Carnet de guerre de Louis Émile Gaston MAGNIEN

du 69e régiment d’infanterie.

 

Mise à jour : janvier 2019

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Louis MAGNIEN pendant son service militaire au 156e régiment d’infanterie

 

Prélude

Louis Émile Gaston MAGNIEN, cultivateur, est né le 26 août 1880 à Doncourt, en Haute-Marne. Il effectue son service en 1901-1902 au 156e RI.

En 1914, le 69e  régiment d’infanterie fait partie de la 11e division d’infanterie (D.I.) avec les 26e, 37e, 79e RI et les 2e et 4e bataillons de Chasseurs.

La 11e D.I. se trouve à l’est de Nancy tout début août 1914.

Mais Louis, âgé de 34 ans, n’intègre pas les 69e et 156e RI, il doit se rendre de son domicile à son centre de mobilisation qui se trouve à Toul (54) pour connaître l’unité dans laquelle il sera affecté. Sa fiche matriculaire n’apporte pas de réponse sur cette unité.

 

Les noms de villages ont été corrigés – J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. Certains noms de village ont été soulignés volontairement, il s’agit des lieux où passe réellement Louis MAGNIEN.

 

Merci à Catherine et Pierre pour la recopie du carnet

 

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Début du carnet

 

02 août

Départ pour Domgermain. (*)

Arrêt 3 heures à Rolampont, 5 heures à Chalindrey, 1 heure à Neufchâteau.

Arrivée à 9 heures du soir. Coucher sur la dure, les vivres manquent.

 

(*) : À l’est de Toul

03 et 04

Les habitants quittent le pays, la guerre est déclarée.

 

05

Départ pour Troyes.

 

(*) : Curieux qu’il reparte à Troyes (Aube)…

Normalement, à son âge, il devrait intégrer la réserve de l’armée d’active. D’ailleurs sa fiche matriculaire indique bien la date : entre 1904 et oct. 1914 (écrit 8bre 1914). Mais quelle unité ?

06 et 07

Les Allemands sont arrêtés devant Liège.

08

Occupation de Mulhouse. (*)

On touche du pain, c’est la deuxième fois depuis le 02.

Les vivres commencent à arriver.

 

(*) : Il faut comprendre « Les Français occupent Mulhouse »

09 et 10

Engagements d’avant-garde.

11 et 12

 Le bruit court que les Allemands approchent de Verdun.

13

Bombardement de Pont-à-Mousson. Quelques victimes. (*)

 

(*) : Est-il à Pont-à-Mousson ? Ou s’agit-il des nouvelles des journaux ? Est-il toujours à Troyes ?

Septembre

01 au 15/09

Les Allemands qui se sont avancés jusqu’aux environs de Paris où ils tiennent une ligne passant de Soissons à Verdun sont repoussés partout dans la région de Vitry-le-François où nous partons par Chavanges (Aube), Saint Léger-sous-Margerie (Marne), Gigny-aux-Bois (actuellement Gigny-Bussy) (*).

Les combats sont acharnés.

Le 109éme de Chaumont est très éprouvé à Margerie.

 

Visite d’un Taube (**) : Affolement dans la colonne. Tir décousu à Saint Léger. Apparition d’un nouvel avion : Tir inefficace.

On ne trouve plus rien dans le patelin. Les pommes foutent la colique. Les chevaux tombent sur les routes à Gigny(-Bussy).

Les habitants rapportent des objets de campement prussiens et enterrent les cadavres qui sont très nombreux.

 

(*) : Ces villages sont au sud de Vitry-le-François, extrême avancée de Allemands. Le 69e régiment d’infanterie ne se trouvait pas dans cette région à cette date, mais en Lorraine, preuve qu’avant d’être au 69eRI, Louis MAGNIEN était dans une autre unité.

(**) : Monoplan Allemand.

Le 14

Embarquement sous la pluie à Gigny-Brandonvillers (*) et retour à Saint-André. (**)

 

(*) : La gare (commune à ces 2 petits villages) existe toujours de nos jours. Le 69e RI, lui, se trouve à la même date à Saint–Mihiel (55).

(**) : Il dit « retour à St André » : Il s’agit certainement de Saint-André-les-Vergers, dans la banlieue de Troyes.

Entre le 14 et le 27, il semble rester à Troyes, mais avec quelle unité ??.

Dans le même temps, le 20 septembre, le 69e RI s’embarque de Domgermain, près de Toul (54) et arrive le lendemain dans la Somme.

Le 27

Départ pour Montereau (Seine-et-Marne), Corbeil, Le Bourget, ligne du Nord.

À Creil, ponts écroulés sur l’Oise. 51 maisons brûlées.

Arrivée à Gillaucourt le 29 à 24 kilomètres à l’est d’Amiens. Coucher dans les maisons. La bataille se poursuit avec acharnement.

Nous marchons au canon. Cantonnement à Bray-sur-Somme, Suzanne. Puis nous repartons, logeons dans une ferme sur la ligne. Incendies dans toutes les directions.

 

Nota : Louis MAGNIEN semble intégrer définitivement le 69e RI durant cette période.

Le 30

Baptême du feu. Essuyons le feu de l’artillerie toute la journée.

TIXIER, caporal, blessé au bras à mes côtés.

 

Le soir, rafales d’artillerie qui ne nous font aucun mal et c’est miracle. J’apprends que la veille, par méprise, nos artilleurs ont tiré sur les 5ème et 6ème compagnies et en ont blessé 50%.

Montauban (5ème) perd 147 hommes. (*)

 

(*) : Il s’agit de l’attaque de la briqueterie de Montauban-en-Picardie.

Octobre

1er, 2 et 3 oct.

Marches et contremarches entre Bray et Suzanne.

Sommes de réserve. On se couche entre 11 heures et minuit.

Réveil à 3 heures. Il fait frais. Pas de couvre pieds. Le bruit court que l’armée allemande serait coupée.

20ème corps cité à l’ordre de l’armée.

Le 5

Quitte Bray à 11 heures et demie du soir pour aller occuper les tranchées près d’Albert (Somme). Cette ville a été bombardée. Le 64ème français se serait livré à un pillage de la ville.

Nous trouvons vivres et campements d’une compagnie qui a abandonné les tranchées voisines. Deux soldats morts sont au bout, sans sépulture.

Malade comme un chien, crampes d’estomac, diarrhée.

Le 6

Quitté Albert à 8 heures du soir. Montons en autobus où l’on est très mal.

On passe soi-disant à Amiens et l’on débarque vers minuit en plein champ. Arrivée à Coigneux (Somme) où l’on passe le reste de la nuit à la belle étoile.

Le 7

Nous apprenons que les Allemands ont progressé dans cette contrée de 8 kilomètres environ. La garde Prussienne est devant nous. Il va falloir la débusquer.

Le 8

De réserve. (*)

La matinée dans une grande ferme où il y a de nombreux porcs et ce qui vaut mieux, une cave bien garnie de milliers de bouteilles. On en siffle 3 et l’on part.

Marche rapide sous la conduite de L’adjudant POSTE qui boit un bon coup en partant. Sifflement des balles que j’entends pour la première fois à 400 mètres du village, sans blessés. Nous nous portons à 100 mètres plus loin.

Accueillis par un feu nourri, nous nous faisons des trous où nous passons la nuit.

Nuit glaciale.

 

(*) : Le 1e bataillon est en réserve à l’ouest de Foncquevillers. Les 2 autres bataillons du 69e RI ont attaqué le village de Gommecourt les 7 et 8 octobre et subit de très lourde pertes. Donc par déduction, nous savons que Louis MAGNIEN est dans ce bataillon.

Le lendemain

Tir des Prussiens toute la journée. Nous répondons très peu.

Un homme est tué à côté de moi.

 

Le soir, duel d’artillerie effrayant. Pluie de fer sur les bois où les Prussiens sont fortifiés sans cependant pouvoir les déloger. Je prends la couverture du mort qui me garantit un peu du froid.

 

Vers 10 heures, les Prussiens tentent une attaque qui ne réussit pas. Sergent blessé grièvement.

La nuit se passe.

On n’a pas d’eau. Le singe et le pain arrivent. Le café aussi. Matinée calme.

Nous partons vers midi, 50 mètres en avant ce qui nous vaut un tué et un blessé dans notre section.

La 4ème (compagnie) a 9 hommes hors de combat, quelques-uns tués par des obus français.

Les chefs sont invisibles, la frousse les tenaille. Moment d’incertitude dans notre groupe qui, sans chef, se trouve à 100 mètres des ennemis.

On tiraille toujours et on se prépare à passer la nuit.

Les jours qui suivent

Les jours qui suivent, la situation ne change pas.

Nous recevons quelques obus et quelques balles. Quelques tués et quelques blessés, aucun dans notre section. La 7ème (compagnie) a plus de 50 hommes hors de combat et nous une trentaine. Le 153ème se laisse surprendre à faire (en creusant) des tranchées.

Déséquipés, les hommes sont faits prisonniers.

 

Il fait toujours froid la nuit.

Nous recevons 10 hommes du 62ème territorial ainsi qu’une vingtaine de blessés de Morhange. (*)

 

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Le JMO signale cette arrivée de renfort le 17 octobre

 

Nous apprenons la chute d’Anvers et recevons une circulaire allemande par voie aérienne nous informant que 400.000 alliés sont actuellement prisonniers et sont très bien traités.

Nous sommes très mal nourris : Environ 100 grammes de viande par jour, pas de soupe, pas de légumes. Le pain et le café arrivent régulièrement.

De nombreux Anglais débarquent à Amiens

On est plus terrassier que soldat, car tous les jours et souvent la nuit, on creuse des tranchées et des chemins de repli.

 

(*) : Des blessés de la bataille de Morhange fin août 1914.

Le 18

Situation sans changement, nous sommes toujours près de l’ennemi qui ne veut pas être débusqué. Je vais aux pommes tous les jours.

Les compagnies voisines font quelques prisonniers.

Le sous-lieutenant, voulant reconnaître le terrain, est frappé d’une balle au ventre par une sentinelle française : Encore une méprise. Quelques petites escarmouches sans importance.

L’armée belge et les Anglais nous rejoignent. Ces derniers seraient 90.000.

Le bruit court que nous repartirons bientôt, peut-être à Paris, peut-être à Verdun que les Allemands tentent d’investir sans succès jusqu’à présent. Cela nous promet encore de rudes journées.

Le 20

Toujours dans les tranchées.

Hier, les Allemands ont tiré avec des mortiers de 270 et nous ont tué quelques hommes. Une demi-section a été enterrée. Quelques hommes sont retirés vivants. Les mitrailleurs ont particulièrement souffert.

Un caporal du 37ème est promu sous-lieutenant, médaille militaire, pour avoir, avec 15 volontaires, fait près de 400 prisonniers.

Proposé pour la légion d’honneur.

Le 21

Relevés vers 4h00 du matin par le 79ème.

Relève faite dans de très mauvaises conditions. Nos tranchées sont abandonnées depuis une heure quand le 79 arrive. Passé à Souastre, village plein de boire (?) où je vois quelques soldats du 156éme sans pouvoir me renseigner sur Didi (*).

Cantonnement à Saint-Amand où on ne trouve rien. Je trouve une livre de chocolat.

Le bruit court que les Allemands reculent au Nord et viennent d’évacuer Arras.

 

(*) : Il s’agit de son frère cadet MAGNIEN Jules Octave Valéri, 2e classe au 156e RI. Il a été déclaré disparu le 5 septembre 1914 à Crévic (54). Déclaré mort pour la France en novembre 1920. Sa fiche ici.

 

 

 

Son frère Jules MAGNIEN

 

Le 23

Les Allemands ont évacué Gommecourt. Nous sommes réserve.

Le bruit court que nous allons être envoyés sur Hazebrouck.

Bu du cidre doux, 0,15 litre. Revu MARNAT, retour d’hôpital. (*)

Mangé du cochon saignant avec l’équipe habituelle.

 

(*) : MARNAT Théophile, du 156e RI, sera tué quelques jours plus tard dans l’attaque de Monchy-les-Bois. Voir plus loin dans le récit.

Le 25

MARTIN part à l’infirmerie pour une journée à Saint-Amand. Pays plein de boire où je paye du cidre doux 0F25. Je trouve ½ litre de cognac 1F50.

Le 26

Cantonnement à La Cauchie.

Je trouve du lait, fais un bon chocolat plus deux livres de jambon frais 2F50 que je fais rôtir. Quelques cas de typhoïde au 79. Les pommes dérangent beaucoup.

Quant à moi, je me porte bien. Un cas de typhoïde chez nous.

Les habitants nous font bon accueil. Malheureusement, ils n’ont plus rien. Nous sommes à 70 kilomètres environ de Doullens. Perdu ma médaille.

Le 27

Relève des chasseurs à pied à Monchy.

Nous entrons dans les tranchées vers 8 heures du soir. Nuit calme. Attaque très vive le matin sans résultat.

Toute la journée, bombardement et fusillade. J’aperçois les boches pour la première fois. Nos renforts arrivent et sont reçus à coups d’obus.

 

Vers 1 heure et demie, attaque très vive sur notre droite.

Le 29

Le 156 revient vers 5 heures du matin nous renforcer, ce qui fait que nous sommes les uns sur les autres. Je demande après Didi mais je ne peux me faire renseigner.

 

Vers 3 heures du matin, voyant que la place manque pour passer la nuit qui s’annonce froide et pluvieuse, je quitte mon trou et me porte à la gauche de ma section.

À peine suis-je installé qu’un percutant arrive, tue 4 hommes dont le sergent PARISOT de Bar-sur–Aube et en blesse 3 autres à l’endroit exact que je viens de quitter.

C’est une veine car, de mes 4 voisins, aucun n’est épargné. BOILLETOT, braconnier (**), est blessé à la jambe et à la main, se réfugie auprès de moi, boit le reste de mon cidre et paraît souffrir beaucoup. Les brancardiers l’emportent la nuit arrivée.

J’hérite des chaussettes russes d’Hoffman de Troyes et d’une fourchette à découper.

 

(*) : Le seul PARIZOT tué à cette date (et à Monchy et du 156e RI) est le caporal PARIZOT Marceau Benjamin. Voir sa fiche.

 

(**) : BOILLETOT Ferdinand, blessé le 29/10/1914 à Monchy-aux-Bois, « plaie à la jambe gauche et à la main droite. » (Source : fiche matriculaire)

Cet individu est appelé « braconnier » par Gaston MAGNIEN.

Et il n’a pas tort, car suivant sa fiche matriculaire, il a été condamné plus de 20 fois pour vagabondage, mendicité, vols, pêches illicites, bris de clôtures, délits de chasse, braconnages, désertion…. Voir sa fiche très très longue ici.

 

Dans la nuit, violente attaque.

Nos artilleurs tirent sur la 9ème. Je cours au téléphone mais il a été déplacé pendant la nuit et je ne le trouve pas. J’apprends que la 9ème compagnie n’est pas revenue d’opérations.

Est-elle allée rejoindre la 7ème du 69 qui est cernée depuis environ la veille.

De nombreux morts sont allongés dans les champs sans sépulture ; Il y a du 30ème territorial et du 10ème de ligne.

Le 10ème corps est en liaison avec nous. Une attaque générale du pays me semble imminente.

La pluie recommence.

 

J’apprends par ADNOT de Bayel au 316ème (*) que Didi a été blessé à Crévic près de Lunéville : Blessure à la cuisse qui ne l’a pas empêché de rentrer au cantonnement avec un autre de Bayel également blessé. (**)

 

À 4 heures du soir, on entend une très forte canonnade au Nord vers Arras. Le canon tonne sans discontinuer ; À l’Ouest également, on entend les grosses pièces.

 

(*) : ADNOT Modeste, habitant Bayel (10), soldat au 316e régiment d’infanterie, plusieurs fois blessé, 2 fois cité pour acte de bravoure, a survécu à la guerre. Il était verrier à la cristallerie de Bayel qui existe toujours de nos jours.

 

(**) : En réalité Didi (MAGNIEN Jules) a été mortellement blessé et porté disparu. Sa fiche ici.

Le 31

Nuit calme.

Petite attaque au matin. BERNAUDAT qui veut poser culotte reçoit une balle dans la cuisse. Je le transporte avec DUPUY au bout du chemin de repli. J’en ai eu assez et je lui tiens compagnie jusqu’à l’arrivée des infirmiers.

Les Prussiens tiraillent toute la nuit.

On parle de nous relever, finalement c’est le 3ème bataillon qui part. (*)

 

(*) : Lui est du 1er bataillon.

1er novembre

Beau temps. Toujours quelques obus. Je dégote ½ litre de cognac.

Le 2

Le 155ème de Commercy arrive. Relevé par le 361ème territorial.

Couché à Berles-au-Bois.

2 novembre (date, en bleue, rajoutée volontairement au texte, pour une meilleure compréhension du récit)

 

Départ le lendemain pour Saulty, Gratz, La Herlière, La Cauchie, Pommier.

J’apprends que MARNAT est blessé légèrement à l’attaque de Monchy. La 7ème est toujours cernée ou prisonnière. 22 hommes seulement sont rentrés et 40 à 50 pour la 8ème. Des nouveaux renseignements, il paraitrait que la 7ème aurait pris le village sans coup férir.

Mal secondée par la 8ème qui serait arrivée avec 25 minutes de retard et par le 156ème qui n’aurait pas participé à l’attaque.

 

Nota : Le régiment a perdu près de 500 hommes en quelques jours.

 

Je vois GUICHARD de Bayel : Il paye une chope à 0,10 francs de bière du Nord, de la vraie bibine.

Ils partent ce soir pour Doullens où ils vont embarquer. Nous allons sans doute aller les rejoindre.

 

À signaler la frousse du capitaine qui, aussitôt l’ordre de relève, part avec la liaison sans s’occuper de ses hommes restés dans les tranchées.

Il parait qu’à chaque distribution, ce joli coco prend un ou deux litres d’eau de vie et le reste à proportions. Il n’est pas étonnant que les hommes soient si mal nourris car du haut en bas de l’échelle des gradés, il y a un gaspillage éhonté.

 

En me promenant dans Saulty à la recherche de pommes, j’apprends que Milpaul (*) est également disparu à Monchy-par-Foncquevillers. TOUCHE est blessé et en voie de guérison à Cherbourg.

J’apprends par ISMENT que DURIEU, TALLEMAND, SARRAZIN, MACHINOT sont tués, SAINT DIZIER blessé à la tête. (**)

Je vois DUCLOUX, vers le soir CHARLIER qui paye 2 gouttes.

 

 

(*) : Milpaul est un diminutif d’Émile GUIDON, soldat au 156e RI, natif de Lignol-le-Château (10), où il fût plus tard adjoint au maire. Il  fut fait prisonnier le 29/10/1914, puis interné à Munster. Voir sa fiche

(**) :

DURIEUX Charles, tué le 25 septembre à Carnoy (80). Sa fiche indique « soldat au 269e RI », c’est une erreur le 269e RI était à plus de 100km de Carnoy, tandis que le 69e RI y était. Voir sa fiche.

TALLEMENT Ernest, tué le 11 octobre 1914 à Hannescamps (62). Voir sa fiche.

SARRAZIN : Pas trouvé, l’orthographe est-elle exacte ? Voir la page du carnet présenté ci-dessous

MASCHINO Charles, tué le 11 octobre 1914 à Hannescamps (62). Voir sa fiche.

 

 

 

3 novembre

 

À 7 heures départ.

On passe à Avesnes–le-Comte à 9 heures du soir, ville qui parait coquette et très bien approvisionnée. On laisse Arras à la droite et on se dirige par une belle route vers Aubigny que l’on laisse pour aller loger dans un petit village dont j’ignore le nom et qui possède une sucrerie.

Arrivons vers minuit. On enfonce la porte pour coucher.

4 novembre

Le lendemain, on boit quelques cafés-goutte à 0francs15, de la bière amère et l’on fait cuire une côtelette. Beaucoup de champs de betteraves et nombreuses meules de grains (?) dans la région.

On entend le canon à quelque distance. Le bruit court que nous allons embarquer à Saint-Pol d’où nous sommes distants de 15 kilomètres pour se diriger vers Dunkerque.

 

(*) : MARNAT Théophile, du 156e RI, sera tué quelques jours plus tard dans l’attaque de Monchy-les-Bois. Voir sa fiche

Fiche qui indique Monchy dans la Somme. « Somme » qui a été rajouté par une autre personne (écriture différente) est une erreur, le JMO du régiment le confirme (attaque de Monchy et de Berles-au-Bois).

La même erreur se répète sur sa FM.

Le 5

Couché à Brias près St Pol après une marche de nuit effectuée sous la pluie.

Le chocolat fait chez le maréchal qui ferre les chevaux sans aide et très facilement grâce à un système très simple que je case dans ma bobine.

Où nous logeons, j’aperçois 5 vaches de race flandrine (flamande sans doute) qui donnent, me dit-on, 44 livres de beurre par semaine. Pigeonnier un peu trop rustique : Il n’y a pas de bâtiment et les cours de ferme et les écuries sont toujours tenues dans le même état de malpropreté.

 

La grande route qui conduit à Saint-Pol est très bien entretenue tandis que les chemins ruraux laissent fort à désirer. La culture qui est très facile (labour à 2 chevaux).Terres d’herbiers froides où l’emploi de scories doit donner de magnifiques résultats ?

Les habitants mettent très peu d’engrais, ils ne les connaissent encore que très peu. Il n’est pas étonnant que les rendements  n’atteignent que rarement 20 hectos à l’hectare. Terres à semer de bonne heure. Nourritures d’hiver du bétail : Choux raves et choux fourragers.  Location environ 50 francs l’hectare plus les impôts.

Très mal logés, ni écuries ni granges.

 

Embarquement à 7 heures du soir.

2000 camions sont en mouvement, voyageant toute la nuit.

Traversée de plusieurs petites villes qui paraissent coquettes. Toutes les routes pavées.

 

Arrivée à 7h00 du matin à Elverdinghe (Belgique), villages situé à quelques kilomètres d’Ypres et à 18 kilomètres de Dixmude. Pays très fertile. Route de Furnes très belle.

On entend le canon. Tombereaux à trois roues dont le système est à retenir et conviendrait parfaitement à celui qui attellerait des bœufs.

D’Elverdinghe, nous partons en direction du sud, passant un pays distant de Dunkerque de 43 kilomètres.

À quelque distance se trouve l’étang de Dickebusch d’une contenance de 100 hectares et qui alimente plusieurs villes en eau de source. Pour le moment, il est à sec.

On achète du vin ordinaire à 35 sous la bouteille. Bu 2 bouteilles entre 4. Bière assez bonne à 0 francs 25. Trouvé du tabac en quantité. Fait quelques commissions, gagne 20 sous.

 

Le soir, on patauge dans la boue.

Finalement, on couche toute la compagnie dans un grenier.

Le 8

On se dirige toujours vers le sud-est.

On campe dans un bois près d’un château à Vermezille (Voormezele, Belgique) où le commandant nous distribue à chacun une demi-bouteille de très bon vin. On part à la brune. Sommes à la sortie du village au sud-est d’Ypres. Un chasseur à pied est blessé derrière moi.

À minuit, on va camper dans un village, Saint-Éloi, bombardé où je couche sur un sommier dans une belle petite chambre.

 

Départ à 3 heures. Nous retournons au village voisin distant d’un kilomètre environ et nous logeons dans un grenier.

 

À 5 heures, on boit le jus, on mange la soupe. Quelques balles perdues blessent deux hommes près de nous.

On remonte au grenier.

 

À 8 heures, départ pour Dickebusch où je vois les Anglais jouer au ballon. On repart au château. On fait une petite halte, mais cette fois, on n’a pas de vin. On part pour l’attaque comme soutien. Une balle me frôle les oreilles.

 

Le soir, à la nuit, on avance sur la ligne. Couchés dans un bois, nous essuyons une vive fusillade. Les balles passent au-dessus de nous et ne nous font aucun mal.

On rentre au village, on se case comme l’on peut. Je couche sous un hangar et n’est pas trop mal.

Le 10 nov.

On regagne nos positions et on fait des tranchées toute la journée. L’artillerie allemande ne cesse de nous canonner.

 

Le soir, pluie violente qui gagne le trou où je suis couché : Départ précipité…

Je me fais un autre abri où je passe le reste de la nuit dans de très mauvaises conditions.

On boit le jus froid car les cuistots se sont égarés et en ont renversé un seau. On est très mal nourris : une portion de viande et un jus pour la journée, le tout, froid. Le pain arrive régulièrement.

Les 11 et 12

L’artillerie continue toujours à nous bombarder avec acharnement. On se fait des tranchées-abris. Les balles sifflent partout dans le bois et le temps est toujours aussi mauvais.

J’apprends qu’une compagnie allemande s’est présentée avec des mouchoirs blancs. Comme le truc est éventé, feu sur toute la ligne et le reste est fait prisonnier, 56 je crois, par les chasseurs à pied. Par contre, des tranchées ont été abandonnées par méprise et sans doute, il va falloir aller les reprendre.

Reçu une carte du « Cafard ».

Région giboyeuse où lièvres ainsi que faisans abondent.

Les 13 et 14

Nous nous portons en avant près du 4ème chasseur.

Temps affreux, on est trempé dans les tranchées. Un percutant tombe à 5 mètres de moi et brise ma pelle-bêche : Aucun blessé.

Les chasseurs se portent à la lisière du bois. J’aperçois deux hommes étendus, morts sans doute. Ils passent la nuit sous une pluie battante, sans abri. Nous autres, nous attendons le résultat de l’attaque.

Trois aéros allemands nous survolent continuellement. Les obus sifflent. Les fermes brûlent et le bétail erre par les champs.

La 3ème section qui se porte en soutien de la 6ème est placée en avant par cette dernière.

Les chasseurs se replient. Les Boches, par petits groupes se rassemblent pour l’attaque.

 

C’est à ce moment que la 3ème section commence son feu : Tir très meurtrier.

Les Boches, un moment désorientés par cette attaque imprévue, se reprennent et marchent résolument sur nos positions. Nos hommes tiennent bon et demandent du renfort à la 6ème qui refuse à 5 ou 6 reprises de leur en envoyer.

Pendant ce temps, l’attaque se poursuit avec la même violence. Le tir est très meurtrier. Personne, sauf un gradé, ne songe à se retirer, ce qui serait du reste impossible.

Ne pouvant venir à bout de ces 29 hommes, les Allemands amènent une mitrailleuse (la nôtre s’est repliée dès les premiers coups) et fusillent nos hommes par trois endroits à la fois ; S’excitant mutuellement en dépit de tout, les nôtres poursuivent un feu d’enfer.

Les Allemands, avec des forces 20 fois supérieures se terrent.

On ne tire qu’à coup sûr à 20 mètres environ. Dès qu’un ennemi se montre, il est descendu.

 

Finalement la nuit vient.

Notre section qui a 8 morts et 17 blessés profite de l’obscurité et rejoint nos lignes emmenant ses blessés. Les allemands se replient également à la faveur de la nuit.

Le capitaine de la 6ème affirme qu’aucun renfort ne lui a été demandé. Peut-être est-ce une négligence du service de liaison qui est du reste très mal fait. Il est regrettable que dans cette attaque aucun renfort ne soit arrivé car il ne serait pas resté un Allemand. Ces derniers perdent environ 200 hommes.

 

Pendant que cela se passait, les obus nous arrosaient copieusement.

MOUGEOT est blessé au mollet, PETITJEAN sergent, MAÎTRE, EIBLER caporaux, et quelques hommes de ma demi-section abandonnent leurs tranchées et s’enfuient à l’abri.

Je reste seul dans mon trou essuyant le feu d’artillerie le mieux réglé qui soit possible. Enfoncé dans mon trou qui est du reste très bien recouvert, je reçois ainsi une douzaine de gros percutants à quelques mètres de moi. Les éclats s’abattent en pluie autour de nous et la terre nous recouvre à chaque explosion. Je n’attrape encore rien sans avoir eu peur puisque je suis resté seul dans l’endroit le plus dangereux. Je reconnais cependant avoir passé là un mauvais quart d’heure.

Quand vous entendez l’obus qui arrive droit sur vous, le bruit qui redouble, qui arrive sur vous semble s’arrêter, puis la formidable explosion à vos côtés qui vous coupe la respiration, il y a un moment d’angoisse. Je ne dis pas peur car la peur se raisonne et l’on raisonne.

À peine le bruit de l’explosion a-t-il cessé que l’on respire, la confiance revient et l’on attend la deuxième représentation.

 

Nota : Du 11 au 14 novembre les pertes du régiment sont d’environ 180 hommes tués, blessés et disparus.

Le 15

Relevé à minuit par les chasseurs alpins.

Temps affreux. On rentre à Dickebusch (étang) à 4h00 du matin et l’on se couche tous dans le grenier de l’éclusier où l’on ne dort pas.

 

À 5h00 on boit le jus. On part.

On traverse Locre (Loker, Belgique) puis Westoutre où l’on arrive trempés dans une grange où on fait le jus.

 

Il est 2h00 de l’après-midi.

Je fais un potage avec MARTIN et JEANNOT (Louis André) et un bon beefsteak que j’ai conservé en viande fraîche dans mon bouteillon. Nous partons au village avec PASQUET.

On achète côtelettes et saucisse que l’on fait cuire chez le charcutier. Personnes très causantes : On boit 2 chopes, 2 cafés plus 2 bistouilles.

Le 16

On rentre au logis. Les sacs sont prêts.

Pendant notre absence, l’ordre est venu de se tenir prêts immédiatement. Cependant la nuit se passe. On boit un jus et on part. La pluie recommence. On n’a rien à manger.

Passage à Vlamertinge. On voit de nombreux Anglais venant renforcer leurs lignes. Les Belges réparent les routes qui, à part le milieu qui est bien sur 3 mètres environ, sont impraticables. Il y a un fleuve de boue de chaque côté.

On fait la grande halte dans un pré et sous une pluie froide. On boit un jus et la goutte. On jette la viande crue et on n’a rien sous la dent.

 

À la brume, on repart vers Elverdinghe. La classe 14 du 1er chasseurs arrive. Nous avions déjà vu les jeunes au 160 le matin.

Passage à Boesinghe (Boezinge). Les ambulances transportent de nombreux blessés. Nombreuses aussi sont les croix.

La canonnade redouble. On attend au milieu de la rue et sous la pluie un jus et un beefsteak qui n’arrivent pas.

Les obus tombent près de nous.

 

On repart et on traverse le canal de l’Yser qui me paraît très large et on gagne la ligne de chemin de fer. Marches et arrêts interminables sur la voie ferrée. Enfin, après maints obstacles et bains d pieds et de boue, l’on gagne nos tranchées.

Où sommes-nous ?…

Je l’ignore mais nous avons toujours marché au nord-est. Je crois que nous devons être à une dizaine de kilomètres de Dixmude qui est soit disant repris par les Boches. On essaie de dormir.

 

Au jour, pas de cuisiniers apportant la popote. Ils se sont sans doute égarés.

À part un repas pris le 16, on n’a pas mangé depuis le 14 au matin, sauf ceux qui comme moi avaient des provisions. Les maisons sont détruites et l’on ne voit personne.

Le 20

On cantonne à Woestem puis on repart à 4 kilomètres plus loin.

Malade comme un chien. Vais à la visite. On m’offre une purge que j’accepte de prendre.

Pendant les 4 jours où nous sommes restés dans les tranchées, nous n’avons eu que le dernier jour où nous avons été bombardés.

Le capitaine qui avait formellement défendu de quitter son poste, part au premier coup de canon en criant :

« Sauve qui peut ! ».

 

Je reste seul avec CYRRAND. J’ai fait du feu puis le jus et cuire une poule à qui j’avais tordu la vis…

Nous repartons pour les tranchées. Sommes près d’un village dévasté. Après une marche de 20 kilomètres où je suis toujours malade, nous arrivons aux tranchées.

Relève interminable.

Je trouve un couteau. Pas d’abri, pas de paille, la pluie commence à tomber.

Le 25

À peine sommes-nous installés qu’IMBERT est tué dans la tranchée. (*)

 

Vers 2 heures, bombardement effrayant. GOSSELIN est grièvement blessé aux reins et se plaint continuellement.

Rien dans le ventre et toujours des coliques.

Vivement la relève…. !

 

(*) : HUMBERT Lucien, mort pour la France le 26/11/1914 à Langemarck. Voir sa fiche

Le 26

PASQUOT reçoit une balle dans la tête, laissé pour mort une demi-journée. Je m’aperçois qu’il respire encore. Aidé d’un camarade, je le relève, lui fais un pansement. Sa respiration paraît très bonne vu l’état et les brancardiers l’emportent. En réchappera-t-il ? (*)

GOSSELIN est mort (**). PICHON reçoit un éclat d’obus qui lui frappe le bras.

On se chauffe un café. Les baraques éboulent et on est continuellement occupés à les refaire.

 

(*) : Le caporal PASCAUD Jules Henri mourra suite de ses blessure le 26/11/1914 à Langemarck. Voir sa fiche.

(**) : GOSSELIN Louis Auguste, mort pour la France le 22/11/1914 à Boesinghe. Voir sa fiche

Le 27

Même journée.

On crie toujours après les cuisiniers qui ne nous font rien à manger. Je suis toujours malade.

Le 28

Reçu une carte de Marie Christophe.

Très violente canonnade qui dure toute la journée. Personne d’atteint. LÉGER est couvert de terre. La « baraque » éboulée, il n’y a aucun mal et l’obus a éclaté à un mètre de lui et a tué deux de nous.

Le 1er décembre

Relevés par le 153.

Le lieutenant PEIFFER est grièvement blessé d’une balle au ventre pendant cette relève.

Toujours malade.

2 3 et 4 décembre

Passe cuisinier.

Nous sommes cantonnés à Woesten.

Nous partons pour Langemark en première ligne encore une fois. Nous attendons interminablement dans la nuit. Lassés d’attendre, les cuisiniers s’en vont et je dégote une petite maison où l’on va être très bien. Pommes de terre en abondance et aussi charbon.

Si les obus nous laissent tranquilles, la relève se passera bien, je pense. Je vais mieux depuis que je fais la cuisine.

 

Le 4, j’ai touché 20 Francs de la poste sans avoir reçu de mandat. Je suppose qu’il aura été égaré et que la poste a eu connaissance de cela. Cet argent provient sans doute de Raymond MARIOT.

Le 12

Toujours la même chose : On porte la soupe dans l’eau et dans la boue. Je furète dans le patelin où je dégote tout de même bière et haricots verts. Petite relève.

Je tue un cochon avec BOUREL. Relève à Boesinghe. Les bleus arrivent et je leur fais un café soigné.

 

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Le soir, je prends une cuite avec BOURET et nous rejoignons la compagnie à 2 heures du matin avec du vent dans les voiles.

Le 13

SAUNIER qui était parti devant la veille pour reconnaître les emplacements se trompe le matin et ne retrouve plus nos tranchées. Tous deux, nous cherchons la section.

À un certain moment, je trouve les fils de fer des Boches et j’invite SAUNIER à revenir en arrière. Nous nous dirigeons vers une petite ferme que je suppose occupée par les français. À quelques mètres, la fusillade éclate : Nous sommes en plein chez les Boches.

Fuite éperdue sans lâcher la soupe. Finalement, nous retrouvons les nôtres qui sont à 20 mètres des Boches….Il faut faire attention !

Le 14

Je tue un nouveau cochon.

Nous revenons pour deux jours en deuxième ligne. Là, c’est bien facile.

15 et 16

Toujours la même chose.

Le 17

Le 3ème bataillon attaque à 7h00 du matin. Il gagne environ 700 mètres et fait plus de 100 prisonniers. Par contre, la 12ème est à moitié anéantie et la 9ème disparaît. Son capitaine est tué.

Nous sommes toujours à la même place voilà 6 jours et nous allons sans doute être relevés.

 

Nota : Le régiment perd ce jour environ 150 hommes.

Le 18

Pas de nouvelle de 3 à 5 heures.

Duel d’artillerie formidable. Une génisse tombe à l’eau dans un trou de percutant. J’essaie mais en vain de la retirer avec MATHIS, BOURET, VIOLET et MEZELARD.

Finalement, nous la laissons à son malheureux sort.

19 et 20

En première ligne. Bombardement très violent.

Le premier bataillon attaque vers 1h1/2 le tantôt et subit le feu des mitrailleuses : Forcé d’arrêter.

Le 21

Relève à Woesten.

On marche la moitié de la nuit avec TESSEREAU. On boit quelques bouteilles.

Une attaque générale sur tout le front est imminente. Je reçois encore 8 bleus à la section. Pendant la relève que je passe chez de braves gens que j’aide de mon mieux, j’essaie d’écorcher quelques mots de flamand.

Grâce au professeur Marguerite, les progrès sont rapides.

Le 23

On retourne à Langemark où on traîne dans les ruines et le 24, on mène 250 bouteilles qui font 22,50 à Boezinge. On ramène 12 bouteilles et on fait la fête.

 

Le soir, dispute…

Je dresse MATHIS, VIOLET et LEFÈVRE qui n’ont pas fait à manger ; Ils sont relevés. Je demande à l’être également mais on ne veut pas en entendre parler.

Le 25

MONNEL est blessé grièvement ainsi que deux bleus. À peine rentré de porter la soupe, une bombe tombe dans la tranchée et met 8 hommes hors de combat.

Les Boches lancent des grenades.

Le 26

MONNEL est mort. (*)

LÉGER est blessé au côté gauche ainsi qu’un autre bleu au pouce par un obus français qui éclate dans notre tranchée. Les Boches sont à 25 mètres.

En portant la soupe, on se fait saluer (**) et VINCENT nous prévient d’avoir à nous sauver vivement dans nos cuisines, les Allemands s’avançant à droite de Langemark.

Ils se contentent de relever et l’attaque n’a pas lieu.

 

(*) : MONNEL Louis Célestin mort pour la France à Langemarck. Voir sa fiche.

(**) : Ils portent la soupe en tranchées, ils se font « saluer » par les obus et les balles allemandes.

Le 27

Toujours la même chose ; Relève à Pilkens (?) 2 jours ; Je me dispute avec un lieutenant de la 6ème qui a pris mes couvertures.

On va à Boezinge avec BOURET et MARTIN. Je rencontre CHARLIER qui sort de l’infirmerie.

Il m’apprend que DUCLOUX a été blessé il y a 6 semaines. (*)

 

 

(*) : Un certain DUCLOUX Jules Edmond, vigneron à Bar-sur-Aube (10), du régiment de Toul et Nancy (comme Louis MAGNIEN), a été blessé le 17 novembre 1914. C’est certainement lui. Voir sa fiche. (Sur 4 pages)

Le 29

On repart pour Langemark où la compagnie est logée dans le village : c’est le rêve pour nous.

Le 31

Toujours la même chose.

Violente altercation au sujet du vin que les hommes nous accusent d’avoir bu, ce qui n’est pas vrai, BOURET en ayant renversé environ 2 litres.

En vue du nouvel an distribution abondante qui nécessite 3 hommes.

Janvier 1915

À minuit, MATHIS, SAUNIER et BOURET montent les distributions qui comprennent par homme et en supplément : ½ litre de vin, ¼ de litre de Champagne, une pomme, une orange, un cigare, une tranche de jambon.

Le 2 janvier

À minuit et demi environ, les Boches attaquent vigoureusement, sans succès d’ailleurs.

Depuis hier, l’artillerie allemande redouble d’activité. Un obus est tombé sur l’infirmerie à Boesinghe tuant un homme et faisant deux blessés : C’est là les étrennes allemandes.

Je vais à Langemark à la salade et aux choumettes ou choux de Bruxelles et je me fais copieusement bombarder. Voilà 3 jours que je suis enrhumé avec un violent mal de gorge.

 

À 4 heures ce soir, un éclat d’obus de 105 est venu toquer à notre fenêtre. Beaucoup d’obus qui nous sont destinés n’éclatent pas en arrivant, ce qui n’est pas malheureux car s’ils éclataient tous, je crois que nous en aurions reçu quelques éclats.

Relève à 6h du soir pour Boesinghe.

Le 3

Aperçois le 3ème bataillon du 156.

Fais la cuisine devant la porte dans une espèce de petit réduit ouvert à tous les vents. Nous buvons le café le soir chez nos voisins dont le père a été très longtemps en France lever les bois de mine pour Courrières. (*)

 

Une jolie fille dans la famille (Léonie qui pourrait passer pour une beauté) est assez bien avec moi, malheureusement elle ne comprend pas le français et notre conversation est forcément fort restreinte.

Elle fait de la dentelle du matin au soir sur un métier spécial et peut ainsi gagner ses 20 sous par jour ce qui est beau pour la Belgique.

Le bruit court que nous allons rentrer en France. C’est sans doute encore un canard.

 

(*) : Courrières est une commune du Pas-de-Calais.

Elle était encore dans toutes les mémoires des Français de cette époque à cause de la catastrophe minière, en 1906, la plus importante de tous les temps (en Europe) qui a fait plus de mille morts. 13 rescapés était sortis seuls de la mine au bout de 14 jours, alors que les recherches étaient abandonnées trois jours après l’explosion. La catastrophe provoque une crise politique et un très dur mouvement social qui débouchent sur l'instauration (au moins) du repos hebdomadaire.

Du 3 au 10

Nous sommes dans les tranchées près Langemarck. De la boue, de l’eau toujours et des shrapnels encore. Je furète toujours par le patelin. On boit souvent un coup et je vais à Boesinghe tous les jours avec BOURÉ.

Je fais la cour à Léonie que je trouve de plus en plus gracieuse. Décidément je deviens « zot liefde » (amour fou en néerlandais). Je prends 4 civils avec MATHIS que j’ai tout lieu de considérer comme espions.

Puisque le soir ils sont toujours surveillés et gardés baïonnette au canon.

 

« Quel âge avez-vous »

Cette inscription en flamand dans son carnet fait penser qu’il voulait vraiment entretenir la discussion avec Léonie

 

Le 11

Relève par le 26 : départ par un temps abominable.

Je passe à Boesinghe et je rends ma visite à Léonie. J’arrive trempé au Lion Belge. Je retourne chez Marguerite que je fais relever pour m’ouvrir la porte.

Je passe le reste de la nuit pas mal avec SAUNIER, MATHIS, MARTIN et PASQUOT qui viennent nous retrouver à 5h du matin.

Le 12

On fait la cuisine chez Margaretha et le tantôt on fait le potin. Les hommes ayant trouvé un peu de suie qui était tombée dans les 3 pots. On se dispute et je ne veux plus faire la soupe.

Comme je ne suis pas prêt, ma capote étant trempée, je compte que mon stage de cuisinier finit demain et je n’en suis pas fâché car je reconnais maintenant qu’il est impossible de contenter ces messieurs. Ils savent bien manger les mets supplémentaires que je leur fournissais à force d’ingéniosité et à titre gratis mais qu’une fois dans un mois il se trouve une pelure d’orange dans la salade on ne vous le pardonne pas.

Mes voyages à Boesinghe, la gaîté que je montre et qui ne m’a encore pas quitté, tout cela provoque une jalousie qui vient en fin de se démasquer.

Eh, bien, s’ils veulent rire, on rira !

Le 16

Calme sur toute la ligne. Des shrapnels mais peu ou point de balles. Langemarck est autant dire anéanti.

Le 17

Relève à Boesinghe.

Les Allemands ont bombardé l’église qui est déjà bien endommagée. Les communs du château brûlent. Nous y allons au bois avec BOURÉE. Nous logeons chez Léonie naturellement, la compagnie dans une ferme à 1 800 mètre environ. Difficile pour porter la soupe. SAUNIER prend un bain.

On va chez Jules LEDYN à Langemarck dont la maison est anéantie.

 

J’écris à Germaine et lui demande des nouvelles de Jeanne. Je reçois en même temps une lettre de Marcelle qui a été très longtemps à me répondre.

Les progrès en langue flamande n’avancent pas beaucoup. Par contre, plus j’étudie le caractère à Léonie, plus j’ai la conviction qu’elle est franche et qu’elle ignore toutes les roueries et les bas-calculs.

C’est dommage que cela soit trop pensé, puis qui sait !

Le 21

Les Allemands bombardent Boesinghe, blessent 3 ou 4 personnes, des militaires.

Pour moi, toujours la même chose. Demain on retourne aux tranchées.

Du 21 au 29

Toujours pareil. Je deviens plus en plus « Zot lief de ».

On cantonne 3 jours à Woesten chez Marguerite.

Le 3ème jour on apprend que l’on part pour une destination inconnue. J’ai le cafard. Je n’y tiens plus et accompagné de BOURET je vais à Boesinghe dire au revoir à Léonie.

La famille étant toute rassemblée, je n’ose l’embrasser et j’abrège ma visite mais je promets de lui écrire.

Février 1915 :

Le 1er

On part à 3h du matin et l’on arrive après bien des détours à Proven à 5 km de Poperinge. On n’est pas mal logé. J’écris au père LAMBERT et à Léonie.

Une piqûre de sérum contre la typhoïde me rend un peu malade. COMANCHE et DROUOT font la cuisine en attendant mon rétablissement. JEANNOT et MARTIN sont très malades.

Revue. Le sergent-major de la 6ème est tué par un éclat d’obus français tiré sur un aéroplane.

Revue par le Général JOFFRE.

Félicitations, etc….

Du 4 au 9

Toujours à la même place.

J’écris à MOUGEOT pour avoir une permission de battage, le gouvernement ayant l’intention de faire battre tout ce qui reste le plus rapidement possible.

6 hommes du 26ème sont fusillés au petit jour. Ils auraient refusé d’aller aux tranchées.

On va se faire vacciner contre typhoïde pour la 2ème fois. Des renforts très importants arrivent incessamment. C’est le 16ème corps. Les Anglais posent des lignes téléphoniques et se renforcent considérablement.

 

(*) : 6 soldats ont bien été fusillés à Proven (Belgique), mais le 10 février, et il ne s’agit pas de soldats du 26e RI comme l’écrit Louis MAGNIEN. Il n’y a pas eu d’autres exécutions de 6 soldats dans ce secteur en février 1915.

 

RICOUART Ernest Albert, 10/02/1915, sa fiche. Sa fiche

PAZAT Jean Edgard, 3e bataillon de marche d’infanterie d’Afrique. Sa fiche

GOANACH Yves, 3e bataillon de marche d’infanterie d’Afrique. Sa fiche

DESPHELIPPON Julien, 3e bataillon de marche d’infanterie d’Afrique. Sa fiche

BOULET Paul Fernand, 3e bataillon de marche d’infanterie d’Afrique. Sa fiche

CARMENEN Henri Joseph, 3e bataillon de marche d’infanterie d’Afrique. Sa fiche

Il y est indiqué « tué à l’ennemi » sur la fiche. C’est une erreur, il a bien été fusillé aussi à Proven. Lire le procès-verbal de son exécution, ici.

Le 10

Nous restons à Proven où nous sommes vaccinés 2 fois contre la typhoïde ce qui en rend beaucoup d’entre nous très malades. Nous qui comptions rester encore une dizaine de jours, sommes expédiés sans préambule à Woesten où nous restons 4 jours.

N’ayant pas de nouvelles de Mlle LAMBERT je pars un soir et j’arrive à Boesinghe. J’apprends que Léonie est tombée gravement malade le 2 février et qu’elle est depuis 2 ou 3 jours hors de danger.

Je vais la voir.

Elle me reconnaît et il me semble qu’elle est contente de me voir. Je couche et le lendemain je retourne au cantonnement où j’apprends que nous partons à Saint Julien.

Cette nouvelle me rend joyeux et c’est de bon cœur que je quitte Woesten.

Passe à Brielen, Ypres qui est occupé par les Anglais. Saint-Jean puis Saint-Julien. On fait la cuisine à 5 kilomètres des tranchées et ça n’arrête pas de tirailler. Qu’elle corvée 2 fois par jour !

Le jour, je vais à Langemarck, avec BOURET, puis à Boesinghe où je rends toujours visite à Léonie qui me semble bien faible.

Le 24

Les 4 jours se passent ainsi et c’est éreinté que nous allons en repos à Proven.

Là, à peine arrivés, SOULAT se casse la jambe.

 

Le soir, on nous vaccine contre la typhoïde et c’est un peu malade que je vais coucher à Boesinghe. Léonie se lève une heure par jour. Qu’elle est pâle et maigre !

C’est jeune, ça se remettra !...

 

3 jours de repos. Nous repartons à Saint-Julien. Je monte le soir reconnaître les tranchées qui sont encore plus loin, plus sales et plus dangereuses que la 1ère fois. Les balles sifflent.

Il fait clair de lune, les boches nous voient. Je monte la soupe accompagnée des trainards de la veille parmi lesquels JEANNOT et MARTIN. Les balles sifflent, un cuisinier de la 7ème reçoit une balle dans le ventre, son camarade se sauve et il rentre seul à Saint-Julien.

 

Pendant ce temps, LEFÈVRE en chahutant tombe le côté sur une chaise et se blesse grièvement. Il souffre beaucoup. Nous allons au poste de secours et immédiatement une voiture l’emmène à Vitels où se trouve le major en chef. Est-il gravement blessé ? Je n’en sais rien mais j’en ai peur.

1er mars

Journée fatale pour notre section.

ANDT, JEANNOT, L’HOMELET, GOYAU, MALHAIRE sont tués. (*)

JEANNOT et ANDT par commotion, les autres broyés. Les boches ont lancé plus de 100 obus sur notre tranchée. LUNARET a le bras coupé (**). DEBOUIS est atteint grièvement aux 4 membres (***).

BROSSIAT est emporté après avoir râlé toute la soirée. Peut-être en réchappera-t-il ?

BAL et DELVAUX sont enterrés vivants et dégagés à grand peine.

Tout le monde, est démoralisé. Le capitaine demande la relève mais le commandant refuse.

 

(*) :

ANDT Jean Émile, mort pour la France le 1er mars à Strombeck. Voir sa fiche.

JEANNOT Louis André, mort pour la France le 1er mars à Strombeck. Voir sa fiche.

L’HOMMELET Jean Marie, mort pour la France le 1er mars à Strombeck. Voir sa fiche.

GOYAU Jules Adolphe, mort pour la France le 1er mars à Strombeck. Voir sa fiche.

MALHAIRE Fernand Désiré, mort pour la France le 1er mars à Strombeck. Voir sa fiche.

(**) : LUNARET Julien Pierre Marie, mort pour la France le 1er mars à strombeck. Voir sa fiche.

(***) : DEBOUIS Émile Alexandre, mort pour la France le 1er mars à Strombeck. Voir sa fiche.

Le 2 mars

LEFÈVRE est toujours là.

Un homme de garde est tué à Saint-Julien près de notre maison. 3 cuisiniers de la 7ème sont grièvement blessés par l’explosion d’une gargousse.

Le moral de notre section remonte. pas de blessé chez nous. La 1ère et la 4ème section en ont 3 ou 4, aucun tué.

Le 3 mars

Je fais des croix pour nos morts qui sont enterrés dans la tranchée.

Le bombardement continue toujours. La 7ème essuie le feu des mortiers dès les 4 heures du matin.

 

Ce soir, relève à Woesten. Passé par Ypres. Forte attaque sur Saint-Éloi.

Le 5 mars

On va voir Marguerite et je ne puis décider son frère à partir en France, faire notre semaille. Pendant cette relève je vais 2 fois à Boesinghe. Léonie se remet bien vite et la dernière fois se plaint de la tête.

De nombreux décès parmi les civils, principalement jeunes filles et jeunes femmes. On nous dit que le 26 a été encore plus brisé que nous et qu’il a 80 hommes hors combat.

Tous les jours, il y a attaque jusqu’à présent sans résultat.

Le 7 mars

Ce soir, on retourne aux tranchées.

Pendant ces 4 jours de tranchées on est relativement tranquille.

Je vais une fois à Boesinghe. MATHIS et CHARLES vont à Ypres et ramènent une cuite, MATHIS remonte aux tranchées et est remplacé par DUFOUR.

La nourriture manque et les hommes recommencent à râler.

Le 11 :

Relève entre Saint-Jean et Boesinghe dans une ferme importante où une installation mécanique est bien comprise. Moteur horizontal dont j’ignore la marque, Ecrémeuse Personne.

Moulin à farine. Le patron a été fusillé comme espion.

 

Je descends le soir voir Léonie qui va toujours de mieux en mieux.

Je passe une agréable soirée et rentre à 8 heures du matin. Reçois un paquet de VACHEROT contenant 2 serviettes, 1 fiole vin blanc que je donne à Léonie, quelques raies de chocolat. Des attaques ont eu lieu à Langemarck et ont été repoussées.

Du 7 au 15 mars

C’est toujours la même chose.

A la suite d’une violente discussion, je demande à être relevé et c’est FRICOT qui me remplace. (*)

Courbatures.

 

(*) : Il aurait peut-être pas dû « démissionner » de sa fonction en cuisines, qui était théoriquement moins dangereuse que le soldat en premières lignes…

Le 17 mars

Je monte la soupe une dernière fois et je descends devant la compagnie. Je suis bien reçu à Boesinghe et passe là toute la journée.

Relève à Elverdinghe.

Du 18 au 22 mars

Tous les soirs je vais chez Léonie et je demande au père LAMBERT ce qu’il pense de mes visites quotidiennes.

Remue – ménage.

La mère surtout s’explique mais je ne puis rien comprendre. Léonie se tient sur la réserve mais semble touchée.

Je vois de la joie dans le fond de ses yeux et c’est presque content que je reprends le chemin des tranchées.

Le 23

Relève à 8 h du soir, arrivée à 1h du matin.

Pas de balles ni d’obus. Les Anglais attaquent sur notre droite de plus en plus violemment. Prends mon tour de garde, je tombe subitement sans connaissance. Mes camarades me ramassent ; je reprends la garde à 8h sans me sentir de rien.

Une balle passant entre l’oreille et la tête a frôlé un peu violemment la tête et cela a suffi pour me faire tomber.

Cependant, je n’ai rien senti. J’ai juste une éraflure derrière l’oreille.

Du 27 au 31

Relève près Saint-Jean.

Je vais 3 fois à Boesinghe.

Léonie, à qui je demande ce que son père pense, me dit qu’il ne dit rien et elle m’engage à revenir. Cependant, elle me semble plus réservée.

De mon côté, je crois que mes feux sont jetés et je ne me fais pas beaucoup de bile de son semblant d’indifférence.

 

Personne chez nous pour les semailles.

Je vais à Woesten et ne peut décider le frère à Marguerite à partir chez nous. Très bien reçu dans cette maison.

Je repasse chez Léonie. Je bois un jus et je remonte à 6h.

On doit partir.

Le 31

On remonte aux tranchées, les gros obus se font entendre mais la relève s’effectue admirablement par un clair de lune superbe, nous n’avons aucune balle.

Tranquillité absolue.

Le commandant passe à minuit dans nos tranchées. Je reçois une lettre des demoiselles de Villiers où à l’occasion de Pâques, elles m’expédient un colis. J’attends avec impatience ce qu’elles ont pu me mettre.

Avril 1915:

Le 3

Journée tranquille.

Vers les 6 heures, la 8ème lance 50 obus sur une tranchée boche à 100 mètre de nous.

J’ignore s’il y avait du monde toujours est-il qu’en prévision d’une riposte qui du reste ne tarde pas, on fait évacuer les tranchées à la 3ème et 4ème section. Les Allemands envoient une douzaine d’obus avec précision.

Les nôtres qui sont réfugiés à la 8ème ont 2 ou 3 blessés, légèrement blessés à cette compagnie.

Du 4 au 8

Relève à Woesten.

Vais voir Léonie qui me semble bien froide. De mon côté je crois être moins entiché. Je n’y vais qu’une fois en 4 jours et ne peux y repasser faute à HYEBLIN qui me surveille ce qui a le don de me foutre en colère.

D’abord, j’ai fait la bombe avec GRUMEVALD et REISS et mangé mon mandat.

Reçu un petit colis des demoiselles de Villiers.

Mesdemoiselles JEANNOT m’écrivent toutes deux et m’envoient des éloges qui me rendent honteux.

Je ne les mérite pas.

Le 9

Relève, très fatigué.

Les cuisiniers oublient notre barbaque et nous nous « bombons » de nourriture et de café. Je réponds aux demoiselles JEANNOT et je leur demande leurs photos.

Que vont-elles penser ?

Le 10

Les cuisiniers nous oublient encore pour les légumes et je rouspète.

Toute la nuit on est en corvée et l’on porte cela à la 8ème.

On rentre à 2 heures du matin. Je commence à avoir faim. On a bien ce qu’il faut pour faire à manger mais les cuisiniers font la soupe trop loin et ne viennent qu’une fois par jour ce qui fait que l’on est mal nourri.

Le 11

Les lièvres, étant en plein bouguinage se baladent près de nos tranchées. J’en tue un à 40 mètres, un autre à 100 mètres et j’en blesse grièvement un à 120 mètres environ mais je ne puis le retrouver.

Le 13

Relève par le 26 pour la dernière fois.

On doit paraît-il repartir en France. Je fais cuire mes lièvres et fais un bon gueuleton.

 

Après je vais voir Léonie.

Je lui dis que je vais partir et elle me laisse en carafe pour aller se coucher. Elle est du reste un peu malade. Cet accès de colère ne m’émeut pas beaucoup et je bois le café d’un bon cœur.

Le 13 au 15

Nous sommes cantonnés près Boesinghe. Je retourne chez LAMBERT. Léonie est revenue de sa colère de la veille.

A mon tour, je me tiens sur la réserve.

 

Le 15 au soir, je rentre pour l’appel.

Ordre est donné de monter les sacs. Je retourne chez Léonie. Bois un jus et dis un au revoir définitif presque avec indifférence. Léonie affecte de paraître calme et cependant quel regard en me quittant. J’en suis tout de même émotionné.

Cette idylle est-elle terminée ? Après un moment de folles échappées sombrera-t-elle dans l’indifférence ? Je le crois et cela m’attriste un peu. Cependant je n’ai rien à me reprocher d’une grande loyauté. Je ne pouvais pas aller plus loin sans risquer de passer pour poire. Tant pis pour eux s’ils n’ont pas vu clair.

Je ne regrette absolument rien et conserverai toujours un souvenir attendri de ce roman sitôt fini qu’ébauché.

Le 16

Départ à 4 heures du matin.

Revois Marguerite et sa sœur à qui je dis au revoir.

Embarquement à Woesten. Passé à Roesbrugge, très joli village, West-Cappel, Houtkerque où l’on cantonne.

Où irons-nous ?

C’est le secret de demain.

Le 17

Marche de 18 kilomètres.

On embarque à Cassel. 3 jours de vivres.

De Cassel, on aperçoit le Mont (*) où se trouvent des trappistes. Voyage toute la nuit, entassés comme des harengs.

 

(*) : Certainement le Mont des Cats.

Le 18

On arrive à Anvin, Pas-de-Calais, d’où l’on gagne Conteville où l’on cantonne.

On repart demain.

Le 19

POSTE part comme lieutenant pour instruire les bleus. Il laisse  15 francs pour boire ¼ de vin. Nous passons la revue par le commandant qui nous prévient que nous allons reprendre les tranchées ce soir au demain.

Nous devons embarquer ce soir, pour où je l’ignore.

On embarque à Lautricourt à 7 heures du soir.

Traversée de Saint-Pol, ville montueuse et l’on débarque à 11 kilomètres d’Arras. On se rend à Mareuil où l’on cantonne. 10 000 hommes sont là à 4 kilomètres des lignes et il en arrive toujours.

Le 20

Une grande bataille est imminente.

Le 21

Le 1er bataillon prend les tranchées.

 

(*) : Le 1e bataillon va « relever un bataillon du 71eRI dans les tranchées au nord d’Écurie, à l’ouest de la route Arras-Lille » (JMO).

Le 23

Aperçois PERARD, LAMOUSSE, ALERDE et SERRIER.

Bois un coup le soir avec GRUMEVALD.

Le soir, nous montons aux tranchées qui sont très confortables. Près de là se trouve Écurie, village qui est très dévasté mais cependant pas brisé comme Langemarck.

Un canon de 75 éclate à Mareuil et fait 2 tués, 2 blessés.

Reçois 20 francs de Marie Christophe.

Le bruit court que Boesinghe est repris. Renseignements pris, les Allemands ayant avancé jusqu’à Luzerne auraient fait 1500 prisonniers et 16 pièces de canon. Contre-attaque, ils auraient légèrement reculé.

Qu’est devenue Léonie dans ce cataclysme ? Je crois qu’elle aurait dû fuir aussi.

Du 24 au 26

En première ligne tranchées confortables et très profondes. Le génie creuse 14 trous de sape pour nous faire dégager au moment de l’attaque sur les lignes allemandes.

Du 27 au 7 mai

En repos à Izel-les Hameaux.

On va en autobus faire des tranchées. De grands préparatifs sont faits en vue de l’attaque. Espérons dans le succès. J’ai confiance et espère bien m’en tirer.

Partirons sûrement ce soir.

 

 

Fin du récit sur cette phrase

 

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Le 19 juin 1915, Gaston MAGNIEN, 2e classe, est cité à l'ordre de la 10e armée :

S’est porté bravement comme grenadier à l’assaut d’une tranchée allemande et en a franchi le premier le parapet. A été tué en s’écriant « Allons camarades, en avant à la baïonnette. »

 

 

 

JMO du 19 juin 1915

 

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Louis Gaston est blessé mortellement le 11 mai à Neuville-Saint-Vaast (62).

Il reçoit la médaille militaire à titre posthume :

 

69ème régiment d’infanterie ; Par arrêté du 29 septembre 1919, rendu en application des décrets du 13 août 1914 et 1er octobre 1918 publiés au Journal Officiel du 7 novembre 1919, la médaille militaire a été attribuée à la mémoire du soldat MAGNIEN Louis Émile Gaston, matricule 010429,

Mort pour la France :

« Brave soldat. Blessé mortellement à son poste de combat le 11 mai 1915 devant Neuville Saint Vaast. Croix de guerre avec étoile de bronze. »

 

A Nancy, le 30 décembre 1919.

Le colonel FRAY commandant le 69ème RI

 

 

    

 

 

Ce qui s’est passé à Gommecourt en compagnie des soldats que je connais particulièrement

 

 

NEUGELEN - Alsacien – légionnaire – Balle - Tué

MELAY - Paris – Balle - Blessé

TEXIER – Paris – Obus - Blessé

ROULLIER – Frère - Blessé par méprise –Balle - Blessé

VERIDEN - Tué

HARDY - Dourdan, cultivateur haricots - Blessé aux jambes

BERNAUDAT – Estissac - Blessé aux cuisses

MOUGEOT – Landreville - Blessé

 

 

Lieux

Noms

Domicile

 

Gommecourt

NEUGUELEN

Alsacien

Tué

Gommecourt

VEREDENNE

Paris

Tué

Gommecourt

TEXIER

Paris

Blessé

Gommecourt

MELAY

Paris

Blessé

Gommecourt

ROULLIER

Paris

Blessé

Gommecourt

HARDY

Dourdan

Blessé

Monchy

BERNAUDAT

Estissac

Blessé

CLOVAREC

Paris

Blessé

 

Émile GUIDON

Lignol

Disparu

 

MARNAT ALEXIS

Rouvres

Blessé

 

MACHINOT

Paris

Tué

 

DURIEUX

Paris

Tué

 

SARRAZIN

Paris

Tué

 

GODART Capitaine

 

Blessé

 

ROBERT Lieutenant

 

Tué

 

TUTAINE Adjudant

 

Blessé grièvement

MOUGEOT

Landreville

Blessé

 

PIERRON

 

Tué

 

SIMON

 

Tué

 

LECLERC

 

Tué

 

IMBERT

Jarville

Tué

 

GOSSELIN

Paris

Blessé mort

 

PASQUAT

Paris

Blessé

 

PICHON

Paris

Blessé

 

MARTY Ingénieur

habitant Russie

Tué

 

ROBERT

Bourget

Tué

 

CAMILLEBOIS

 

Blessé

 

Léger

 

Blessé

 

MAUREL

 

mort

 

 

 

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Il est inhumé à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette (62)

 

Description : Description : Description : Description : C:\1418\1418\carnet de guerre bruts\Magnien\d0004 - Copie.JPG

 

 

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