Correspondance, lettres de guerre du sergent LOYER Alexandre Henri

au 102e régiment d'infanterie

 

 

Alexandre LOYER en juillet 1915 à Toulouse.

 

 

 

Alexandre Henri LOYER, né à Vouvray sur Loir (Sarthe), tonnelier, arrive au 102e RI en août 1910. Il passe caporal en février 1911, sergent en octobre 1911 et rentre dans chez lui en sept. 1912. Rappelé en août 1914, même grade, même régiment.

Marié avec Marguerite FUSIL le 28 janvier 1913, ils ont un fils, Henri (qu’il surnomme Riri), né le 19 mai 1914.

 

Merci à Jean-Pierre, son petit-fils, pour cette correspondance de guerre.

Merci pour la recopie à : Aline, Agnès, Martine, Marie Hélène, Jean-Pierre, Philippe,

 

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Introduction

 

Le 102e régiment d’infanterie fait partie de la 13e brigade d’infanterie et de la 7e division d’infanterie.

Débarqué le 9 août à Dugny (55), le régiment cantonne dans la région de Verdun. Dès le lendemain, il reçoit le baptême du feu à Billy-sous-Marcienne. Le régiment part ensuite vers la Belgique, secteur Virton. Le régiment a perdu 450 hommes tués, blessés et disparus durant les combats des 22 et 25 août à Éthes (Belgique) et Marville (55).

En retraite depuis quelques jours, il est cantonné le 30 août (date de la 1ere lettre) à Beauclair (55).

 

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Le 30 août 1914, 8h matin

Ma chère Marguerite, Mes chers parents

Peu de nouveau à vous apprendre je reçois vos lettres qui me font bien plaisir.

Hier, j’ai vu Simon BOUSSARD de Vouvray au 44e d’artillerie.

La santé est bonne malgré le peu de sommeil et les nuits dans les champs ! Enfin c’est la guerre. Espérons que cela finira bientôt et que je serai bientôt parmi vous. Nous n’avons pas combattu depuis le 29. Je vous quitte à regret pour économiser le papier, je vous écris sur mon sac dans un champ d’avoine. Il y a aujourd’hui quatre semaines que la mobilisation est commencée.

Avant-hier j’ai vu RAMAUGÉ de Château-du-Loir, clairon au 117e. (*)

Embrassez pour moi le petit Henri et à vous tous les meilleurs baisers de celui qui pense à vous. Je t’embrasse ma chère Marguerite comme je t’aime c’est-à-dire de tout mon cœur.

Envoyer moi des enveloppes.

Henri.

 

(*) : Écrit « RAMOGÉ » sur la lettre. RAMAUGÉ Marcel, du 117e RI sera tué le lendemain, 31/08/1914 à Montigny (Meuse). Il était né à Jupilles (Sarthe), le 14/11/1888. Le jugement a été retranscrit sur le registre de Château–du-Loir (Sarthe).

 

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St-Léonard, le 7 septembre 1914 (Saint Léonard-de-Noblat, à l’est de Limoges)

Ma chère petite Marguerite

Il y a un peu de nouveau depuis ma dernière lettre. Je venais de recevoir 3 lettres à Beauclair sur la Meuse, une de toi, une de ta mère, une de maman.

Les Allemands viennent de quitter le village ½ h avant notre arrivée.

 

Dans la nuit, nous repassons en avant et au point du jour nous attaquions un village voisin Beaufort (-en-Argonne).

Au bout de 2 heures, nos troupes reculent lentement devant des forces supérieures cachées dans les bois lorsque les obus arrivent comme une grêle sur nous dans le village obligés de battre en retraite nous filons à travers les prés entourés de clôtures en fil de fer ronce. Nous passons une petite rivière avec de l’eau jusqu’au ventre sous les obus qui arrivent comme la grêle ; c’est miracle que nous passions à travers.

A un moment où ils arrivent autour de moi, je tombe et sens une douleur au poignet droit un shrapnel m’avait touché, je ramasse mon fusil et en route à toute vitesse et après avoir fait 1 h environ sous les balles des mitrailleuses et les obus qui nous suivent.

J’arrive enfin à Beauclair d’où je pars avec mon lieutenant blessé à la jambe et une quinzaine d’autres vers les ambulances d’Andevanne à une douzaine de km à travers bois.

Là, on nous panse et des ambulances automobiles nous conduisent à Clermont-en-Argonne.

A Andevanne, j’ai vu GARAUD de Château-du-Loir. De Clermont à Bar-le-Duc par le train.

A Bar-le-Duc, coucher dans une école - Visite.

 

Le lendemain, une nuit de chemin de fer dans un wagon à bestiaux et nous arrivons à Troyes.

Pré-visites des Majors et départ pour Limoges. Sur tout le parcours accueil très cordial des Dames de France qui nous approvisionnent de tout 24 heures.

Le train arrivé à Limoges ou tout est bondé.

 

Départ pour St Léonard à 22 km de là, où nous arrivons le jeudi à 14 heures. Réception épatante, linge propre, lits etc. etc. On nous soigne comme des princes dans une école supérieure transformée en hôpital temporaire.

Ma blessure n’est pas grave et je t’écris avec ma main malade. D’ici peu je serai sur pied.

Écris-moi donc au plus vite pour me donner de vos nouvelles car vos lettres s’en vont toujours au 102 ! Qui est là-bas bien loin de moi, ce pauvre 102 il a bien souffert. Notre compagnie n’a plus d’officiers et une centaine d’hommes manquent dont beaucoup de mes amis.

La compagnie de JANIN est pire encore, lui doit être blessé ou prisonnier. (*)

Si j’avais eu la chance d’être envoyé dans l’ouest, j’aurais pu passer quelques jours chez nous car je crois que nous pouvons avoir quelques jours de convalescence dans sa famille quand ce n’est pas trop loin.

 

Enfin nous verrons quand je quitterai l’hôpital je t’en aviserai par dépêche au besoin répond moi vite et dit moi combien de temps mes cartes et mes lettres ont mis pour t’arriver.

Embrasse tout le monde pour moi ne vous tourmentez pas à mon sujet je ne manque de rien. J’envoie mes meilleurs baisers à mon petit Henri qui doit être solide à présent comme le pont neuf.

A toi ma chère petite Margot mes chères pensées et les plus tendres baisers de celui qui t’aime toujours et qui pense souvent bien souvent à toi. A papa, maman, grand père, grand-mère, maman FUSIL, grand-mère DUCHESNE et Émile, les meilleures amitiés de celui qui ne les oublie pas. A bientôt de vos nouvelles à tous.

 

LOYER, blessé à St Léonard, hôpital temporaire Haute-Vienne.

 

(*) : Le sergent-fourrier JANIN Jules a été déclaré « disparu » sur le journal du régiment. Il a été fait prisonnier à Éthes (Belgique) et dirigé vers le camp d’Ohrdruf, en Allemagne. Voir sa fiche d’entrée du camp >>>  ici  <<<

 

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Entre le 16 et le 30 septembre, le régiment perd environ 800 hommes, tués, blessés et disparus.

 

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Chartres le 27 octobre 1914, mardi 5h. soir

Ma chère Marguerite,

Je voulais t’écrire hier mais j’attendais le colis je l’ai reçu en bon état tantôt à midi. Je t’en remercie bien, mais le cache-nez ne me servira pas. Je suis encore changé de compagnie, je suis retourné à la 27e de marche depuis ce soir, de sorte que mon départ pourrait bien être prochain.

Je t’en avertirai en temps voulu.

Enfin je ne dois pas trop me plaindre voilà presque 20 jours que je suis ici je n’espérais pas tant et beaucoup sont repartis presque aussitôt arrivés.

Depuis quelques jours les convalescences sont totalement supprimées on donne du repos dans les dépôts et 2 ou 3 jours pour aller dans sa famille tu vois que je me suis trouvé dans un bon moment. Et puis il ne fait encore trop froid j’ai le temps de venir passer l’hiver dans un bon lit d’hôpital avec une gentille blessure donc pas de mauvais sang.

Voilà le mot d’ordre et tranquillise-toi, on a toujours le temps de se faire de la bile quand les marmites nous sifflent au-dessus de la tête.

 

J’ai la carte à GROGAN et je lui ai répondu de suite. J’aurais répondu à P DHOMMÉE mais je n’avais pas son adresse fait le pour moi si tu l’as.

J’ai vu une ancienne il y a 2 ou 3 jours à l’exercice. C’est LEGRAND l’ancien farinier du moulin marié à la nièce à ROVRON.

Il est caporal au 102e.

J’ai appris que L (Louis) GÉRARD, mon capitaine, tombé le 29 à Marville avec 2 balles dans la poitrine, est guéri et en Allemagne prisonnier. RENVOIZÉ pris à Marville a réussi à s’échapper j’ai presque revu toute la 3e et petit à petit cela repart au feu.

Je ne compte plus aller aux mitrailleuses car je n’ai entendu parler de rien. J’ai su tantôt que le 102e est aux environs de Montdidier en réserve depuis quelques jours.

 

Je ne vois plus rien d’intéressant à t’annoncer si ce n’est qu’i fait un sale temps, il pleut à plein temps.

Embrasse bien toute la famille pour moi. Je n’oublie personne et si je n’écris pas à tous c’est que je sais bien que mes lettres sont pour vous tous.

Merci à maman pour ses lettres que j’ai bien reçu on dirait que la correspondance marche plus vite depuis un moment. Quand je partirai je t’avertirai et après le départ tu seras quelques jours sans nouvelles car l’attendrai à être rendu pour te dire à quelle compagnie je serai versé car j’ignore si je ferais encore de 3e comme au début.

Donc pas d’affolement si quelques jours se passent sans lettres, de même quand je ne partirai pas désespoir comme il faut y retourner quelques jours de plus ou de moins c’est peu de chose.

Allons au revoir ma chère petite Margot. Embrasse bien pour moi notre petit Henri et dîtes-vous bien tous que je pense souvent à vous. A toi les meilleurs baisers de ton Henri qui t’aime.

 

H. LOYER, 27e, 102e, Chartres.

 

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Chartres (*) le 29 octobre 1914 mardi soir 6h

Ma chère petite Marguerite,

Je viens te dire deux mots avant mon départ qui est fixé pour demain matin 6h.

Tu vois que l’autre jour je ne me trompais guère en disant qu’il était proche. Nous allons au 102e du côté de Montdidier parait-il.

Depuis quelques jours les nouvelles sont très bonnes espérons que nous allons terminer l’ouvrage que les camarades ont commencé. Comme je te l’ai dit déjà quand je serai affecté à une compagnie je te l’écrirai aussitôt avec mon adresse.

Si d’ici là tu veux m’écrire voici l’adresse :

« LOYER, sergent 27e compagnie 102e Chartres parti sur le front le 30 octobre ».

Cela facilitera la besogne du vaguemestre qui pourra faire suivre la lettre.

 

Je repars avec une dizaine d’anciens de la 3e et avec DELAUNAY. Tu vois que l’on trouve toujours des copains, on s’ennuiera moins.

J’ai laissé à Chartres différentes petites choses, des brodequins des jambières une chemise, des chaussettes etc. Tout cela est déposé à l ‘adresse suivante :

« Mr RENAULT, rue du grand faubourg Chartres »

À qui je donne ton adresse pour qu’il puisse t’envoyer le tout si tu le désires en un colis postal.

 

Je vais aller diner tout à l’heure avec 2 sergents qui partent avec moi, JAQUIN le curé et un instituteur et avec REY qui souffre toujours de douleurs. Nous avons tous le pantalon bleu pour repartir c’est plus pratique.

Notre détachement est de 290 hommes et d’ici une dizaine de jours les bleus vont nous rejoindre. Aujourd’hui il fait froid et vraiment il est temps d’aller chercher un pruneau qui nous permettra de passer l’hiver au chaud dans un lit.

Je me porte bien sauf un peu de rhume que je soigne aux pastilles valda, je pars bien couvert et je crois que je n’oublie rien de ce qui peut m’être utile.

 

J’espère que tout le monde va bien chez nous, prenons tous patience et conservons bon espoir quand on est désespéré on est presque fichu. D’avance pourquoi je ne reviendrai pas aussi bien cette fois puisque je suis déjà revenu de l’autre. C’est quand même de la guigne de partir demain. Si seulement cela avait attendu lundi, tu aurais pu venir passer la journée de dimanche ici. Mais puisqu’il en est ainsi il n’y a qu’à s’incliner.

 

Quand vous écrirez à Émile, envoyez-lui mes amitiés. Je vous embrasse tous de mon cœur ta mère Suzanne grand-mère DUCHENE grand père et grand-mère VÉRON, papa et maman et surtout le petit Riri (**) non pas que je l’aime plus mais parce que lui représente l’avenir et que lui au moins ne connaitra pas les angoisses que nous éprouvons.

A la pensée que nous luttons pour épargner à nos enfants ces horreurs, on retrouve du courage.

Encore une fois je vous embrasse tous bien bien fort. Et toi ma petite femme chérie reçois les meilleurs des meilleurs baisers de ton Henri qui t’aime.

 

Henri.

Encore un baiser à Henri et à toi au revoir et bon courage.

 

 

(*) : Chartres est la ville de garnison du 102e RI.

(**) : Son fils Henri.

 

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Hargicourt 31 samedi octobre 7h. matin

Ma chère petite Marguerite

Nous voici arrivés ici depuis hier soir 9 heures à Hargicourt un peu au nord de Montdidier. Nous entendons le canon, sale musique. Ce soir nous serons à destination après une petite étape à pied. Il ne fait pas chaud. Je te quitte car nous mettons sac au dos.

Sitôt affecté je vous donnerai mon adresse.

Au revoir bonnes amitiés à tous n’oublie personne. Mes meilleurs baisers à toit et à notre petit Riri.

 

H. LOYER.

 

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31, 9 heures du soir

Ma chère Marguerite

Je viens d’arriver à destination je suis à la 3è Cie (compagnie) donc même adresse qu’auparavant j’ai retrouvé GOURION, COUETTE, RENVOIZÉ, le Lt DEPORTES, etc…

Nous allons dans les tranchées à 400 met. des boches. Le canon tonne pour ne pas en perdre l’habitude. Et les aéros sont constamment au-dessus de nous. Les Boches ont pris la pile hier, ils ont eu des prisonniers pas mal.

Au revoir mes meilleures amitiés à vous tous. Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que notre petit Riri.

 

Henri

Encore une fois bons baisers à tous.

1er bon, 3e Cie, 102e par Chartres. (1e bataillon, 3e compagnie)

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Lignières, le 1er novembre 1914.

Ma chère petite Marguerite

Je trouve une occasion pour que ma lettre marche vite.

Je suis à la 3è avec de vieux copains nous avons passé la journée dans un bois.

Ce soir nous partons pour 4 jours dans les tranchées en 1ere ligne, ensuite nous reviendrons pour 2 jours de repos dans le bois. Le canon sonne toujours et les marmites éclatent aux alentours.

Il fait un joli temps.

 

Ce matin, il y a eu messe par l’aumônier GOURION et COUETTE sont toujours là. Nous allons coucher dans les tranchées.

Au revoir.

Pour mon adresse c’est comme auparavant. Je vous embrasse tous de tout cœur.

Bons baisers à toi et à Riri.

 

Henri.

 

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Entre Guerbigny et Andechy, le 6 9bre 1914 vendredi midi

Ma chère petite Marguerite

J’attendais une lettre car depuis mon départ de Chartres je n’ai pas eu de vos nouvelles à tous mais ne voyant rien venir je prends les devants ayant un moment à moi. Comme je te le disais dès mon arrivée dans deux lettres qui te donnaient aussi mon adresse je suis à une dizaine de kil. de Montdidier dans la Somme cela chauffe dur aussi par ici.

Pour le moment je t’écris dans la tranchée à environ 400m des Boches sous les obus et au son des mitrailleuses et des fusils.

 

Avant-hier, mercredi nous avons attaqué le village d’Andechy qui est devant nous à 3 ou 400m. (*)

La journée fut chaude malgré la pluie le canon mit le pays en miettes et en flammes et à la nuit nous avions pu nous avancer sous les balles et les marmites jusqu’à 500m à ce moment on partit à la baïonnette les Boches lâchèrent pied mais on dut se replier un peu et aujourd’hui nous voilà sur nos positions dans les tranchées que nous avons fait la nuit suivante.

 

Cette nuit, nous avons eu deux rudes contre-attaques de la part des Boches le canon, les fusils et les mitrailleuses ont craché dur dans le brouillard ça n’avait rien d’épatant mais on s’y fait et pour le moment nous sommes à peu près tranquilles dans nos trous.

Il y a eu pas mal de pertes au 102è et au 124è plus que je n’avais dans la Meuse. GOURION (Georges) est blessé par un éclat d’obus à la joue (pas grave).

A ma section, il n’y a que 4 blessés c’est la moins touchée. Mon lieutenant DEPORTES blessé en Belgique est encore blessé à l’autre cuisse cette fois.

Toute la nuit nous avons relevé nos morts c’était une triste besogne car il y en a de bien touchés. Il y en a encore de couchés dans les champs devant nous c’est triste à voir. Espérons que tout cela finira bientôt les nouvelles du Nord sont bonnes parait-il ?

Malgré ces aventures je me porte bien, il n’y a qu’un inconvénient c’est que l’on nage dans la boue on ne voit plus les effets car on est plus souvent à plat ventre que debout.

Les Allemands ont abandonné Broyes qui se trouve à 8 kil. car c’est intenable, parait-il par les tas de cadavres qui empestent tout.

 

Mais assez de ces vilains tableaux j’espère que vous vous portez tous bien, jeunes et vieux. Les vendanges doivent s’avancer on boira bientôt du vin nouveau. C’est dommage d’être ici ou on ne trouve même pas d’eau potable les nuits sont rudement froides et le matin on a les pieds gelés.

Enfin nous sommes tous à la même enseigne. Les pays par ici sont absolument déserts on ne voit aucun civil tout est parti.

 

Embrasse bien pour moi toute la famille pour moi qui pense bien souvent à vous tous et reçois ainsi que le jeune Henri mes meilleurs baisers.

 

Henri.

Nous sommes voisins avec le 317 mais je n’ai pas vu GROGAN. Ils ont donné un rude coup il y a une huitaine.

Adresse 102e, 3e Cie, 1er bon, par Chartres.

 

(*) : Henri ne dit pas que le régiment a perdu le 04/11/1914 dans l’attaque d’Andechy : 46 tués et plus de 300 blessés !

 

 

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La Boissière, le 25 9bre 1914, jeudi 2h après midi

Ma chère petite Marguerite

Vos lettres commencent à m’arriver ce matin. J’ai eu une carte de maman du 20 et ta lettre du 20 également.

J’ai peu de nouveau à vous apprendre si ce n’est que la neige a fait son apparition par ici. Nos trois derniers jours de tranchée ont été durs à cause du froid et les Boches nous ont envoyé une collection de marmites.

Tu me demande si j’ai remarqué le nouvel obus de 210, je pense te dire que nous connaissons à peu près tous les calibres et toutes les espèces d’obus et nous en recevons souvent plus que nous ne voudrions bien.

 

Merci de tes nouvelles sportives.

A propos de couverture j’ai toujours la mienne et j’en ai une autre en plus la nuit et même de jour on les endure bien car on ne sait pas seulement ce que c’est que d’avoir les pieds chauds.

Je joins à ma lettre des nouvelles concernant Hubert, tu pourras les envoyer à son père il est probable qu’il a été fait prisonnier à Margny. Ils ne seront peut-être pas bien très heureux mais ils en reviendront toujours.

 

Ce matin, j’ai reçu une lettre de POLIGNÉ qui est toujours à Quimper.

Pour du linge ça va encore pour le moment. Depuis hier nous avons un nouveau commandant de compagnie qui n’est autre que mon ancien ami ? L’aspirant POLI, le corse, il a été nommé sous-lieutenant.

Tu parles si on tombe bien, enfin il ne faut pas se frapper, il s’est peut-être civilisé depuis la guerre. il est toujours temps de s’en faire quand ça va mal ce n’est pas la peine de commencer avant.

 

Aujourd’hui, nous sommes au repos mais pas si bien qu’à Bremaugue, il fait froid nous sommes dans une grange et la cuisine se fait dehors c’est moche.

Après demain, on reprend les tranchées pour 6 jours et ensuite repos 6 jours peut être que nous serons mieux partagés comme cantonnement.

 

Demande à Maman pourquoi sur sa carte elle met comme adresse « 102e 3e Cie 1er bton 7e section ». Jamais cela n’a existé.

Mettez simplement « 102e 3e Cie 1er Bon par Chartres ». Ce n’est même plus la peine de mettre « parti sur le front le 30 octobre » ça viendra sans cela.

 

Dès que notre petit Henri sera photographié envoie-moi le et non dans une lettre recommandée cela mettrait 15 ou 20 jours, mets le dans une simple lettre.

Le temps commence à paraître long surtout par ce sale temps s’il faut passer l’hiver complet ce sera rudement long. Enfin pourvu qu’on en revienne c’est le principal. Il faudrait une bonne petite blessure faite bien proprement pour passer 2 mois au chaud. On plaint les blessés et pourtant ce sont des veinards.

Tu vas m’attraper de te dire cela, ne croit pas pourtant que je me décourage non au contraire nous sentons bien que nous aurons les Boches mais on trouve que c’est trop long on ne comptait pas sur une guerre aussi longue.

 

Au revoir ma petite Marguerite, embrasse bien tout le monde pour moi et dis leur que je n’oublie personne. A toi et au petit Riri les meilleurs baisers de ton Henri

Dans chaque lettre mettez-moi du papier pour écrire et de temps en temps des timbres.

 

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Le régiment est à Marquivillers (80), à l’ouest de Roye.

Le 8 novembre 1914 dimanche

Ma chère petite Marguerite

Toujours sans nouvelles de toi et de la famille. Vraiment les lettres ne marchent pas vite.

Aujourd’hui nous avons quitté les tranchées ce matin au jour pour nous reposer un peu mais ce sera court car ce soir nous reprenons les tranchées.

Peu de nouveau depuis ma dernière lettre PALIGNÉ est encore reparti à l’hôpital pour rhumatismes.

Le jour de l’attaque du 4, nous avions comme spectateur le Président de la République qui veut se vanter d’avoir assisté à une fameuse canonnade. (*)

 

Je voulais te demander une chose qui me ferait bien plaisir si tu faisais photographier le petit Henri tout au moins en carte postale et me l’envoyer. Je serais content de vous avoir tous les deux avec moi.

Bien que je pense bien souvent à vous tous.

Ici il fait un vilain temps, toujours du brouillard à couper au couteau il faut ouvrir l’œil par crainte des surprises. Les nuits sont très froides et très humides dans les tranchées ce n’est pas la vie de château et aujourd’hui c’est un triste dimanche.

Donne-moi de vos nouvelles à tous ainsi que d’Émile cela me fait trouver le temps un peu moins long dans cette attente je vous envoie à tous mes plus tendres amitiés.

Bon baiser à notre petit Henri. Je t’embrasse ma chère petite Margot comme je t’aime c’est-à-dire de ton mon cœur.

 

Ton Henri.

 

(*) : Cette attaque du 4 novembre a fait presque 500 tués, blessés et disparus…

 

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Le 10 novembre 1914 mardi

Ma chère Marguerite

Toujours sans nouvelles de vous tous, décidément ça va de mal en pis. Cette lettre doit être la 6ème que je t’envoie depuis mon arrivée c’est-à-dire depuis le 31 octobre.

 

J’ai peu de choses à t’apprendre depuis que j’ai écrit. Je suis toujours dans les tranchées c’est une vraie vie de taupes. On ne peut sortir son nez que le matin ou le soir quand le brouillard nous cache.

On nous apporte à manger le matin à 6h et le soir à 6h en dehors de cela aucune communication avec le dehors. Et pourtant on ne s’ennuie pas de trop quand les marmites nous fichent la paix, on fait notre petite manille et même quelque fois une chanson nous désennuie dans nos souterrains.

Depuis 2 ou 3 jours les messieurs boches sont gentils avec nous ils nous laissent un peu tranquilles sauf la nuit où il faut souvent quitter notre botte de paille pour prendre le fusil et leur envoyer quelques pruneaux.

On m’a appris qu’Hubert, le caporal, était prisonnier et probablement blessé à Marigny-aux-Cerises. Un autre camarade, le caporal CHEVALIER des environ de Mamers, a été tué à Champien et quelques autres.

De ceux qui restent depuis le début, il y en a encore 12 ou 14 à la compagnie, mais depuis beaucoup sont déjà revenus guéris de blessures ou de maladie.

Peu de nouvelles à te donner, toujours du brouillard froid qui pénètre partout. Enfin heureux qu’il ne pleuve pas.

Je voudrai bien avoir de tes nouvelles. Dans ma lettre je te demande la photo du petit Henri.

Souhaite bien le bonjour à Mr et Mme DEFAIS, à Melle CAURET, à Mr et Mme BUINEAU et aux voisins.

Je n’écris pas à Émile, tu lui donneras de mes nouvelles, car je sais que tu aimes beaucoup écrire.

Amitiés à THOUÉ et à VOURRAY, aux parents et à Mr et Mme PÉAN.

Je t’envoie, ma Marguerite aimée, les meilleurs baisers de celui qui ne t’oublie pas.

 

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Fignières le 17 novembre 1914, mardi midi

Ma chère Marguerite

Je t’envoie ces deux mots au galop par RENVAIZÉ qui va à Montdidier tout à l’heure.

Je suis ici au repos depuis 2 jours après 12 jours de tranchées. La journée de dimanche surtout a été terrible de l’eau de la neige et du grésil on était frais. C’est le commencement de la misère.

Le soir, on a fait 9 km dans 30 cm de boue pour venir ici au repos pour 2 ou 3 jours.

 

Je viens de recevoir 2 lettres de vous une de toi l’autre de maman.

Pendant que j’y pense, je vous dis de ne pas me parler des boches par-ci, des boches par-là. Nous connaissons nos sentiments pour eux tous c’est pour éviter de les déchirer car je ne veux pas être pris par les boches avec des lettres comme ça.

Nos bleus sont arrivés. On va se reformer au complet et je crois que d’ici peu ça va barder. Roye est repris de cette nuit.

Ne m’envoie pas de journaux nous en avons à peu près. Envoyez moi un paquet à manger si vous voulez bien que avec de l’argent on peut s’approvisionner à peu près à ce point de vue-là, on est plus heureux que dans la Meuse.

 

Hier, j’ai vu COUETTE qui est en bonne santé. Nous sommes dans des tristes pays.

Quelle ruine pour ces malheureux, vraiment par chez nous on ne voit rien de la guerre, tout est détruit. Je vous donne quelques détails sur ma lettre mais il ne faut pas compter car il faut que nos lettres soient visées avant le départ.

N’oublies pas de m’envoyer notre fiston en photo. Je ne sais pas si tu as eu les lettres sur lesquelles je te le demandais. Donne-moi donc à l’adresse à Mr BEDENT ( ?).

 

Il ne serait pas trop tôt que tout cela finisse. C’est l’eau qui nous rend le plus malheureux, on n’est pas heureux dans les tranchées. Aujourd’hui on distribue du linge à la compagnie.

L’autre jour à Andechy le 102e a perdu dans les 600 hommes dont 60 ou 70 morts c’était parait-il pour faire voir à Mr POINCARÉ un peu de la guerre c’est triste.

Pour la nourriture ça va à peu près on en a assez, mais on mange froid car il faut que l’on nous apporte cela dans les tranchées et toujours la nuit. On vit comme les chouettes de jour, on est dans nos trous la nuit, on mange et on ouvre l’œil car les boches sont toujours prêts à vous envoyer des pruneaux.

 

Au revoir. Ce soir ou demain j’écrirai à maman, RENVAIZÉ est prêt à partir pour porter ma lettre. Je vous embrasse tous de ton cœur à toi et à Henri mes meilleurs baisers le bonjour à tous les amis.

 

Henri.

Bonjour à Gilbert.

 

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Remaugies, le 20 novembre 1914 vendredi 11h matin

Ma chère petite Margot,

Je t’écris aujourd’hui installé sur une table cela n’arrive pas souvent.

Hier j’ai reçu 2 lettres du 13 adressées au bureau central cela fait 6 jours pour venir donc ça ne va pas plus vite que par Chartres. Continuez donc à écrire par Chartres à présent que c’est commencé à arriver ça continuera.

 

POLIGNÉ à de la veine car en fait de douleurs, il en a pas plus que dans mon œil. Enfin il fait bien puisque cela réussit.

À propos des journaux il y a 2 ou 3 jours, je te disais que nous en avons à peu près donc pas la peine de m’en envoyer. Je ne t’en remercie pas moins de ta bonne intention, tu me feras penser à t’embrasser pour cela à la bonne année.

Tu me dis que notre rejeton est à la fois bien mignon et bien malin, j’en suis bien heureux car je reconnais là les caractéristiques de sa petite maman qui doit être fière de son fils.

J’espère que tu m’en voudras pas de trop de te faire passer un petit peu à la « chine », il faut bien prendre les événements le mieux possible, il vaut mieux rire que pleurer.

 

Aujourd’hui nous sommes comme des princes à Remaugies à 5 ou 6km de Montdidier.

Cette nuit, j’ai dormi avec un camarade dans un lit quel luxe !! Je suis sûr que tu ne te doutais pas d’une chose pareille et que pendant que tu pleurais sur mon malheureux sort, je ronflais dans un bon plumard.

Ce matin nous avons confectionné notre chocolat au lait. Oui ma chère !! Tu vois que si nous avons de sales moments nous en avons parfois des bons enfin c’est la guerre.

 

Aujourd’hui tout va bien. Demain on est dans un trou les obus vous sifflent au-dessus des oreilles.

Hier j’ai vu E. BROSSARD à Piennes. D’ici il devait venir me voir mais peut-être qu’il n’a pas pu il m’a parlé de LESTIENNE et de C. DUPRÉ.

Hier dans la nuit les boches ont attaqué nos lignes mais ont pris la bûche au petit jour, le canon tapait dur et on entendait très bien les clairons qui sonnaient la charge. Ils ont été gentils d’attaquer pendant que nous étions au repos.

Décidément ils se civilisent.

Envoie moi donc l’adresse à Émile pour que je lui donne de mes nouvelles. Et dis à ta mère et à Suzanne que ma prochaine lettre sera pour elles. De façon que vous en ayez tous de temps en temps, bien que je sache que la lettre des uns profite aux autres.

 

2h après midi

Aujourd’hui il fait du soleil.

Mais les nuits sont terriblement froides. On ne va du bon côté et ça n’a pas l’air de finir bientôt on se prépare ici pour passer l’hiver dans ces parages car maintenant on ne doit plus les attaquer. On s’est aperçu que cela nous coutait trop de monde. Pourvu que Mr POINCARÉ ne vienne pas assister à une bataille pour voir ce que c’est.

D’après mon papier à lettre tu dois voir que nous ne nous privons pas dorure sur tranches, on ne se refuse rien, il est vrai que ça ne coute pas cher.

Ma lettre a été interrompue par le déjeuner. C’est moi qui cuisine pour nous 3, les sergents de la section.

Notre bouilli : de la soupe a été passé dans le beurre avec des oignons et un filet de vinaigre.

Quel gueuleton !!

En rentrant tu n’auras plus besoin de faire la cuisine. Tu ne te plaindras plus de ne pas avoir de détails sur notre existence. Inutile de te dire que ma lettre ne passe pas par le visa du commandant de compagnie, c’est un cycliste qui l’emporte à Montdidier.

 

Demain soir à 4 h nous quittons Remaugies pour aller reprendre les tranchées à l’Échelle- St- Aurin près de Roye pourvu qu’on n’y soit pas encore 12 jours comme la dernière fois. Ça va bien surtout si les boches nous fichent la paix.

Mets-moi donc une feuille de papier dans chaque lettre. Pas d’enveloppes car j’en ai encore.

Penses à la petite fiole d’eau de vie dans mon colis car mon alcool de menthe est cassé et ne me parle pas des boches sur tes lettres.

As-tu des nouvelles de Lucien HARTEREAU ?

Avais-tu reçu ma lettre du départ de Chartres ou je te donnais l’adresse du café ou j’avais laissé un paquet contenant quelques effets et une paire de brodequins ?

Et les réformés sont-ils partis ?

Proust le mécanicien est-il pris ?

 

Souhaite le bonjour à tous les parents et amis que tu verras. Embrasses bien pour moi les grands-pères et les grands-mères, papa, maman, ta mère et Suzanne. Dis au petit Henri que j’ai bien pensé à lui hier pour ses six mois.

Le voilà grand garçon maintenant. Embrasse le bien tendrement pour son papa qui ne l’oublie pas à la guerre.

Et toi ma chère Margot, dis-toi bien que je ne t’oublie pas. Je pense souvent bien souvent à ma femme bien aimée et que j’attends impatiemment la fin de cette maudite guerre qui nous permettra d’être réunis comme par le passé. Heureux comme le sont ceux qui s’aiment comme nous nous aimons.

 

A toi ma Marguerite les meilleurs baisers de ton Henri.

 

Je m’aperçois que ma lettre est devenue presque un livre. Je la termine car voilà le moment de commencer à éplucher les patates pour faire des frites pour ce soir.

Jusqu’à présent j’avais oublié de vous dire que mon commandant est l’ancien capitaine à JANIN de qui je lui ai donné des nouvelles.

 

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Le 29 novembre 1914

Ma chère Marguerite,

Je vais t'écrire ces deux mots en vitesse dans la tranchée, j'écrirai plus longuement le plus tôt possible.

J'ai reçu ce matin vos 2 lettres et les 2 colis. Je vous en remercie infiniment Maman et toi, vous avez pensé à tout depuis une pile pour ma lampe jusqu'aux cigarettes. Je n'ai pas encore besoin de linge car au prochain repos je m'arrangerai pour faire lavé celui que j'ai. Je crois aussi qu'il vaut mieux ne pas m'envoyer de colis de 5 Kg par chemin de fer c'est trop long, on ne sait pas où nous seront dans 25 jours, si le régiment venait à changer de région. Il est probable que je ne recevrai rien.

Envoyez un petit colis de temps à autre et encore sans rien mettre de bien cher dedans.

 

Avant-hier j'ai reçu la lettre recommandée du 15, ça fait 15 jours, j'avais raison de dire que ça mettrait longtemps.

Au revoir je vous embrasse tous de tout mon cœur, je me presse, ma lettre part de suite.

A bientôt une autre lettre mieux faite.

Henri.

 

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Lignières le 2 décembre 1914 4 h soir

Ma chère petite Marguerite,

Nous voilà au repos depuis cette nuit pour 3 ou 4 jours paraît-il. Nous avons quitté les tranchées hier soir mais les Boches devaient se douter de quelque chose, car ils nous ont aspergé copieusement d'obus. Heureusement il n'y a pas eu de blessés, mais ça démarrait dans la boue et les champs de betteraves, ce sont là les plaisirs du métier.

 

J'ai reçu ce matin une lettre du 26 avec notre fils dedans, il a l'air bien réveillé et ouvre les quinquets, il doit avoir profité encore depuis mon départ, il sera tout dru quand je reviendrai. Je suis bien content de l'avoir, la photo est bien claire aussi et VIGNAIRE n'a pas mal travaillé. Le principal est qu'il ne soit pas malade, mais il n'en a pas l'air, il doit encore chanter car il avait déjà une bonne voix.

 

A propos d'Émile je n'ai rien reçu de lui, sa carte doit être restée en panne ou à Chartres au dépôt.

Pour la ouate je ne m'en suis pas encore servi mais ça viendra, il tombe de l'eau dans les tranchées. De ce moment il fait toujours un temps bas, un peu d'eau et du vent pas trop froid pour le moment, mais de la boue, de la boue par-dessus les souliers, jamais je n'en ai tant vu et les pauvres routes dans quel état avec tout ce qui passe dessus.

 

Je suis un peu enrhumé pour ne pas en perdre l'habitude mais ça n'a rien de grave, je ne tousse pas.

Ici on va pouvoir boire un peu de vin mais c'est loin de valoir le vin de Coëmont, ça doit être du vin du Midi ça vaut encore mieux que de l'eau.

Je vais aller trinquer tout-à-l'heure avec RENVOIRÉ il vient de trouver une maison où faire laver notre linge ce ne sera pas du luxe. Plus rien d'intéressant à te dire pour le moment, demain ou après-demain j'écrirai à ta mère.

 

Embrasse bien pour moi toute la famille, au petit Riri les bons baisers de son Papa et à toi ma Marguerite les plus tendres baisers de ton Henri qui pense bien souvent à toi.

 

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La Boissière le 10. 12 vendredi midi.

Ma chère Marguerite,

Je t'envoie quelques mots et en même temps je réponds à la lettre de Maman du 2 que j'ai reçue dans la tranchée.

Nous avons quitté les tranchées hier soir, nous sommes en 2e ligne prêts à donner du renfort.

Dans 3 jours nous irons au repos si rien de nouveau n'arrive, car on n'est jamais sûrs de rien.

Nos 3 jours ont été mouvementés et on n'a guère dormi deux nuits sur trois, on a eu des attaques et ça crachait, on tirait en pleine nuit sans rien voir, et pourtant les projecteurs et les fusées marchaient ferme pendant que les canons se mettaient de la fête. Ca se passait, puis ça recommençait, la lune n'éclairait guère car le temps était couvert. Les Boches ont perdu 600 m. du côté d'Andechy où la 8e division les a attaqués.

De notre côté, on en a trouvé de tués en avant de nos lignes.

 

Cette nuit, on va aller tendre des fils de fer et faire des tranchées, c'est une guerre de forteresse et il y en a pour longtemps je crois. En admettant que ça marche bien, ça ne sera pas fini avant 6 mois, car les Russes ne marchent pas comme on aurait cru.

Cela va être une guerre de longue durée, il va falloir s'armer de patience.

 

A propos des souliers à semelles de bois, je n'en veux pas, c'est trop raide à la marche, c'est bon quand on reste en place, mais ça ne vaut pas les souliers. La ouate m'a déjà servi, j'en ai encore.

Dans un colis ce qui me rendrait service, ce serait des semelles chaudes et quelques fruits, on est dégoûté de la viande de bœuf et même des conserves ; et pourtant ça nous est bien commode pour emporter. Mets-moi donc une ou deux oranges, pommes et un plastron de papier.

 

Demande donc à Nicole des pastilles ou quelque chose contre les brûlures d'estomac, j'en souffre un peu depuis un moment. Je me suis fait apporter des pastilles de Vichy de Montdidier. J'ai perdu mon couteau, il y a une dizaine de jours, mais j'en ai trouvé un aute. Du chocolat et du fromage je peux m'en procurer.

Ce qui manque c'est les bonnes conserves car des mauvaises il n'en manque pas.

 

Nous voilà bientôt à la moitié de décembre, jusqu'à présent on n'a pas trop souffert du froid, c'est plutôt l'humidité qui nous gêne.

La santé est bonne, bien que je crois avoir maigri un peu mais c'en est pas pire puisque je ne suis pas malade.

 

J'ai écrit à ta mère il y a 2 ou 3 jours. Embrasse toute la famille pour moi et dis à tous que je leur envoie mes meilleures amitiés. Embrasse bien notre petit Henri, de la part de son papa et toi ma petite Marguerite chéri reçoit les meilleurs des meilleurs baisers de ton Henri.

Je crois bien que nous ne fêterons pas Noël à Coëmont, on ne croyait pas ça au mois d'août. Dans un colis, mets-moi donc un petit bonnet de coton noir comme celui que j'avais emporté, j'ai perdu le mien.

Bons baisers.

Henri.

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La Boissière, le 13 décembre Dimanche 10 h matin.

Ma chère Marguerite,

J'ai reçu ta lettre contenant la lettre contenant la lettre de Mme HUBERT et le papier à lettre avant-hier, et une lettre de Maman hier soir.

Pour les pierres à briquet je n'en avais pas besoin ; maintenant j'en ai pour au moins 5 ans ! Espérons que la guerre ne durera pas si longtemps. Je te remercie néanmoins, cela servira peut-être à des copains, on peut toujours s'entraider.

J'ai peu de nouveau à te dire depuis 2 jours. Je vois que les réformés vont bientôt partir, mais d'ici qu'ils soient avec nous, il se passera encore un bon moment.

Donne-moi donc l'adresse à Lucien HAITEREAU, son frère a eu raison de se faire tuer à la guerre, c'est tout ce qu'il y avait de bien à faire.

 

Maman me dit que LESTIENNE et BOUILLONISTE ont trouvé le moyen de s'embusquer comme boucher ou cuisinier, chacun se débrouille comme il peut, mais dans l'artillerie il faut beaucoup moins d'hommes que chez nous.

Quant à se faire embusquer, il n'y a rien à faire, il y en a avec moi qui sont au feu depuis le 2 août sans jamais avoir été malade ou blessé et qui y sont toujours, et qui y seront jusqu'au bout, surtout comme gradés il n'y en a jamais assez.

Un soldat trouve plus facilement moyen de se faire employer, bien qu'à présent il n'y a rien à faire.

 

On relève tous les fantassins employés comme son directeur de voitures ou autres par des tringlots ou des artilleurs qu'on a versés dans l'infanterie pour les remplacer.

Si cela avait été possible pour moi je n'aurais pas manqué l'occasion, ce que je sais bien c'est qu'à la moindre maladie ou blessure je me fais évacuer et donc de ce coup-là je ne sortirai pas tout de suite de l'hôpital comme la première fois, le mieux est d'y rester le plus longtemps possible car au dépôt il n'y a rien à faire.

 

Quant à voir le 4e corps revenir en arrière au camp retranché de Paris il ne faut pas se faire d'illusions à ce sujet, il y a 2 mois qu'on en parle et cela n'arrivera pas. Il faut bien se dire qu'on a besoin de monde sur le front, que la guerre va être longue, très longue et qu'il faut se tenir continuellement sur nos gardes.

D'ailleurs, dans notre région ça cogne dur depuis une huitaine. Il faut prendre le terrain mètre par mètre, le 115 et le 117e donnent fortement, notre tour viendra bien aussi. Il faudrait que l'Italie et la Roumanie tombent sur l'Autriche, ce qui permettrait aux Russes de taper plus dur sur les Boches qui seraient obligés de dégarnir de notre côté.

 

Mais je crois bien qu'il va y avoir une période d'un an deux mois assez calme et que ça reprendra à la fin de l'hiver. On comptait la Toussaint pour rentrer mais si on rentre à Pâques il ne faudra pas se plaindre. Il n'y a qu'à attendre patiemment.

 

Envoie-moi donc un petit colis à boulotter pour mon Noël ça changera du bœuf et toujours du bœuf et des fayots.

Bien le bonjour aux amis et connaissances.

Embrasse bien toute la famille pour moi, parents et grands- parents.

Bons baisers de son Papa au petit Riri et toi ma Marguerite reçoit les plus tendres baisers de ton Henri.

Remercie bien Grand-mère FÉRON pour les photos de Riri de ma part. Je t'embrasse tendrement.

 

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La Boissière (-en-Santerre), le 19 décembre 1914, samedi, 2h du soir

Ma chère Marguerite,

Nous avons quitté les tranchées hier soir et nous les reprenons demain soir.

En rentrant hier j’ai reçu ta lettre datée du 12 ou tu me dis être sans nouvelles depuis huit jours cela m’étonne beaucoup car je n’ai jamais été plus de 2 ou 4 jours sans écrire, la moyenne est tous les 3 jours.

Peut-être que une lettre s’est trouvée égarée ou retardée. Mais ce que je ne voudrais pas c’est que tu te tourmentes comme tu le fais pour quelques jours de retard.

Depuis un moment les lettres vont à peu près régulièrement mais il peut toujours se trouver un à coup. Et je te répète ce que je t’ai souvent dit comme mauvaise nouvelle il ne faut croire que lorsque une nouvelle est absolument certaine ou officielle (*) vous arrive.

Car il faut bien se figurer que des hommes qui auront été très longtemps sans donner signe de vie se retrouveront en bonne santé la guerre finie soit prisonniers ou blessés.

Vois le cas de René CHARNAULT et combien d’autres.

 

D’ailleurs en cas de malheur, il y aurait toujours un camarade qui pourrait prévenir la famille et le meilleur moyen à employer pour avoir des renseignements certains serait d’écrire non au dépôt mais au commandant de la 3e Cie du 102.

On sait toujours par l’un ou par l’autre ce qui est arrivé car il est bien extraordinaire que tout le monde y reste à la fois.

Donc je t’en prie ne t’alarmes pas comme tu le fais pour un peu de retard dans les nouvelles. On s’est battu tout autour de nous depuis un moment peut-être que notre tour viendra c’est possible sans être sûr. On en sait rien d’avance si cela arrive on tachera de s’en tirer comme on a déjà fait.

 

On n’est pas heureux pour le moment à cause de l’eau on nage dans la boue et on revient des tranchées couverts de terre depuis les pieds jusqu’à la tête. Depuis 2 ou 3 jours il fait plus froid mais toujours de l’eau. Hargicourt se trouve à une dizaine de kilomètres de nous.

Un jour que nous irons au repos à Fignières je tâcherai d’aller voir C. DUPRÉ. Je vois que tout le monde va bientôt être parti il ne va pas en rester beaucoup.

Les travaux vont se trouver en retard car je crois bien que cette guerre-là n’est pas près d’être finie. Du jour du départ au jour de rentrée je crois qu’il n’y aura pas loin d’un an. Maman m’a annoncé un colis mais je n’ai rien reçu encore il est vrai qu’il n’y a pas encore de retard.

 

Je ne vois plus rien d’intéressant à vous apprendre.

Embrasse bien pour moi le petit Riri qui a aujourd’hui 7 mois quand je rentrerai il marchera et causera tout seul. Je t’envoie ma chère petite Marguerite les meilleurs baisers de ton mari qui t’aime.

 

Henri

 

Je t’ai envoyé il y a 2 jours une nouvelle adresse postale pour l’essayer. Il faudra envoyer 2 lettres une avec la nouvelle adresse l’autre avec l’ancienne. On verra celle qui arrivera le mieux.

Ce n’est pas la peine de changer son cheval borgne pour un aveugle.

 

 

(*) : Souligné dans la lettre.

 

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La Boissière, le 25 décembre 1914, vendredi

Ma chère Marguerite,

Je réponds à tes 2 dernières lettres si je ne l’ai pas fait plus tôt c’est que dans les tranchées on est guère à son aise. Aujourd’hui nous voilà au repos depuis hier soir pour jusqu’à demain soir.

J’ai reçu le colis de Maman 5 jours après son départ ce n’est pas long. Les 2 colis de 5 kilos sont arrivés le lendemain et le surlendemain J’ai eu le deuxième colis de maman de sorte que j’ai eu les 4 colis en 3 jours.

Inutile de dire que ce qu’ils contenaient m’a été fort agréable surtout les 2 bouteilles j’étais loin de penser que je pourrais goûter du 93 à 500 m des Boches.

Pour du linge il ne faut plus m’en envoyer ce serait de l’argent gâché j’ai 7 ou 8 paires de chaussettes chemises etc. On touche du linge à la compagnie et lorsque j’en manquerai je vous le ferai savoir.

Pour un plastron, j’ai toujours le mien qui me sert depuis longtemps. J’en avais demandé un en papier parcheminé parce que ça empêche le vent de passer mais pour avoir chaud j’ai assez chaud.

Toutes les bonnes provisions ont été les bienvenues. Je me figurais goûter un peu de Coëmont cela nous change de notre monotone ordinaire qui pourtant n’est pas trop mauvais, on ne peut pas demander l’impossible.

 

Nous avons été relevés des tranchées hier soir à 7 heures. On entendait les Boches qui chantaient à tue-tête mais le canon de 75 leur a donné l’accompagnement. Il faisait un clair de lune magnifique et je me disais qu’il aurait été bon de passer le Noël parmi vous tous à Coëmont.

 

Arrivés à la Boissière, on a fait une partie de cartes en attendant l’heure de la messe de minuit. L’église de la Boissière était splendidement illuminée et était trop petite pour contenir tout le monde.

Le canon nous accompagnait pour chanter les cantiques.

Plus tard je me rappellerai de la messe de minuit 1914. Je pensais que loin de moi il y avait probablement ma mère ou ma femme qui au moment était aussi à une cérémonie semblable et qu’il serait bien préférable d’être réunis au lieu d’être séparés surtout par des circonstances comme cette année.

 

Depuis hier, il gèle à pierre fendre je vois que ça va serrer dur maintenant. Donc dans les prochains colis pas de linge ni de fourneau à alcool, quelques semelles chaudes c’est tout ce que je vois. Celles que Maman m’a envoyées en peau de lapin sont justes comme grandeur.

Aujourd’hui nous sommes tous mal en train on nous a vaccinés pour la typhoïde pour la 3e fois et cela nos rend rudement malades, ça donne une fièvre de cheval.

 

A propos du cercle pour cette année il en faut rien entreprendre ce n’est pas la peine de prendre des dispositions sans savoir si cela servira. La guerre ne marche pas si vite il y en a bien pour un an car les Russes ne font rien du tout.

Il ne faut pas te mettre dans l’embarras de ce moment. L’année prochaine on fera comme on pourra si on est encore là. Il faut s’attendre à ce que pendant un bon moment rien ne marchera. Personne ne paye ce n’est pas la peine de se tourmenter il n’y a qu’à attendre et d’ici la vivre comme on peut. Un ancien lieutenant de la 3e compagnie blessé en Belgique et revenu depuis 15 jours, a été tué il y a 2 jours dans sa tranchée. C’est triste à 25 ans. (*)

 

Je profite de cette lettre pour envoyer à tous les meilleurs et les plus sincères vœux de santé et de bonheur pour 1915 de celui qui ne vous oublie pas et qui vous embrasse de tout cœur.

Embrasse bien fort, bien fort mon petit Henri pour son 1er de l’an et dis-lui que son papa voudrait bien être près de lui dans ces jours de fête et toi ma chère petite Marguerite les meilleurs baisers et meilleurs vœux de celui qui t’aime.

 

Henri.

 

(*) : CAUVIN Georges Élie est blessé (balle au ventre) le 23 décembre (source JMO du 102e RI) et il décède le 27 décembre. Voir sa fiche. Il avait effectivement 25 ans. Il n’a pas de sépulture militaire connue.

Cette lettre a donc été réellement écrite le 27 décembre, pas le 25 ?

 

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Le Bourget, Aubervilliers, le 28 décembre, lundi, 4 h du soir

Ma chère Marguerite

Nous voici aux portes de Paris et nous repartons dans une direction inconnue probablement vers l’Est.

Tout va bien la santé est bonne. Hier j’étais loin de penser être ici aujourd’hui.

Je vous embrasse tous de tout cœur. A bientôt d’autres nouvelles.

 

Henri.

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Dampierre-sur-Temple le 2 janvier 1915

Ma chère Marguerite,

J’ai reçu les 2 lettres la tienne et celle à maman avec adresses différentes donc c’est inutile de changer d’adresse puisque par Chartres ça marche bien.

J’ai reçu le 31 un colis de toi qui m’a fait bien plaisir mais je t’en prie, plus de linges, plus de plastrons je serais obligé de le donner ne pouvant tout porter. Dans mes souliers je ne pourrais pas mettre de chaussons donc pas de chaussons. Dans mes autres lettres je disais déjà de ne plus m’envoyer de linge. Il ne faut plus en envoyer ce serait du gaspillage.

J’ai reçu également l’envoi du hameau de Coëmont chocolat et cigarettes, je remercie de bon cœur ceux qui ont pensé à nous.

 

Nous voilà sur les bords du camp de Chalons, si je ne t’ai pas écris depuis 4 jours c’est que j’espérais apprendre du nouveau, mais on ne sait rien.

On reste tranquilles faisant des marches pour nous entrainer et on chuchote que nous prendrons l’offensive avec des forces considérables 7 ou 800 000 hommes parait-il. Où ? On ne se sait rien.

Enfin pour le moment on est pas bien gênés sauf que les pays sont moches et on ne trouve absolument rien à acheter. Donc pas besoin d’avoir de l’argent, il faut se contenter de l’ordinaire.

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Hier pour notre bonne année, il y avait un peu d’extra : 2 pommes, 1 mandarine, noix, 1 bouteille de champagne pour quatre, 2 quarts de vin.

Tout cela n’empêche pas de trouver qu’il vaudrait mieux être au milieu des siens dans ces jours ou l’on a l’habitude d’échanger les vœux et les souhaits pour l’année qui commence.

Espérons que 1915 nous sera plus favorable que 1914 et que nous pourrons bientôt rentrer au milieu de ceux que l’on aime.

Depuis quelques jours il fait moins froid qu’à Noël. Il pleut et par ici il y a presque autant de boue que dans la Somme ce qui n’est pas pour dire.

 

Je suis sûr d’apprendre les bonnes nouvelles de notre petit Henri. Ce sera un grand et beau garçon quand je reviendrai il courra tout seul.

Fais bien des amitiés de ma part à tous les amis et connaissances.

Embrasse toute la famille de ma part à l’occasion de la nouvelle année et dis leur à tous que je leur envoie mes meilleurs souhaits de bonne et heureuse année.

Ma chère Marguerite je t’envoie à toi aussi mes meilleurs vœux et les meilleurs baisers de celui qui t’aime. A mon petit Henri les bons baisers de son papa.

 

Henri

 

(*) : Le régiment restera sur place jusqu’au 14 janvier 1915.

 

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Le 3 janvier 1915, dimanche

Ma chère Marguerite

Je réponds à ta lettre du 29 que j’ai reçu hier soir.

Tu me demandes si j’ai besoin de différentes choses ; j’ai des piles pour ma lampe ; j’ai une nouvelle paire de gants ; mon caleçon marche toujours. Le passe-montagne en gros tissus ne fera pas mon affaire car je n’aime pas être enveloppé de la tête celui que j’ai acheté à Chartres fait bien mon affaire.

 

Je te remercie de tout cœur pour tes bons souhaits et je te renouvelle les miens que je forme du plus profond de mon cœur pour toi et notre petit Henri qui doit être plus mignon maintenant.

Dis à maman que je la remercie bien de ses colis. Les semelles en peau de lapin sont déjà usées, les comprimés de Vichy m’ont fait du bien mais ce n’est pas bien pratique car on boit le moins possible d’eau. Un peu de vin et de café et c’est tout.

Des pastilles de Vichy sont plus pratiques maintenant, j’ai moins mal maintenant à l’estomac. Pour du tabac j’en ai plus que ma pipe peut en fumer.

Fais bien des amitiés à ceux qui écrivent de leurs nouvelles et qui pensent à nous. Ma couverture marche toujours et j’en ai même une autre de plus mais quand la marche en avant va arriver, il va falloir balancer tout cela on ne peut pas tout porter.

 

Pour le moment, on ne dirait pas être à la guerre.

Le matin on fait des marches d’entrainement et le soir repas au cantonnement, comme dortoir une grange et comme lit une botte de paille on est comme des princes.

Au loin on entend le canon du côté de Reims, tout pendant que ça ira comme cela on ne se plaindra pas. Il pleut tous les jours c’est la seule ombre au tableau. On va à la chasse aux lapins dans les bois de sapins. On profite de notre bon temps mais on ne trouve rien pour à acheter pour varier l’ordinaire.

 

Je ne vois plus rien à te dire si ce n’est t’embrasser pour moi toute la famille et le petit Henri de la part de son papa à toi les meilleurs baisers de ton Henri.

 

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Le 6 janvier 1915

Ma chère Marguerite

Rien de nouveau à t’apprendre depuis mes 2 dernières lettres j’ai reçu le colis de maman contenant le passe-montagne en gros tissus je ne m’en servirai pas car il est trop chaud et trop embarrassant.

Quand j’aurais une occasion pour envoyer un colis, je te renverrai mon caleçon et une paire de chaussettes. Mon caleçon est sale, je ne peux le faire laver, ici on me l’abimerait.

Une fois propre tu pourras le récupérer en attendant j’en ai un aussi chaud que j’ai touché à la compagnie.

 

J’ai eu des nouvelles de Maxime FOUCHER de Thoiré et une lettre de la petite Denise BELDENT de Château-du-Loir.

Nous sommes toujours au même endroit et il fait toujours le même temps c’est-à-dire de la pluie tous les jours.

 

Tu remercieras pour moi maman pour son colis les oranges et les bonbons m’ont régalé. Je ne vois plus rien à t’apprendre lorsqu’il y aura du changement dans notre secteur je te l’annoncerai.

J’espère que toute la famille est en bonne santé et que bientôt nous fêterons le retour tous réunis.

Embrasse bien pour moi tout le monde parents et grands-parents. N’oublies pas surtout notre chère petit Henri qui doit être bien mignon maintenant et toi ma chère Marguerite reçois les meilleurs et les plus tendres baisers de ton mari qui t’aime.

 

Henri.

 

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Dampierre-sur-Temple (Marne) le 10 janvier 1915 - Dimanche.

Ma chère Marguerite

Je réponds à ta lettre du 1er que j’ai reçue le 8 au soir en même temps que celle du 4.

Je suis toujours ici et rien d’intéressant ne se passe pour nous.

Le matin de 7h à 12h., marche dans les bois de sapins des environs ou exercice dans les champs et la boue c’est absolument la vie de camp. Ce n’est pas bien drôle mais cela vaut encore mieux que les tranchées sous les marmites.

Au-dessus de nous, vers Reims, le canon tonne jour et nuit et presque sans arrêt c’est pour nous rappeler que tout n’est pas fini encore.

Que va-t-on faire ? On ne sait rien. On dit que nous, devant les pertes énormes du 4e corps en infanterie, les régions de la Sarthe et d’Eure-et-Loir auront à souffrir beaucoup pour la culture et que l’on nous a mis momentanément à l’abri.

On a rapporté que pour l’Eure-et-Loir et pour le 102ème seulement 5000 sont déjà morts ou disparus les blessés ne sont pas comptés. C’est un joli chiffre déjà mais est-ce bien exact.

 

Tu me dis qu’Émile fait de la manœuvre de siège, on forme en ce moment des groupes d’artillerie lourde, peut-être qu’il en fait partie. Ce n’est pas les plus malheureux.

RENVAIZÉ est toujours conducteur de la voiture médicale, il a un bon filon et MERCIER n’est pas revenu il aurait été blessé.

Il y a encore des environs de chez nous COUETTE, SÉNÉCHAL d’Ardenay, le sous-lieutenant BRETEAU de Parigné-le-Pôlin (*), SOUCHER de Parigné-le-Pôlin, Sosthène PETIT de Ruelle-aux-coqs, LE MANS, tous à ma compagnie en cas de disparition, ces noms-là pourraient servir pour avoir des renseignements c’est une bonne précaution.

 

Il pleut presque tous les jours. Notre cantonnement est une grande grange où on loge à 200, on s’y trouve bien après les tranchées.

Je vois que Pierre a eu de belles étrennes, tu remercieras pour moi ses grands-pères et mères des générosités qu’ils ont eues pour lui. Espérons que le 1er de l’an 1916 sera plus gai que celui-ci.

Je remercie Maman pour son envoi de 5 francs qui est arrivé à bon port.

Plus rien d’intéressant à vous apprendre pour le moment. Embrasse bien pour moi toute la famille que je n’oublie pas. A mon cher petit Henri les meilleures amitiés de son papa.

Je t’envoie ma chère petite Marguerite les meilleurs baisers de ton Henri.

 

(*) : Commune au sud du Mans.

(**) : Sosthène PETIT est un soldat du 102e RI mort de pneumonie le 7 avril 1915. Voir sa fiche.

 

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Le 13 janvier 1915

Ma chère Marguerite

Quelques mots pour te dire que j’ai reçu hier soir le colis de maman contenant des semelles, oranges, jambon etc. Tu voudras bien lui dire que je la remercie de tout cela, ça fait toujours plaisir de recevoir quelque chose du pays.

Ce n’est pas peine de m’envoyer mon pantalon imperméable ça m’embarrasserait trop pour marcher.

Ton colis par chemin de fer va probablement bientôt arriver, je pourrai essayer la lampe à alcool.

 

Il n'y a pas de changement dans notre situation, le matin marche ou exercice et le soir nettoyage des effets et des armes. Toujours cantonnement dans notre grange.

J’ai expédié un colis contenant du linge sale il est parti depuis 3 ou 4 jours et ne devrait pas tarder à te parvenir car maintenant les lettres et les colis remarchent pas mal. Je ne connais plus rien à t’apprendre. Il faudra faire des amitiés à tous ceux qui ont écrit pour le 1er de l’an. Je n’ai pas reçu de nouvelles d’amis ou de camarades au front.

Est-ce que [REY,?] est toujours à Chartres ? Ici toujours de la pluie jour et nuit et au loin la canonnade presque ininterrompue.

Embrasse bien pour son père notre cher petit Henri et les membres de toute la famille à qui je souhaite bonne santé et bon courage. Je t’envoie ma chère petite Marguerite les meilleurs baisers de ton mari qui t’aime.

 

Henri.

 

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Dampierre le 14 janvier 1915 - Jeudi

Ma chère Marguerite

Je viens de recevoir ta lettre du 10 juste au moment où nous quittons le cantonnement pour une destination inconnue. On embarque en chemin de fer ce soir à 4h.

A part ce chambardement tout va bien et il ne fait pas trop froid.

 

 

Loupeigne (Aisne) le 15.1.15

Le début de la lettre a été supprimé. Par la censure militaire ?

 

en attendant … s’est passé

 

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sans incident.

Départ de la gare de Cuperly à 4h. du soir et débarquement à la Fère-en-Tardenois (Aisne) à 2h. du matin après une bonne séance de cahotement en wagon à bestiaux.

Après une marche de 8 kilomètres nous sommes arrivés ici à 4h du matin. On est soit disant en réserve en cas de besoin. Car du côté de Soissons qui se trouve à 20km environ ça a chauffé dur ces jours ci.

Au revoir le facteur prend ma lettre.

 

Henri.

 

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Le 17 janvier 1915 dimanche

Ma chère Marguerite

Nous n’avons pas bougé depuis notre arrivée ici.

Du côté de Soissons le canon tonne toujours mais le mauvais temps arrête les opérations, Tous les jours de l’eau du vent et ce matin un peu de neige. J’avais interrompu ma dernière lettre au moment du facteur. Je n’ai pas grand-chose à t’apprendre depuis.

Depuis 3 jours nous n’avons pas reçu de lettre ni colis, c’est d’ailleurs ce produit quand on nous déplace il faut un certain temps pour que le service s’organise.

 

Du point de vue opérations il ne fait pas de doutes qu’on nous a amené par ici pour donner un coup de main aux troupes de la région de Soissons qui ont eu fort à faire depuis quelques jours. Mais la crue de l’Oise a empêché les renforts d’arriver et nos troupes ont été obligées d’abandonner l’éperon 132 nord-ouest de Soissons, position très forte que les Boches ont payé assez cher 10.000 hommes parait-il.

 

Ici on est logé dans les écuries d’un château je couche dans une mangeoire de cheval sur une couette je suis comme un prince. Ce matin il y avait une messe et comme toujours il y avait des clients, à la guerre on devient dévot, il y avait au moins 500 hommes.

Combien sommes-nous ici ? On ne sait pas car il parait que nous sommes cours d’armée volant, c’est-à-dire appelé à se déplacer sur tout le front là où le besoin se fait sentir.

 

Donne-moi des nouvelles des parents, amis et connaissances. René BOYER a-t-il donné de ses nouvelles depuis sa captivité et janvier?

C’est son ancien capitaine qui est mon commandant maintenant. Nous avons à la compagnie un jeune sous-lieutenant de 18 ans. C’est bien jeune et ça ne connait pas grand-chose à la guerre, il est vrai qu’il faut bien boucher les vides.

 

En attendant de vos nouvelles à tous, embrasse pour moi toute la famille. Ta mère Suzanne, Papa, Maman et les grands parents VÉRON et DUCHESNE. Dis à tous que en t’écrivant j’écris pour tous à la fois.

A mon cher petit Henri j’envoie les meilleurs baisers de son papa qui pense à lui. Et toi ma chère petite Marguerite reçois les meilleurs et plus tendres baisers de ton mari qui ne t’oublie pas.

 

Henri

 

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Loupeigne le 21 janvier 1915 10h du matin.

Ma chère Marguerite

J’attendais de tes nouvelles pour écrire mais ça ne vient pas vite depuis notre départ de Dampierre, je n’ai pas eu de lettres sauf une de grand-mère VÉRON. De même le colis par chemin de fer est en route, c’est la durée avec tous ces changements de région enfin peut être que je vais en avoir ce soir. Il n’y a toujours pas de nouveau par ici.

J’ai vu le fils DUREAU de Château-sur-Loir, il y a 3 ou 4 jours, il m’a dit qu’il est probable que nous allons retourner aux environs de Châlons d’ici peu où une armée assez importante se concentre pour aller opérer en Alsace quand on prendra l’offensive.

Mais tout cela n’est pas certain c’est toujours des on-dit.

 

A Coëmont, il ne doit pas y avoir grand nouveau et il doit y faire du mauvais temps comme par ici, tous les jours de l’eau quel sale temps. Tout ça commence à avoir assez duré et je commence à trouver le temps long et pourtant ça ne doit pas encore être prêt de finir.

Je te quitte ma chère Marguerite en espérant avoir bientôt de tes nouvelles et de toute la famille.

En attendant embrasse bien tout le monde pour moi ainsi que notre petit Henri qui doit profiter toujours. Reçois ma petite Marguerite les meilleurs baisers de celui qui t’aime toujours.

 

Henri.

Il pleut à plein temps, je prends le service à 3h. au poste de police.

 

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Loupeigne, le 23 janvier 1915 samedi, 8h du soir

Ma chère Marguerite

Je t’ai envoyé une carte tantôt de façon à ce que le facteur puisse la prendre de suite et ce soir je vais en mettre un peu plus long.

Remercie bien Maman pour son colis que j’ai reçu hier soir en bon état quant à ceux par chemin de fer je crois qu’ils s’amusent en route. J’avais peut-être oublié de dire que j’avais reçu les gx (gâteaux ?) de maman. Dans tous les cas je répare mon oubli.

Je te remercie des nouvelles des nouvelles de ceux qui sont partis. LAURENT ne doit pas être à la noce dans ses bois et bien quoi qu’il soit mal à Chartres, il serait encore plus mal avec nous, ce n’est pas que nous soyons bien malheureux.

 

De ce moment le matin, exercice de 7h à 12h et le soir nettoyage des armes et des effets. Il y a une petite rivière et on peut faire la lessive ce n’est pas sans besoin car il y en a quelques-uns qui commencent à faire l’élevage des grenadiers dans leurs chevelures.

Tu parles d’un bétail ? Qu’est-ce que nous rapporterons si ça continue heureusement que l’on à l’ œil pour faire nettoyer les quelques dégoutants qui ne se grattent pas.

Dans notre grenier nous n’avons pas trop froid la nuit et les rats nous tiennent compagnie. Mais tout cela c’est de l’histoire ancienne, on est fait à tous ces petits agréments de la vie de nomades que nous menons depuis bientôt 6 mois.

 

Toutes mes condoléances à ce pauvre Émile qui se trouve bien malheureux à Dreux. Il pourrait toujours venir faire un tour avec nous il saurait pourquoi il se plaindrait. Si les parents de René ROGER lui écrivent, fait lui souhaiter bon courage de ma part.

Quand à Hubert, je n’en ai pas eu d’autres nouvelles que celles que j’avais envoyées.

POLIGNÉ va probablement venir nous rejoindre bientôt maintenant qu’il a quitté sa Bretagne.

La classe 16 passe la révision. Il ne faut pas désespérer de voir la classe 17 en faire autant car du train dont ça va, c’est maigre comme résultats.

Te voilà encore retournée parce que je suis à une vingtaine de km de Soissons mais crois-tu que on nous laissera au repos jusqu’à la paix ? Non, il ne faut pas penser à cela, un jour ou l’autre il va falloir y retourner voir les Boches et que ce soit à Soissons ou en Alsace ce sera toujours kif-kif. En attendant on passe le temps le mieux possible.

 

La santé est bonne peu de rhume et l’estomac me fiche la paix depuis que je fume un paquet de tabac par jour dans ma pipe et que je m’ingurgite un demi litre de rhum par 24 heures. Que de défauts tu auras à faire disparaître chez ton mari lorsqu’il te reviendra.

 

Souhaite le bonjour aux voisins et toutes mes félicitations à Fr pour sa belle casquette dorée.

Embrasse bien tous les membres de la famille de la part du soldat qui ne les oublie pas.

Embrasse encore plus tendrement le jeune Riri à l’occasion de ses 2 premières dents et dis-lui que je voudrais voir la fin de cette guerre pour admirer sa bonne mine d’enfant gâté qui doit rendre bien fière de lui sa chère petite maman.

Reçois les meilleurs des meilleurs baisers de celui qui n’oublie pas sa chère petite Margot chérie et qui s’ennuie si loin d’elle.

Ton Henri.

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Loupeigne le 23 janvier 1915

Ma chère Margot

Deux mots pour te dire que j’ai reçu 2 lettres en 2 jours 2 de toi et 1 de maman, ainsi que le paquet par la poste contenant le poulet qui était bon.

Tantôt je vais te faire une longue lettre, hier j’étais de service il y a eu des alertes. Le facteur va passer, je vous embrasse tous de tout cœur.

Je t’embrasse de tout le cœur de ton mari qui t’aime.

Henri

 

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Le 25 janvier 1915 lundi

Ma chère Marguerite

Hier soir dimanche, j’ai reçu les deux colis de 5 kg par chemin de fer que tu m’avais envoyés il y en avait 7 voitures pour le régiment. Ils étaient en bon état sauf les pommes du colis parti le premier qui commençaient à pourrir.

Heureusement que le rôti était dans le deuxième de sorte qu’il est en bon état et fait honneur à la cuisinière qui l’a accommodé la petite fiole d’eau de vie n’a pas fait long feu et on a vidé la bouteille de vin rouge en l’honneur de la frairie de Coëmont qui devait avoir lieu le soir mais il est probable que cette année il ne sera guère question de fêter.

 

Hier soir à 8h ½, il y avait grand concert par des artistes du régiment et jusqu’à 10h ½ on a passé un moment agréable.

Le bonnet que tu m’envoie est bien mais trop chaud il aurait fallu du petit tissus ça n’a pas besoin d’être chaud c’est seulement pour empêcher la paille et la poussière de pénétrer dans la tête mais tant pis je le garde comme il est.

 

Dis à Maman que je n’ai pas besoin de plastron en peau de lapin, j’en ai déjà plus que je ne pense en porter à la fin on ne peut plus se remuer. J’ai reçu son calendrier et l’ai donné car j’en avais un autre plus petit.

Émile BROSSARD a touché des sabots, pour eux ce n’est pas étonnant. Dans l’artillerie, surtout lui qui est cuisinier, ils sont plus tranquilles et quand ils partent ils mettent ça dans leurs voitures ou leurs caissons tandis que nous il faut tout porter sur notre dos.

 

Aujourd’hui il ne tombe pas d’eau il fait un peu plus froid.

On ne sait pas si nous sommes encore là pour longtemps, on fait toujours des marches et l’exercice ça fait un mois aujourd’hui qu’on est sortis des tranchées de la Somme.

J’ai essayé le petit réchaud il marche très bien.

Plus rien à t’apprendre pour le moment. Embrasse bien tendrement pour moi toute la famille Parents et grand Parents.

A mon petit Henri les meilleurs baisers de son papa. Reçois ma chère petite Marguerite les plus tendres baisers de celui qui t’aime.

Henri.

 

 

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Fismes (Marne) le 27, mercredi

Ma chère Marguerite,

Nous avons quitté Loupeigne hier matin et avons couché à Ville-Savoye.

Ce matin nous voilà à Fismes petite ville de la Marne, nous sommes soi-disant en réserve. Au loin on entend le canon, mais on ne sait pas ce que nous allons faire. Quand je serai mieux renseigné je t’enverrai un mot.

Embrasse toute la famille pour moi ainsi que le petit Riri.

A toi les meilleurs baisers de ton Henri.

 

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Le 30 janvier 1915

Ma chère Marguerite

J'ai reçu ta lettre du 25 en même temps que ta carte du 23 et la carte d'Alphonse avant hier soir c'est à dire le 28 janvier.

Comme tu le disais dans ta lettre quel anniversaire !

Il y a deux ans on était loin de penser à de si tristes choses.

Nous avons pris les tranchées le 28 au soir par un froid terrible.

Depuis le début de la campagne on n’avait jamais eu si froid surtout dans les tranchées sans abri.

Nous avons été relevés hier soir et aujourd'hui nous sommes au repos dans un petit pays voisin.

Nous logeons dans des caves dans le roc comme chez nous et de la sorte on est à l'abri des marmites.

Il fait toujours très froid mais dans la journée le soleil donne.

Je crois que nous ne sommes pas pour longtemps dans cette région on y est venu pour relayer deux régiments qui ont souffert il y a quelques temps.

D'ici peu je t'écrirai plus longuement, en attendant embrasse toute la famille que je n'oublie pas. Les meilleurs baissiers de son papa à notre petit Henri et à toi ma chère Marguerite.

Les meilleurs et plus terres baissiers de ton Henri.

Il voltige quelques flocons de neige il se pourrait que nous ayons car il en fait bien le temps.

 

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Le 1er février 1915. Lundi

Ma chère Marguerite

Peu de nouveau depuis ma dernière lettre nous sommes toujours du même côté.

Dans une de mes dernières lettres je te disais que beaucoup d’entre nous étaient envahis par les parasites et j’avais oublié de te dire de m’envoyer le plus vite possible des ingrédients nécessaires pour éviter ou détruire les poux, soit en poudre soit en liquide, peu importe pourvu que le résultat soit atteint.

Renseigne-toi auprès du pharmacien et surtout n’épargne pas la dose si cela ne me sert pas d’autres en profiteront.

J’ai peu de chose à t’annoncer. De nouveau il fait très froid il a même tombé de la neige nous sommes à l’abri dans des caves en roc. (*)

Embrasse pour moi toute la famille et notre petit Riri.

Et toi ma Marguerite aimée reçois les plus doux et meilleurs baisers de ton

Henri

 

(*) : Le bataillon est à Paissy (02), cantonné dans des creutes (carrières des plateaux calcaires du Soissonnais et du Laonnois)

 

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Fismes le 5 février vendredi

Ma chère Marguerite

Après avoir fait une petite excursion dans les tranchées sur le plateau de Craonne du côté du bois Foulon où ça a chauffé dur il y a quelques jours, nous sommes revenus à Fismes prêts à embarquer pour une destination inconnue encore. (*)

Si je peux avoir quelques tuyaux en cours de route je t'enverrai un mot. Je ne suis pas fâché de quitter ce secteur là car je crois que nous étions dans une sale position adossés à L'Aisne qui est en crue actuellement.

 

Aujourd'hui il fait un très beau temps et le canon cogne dur.

Bonnes amitiés à tous, à toi les plus doux baissiers de ton Henri.

Ne fais pas attention à mon enveloppe, j'ai trouvé cela sur mon chemin et elle rua l'avantage de moins attirer l'attention car maintenant on est rudement embêtés pour la correspondance, on ne peut bientôt plus rien dire sur nos lettres même pas que l'on en assez de cette sale guère.

Plus ça va plus c'est dégoûtant. Il ne serait pas trop tôt que cela finisse ce serait un soulagement pour tous. Car sans douter de la victoire finale on finit par se lasser.

La suite à tout à l'heure.

 

(*) : Le 1e bataillon embarque en gare de Fismes (51) à 15h30.

 

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Le 6 février 1915 samedi

Ma chère Marguerite

Nous voilà revenus dans les mêmes parages qu’au mois de janvier. Arrivés de cette nuit nous procédons à notre installation dans un petit pays de quelques centaines d'habitations.

A demain pour d'autres nouvelles. Amitiés à toute la famille et à Henri mes meilleurs baisers.

Henri.

 

(*) : Le 1e bataillon cantonne à Saint-Germain-La-Ville (51).

 

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Saint-Germain-la-Ville (Marne) le 8 février 1915, Lundi

Ma chère Marguerite

Je réponds à tes dernières lettres. Je t'ai envoyé 3 ou 4 cartes mais très courtes car maintenant on surveille de près la correspondance on ne peut plus donner le moindre de détail. Je vais tacher de faire passer cette lettre-là par un copain qui la mettra à Châlons.

J'ai reçu hier un petit colis d'un Kg contenant de l'alcool solidifié, de l'anguille qui m'a régalé ce matin et du fromage.

Le colis que maman m'avait annoncé quand j'étais encore à Loupeigne qui devait contenir une petite bête n'est pas encore arrivé, maintenant je n'y compte plus, il doit être perdu.

Je n'ai pas pu te donner de grands détails sur notre expédition, tu vois que nous continuons notre vie ambulante, nous voilà devenus tout à fait nomades, si cela continue pendant toute la guerre nous allons voir du pays, nous savons ce que c'est que d'embarquer et de débarquer.

 

Donc nous sommes partis de Loupeigne le mardi matin 26 janvier à pied jusqu'à Ville-Savoye à une dizaine de km.

Le lendemain départ pour aller coucher sur l'autre rive de l'Aisne à Oeuilly après avoir passé à Fismes d'où j'avais envoyé deux mots.

Notre arrivée fut saluée de quelques obus car déjà nous étions dans la zone dangereuse, à Oeuilly. L’Aisne était en crue et ne faisait qu'un avec le canal.

 

Le lendemain le 28 janvier, anniversaire de notre mariage, nous partions d'Oeuilly pour aller prendre les tranchées de 1ere ligne dans le secteur où les Allemands avaient attaqué en masse 2 jours auparavant. Les régiments du midi s'étaient faits enlever une tranchée et avaient contre-attaqué pour la reprendre.

Nous sommes arrivés dans notre après avoir suivi pendant 3 km un boyau ou tranchée étroite pour circuler à l'abri, nous étions à l'extrémité de la tranchée et à notre droite la 4e compagnie en occupait une autre à 80m. des boches, c'était une fusillade ininterrompue et à minuit au moment de notre arrivée on était qu'à moitié tranquilles surtout quand c'est dans un secteur que l'on ne connait pas.

Il faisait un froid terrible pas le moindre abri et jamais, jamais je n'ai eu aussi froid, pas moyen de bouger chacun à son créneau prêt à faire feu essayant de voir ce qui se passait en avant.

 

Je t'assure ma chère petite Marguerite que cette nuit ma pensée ne t'a guère quittée.

Heureusement les boches n'ont pas attaqué cette nuit-là, le lendemain on a pu se rendre compte du terrain et on était plus tranquilles.

Devant nous sur une petite crête on voyait plus de 200 cadavres du 18e de ligne qui n'avaient pas pu être ramassés et sur la droite du côté du bois Foulon, il y avait des tas de Boches, 9000 nous a-t-on dit.

Le soir nous avons repoussé une petite attaque et à minuit le 101e nous remplaçait. Tu peux croire que c'est sans regret que nous avons quitté le plateau de Craonne.

 

Le lendemain, repos de 2 jours dans les grottes dans le petit village de Pargnan dont l'église et les maisons sont en bouillie par les obus.

Ensuite 3 jours en réserve, toujours dans les grottes à Cussy-et-Geny, retour à Oeuilly 1 jour et départ pour embarquer à Fismes vendredi 3 février à 3h de l'après-midi. Débarquement à Vitry-la-Ville (Marne) à minuit après une séance de wagon à bestiaux, arrivée à St-germain à 2h du matin.

Nous couchons dans une grange, nous n'avons pas trop froid nous sommes à 10 km de Châlons et aujourd'hui nous commençons à faire de l'exercice comme à Dampierre.

Allons-nous y rester longtemps ? Nous ne savons rien.

 

Merci de toutes les nouvelles que tu me donnes à propos des amis et connaissances.

A propos de l'homme au serpent je pense t'apprendre que s'il est actuellement au Brésil, c'est que le gouvernement l'a expédié là-bas afin de n'être pas obligé de l'arrêter pour espionnage, que de choses nous apprendrons après la guerre.

 

Je te demandais dans une de mes cartes de m'envoyer du produit quelconque pour la destruction des poux car j'ai été envahi moi aussi par ces maudites bêtes, mais le lendemain c'était fini une bonne friction à l’huile camphrée les avais délogés. C’est égal il faut y passer pour se figurer dans quels milieux nous vivons, à coucher sur de la paille ou tant d’autres ont déjà passé on est forcé d’attraper de la vermine.

 

Que vivement tout cela finisse. Cela commence à être long très long et on se fatigue surtout que l’on n’entrevoit pas encore la conclusion.

Bien le bonjour aux amis civils et soldats. Bien des amitiés à toute la famille que j’embrasse de tout cœur. A mon petite Henri les bons baisers de son Papa.

Et à toi ma petite Marguerite les plus tendres de baisers de ton Henri qui t’aime.

 

Henri.

A propos de charbon prends toutes les précautions que tu juges utiles ce que tu feras sera bien fait.

 

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Le 14 février 1915, Dimanche

Ma chère Marguerite

J’ai reçu ta lettre hier soir en même temps que celle de l’oncle DINANCEAU. En même temps j’ai reçu aussi une lettre de Maman et un colis par la poste contenant une terrine de pâté délicieux et de la poudre contre les parasites.

A ce sujet l’invasion (*) s’est arrêtée à temps et en somme ça n’a été qu’une alerte.

 

J’ai toujours peu de nouveau à t’annoncer si ce n’est que nous avons légèrement changé de place. Il fait un sale temps.

Depuis quelques jours neige pluie, la mauvaise saison se fait sentir et les rhumatismes commencent à faire leur apparition, j’en souffre dans un pied et dans mon bras qui fut blessé. Je crois que nous allons passer de tristes fêtes de carnaval.

 

Tu me dis que tu vas m’envoyer de l’argent, tout en te remerciant de ta bonne intention je te le défends absolument de le faire, je n’ai que faire d’argent en ce moment on ne trouve même pas à dépenser un sou et quand même mon prêt me suffit largement je te l’avais déjà dit. Encore une fois je t’en remercie sincèrement mais si j’en avais besoin je te le ferais savoir.

 

Je suis heureux des bonnes nouvelles concernant notre petit Henri, il doit être bien fort maintenant. Je serais bien heureux de le voir espérons que ce bonheur nous sera réservé dans un avenir prochain.

Nous cantonnons en ce moment dans une grange où nous n’avons pas trop froid. (**)

 

Embrasse bien toute la famille de ma part ainsi que notre petit Henri.

A toi ma petite femme chérie j’envoie les plus tendres baisers de ton Henri qui t’aime toujours.

 

(*) : L’invasion des poux.

(**) : Le 1e bataillon cantonne à Saint-Germain-La-Ville (51).

 

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Le 17 février 1915 Mercredi.

Ma chère Marguerite

J’ai reçu hier de Maman un colis contenant du poulet et des cigares.

Tu la remercieras bien pour moi car le poulet et cigares étaient excellents.

Je n’ai toujours rien d’intéressant à t’apprendre nous sommes toujours au repos. Nous nous sommes un peu rapprochés des lignes sans doute pour donner un coup de mains en cas de besoin.

Il fait de tristes temps de neige et pluie. Aujourd’hui il fait froid et du vent. C’est quand même un triste carnaval que nous passons, mieux aurait valu le passer parmi les siens au milieu de ceux qui vous sont chers. Espérons que nous verrons la fin et que nous nous retrouverons tous.

Il faut de la patience car le temps travaille pour nous.

Nous nous fortifions pendant que l’ennemi s’affaiblit. Il vaut mieux être deux mois de plus partis et avoir 100 000 ou 200 000 hommes de plus vivants à la fin de la campagne. Il serait dommage que le généralissime soit poussé à agir par l’opinion publique. Il est compréhensible que l’on s’impatiente mais il faut attendre toujours attendre, le principal est d’arriver au bout.

 

Donne-moi donc des nouvelles sur les ajournés et réformés tels que PROUST pour savoir s’ils sont partis au feu. Je me porte toujours bien à coucher dans les granges et voyager sous la neige, on n’attrape même pas un rhume. J’ai toute ma barbe et je suis certain que tu ne me reconnaîtras pas lorsque je reviendrai.

Je suis content que notre petit Henri soit toujours aussi bien portant, il doit être bien mignon maintenant, quand je rentrerai je le verrai accourir au-devant de moi. Souhaite le bonjour aux amis, M. PEAN, DEFAIS, PAULIN etc. ainsi qu’aux voisins Melle M. COURET et à ceux que j’oublie.

 

Embrasse bien toute la famille ta mère, Suzanne, Maman Duchesne, Grand père et grand-mère VERON, Papa et Maman.

Donne au petit Henri les meilleurs baisers de son papa et toi ma chère Marguerite reçois les plus doux baisers de celui qui t’aime toujours.

 

Henri

 

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Le 19 février 1915 mercredi.

Ma chère Marguerite

Rien de nouveau à t’apprendre, nous avons changé de cantonnement sous une pluie battante et sommes revenus où nous étions début de janvier. (*)

 

J’ai vu le fils PILON de Vouvray qui est au 26e d'artillerie.

Ça va toujours sauf les douleurs dans les pieds.

Depuis 2 ou 3 jours. Devant nous ça chauffe dur et les Boches ont pris la bûche.

Amitiés à tous, ton mari qui t'embrasse de tout cœur

Henri.

 

(*) : Le régiment cantonne à Saint-Étienne-du-Temple (51)

 

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20 février 1915-Samedi

Depuis deux jours je suis revenu là où j’étais fin décembre et commencement de janvier. Nous avons fait l’étape sous une pluie battante. D’ailleurs il fait un sale temps de l’eau tous les jours.

Nous sommes dans un petit pays qu’en temps ordinaire devait être gentil malheureusement les Boches ont passé par-là et l’incendie a détruit au moins 200 ou 300 maisons.

 

Hier, il nous est arrivé un renfort de Chartres parmi eux j’ai retrouvé quelques copains. J’ai vu aussi un des fils PILON de Vouvray il est au 26e d’artillerie.

J’ai  causé également avec l’ainé des fils GUILLON de Château-du-Loir qui est de ma classe et qui était au 102 comme moi, Il est là depuis le début et est sergent, il s’était marié le 23 juillet et faisait son voyage de noces en Allemagne et en Belgique.

 

J’ai eu ta longue lettre hier soir et j’y réponds aussitôt. Tranquillise-toi j’ai toujours sur moi le petit nécessaire utile en cas de blessure pansement teinture d’iode alcool de menthe etc.

Quant au fameux mica au treillage en fil de fer, c’est de la pure blague, les journaux sont des ânes qui n’écoutent que des abrutis et des froussards leurs dictent sans savoir ce que c’est qu’une balle qui siffle ou un obus qui éclate.

Comme toujours je n’ai nullement besoin de linge, si on recommence bientôt à marcher ce n’est pas le moment de se charger à plaisir.

Quant à la précaution de te faire prévenir en cas de nouvelle blessure sois sans crainte à ce sujet ma chère petite Marguerite. En supposant que je sois touché à nouveau, sitôt arrivé dans le poste de secours, je te ferai prévenir si je ne pense pas à le faire moi-même.

Mais tu sais bien que pour savoir où l’on est soigné, il faut quelques jours nécessaires au transport et puis cela dépend de beaucoup de choses, de la gravité de la blessure, encombrement des hôpitaux etc. etc.

 

A défaut de RENVAIZÉ qui conduit une voiture au 2e bataillon et que je suis quelques fois 10 ou 12 jours sans voir, j’ai d’autres camarades de ma section qui sont prêts à me rendre ce service dont tu parles, c’est-à-dire te prévenir en cas de blessure.

Donc ma petite Marguerite tranquillise toi à ce sujet, espérons d’abord que je passerai entre les marmites et que bientôt nous nous retrouverons dans notre COËMONT, tranquilles comme avant cette guerre.

D’ailleurs il est probable que nous sommes plus près de la fin que du commencement et que les Boches pourraient bien en voir de cruelles avant longtemps.

 

Allons au revoir ma chère Marguerite embrasse notre petit Henri et toute la famille pour moi et reçois les plus doux baisers de cela qui t’aime toujours toujours.

 

Ton Henri

 

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Lettre d’un certain Victor à sa tante et son oncle (qui doivent être Henri et Marguerite).

(Marne) le 21 février 1915. Dimanche

 

Mon cher Oncle et chère Tante

J’ai peu de nouveau à vous apprendre je me porte toujours assez bien quelquefois les pieds souffrent un peu de rhumatismes causés par le froid et l’humidité sans doute.

A ma chère tante qui me demandait si j’avais maigri beaucoup, je dirai que je n’ai pas changé beaucoup depuis mon départ au front sauf que je porte toute ma barbe et ma tante, j’en suis sûr, hésiterait à embrasser son neveu barbu comme un sapeur.

Pour vous faire savoir où je me trouverai j’ai pensé à un moyen que voici supposant que je suis à Paris la première lettre de ma lettre de ma première ligne sera un P. la dernière lettre de ma 2e ligne sera un A. la 1ere lettre de ma 3e ligne sera un R. la dernière lettre de ma 4e ligne sera un I. et la 1ere lettre de ma 5e ligne, un S. il faudra donc lire comme ceci :

P . 1ere ligne  2e A

R . 3e  ligne  4e I

S.  5e  ligne

Je vous demanderai seulement une chose c’est de ne pas dire à personne où nous sommes car maintenant il va y avoir des mouvements de troupes importants et on surveille la correspondance pour empêcher les indiscrétions.

En attendant le plaisir de vous revoir, embrassez bien pour moi votre petit Henri.

Votre neveu affectionné qui vous embrasse.

Victor

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Le 23 février 1915, Mardi

Ma chère Marguerite,

Suis encore changé de place, pas de beaucoup, il fait à peu près beau mais toutes les routes sont défoncées. Il est probable que bientôt nous allons refaire connaissance avec les Boches. Je viens de voir un nommé BRIZARD qui habite avenue de la gare à Ch. du Loir en face les écuries à Basques.

Il est à la section d'infirmiers, je ne sais si nous serons longtemps par ici, je te donnerai des nouvelles.

Au revoir, embrasse bien toute la famille pour moi ainsi que mon cher petit Henri.

Reçois ma chère petite Marguerite aimée les meilleurs et les plus doux baisers de ton Henri.

 

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Le 27 février 1915 – samedi

Ma chère Marguerite,

Rien de nouveau à t’annoncer si ce n’est que nous avons donné un peu dans notre région. Grâce à Dieu je suis encore en bonne santé, votre pensée à tous m’a protégé. Donc nous voilà encore quitte pour cette fois.

 

Aujourd’hui j’ai vu Camille DUPRÉ au 37ème d’artillerie ainsi que Yves BRIANT.

Il gèle fort la nuit et le jour il fait un assez beau temps. Nous sommes revenus au repos.

J’ai reçu un colis aujourd’hui contenant un rôti et quelques petits gâteaux je ne sais s’il y avait autre chose car il était bien abimé. Je n’ai pas écrit depuis 3 jours car dans les tranchées je n’ai pas pu le faire.

 

Quand nous quitterons la région d’ici quelques jours tu pourras m’envoyer un peu de linge car j’ai tout perdu hier. Le lieutenant commandant la Cie vient de m’annoncer que je suis proposé pour la médaille militaire pour le combat d’hier.

 

Donc au revoir, à bientôt de mes nouvelles, le bonjour à tous, embrasse tout le monde pour moi au petit Riri les meilleurs baisers de son papa et à toi ma chère petite Marguerite les plus doux baisers de celui qui t’aime toujours toujours.

 

Ton Henri.

 

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Le 1er mars 1915 - Lundi midi.

Ma chère Marguerite

Pour t’écrire quelques mots je profite d’un instant de loisir en ce moment j’ai peu de nouveau à l’annoncer sauf que mars commence mal. Il fait un temps abominable le mauvais temps n’est pas encore fini et il est malheureusement à craindre hélas !

Que ça dure un moment de la neige du grésil de la pluie est ce que nous subissons. Nous sommes en réserve dans des bois et nous dans des cabanes en branches et en terre.

Sur les opérations à venir nous ne connaissons rien. Ça été dur ces jours derniers, mais je m’en suis tiré à bon compte sauf une bonne courbature ce qui n’a rien d’étonnant.

Malheureusement de nombreux camarades y sont restés c’est l’envers de la médaille.

 

Comme je te le disais dans ma lettre d’avant-hier, j’ai perdu mon sac et ce qu’il contenait, plus tard quand nous irons au repos tu pourras m’envoyer une flanelle et quelques boîtes de conserves.

Pour le moment ce n’est guère commode et les lettres mêmes ont du mal à…

 

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Des mots de la fin de la lettre a été rendus illisibles par la censure militaire

 

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Au 117 ils ont donné aussi. Pour sa première fois il a été bien servi enfin il s’en est tiré indemne.

Les tranchées sont dans un triste état et on est mal dans toute cette boue qui vous colle aux pieds et rend la marche très fatiguante. La campagne devient de plus en plus dure et les attaques incessantes ont du mal à déloger les boches qui se cramponnent, il leur tombe pourtant quelque chose sur la peau le canon tonne sans arrêt jamais je n’ai vu rien de pareil c’est un déluge d’obus qui les inonde.

 

Plus rien à te dire pour le moment.

Embrasse bien pour moi toute la famille ainsi que notre petit Riri.

Et toi ma petite femme aimée reçois les meilleurs des meilleurs baisers de celui qui aime de celui qui aime toujours sa Marguerite de tout son cœur.

 

Henri

Demain il y aura 7 mois que nous menons cette vie infernale.

 

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Pas de date, ni de lieu : supprimé par la censure.

 

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Ma chère Marguerite,

Je suis toujours dans la même région, au bivouac, nous n’avons pas retourné aux tranchées depuis l’attaque qui nous a coûté si cher.

Ça nous a fait un vide bien grand parmi nous. Depuis 4 mois qu’on roulait ensemble.

La Cie à perdu 98 hommes sur 220 et ma section est réduite à 20 sur 55 sur 12 sergents nous restons 4. Deux officiers de tirés sur 3. (*)

Au régiment on compte 800 de pertes et 20 officiers. Tout le corps d’armée y a passé on y compte un vide de 9000 sur la 7ème et 8ème division.

Le canon ne cesse pas de tourner c’est un déluge de fer qui tombe sur les Boches qui tiennent quand même.

 

Hier j’ai vu le fils GUILLON et un nommé GUILBERT, cousin de BIGNON de Coëmont qui est au 115ème.

On voulait me proposer comme sous-lieutenant ou adjudant, mais je trouve que les galons trop lourds à porter pour le moment.

Je suis porté pour la médaille militaire et la Cie va être citée à l’ordre du jour.

 

Au revoir, bon courage, bons baisers à tous. Je t’embrasse de tout le cœur de ton Henri.

 

(*) : Le JMO du 102e RI du 26 février 1915 dit : « Les officiers et les hommes du régiment sont partis à l’attaque avec un entrain et un courage qui ont fait l’admiration de tous ceux qui les ont vus »…

Résultat : environ 800 hommes tués, blessé et disparus….

 

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Le 5 mars 1915, vendredi

Ma chère Marguerite,

Je suis toujours au même point.

Nous ne savons pas ce que nous allons faire. Il nous est arrivé des renforts cela bouchera un peu les trous mais pas suffisamment. Nous avons subi un coup terrible surtout que depuis longtemps on n’avait pas eu de perte ou je connaissais tout ça m’a fait un grand vide surtout à ma section ou nous sommes restés 18 sur 99.

 

Comme je te l’ai déjà dit il est plus que probable que la 3ème Cie va être citée à l’ordre du jour de l’armée pour la magnifique charge à la baïonnette sur des tranchées ennemies.

On voulait me proposer comme s/lieutenant et ensuite comme adjudant mais trouve que les galons sont bien lourds à porter en ce moment. Je dois être proposé pour la médaille militaire ainsi qu’un autre sergent et un homme de la Cie. (*)

 

On se bat toujours avec fureur dans notre région et le canon tonne sans arrêt et avec une entente extraordinaire.

Ce qui se passe ici ne s’est jamais produit dans l’histoire, c’est un véritable enfer et on se demande s’il est possible d’en sortir. Tout est employé canons, fusils, mitrailleuses, mines, etc… Les tranchées sont faites de cadavres et certainement que dans la plaine il n’y a pas un mètre carré où il n’y a pas un corps humain.

C’est terrible de payer si cher du terrain qui vaut si peu, c’est un désert.

 

Le génie a forcé un puits pour nous alimenter en eau potable. On ne trouve rien rien à se procurer. Cela devient terriblement dur.

Nous logeons dans les sapins dans des huttes de terre. Quel charnier cela va faire par la chaleur.

 

Dans une autre lettre j’avais oublié de te dire que j’avais reçu mon caleçon en bon état. Quelques provisions me seraient utiles en ce moment. Merci pour les nouvelles que tu me donne du pays.

Au revoir bon courage espérons la fin prochaine de toutes ces horreurs. Embrasse bien fort pour moi toute la famille, et notre petit Riri que je serais bien heureux de revoir maintenant que c’est presque un homme.
Reçois ma petite Marguerite chérie les meilleurs baisers de celui qui t’aime toujours et qui attend courageusement la réunion au milieu de vous tous.

 

Henri.

 

(*) : Alexandre LOYER ne sera pas cité. Pas pour cette attaque.

 

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Le 7 mars 1915. Dimanche, 9h. soir.

 

Ma chère Marguerite,

J’ai reçu ce soir ta lettre du 1er mars. Depuis ce temps j’ai peu de nouveau à t’annoncer.

Je suis toujours dans les mêmes parages (*) et on ne sait rien sur les opérations qui vont suivre.

D’après les journaux tu dois voir ce qui se passe par ici. Quelques lambeaux de terrain arrachés aux prix de beaucoup de sacrifices.

La lutte dans cette région est terrible et on ne peut se faire une idée de la canonnade ininterrompue qui gronde au-dessus de nos têtes ais tout cela n’est rien quand ça ne tombe pas dessus.

 

J’ai reçu il y a 3 ou 4 jours le colis de maman contenant l’andouillette, des abricots et une orange. J’ai été content de l’avoir car où nous sommes c’est le désert absolu et on ne ne peut rien se procurer en dehors de l’ordinaire. Nous vivons dans les bois de sapins, dans des huttes de branches et de terre l’eau manque et le génie a été obligé de forcer des puits pour alimenter les troupes en eau le reste est amené par un chemin de fer Decauville (**) construit pour la circonstance.

 

Je t’écris sur une caisse à camembert en guise de bureau et dehors dans la direction de P.L.H. (***) le canon tonne dominant la fusillade qui n’arrêtera pas de la nuit comme d’habitude.

Il fait à peu près beau temps sauf aujourd’hui où il pleut, la nuit il fait froid heureusement que nous allons du côté des beaux jours.

Hier nous avons vu quelques prisonniers, ils avaient l’air bien minables et ne cachaient pas qu’ils étaient heureux d’être à l’abri des obus pour le reste de la guerre.

 

Je ne vois plus grand-chose à t’apprendre, je t’ai dit à peu près tout sur notre dernier combat qui nous a durement éprouvés surtout à la 3ème qui a fait une magnifique charge à la baïonnette à 300 m à découvert sur une tranchée boche ou nous attendaient les mitrailleuses qui ont eu tout le loisir pour nous canarder avant d’être arrivés sur la tranchée.

Le résultat fut que notre Cie fut hachée et que ceux qui en sortirent vivants ont eu de la chance.

Notre petit s/lieutenant BRETEAU de Pangné-le-Blin (****) reçut 3 balles et est mort le lendemain, mon s/lieutenant de 20 ans et mes 2 camarades sergents à la 3ème section de la compagnie furent tués ainsi que beaucoup d’hommes.

La section revint 18 sur 99. Le 4ème corps d’armée déjà bien éprouvé a rudement souffert, tous les régiments ont écopés, on compte entre 9 et 10.000 h. hors de combat depuis une douzaine de jours.

C’est déjà terrible mais cela passerait si le résultat était en proportion avec le sacrifice ce qui n’est pas, quelques tranchées ne valent pas tant d’existences sacrifiées. Enfin espérons que nous sortirons encore indemnes des épreuves qui nous attendent probablement.


Tu sais déjà que la 3ème Cie doit être citée à l’ordre de l’armée et qu’après m’avoir offert d’être proposé comme s/lieutenant ou comme adjudant le Ct de ma Cie m’a proposé pour la médaille militaire.

C’est l’attestation que j’ai fait mon devoir et mon cher Henri, si je tombe, pourra dire plus tard que son père s’est battu vaillamment.

 

N’empêche que tous ceux qui comme moi sont partis au début commencent à trouver le temps long et que l’on aspire à rentrer parmi les siens près de tous ceux qui l’on aime.

Espérons que ce moment de la réunion est proche et que nous pourrons goûter un peu au repos de tous ces jours terribles qui vieillissent plus que des années.

Je peux te dire que j’ai pas mal de cheveux blancs maintenant et pourtant je suis parmi ceux qui prennent le temps comme il vient.

 

Allons au revoir ma chère Marguerite, je ne vois plus rien à t’annoncer il est temps de dormir. Je te charge d’embrasser pour moi toute la famille que je réunis dans mes pensées.

A mon cher petit Riri les meilleurs baisers de son papa qui serait bien heureux de l’embrasser pour tout de bon et toi ma chère petite Marguerite aimée reçois les plus tendres et plus doux baisers de ton marie qui t’aime toujours.

 

Henri.

 

(*) : Secteur de Perthes-lès-Hurlus (51)

(**) : Chemin de fer à voie étroite pour transporter le plus loin possible en 1ere lignes des munitions, vivres…

(***) : Perthes-lès-Hurlus

(****) : BRETEAU Louis Joseph Désiré, sous-lieutenant, mort pour la France le 27 février 1915 à Suippes de suite de ses blessures. Il était né à Montmirail (Sarthe) en 1882.

 

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Le 11 mars 1915. Jeudi.

Ma chère petite Marguerite,

J’ai reçu hier 2 colis contenant teinture d’iode et alcool de menthe ce dont je n’avais nullement besoin. Une boîte de conserve aurait mieux fait mon affaire car on ne trouve rien à manger. L’autre contenait 1 fromage avec assaisonnement que je me suis empressé d’ingurgiter aussitôt.

Nous traversons une période terrible telle que nous n’en avons jamais eue il fait un froid terrible le vin et la café gèlent aussitôt. Il neige et fait un vent terrible qui vous coupe la figure. Nous n’avons jamais été aussi malheureux.

C’est une guerre de sauvages on se tue par tous les moyens obus, shrapnels, balles, bombes, grenades tout est bon sans oublier les trous de mines.

Les pertes chez nous sont effrayantes et chez les Boches ce doit être la même chose avec ces attaques incessantes ce sont de vraies boucheries.

Le canon tonne sans arrêt de part et d’autre c’est un véritable enfer quand on est au repos on n’a même pas la faculté de se ravitailler puisqu’on bivouaque dans les sapins.

 

J’ai toujours mon réchaud et ma lampe électrique ce qui me manque c’est une ou 2 flanelles j’ai assez de chemises

Ici on ne se lave pas faute d’eau on ne change pas de linge. C’est infect, on couche sur la terre par 10 ou 12 ° sous zéro. On se demande si on pourra un jour en sortir d’ailleurs du train dont ça va il y en a bien pour un an encore

Les journaux en mettent plein les yeux au public. Le moral des troupes est excellent disent-ils, en réalité il est exécrable.

Jamais les Boches ne quitteront les retranchements formidables qu’ils ont devant nous, c’est une guerre d’usure on ne les aura jamais par la force.

 

Merci des nouvelles de THUREAU que maman me donne. Pauvres télégraphistes, qui font la guerre à 50 km du front comme je les plains tous.

De même de Pierre aux infirmiers, Paul au ravitaillement, Jacques à l’artillerie tout cela me dégoute.

J’aime mieux ne pas en avoir de nouvelles mais vous pouvez vous dire que tous ceux-là ne savent pas ce que c’est que la guerre. La guerre au couteau comme nous la faisons en ce moment à quelques dizaines de mètres des Boches sous les marmites, les grenades, les balles sans compter les charges à la baïonnette sur des tranchées formidables où les mitrailleuses nous tirent comme des lapins.

Jamais il n’y a eu de guerre semblable. On se tue avec tous les raffinements de la science, la nuit à la lueur des fusées lumineuses ou des projecteurs et de jour en faisant sauter des mines qui font des trous de 20 m de diamètre et de 15 m de profondeur.

 

Perthes-lès-Hurlus est en miettes.

Il n’existe pas une seule maison debout et il n’y a pas 2 m. carrés de terrain où un obus n’ait pas été tombé. Je viens d’y passer 24h. avec le 101e pour faire la liaison avec notre bataillon c’est réellement terrible.

Le chef de bataillon vient de me proposer pour la médaille militaire : je l’aurais probablement 10 ans après la guerre enfin si on rapporte notre peau et ce sera rudement joli car si les balles nous épargnent, le froid et les fatigues ne nous rateront certainement pas.

 

Je ne vois plus rien à vous dire.

Il me manque une flanelle et quelques vivres de réserves. Expédiez par la poste car les colis par chemins de fer ne viennent pas vite j’attends toujours les 2 bouteilles annoncées par Marguerite.

Au revoir le bonjour à tous embrasse bien toute la famille pour moi.

A mon petit Riri les plus affectueux baisers de son papa.

Et à toi, ma chère petite Marguerite bien aimée, reçoit les plus doux et les plus sincères baisers de celui qui t’aime toujours davantage.

 

Ton Henri

 

(*) : il s’agit d’une autre Marguerite, mais qui ?

Le 13 mars 1915 -Samedi 2h après midi

Ma chère petite Marguerite,

J’ai reçu hier ta lettre du 7 ainsi que celle de maman je suis heureux d’avoir de vos nouvelles à tous. Peu de nouveau à t’apprendre.

Je suis à Bussy-le-Château un peu en arrière au repos pour 2 ou 3 jours probablement et ensuite je crois que nous retournerons aux tranchées.

Le régiment a été complété, il faut y faire une nouvelle saignée. Le canon tonne sans arrêt vers le Nord. Je crois qu’il va se passer quelque chose de terrible par ici, c’est une simple supposition mais certaines idées me le font croire.

C’est ici que cela tapera le plus dur. Ce malheureux 4e corps en aura vu de dures pendant le cours de la campagne et bien rares seront ceux qui auront passés indemnes au milieu de tous ces corps déchirés.

 

Vous me félicitez tous à propos de ma future médaille. J’en suis bien heureux mais il est encore trop tôt car entre la proposition dont je suis l’objet et la décoration, il coulera beaucoup d’eau encore sous le pont de Coëmont.

C’est comme la citation à l’ordre de l’armée de la 3e compagnie cela paraîtra probablement d’ici un mois ½ ou deux mois.

Les gens des bureaux de l’arrière ont tellement de travail, les malheureux qu’ils ne peuvent suffire à tout si bien que les citations arrivent au journal officiel souvent après la mort de ceux qui les ont méritées. Toutes les administrations se ressemblent qu’elles soient civiles ou militaires.

Dans tous les cas, la citation de la 3e Cie nous donnera droit à la croix du mérite militaire après la guerre.

 

Aujourd’hui il fait un joli temps ça nous change des froids terribles que nous venons de subir.

Je n’ai toujours pas reçu le colis contenant les bouteilles et les conserves, je crois que vu la grande quantité de troupes par ici, les chemins de fer sont débordés, mieux vaudrait expédier par la poste.

Le ravitaillement est toujours presque impossible surtout dans ces tristes pays où les localités de 100 ou 200 habitants en partie abandonnées sont à 10 ou 12 km les unes des autres sans une goutte d’eau pour boire ou se nettoyer, c’est un vrai désert.

La paille pour se coucher est inconnue.

 

Nous traversons un mauvais moment, espérons qu’il sera court et que bientôt nous pourrons rentrer parmi ceux qui nous sont chers et qu’il nous tarde tant de revoir.

Ceux qui auront ce bonheur pourront se vanter d’avoir de la veine surtout ceux qui auront servi dans l’infanterie car les autres ne savent pas ce que c’est que la guerre, quand on se bat à 3 ou 4 km comme les artilleurs, on ne voit pas ce qui se passe lorsque l’on est à 20m ou 30m des Boches et que l’on se lance des grenades à main ou des bombes dans les tranchées les uns des autres.

Et pourtant ce sont les infirmiers, les musiciens, les télégraphistes, tringlots, etc. qui collectionnent les casques, lances et armes de toutes sortes et qui plus tard auront tué le plus d’ennemis.

Allons, je vais te quitter. je vais aller faire un somme dans mon grenier où par bonheur nous avons un peu de paille ce qui nous semble bon. Il faut dormir pendant qu’on peut le faire.

 

Embrasse bien tendrement pour moi toute la famille Parents, grands Parents, Suzanne, ainsi que notre petit Riri qui doit être bien joli maintenant avec ses 18 livres, ça nous fera un cuirassier pour plus tard.

Le bonjour à tous les amis, Parents et voisins qui pensent quelquefois À (*) moi.

Toi ma petite Marguerite bien aimée j’envoie les meilleurs baisers de ton Henri qui pense souvent bien souvent à celle qu’il souhaite si ardemment (ardemment) revoir.

 

Ton Henri

J’ai envoyé une carte à Émile. il y a longtemps que j’ai eu de ses nouvelles dis-lui donc de m’écrire en attendant que nous fassions ensemble l’ouverture… ? (**)

 

(*) : Écrit en majuscule volontairement sur sa lettre.

(**) : L’ouverture de la Chasse ?.

 

LOYER Henri sera blessé le 17 mars 1915 à Perthes-lès-Hurlus (51) « en opérant une reconnaissance dans un boyau de communications occupé par l’ennemi » – Plaie main droite par balle – Il sera réformé pour « Impotence fonctionnelle presque complète de la main droite » source ici

 

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Le 26 mars 1915 vendredi

Mon cher Henri

Te voilà rendu à ton hôpital, maintenant nous allons pouvoir t'écrire pour te faire trouver le temps un peu moins long. Nous avons reçu ce matin la lettre écrite en cours de route par un camarade et Marguerite a reçu aussi la carte de l'hôpital temporaire 21.

N'étais-tu pas fatigué du voyage de l'ambulance à Moulins ? Il y a loin mais maintenant les trains sont bien organisés ce n'est pas comme au début de la guerre, heureusement.

 

Décidément mon pauvre Henri ces sales Boches en veulent à ton bras droit ce n'est pas rigolo car ta blessure est beaucoup plus grave que la première. Espérons que ce sera la dernière car tu en as fait ta part que ceux qui n'y sont pas encore été, y soient 7 mois à leur tour. Mais espérons que cette terrible guerre sera finie avant ce temps car les victimes seront nombreuses.

 

Le lendemain que nous avons reçu la nouvelle que tu étais blessé, nous recevions une lettre de P. DHOMMÉE nous donnant des détails sur ta blessure cela nous tranquillisait un peu et je lui en sais bon gré.

C’est toujours bien utile d'avoir des amis il nous disait que tu avais eu le bras traversé par une balle et que l'artère devait être atteinte et surtout disait-il, donnez-moi des nouvelles dès que vous en aurez. Alors je lui écris aujourd'hui.

 

Mr GUILLON est venu aussi à la maison croyant nous donner de tes nouvelles et nous dire que tu étais en bonne santé, que son fils t'avait vu dans les jours et qu'il venait de lui écrire. Il a bien vu quand nous lui avons dit que tu étais blessé que lorsque l'on reçoit une lettre venant du front le temps qu'elle arrive, il peut se passer bien des choses par le temps qui court.

 

Maintenant il faut nous dire si tu as besoin de quelque chose nous avons…Illisible

Ta mère qui t'embrasse bien fort.

 

J. LOYER

 

 

 

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6 avril 1915 : Citation et décoration d’Alexandre LOYER.
Il aura fallu attendre sa blessure pour qu’il l’obtienne en avril.

 

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Coëmont, le 20 avril 1915, mardi

Mon cher Henri,

Ta lettre est arrivée hier à la 2è levée. Elle a été la bienvenue car on est toujours heureuse de recevoir des nouvelles, surtout quand elles sont à peu près bonnes.

Ta blessure se cicatrice vite puisque tu vas bientôt partir pour Vichy là aussi tu devras être bien soigné car BOURGAIN qui y est encore, dit qu'ils ne peuvent pas être mieux.

Il disait à sa femme qu'il prenait du fortifiant et des vins excellents.

Espérons que tu y resteras une bonne période car BOURGAIN qui n'était pas beaucoup blessé, il y a bien longtemps qu'il y est.

 

Et puis maintenant il n'y a plus de convalescence dans les familles pour personne, 7 jours de permission et c'est tout. André THUREAU est venu nous voir il a été en convalescence à Largentière 23 jours ils étaient 33.

Il dit qu'ils étaient soignés comme des princes. Jamais on a vu chose pareille ils étaient invités chez les gens pour déjeuner ou diner. On leur donnait des bouquets de mimosas violets etc.

Enfin il est repartit à son dépôt à Angoulême. Il est toujours plus aimable que RIEY qui a passé 2 mois chez lui et qui n'a pas eu le temps de venir prendre de tes nouvelles, seulement une fois il doit être un peu loup.

 

Ceux qui ne se dérangent pas, on les laisse tranquille. Il paraît que L. HARTEREAU est passé sergent. Ce n'est pas eux qui me l'ont dit car il y a bien bien longtemps que nous ne les avons vus.

Ils n'ont pas l'air bien tourmentés de la guerre du moment que leur fils n'est pas en danger il n'entend même pas le canon.

Le fils ENER qui avait été blessé au début d'un éclat dans la jambe vient d'être blessé une deuxième fois encore par un éclat d'obus dans l'épaule. Il a été évacué à Tours et la première fois il était au Mans, c'est de la veine.

Le mari à L. GERVAISE est toujours au Mans. On lui fait des massages pour ses doigts et il ne peut s'en servir mais c'est très sévère pour sortir, il ne peut même pas.

Sa femme était allée le voir, on ne voulait même pas qu'il lui fasse la conduite jusqu'au tramway, c'est pis qu'à Moulins.

L'adjudant va mieux, espérons qu'il s'en tirera. Ton père le croit, tu lui diras bonjour, ainsi qu'à Mme GRILLET et sa demoiselle dont nous gardons un bon souvenir.

 

Comme tu resteras sans doute un bon moment à Vichy, Marguerite pourra aller te voir mais pas de ce moment, car le petit Henri avait sans doute rattrapé du rhume. Il s'est mis à tousser mais il doit y avoir des dents de mêlées à tout ça, car on voit qu'il en souffre.

Il est bien avancé pour ses dents. Espérons que ce ne sera rien de grave car il n'est pas abattu et n'a pas de fièvre mais tout le monde est enrhumé.

Moi je suis partie à Moulins avec mon rhume et je l'ai rapporté. Ça dure encore maman l'est aussi.

Mr BRIMEAU est malade il garde le lit depuis plusieurs jours on dit que c'est une bronchite et de l'asthme, il est oppressé.

 

Il fait pourtant un temps magnifique espérons que notre chaud soleil va faire disparaître tous ces malaises-là. C'est ce beau temps là qu'il nous aurait fallu comme nous étions à te voir nous aurions pu visiter les environs de la ville.

Je pensais à toi hier en voyant passer une voiture de l'hôtel garni de soldats qui venaient de faire une promenade en se mettant plusieurs cela ne coûte pas bien cher et cela fait passer un petit moment agréable.

 

Ce matin, nous avons reçu une lettre de l'Émile DINANCEAU, il se plaint que nous ne lui écrivons pas assez souvent. Il dit que depuis 7 mois on ne lui a pas écrit et je lui ai écrit dans le mois de janvier ça ne fait pas 7 mois.

Émile est encore à Germignonville (Eure-et-Loir) à 40 h de Chartres il a été versé dans l'auxiliaire au 102è en subsistance car il appartient toujours au 67è. Son frère est au 20è escadron de train des équipages à Versailles, son beau-frère Baptiste est à Vannes (Morbihan) dans la ligne. (*)

 

Il dit qu'il y en a qui n'auront jamais vu les Boches et que c'est toujours les mêmes qui sont au feu qu'il y a beaucoup d'embusqués qui tire au flanc. Oui il ne se trompe pas, même en commençant par les siens qui ont grand peur d'y aller.

TASNARD te souhaite le bonjour il est à Beaumont ils font des marches de 45 h ça ne doit pas être pour rien.

LEROUX, de la caisse d'épargne, qui était avec lui a réussi à se faire porter malade et réformer. Je l'ai vu hier il n'a guère la mine d'un malade.

En voilà encore un à mettre avec TRILLAUD, ROCHE, RAULIER (ROULIER ?), et cie. On dit qu'ils vont passer la révision. (**)

NODAT a écrit qu'il a fait 18 jours dans les tranchées jamais il n'avait été si ennuyé ils ont eu 3 jours de repos et ils sont retournés dans les tranchées il dit que par là ce n'est pas de grands combats mais ils sont trop longtemps dans les tranchées il demandait de tes nouvelles.

Mme BOUILLON est venue passer quelques jours à Coëmont. Elle a toujours des nouvelles de son mari, il est du côté de Notre-Dame-de-Lorette il est en bonne santé il a engraissé mais il est bien ennuyé.

 

Au revoir mon cher Henri. Nous sommes bien plus tranquilles à ton sujet que voilà un mois, prends donc le temps comme il vient tu en as fait ta part.

Ton frère tes grands parents et toute la famille t'envoient leurs meilleurs baisers. Les amis et les voisins ne t'oublient pas non plus.

Ta mère qui t'embrasse bien fort.

 

J. Loyer

 

(*) : Infanterie de ligne

(**) : Révision médicale

 

 

 

Hôpital d’Ondes (Haute-Garonne), le 28 février 1916. Alexandre LOYER assis à droite.

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Attribution de la médaille militaire avec citation.

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