Mise à jour : février
2021
MARCOUIRE Roger
est né en août 1896 à Vincennes. À ses 20 ans, étudiant en médecine, il est
incorporé le 1e septembre 1916 au 33e régiment d’infanterie de Bellac (85) au
sein duquel il fait sa formation. Il part aux armées en avril 1917 et intègre
le 72e RI en juillet 1917…et la suite vous le découvrirez en lisant ses
écrits.
J’ai ajouté du
texte en bleu pour la compréhension de certains termes et
pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.
Merci à Dominique
pour le carnet de son grand-père.
Merci à Isabelle,
Martine, Marlène, Bernard pour la retranscription du carnet.
Merci aussi à
Philippe pour la relecture et corrections d’erreurs diverses.
Incorporation :
1er septembre 1916. 33e d’infanterie à Bellac. Ville triste sans amusements.
Existence assez
monotone.
Petite fête donnée
par le 33e.
Je m’exerce au talent
d’acteur. Je fais le rôle d’huissier Dans « un client sérieux ».
Beaucoup de promesses, Entre autres, une permission de 48h que je n’ai pas eue.
Je me suis bien amusé dans ces trois « représentations ».
Artistes
d’occasion, nous avons fait quelques gaffes. Beaucoup de mal pour reprendre le
cours de la pièce.
Voyage à Limoges.
Limoges est une
ville charmante, mais malheureusement je laisse mes finances à Bellac. Très ennuyeux
d’être sans le sous dans une grande ville ou pendant ces quelques jours
j’aurais pu me distraire.
Je loge dans un
ancien couvent de bénédictins très peu confortable, mais combien de surprises
amusantes. Il n’y a pas assez de couvertures. Ce sont de véritables ruses
de peaux rouges pour trouver de quoi se couvrir. Beaucoup d’hôtes très
désagréables dans les paillasses.
Bref au bout du
troisième jour je suis très content de retourner à Bellac, le dimanche passé
dans ces conditions, à Limoges, ne me plaisant pas du tout. Quant à l’examen,
il s’est assez bien passé.
L’Angleterre est
un peu vague mais enfin !…
Permission
agricole de 15 jours.
Je passe 4 jours à
Paris et 10 jours à Sergines (*). Je reprends un peu le métier de
cultivateur. Je revois C.E.
Je joue un peu au
billard, ma permission ne se passe pas mal.
Paris est très
animé, l’on s’aperçoit peu de la guerre. Beaucoup de jolies femmes, de soldats
et… de civils, avides de plaisir. Les grands boulevards tout noirs de monde.
Les cinémas les théâtres sont pleins.
Je trouve Bellac
bien triste en rentrant. Je suis le peloton des E. C. (**)
La Noël est assez morne. Petite soirée avec mes camarades.
(*) : Sergines est une commune de l’Yonne, traversé par l’Yonne
(**) : Élèves-caporaux. Il a donc suivi le stage pour être
caporal. Il y sera que le 2 juin 1918…
Permission de 48h.
Je passe deux
jours à Paris. On s’aperçoit très peu de la guerre dans cette ville.
Je quitte les E.
C. avec la mention « apte à faire un chef de section » (*).
Dirigé sur le
centre des mitrailleurs de la Courtine dans la Creuse.
Voyage très jolie.
Passe la nuit à Ussel.
Je fais
connaissance d’une demoiselle Andrée. Jeune fille assez gentille.
Le pays est très
froid. 50 cm de neige. La nourriture est d’abord très bonne puis petit à petit
devient mauvaise. Les journées du 20, 21 et 22 sont très froides. 25° au
dessous de zéro. Il fait un froid terrible. Le pain est gelé. Il faut une hache
pour le couper. (**)
J’ai une grippe
infectieuse, avec une fièvre assez forte. Je me trouve mal à l’exercice et je
suis conduit à l’infirmerie où je reste trois jours.
Je fais un
deuxième stage comme armurier.
(*) : Un chef de section a le grade de sergent.
(**) : L’hiver 1917 fut un des hivers les plus froid du 20e
siècle. La Seine à Paris était gelée pendant 15 jours empêchant le
ravitaillement. Des températures entre – 15 et – 20 ont perdurées pendant près
de 3 semaines à Paris.
Je pars en permission
de 4 jours à Paris. La ville n’a pas changé comme aspect, mais les conditions
de
vie ne sont plus
les mêmes. Les parisiens commencent à s’apercevoir de la guerre. Il n’y a
presque plus de charbon. Le pain est rassi. Les
pâtisseries sont fermées le mardi et mercredi. Les théâtres et cinémas sont
fermés 4 fois par semaine.
Deuxième stage.
Très heureux. J’ai
un bon camarade professeur de mathématiques avec qui je repasse mes
connaissances générales. Il fait beaucoup moins froid. De bonnes promenades
dans les bois environnants.
Je quitte la
Courtine avec la mention « très apte ». Très content.
Je retourne à
Cognac avec tous les « vieux » du 33.
Le voyage est très
long, 3 jours et deux nuits. Je couche à Angoulême et Limoges. Je visite les
ruines de l’abbaye, le château de Montaigut.
Bref je suis
abruti en arrivant. Mais il parait que je n’ai pas assez pris le train.
J’arrive à 7h, à 7h et demi on me signe une permission de détente et je
pars le soir pour Paris.
Quelle bonne
permission ! Comme c’est bonde se retrouver pour 10 jours chez soi.
Le lit semble bon et doux.
La vie à Paris est
toujours la même. Un peu plus de restrictions. Mais les parisiens s’en fichent.
Les diners, Deux plats. Ils sont un peu plus gros !
Je suis très
content de revoir Léon. Il a changé et bien maigri. Le dimanche petite
promenade au jardin des plantes. Ça aussi n’a guère changé.
On dresse de
jeunes fox-terriers à chasser des rats, pour les tranchées. Les petits ne sont
pas bien braves.
Un peu de musique
me fait plaisir. J’achète des chansons, souvenirs de La Courtine, et je les
apprends. Elles font surtout le plaisir de Titine.
Il est dommage que je ne puisse rester jusqu’à Pâques.
Paul, Gaston et le
petit Samson seront là. Je rate de bonnes parties.
Papa trouve que
j’aurais du demander ma permission un peu plus tard. Il croit que ça se fait
comme ça, au régiment. Il n’a pas bien l’air de se douter de la façon dont le
régiment est organisé actuellement.
C’est
malheureusement une série d’ennuis et de tracasseries pour le soldat. Ah !
C’est très chic de défendre servir son pays ; mais pas vu sous ce jour-là.
Nos charmantes
parisiennes qui envient le sort de nos poilus, en auraient vite assez si elles
« goûtaient » un peu. Enfin ma permission se termine.
Je prends le train
le 3 au soir et j’arrive dans de bonnes conditions à Cognac. J’y reste 10
jours. Jours heureux et paisibles ! Je travaille au bureau, puis on me
bombarde garde-magasin. C’est vraiment ma création !
Il est dommage que
je n’y sois pas resté toute la guerre, je me serais fait du lard. Il y a
beaucoup de femmes au magasin du corps, et la vie est gaie.
Malheureusement je
suis arraché de ce lieu de délices pour être expédié dans la zone des armées.
Habillé de neuf. Tout me va, par hasard très bien.
Je voyage en train
spécial, et pas mal ma foi. Mais quel détour ! De Cognac : Limoges,
Orléans, Juvisy, Noisy, Gretz et la Ferté-Gaucher.
Je n’ai
malheureusement pu aller chez moi à Noisy. C’est rageant passer si près et être
cloué là. J’arrive à la Ferté-Gaucher.
Ville assez gaie.
Beaucoup de civils. Je loge dans un grenier. Exercice d’abord assez dur.
Je commence un
stage de signaleur. C’est un deuxième filon ! Je vais à l’exercice sans
sac. J’apprends le « morse au son ».
Je pars en
permission.
Permission
toujours très bonne, mais la vie à Paris a bien
changé. Impossible de trouver quoi que ce soit. Sucre, lait, beurre charbon.
Rien. Le pain commence à être bien gris.
Je passe quelques
bonnes soirées à Paris. Quelques jours passés avec Gaston et le cousin Michel
passent très vite.
Je
rejoins HABIDUSSE avec qui je fais une petite bombe. Ça change ! (*)
Bref je prends mes
précautions pour me retrouver avec Gaston, Georgette, Melles BEAU et
FRAN…à Sergines et à Paris à ma prochaine permission. Je songe déjà la
suivante ! En rentrant je continue mon stage. Toujours tranquille.
Je pars à
Jouy-sur-Morin. Je suis véritablement bien dans cette ville. La nourriture est
excellente. Pas grand-chose à faire. J’apprends la TSF. Très intéressant…
Encore bien plus
intéressant. Il y a de gentilles ouvrières qui travaillent à une usine toute
proche. Je fais la connaissance d’une charmante blonde, B.M. que je vois
bientôt midi et soir.
Avec quel regret
je quitte Jouy. Je me promets de venir retrouver ma petite B. souvent.
A la Ferté, je
suis signaleur permanent et suis proposé pour la T.S.F. au 8ème génie. Je
prends les messages de la tour. Je suis instructeur pendant quelques temps.
Bref c’est
l’embusquage complet, quand
le 7 juillet je pars en renfort au 72e d’infanterie.
Je « l’ai
mauvaise ». Partir dans les tranchées ne me souris pas du tout. Enfin je
pars pour destination inconnue. Bon dieu, que le sac est lourd.
(*) : Faire une bombe = Faire la fête.
Le 7 à midi
j’arrive à Noisy. Ma foi c’est plus fort que moi !!
On m’annonce que
le renfort va rester tout le tantôt à Noisy. Je fais 1 km à pieds sur les
voies. Je passe sous des wagons, je monte dans une locomotive qui fait la
manœuvre et après avoir sauté une barrière, je tombe sur le tram « Raincy – Paris » qui passe. Je saute dedans et………j’arrive
chez moi en trombe où je reste 2 heures.
Surprise,
exclamations. Je garde le bouc à la suite d’un pari. Il paraît que ça me va
mal. Je m’en doute !
Après 2 heures, je
reprends le chemin de Noisy. J’arrive sans encombre à 8 heures. J’embarque pour
destination toujours inconnue. Voyage de nuit. Je m’installe avec 4 camarades
dans un wagon de 1ère classe.
Arrivée au front
avec le 72.
Le sergent nous cherche
et se demande où nous sommes passés. Il nous retrouvera une fois arrivés au bout du voyage ! A 6 heures du matin, arrivé dans
un pays nommé Bazoches. (*)
Le canon commence
à se faire entendre. Nous partons à pieds, c’est éreintant, j’en ai plein le
dos….c’est le cas de le dire. Après 3 h de marche, arrivé à Fismes au D.D. (**)
Diable, le canon
tape dur !
Nous restons sous
un hangar toute la journée. Nous bouffons avec nos vivres de réserve.
Le lendemain,
toujours au D.D.
Visite à un
château qui est complètement démoli. Nous montons dans une tour à moitié
démolie. De là, le front s’aperçoit distinctement. Qu’est- ce qu’il y a comme
avions. Le canon est calme actuellement.
(*) : Bazoches-sur-Vesle (02) qui possède une gare.
(**) : Dépôt divisionnaire.
Je quitte le D.D.
Je n’y suis pas resté longtemps.
Une journée de
marche. Je vois du pays. Arrivée à Braine. Il n’y a presque plus de maisons
debout.
Nous sommes logés
dans une cave à vin. Il y a d’immenses cuves. Je suis logé dans une. Versé à la
3ème compagnie.
Nuit calme.
Toujours couché sur la paille.
Le 72e régiment d’infanterie a été retiré du front le 2 juillet.
À la date du 8 juillet, il est cantonné à Braisne
(pour le 1e bataillon) et à Chassemy (pour le reste du régiment).
Je suis versé à la
1ère compagnie.
Je couche cette
fois dans un grenier, assez mal installé. Le village est très mouvementé. Il
passe continuellement des troupes. Camions, autos et avions.
A 10h, première émotion, les boches bombardent. Le rapport est interrompu,
puis est repris quelque temps après.
Le 72 a été légèrement « amoché » au chemin des Dames. La première
compagnie est redescendue avec un effectif de 8 hommes !
A part ça, nous
n’avons pas eu de pertes.
C’est dégoûtant.
Impossible de dormir !
Les Allemands
bombardent continuellement. Une première fois à 1h du matin et ensuite à 3h.
Brrr ! Quelle sale impression. Toute la maison tremble. On s’attend toujours à
recevoir une bombe ou un obus sur la tête.
La journée est
calme. Bombardement intermittent.
Je suis mis dans
les F.M. (*) comme c’est
ma partie. Je n’y connais rien du tout, mais ça ne fait rien. J’apprendrai.
C’est bien de
l’administration française. Il fallait un infirmier, un ajusteur mécanicien a été
nommé. C’est toujours la même histoire. (**)
Nourriture bonne.
(*) : Fusils mitrailleurs.
(**) : On rappelle ici que Roger MACOUIRE est étudiant en
médecine.
La nuit toujours
mouvementée.
Dans la journée, rien
à faire. Le régiment qui revient d’Algérie (*) va peut-être partir à Salonique. En attendant, il faut aller se
reformer au grand repos.
(*) : En effet, le 72e RI est parti en urgence en Algérie en
décembre 1916 pour y effectuer une action de police contre des soulèvements
« indigènes ». Il rentre en France en mars 1917.
Toujours
bombardement. J’en ai plein le dos.
Décidément, je
n’ai pas été tranquille cette nuit. Une escadrille d’avions et les canons
lourds boches nous ont tapés dessus. Quel vacarme. L’artillerie française
répondait. Les mitrailleuses tiraient sur les avions, puis par-dessus tout, le
bruit formidable des bombes. Tout le monde est debout. Quelques-uns ont eu
réellement peur paraît-il. Je suis bien content de quitter Braine.
Voyage toujours à
pieds. Arrivée à midi à Acy.
Là, nous sommes
tranquilles.
Nous sommes logés
chez l’habitant.
Oh ! Il n’en reste
pas beaucoup, mais c’est plus retiré et ils sont revenus. Nous touchons une
bouteille de champagne pour 4. Nourriture excellente ce jour-là.
La musique joue
quelques morceaux. C’est tout comme distraction.
Départ de
permissionnaires.
La nourriture est
moins bonne, mais nous sommes tranquilles. Repos toute la journée.
La nuit, il pleut
bien un peu sur la tête. Mais il ne faut pas être trop difficile. Une
escadrille d’avions a bombardé les environs mais ne nous a laissé aucun «
souvenir ». Toujours beaucoup d’avions français. Bombardement assez fort dans
les lignes. Beaucoup de fusées et de saucisses. Mais ici, nous sommes assez
loin.
Je fais
connaissance d’un camarade avec qui je m’entends bien. Nous allons faire des
promenades dans les bois et nous nous enfilons des cerises et des fraises à en
avoir une indigestion.
J’ai été visiter
une escadrille qui se trouve tout près d’Acy. C’est une escadrille de
repérages. J’assiste à la première ascension d’un « sidi ». Le pauvre diable a
bien peur.
Les hangars des
avions sont bombardés par les canons ennemis. Des 210 qui font pas mal de
bruit. Heu ! Il en est tombé un tout près. Ça fait un trou énorme. On peut
facilement y mettre un cheval.
Visite d’avions
allemands.
Départ brusque. Ça
doit mal aller par là. Le canon tape dur.
Bonne étape 20 km.
Nous nous arrêtons à Villers-Hélon. Nous sommes logés dans une grande ferme. Il
n’y a que des grandes fermes dans cette contrée. Ce sont des champs à perte de
vue.
Pour la première
fois, je vois manœuvrer des charrues automobiles. Nous sommes très à l’étroit
dans le grenier de la ferme. Je prends tout mon « barda » et je vais coucher
sur un tas de paille que j’avais repéré sous un hangar. Je me fais un trou dans
la paille et je passe une bonne nuit.
Nous repartons.
Nouvelle étape de
20 km. Je commence à sentir des picotements dans les pieds. Diable,
l’équipement commence à peser après 3 h de marche. Nous arrivons à
Passy-en-Valois. Hameau situé à 6 km de la Ferté-Milon.
La 1ère compagnie
seule est cantonnée ici. Nous sommes logés dans une ancienne……porcherie. Mais
il ne faut pas se plaindre. C’est tout neuf et très propre. Notre cantonnement
se compose d’une grande cour rectangulaire sur laquelle donne une cinquantaine
de petites portes qui donnent accès à autant de petites cabines pouvant contenir
cinq à six hommes. Comme couchage, de la paille.
Vivement les
permes pour coucher dans un lit. Nourriture détestable.
Me voici installé.
Nous sommes 6 bons
camarades qui s’entendons très bien dans une « chambre ».
De mieux en mieux.
Nous avons pu avoir des poires pour dessert et une brave femme nous vend de la
salade.
Cela semble bon.
Repos.
Nous faisons un
peu d’exercice. Oh ! Pas beaucoup, à la bonne franquette. On entend très peu le
canon à cette distance.
J’ai visité ce
soir un poste d’observation contre avions. Ce poste est tenu par des
auxiliaires. Aux moyens d’appareils spéciaux, ils entendent les avions de très
loin et les signalent à la batterie voisine. Ils nous disent qu’ils entendent
très bien le canon et qu’ils voient la lueur produite par les fusées et
l’éclatement des obus. Ils se croient au front quoi !!
Les « pauvres
diables ».
Je voudrais bien
les voir en ligne, surtout celui qui nous cause .Il n’a jamais été au front et
est tout effrayé de se trouver à 20 ou 25 km des lignes .Il nous demande ce que
disent les prisonniers. Fichtre ! Il se figure que les prisonniers se font
comme ça. Si il avait reçu les obus sur le nez et vu le 72ème rentrer en si
piteux état, il aurait vu qu’il est déjà souvent bien difficile de se défendre,
à plus forte raison de faire des prisonniers.
Quand il a 15
jours, j’ai été par deux fois à Viel-Arcy et Pont-Arcy à 2km des lignes et que
les boches bombardaient nos cantonnements ou qu’ils exécutaient des tirs de
barrage pour empêcher d’envoyer des renforts. J’en avais guère la tête à moi,
je l’avoue, et je ne pensais pas à faire des prisonniers !
Jusqu’au 25, repos calme. Nous sommes tranquilles.
Quatre jours
d’enfer.
Quatre jours
passés dans les tranchées au Chemin des Dames. Comment je ne suis pas devenu
fou !
Parti le 25 au
soir en autobus. Arrivé dans la nuit à Bourg-et-Comin. Canon tonne
terriblement. Nous avançons en tirailleurs. Tirs de barrages. Le régiment
s’arrête à 2 ou 300m des premières lignes. Le 1/3 est hors de combat.
C’est un
bombardement effroyable. Les hommes volent en l’air comme des mannequins en
baudruche.
Je reste avec
LENOIR tireur et mon premier pourvoyeur dans un entonnoir. (*)
Le deuxième jour
le premier pourvoyeur est tué par. Une boite de singe.
Enterré 3 fois.
Le sang me sort
par les oreilles et par le nez. Je sens que je deviens fou. Cette vie d’enfer
dure jusqu’au 29.
Dans la nuit un
agent de liaison vient me chercher. Je pars en permission et de là à Grenoble
au 140ième. Je ne sais plus où j’en suis. L’agent de liaison disparait.
Je fais des bons
désordonnés d’un trou d’obus dans un autre. Les éclats sifflent autour de moi.
Tout d’un coup une fusée. Je fais un saut dans un trou .J’aperçois un trou noir
.Je me précipite et rentre tête baissée dans un lieutenant qui sortait .Il me
demande si je suis fou .Je lui réponds que je vais en permission .Il veut
m’empêcher de sortir.
Nous sommes
interrompus par un tir de barrage qui nous jette à terre. Je sors du trou le
tir de barrage fini. Je fais quelques bonds. Un obus éclate devant moi. Je suis
rejeté du trou d’obus d’où je sortais.
J’ai tellement
peur que je reste au moins un quart d’heure sans pouvoir sortir du trou ou je
me trouve. J’arrive enfin après cinq heures d’efforts à Vendresse. Je suis habillé
à nouveau et expédié en permission.
C’est le 30
juillet, c’est-à-dire beaucoup plutôt que je ne le désirais.
(*) : On pourrait croire qu’il est mitrailleur.
Arrivée à Paris.
Mes parents
partent le lendemain à Sergines. Je fais changer ma permission.
Permission passée
à Sergines. Sans grand amusement.
Je vais avec
Georges DANGU et André BARRÉ. Je soupe le soir chez Henri DANGU en compagnie de
Maurice THÉNARD.
Je retrouve une
demoiselle Élisa qui reste à Sergines. Je passe agréablement ma dernière
journée et ma dernière nuit.
Bref la permission
est assez morne.
Je pars le 11.
Je reste quelques
instants avec mon père et Suzanne. Je déjeune chez Mme DELECOURT.
Selon sa fiche matriculaire, Roger MARCOUIRE est passé au 175e
régiment d’infanterie le 11 août 1917. Le régiment est parti de France en Grèce
depuis mi-1915.
J’arrive à
Grenoble après 24 heures de voyage.
Je reste à
Grenoble jusqu’au 21.
Je ne fais
absolument rien. Grenoble est une jolie ville. Je vais au cinéma et au théâtre.
J’ai un sacré
cafard. Savoir tout le monde là-bas en train de s’amuser et être cloué là tout
seul.
C’est embêtant.
Arrivée à
Marseille après avoir été habillé à neuf. Voyage réellement joli. Nous sommes logés
au camp Mirabeau à 10 km de Marseille. Le pays s’appelle L’Estaque.
Nous sommes
extrêmement libres. Le capitaine « nous laisse la bride sur le
cou ». Il est très chic notre capitaine. C’est le fils du général PAU et
tient à faire honneur à son nom. Seulement il y a des bagarres tous les jours à
Marseille ; des blessés, quelquefois des morts. I y a surtout certaine rue dans
Marseille où il ne faut aller que bien armé et à plusieurs. Je ne puis avoir la
permission de quatre jours que l’on m’avait promise.
Si j’avais
su ! Ce que je l’aurais pris les 4 jours à Grenoble. Mais tant pis, ce qui
est fait.
Départ de
Marseille. A partir de ce jour, je fais réellement partie des troupes d’Orient.
Nous partons à 4 h
du matin
Le 29, nous
passons à Toulon, Nice, Cannes, Monaco.
Le voyage est
joli. Je suis dans un wagon de marchandises et je suis très bien. A la
frontière tout le monde nous applaudit. Vintimille ; nous changeons de
wagon, Nous nous arrêtons aussi à San-Rémo.
Je me réveille à
minuit à Gènes.
Nous arrivons
à Livorno. Couche dans une caserne italienne. Je
me promène dans Livorno. Les Italiens nous
achètent nos boites de singe, nos chaussures, tout !
Mes camarades
vendent tous leurs effets. Ah ! Elle est belle l’armée
à SARRAIL ! (*)
(*) : Le général SARRAIL est le commandant en chef des armées
alliées d’Orient depuis janvier 1916.
Le voyage continue
Civita-Vecchia.
Nous arrivons à
Rome dans la nuit. Les romains nous font une très belle réception…4h d’arrêt.
Visite un peu la ville. Malheureusement, ce n’est pas assez.
Au départ, un
incident à un arrêt de train, quelques camarades descendent et cueillent des
raisins dans une vigne. Un italien tire sur eux avec un fusil. Il a de la
chance que nous n’ayons pas de fusils.
Enfin le train
repart.
Nous quittons la
cote un peu avant Naples. Passons à Bari le soir. Nous avons traversé
toute la Calabre. Quelle triste contrée ! Pas une maison. Rien que des
plaines désertes. De temps quelques affiches sur lesquelles on aperçoit le mot
« banditto » et « calabro » Faggio.
Distribution de
café ! Deux heures d’arrêt.
Nous nous
promenons un peu dans la ville. Continuant à voyager toute la nuit.
5h du matin.
Arrivée à Tarente.
Une très jolie
rade. Des cuirassiers italiens et français. Nous prenons un bain et couchons
dans une guitoune ou il y a pas mal de puces.
Embarquons à 10h
du matin sur le croiseur-cuirassier « Jules-Ferry ». .
Partons à 2h. Nous
sommes accompagnés du croiseur « Château–Renaud » et de quatre torpilleurs.
La rade de Tarente est magnifique. Nous passons devant l’escadre italienne dont
tous les marins sont sur le pont et saluent.
Les habitants nous
disent au revoir.
Jusqu’au soir nous
voyageons dans le golfe de Tarente. La mer est calme. Je visite le cuirassé,
très intéressant.
De grosses pièces
sont mises en batterie. Les tourelles pointées vers le large.
Dans la nuit nous
traversons l’Adriatique à toute vitesse et tous feux éteints.
Penché sur le
bastingage, je distingue la silhouette du Château-Renaud un peu en arrière. De
temps en temps des étincelles sortent des cheminées. Tous mes camarades sont
endormis. Le calme est impressionnant.
Vers minuit bruit
de voix. Des signaux sont échangés entre les navires.
Le Château-Renaud
disparait et réapparait alternativement. Les navires marchent en diagonale. Je
m’endors.
Arrivons en vue
des côtes grecques. Nous pénétrons dans le golfe de Corinthe. Il n’y a plus de
danger.
Longeons les côtes
grecques jusque vers 4 heures. Débarquons à Itéa. (*)
Très bon raisin.
Restons sous les tentes jusqu’à 8 h du soir.
A 8 h, embarquons sur les autres camions. Il fait noir. La route est bâtie à la diable.
A 11h arrêt. La deuxième voiture dans un tournant est partie dans un ravin.
Trois morts et
quelques blessés. Du coup, personne ne veut repartir. Nous couchons dans la
montagne jusqu’au jour.
Vers 4 heures, le voyage reprend. Il faut être enragé pour
aller en auto dans des routes pareilles. Jamais un voyageur ordinaire ne
voudrait passer dans des chemins pareils. Les camions prennent les montagnes
véritablement d’assaut. Nous montons en serpentant. La route bâtie à flanc de
coteaux est bordée de précipices. C’est réellement magnifique.
Mais quand le
tournant est brusque, on a toujours le trac d’être précipité dans le vide.
Après 60 km de
chemins enragés, nous débouchons dans la plaine. Ça descend raide ! Nous sommes
pleins de poussière. Je me suis couvert la tête avec une musette. Je dois être
beau.
Arrivé à Bralo.
(*) : Itéa est une ville grecque portuaire situé dans le golfe
de Corinthe. Les troupes débarquent dans ce port pour rejoindre, à travers la
montagne, la ligne de chemin de fer à Bralo qui amène
à Salonique. Voir la route actuelle ici.
Bralo est un pays
perdu, mais il y a un chemin de fer. C’est tout ce qu’il nous faut.
Le soir, je visite
le patelin. Toutes les femmes se sauvent à notre approche. Celles qui restent
sont voilées. Nous avons la chance de nous trouver au moment d’une fête de
conscrits. Pas ordinaire.
Ils se suivent
tous en se donnant la main et le premier danse un pas bizarre en sifflant de temps
en temps et en poussant des exclamations gutturales. Comme musique, une espèce
de biniou rappelant la « nouba » des Sénégalais.
On croirait un
village nègre.
Prenons le train
pour Salonique.
Le voyage est
toujours très joli. Nous sommes toujours dans les wagons à marchandises, ce que
je ne regrette pas car il commence à faire chaud. Nous escaladons toujours des
montagnes. Ce qui est joli, c’est que nous montons toujours à flanc de coteaux.
A notre droite,
nous dominons la plaine de Bralo. On se croirait en aéroplane.
A 6 h du soir, nous débouchons dans la plaine de Larissa.
Toujours des descentes endiablées. C’est réellement merveilleux comme voyage.
Quoiqu’il arrive, je ne regretterai pas l’Orient.
A Larissa,
distribution de vivres.
Arrivons à
Salonique au matin. Campons hors de la ville au camp des alliés (ou Zeitenlik).
Il y a de tout
dans ce camp. Des Français, des Anglais, de Italiens, des Russes, des Serbes,
des Grecs et des ….puces ; impossible de dormir.
La nuit, nous allons
dormir hors des baraques. Les premiers jours, nous allons visiter les réfugiés
grecs et serbes qui dorment aux environs du camp. Il y a un marchand de vin qui
vend du Sammos, un vin épatant. Seulement, il monte vite à la tête et tous les
soirs occasionne des batailles entre les alliés.
Les Grecs ne nous
aiment pas beaucoup. Ils n’aiment guère les Vénizélistes
aussi. Si tous les Grecs sont ainsi, nous pouvons avoir confiance en eux.
Je visite
Salonique, tous les beaux quartiers sont brûlés. L’incendie a réellement été
formidable. (*)
Nous allons du
côté de la tour Blanche. Le coin de la ville est très animé. C’est le seul de
la ville européenne qui est échappé au désastre. Les animaux de Grecs cherchent
à nous voler.
Pour dîner en
ville, il faut au moins payer 7 à 8 f par tête. C’est pour rien.
L’avant-dernier soir de notre séjour à Salonique, nous
allons au fameux vendeur de Sammos. Malheureusement, nous en buvons un peu trop
et à moitié gris, nous jouons un tour pendable au malheureux Grec. Nous étions
assis près d’un tonneau d’une cinquantaine de litres. Un Italien nous fait
signe de l’emporter.
Aves quelques-uns
de ses camarades et mes trois copains habituels, nous enlevons le tonneau et
nous nous sauvons vers le camp. A moitié chemin, nous nous arrêtons pour vider
le fameux tonneau qui contient de la bière.
Malheureusement,
le Grec nous court après. Il veut son tonneau. Pour couper court à toutes
explications, nous lui fichons une volée, ainsi qu’aux deux grecs qui sont avec
lui. Puis nous rebuvons. Mais les Grecs arrivent en nombre. Les Italiens se
sauvent et sous peine d’être massacrés, nous devons en faire autant.
De rage, nous
renversons le tonneau. Il faut tout de même être rosse.
(*) : Le grand incendie de Salonique en août 1917 a détruit 1/3 de
la ville, presque 10.000 bâtiments auraient été détruits.
Départ de
Salonique.
4 heures du matin.
Voyageons toujours dans wagon à marchandises. Très serrés.
Dans la journée, je
prends le parti de monter sur le toit. Il y fait de l’air. Très chaud.
Quelques-uns ont la fièvre et sont évacués. Voyageons toute la journée et toute
la nuit.
Arrivons à 10 h à Ostrovo.
Situation
de Salonique et d’Ostrovo – Cliquer sur la carte.
Les habitants
ayant vu les Bulgares aiment un peu mieux les Français. Ils sont bombardés
paraît-il de temps en temps. Le train s’arrête des heures entières dans chaque
gare. Je m’informe de l’heure. Les aérostiers sont plus près du front.
Contournons tout
le lac d’Ostrovo. Très joli.
Descendons de
wagon à Florina. Campons sous les
guitounes. A partir de maintenant, nos toiles de tente seront nos demeures.
Situation
de d’Ostrovo et de Florina
Je monte ma maison
en compagnie de trois camarades qui ne me quittent guère. Ce sont COUDÉ dit « Fantomas » ; PLAZA (*) dit « toto » ; CHANOINE dit « Quiqui ». Quant
à moi, je m’appelle « Taufan ».
Visite d’avions
boches ou bulgares. Ils ne sont pas méchants et ne nous laissent pas de
souvenir.
(*) : Jean PLAZA sera tué en octobre 1917.
La nuit a été très
fraîche.
Il y a dans ces
montagnes une grande différence de température entre le jour et la nuit. Nous
nous sommes levés à 3h du matin pour faire du feu et du chocolat. Visite
d’avions boches. Toujours pas méchants.
La journée est
très chaude.
Passons une
deuxième nuit meilleure que la première, nous avons pris nos précautions contre
le froid.
Départ à 5h du
soir à pieds à travers la montagne. Les sacs dans des voitures. Florina est une
ville assez monotone et pas du tout moderne malgré ses 15.000 habitants.
Halte à 8h du soir
au kilomètre 6 en pleine montagne. Passons la nuit sous nos guitounes.
Nota : Selon sa fiche matriculaire, Roger MARCOUIRE est
passé au 176e régiment d’infanterie le 18 septembre 1917. Le régiment est parti
de France depuis mi-1915.
Reprenons la
marche. Bonne étape. 25 km dans la montagne.
Mes trois
camarades et moi nous sommes débrouillés. Nous avons pris un camion qui nous a
mené jusqu’à Zenovah
(Jélova)
Vraiment, les
routes ne sont pas épatantes et il faut être forcé pour passer dans des
endroits pareils. Tous les jours, des camions tombent dans des ravins.
Le nôtre contient
des barriques de gnole qui se sauve par endroit. Nous y goûtons.
Couchons toujours
à la belle étoile.
Partons de Zenovah
(Jélova) le matin. Je fais l’étape à pieds. Pas
longue, une quinzaine de kilomètres. Marche très fatigante faite en plein midi.
Je jure de ne plus faire un kilomètre à pieds. Couchons à Smrdès. (*)
(*) : Smerdech sur les plans français
; s’appelle maintenant Krystallopigi.
Repartons à pieds.
Les Russes
occupent tous ces villages. On se croirait presque en Russie. Ces animaux-là ne
veulent plus marcher et ne sont bons qu’à se prélasser à l’arrière. (*)
Je puis enfin avoir
un journal de France. Il date du 18 août !
Quel pays.
Impossible de rien avoir. On se croirait en pleine Algérie. Les montagnes sont
calcinées par le soleil. Il n’y a aucun arbre fruitier, pas de vigne, pas de
culture.
Prenons un camion
qui nous conduit au gîte d’étape à Zemlak.
Nous sommes à 1500
mètres d’un patelin, toutes nos guitounes montées capricieusement à flanc d’un
coteau, un désert aussi dépourvu de végétation que les sables du désert. Malgré
la fatigue de la marche et la chaleur, je me porte bien. J’oubliais de dire que
l’on nous donne deux comprimés de quinine par jour et dans les marches toutes
les fois que l’on en désire.
Nous avons ici une
journée de repos.
Ça ne nous fait pas de mal.
(*) : La 1e division russe occupe le
secteur.
Reprenons la
marche le matin à 4h. J’ai la chance de rencontrer un camion qui me conduit
jusqu’au gîte d’étape qui se trouve près du village de Zwesda (Zvewda). Passons la journée au camp. (*)
Rien d’anormal.
(*) : L’état-major de la 124e division d’infanterie (qui
comprends entre autres le 175e régiment d’infanterie) se trouve dans ce village
de Zvewda.
Repartons au matin.
Je me suis débrouillé pour faire porter mes sacs en camion. Je pars à pieds
avec quelques camarades. Nous nous trompons de route et allons jusqu’au lac de
Prespa. Il faut retourner.
Prenons un camion
conduisant des boules de pain qui nous conduit jusqu’à Podgaric.
Passons la journée à Podgaric. Pays toujours désert.
Repartons à 3h
matin. Nos sacs sont portés par des arabas. Je monte dans une.
Arrivons le soir à
Pogradec. Nous y trouvons enfin le colonel du 176.
Depuis 140 km que nous courons après lui, ce n’est pas un malheur.
Départ de
Pogradec.
JMO
du 176e RI annonçant l’arrivée de 3 sous-officiers, 5 caporaux et 138 soldats
dont Roger.
Nous montons en
ligne à 5h du soir. Il faut faire 9 km dans la montagne.
Arrivons à 9h du
soir aux cuisines. On nous donne à manger. J’oubliais : je suis affecté à la
10ème compagnie
Mes trois
camarades sont séparés. Ils sont à la 2ème, 6ème et 7ème. Suis affecté à la
15ème escouade avec deux camarades de renfort. Arrivons aux positions dans
l’après-midi du 27.
La 4ème section
tient un mamelon qui est assez mal défendu. A notre droite, le capitaine et 2
sections, à notre gauche une compagnie de mitrailleuses. Nous sommes entourés
de ravins de tous côtés. Les Autrichiens sont sur les crêtes faisant face à 4
ou 5 km. Comme ligne, c’est tranquille. Un bombardement de temps en temps,
c’est peu.
Montons notre guitoune à nous trois. Nous creusons le sol puis nous la camouflons avec des branches.
Secteur où se
trouve Roger MARCOUIRE - Au nord-est de Homès - Piton
de Sherlock -
Allons poser des
fils de fer. Pas un coup de canon la journée. Nourriture complètement
insuffisante.
Je prends la garde
dans la nuit du 28 au 29.
Journée assez
calme.
Bombardements
intermittents avec des 77 et des 88. Nous prenons la garde toutes les nuits.
Dans le tantôt
alerte. Une patrouille arrive jusqu’au petit poste et tire des coups de feu.
Pas de suite si ce n’est une demi-heure de bombardements assez violents. Je
suis de garde et pas très rassuré. Je me baisse derrière les pierres quand je
sens arriver les obus sur moi. Pas de blessés.
Tout le monde
travaille dans la nuit. Le capitaine a peur d’une attaque. Fortifions la
position. Pas très rassurés au sujet de l’ennemi. Je prends la garde de minuit
à 2h.
Pas d’incidents
nuit calme aujourd’hui.
Repos.
Violents
bombardements à 11h et 5h du soir. Les obus tombent en plein sur nos guitounes.
Garde de nuit 10h à minuit. Pas d’alerte.
Journée calme.
Garde de 8h à 10h.
Calme.
Journée calme.
Prends la garde au
petit poste. Observons une patrouille avec le guetteur. Je suis photographié.
Nous sommes
relevés le soir. Allons au repos à 2 kilomètres en arrière.
Journée passée au
repos. Couchons dans hutte en feuillages.
Toujours petit
repos. Changeons de secteur.
Partons demain
pour Florina au grand repos.
Toujours petit
repos. Pars ce soir.
Passe à Pogradec.
Arrivons à 2 km d’Okrida à 2h matin.
Beaucoup de
châtaignes. Trouvons des équipements que les Autrichiens ont laissés dans leur
fuite.
À propos, nous
étions en ligne au piton Sharlock
(cote 1700).
Repartons le soir.
Marche extrêmement
fatigante.
Partis le soir à
6h, arrivés à 4h matin. Marché toute la nuit. Cantonné en pleine montagne.
Passons la journée. Beaucoup de châtaignes. Apprends la mort du pauvre RUBENS
par René. Émoi, le cafard toute la journée.
Repartons le soir
pour Podgori. Ces marches
sont très fatigantes. J’arrive exténué.
Pars le soir,
c’est-à-dire le lundi 8. La journée est calme.
Arrive le matin
après 9h de marche tout près de Vraneste, avons passé
à Zwezda sans s’être arrêté.
Je passe la
journée du 9 dans un repos bien gagné.
Repos au même
endroit.
Mange pour la
première fois de la tortue et une omelette d’œufs de …tortue. Très bon.
Vraiment il faut venir en Orient pour manger de ces bestioles. Il est vrai que
la nourriture est maigre, chacun se débrouille comme il peut.
Nous allons le
soir 1 km plus loin. Nous allons probablement y rester un certain temps.
Nous sommes dans
un bois. Très bien.
Rien à signaler.
Départ brusque.
Marche sous une
pluie battante. Oh ! La sale journée. Nous faisons 30 km rincés jusqu’aux os.
J’arrive exténué. Un de mes camarades est malade.
Il reste un peu en
arrière. Je reste avec lui avec le troisième copain habituel. Le
lieutenant-colonel vient à passer. Il nous demande pourquoi nous restons
derrière, puis se met à nous « habiller » en termes peu choisis. Vraiment, il y
a des moments où le métier militaire est écœurant. Un homme est moins regardé qu’un
chien. Ce colonel n’a donc pas d’enfants pour causer de la sorte.
Arrivons sur le soir complètement trempés. Couchons dans une maison. Nous nous faisons ouvrir une porte pas de bon gré, naturellement, et nous passons une nuit potable.
Départ de Podgori le matin à 10h. Je vais commencer à connaître la
route. Marche sans incident. Temps beau.
Arrivée à Sterova, sur les bords du lac
Okrida. Couchons encore dans les maisons.
À 11h du soir,
alerte. Les Autrichiens débarquent sur les rives du lac. Nous tirons quelques
coups de fusil et…restons toute la nuit à nous geler au bord de l’eau. Au
matin, nous rejoignons Mumulista
à 10 km de notre emplacement. En arrivant, je suis exténué.
Cela fait 360 km à
pieds que je m’envoie depuis le départ de Florina. (*)
J’en ai plein le
dos. Je suis réellement à bout. Nous sommes ici par crainte d’une attaque
autrichienne. Nous devons y rester 12 à 15 jours puis revenir où nous étions, à
moins qu’il n’y ait une attaque.
Je passe enfin une
nuit à peu près. On entend des coups de fusils, grenades ou canons presque
toute la nuit. Je suis tellement fatigué que ça ne m’empêche pas de dormir à
poings fermés.
Heureusement que ce n’est pas à notre compagnie à marcher, sans cela nous nous serions encore mis la ceinture comme repos.
(*) : C’est la ville (terminus du
train) où il a débarqué le 16 septembre.
Nous sommes donc
revenus au point où nous étions le 6, c’est-à-dire tout près des lignes.
Prenons la garde au bord du lac.
Nuit calme.
Rien à signaler.
Partons au matin
dans la montagne pour travailler. 4 outils par section.
Pas le temps
d’arriver au lieu de travail, il faut redescendre. Total rien de fait. Il faut que
le travail soit fait dans deux jours pour une attaque probable. Si ça va comme
ça, le chemin sera fait.
Remontons tantôt.
Tout est prêt.
Attaquons demain avec le 176, le 1er RMA (*) et 372, ainsi qu’un bataillon d’Annamites.
Nous devons dégager
le lac Okrida et prendre un piton qui parait-il sera assez dur.
(*) : RMA : Régiment de marche d’Afrique. Les Annamites
sont des Indochinois.
Partons à 2h matin
Arrivons en
première ligne à 6h matin. Toute la journée attendons.
Le bataillon est en réserve et nous entendons l’attaque menée par les 1er et deuxièmes bataillons. Les deux attaques sont
malheureusement manquées. Les Autrichiens sans doute prévenus fauchent nos
vagues d’assaut.
Vers le soir
quittons nos positions, nos blessés défilent.
Arrivés à 3km nous
retournons en arrière le passage n’est pas praticable.
Enfin au soir,
nous apprenons que l’attaque est suspendue la position autrichienne étant
imprenable. Couchons dans un ruisseau. Au matin sommes réveillés par la pluie.
Reprenons nos positions de la veille.
Je suis
complétement trempé.
Jusqu’à 11h00,
nous sommes transis de froid. Impossible de monter ces montagnes sans se casser
la figure. La pluie cesse un peu. Nous montons notre toile de tente un peu plus
solidement et attendons.
Pour aller
chercher la soupe, on tombe à chaque instant et les Autrichiens, pour nous
remettre, nous envoient des obus. La pluie retombe à torrent vers 5 heures.
L’attaque est ratée.
Les Autrichiens
sans doute prévenus mitraillent les nôtres à 800m. Une centaine de blessés pour
les 1er et 2ème bataillons.
Toujours même
endroit. Rien à faire si ce n’est se faire mouiller. Les boches attaquent par
deux fois et tombent sur un « bec »
Allons travailler.
Sommes aperçus sur
la crête par les Autrichiens qui nous repèrent. Un peu meilleur temps.
Vers le soir après la soupe, nous sommes bombardés violemment. Les 100 de marine tombent sur nous. Personne n’est bien fier, car nous n’avons pas d’abri et c’est ces « gros noirs (*) » éclatent bien. La position ne devient plus bonne.
(*) : L’explosion produit un nuage noir.
Dans la nuit à 2h
matin, les Autrichiens attaquent. Violent bombardement. On nous disait qu’ils
n’avaient pas d’artillerie ! Je crois qu’ils en ont plus que nous. Les
mitrailleuses pétaradent.
Vers 3h tout
rentre dans le silence.
Violent
bombardement toute la journée.
Allons travailler
à la piste. Temps pluvieux.
Bombardement
intermittent.
Notre tente est
traversée par un obus éclat d’obus. Personne de blessé. Un mulet a le
ventre ouvert.
Repos toute la
journée. Beau temps.
Les deux camarades
qui montaient la tente avec notre trio habituel retournent en France dans la
marine. Nous héritons de leurs toiles de tente. Nous voilà montés pour l’hiver.
J’oubliais :
depuis trois jours nous avons la soupe le soir à dix heures. La fumée étant vue
des autrichiens qui nous bombardent. C’est amusant.
La nourriture
devient d’ailleurs totalement insuffisante. Pas de légumes, du singe, et
1/3 de boule par homme pour toute la journée. Parfois, nous avons des biscuits.
Avec ce régime on peut engraisser.
Décidément les
mauvaises nouvelles se suivent. J’apprends la mort de ce pauvre PLAZA (*), tué à la dernière attaque. Venir de si loin
pour se faire tuer.
Je reçois une lettre de Sergines en date du 28 août.
(*) : PLAZA Jean José, 21 ans, du 176e régiment d’infanterie est
mort à l’hôpital d’Holmés (Serbie). Il était d’Oran en Algérie. Voir
sa fiche.
Journée calme sans
bombardement. Passent quelques blessés et malades et pieds gelés !
Nourriture de plus en plus rare.
Réveil a deux
heures du matin. Nous déménageons. La soupe est prête à 2h matin on la mange de
suite.
Jusqu’au soir, 8
ou 9 heures avec cette soupe dans le ventre. C’est amusant. Les chemins sont
impossibles ; la colonne est continuellement coupée. On peut à peine
s’arracher de la boue. Un homme reste derrière.
Le capitaine lui
demande pourquoi. Le soldat est fatigué. Il faut marcher ou
« crever » répond le capitaine, tu auras 8 jours de prisons. C’est
écœurant. Le ventre vide il faut marcher tout de même. Les hommes ici sont
menés comme des bêtes de somme.
Arrivons à la cote
1857. Jolie hauteur.
Neige sur les
montagnes environnantes.
Cassons quelques
piquets puis repos.
À 1h plions de
nouveau bagage.
Revenons en avant,
en lignes pour les organiser. Montons nos guitounes à flanc de montagne.
Le matin repos.
Une nouvelle. Les
Russes ne marchent pas trop ici. Ils restent en ligne, parce qu’ils sont…
forcés. Pour la première fois nous avons un journal, daté du 3 octobre. Nous
nous précipitons sur ces nouvelles, fraiches pour nous. Les Russes reculent en
France.
On parle de
trahisons. Un nommé BOLO. (*)
Je suis tout
étonné d’apprendre que le ministère est changé ! Que nous vivons en sauvages !!
On parle de paix. Viendra t-elle cet hiver ?
Notre artillerie
divisionnaire est partie en Syrie. Il parait que notre division, la 156, la
plus vieille d’Orient, doit être relevée et partir là-bas. … ? de voyage.
Nourriture
toujours mauvaise et insuffisante.
Hier soir à « 9h
du soir » un morceau de viande immangeable et un quart de « jus ». Tous les
jours il manque quelque chose.
J’attends des colis avec impatience.
(*) : L’affaire BOLO Paul Marie a secoué la France de cette
année 1917. Durant le premier conflit mondial, il convainc l'Allemagne de
corrompre la presse française pour y publier des articles pacifistes destinés à
atteindre le moral des Français. Arrêté en septembre 1917, après avoir reçu sur
son compte 11 millions de marks en provenance de la Deutsche Bank, Bolo (dit
Pacha) est jugé par le conseil de guerre en février 1918 et condamné à mort. Lire ici.
Allons creuser des
tranchées. Il fait très froid au matin. Sur le soir le temps se radoucit. Le
front est très calme ces jours-ci. On n’entend ni coups de canon, ni coups de
fusil.
Fête de la
Toussaint. Quelques piquets et c’est tout. (*)
Il y a un an,
j’étais en permission. Que de différence ! Dans un an, où serais-je ?
Pluie intermittente. Le soir de 7 à 9, alerte. Les Autrichiens attaquent.
(*) : Ils plantent des piquets avec du fil de fer barbelés.
Repos toute la
journée.
Travaux de
tranchées. Notre guitoune brûle à moitié. Tout va mal après. On nous vole notre
viande, les haricots ne sont pas cuits etc.… le vin chaud est exécrable.
Mon oreille
recoule.
Il me faut y aller
tous les jours à la visite. Mes deux camarades prennent la garde dans la nuit.
Je vais me faire
soigner.
Camouflage des
guitounes. Nous nous protégeons contre la neige.
Les premières
lignes doivent être ramenées en arrière, à l’endroit où sont les tranchées, le
11, je crois. Les travaux sont donc pressés. Je ne fais rien.
Le major parle de
m’évacuer. Drôle d’histoire, à laquelle j’étais loin de m’attendre.
Mon oreille va
mieux.
Les nouvelles
venant de France sont assez graves. Il
circule des bruits extraordinaires. On parle de trahisons. BOLO, FUNNEL, MALVY,
Charles HUMBERT seraient emprisonnées. Quel grabuge ça doit faire en France. (*)
Il paraitrait
aussi que les Italiens se sont rendus et qu’ils ont laissé 80 000 hommes aux
mains des Autrichiens. (**)
Tout ce chambard
sent la fin.
Ce que je rage d’être
enterré ici et de ne saisir aucune nouvelle. Il est vrai que sur le front
français on les sait de trop près.
Depuis 15 jours, nous avons comme légumes, lorsqu’il y en a, des haricots pas cuits. Je commence à en avoir plein le dos des « fayots ».
(*) : Affaire politico-financière-espionnage. Voir ici.
(**) : La bataille de Caporetto (octobre-novembre 1917) a été
perdu par l’Italie face aux Austro-Hongrois-Allemands. Bilan pour l’Italie
30.000 morts et blessés et 260.000 prisonniers. On est loin des renseignements
de Roger MARCOUIRE ! Cette bataille a entrainé l’envoi massif de troupes
françaises sur le front italien.
Hier nous avons
reçu chacun un colis. Ces envois nous mettent le cœur de l’estomac en joie.
L’ordinaire est varié.
Nous nous couchons
de bonne humeur. Pas de bougie un remède : un bocal trempé dans de la graisse
d’arme procure une lumière assez fumeuse et sans trop mauvais goût. Je ne serai
plus embarrassé dans le civil ! Rien autre de nouveau aujourd’hui.
Pluie
torrentielle. Toute la nuit. Il fait humide.
Nous devons
quitter le bivouac dans la nuit du 12 au 13, parait-il. Nous ne savons pour où
aller. Certains disent que nous allons en arrière, d’autres que nous allons
occuper les tranchées faites en arrière de
nous…
Les lettres et
colis arrivent régulièrement ces jours-ci.
Pas de changement.
Toujours de la pluie.
Sérieux coup de
main de main pour les boites de conserves.
Depuis quelques
jours, je ne vais plus travailler. Je suis sensé me faire donner des soins pour
mon oreille. Tant que ça durera.
J’ai oublié de
mettre les noms des deux camarades qui forment notre trio depuis quelques
temps. Ce sont GUEYLARD de Bordeaux et MOREAU des environs de Ruffec. Mon
sergent travaille à la bijouterie AGNEAUX au 78.
Départ le soir à
minuit au milieu d’une pluie battante.
Je crois que je me souviendrai toute la vie de cette marche à travers
la pluie. Les pistes n’étant plus
praticables il nous a fallu passer à côté. Impossible de voir l’homme
qui se trouve devant soi. Nous ne faisons tous que tomber dans l’eau et la boue
qui nous vient jusqu’aux genoux.
Ce ne sont plus des hommes qui arrivent du côté de la 1704 à 8h du matin.
Ce sont des masses de boue qui peuvent à peine se trainer.
La pluie tombe à torrent jusqu’à 11h. Nous grelottons de froid. Le bois
est mouillé, impossible de faire du feu.
La soupe arrive à 5h. Le bouillon nous réchauffe.
Vers le soir la pluie cesse. Nous faisons un bon feu devant la guitoune
et un coup de main sur les conserves.
Nuit tranquille.
Matinée
tranquille.
Démontage des guitounes à 11h. Départ à 12h. Temps meilleur.
Arrivée en ligne à
4h
Nous relevons le
175. Le piton où se trouvent les tranchées s’appelle « Piton
chevelu ». Notre section est en réserve. Le bombardement est violent toute
la journée, il ne cesse que vers le soir, au moment où la pluie recommence.
La soupe arrive à 9h.
Il faut faire 6km pour la chercher.
Mon copain MOREAU
qui a été la cherché, s’est perdu dans la montagne et revient de fort mauvaise
humeur.
Je reçois un colis
contenant du chocolat, un peigne, des épingles et un journal en date du… 7
décembre 1914.
Moi qui voulais
des nouvelles fraiches, je suis servi ! J’oubliais nouveau coup de main sur les
conserves et le chocolat. Le pain manque un peu.
Nuit calme.
Vue sur le piton Chevelu de nos
jours
Pluie toute la
matinée.
Nous avons un mal
de chien pour allumer du feu. Nous arrivons au moyen de la graisse d’arme de
deux bouts de bois qui tenaient mon
peigne et d’une boite en fer. Tantôt calme. Bon feu
Aménagement de la
guitoune.
Bombardement 4
coups de 65.
Journée de
brouillard et très calme. Pas un coup de canon.
Les artilleurs se
rattrapent. Ils nous marmitent toute la journée. La canonnade et la fusillade ne discontinuent pas jusqu’au soir. Les français tirent avec des
120 sur Okrida.
Il ne va plus rien
rester de la ville.
Journée un peu
plus calme. Un peu de brouillard. Quelques fusillades et c’est tout.
Toujours assez
calme. Il fait aujourd’hui très froid.
Toujours froid et
calme.
Temps splendide,
le vent est froid mais il fait un beau soleil. Les boches devaient attaquer
hier, nous avons été alertés toute la nuit et toute la journée, tout était prêt
pour les recevoir et…ils n’ont pas tiré un coup de canon. Je crois que si nous
ne les embêtions pas, ces gens-là ne diraient jamais rien.
J’ai reçu trois
lettres successives de Céline, dans lesquelles, elle me met des coupures de
journaux.
Forte offensive en
France, parait-il.
Le même bruit
court toujours que nous devons être relevés. Finira t-il par se réaliser ?
Toujours calme.
Les Français ainsi
que les Autrichiens font beaucoup sauter de mines, pour faire des tranchées et
des routes.
Prenons les
tranchées.
Un avion
autrichien fait du repérage pendant une demi-heure. Journée calme.
Avons pris la
garde cette nuit avec MOREAU. 4h c’est diablement long. Il fait assez froid.
Nous la prenons dans un trou en avant des tranchées, contre les barbelés. Nuit
calme. Le secteur n’est pas si bon qu’au Sherlock.
Il faut mettre une
heure pour aller à la soupe. 4h de garde de nuit et 2 de jour.
Il faut travailler
par-dessus le marché et aller faire des patrouilles. Nous en avons fait une la
nuit dernière, mais il nous a été
impossible de trouver la « Chicane » et ma foi, nous sommes revenus,
sans aller plus loin. Nous avons pris la garde en revenant. Nous nous sommes
serrés dans notre trou, la couverture sur la tête.
De temps un temps,
un petit tressaillement, ce ne sont pas les Autrichiens qui nous dérangent,
mais les « totos ». Sales bêtes !!! Il y en a d’ailleurs pas mal dans notre
gourbi. Il faut être esquinté pour y dormir.
Dès qu’on y fait
du feu, le gourbi s’emplit de fumée, c’est irrespirable, nous sommes des rats,
enfumés dans le sol.
Journée calme.
Patrouille la nuit
de 2h à 4h.
Toujours calme.
Garde et
patrouille.
Vive fusillade
toute la Journée. Moreau part aux mitrailleurs. Je reste seul. Hommes relevés
le soir à 10h. Pendant ces quatre jours de ligne nous avons entendu 3 coups de
canon.
Marche très dure.
Arrivons dans un
petit pays à 6km au nord de Pogradec.
Totalement
esquinté. Le capitaine complètement ivre, nous fait faire du maniement d’arme.
Arrivée à Podgori.
Logeons toujours
dans habitations. L’intérieur des Albanais est pauvre. Pas de meubles. Hommes
et femmes dorment et mangent dans la même pièce. Je goûte leur pain. Il est
fait avec du maïs. Pas mauvais goût, mais très serré et indigeste.
Repartons au matin
de Podgori.
Grand’halte à Sousda (Zvezda).
Le lac Malik a débordé et est au bord de la route.
Arrivons vers 4H à
Cangoni (Tsangoni).
Couchons sous les guitounes sous prétexte qu’il y a la peste au village.
Repartons au
matin.
Arrivons à
Biklista (Biklichta), village assez important où l’on trouve quelques boutiques
et quelques articles variés. Le pain naturellement est introuvable.
Logeons dans les
guitounes.
Repos.
Attendons le reste
du régiment. Dans la nuit : alerte. Sacs montés prêts à revenir en lignes.
Ce n’est heureusement qu’une
fausse alerte.
Restons encore à Biklista.
Tous les mouvements de troupe
sont arrêtés. J’ignore la raison.
Partons le soir et allons
loger dans Biklista même.
Ma demi-section est toute
entière dans une maison. Ne sommes pas mal. J’apprends pourquoi nous restons
ici.
Les Russes ont signé un
armistice avec les Allemands et ne combattent plus. Restons derrière les lignes
au cas où ils ficheraient le camp.
Ils ont fraternisé avec les
Autrichiens dans la nuit du vendredi au samedi, ce qui a causé l’alerte dont
j’ai parlé !
Retourne voir le major pour
mon oreille. Nourriture sensiblement meilleure.
Rien de nouveau.
Toujours rien de nouveau.
Repos. Rien à faire. Les
Russes ont signé un armistice et sont relevés.
Je fais le bucheron ces
jours-ci. Nous partons avec des camarades et de petits chevaux albanais dans la
montagne et nous abattons des arbres pour nous chauffer.
Toujours au repos
à Biklista.
Nous devons aller à Doiran par crainte d’une attaque, à la suite du lâchage de
la Russie. Il n’y a plus rien à craindre parait-il. Nous restons ici, je ne
sais jusqu’à quand. Le courrier va très mal. Il neige fort ces temps-ci. Les
camions tombent dans les ravins. Je n’ai
pas reçu de nouvelles de la maison depuis que je suis à Biklista (Biklichta).
La nourriture qui s’était
améliorée est redevenue subitement très mauvaise. Il faut serrer la ceinture.
Enfin espérons qu’avec le
ministère CLEMENCEAU la guerre va se terminer. Il parait que nous devons être
rentres chez nous pour le mois d’octobre 1918.
Nous avons le temps
d’attendre.
Repos.
Pendant la journée du 19, nous avons fait rester la femme de notre logeur pendant 4 heures dans les W-C. Le bonhomme ne voulait pas que nous voyions son épouse. Il a des mœurs toutes musulmanes.
Départ inattendu. Les Russes
ont signé la paix. Il faut aller les relever à Lescoveck.
Arrivons le soir à Swesda (Zvezda). Logeons sous les
guitounes. Il neige toute la journée.
Départ. Beau temps.
Arrivons sur les bords du lac
Prespa. Logeons dans les maisons de Gloubec (Glombotch).
Arrivons en lignes après 3
jours de marche très durs.
Couchons sous les guitounes
dans la neige. Il fait un froid du diable.
Partons le soir.
Arrivons à 2h du matin en
lignes.
Il y a un travail formidable
de fait. Tout un réseau de tranchées creusées en plein roc. Il y a des
escaliers pour y monter car elles sont sur une pente rapide.
Restons toute la nuit dans la tranchée.
(*) : Il se
trouve dans la région de Lescoveck (Léshovéts).
Positions
françaises (en rouge) et russes (en marron) juste avant le départ des Russes en
janvier 1918.
Roger
MARCOUIRE se trouvait donc dans la région de Lescoveck (Léshovéts)
entre les lacs d’Okrida et de Prespa.
Journée très calme.
Les boches nous dominent et
plongent dans nos tranchées. C’est étonnant qu’ils ne nous bombardent pas.
Violent bombardement. Les
boches ont un crapouillot qui nous a repéré.
Qu’est-ce que nous
prenons ! Un 105 tombe entre mon abri et celui du fusil-mitrailleur. Nous
sommes trois là-dedans renversés les uns sur les autres. Le gourbi est démoli.
C’est irrespirable. Je me sauve dans l’abri
de bombardement.
Sur le soir, je suis appelé
par le lieutenant comme agent de liaison. Bon gourbi près de lui. Les boches
peuvent bombarder.
4h du matin.
Réveil en fanfare.
Crapouillotage. Les Allemands tentent un coup de mains. Je suis obligé de
chercher le lieutenant sous les obus. Qu’est ce qui tombe ! Les FM ne
marchent pas. J’essaie d’entrer en liaison avec la 2ième section. Un poilu
blessé, il a l’œil enlevé, se fiche dans moi et me dit
que les Allemands sont dans le boyau.
J’avance : personne. Ni
Français ni Allemands.
J’arrive à la 2nde section.
Une torpille éclate au-dessus de ma tête. Je suis jeté à terre. Une pierre me
coupe un peu l’oreille, la 2ième n’a plus de grenades. Je reviens le dire au
lieutenant.
Enfin vers 7h tout cesse.
Mon escouade est démembrée. Trois blessés assez grièvement. Un disparu. (*)
Les Allemands ont laissé un des leurs aux fils de fer. Ils n’ont pas pu l’emporter.
(*) : Le coup de main allemand fait 1 tué, 10 blessés et 12
disparus. Les faits et les causes de l’action allemande sont relatés dans le
JMO de la 156e division d’infanterie. Voir
ici.
Le tué est ÉMIE André Joseph (sa fiche). 2 blessés
mourront ensuite : CHAMIGON
Charles et SAGETTE
Ferdinand.
Journée calme. Léger bombardement.
Le soir l’équipement du
disparu est retrouvé. Les Allemands ont laissé une centaine de grenades, des
bérets, un revolver. Ils ont dû se retirer précipitamment.
Nuit et journée calmes.
Il pleut.
Journée calme.
Alerte dans la nuit. Les
Allemands coupent les fils de fer. Tir de grenades et de FM. La nourriture est
insuffisante. Le ravitaillement n’arrive pas. Pour la 1ière fois depuis
Biklista, je reçois du courrier. Les lettres se perdent beaucoup.
Très froid. Impossible de se
réchauffer les pieds.
Nuit calme.
Pas dérangé. Encore le même
bruit dans la nuit. C’est la gelée. Les fils de fer sont bien coupés mais par
nos grenades.
Depuis 4 jours je suis
mouillé. J’ai réussi juste à me sécher aujourd’hui. J’ai enlevé mon chandail et
comme je n’en ai pas de rechange, je suis resté sans chemise ni chandail.
Vivement que la guerre finisse.
Je n’aurais jamais cru mener
une pareille existence. Les pieds et le corps dans l’eau, plein de totos, rien
à se mettre sous la dent et à peine de courrier.
Journée calme.
Beau temps. Froid. Reçu
lettre de Suzanne. J’ai le cafard !!
Reçu colis de grand-mère.
Pluie. La boue va
recommencer. Un Allemand s’est rendu la nuit dernière. Bombardement.
Nouveau coup de main allemand
dans la nuit à 4h du matin. Décidemment, ils veulent à toute force nous emmener
à Berlin.
Ça n’a rien à faire. Ils sont
encore restés au fil de fer. Ils en ont coupé quelques mètres. Mais j’ai eu un
moment de trac. La mitrailleuse ne marche pas. Plus de grenades. Le lieutenant
reste seul avec un poilu et moi. Il m’envoie en vitesse cherché des grenades au
PC du capitaine et tire des coups de fusil en hurlant comme un beau diable.
Arrivé au capitaine, on me
dit de ne pas trop tirer là-haut. Qu’il ne faut pas se presser ni s’affoler. Il
n’y a plus de grenades. Ah ! Ils sont charmants ! Sentir les
Allemands sur les fils de fer, pas de quoi les recevoir et pas s’affoler !
Je remonte avec une caisse
de VB (*).
Autre histoire :
Tout le monde me fuit comme
un pestiféré. Ils ont peur qu’un obus tombe sur la caisse et qu’elle n’éclate.
Je reste seul à m’évertuer à l’ouvrir, me fourrant le plus possible dans le
pare-éclat. Enfin un sergent vient m’aider et les VB partent.
Tout rentre dans le silence.
À 5h1/2, nouvelle alerte.
Sans importance.
Journée froide et pluvieuse.
Calme.
Tous mes anciens copains sont évacués. Je reste seul. Mon tour va-t-il venir ?
(*) : Le système VB (Viven Bessière) est un système de lancement
de grenade par fusil. Voir ici.
Nuit et journée calme. Suis
toujours agent de liaison.
2ième demande d’aspirant appuyée par mon lieutenant. Réussira-t-elle ? Pour le 11 février pas longtemps à attendre.
Nuit et journées calmes.
Les Allemands sont venus essayer
de couper les fils de fer. On leur a flanqué une charge sur la figure et ils
sont partis.
J’ai fait avec mon lieutenant
les plans des tranchées et leur relevé exact. Le lieutenant est charmant pour
moi. C’est un véritable camarade. Il sait que je suis étudiant et nous sommes
une paire d’amis. Je voudrais bien rester agent de liaison tant que nous serons
en lignes.
Temps magnifique. Nourriture
meilleure. Je mange mieux qu’à la section.
Journée calme.
Bombardement assez violent
sur le soir. Ce matin en montant sur la tranchée pour aller satisfaire un
besoin pressant les bulgares m’ont tiré dessus. Étonnant de leur part.
Changeons de secteur.
Appuyons un peu plus à droite.
Je retourne à ma section. Ce
qui ne me plait guère. Il faut reprendre la garde.
Alerte dans la nuit. 6H30. Je
tire quelques coups de fusil, je ne sais trop sur quoi.
Journée calme.
Journée calme.
Temps magnifique.
Toujours calme.
Brouillard. Je me promène sur
les parapets. Je trouve quelques grenades.
Bombardement assez violent
dans l’après-midi.
Calme.
Léger bombardement. Temps toujours très beau.
Journée et nuit calmes.
Violent bombardement.
Journée calme. Temps beau
mais un peu froid.
Le secteur de la section est
rallongé. Je m’attends tous les jours à nous voir faire prisonniers. Nous ne
sommes pas le 1/4 du monde nécessaire. Si les Allemands tentent un coup de main
un peu important, nous sommes flambés. Ma foi, j’irai faire un petit tour à
Berlin.
La nourriture est bonne mais
insuffisante. Courrier n’arrive pas.
Je crois que ma demande
d’aspirant est dans le lac. Il y a déjà
10 jours. C’est un peu tard. Tant pis.
Rien à signaler.
Je pars comme observateur
d’artillerie. Arrivé au colonel, on m’apprend que ma demande a réussi.
Je pars en France comme aspirant.
J’arrive à la maison frontière. (*)
(*) : Maison frontière entre la Serbie et l’Albanie.
En arabas (*), à pied puis en auto jusqu’à Smrdès.
(*) : Un araba est un véhicule hippomobile sans caractéristiques
particulières, tracté par des chevaux ou des bœufs, utilisé dans les pays du
Moyen-Orient. Il est généralement lourd et sans ressorts, et souvent couvert.
Génovah (Jélova), Florina,
Salonique.
Nous sommes deux du 176.
Départ à Salonique.
Petite bombe avec les E
A de L’A F O. (*)
Presque tous sergents ou caporaux-fourriers. Beaucoup de changement comme intellectualité avec le 176.
(*) : Élèves-Aspirants de l’Armée Française d’Orient.
Départ de Salonique. Serrés
comme des sardines.
Soupe à Larissa.
Arrivés à Bralo.
Départ le soir même en
camions. La route est meilleure qu’au départ. Le moral est meilleur
aussi ! Couchons sous les marabouts.
Avons passé près du temple de
Delphes.
Séjour à Itéa.
Embarquons sur le
« Guichen », croiseur dans le genre du « Jules Ferry ». Le
convoi comprend aussi le « Team Gat », bateau
marchand.
Arrivons la nuit à Corfou où
nous faisons escale à cause des sous-marins.
Avons vu à Itéa la tombe du
lieutenant, commandant l’UC38, qui a coulé le Château-Renault. Il s’appelle
Bock. (*)
Sous-marins.
(*) : Le 14 décembre 1917, en mer Ionienne, le
« Château-Renault » reçoit deux torpilles lancées par le sous-marin
allemand UC 38. Les marins avaient tous été évacués avant le naufrage.
Journée passée à bord du
« Guichen » en vue de Corfou.
Départ le soir. Nous devions
être à St Cyr. Léger retard.
Traversée bonne. Temps admirable.
Pas de sous-marin.
Je repars à 5h.
Journée passée en chemin de
fer.
Bari, Foggia, le Vésuve.
Civitavecchia, Rome et
Livourne le lendemain à 4h du matin.
Départ de Livourne à 11h
Arrivés au jour avant San
Rémo, Vintimille. Bonjour aux annamites qui gardent la frontière.
Arrivés à Marseille à 6h
matin. Amerikan Park jusqu’à 9h. Fort St Jean.
Prends le train à 12h50.
Express, ça me change.
Déraillement avant Tonnerre (Yonne). Changeons de train.
Arrivée à Paris à 1h de
l’après-midi. Apprends les dégâts commis par le « Gothas ». (*)
(*) : Ce sont des avions allemands qui survole et bombardent
Paris pour terroriser la capitale.
Repars pour St Cyr.
Arrivée à 2h après-midi.
Exercice continu mais pas dur. Travail intéressant. Nourriture bonne. Attends
dimanche avec impatience.
Visite des Gothas sur Paris. Alerte dans la nuit du 8 au 9, 13 morts et une cinquantaine de blessés.
Pas encore d’offensive au
front français. La guerre avec le ministère Clémenceau est menée
vigoureusement. Des restrictions en quantité. Pain rare. Plus de gâteaux ni
bonbons ni crèmes.
Défection complète des Russes. Intervention probable du Japon. Roumanie écrasée. On commence à voir un certain nombre de soldats américains. Paris toujours très animé malgré les Gothas.
Nouvelle visite des Gothas
dans la nuit du 11 au 12. J’ignore encore le nombre de victimes. 14 escadrilles
ce qui fait 60 gothas. 60 morts et quelques morts. 170 blessés.
L’usine d’explosifs de la
Courneuve saute. (*)
(*) : L’usine de grenade a explosée le 15 mars 1918.
Visite des gothas en plein
jour ce matin.
Alerte de 8h à 12h.
(*) : Une alerte a bien été déclenchée
à Paris vers 8h30 (les gothas allaient bombarder Compiègne) mais le soir et non
le jour : je n’ai pas retrouvé de raid gothas de jour sur Paris (voir Paris
bombardé par zeppelins, gothas & berthas / Maurice Thiéry
| Gallica (bnf.fr). Ce n’est pas le 22 avril car
pas de raid retrouvé ce jour et la « Bertha » était alors restée silencieuse
(livre p197).
Départ à Poitiers.
Je vais faire un stage de
chef de section de mitrailleuse pour un mois. Très bien logé et pas mal nourri.
Liberté complète. La ville elle-même est jolie mais « province ». Les environs
sont charmants. Les « Pictaviennes » sont charmantes mais ont peur des cancans.
Un canon à longue portée a
bombardé Paris pendant quelque temps mais est détruit. Les gothas viennent de
temps à autre. Nous avons été faire des manœuvres à Cernay. Coin charmant. Nous
nous sommes pas mal amusés.
L’existence est plus gaie comme E.O. (élève-aspirant) qu’en Albanie.
Pas d’écrit entre ces 2 dates. Roger
MARCOUIRE devient caporal le 2 juin, puis sergent le 2 juillet.
Toujours à St Cyr.
Le cours se termine dans 13
jours. Je ne sais pas encore si je serai nommé aspirant.
Trois grosses offensives boches qui avancent jusqu’à la Marne. Contre-offensive victorieuse de Foch qui les repousse vers le Nord. Canon et gothas bombardent toujours Paris de temps à autre.
Suis nommé aspirant.
Pars en permission d’un mois.
Vais tous les dimanches à Paris, reste la semaine à Sergine. Deux bombardements
pendant ma permission. Offensive boche arrêtée.
Il repart en Orient.
Repris Agde à la fin de ma
permission. Sale patelin, je m’ennuie pendant 15 jours en compagnie de DEMONT.
Départ d’Agde avec un sergent
armurier MARTINET. Arrêt à Sète, Tarascon, 3 jours à Marseille.
J’arrive à Puget à sec. 4
jours à Puget.
Départ du camp avec un convoi
et 18 aspirants. Passage de la frontière le 20 septembre. Comme ça m’ennuie pas
mal de suivre le train, je passe 2 heures à Cannes en compagnie d’un copain
(aspirant GUILLEMAIN) et…nous ratons le train. Très chic voyage.
Arrêt à Vintimille.
Très bon restaurant. Bon
repas. Jolies servantes, nuit encore meilleure.
Départ à 6 heures dans rapide
Gênes. Journée passée à Gênes. Jolie ville, beau port. Reprenons le train.
Arrivons à Livourne. Le convoi a quitté cette ville la veille. Arrivée à
Naples. Quelques quartiers sont beaux. Presque toute la ville est pauvre et
pâle.
Je me suis arrêté également
quelques heures à Rome. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de visiter la
ville. Arrivée à Tarente. Personne ne s’est aperçu de notre absence.
Nous embarquons le lendemain.
Sur « l’Amazone »,
très joli paquebot.
2 jours de traversée. Beau
temps. Nouba pendant tout le parcours.
Restons 2 jours à Itéa.
Prenons une barque, allons dans un petit patelin à côté pour y trouver une
boîte où l’on s’amuse. Malheureusement, les renseignements étaient faux et
c’était un marchand de dentelles.
Départ d’Itéa. Camions jusqu’à Bralo.
Jusqu’à Plati. De là
direction Vodena. Reste un mois à
Vodena.
(*) : Les villes soulignées sont visibles sur cette carte.
Suis nommé adjudant de bataillon
au bout de deux jours. Très bonne popotte. Ville peu intéressante.
Au bout de quelques temps,
les noubas succèdent aux noubas.
Suis affecté au 175 le 10
novembre. (*)
(*) : Selon sa fiche matriculaire, Roger MARCOUIRE est passé au
175e régiment d’infanterie le 24 octobre 1918.
Pars pour Monastir. Je
dois rejoindre le régiment qui est à Prilep.
Mais c’est trop loin. Je
l’attends à Monastir. Deux ou trois bombes pendant ces quelques jours font
passer le temps.
Le régiment arrive à Monastir
le 12. Suis affecté à la 11e Cie.
Quittons la ville le 18.
Prenons le train jusqu’à Verria.
Voyage pas très charmant. Tous les hommes sont saouls. Mon commandant de
compagnie est parfaitement abruti. Faisons 15 km en pleine montagne. Je suis de
garde de police.
Le capitaine fiche le camp et
me dit de le rejoindre sans me donner d’indications.
À 9h du soir suis perdu en
pleine montagne. Me dirige vers une lumière. Trouve un gardien de moutons qui
me conduit vers Dolgeani (*) – Mes hommes n’en peuvent plus.
(*) : Pour info, Dolgeani est un peu à
l’ouest de Verria.
Restons 15 jours à Dolgeani. M’y ennuie copieusement.
Le bataillon est dissout.
Suis affecté à la 5ème, meilleure compagnie.
Restons 20 jours à Verria.
Partons pour Salonique et
embarquons sur le « Dobroudja » le 20. Un infâme cargo.
Ai le mal de mer en passant
au large de Lemnos – Les vagues passent par-dessus le pont. Traversée
des Dardanelles très calme. Arrêt d’une journée devant Constantinople.
Visite la ville – très jolie
mais sale. Je me perds dans la ville en compagnie de quelques camarades et nous
avons juste le temps le lendemain matin de sauter dans une barque de pécheurs
pour rejoindre le bateau.
Passé en mer. C’est le plus
mauvais que j’ai passé jusqu’à présent. Mer un peu agitée.
Arrivée à Sébastopol le 27.
Sommes logés aux casernes de
la Marine. Jolie ville. Femmes charmantes. Jamais vu une ville aussi dépravée.
Sommes logés en ville le 6.
Hôtel Roerberg, en plein centre.
Existence épatante. Le change
est à 170 ce qui fait pas mal d’argent.
La vie est chère par exemple.
Surtout les vêtements. 1500 roubles un costume, 300 roubles une paire de
chaussures.
Faisons une bringue effrénée.
Puis arrêt pendant quelque temps. Prend la garde à l’hôtel Rist. Très jolies
femmes. Ne couche jamais tout seul.
Sale histoire.
Après une soirée rentre dans
la chambre d’une copine, avec un camarade et une autre femme. Celles-ci un peu
ivres touchent à mon browning et tirent un coup de revolver.
Branle-bas dans la maison.
Nous sortons un voisin qui était venu voir. Résultat la bonne femme est fichue à la porte.
Passe à la C.H.R. au S.R. du
régiment.
Loge au Grand-Hôtel – Suis
gérant du foyer du soldat.
Existence calme. Nous nous
endormons dans les délices de Capoue. Pendant ce temps les bolcheviks avancent.
(*) : CHR = Compagnie hors rang. SR = section de renseignements.
Passe au S.R. de la brigade –
Service intéressant. Perquisitions – trouvons deux dépots
de munitions. Me voici devenu détective amateur – Prends les passeports.
Alerte.
Les bolcheviks sont devant
Sébastopol. Toutes les troupes remontent aux casernes. Une Cie et le S.R.
restent dans la ville à l’hôtel Roergberg.
Les bolcheviks prennent le
mamelon vert.
Nous leur reprenons.
La marine exécute un tir de
barrage sur les lignes ennemies. Les bolcheviks ont 300 tués ou blessés.
Vais faire le soir une
perquisition. Je rencontre un lieutenant qui avait un poste pas loin.
Il vient avec moi. Nous
trouvons une chique maison, de jolies femmes, pas d’armes. Ces dames nous
offrent le thé et la nuit se finit fort agréablement.
(*) : La marine française défendait Sébastopol contre les
bolcheviks (les rouges) qui attaquaient les « Blancs »
Révolte de la marine.
Les marins du
« Vergniaud », de la « France » du « Jean-Bart »
et de la « Justice », parcourent les rues de Sébastopol en chantant
l’internationale et arborent le drapeau rouge
sur les navires. Un comité des marins s’installe à bord des navires.
Le mouvement ne durent heureusement que trois jours et tous rentre dans l’ordre. (*)
(*) : La mutinerie des marins français est peu connue. Pourtant
elle a précipité le départ des troupes françaises de Russie.
Le 19 avril 1919, les marins du bâtiment de guerre « France », ancré près du port de
Sébastopol en Mer Noire, se sont révoltés contre des ordres de déplacer 700
tonnes de charbon durant le week-end de Pâques.
Le commandement français avait envoyé sur la côte de la Crimée
une flotte dont les milliers de soldats et d'hommes d'équipage étaient épuisés
par la guerre, certains étaient en service depuis 1915. L'objectif était
d'apporter une aide matérielle et militaire aux armées blanches sous le
commandement du général Anton Denikine qui se battaient contre les
bolcheviques. Cela a provoqué un énorme mécontentement parmi les conscrits
français, de janvier à avril, plusieurs unités françaises stationnées dans le
sud de l'Ukraine ont refusées de combattre, et les blancs ont dû évacuer
Odessa.
Quand les marins du France
ont reçu l'ordre de charger du charbon à la pelle, la discipline militaire
était très mauvaise dans toute la flotte. Quand les
drapeaux ont été hissés le matin du 19 avril, une partie de l'équipage a refusé
de saluer. Puis des centaines de plus se sont rassemblés sur le pont dans la
matinée pour demander un jour de congé, et ils ont commencés à chanter l'hymne
sociale, l'Internationale.
Bientôt les marins d'un autre navire de la flotte stationné à
proximité, le « Jean-Bart »,
se sont joints au chant.
Quand les officiers sont arrivés sur le pont, et ont demandés
aux marins de se disperser, ils ont été accueillis par des moqueries et des
menaces. Un officier a promis de transmettre les demandes des marins au
capitaine. D'après André Marty, l'un des meneurs du mouvement en Mer Noire, les
marins ont alors demandé « Qu'est-ce
qu'on fait en Russie ? On ne veut pas se battre contre les ouvriers qui sont nos
frères, on veut partir », les marins du France ont envoyé une
délégation au Jean-Bart et ont
demandé quelles étaient leurs demandes. Leur réponse fut « rentrer à Toulon ! Plus de guerre avec la Russie ! »
Malgré un sermon de l'amiral de la flotte sur les méfaits du
bolchevisme, les marins des deux navires ont débarqués le lendemain, et ont
rejoint une manifestation des ouvriers de Sébastopol contre la guerre. Des
marins d'autres navires les ont rejoint également mais
des soldats français et grecs stationnés à proximité ont ouvert le feu contre
la manifestation, tuant et blessant des dizaines de personnes.
La flotte française a éclaté de colère et des mutineries ont
commencé sur d'autres navires durant tout le mois qui a suivi. La présence
française en Mer Noire est devenue impossible à maintenir pour l'armée et la
flotte a dû rentrer en France en mai.
Le mécontentement des mutins trouvait sa source dans les rations
réduites, la délivrance hasardeuse des courriers, le manque d'autorisations de
descendre à terre, et la brutalité de la discipline imposée par les officiers.
Mais c'était en particulier l'engagement d'une nouvelle guerre qui les a
radicalisés. La propagande bolchevique a joué un rôle crucial dans la
mutinerie. Les bolcheviques ont édité un journal en français intitulé Le
Communiste qui reprenait les demandes des marins et les informait sur
l'objectif des bolcheviques d'une révolution mondiale.
(Article paru en anglais le 16 avril 2019).
Armistice conclu avec les
bolcheviks pour 8 jours.
Un gouvernement des soviets
s’installe dans la ville – Le drapeau rouge flotte sur l’ancien hôtel Ranine.
Continuons à donner des passeports. Un délégué des Soviets vient me
demander de ne pas en donner. Je le
menace de le faire mettre en prison.
Fait connaissance Madame
KALEDINE. C’est le chef du parti bolchevik de la région. Très jolie femme.
Perquisitionne dans 20 maisons
de la Rarabelnaya. Faubourgs de Sébastopol.
Trouve un peu de tout. Des
fusils français, russes ou japonais, des bandes de mitrailleuses, des bombes et
une maison où nous trouvons --- une quinzaine de femmes nues qui nous invitent
à entrer.
Malheureusement elles sont
d’une saleté repoussante.
Perquisition dans l’imprimerie du Volnei Youg. Trouvons des tracts prêts à être distribués
aux matelots. Emboitons l’imprimeur, sabotons les machines, puis nous mettons
tous les casiers au milieu de
l’imprimerie.
Repartis en auto avec une
interprète à l’imprimerie pour y mettre les scellés.
Je suis remarqué et le
lendemain, ces messieurs du C. des S. (*) m’envoient une lettre de menaces.
Ils ont de la veine qu’on n’y
soit pas resté plus longtemps. Je leur en aurais foutu des menaces.
(*) : Comité des Soviets
Rien de marquant.
Distribue les derniers
passeports et dernière vengeance, me paie la femme du maire pendant ces trois
nuits.
Les troupes alliées quittent
Sébastopol. Tout se passe très bien.
J’embarque sur le « Rodosto
». Je n’ai jamais vu un si grand nombre de navires. 6 gros français – 2
cuirassés et 2 destroyers anglais, un cuirassé américain et 1 grec, 1 cuirassé
russe mené par les Anglais. Une quinzaine de torpilleurs ou contre-torpilleurs,
cinq sous-marins, 14 transports de troupes et 2 navires hôpitaux français et un
russe.
J’ai oublié de dire dans la nuit du 16, les Bolcheviks avaient placé 5 bombes sur le navire hôpital. Il y eut une vingtaine de morts et 80 ou 100 blessés.
Du « Rodosto
», nous voyons les Bolcheviks pénétrer dans la ville. J’ai mal au cœur d’être
obligé d’abandonner la ville à ces gens-là. Enfin, il paraît d’après les
derniers tuyaux que ce ne sont plus les pillards du début. Peut-être vont-ils
finir par donner à la Russie un gouvernement stable.
Les troupes évacuant Sébastopol étaient les suivantes : 1 régiment français, 2 bataillons indigènes, deux régiments grecs et un bataillon tchécoslovaque. Comme artillerie un régiment français.
Une partie des cuirassés
reste encore quelques jours pour finir la réparation du « Mirabeau ».
Le change était monté à 1000 à la fin de l’occupation.
Deux jours de traversée, mer
calme. Nous débarquons à Constantza, ville peu intéressante. La monnaie
change.
Après les roubles, ce sont
les leis.
Carte de
situation des villes citées
Réembarquons le 3 mai sur le « Sadko ». Nous remontons les rives fleuries
du Danube. Elles sont bien laides. Peut-être est-il plus beau du côté de Vienne
? 24 heures de voyage. Arrivons à Galatz. 2 jours encore passés.
Ville guère plus intéressante
que Constantza. Prenons le train le 7. Restons deux jours en chemin de fer. Pas
de ville importante.
Pénétrons en Russie à Réni.
Voyageons 24 heures en Bessarabie.
Descendons le 9 à Passarewka, petit patelin à une vingtaine de kilomètres du Nuiester.
Nous nous installons à Masnnburg, colonie formée entièrement d’émigrants
allemands. Cette existence tranquille va me reposer de l’agitation des jours
précédents. Passe au bout de quelques jours secrétaire du colonel. Je deviens
un enragé du football. C’est notre seule distraction avec l’harmonium. Il y en
a un dans toutes les maisons.
Le 176 et le 1er RMA (*) sont à Akkerman sur les bords du Dniester (**) et sont en contact avec les Bolcheviks. C’était bien la peine de faire un tout pareil pour revenir à 70 km d’Odessa. Je suis proposé pour une décoration roumaine. J’ai oublié de dire que j’ai une proposition de S/lieutenant depuis le 26 avril. Je reçois peu de lettres de la maison pendant ce laps de temps. Ai reçu 20f de Suzanne.
(*) : 1e régiment de marche algérien
(**) : Voir la
carte.
Pas d’événements notoires, si
ce n’est la dissolution d’un bataillon. Le régiment est réduit à l’état de
squelette. Il est composé actuellement d’environ 400 hommes. Le 176 et le 1er
RMA sont dans le même cas. Le régiment va être dissout ces temps-ci. Je ne sais
pas ce que je vais devenir.
Peut-être tirailleur algérien
? Quelle drôle de tête j’aurais sous la chechia.
Le 175 est
dissous.
Il est transformé en régiment
de marche métropolitain (RMM) et la 156e
division d’infanterie en division coloniale. (*)
On parle de repartir vers,
encore une fois, destination inconnue – Buda-Pest ou ????
(*) : C’est exact. Voir
ici.
RMM dissout transformé en
bataillon de marche du 4ème zouaves. Nous portons une
chechia et le costume kaki.
Morne. Rien d’extraordinaire.
Départ pour Varna
(Bulgarie) par chemin de fer.
Arrivée à Djudjulesti
(*). Restons
2 jours.
(*) : Pour info Djudjulesti
est au confluent du Prout avec le Danube ~15km à l’est de Galatz.
Départ à 4 heures du matin à
pieds pour Galatz.
Arrivons à 2 heures de l’après-midi.
Ville assez gentille. Quelques maisons détruites par les Allemands. Devons
repartir dans quelques jours en direction Razgrad.
2ème proposition S/lieutenant
partie le 24. Vais probablement me faire rapatrier en août.
Beaucoup de travail actuellement.
Restons à Galatz
jusqu’au 2 août.
Départ pour Reni à
pieds. Sommes assez mal logés. Ne trouvons que de l’eau salée. Restons jusqu’au
4 à Reni.
Embarquement à bord d’une
péniche. Nous devons remonter le Danube jusqu’à Rouchtchouk
Partons remorqués par un
remorqueur. Allure moyenne 5km à
l’heure.
Nous allons pouvoir examiner
les rives à loisir.
Le fleuve est très joli.
Extrêmement large. 2km en moyenne. Fort courant.
Passons à Tsernavoda
– 1er pont sur le Danube.
(*) : À l’époque c’est le premier pont
avant la mer. Il était ferroviaire. Il est toujours ferroviaire, mais c’est le
second de nos jours. Voir.
Toujours navigation
tranquille. Sommes mangés par les moustiques. Nous logeons à fond de cale.
Impossible de manger sans être piqué.
Sur le soir, il pleut. Tous
les moustiques rentrent à l’intérieur. C’est intenable. Tout le monde remonte
sur le pont. Puis nous faisons brûler des vieux chiffons et du foin mouillé.
Au bout de deux heures, nous
pouvons enfin rentrer et dormir à peu près tranquilles. Il reste bien encore
les puces mais il ne faut pas être trop difficile.
Voyage toujours tranquille.
Passons à Silistrie.
Aucun incident.
Arrivons à Rouchtchouk. Ville assez jolie. La vie y est chère.
Seulement le change étant à
400, nous pouvons nous en tirer.
Les démobilisables des
classes 13, 14 et 15 quittent Rouchtchouk pour
la France. Mon tour va venir d’ici quelques jours. Le R.M.M est dissout. Le
reste du régiment va passer au 14ème R.T.A, les démobilisables partis.
Beaucoup de travail au
bureau. Je ne puis sortir.
Sans changement.
Sans changement. Rouchtchouk est une ville assez gentille, mais sans
amusement.
Départ de Rouchtchouk
comme démobilisable en direction Varna. RMM dissout.
Arrivée à Varna.
Voyage sans incident.
Voir la carte de son périple sur le
Danube.
Visite Varna. Ville
gentille.
Les Français ne sont pas
aimés. Espère partir en direction de Constantinople le 23 sur le
« Tigre ».
Sans changement. Sais prendre
des bains de mer. Le temps est splendide. J’espère aussi ce temps pour la
traversée.
Embarquons sur le « Tigre »,
bateau moyen. Suis logé dans une cabine de 1ère cl.
Nourriture passable. Confort pas moderne. Départ à 16 heures de Varna.
Arrivons à Constantinople.
Débarquons à 14 heures.
Rembarquons sur le
« Tigre » immédiatement. Une épidémie de choléra sévissant, il est
défendu de débarquer.
Restons en rade. Le bateau
fait du charbon et embarque des vivres et de l’eau pour 8 jours. Partons le
soir à 20 heures en direction Marseille.
Beau temps, très chaud, mer
calme. Passons au large des îles ioniennes.
Mer calme. Temps splendide.
Doublons le cap Matafan à 11 heures. Piquons droit sur le détroit de
Messine à 2 heures. N’apercevons plus une terre.
Bateau marche régulièrement.
Pensons arriver à Marseille vers samedi.
Mer déserte.
Atteignons le détroit de
Messine à 16 heures. Traversons le détroit sans nous arrêter. Apercevons l’Etna
environné d’un nuage de fumée.
Passons devant le Stromboli
vers 10 h. Le cratère est en flammes. L’effet sur la mer est très joli.
Marchons toute la journée
sans apercevoir aucune terre. Mer toujours calme.
Temps très chaud.
Fin des écrits
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