journée d’installation, suis bien fatigué, mauvaise semaine.

 

Toujours souffrant, nous sommes une centaine dans cet état, grippe espagnole, je reste une journée au repos.

Ennui, pas de lettres ni colis. Cauchemars atroces en rapport aux nouvelles que tu me donnes sur tes lettres. Appréhension d’apprendre encore de nouveaux malheurs.

Camarade mort à l’hôpital et 1 fort blessé nouvellement arrivé. Parmi les nouveaux 1 d’Abbeville, le jeune Langlet de Rouvroy. Toujours peu de nouvelles d’Abbeville et aucune des lettres en retard.

Encore 3 nouveaux décès parmi nous. Je vais au deuil d’un de ces malheureux, c’est bien triste, inutile de raconter cela, je m’en rappellerai.

 

Fin de mois dimanche 28 toujours fort ennuyé sans nouvelles.

L’espoir seul fait vivre mais c’est bien long !

Août

Début du mois assez bon. Reçu qq lettres et colis Melle Armande, mais m’ennuie plus ici comme corvée quoique très bien logés, nous sommes trop nombreux, plus de 500 dont 120 Russes !

Toujours on cause du rapatriement, mais sans beaucoup d’application, 3 seulement d’entre nous sont partis jusqu’ici.

 

Reçu colis tabac, en suis heureux et colis André, de toi et de Mme Cordellier, cela fait plaisir. Et aussi tes lettres de René et Pierrot et 1 de Mme Cordellier de Libourne. Ai eu ce jour 18 les photos agrandies de ma petite famille et de moi-même.

Cela me fait plaisir et j’espère que ce sera une surprise pour vous.

 

Je reçois colis, mais peu de correspondances.

Septembre

Peu de correspondances, toujours vie de plus en plus monotone, ai souvent fortes névralgies. Reçu gentilles lettres de Mme Cordellier, Céline et Melle Armande.

 

La vie devient de plus en plus dure, on ne trouve plus rien et le peu qu’il y a se vend des prix exorbitants. Je serai obligé de renoncer à continuer de prendre les notes de ma captivité, c’est trop long et c’est toujours la même chose.

 

La fin de ce mois marque la fin de ma troisième année d’exil !

Hélas, combien de mois encore à faire cette vie à trainer cette existence, devrai-je dire. Seul le souvenir des êtres aimés que j’espère revoir me soutient. Encore une triste période sans lettre et sans colis.

Suis bien surpris apprend mangé ( ?) d’Henri si près du deuil de cette pauvre Léonie ! Ennui de savoir Me Cordellier parti si loin, tout cela grandit mon ennui et de plus on est trop nombreux ici, quel ……. et que de petits ennuis ajoutés au travail et à cet exil si long hélas !

Octobre

Les bruits qui circulent donnent espoir de paix proche, si cela pouvait être vrai ! Ai eu lettres Me Cordellier et Melle A, braves cœurs, ceux-là ne m’oublient pas et m’adressent qq douceurs. Pour le reste, c’est toujours la même vie et toujours l’avenir nous apparait plus ………… que les années passées si agréablement au milieu des siens.

Novembre

Début du mois pour repos Jour de la Toussaint. Jour encore plus triste cette année car en-dehors de tous ces pauvres tombés au champ d’honneur, j’ai un souvenir à avoir pour les chers disparus de ma famille. Ma bonne tante et cette pauvre Léonie.

De plus, je ne reçois pas toutes mes lettres et mes colis arrivent presque toujours en mauvais état, cela m’ennuie.

 

Ce mois nous réservera-t-il de bonnes nouvelles ?

Espérons-le, car on parle de plus en plus de paix. Que Dieu veuille exaucer mes prières et me réunir au plus tôt à mes chers absents.

 

Date mémorable = le 11.

Signature armistice. Quelle joie.

Divers tuyaux. Quelle joie – va-t-on enfin revoir les siens ?

 

Le 14 on ne veut plus travailler. Préparatifs de départ. On est libre de sortir seuls, de voyager.

Que sais-je ? Vente d’effets savon, chocolat, casserole etc… Tableau bien triste. Les civils nous accostent dans les rues pour nous acheter des provisions.

Quoique ennemis d’hier, ces pauvres gens sont à plaindre. L’ennui est que les colis n’arrivent plus et j’en ai justement pas mal de partis.

 

Le 22, Voyage à Friedricheld, revenons bredouille, camarade peu honnêtes. 1 colis au même, rien aux autres. Ennui pour retour, passeport.

Promenade en ville avec Mairet, visite des églises et du cimetière. Suis heureux de recevoir enfin photo d’Henri et peiné aussi de savoir que Claire a été très malade.

J’ai hâte d’en avoir de meilleures nouvelles.

 

Derniers jours à la baraque, civils dans les chambres pour acheter même loques ? Quel tableau.

Beaucoup de nos camarades partent par 1-2-20 librement les uns à Le….., les autres sans trop savoir où ?

Je me demande ce que je dois faire.

 

Le samedi 23, nous sommes tous prévenus du départ pour le lendemain matin.

A 4 heures on boucle les valises (voir suite sur petit carnet de poche).

Le 24

On quitte le K° à 6 h sans ordre, laissant des baraques dans un désordre complet.

Train de 1000 formé avec la fosse 2, nous et des corvées de Bockhum. Mauvaise journée de voyage pour moi, mal d’estomac et violentes névralgies.

 

Arrivée à la gare de Lernelager à 4 h. Je gagne bien péniblement le camp. Je n’en puis plus. Aspect bien triste, baraques sans lumière, ni couchage, on brule tout, listes, portes etc… Je me couche je ne sais comment.

Mauvaise nuit, mais à mon réveil, mon mal de tête est supportable.

Le 25

Je reçois 2 colis et lettres et m’installe un peu mieux.

Cuisine en plein air. On touche enfin des biscuits. C’est la première étape vers notre chère France, vers la liberté !

Mais le temps me semble long car je crains ne pas partir cette semaine et il n’y a aucun ordre, tous ceux qui occupaient les services du camp sont partis. Tous les jours on doit partir le lendemain et le lendemain rien de nouveau.

Le 2ème départ est …………………mais je n’ai pas la chance d’y être, Mairet non plus. Il faut se résigner et attendre.

Le 1er déc.

Messe à la chapelle du camp ; autels très jolis.

Courte allocution d’un prêtre français qui nous fait venir les larmes aux yeux.

 

Après-midi, salut en musique.

 

Les jours suivants, ennuis de plus en plus grand. Plus de vivres personnelles, ni du camp.

Vols de légumes, les sentinelles tirent sur les pillards.

On démonte les cantines, théâtre, lavabo, on entame même les baraques pour faire du feu.

 

Nous nous décidons d’aller chercher des légumes dans une ferme. Nous partons de bonne heure sur la route de Paderborn et avons la chance de réussir assez vite ; nous revenons au camp heureux de pouvoir enfin manger un peu.

 

Enfin le 6 je suis nommé avec Mairet pour le 4ème départ ; cela ne dit pas quand nous devons partir et toujours pas de lettres ni colis ; et en avoir tant en route qui seront perdus !

Quel ennui.

Le 7

Départ avec 2 convois d’Anglais. Ils se rassemblent et avant le départ joue l’hymne anglais.

3 gradés sont partis s’entendre avec la Cion d’armistice, car la situation actuelle au camp ne peut pas durer.

J’ai revu ce matin ce cher Vacossin, il est à Staumhnel. (*)

 

(*) : Staumhnel non trouvé, peut être Stommeln

Le 8

La plus grande partie de notre journée se passe à l’église car c’est la fête de L.J.C de la S.V. Grand-messe solennelle avec diacre et sous-diacre et chants exécutés par des séminaristes. Vêpres et salut à 3h.

Le 9

Cruelle déception à mon réveil. Pendant mon sommeil, on m’a volé ma valise contenant mes v……….., souliers etc..

On a laissé que les lettres photos. Un camarade l’a retrouvée éventré à coups de couteau au milieu du bois de sapins.

Cela me rend bien triste.

Craignant ne pas toucher notre argent à la banque, je me décide à y aller travailler, car il n’y a plus un seul français et les Allemands s’en moque.

Enfin, le travail pour le 4ème convoi est terminé vers 11 h soir et je suis heureux de toucher le montant de mon dépôt.

 

Ce jour sont partis les 2è et 3e convoi emportant le jeune Langlet ; nous espérons partir mercredi.

Le 10

Préparatifs de départ, visites au comité de secours pour obtenir un peu pour réparer le vol qui m’a été fait, je n’ai plus de souliers, j’arrive à toucher des bottes boches : un wagon de colis est arrivé, mais ni moi ni Mairet n’avons de colis personnels.

Touchons une petite partie d’autres colis.

Le 11 (décembre)

Prévenus du départ pour 4 h.

Derniers préparatifs on fait un bon et dernier repas au camp et on donne aux camarades qui restent les vivres que l’on ne peut employer pendant la route.

 

A 4 heures, le clairon sonne le rassemblement, mais le sergent annonce une mauvaise nouvelle. L’ordre de départ est changé, on ne doit partir que lundi.

Le sergent chef du convoi veut essayer de partir quand même, nous nous rassemblons par wagon. Je suis chef du 2e wagon. Nous partons et arrivons déjà fatigués à la gare.

Les wagons sont bien là mais le chef de gare n’a pas d’ordre.

 

Attente prolongée et mouvementée ; longs conciliabules. Attitude ferme de notre chef de convoi qui enfin obtient gain de cause.

Je suis gelé et mes bottes me font mal.

Nous montons en wagon à bestiaux et enfin à 9 h du soir nous partons en disant joyeusement adieu au camp de Senne.

 

 

Louis serait décédé quelques années après sa libération...

 

Description : feather

 

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