Carnet de guerre de Roger MARCOUIRE

Soldat, sous-officier puis officier aux 72e, 176e et 175e régiments d’infanterie.

1916 – 1919 : France – Grèce – Serbie - Albanie – Roumanie - Russie

 

Mise à jour : février 2021

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MARCOUIRE Roger est né en août 1896 à Vincennes. À ses 20 ans, étudiant en médecine, il est incorporé le 1e septembre 1916 au 33e régiment d’infanterie de Bellac (85) au sein duquel il fait sa formation. Il part aux armées en avril 1917 et intègre le 72e RI en juillet 1917…et la suite vous le découvrirez en lisant ses écrits.

J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.

 

Merci à Dominique pour le carnet de son grand-père.

Merci à Isabelle, Martine, Marlène, Bernard pour la retranscription du carnet.

Merci aussi à Philippe pour la relecture et corrections d’erreurs diverses.

 

 

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1916

1e septembre

Incorporation : 1er septembre 1916. 33e d’infanterie à Bellac. Ville triste sans amusements.

Existence assez monotone.

15, 16 et 18 septembre

Petite fête donnée par le 33e.

Je m’exerce au talent d’acteur. Je fais le rôle d’huissier Dans « un client sérieux ». Beaucoup de promesses, Entre autres, une permission de 48h que je n’ai pas eue. Je me suis bien amusé dans ces trois « représentations ».

Artistes d’occasion, nous avons fait quelques gaffes. Beaucoup de mal pour reprendre le cours de la pièce.

15 octobre.

Voyage à Limoges.

Limoges est une ville charmante, mais malheureusement je laisse mes finances à Bellac. Très ennuyeux d’être sans le sous dans une grande ville ou pendant ces quelques jours j’aurais pu me distraire.

Je loge dans un ancien couvent de bénédictins très peu confortable, mais combien de surprises amusantes. Il n’y a pas assez de couvertures. Ce sont de véritables ruses de peaux rouges pour trouver de quoi se couvrir. Beaucoup d’hôtes très désagréables dans les paillasses.

Bref au bout du troisième jour je suis très content de retourner à Bellac, le dimanche passé dans ces conditions, à Limoges, ne me plaisant pas du tout. Quant à l’examen, il s’est assez bien passé.

L’Angleterre est un peu vague mais enfin !…

28 octobre

Permission agricole de 15 jours.

Je passe 4 jours à Paris et 10 jours à Sergines (*). Je reprends un peu le métier de cultivateur. Je revois C.E.

Je joue un peu au billard, ma permission ne se passe pas mal.

Paris est très animé, l’on s’aperçoit peu de la guerre. Beaucoup de jolies femmes, de soldats et… de civils, avides de plaisir. Les grands boulevards tout noirs de monde. Les cinémas les théâtres sont pleins.

Je trouve Bellac bien triste en rentrant. Je suis le peloton des E. C. (**)

 

La Noël est assez morne. Petite soirée avec mes camarades.

 

(*) : Sergines est une commune de l’Yonne, traversé par l’Yonne

(**) : Élèves-caporaux. Il a donc suivi le stage pour être caporal. Il y sera que le 2 juin 1918…

1917

Le 1er janvier

Permission de 48h.

Je passe deux jours à Paris. On s’aperçoit très peu de la guerre dans cette ville.

Le 22 janvier

Je quitte les E. C. avec la mention « apte à faire un chef de section » (*).

Dirigé sur le centre des mitrailleurs de la Courtine dans la Creuse.

Voyage très jolie. Passe la nuit à Ussel.

Je fais connaissance d’une demoiselle Andrée. Jeune fille assez gentille.

Le pays est très froid. 50 cm de neige. La nourriture est d’abord très bonne puis petit à petit devient mauvaise. Les journées du 20, 21 et 22 sont très froides. 25° au dessous de zéro. Il fait un froid terrible. Le pain est gelé. Il faut une hache pour le couper. (**) 

J’ai une grippe infectieuse, avec une fièvre assez forte. Je me trouve mal à l’exercice et je suis conduit à l’infirmerie où je reste trois jours.

Je fais un deuxième stage comme armurier.

 

(*) : Un chef de section a le grade de sergent.

(**) : L’hiver 1917 fut un des hivers les plus froid du 20e siècle. La Seine à Paris était gelée pendant 15 jours empêchant le ravitaillement. Des températures entre – 15 et – 20 ont perdurées pendant près de 3 semaines à Paris.

Le 23 février

Je pars en permission de 4 jours à Paris. La ville n’a pas changé comme aspect, mais les conditions de

vie ne sont plus les mêmes. Les parisiens commencent à s’apercevoir de la guerre. Il n’y a presque plus de charbon. Le pain est rassi. Les pâtisseries sont fermées le mardi et mercredi. Les théâtres et cinémas sont fermés 4 fois par semaine.

 

Deuxième stage.

Très heureux. J’ai un bon camarade professeur de mathématiques avec qui je repasse mes connaissances générales. Il fait beaucoup moins froid. De bonnes promenades dans les bois environnants.

Je quitte la Courtine avec la mention « très apte ». Très content.

Je retourne à Cognac avec tous les « vieux » du 33.

 

Le voyage est très long, 3 jours et deux nuits. Je couche à Angoulême et Limoges. Je visite les ruines de l’abbaye, le château de Montaigut.

Bref je suis abruti en arrivant. Mais il parait que je n’ai pas assez pris le train. J’arrive à 7h, à 7h et demi on me signe une permission de détente et je pars le soir pour Paris.

Quelle bonne permission ! Comme c’est bonde se retrouver pour 10 jours chez soi. Le lit semble bon et doux.

La vie à Paris est toujours la même. Un peu plus de restrictions. Mais les parisiens s’en fichent. Les diners, Deux plats. Ils sont un peu plus gros !

 

Je suis très content de revoir Léon. Il a changé et bien maigri. Le dimanche petite promenade au jardin des plantes. Ça aussi n’a guère changé.

On dresse de jeunes fox-terriers à chasser des rats, pour les tranchées. Les petits ne sont pas bien braves.

Un peu de musique me fait plaisir. J’achète des chansons, souvenirs de La Courtine, et je les apprends. Elles font surtout le plaisir de Titine. Il est dommage que je ne puisse rester jusqu’à Pâques.

Paul, Gaston et le petit Samson seront là. Je rate de bonnes parties.

Papa trouve que j’aurais du demander ma permission un peu plus tard. Il croit que ça se fait comme ça, au régiment. Il n’a pas bien l’air de se douter de la façon dont le régiment est organisé actuellement.

C’est malheureusement une série d’ennuis et de tracasseries pour le soldat. Ah ! C’est très chic de défendre servir son pays ; mais pas vu sous ce jour-là.

Nos charmantes parisiennes qui envient le sort de nos poilus, en auraient vite assez si elles « goûtaient » un peu. Enfin ma permission se termine.

Avril 1917

Je prends le train le 3 au soir et j’arrive dans de bonnes conditions à Cognac. J’y reste 10 jours. Jours heureux et paisibles ! Je travaille au bureau, puis on me bombarde garde-magasin. C’est vraiment ma création !

Il est dommage que je n’y sois pas resté toute la guerre, je me serais fait du lard. Il y a beaucoup de femmes au magasin du corps, et la vie est gaie.

Malheureusement je suis arraché de ce lieu de délices pour être expédié dans la zone des armées. Habillé de neuf. Tout me va, par hasard très bien.

 

Je voyage en train spécial, et pas mal ma foi. Mais quel détour ! De Cognac : Limoges, Orléans, Juvisy, Noisy, Gretz et la Ferté-Gaucher.

Je n’ai malheureusement pu aller chez moi à Noisy. C’est rageant passer si près et être cloué là. J’arrive à la Ferté-Gaucher.

Ville assez gaie. Beaucoup de civils. Je loge dans un grenier. Exercice d’abord assez dur.

Je commence un stage de signaleur. C’est un deuxième filon ! Je vais à l’exercice sans sac. J’apprends le « morse au son ».

Le 29 mai

Je pars en permission.

Permission toujours très bonne, mais la vie à Paris a bien changé. Impossible de trouver quoi que ce soit. Sucre, lait, beurre charbon. Rien. Le pain commence à être bien gris.

Je passe quelques bonnes soirées à Paris. Quelques jours passés avec Gaston et le cousin Michel passent très vite.

 

Je rejoins HABIDUSSE avec qui je fais une petite bombe. Ça change ! (*)

Bref je prends mes précautions pour me retrouver avec Gaston, Georgette, Melles BEAU et FRAN…à Sergines et à Paris à ma prochaine permission. Je songe déjà la suivante ! En rentrant je continue mon stage. Toujours tranquille.

Je pars à Jouy-sur-Morin. Je suis véritablement bien dans cette ville. La nourriture est excellente. Pas grand-chose à faire. J’apprends la TSF. Très intéressant…

Encore bien plus intéressant. Il y a de gentilles ouvrières qui travaillent à une usine toute proche. Je fais la connaissance d’une charmante blonde, B.M. que je vois bientôt midi et soir.

Avec quel regret je quitte Jouy. Je me promets de venir retrouver ma petite B. souvent.

 

A la Ferté, je suis signaleur permanent et suis proposé pour la T.S.F. au 8ème génie. Je prends les messages de la tour. Je suis instructeur pendant quelques temps.

Bref c’est l’embusquage complet, quand le 7 juillet je pars en renfort au 72e d’infanterie.

Je « l’ai mauvaise ». Partir dans les tranchées ne me souris pas du tout. Enfin je pars pour destination inconnue. Bon dieu, que le sac est lourd.

 

(*) : Faire une bombe = Faire la fête.

Juillet 1917

7 juillet

Le 7 à midi j’arrive à Noisy. Ma foi c’est plus fort que moi !!

On m’annonce que le renfort va rester tout le tantôt à Noisy. Je fais 1 km à pieds sur les voies. Je passe sous des wagons, je monte dans une locomotive qui fait la manœuvre et après avoir sauté une barrière, je tombe sur le tram « Raincy – Paris » qui passe. Je saute dedans et………j’arrive chez moi en trombe où je reste 2 heures.

Surprise, exclamations. Je garde le bouc à la suite d’un pari. Il paraît que ça me va mal. Je m’en doute !

 

Après 2 heures, je reprends le chemin de Noisy. J’arrive sans encombre à 8 heures. J’embarque pour destination toujours inconnue. Voyage de nuit. Je m’installe avec 4 camarades dans un wagon de 1ère classe.

 

Arrivée au front avec le 72.

Le sergent nous cherche et se demande où nous sommes passés. Il nous retrouvera une fois arrivés au bout du voyage ! A 6 heures du matin, arrivé dans un pays nommé Bazoches. (*)

Le canon commence à se faire entendre. Nous partons à pieds, c’est éreintant, j’en ai plein le dos….c’est le cas de le dire. Après 3 h de marche, arrivé à Fismes au D.D. (**)

Diable, le canon tape dur !

Nous restons sous un hangar toute la journée. Nous bouffons avec nos vivres de réserve.

 

Le lendemain, toujours au D.D.

Visite à un château qui est complètement démoli. Nous montons dans une tour à moitié démolie. De là, le front s’aperçoit distinctement. Qu’est- ce qu’il y a comme avions. Le canon est calme actuellement.

 

(*) : Bazoches-sur-Vesle (02) qui possède une gare.

(**) : Dépôt divisionnaire.

8 juillet

Je quitte le D.D. Je n’y suis pas resté longtemps.

Une journée de marche. Je vois du pays. Arrivée à Braine. Il n’y a presque plus de maisons debout.

Nous sommes logés dans une cave à vin. Il y a d’immenses cuves. Je suis logé dans une. Versé à la 3ème compagnie.

Nuit calme. Toujours couché sur la paille.

 

Le 72e régiment d’infanterie a été retiré du front le 2 juillet. À la date du 8 juillet, il est cantonné à Braisne (pour le 1e bataillon) et à Chassemy (pour le reste du régiment).

9 juillet

Je suis versé à la 1ère compagnie.

Je couche cette fois dans un grenier, assez mal installé. Le village est très mouvementé. Il passe continuellement des troupes. Camions, autos et avions.

 

A 10h, première émotion, les boches bombardent. Le rapport est interrompu, puis est repris quelque temps après.

Le 72 a été légèrement « amoché » au chemin des Dames. La première compagnie est redescendue avec un effectif de 8 hommes !

A part ça, nous n’avons pas eu de pertes.

10 juillet

C’est dégoûtant. Impossible de dormir !

Les Allemands bombardent continuellement. Une première fois à 1h du matin et ensuite à 3h. Brrr ! Quelle sale impression. Toute la maison tremble. On s’attend toujours à recevoir une bombe ou un obus sur la tête.

La journée est calme. Bombardement intermittent.

Je suis mis dans les F.M. (*) comme c’est ma partie. Je n’y connais rien du tout, mais ça ne fait rien. J’apprendrai.

C’est bien de l’administration française. Il fallait un infirmier, un ajusteur mécanicien a été nommé. C’est toujours la même histoire. (**)

Nourriture bonne.

 

(*) : Fusils mitrailleurs.

(**) : On rappelle ici que Roger MACOUIRE est étudiant en médecine.

11 juillet

La nuit toujours mouvementée.

Dans la journée, rien à faire. Le régiment qui revient d’Algérie (*) va peut-être partir à Salonique. En attendant, il faut aller se reformer au grand repos.

 

(*) : En effet, le 72e RI est parti en urgence en Algérie en décembre 1916 pour y effectuer une action de police contre des soulèvements « indigènes ». Il rentre en France en mars 1917.

12 juillet

Toujours bombardement. J’en ai plein le dos.

13 juillet

Décidément, je n’ai pas été tranquille cette nuit. Une escadrille d’avions et les canons lourds boches nous ont tapés dessus. Quel vacarme. L’artillerie française répondait. Les mitrailleuses tiraient sur les avions, puis par-dessus tout, le bruit formidable des bombes. Tout le monde est debout. Quelques-uns ont eu réellement peur paraît-il. Je suis bien content de quitter Braine.

Voyage toujours à pieds. Arrivée à midi à Acy.

Là, nous sommes tranquilles.

14 juillet

Nous sommes logés chez l’habitant.

Oh ! Il n’en reste pas beaucoup, mais c’est plus retiré et ils sont revenus. Nous touchons une bouteille de champagne pour 4. Nourriture excellente ce jour-là.

La musique joue quelques morceaux. C’est tout comme distraction.

15 et 16 juillet

Départ de permissionnaires.

La nourriture est moins bonne, mais nous sommes tranquilles. Repos toute la journée.

La nuit, il pleut bien un peu sur la tête. Mais il ne faut pas être trop difficile. Une escadrille d’avions a bombardé les environs mais ne nous a laissé aucun « souvenir ». Toujours beaucoup d’avions français. Bombardement assez fort dans les lignes. Beaucoup de fusées et de saucisses. Mais ici, nous sommes assez loin.

Je fais connaissance d’un camarade avec qui je m’entends bien. Nous allons faire des promenades dans les bois et nous nous enfilons des cerises et des fraises à en avoir une indigestion.

17 juillet

J’ai été visiter une escadrille qui se trouve tout près d’Acy. C’est une escadrille de repérages. J’assiste à la première ascension d’un « sidi ». Le pauvre diable a bien peur.

18 juillet

Les hangars des avions sont bombardés par les canons ennemis. Des 210 qui font pas mal de bruit. Heu ! Il en est tombé un tout près. Ça fait un trou énorme. On peut facilement y mettre un cheval.

Visite d’avions allemands.

19 juillet

Départ brusque. Ça doit mal aller par là. Le canon tape dur.

Bonne étape 20 km. Nous nous arrêtons à Villers-Hélon. Nous sommes logés dans une grande ferme. Il n’y a que des grandes fermes dans cette contrée. Ce sont des champs à perte de vue.

Pour la première fois, je vois manœuvrer des charrues automobiles. Nous sommes très à l’étroit dans le grenier de la ferme. Je prends tout mon « barda » et je vais coucher sur un tas de paille que j’avais repéré sous un hangar. Je me fais un trou dans la paille et je passe une bonne nuit.

20 juillet

Nous repartons.

Nouvelle étape de 20 km. Je commence à sentir des picotements dans les pieds. Diable, l’équipement commence à peser après 3 h de marche. Nous arrivons à Passy-en-Valois. Hameau situé à 6 km de la Ferté-Milon.

La 1ère compagnie seule est cantonnée ici. Nous sommes logés dans une ancienne……porcherie. Mais il ne faut pas se plaindre. C’est tout neuf et très propre. Notre cantonnement se compose d’une grande cour rectangulaire sur laquelle donne une cinquantaine de petites portes qui donnent accès à autant de petites cabines pouvant contenir cinq à six hommes. Comme couchage, de la paille.

Vivement les permes pour coucher dans un lit. Nourriture détestable.

21 juillet

Me voici installé.

Nous sommes 6 bons camarades qui s’entendons très bien dans une « chambre ».

22 juillet

De mieux en mieux. Nous avons pu avoir des poires pour dessert et une brave femme nous vend de la salade.

Cela semble bon. Repos.

23 juillet

Nous faisons un peu d’exercice. Oh ! Pas beaucoup, à la bonne franquette. On entend très peu le canon à cette distance.

J’ai visité ce soir un poste d’observation contre avions. Ce poste est tenu par des auxiliaires. Aux moyens d’appareils spéciaux, ils entendent les avions de très loin et les signalent à la batterie voisine. Ils nous disent qu’ils entendent très bien le canon et qu’ils voient la lueur produite par les fusées et l’éclatement des obus. Ils se croient au front quoi !!

Les « pauvres diables ».

Je voudrais bien les voir en ligne, surtout celui qui nous cause .Il n’a jamais été au front et est tout effrayé de se trouver à 20 ou 25 km des lignes .Il nous demande ce que disent les prisonniers. Fichtre ! Il se figure que les prisonniers se font comme ça. Si il avait reçu les obus sur le nez et vu le 72ème rentrer en si piteux état, il aurait vu qu’il est déjà souvent bien difficile de se défendre, à plus forte raison de faire des prisonniers.

 

Quand il a 15 jours, j’ai été par deux fois à Viel-Arcy et Pont-Arcy à 2km des lignes et que les boches bombardaient nos cantonnements ou qu’ils exécutaient des tirs de barrage pour empêcher d’envoyer des renforts. J’en avais guère la tête à moi, je l’avoue, et je ne pensais pas à faire des prisonniers !

Jusqu’au 25, repos calme. Nous sommes tranquilles.

26-27-28-29

Quatre jours d’enfer.

Quatre jours passés dans les tranchées au Chemin des Dames. Comment je ne suis pas devenu fou !

Parti le 25 au soir en autobus. Arrivé dans la nuit à Bourg-et-Comin. Canon tonne terriblement. Nous avançons en tirailleurs. Tirs de barrages. Le régiment s’arrête à 2 ou 300m des premières lignes. Le 1/3 est hors de combat.

C’est un bombardement effroyable. Les hommes volent en l’air comme des mannequins en baudruche.

Je reste avec LENOIR tireur et mon premier pourvoyeur dans un entonnoir. (*)

Le deuxième jour le premier pourvoyeur est tué par. Une boite de singe.

Enterré 3 fois.

Le sang me sort par les oreilles et par le nez. Je sens que je deviens fou. Cette vie d’enfer dure jusqu’au 29.

Dans la nuit un agent de liaison vient me chercher. Je pars en permission et de là à Grenoble au 140ième. Je ne sais plus où j’en suis. L’agent de liaison disparait.

Je fais des bons désordonnés d’un trou d’obus dans un autre. Les éclats sifflent autour de moi. Tout d’un coup une fusée. Je fais un saut dans un trou .J’aperçois un trou noir .Je me précipite et rentre tête baissée dans un lieutenant qui sortait .Il me demande si je suis fou .Je lui réponds que je vais en permission .Il veut m’empêcher de sortir.

Nous sommes interrompus par un tir de barrage qui nous jette à terre. Je sors du trou le tir de barrage fini. Je fais quelques bonds. Un obus éclate devant moi. Je suis rejeté du trou d’obus d’où je sortais.

J’ai tellement peur que je reste au moins un quart d’heure sans pouvoir sortir du trou ou je me trouve. J’arrive enfin après cinq heures d’efforts à Vendresse. Je suis habillé à nouveau et expédié en permission.

C’est le 30 juillet, c’est-à-dire beaucoup plutôt que je ne le désirais.

 

(*) : On pourrait croire qu’il est mitrailleur.

31 juillet

Arrivée à Paris.

Mes parents partent le lendemain à Sergines. Je fais changer ma permission.

Août 1917

1er au 10 août

Permission passée à Sergines. Sans grand amusement.

Je vais avec Georges DANGU et André BARRÉ. Je soupe le soir chez Henri DANGU en compagnie de Maurice THÉNARD.

Je retrouve une demoiselle Élisa qui reste à Sergines. Je passe agréablement ma dernière journée et ma dernière nuit.

Bref la permission est assez morne.

Je pars le 11.

Je reste quelques instants avec mon père et Suzanne. Je déjeune chez Mme DELECOURT.

 

Selon sa fiche matriculaire, Roger MARCOUIRE est passé au 175e régiment d’infanterie le 11 août 1917. Le régiment est parti de France en Grèce depuis mi-1915.

12 août

J’arrive à Grenoble après 24 heures de voyage.

Je reste à Grenoble jusqu’au 21.

Je ne fais absolument rien. Grenoble est une jolie ville. Je vais au cinéma et au théâtre.

Le 15 août

J’ai un sacré cafard. Savoir tout le monde là-bas en train de s’amuser et être cloué là tout seul.

C’est embêtant.

22 août

Arrivée à Marseille après avoir été habillé à neuf. Voyage réellement joli. Nous sommes logés au camp Mirabeau à 10 km de Marseille. Le pays s’appelle L’Estaque.

Nous sommes extrêmement libres. Le capitaine « nous laisse la bride sur le cou ». Il est très chic notre capitaine. C’est le fils du général PAU et tient à faire honneur à son nom. Seulement il y a des bagarres tous les jours à Marseille ; des blessés, quelquefois des morts. I y a surtout certaine rue dans Marseille où il ne faut aller que bien armé et à plusieurs. Je ne puis avoir la permission de quatre jours que l’on m’avait promise.

Si j’avais su ! Ce que je l’aurais pris les 4 jours à Grenoble. Mais tant pis, ce qui est fait.

29 août

Départ de Marseille. A partir de ce jour, je fais réellement partie des troupes d’Orient.

Nous partons à 4 h du matin

Le 29, nous passons à Toulon, Nice, Cannes, Monaco.

Le voyage est joli. Je suis dans un wagon de marchandises et je suis très bien. A la frontière tout le monde nous applaudit. Vintimille ; nous changeons de wagon, Nous nous arrêtons aussi à San-Rémo.

Je me réveille à minuit à Gènes.

30

Nous arrivons à Livorno. Couche dans une caserne italienne. Je me promène dans Livorno. Les Italiens nous achètent nos boites de singe, nos chaussures, tout !

Mes camarades vendent tous leurs effets. Ah ! Elle est belle l’armée à SARRAIL ! (*)

 

(*) : Le général SARRAIL est le commandant en chef des armées alliées d’Orient depuis janvier 1916.

31 août

Le voyage continue Civita-Vecchia.

Nous arrivons à Rome dans la nuit. Les romains nous font une très belle réception…4h d’arrêt. Visite un peu la ville. Malheureusement, ce n’est pas assez.

Au départ, un incident à un arrêt de train, quelques camarades descendent et cueillent des raisins dans une vigne. Un italien tire sur eux avec un fusil. Il a de la chance que nous n’ayons pas de fusils.

Enfin le train repart.

Nous quittons la cote un peu avant Naples. Passons à Bari le soir. Nous avons traversé toute la Calabre. Quelle triste contrée ! Pas une maison. Rien que des plaines désertes. De temps quelques affiches sur lesquelles on aperçoit le mot « banditto » et « calabro » Faggio.

Distribution de café ! Deux heures d’arrêt.

Nous nous promenons un peu dans la ville. Continuant à voyager toute la nuit.

Septembre 1917

1er septembre

5h du matin. Arrivée à Tarente.

Une très jolie rade. Des cuirassiers italiens et français. Nous prenons un bain et couchons dans une guitoune ou il y a pas mal de puces.

2 septembre

Embarquons à 10h du matin sur le croiseur-cuirassier « Jules-Ferry ». .

Partons à 2h. Nous sommes accompagnés du croiseur « Château–Renaud » et de quatre torpilleurs. La rade de Tarente est magnifique. Nous passons devant l’escadre italienne dont tous les marins sont sur le pont et saluent.

Les habitants nous disent au revoir.

Jusqu’au soir nous voyageons dans le golfe de Tarente. La mer est calme. Je visite le cuirassé, très intéressant.

De grosses pièces sont mises en batterie. Les tourelles pointées vers le large.

Dans la nuit nous traversons l’Adriatique à toute vitesse et tous feux éteints.

Penché sur le bastingage, je distingue la silhouette du Château-Renaud un peu en arrière. De temps en temps des étincelles sortent des cheminées. Tous mes camarades sont endormis. Le calme est impressionnant.

Vers minuit bruit de voix. Des signaux sont échangés entre les navires.

Le Château-Renaud disparait et réapparait alternativement. Les navires marchent en diagonale. Je m’endors.

3 septembre

Arrivons en vue des côtes grecques. Nous pénétrons dans le golfe de Corinthe. Il n’y a plus de danger.

Longeons les côtes grecques jusque vers 4 heures. Débarquons à Itéa. (*)

Très bon raisin. Restons sous les tentes jusqu’à 8 h du soir.

A 8 h, embarquons sur les autres camions. Il fait noir. La route est bâtie à la diable.

 

A 11h arrêt. La deuxième voiture dans un tournant est partie dans un ravin.

Trois morts et quelques blessés. Du coup, personne ne veut repartir. Nous couchons dans la montagne jusqu’au jour.

 

Vers 4 heures, le voyage reprend. Il faut être enragé pour aller en auto dans des routes pareilles. Jamais un voyageur ordinaire ne voudrait passer dans des chemins pareils. Les camions prennent les montagnes véritablement d’assaut. Nous montons en serpentant. La route bâtie à flanc de coteaux est bordée de précipices. C’est réellement magnifique.

Mais quand le tournant est brusque, on a toujours le trac d’être précipité dans le vide.

Après 60 km de chemins enragés, nous débouchons dans la plaine. Ça descend raide ! Nous sommes pleins de poussière. Je me suis couvert la tête avec une musette. Je dois être beau.

Arrivé à Bralo.

 

(*) : Itéa est une ville grecque portuaire situé dans le golfe de Corinthe. Les troupes débarquent dans ce port pour rejoindre, à travers la montagne, la ligne de chemin de fer à Bralo qui amène à Salonique. Voir la route actuelle ici.

Voir cette carte de la Grèce.

4 septembre

Bralo est un pays perdu, mais il y a un chemin de fer. C’est tout ce qu’il nous faut.

Le soir, je visite le patelin. Toutes les femmes se sauvent à notre approche. Celles qui restent sont voilées. Nous avons la chance de nous trouver au moment d’une fête de conscrits. Pas ordinaire.

Ils se suivent tous en se donnant la main et le premier danse un pas bizarre en sifflant de temps en temps et en poussant des exclamations gutturales. Comme musique, une espèce de biniou rappelant la « nouba » des Sénégalais.

On croirait un village nègre.

5 septembre

Prenons le train pour Salonique.

Le voyage est toujours très joli. Nous sommes toujours dans les wagons à marchandises, ce que je ne regrette pas car il commence à faire chaud. Nous escaladons toujours des montagnes. Ce qui est joli, c’est que nous montons toujours à flanc de coteaux.

A notre droite, nous dominons la plaine de Bralo. On se croirait en aéroplane.

 

A 6 h du soir, nous débouchons dans la plaine de Larissa. Toujours des descentes endiablées. C’est réellement merveilleux comme voyage. Quoiqu’il arrive, je ne regretterai pas l’Orient.

 

A Larissa, distribution de vivres.

6 septembre

Arrivons à Salonique au matin. Campons hors de la ville au camp des alliés (ou Zeitenlik).

Il y a de tout dans ce camp. Des Français, des Anglais, de Italiens, des Russes, des Serbes, des Grecs et des ….puces ; impossible de dormir.

La nuit, nous allons dormir hors des baraques. Les premiers jours, nous allons visiter les réfugiés grecs et serbes qui dorment aux environs du camp. Il y a un marchand de vin qui vend du Sammos, un vin épatant. Seulement, il monte vite à la tête et tous les soirs occasionne des batailles entre les alliés.

Les Grecs ne nous aiment pas beaucoup. Ils n’aiment guère les Vénizélistes aussi. Si tous les Grecs sont ainsi, nous pouvons avoir confiance en eux.

 

Je visite Salonique, tous les beaux quartiers sont brûlés. L’incendie a réellement été formidable. (*)

Nous allons du côté de la tour Blanche. Le coin de la ville est très animé. C’est le seul de la ville européenne qui est échappé au désastre. Les animaux de Grecs cherchent à nous voler.

Pour dîner en ville, il faut au moins payer 7 à 8 f par tête. C’est pour rien.

 

L’avant-dernier soir de notre séjour à Salonique, nous allons au fameux vendeur de Sammos. Malheureusement, nous en buvons un peu trop et à moitié gris, nous jouons un tour pendable au malheureux Grec. Nous étions assis près d’un tonneau d’une cinquantaine de litres. Un Italien nous fait signe de l’emporter.

Aves quelques-uns de ses camarades et mes trois copains habituels, nous enlevons le tonneau et nous nous sauvons vers le camp. A moitié chemin, nous nous arrêtons pour vider le fameux tonneau qui contient de la bière.

Malheureusement, le Grec nous court après. Il veut son tonneau. Pour couper court à toutes explications, nous lui fichons une volée, ainsi qu’aux deux grecs qui sont avec lui. Puis nous rebuvons. Mais les Grecs arrivent en nombre. Les Italiens se sauvent et sous peine d’être massacrés, nous devons en faire autant.

De rage, nous renversons le tonneau. Il faut tout de même être rosse.

 

(*) : Le grand incendie de Salonique en août 1917 a détruit 1/3 de la ville, presque 10.000 bâtiments auraient été détruits.

15 septembre

Départ de Salonique.

4 heures du matin. Voyageons toujours dans wagon à marchandises. Très serrés.

Dans la journée, je prends le parti de monter sur le toit. Il y fait de l’air. Très chaud. Quelques-uns ont la fièvre et sont évacués. Voyageons toute la journée et toute la nuit.

16 septembre

Arrivons à 10 h à Ostrovo.

 

 

Situation de Salonique et d’Ostrovo – Cliquer sur la carte.

 

 

Les habitants ayant vu les Bulgares aiment un peu mieux les Français. Ils sont bombardés paraît-il de temps en temps. Le train s’arrête des heures entières dans chaque gare. Je m’informe de l’heure. Les aérostiers sont plus près du front.

Contournons tout le lac d’Ostrovo. Très joli.

Descendons de wagon à Florina. Campons sous les guitounes. A partir de maintenant, nos toiles de tente seront nos demeures.

 

 

Situation de d’Ostrovo et de Florina

 

Je monte ma maison en compagnie de trois camarades qui ne me quittent guère. Ce sont COUDÉ dit « Fantomas » ; PLAZA (*) dit « toto » ; CHANOINE dit « Quiqui ». Quant à moi, je m’appelle « Taufan ».

Visite d’avions boches ou bulgares. Ils ne sont pas méchants et ne nous laissent pas de souvenir.

 

(*) : Jean PLAZA sera tué en octobre 1917.

17 septembre

La nuit a été très fraîche.

Il y a dans ces montagnes une grande différence de température entre le jour et la nuit. Nous nous sommes levés à 3h du matin pour faire du feu et du chocolat. Visite d’avions boches. Toujours pas méchants.

La journée est très chaude.

Passons une deuxième nuit meilleure que la première, nous avons pris nos précautions contre le froid.

18 septembre

Départ à 5h du soir à pieds à travers la montagne. Les sacs dans des voitures. Florina est une ville assez monotone et pas du tout moderne malgré ses 15.000 habitants.

Halte à 8h du soir au kilomètre 6 en pleine montagne. Passons la nuit sous nos guitounes.

 

Nota : Selon sa fiche matriculaire, Roger MARCOUIRE est passé au 176e régiment d’infanterie le 18 septembre 1917. Le régiment est parti de France depuis mi-1915.

19 septembre

Reprenons la marche. Bonne étape. 25 km dans la montagne.

Mes trois camarades et moi nous sommes débrouillés. Nous avons pris un camion qui nous a mené jusqu’à Zenovah (Jélova)

Vraiment, les routes ne sont pas épatantes et il faut être forcé pour passer dans des endroits pareils. Tous les jours, des camions tombent dans des ravins.

Le nôtre contient des barriques de gnole qui se sauve par endroit. Nous y goûtons.

Couchons toujours à la belle étoile.

20 septembre

Partons de Zenovah (Jélova) le matin. Je fais l’étape à pieds. Pas longue, une quinzaine de kilomètres. Marche très fatigante faite en plein midi. Je jure de ne plus faire un kilomètre à pieds. Couchons à Smrdès. (*)

 

(*) : Smerdech sur les plans français ; s’appelle maintenant Krystallopigi.

21 septembre

Repartons à pieds.

Les Russes occupent tous ces villages. On se croirait presque en Russie. Ces animaux-là ne veulent plus marcher et ne sont bons qu’à se prélasser à l’arrière. (*)

Je puis enfin avoir un journal de France. Il date du 18 août !

Quel pays. Impossible de rien avoir. On se croirait en pleine Algérie. Les montagnes sont calcinées par le soleil. Il n’y a aucun arbre fruitier, pas de vigne, pas de culture.

Prenons un camion qui nous conduit au gîte d’étape à Zemlak.

Nous sommes à 1500 mètres d’un patelin, toutes nos guitounes montées capricieusement à flanc d’un coteau, un désert aussi dépourvu de végétation que les sables du désert. Malgré la fatigue de la marche et la chaleur, je me porte bien. J’oubliais de dire que l’on nous donne deux comprimés de quinine par jour et dans les marches toutes les fois que l’on en désire.

Nous avons ici une journée de repos.

Ça ne nous fait pas de mal.

 

(*) : La 1e division russe occupe le secteur.

23 septembre

Reprenons la marche le matin à 4h. J’ai la chance de rencontrer un camion qui me conduit jusqu’au gîte d’étape qui se trouve près du village de Zwesda (Zvewda). Passons la journée au camp. (*)

Rien d’anormal.

 

(*) : L’état-major de la 124e division d’infanterie (qui comprends entre autres le 175e régiment d’infanterie) se trouve dans ce village de Zvewda.

24 septembre

Repartons au matin. Je me suis débrouillé pour faire porter mes sacs en camion. Je pars à pieds avec quelques camarades. Nous nous trompons de route et allons jusqu’au lac de Prespa. Il faut retourner.

Prenons un camion conduisant des boules de pain qui nous conduit jusqu’à Podgaric.

Passons la journée à Podgaric. Pays toujours désert.

25 septembre

Repartons à 3h matin. Nos sacs sont portés par des arabas. Je monte dans une.

Arrivons le soir à Pogradec. Nous y trouvons enfin le colonel du 176. Depuis 140 km que nous courons après lui, ce n’est pas un malheur.

26 septembre

Départ de Pogradec.

 

JMO du 176e RI annonçant l’arrivée de 3 sous-officiers, 5 caporaux et 138 soldats dont Roger.

 

 

Nous montons en ligne à 5h du soir. Il faut faire 9 km dans la montagne.

Arrivons à 9h du soir aux cuisines. On nous donne à manger. J’oubliais : je suis affecté à la 10ème compagnie

Mes trois camarades sont séparés. Ils sont à la 2ème, 6ème et 7ème. Suis affecté à la 15ème escouade avec deux camarades de renfort. Arrivons aux positions dans l’après-midi du 27.

La 4ème section tient un mamelon qui est assez mal défendu. A notre droite, le capitaine et 2 sections, à notre gauche une compagnie de mitrailleuses. Nous sommes entourés de ravins de tous côtés. Les Autrichiens sont sur les crêtes faisant face à 4 ou 5 km. Comme ligne, c’est tranquille. Un bombardement de temps en temps, c’est peu.

Montons notre guitoune à nous trois. Nous creusons le sol puis nous la camouflons avec des branches.

 

 

Secteur où se trouve Roger MARCOUIRE - Au nord-est de Homès - Piton de Sherlock -

 

Piton de Sherlock qu’il nommera le 6 octobre (JMO 156e DI)

 

28 septembre

Allons poser des fils de fer. Pas un coup de canon la journée. Nourriture complètement insuffisante.

Je prends la garde dans la nuit du 28 au 29.

29 septembre

Journée assez calme.

Bombardements intermittents avec des 77 et des 88. Nous prenons la garde toutes les nuits.

Dans le tantôt alerte. Une patrouille arrive jusqu’au petit poste et tire des coups de feu. Pas de suite si ce n’est une demi-heure de bombardements assez violents. Je suis de garde et pas très rassuré. Je me baisse derrière les pierres quand je sens arriver les obus sur moi. Pas de blessés.

Tout le monde travaille dans la nuit. Le capitaine a peur d’une attaque. Fortifions la position. Pas très rassurés au sujet de l’ennemi. Je prends la garde de minuit à 2h.

Pas d’incidents nuit calme aujourd’hui.

30 dimanche

Repos.

Violents bombardements à 11h et 5h du soir. Les obus tombent en plein sur nos guitounes. Garde de nuit 10h à minuit. Pas d’alerte.

Octobre 1917

1er octobre

Journée calme.

Garde de 8h à 10h. Calme.

2 octobre

Journée calme.

Prends la garde au petit poste. Observons une patrouille avec le guetteur. Je suis photographié.

Nous sommes relevés le soir. Allons au repos à 2 kilomètres en arrière.

3 octobre

Journée passée au repos. Couchons dans hutte en feuillages.

4 octobre

Toujours petit repos. Changeons de secteur.

Partons demain pour Florina au grand repos.

5 vendredi

Toujours petit repos. Pars ce soir.

Passe à Pogradec. Arrivons à 2 km d’Okrida  à 2h matin.

Samedi 6

Beaucoup de châtaignes. Trouvons des équipements que les Autrichiens ont laissés dans leur fuite.

À propos, nous étions en ligne au piton Sharlock (cote 1700).

Repartons le soir.

Dimanche 7

Marche extrêmement fatigante.

Partis le soir à 6h, arrivés à 4h matin. Marché toute la nuit. Cantonné en pleine montagne. Passons la journée. Beaucoup de châtaignes. Apprends la mort du pauvre RUBENS par René. Émoi, le cafard toute la journée.

Repartons le soir pour Podgori. Ces marches sont très fatigantes. J’arrive exténué.

Pars le soir, c’est-à-dire le lundi 8. La journée est calme.

Mardi 9

Arrive le matin après 9h de marche tout près de Vraneste, avons passé à Zwezda sans s’être arrêté.

Je passe la journée du 9 dans un repos bien gagné.

Mercredi 10

Repos au même endroit.

Mange pour la première fois de la tortue et une omelette d’œufs de …tortue. Très bon. Vraiment il faut venir en Orient pour manger de ces bestioles. Il est vrai que la nourriture est maigre, chacun se débrouille comme il peut.

Nous allons le soir 1 km plus loin. Nous allons probablement y rester un certain temps.

Jeudi 11

Nous sommes dans un bois. Très bien.

Rien à signaler.

Vendredi 12

Départ brusque.

Marche sous une pluie battante. Oh ! La sale journée. Nous faisons 30 km rincés jusqu’aux os. J’arrive exténué. Un de mes camarades est malade.

Il reste un peu en arrière. Je reste avec lui avec le troisième copain habituel. Le lieutenant-colonel vient à passer. Il nous demande pourquoi nous restons derrière, puis se met à nous « habiller » en termes peu choisis. Vraiment, il y a des moments où le métier militaire est écœurant. Un homme est moins regardé qu’un chien. Ce colonel n’a donc pas d’enfants pour causer de la sorte.

Arrivons sur le soir complètement trempés. Couchons dans une maison. Nous nous faisons ouvrir une porte pas de bon gré, naturellement, et nous passons une nuit potable.

Samedi 13

Départ de Podgori le matin à 10h. Je vais commencer à connaître la route. Marche sans incident. Temps beau.

Arrivée à Sterova, sur les bords du lac Okrida. Couchons encore dans les maisons.

À 11h du soir, alerte. Les Autrichiens débarquent sur les rives du lac. Nous tirons quelques coups de fusil et…restons toute la nuit à nous geler au bord de l’eau. Au matin, nous rejoignons Mumulista à 10 km de notre emplacement. En arrivant, je suis exténué.

Dimanche 14

Cela fait 360 km à pieds que je m’envoie depuis le départ de Florina. (*)

J’en ai plein le dos. Je suis réellement à bout. Nous sommes ici par crainte d’une attaque autrichienne. Nous devons y rester 12 à 15 jours puis revenir où nous étions, à moins qu’il n’y ait une attaque.

Je passe enfin une nuit à peu près. On entend des coups de fusils, grenades ou canons presque toute la nuit. Je suis tellement fatigué que ça ne m’empêche pas de dormir à poings fermés.

Heureusement que ce n’est pas à notre compagnie à marcher, sans cela nous nous serions encore mis la ceinture comme repos.

 

(*) : C’est la ville (terminus du train) où il a débarqué le 16 septembre.

Lundi 15

Nous sommes donc revenus au point où nous étions le 6, c’est-à-dire tout près des lignes. Prenons la garde au bord du lac.

Nuit calme.

Mardi 16

Rien à signaler.

Mercredi 17

Partons au matin dans la montagne pour travailler. 4 outils par section.

Pas le temps d’arriver au lieu de travail, il faut redescendre. Total rien de fait. Il faut que le travail soit fait dans deux jours pour une attaque probable. Si ça va comme ça, le chemin sera fait.

Remontons tantôt.

Jeudi 18

Tout est prêt.

Attaquons demain avec le 176, le 1er RMA (*) et 372, ainsi qu’un bataillon d’Annamites.

Nous devons dégager le lac Okrida et prendre un piton qui parait-il sera assez dur.

 

(*) : RMA : Régiment de marche d’Afrique. Les Annamites sont des Indochinois.

Vendredi 19

Partons à 2h matin

Arrivons en première ligne à 6h matin. Toute la journée attendons. Le bataillon est en réserve et nous entendons l’attaque menée par les 1er et deuxièmes bataillons. Les deux attaques sont malheureusement manquées. Les Autrichiens sans doute prévenus fauchent nos vagues d’assaut.

Vers le soir quittons nos positions, nos blessés défilent.

Arrivés à 3km nous retournons en arrière le passage n’est pas praticable.

Enfin au soir, nous apprenons que l’attaque est suspendue la position autrichienne étant imprenable. Couchons dans un ruisseau. Au matin sommes réveillés par la pluie.

Reprenons nos positions de la veille.

Samedi 20

Je suis complétement trempé.

Jusqu’à 11h00, nous sommes transis de froid. Impossible de monter ces montagnes sans se casser la figure. La pluie cesse un peu. Nous montons notre toile de tente un peu plus solidement et attendons.

Pour aller chercher la soupe, on tombe à chaque instant et les Autrichiens, pour nous remettre, nous envoient des obus. La pluie retombe à torrent vers 5 heures. L’attaque est ratée.

Les Autrichiens sans doute prévenus mitraillent les nôtres à 800m. Une centaine de blessés pour les 1er et 2ème bataillons.

Dimanche 21

Toujours même endroit. Rien à faire si ce n’est se faire mouiller. Les boches attaquent par deux fois et tombent sur un « bec »

Lundi 22

Allons travailler.

Sommes aperçus sur la crête par les Autrichiens qui nous repèrent. Un peu meilleur temps.

Vers le soir après la soupe, nous sommes bombardés violemment. Les 100 de marine tombent sur nous. Personne n’est bien fier, car nous n’avons pas d’abri et c’est ces « gros noirs (*) » éclatent bien. La position ne devient plus bonne.

 

(*) : L’explosion produit un nuage noir.

Mardi 23

Dans la nuit à 2h matin, les Autrichiens attaquent. Violent bombardement. On nous disait qu’ils n’avaient pas d’artillerie ! Je crois qu’ils en ont plus que nous. Les mitrailleuses pétaradent.

Vers 3h tout rentre dans le silence.

Violent bombardement toute la journée.

Mercredi 24

Allons travailler à la piste. Temps pluvieux.

Bombardement intermittent.

Notre tente est traversée par un obus éclat d’obus. Personne de blessé. Un mulet a le ventre ouvert.

Jeudi 25

Repos toute la journée. Beau temps.

Les deux camarades qui montaient la tente avec notre trio habituel retournent en France dans la marine. Nous héritons de leurs toiles de tente. Nous voilà montés pour l’hiver.

J’oubliais : depuis trois jours nous avons la soupe le soir à dix heures. La fumée étant vue des autrichiens qui nous bombardent. C’est amusant.

La nourriture devient d’ailleurs totalement insuffisante. Pas de légumes, du singe, et 1/3 de boule par homme pour toute la journée. Parfois, nous avons des biscuits. Avec ce régime on peut engraisser.

Décidément les mauvaises nouvelles se suivent. J’apprends la mort de ce pauvre PLAZA (*), tué à la dernière attaque. Venir de si loin pour se faire tuer.

Je reçois une lettre de Sergines en date du 28 août.

 

(*) : PLAZA Jean José, 21 ans, du 176e régiment d’infanterie est mort à l’hôpital d’Holmés (Serbie). Il était d’Oran en Algérie. Voir sa fiche.

Vendredi 26

Journée calme sans bombardement. Passent quelques blessés et malades et pieds gelés ! Nourriture de plus en plus rare.

Samedi 27

Réveil a deux heures du matin. Nous déménageons. La soupe est prête à 2h matin on la mange de suite.

Jusqu’au soir, 8 ou 9 heures avec cette soupe dans le ventre. C’est amusant. Les chemins sont impossibles ; la colonne est continuellement coupée. On peut à peine s’arracher de la boue. Un homme reste derrière.

Le capitaine lui demande pourquoi. Le soldat est fatigué. Il faut marcher ou « crever » répond le capitaine, tu auras 8 jours de prisons. C’est écœurant. Le ventre vide il faut marcher tout de même. Les hommes ici sont menés comme des bêtes de somme.

Arrivons à la cote 1857. Jolie hauteur.

Dimanche 28

Repos.

Neige sur les montagnes environnantes.

Lundi 29

Cassons quelques piquets puis repos.

À 1h plions de nouveau bagage.

Revenons en avant, en lignes pour les organiser. Montons nos guitounes à flanc de montagne.

Mardi 30

Le matin repos.

Une nouvelle. Les Russes ne marchent pas trop ici. Ils restent en ligne, parce qu’ils sont… forcés. Pour la première fois nous avons un journal, daté du 3 octobre. Nous nous précipitons sur ces nouvelles, fraiches pour nous. Les Russes reculent en France.

On parle de trahisons. Un nommé BOLO. (*)

Je suis tout étonné d’apprendre que le ministère est changé ! Que nous vivons en sauvages !! On parle de paix. Viendra t-elle cet hiver ?

Notre artillerie divisionnaire est partie en Syrie. Il parait que notre division, la 156, la plus vieille d’Orient, doit être relevée et partir là-bas. … ? de voyage.

Nourriture toujours mauvaise et insuffisante.

Hier soir à « 9h du soir » un morceau de viande immangeable et un quart de « jus ». Tous les jours il manque quelque chose.

J’attends des colis avec impatience.

 

(*) : L’affaire BOLO Paul Marie a secoué la France de cette année 1917. Durant le premier conflit mondial, il convainc l'Allemagne de corrompre la presse française pour y publier des articles pacifistes destinés à atteindre le moral des Français. Arrêté en septembre 1917, après avoir reçu sur son compte 11 millions de marks en provenance de la Deutsche Bank, Bolo (dit Pacha) est jugé par le conseil de guerre en février 1918 et condamné à mort. Lire ici.

Mercredi 31

Allons creuser des tranchées. Il fait très froid au matin. Sur le soir le temps se radoucit. Le front est très calme ces jours-ci. On n’entend ni coups de canon, ni coups de fusil.

Novembre 1917

Jeudi 1 novembre

Fête de la Toussaint. Quelques piquets et c’est tout. (*)

Il y a un an, j’étais en permission. Que de différence ! Dans un an, où serais-je ?

Pluie intermittente. Le soir de 7 à 9, alerte. Les Autrichiens attaquent.

 

(*) : Ils plantent des piquets avec du fil de fer barbelés.

Vendredi 2

Repos toute la journée.

Samedi 3

Travaux de tranchées. Notre guitoune brûle à moitié. Tout va mal après. On nous vole notre viande, les haricots ne sont pas cuits etc.… le vin chaud est exécrable.

Dimanche 4

Mon oreille recoule.

Il me faut y aller tous les jours à la visite. Mes deux camarades prennent la garde dans la nuit.

Lundi 5

Je vais me faire soigner.

Camouflage des guitounes. Nous nous protégeons contre la neige.

Mardi 6

Les premières lignes doivent être ramenées en arrière, à l’endroit où sont les tranchées, le 11, je crois. Les travaux sont donc pressés. Je ne fais rien.

Le major parle de m’évacuer. Drôle d’histoire, à laquelle j’étais loin de m’attendre.

Mercredi 7

Mon oreille va mieux.

Les nouvelles venant de France sont assez graves.  Il circule des bruits extraordinaires. On parle de trahisons. BOLO, FUNNEL, MALVY, Charles HUMBERT seraient emprisonnées. Quel grabuge ça doit faire en France. (*)

Il paraitrait aussi que les Italiens se sont rendus et qu’ils ont laissé 80 000 hommes aux mains des Autrichiens. (**)

Tout ce chambard sent la fin.

Ce que je rage d’être enterré ici et de ne saisir aucune nouvelle. Il est vrai que sur le front français on les sait de trop près.

Depuis 15 jours, nous avons comme légumes, lorsqu’il y en a, des haricots pas cuits. Je commence à en avoir plein le dos des « fayots ».

 

(*) : Affaire politico-financière-espionnage. Voir ici.

(**) : La bataille de Caporetto (octobre-novembre 1917) a été perdu par l’Italie face aux Austro-Hongrois-Allemands. Bilan pour l’Italie 30.000 morts et blessés et 260.000 prisonniers. On est loin des renseignements de Roger MARCOUIRE ! Cette bataille a entrainé l’envoi massif de troupes françaises sur le front italien.

Jeudi 8

Hier nous avons reçu chacun un colis. Ces envois nous mettent le cœur de l’estomac en joie. L’ordinaire est varié.

Nous nous couchons de bonne humeur. Pas de bougie un remède : un bocal trempé dans de la graisse d’arme procure une lumière assez fumeuse et sans trop mauvais goût. Je ne serai plus embarrassé dans le civil ! Rien autre de nouveau aujourd’hui.

Vendredi 9

Pluie torrentielle. Toute la nuit. Il fait humide.

Nous devons quitter le bivouac dans la nuit du 12 au 13, parait-il. Nous ne savons pour où aller. Certains disent que nous allons en arrière, d’autres que nous allons occuper les tranchées faites en arrière de  nous…

Les lettres et colis arrivent régulièrement ces jours-ci.

Samedi 10

Pas de changement. Toujours de la pluie.

Sérieux coup de main de main pour les boites de conserves.

Depuis quelques jours, je ne vais plus travailler. Je suis sensé me faire donner des soins pour mon oreille. Tant que ça durera.

J’ai oublié de mettre les noms des deux camarades qui forment notre trio depuis quelques temps. Ce sont GUEYLARD de Bordeaux et MOREAU des environs de Ruffec. Mon sergent travaille à la bijouterie AGNEAUX au 78.

Départ le soir à minuit au milieu d’une pluie battante.

Dimanche 11

Je crois que je me souviendrai toute la vie de cette marche à travers la pluie. Les pistes n’étant plus  praticables il nous a fallu passer à côté. Impossible de voir l’homme qui se trouve devant soi. Nous ne faisons tous que tomber dans l’eau et la boue qui nous vient jusqu’aux genoux.

Ce ne sont plus des hommes qui arrivent du côté de la 1704 à 8h du matin. Ce sont des masses de boue qui peuvent à peine se trainer.

La pluie tombe à torrent jusqu’à 11h. Nous grelottons de froid. Le bois est mouillé, impossible de faire du feu.

La soupe arrive à 5h. Le bouillon nous réchauffe.

Vers le soir la pluie cesse. Nous faisons un bon feu devant la guitoune et un coup de main sur les conserves.

Nuit tranquille.

Lundi 12

Matinée tranquille.

Démontage des guitounes à 11h. Départ à 12h. Temps meilleur.

Arrivée en ligne à 4h

Nous relevons le 175. Le piton où se trouvent les tranchées s’appelle « Piton chevelu ». Notre section est en réserve. Le bombardement est violent toute la journée, il ne cesse que vers le soir, au moment où la pluie recommence.

La soupe arrive à 9h. Il faut faire 6km pour la chercher.

Mon copain MOREAU qui a été la cherché, s’est perdu dans la montagne et revient de fort mauvaise humeur.

Je reçois un colis contenant du chocolat, un peigne, des épingles et un journal en date du… 7 décembre 1914.

Moi qui voulais des nouvelles fraiches, je suis servi ! J’oubliais nouveau coup de main sur les conserves et le chocolat. Le pain manque un peu.

Nuit calme.

Vue sur le piton Chevelu de nos jours

Mardi 13

Pluie toute la matinée.

Nous avons un mal de chien pour allumer du feu. Nous arrivons au moyen de la graisse d’arme de deux bouts de bois qui tenaient  mon peigne et d’une boite en fer. Tantôt calme. Bon feu

Aménagement de la guitoune.

Bombardement 4 coups de 65.

Mercredi 14

Journée de brouillard et très calme. Pas un coup de canon.

Jeudi 15

Les artilleurs se rattrapent. Ils nous marmitent toute la journée. La canonnade et la  fusillade ne discontinuent pas  jusqu’au soir. Les français tirent avec des 120 sur Okrida.

Il ne va plus rien rester de la ville.

Vendredi 16

Journée un peu plus calme. Un peu de brouillard. Quelques fusillades et c’est tout.

Samedi 17

Toujours assez calme. Il fait aujourd’hui très froid.

Dimanche 18

Toujours froid et calme.

Lundi 19

Temps splendide, le vent est froid mais il fait un beau soleil. Les boches devaient attaquer hier, nous avons été alertés toute la nuit et toute la journée, tout était prêt pour les recevoir et…ils n’ont pas tiré un coup de canon. Je crois que si nous ne les embêtions pas, ces gens-là ne diraient jamais rien.

J’ai reçu trois lettres successives de Céline, dans lesquelles, elle me met des coupures de journaux.

Forte offensive en France, parait-il.

Mardi 20

Le même bruit court toujours que nous devons être relevés. Finira t-il par se réaliser ?

Toujours calme.

Les Français ainsi que les Autrichiens font beaucoup sauter de mines, pour faire des tranchées et des routes.

Mercredi 21

Prenons les tranchées.

Un avion autrichien fait du repérage pendant une demi-heure. Journée calme.

Jeudi 22

Avons pris la garde cette nuit avec MOREAU. 4h c’est diablement long. Il fait assez froid. Nous la prenons dans un trou en avant des tranchées, contre les barbelés. Nuit calme. Le secteur n’est pas si bon qu’au Sherlock.

Il faut mettre une heure pour aller à la soupe. 4h de garde de nuit et 2 de jour.

Il faut travailler par-dessus le marché et aller faire des patrouilles. Nous en avons fait une la nuit dernière, mais il nous a été  impossible de trouver la « Chicane » et ma foi, nous sommes revenus, sans aller plus loin. Nous avons pris la garde en revenant. Nous nous sommes serrés dans notre trou, la couverture sur la tête.

De temps un temps, un petit tressaillement, ce ne sont pas les Autrichiens qui nous dérangent, mais les « totos ». Sales bêtes !!! Il y en a d’ailleurs pas mal dans notre gourbi. Il faut être esquinté pour y dormir.

Dès qu’on y fait du feu, le gourbi s’emplit de fumée, c’est irrespirable, nous sommes des rats, enfumés dans le sol.

Vendredi 23

Journée calme.

Patrouille la nuit de 2h à 4h.

Samedi 24

Toujours calme.

Garde et patrouille.

Dimanche 25

Vive fusillade toute la Journée. Moreau part aux mitrailleurs. Je reste seul. Hommes relevés le soir à 10h. Pendant ces quatre jours de ligne nous avons entendu 3 coups de canon.

Lundi 26

Marche très dure.

Arrivons dans un petit pays à 6km au nord de Pogradec.

Totalement esquinté. Le capitaine complètement ivre, nous fait faire du maniement d’arme.

Mardi 27

Arrivée à Podgori.

Logeons toujours dans habitations. L’intérieur des Albanais est pauvre. Pas de meubles. Hommes et femmes dorment et mangent dans la même pièce. Je goûte leur pain. Il est fait avec du maïs. Pas mauvais goût, mais très serré et indigeste.

Mercredi 28

Repartons au matin de  Podgori.

Grand’halte à Sousda (Zvezda). Le lac Malik a débordé et est au bord de la route.

Arrivons vers 4H à Cangoni (Tsangoni). Couchons sous les guitounes sous prétexte qu’il y a la peste au village.

Jeudi 29

Repartons au matin.

Arrivons à Biklista (Biklichta), village assez important où l’on trouve quelques boutiques et quelques articles variés. Le pain naturellement est introuvable.

Logeons dans les guitounes.

Vendredi 30

Repos.

Attendons le reste du régiment. Dans la nuit : alerte. Sacs montés prêts à revenir en lignes.

Ce n’est heureusement qu’une fausse alerte.

Décembre 1917

Samedi 1 décembre

Restons encore à Biklista.

Tous les mouvements de troupe sont arrêtés. J’ignore la raison.

Dimanche 2

Partons le soir et allons loger dans Biklista même.

Ma demi-section est toute entière dans une maison. Ne sommes pas mal. J’apprends pourquoi nous restons ici.

Les Russes ont signé un armistice avec les Allemands et ne combattent plus. Restons derrière les lignes au cas où ils ficheraient le camp.

Ils ont fraternisé avec les Autrichiens dans la nuit du vendredi au samedi, ce qui a causé l’alerte dont j’ai parlé !

Retourne voir le major pour mon oreille. Nourriture sensiblement meilleure.

Lundi 3

Rien de nouveau.

Mardi 4

Toujours rien de nouveau.

5-6-7-8

Repos. Rien à faire. Les Russes ont signé un armistice et sont relevés.

Je fais le bucheron ces jours-ci. Nous partons avec des camarades et de petits chevaux albanais dans la montagne et nous abattons des arbres pour nous chauffer.

9-10-11-12-12-14

Toujours au repos à Biklista.

Nous devons aller à Doiran par crainte d’une attaque, à la suite du lâchage de la Russie. Il n’y a plus rien à craindre parait-il. Nous restons ici, je ne sais jusqu’à quand. Le courrier va très mal. Il neige fort ces temps-ci. Les camions tombent dans les ravins.  Je n’ai pas reçu de nouvelles de la maison depuis que je suis à Biklista (Biklichta).

La nourriture qui s’était améliorée est redevenue subitement très mauvaise. Il faut serrer la ceinture.

Enfin espérons qu’avec le ministère CLEMENCEAU la guerre va se terminer. Il parait que nous devons être rentres chez nous pour le mois d’octobre 1918.

Nous avons le temps d’attendre.

15-16-17-18-19-20-21-22-23-24-25-26-27- jusqu’au 2 janvier 1918

Repos.

Pendant la journée du 19, nous avons fait rester la femme de notre logeur pendant 4 heures dans les W-C. Le bonhomme ne voulait pas que nous voyions son épouse. Il a des mœurs toutes musulmanes.

1918

Janvier 1918

2 janvier 1918

Départ inattendu. Les Russes ont signé la paix. Il faut aller les relever à  Lescoveck.

Arrivons le soir à Swesda (Zvezda). Logeons sous les guitounes. Il neige toute la journée.

3 janvier

Départ. Beau temps.

Arrivons sur les bords du lac Prespa. Logeons dans les maisons de Gloubec (Glombotch). 

4

Arrivons en lignes après 3 jours de marche très durs.

Couchons sous les guitounes dans la neige. Il fait un froid du diable.

5

Partons le soir.

Arrivons à 2h du matin en lignes.

Il y a un travail formidable de fait. Tout un réseau de tranchées creusées en plein roc. Il y a des escaliers pour y monter car elles sont sur une pente rapide.

Restons toute la nuit dans la tranchée.

 

(*) : Il se trouve dans la région de Lescoveck (Léshovéts).

 

 

 

 

Positions françaises (en rouge) et russes (en marron) juste avant le départ des Russes en janvier 1918.

Roger MARCOUIRE se trouvait donc dans la région de Lescoveck (Léshovéts) entre les lacs d’Okrida et de Prespa.

6

Journée très calme.

Les boches nous dominent et plongent dans nos tranchées. C’est étonnant qu’ils ne nous bombardent pas.

7

Violent bombardement. Les boches ont un crapouillot qui nous a repéré.

Qu’est-ce que nous prenons ! Un 105 tombe entre mon abri et celui du fusil-mitrailleur. Nous sommes trois là-dedans renversés les uns sur les autres. Le gourbi est démoli. C’est irrespirable. Je me sauve dans l’abri  de bombardement.

Sur le soir, je suis appelé par le lieutenant comme agent de liaison. Bon gourbi près de lui. Les boches peuvent bombarder.

8

4h du matin.

Réveil en fanfare. Crapouillotage. Les Allemands tentent un coup de mains. Je suis obligé de chercher le lieutenant sous les obus. Qu’est ce qui tombe ! Les FM ne marchent pas. J’essaie d’entrer en liaison avec la 2ième section. Un poilu blessé, il a l’œil enlevé, se fiche dans moi et me dit que les Allemands sont dans le boyau.

J’avance : personne. Ni Français ni Allemands.

J’arrive à la 2nde section. Une torpille éclate au-dessus de ma tête. Je suis jeté à terre. Une pierre me coupe un peu l’oreille, la 2ième n’a plus de grenades. Je reviens le dire au lieutenant.

Enfin vers 7h tout cesse. Mon escouade est démembrée. Trois blessés assez grièvement. Un disparu. (*)

Les Allemands ont laissé un des leurs aux fils de fer. Ils n’ont pas pu l’emporter.

 

(*) : Le coup de main allemand fait 1 tué, 10 blessés et 12 disparus. Les faits et les causes de l’action allemande sont relatés dans le JMO de la 156e division d’infanterie. Voir ici.

Le tué est ÉMIE André Joseph (sa fiche). 2 blessés mourront ensuite : CHAMIGON Charles et SAGETTE Ferdinand.

9

Journée calme. Léger bombardement.

Le soir l’équipement du disparu est retrouvé. Les Allemands ont laissé une centaine de grenades, des bérets, un revolver. Ils ont dû se retirer précipitamment.

10

Nuit et journée calmes.

Il pleut.

11

Journée calme.

Alerte dans la nuit. Les Allemands coupent les fils de fer. Tir de grenades et de FM. La nourriture est insuffisante. Le ravitaillement n’arrive pas. Pour la 1ière fois depuis Biklista, je reçois du courrier. Les lettres se perdent beaucoup.

Très froid. Impossible de se réchauffer les pieds.

12

Nuit calme.

Pas dérangé. Encore le même bruit dans la nuit. C’est la gelée. Les fils de fer sont bien coupés mais par nos grenades.

Depuis 4 jours je suis mouillé. J’ai réussi juste à me sécher aujourd’hui. J’ai enlevé mon chandail et comme je n’en ai pas de rechange, je suis resté sans chemise ni chandail. Vivement que la guerre finisse.

Je n’aurais jamais cru mener une pareille existence. Les pieds et le corps dans l’eau, plein de totos, rien à se mettre sous la dent et à peine de courrier.

13

Journée calme.

Beau temps. Froid. Reçu lettre de Suzanne. J’ai le cafard !!

14

Reçu colis de grand-mère.

Pluie. La boue va recommencer. Un Allemand s’est rendu la nuit dernière. Bombardement.

15

Nouveau coup de main allemand dans la nuit à 4h du matin. Décidemment, ils veulent à toute force nous emmener à Berlin.

Ça n’a rien à faire. Ils sont encore restés au fil de fer. Ils en ont coupé quelques mètres. Mais j’ai eu un moment de trac. La mitrailleuse ne marche pas. Plus de grenades. Le lieutenant reste seul avec un poilu et moi. Il m’envoie en vitesse cherché des grenades au PC du capitaine et tire des coups de fusil en hurlant comme un beau diable.

Arrivé au capitaine, on me dit de ne pas trop tirer là-haut. Qu’il ne faut pas se presser ni s’affoler. Il n’y a plus de grenades. Ah ! Ils sont charmants ! Sentir les Allemands sur les fils de fer, pas de quoi les recevoir et pas s’affoler !

Je remonte avec une caisse de VB (*).

Autre histoire :

Tout le monde me fuit comme un pestiféré. Ils ont peur qu’un obus tombe sur la caisse et qu’elle n’éclate. Je reste seul à m’évertuer à l’ouvrir, me fourrant le plus possible dans le pare-éclat. Enfin un sergent vient m’aider et les VB partent.

Tout rentre dans le silence.

 

À 5h1/2, nouvelle alerte. Sans importance.

Journée froide et pluvieuse. Calme.

Tous mes anciens copains sont évacués. Je reste seul. Mon tour va-t-il venir ?

 

(*) : Le système VB (Viven Bessière) est un système de lancement de grenade par fusil. Voir ici.

16

Nuit et journée calme. Suis toujours agent de liaison.

2ième demande d’aspirant appuyée par mon lieutenant. Réussira-t-elle ? Pour le 11 février pas longtemps à attendre.

17

Nuit et journées calmes.

Les Allemands sont venus essayer de couper les fils de fer. On leur a flanqué une charge sur la figure et ils sont partis.

J’ai fait avec mon lieutenant les plans des tranchées et leur relevé exact. Le lieutenant est charmant pour moi. C’est un véritable camarade. Il sait que je suis étudiant et nous sommes une paire d’amis. Je voudrais bien rester agent de liaison tant que nous serons en lignes.

Temps magnifique. Nourriture meilleure. Je mange mieux qu’à la section.

18

Journée calme.

Bombardement assez violent sur le soir. Ce matin en montant sur la tranchée pour aller satisfaire un besoin pressant les bulgares m’ont tiré dessus. Étonnant de leur part.

19

Changeons de secteur. Appuyons un peu plus à droite.

Je retourne à ma section. Ce qui ne me plait guère. Il faut reprendre la garde.

20 Dimanche

Alerte dans la nuit. 6H30. Je tire quelques coups de fusil, je ne sais trop sur quoi.

Journée calme.

21 Lundi

Journée calme.

Temps magnifique.

22 Mardi

Toujours calme.

Brouillard. Je me promène sur les parapets. Je trouve quelques grenades.

23 Mercredi

Bombardement assez violent dans l’après-midi.

24 Jeudi

Calme.

Léger bombardement.  Temps toujours très beau.

25 Vendredi

Journée et nuit calmes.

26

Violent bombardement.

27 Dimanche

Journée calme. Temps beau mais un peu froid.

Le secteur de la section est rallongé. Je m’attends tous les jours à nous voir faire prisonniers. Nous ne sommes pas le 1/4 du monde nécessaire. Si les Allemands tentent un coup de main un peu important, nous sommes flambés. Ma foi, j’irai faire un petit tour à Berlin.

La nourriture est bonne mais insuffisante. Courrier n’arrive pas.

Je crois que ma demande d’aspirant est dans le lac. Il y a déjà  10 jours. C’est un peu tard. Tant pis.

28 Lundi

Rien à signaler.

29 Mardi

Je pars comme observateur d’artillerie. Arrivé au colonel, on m’apprend que ma demande a réussi.

Je pars en France comme aspirant. J’arrive à la maison frontière. (*)

 

(*) : Maison frontière entre la Serbie et l’Albanie.

30

En arabas (*), à pied puis en auto jusqu’à Smrdès.

 

(*) : Un araba est un véhicule hippomobile sans caractéristiques particulières, tracté par des chevaux ou des bœufs, utilisé dans les pays du Moyen-Orient. Il est généralement lourd et sans ressorts, et souvent couvert.

31

Génovah (Jélova), Florina, Salonique.

Nous sommes deux du 176.

Février - juillet 1918

1-2-3-4-5

Départ à Salonique.

Petite bombe avec les E A de L’A F O. (*)

Presque tous sergents ou caporaux-fourriers. Beaucoup de changement comme intellectualité avec le 176.

 

(*) : Élèves-Aspirants de l’Armée Française d’Orient.

6

Départ de Salonique. Serrés comme des sardines.

Soupe à Larissa.

7

Arrivés à Bralo.

Départ le soir même en camions. La route est meilleure qu’au départ. Le moral est meilleur aussi ! Couchons sous les marabouts.

Avons passé près du temple de Delphes.

8 – 9

Séjour à Itéa.

10

Embarquons sur le « Guichen », croiseur dans le genre du « Jules Ferry ». Le convoi comprend aussi le « Team Gat », bateau marchand.

Arrivons la nuit à Corfou où nous faisons escale à cause des sous-marins.

Avons vu à Itéa la tombe du lieutenant, commandant l’UC38, qui a coulé le Château-Renault. Il s’appelle Bock. (*)

Sous-marins.

 

(*) : Le 14 décembre 1917, en mer Ionienne, le « Château-Renault » reçoit deux torpilles lancées par le sous-marin allemand UC 38. Les marins avaient tous été évacués avant le naufrage.

11

Journée passée à bord du « Guichen » en vue de Corfou.

Départ le soir. Nous devions être à St Cyr. Léger retard.

12

Traversée bonne. Temps admirable. Pas de sous-marin.

Je repars à 5h.

13

Journée passée en chemin de fer.

Bari, Foggia, le Vésuve.

14

Civitavecchia, Rome et Livourne le lendemain à 4h du matin.

15

Départ de Livourne à 11h

16

Arrivés au jour avant San Rémo, Vintimille. Bonjour aux annamites qui gardent la frontière.

17

Arrivés à Marseille à 6h matin. Amerikan Park jusqu’à 9h. Fort St Jean.

Prends le train à 12h50. Express, ça me change.

18

Déraillement avant Tonnerre (Yonne). Changeons de train.

Arrivée à Paris à 1h de l’après-midi. Apprends les dégâts commis par le « Gothas ». (*)

 

(*) : Ce sont des avions allemands qui survole et bombardent Paris pour terroriser la capitale.

19

Repars pour St Cyr.

Arrivée à 2h après-midi. Exercice continu mais pas dur. Travail intéressant. Nourriture bonne. Attends dimanche avec impatience.

Visite des Gothas sur Paris. Alerte dans la nuit du 8 au 9, 13 morts et une cinquantaine de blessés.

Pas encore d’offensive au front français. La guerre avec le ministère Clémenceau est menée vigoureusement. Des restrictions en quantité. Pain rare. Plus de gâteaux ni bonbons ni crèmes.

Défection complète des Russes. Intervention probable du Japon. Roumanie écrasée. On commence à voir un certain nombre de soldats américains. Paris toujours très animé malgré les Gothas.

12

Nouvelle visite des Gothas dans la nuit du 11 au 12. J’ignore encore le nombre de victimes. 14 escadrilles ce qui fait 60 gothas. 60 morts et quelques morts. 170 blessés.

15 (mars)

L’usine d’explosifs de la Courneuve saute. (*)

 

(*) : L’usine de grenade a explosée le 15 mars 1918.

22 mars

Visite des gothas en plein jour ce matin.

Alerte de 8h à 12h.

 

(*) : Une alerte a bien été déclenchée à Paris vers 8h30 (les gothas allaient bombarder Compiègne) mais le soir et non le jour : je n’ai pas retrouvé de raid gothas de jour sur Paris (voir Paris bombardé par zeppelins, gothas & berthas / Maurice Thiéry | Gallica (bnf.fr). Ce n’est pas le 22 avril car pas de raid retrouvé ce jour et la « Bertha » était alors restée silencieuse (livre p197).

14 mai

Départ à Poitiers.

Je vais faire un stage de chef de section de mitrailleuse pour un mois. Très bien logé et pas mal nourri. Liberté complète. La ville elle-même est jolie mais « province ». Les environs sont charmants. Les « Pictaviennes » sont charmantes mais ont peur des cancans.

Un canon à longue portée a bombardé Paris pendant quelque temps mais est détruit. Les gothas viennent de temps à autre. Nous avons été faire des manœuvres à Cernay. Coin charmant. Nous nous sommes pas mal amusés.

L’existence est plus gaie comme E.O. (élève-aspirant) qu’en Albanie.

 

Pas d’écrit entre ces 2 dates. Roger MARCOUIRE devient caporal le 2 juin, puis sergent le 2 juillet.

22 juillet

Toujours à St Cyr.

Le cours se termine dans 13 jours. Je ne sais pas encore si je serai nommé aspirant.

Trois grosses offensives boches qui avancent jusqu’à la Marne. Contre-offensive victorieuse de Foch qui les repousse vers le Nord. Canon et gothas bombardent toujours Paris de temps à autre.

Août-décembre 1918

2 août

Suis nommé aspirant.

Pars en permission d’un mois. Vais tous les dimanches à Paris, reste la semaine à Sergine. Deux bombardements pendant ma permission. Offensive boche arrêtée.

Il repart en Orient.

 

Repris Agde à la fin de ma permission. Sale patelin, je m’ennuie pendant 15 jours en compagnie de DEMONT.

Départ d’Agde avec un sergent armurier MARTINET. Arrêt à Sète, Tarascon, 3 jours à Marseille.

J’arrive à Puget à sec. 4 jours à Puget.

Départ du camp avec un convoi et 18 aspirants. Passage de la frontière le 20 septembre. Comme ça m’ennuie pas mal de suivre le train, je passe 2 heures à Cannes en compagnie d’un copain (aspirant GUILLEMAIN) et…nous ratons le train. Très chic voyage.

Arrêt à Vintimille.

Très bon restaurant. Bon repas. Jolies servantes, nuit encore meilleure.

Départ à 6 heures dans rapide Gênes. Journée passée à Gênes. Jolie ville, beau port. Reprenons le train. Arrivons à Livourne. Le convoi a quitté cette ville la veille. Arrivée à Naples. Quelques quartiers sont beaux. Presque toute la ville est pauvre et pâle.

Je me suis arrêté également quelques heures à Rome. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de visiter la ville. Arrivée à Tarente. Personne ne s’est aperçu de notre absence.

Nous embarquons le lendemain.

26-09-18

Sur « l’Amazone », très joli paquebot.

2 jours de traversée. Beau temps. Nouba pendant tout le parcours.

Restons 2 jours à Itéa. Prenons une barque, allons dans un petit patelin à côté pour y trouver une boîte où l’on s’amuse. Malheureusement, les renseignements étaient faux et c’était un marchand de dentelles.

Départ d’Itéa. Camions jusqu’à Bralo.

Jusqu’à Plati. De là direction Vodena. Reste un mois à Vodena.

 

(*) : Les villes soulignées sont visibles sur cette carte.

 

Suis nommé adjudant de bataillon au bout de deux jours. Très bonne popotte. Ville peu intéressante.

Au bout de quelques temps, les noubas succèdent aux noubas.

Suis affecté au 175 le 10 novembre. (*)

 

(*) : Selon sa fiche matriculaire, Roger MARCOUIRE est passé au 175e régiment d’infanterie le 24 octobre 1918.

 

Pars pour Monastir. Je dois rejoindre le régiment qui est à Prilep.

Mais c’est trop loin. Je l’attends à Monastir. Deux ou trois bombes pendant ces quelques jours font passer le temps.

Le régiment arrive à Monastir le 12. Suis affecté à la 11e Cie.

 

Quittons la ville le 18.

Prenons le train jusqu’à Verria. Voyage pas très charmant. Tous les hommes sont saouls. Mon commandant de compagnie est parfaitement abruti. Faisons 15 km en pleine montagne. Je suis de garde de police.

Le capitaine fiche le camp et me dit de le rejoindre sans me donner d’indications.

À 9h du soir suis perdu en pleine montagne. Me dirige vers une lumière. Trouve un gardien de moutons qui me conduit vers Dolgeani (*) – Mes hommes n’en peuvent plus.

 

(*) : Pour info, Dolgeani est un peu à l’ouest de Verria.

 

Restons 15 jours à Dolgeani. M’y ennuie copieusement.

Le bataillon est dissout. Suis affecté à la 5ème, meilleure compagnie.

 

Restons 20 jours à Verria.

Partons pour Salonique et embarquons sur le « Dobroudja » le 20. Un infâme cargo.

Ai le mal de mer en passant au large de Lemnos – Les vagues passent par-dessus le pont. Traversée des Dardanelles très calme. Arrêt d’une journée devant Constantinople.

Visite la ville – très jolie mais sale. Je me perds dans la ville en compagnie de quelques camarades et nous avons juste le temps le lendemain matin de sauter dans une barque de pécheurs pour rejoindre le bateau.

25 décembre 1918

Passé en mer. C’est le plus mauvais que j’ai passé jusqu’à présent. Mer un peu agitée.

Arrivée à Sébastopol le 27.

Sommes logés aux casernes de la Marine. Jolie ville. Femmes charmantes. Jamais vu une ville aussi dépravée.

Sommes logés en ville le 6. Hôtel Roerberg, en plein centre.

Existence épatante. Le change est à 170 ce qui fait pas mal d’argent.

La vie est chère par exemple. Surtout les vêtements. 1500 roubles un costume, 300 roubles une paire de chaussures.

Faisons une bringue effrénée. Puis arrêt pendant quelque temps. Prend la garde à l’hôtel Rist. Très jolies femmes. Ne couche jamais tout seul.

Le 29

Sale histoire.

Après une soirée rentre dans la chambre d’une copine, avec un camarade et une autre femme. Celles-ci un peu ivres touchent à mon browning et tirent un coup de revolver.

Branle-bas dans la maison. Nous sortons un voisin qui était venu voir. Résultat la bonne femme est fichue à la porte.

1919

Le 10 février

Passe à la C.H.R. au S.R. du régiment.

Loge au Grand-Hôtel – Suis gérant du foyer du soldat.

Existence calme. Nous nous endormons dans les délices de Capoue. Pendant ce temps les bolcheviks avancent.

 

(*) : CHR = Compagnie hors rang. SR = section de renseignements.

2 mars

Passe au S.R. de la brigade – Service intéressant. Perquisitions – trouvons deux dépots de munitions. Me voici devenu détective amateur – Prends les passeports.

15 avril

Alerte.

Les bolcheviks sont devant Sébastopol. Toutes les troupes remontent aux casernes. Une Cie et le S.R. restent dans la ville à l’hôtel Roergberg.

17

Les bolcheviks prennent le mamelon vert.

18

Nous leur reprenons.

La marine exécute un tir de barrage sur les lignes ennemies. Les bolcheviks ont 300 tués ou blessés.

Vais faire le soir une perquisition. Je rencontre un lieutenant qui avait un poste pas loin.

Il vient avec moi. Nous trouvons une chique maison, de jolies femmes, pas d’armes. Ces dames nous offrent le thé et la nuit se finit fort agréablement.

 

(*) : La marine française défendait Sébastopol contre les bolcheviks (les rouges) qui attaquaient les « Blancs »

19 – 20 – 21

Révolte de la marine.

Les marins du « Vergniaud », de la « France » du « Jean-Bart » et de la « Justice », parcourent les rues de Sébastopol en chantant l’internationale et arborent le drapeau rouge sur les navires. Un comité des marins s’installe à bord des navires.

Le mouvement ne durent heureusement que trois jours et tous rentre dans l’ordre. (*)

 

(*) : La mutinerie des marins français est peu connue. Pourtant elle a précipité le départ des troupes françaises de Russie.

Le 19 avril 1919, les marins du bâtiment de guerre « France », ancré près du port de Sébastopol en Mer Noire, se sont révoltés contre des ordres de déplacer 700 tonnes de charbon durant le week-end de Pâques.

Le commandement français avait envoyé sur la côte de la Crimée une flotte dont les milliers de soldats et d'hommes d'équipage étaient épuisés par la guerre, certains étaient en service depuis 1915. L'objectif était d'apporter une aide matérielle et militaire aux armées blanches sous le commandement du général Anton Denikine qui se battaient contre les bolcheviques. Cela a provoqué un énorme mécontentement parmi les conscrits français, de janvier à avril, plusieurs unités françaises stationnées dans le sud de l'Ukraine ont refusées de combattre, et les blancs ont dû évacuer Odessa.

Quand les marins du France ont reçu l'ordre de charger du charbon à la pelle, la discipline militaire était très mauvaise dans toute la flotte. Quand les drapeaux ont été hissés le matin du 19 avril, une partie de l'équipage a refusé de saluer. Puis des centaines de plus se sont rassemblés sur le pont dans la matinée pour demander un jour de congé, et ils ont commencés à chanter l'hymne sociale, l'Internationale.

 

Bientôt les marins d'un autre navire de la flotte stationné à proximité, le « Jean-Bart », se sont joints au chant.

Quand les officiers sont arrivés sur le pont, et ont demandés aux marins de se disperser, ils ont été accueillis par des moqueries et des menaces. Un officier a promis de transmettre les demandes des marins au capitaine. D'après André Marty, l'un des meneurs du mouvement en Mer Noire, les marins ont alors demandé « Qu'est-ce qu'on fait en Russie ? On ne veut pas se battre contre les ouvriers qui sont nos frères, on veut partir », les marins du France ont envoyé une délégation au Jean-Bart et ont demandé quelles étaient leurs demandes. Leur réponse fut « rentrer à Toulon ! Plus de guerre avec la Russie ! »

Malgré un sermon de l'amiral de la flotte sur les méfaits du bolchevisme, les marins des deux navires ont débarqués le lendemain, et ont rejoint une manifestation des ouvriers de Sébastopol contre la guerre. Des marins d'autres navires les ont rejoint également mais des soldats français et grecs stationnés à proximité ont ouvert le feu contre la manifestation, tuant et blessant des dizaines de personnes.

La flotte française a éclaté de colère et des mutineries ont commencé sur d'autres navires durant tout le mois qui a suivi. La présence française en Mer Noire est devenue impossible à maintenir pour l'armée et la flotte a dû rentrer en France en mai.

 

Le mécontentement des mutins trouvait sa source dans les rations réduites, la délivrance hasardeuse des courriers, le manque d'autorisations de descendre à terre, et la brutalité de la discipline imposée par les officiers. Mais c'était en particulier l'engagement d'une nouvelle guerre qui les a radicalisés. La propagande bolchevique a joué un rôle crucial dans la mutinerie. Les bolcheviques ont édité un journal en français intitulé Le Communiste qui reprenait les demandes des marins et les informait sur l'objectif des bolcheviques d'une révolution mondiale.

(Article paru en anglais le 16 avril 2019).

 

Voir ici

22

Armistice conclu avec les bolcheviks pour 8 jours.

Un gouvernement des soviets s’installe dans la ville – Le drapeau rouge flotte sur l’ancien hôtel Ranine.

Continuons à donner des passeports. Un délégué des Soviets vient me demander de ne pas en donner. Je le menace de le faire mettre en prison.

Fait connaissance Madame KALEDINE. C’est le chef du parti bolchevik de la région. Très jolie femme.

23

Perquisitionne dans 20 maisons de la Rarabelnaya. Faubourgs de Sébastopol.

Trouve un peu de tout. Des fusils français, russes ou japonais, des bandes de mitrailleuses, des bombes et une maison où nous trouvons --- une quinzaine de femmes nues qui nous invitent à entrer.

Malheureusement elles sont d’une saleté repoussante.

24

Perquisition dans l’imprimerie du Volnei Youg. Trouvons des tracts prêts à être distribués aux matelots. Emboitons l’imprimeur, sabotons les machines, puis nous mettons tous les casiers au milieu de l’imprimerie.

25

Repartis en auto avec une interprète à l’imprimerie pour y mettre les scellés.

Je suis remarqué et le lendemain, ces messieurs du C. des S. (*) m’envoient une lettre de menaces.

Ils ont de la veine qu’on n’y soit pas resté plus longtemps. Je leur en aurais foutu des menaces.

 

(*) : Comité des Soviets

26,27 et 28

Rien de marquant.

Distribue les derniers passeports et dernière vengeance, me paie la femme du maire pendant ces trois nuits.

29

Les troupes alliées quittent Sébastopol. Tout se passe très bien.

J’embarque sur le « Rodosto ». Je n’ai jamais vu un si grand nombre de navires. 6 gros français – 2 cuirassés et 2 destroyers anglais, un cuirassé américain et 1 grec, 1 cuirassé russe mené par les Anglais. Une quinzaine de torpilleurs ou contre-torpilleurs, cinq sous-marins, 14 transports de troupes et 2 navires hôpitaux français et un russe.

J’ai oublié de dire dans la nuit du 16, les Bolcheviks avaient placé 5 bombes sur le navire hôpital. Il y eut une vingtaine de morts et 80 ou 100 blessés.

Du « Rodosto », nous voyons les Bolcheviks pénétrer dans la ville. J’ai mal au cœur d’être obligé d’abandonner la ville à ces gens-là. Enfin, il paraît d’après les derniers tuyaux que ce ne sont plus les pillards du début. Peut-être vont-ils finir par donner à la Russie un gouvernement stable.

 

Les troupes évacuant Sébastopol étaient les suivantes : 1 régiment français, 2 bataillons indigènes, deux régiments grecs et un bataillon tchécoslovaque. Comme artillerie un régiment français.

Une partie des cuirassés reste encore quelques jours pour finir la réparation du « Mirabeau ».

Le change était monté à 1000 à la fin de l’occupation.

 

Deux jours de traversée, mer calme. Nous débarquons à Constantza, ville peu intéressante. La monnaie change.

Après les roubles, ce sont les leis.

 

 

Carte de situation des villes citées

 

 

Réembarquons le 3 mai sur le « Sadko ». Nous remontons les rives fleuries du Danube. Elles sont bien laides. Peut-être est-il plus beau du côté de Vienne ? 24 heures de voyage. Arrivons à Galatz. 2 jours encore passés.

Ville guère plus intéressante que Constantza. Prenons le train le 7. Restons deux jours en chemin de fer. Pas de ville importante.

Pénétrons en Russie à Réni.

 

Voyageons 24 heures en Bessarabie. Descendons le 9 à Passarewka, petit patelin à une vingtaine de kilomètres du Nuiester.

10 mai

Nous nous installons à Masnnburg, colonie formée entièrement d’émigrants allemands. Cette existence tranquille va me reposer de l’agitation des jours précédents. Passe au bout de quelques jours secrétaire du colonel. Je deviens un enragé du football. C’est notre seule distraction avec l’harmonium. Il y en a un dans toutes les maisons.

Le 176 et le 1er RMA (*) sont à Akkerman sur les bords du Dniester (**) et sont en contact avec les Bolcheviks. C’était bien la peine de faire un tout pareil pour revenir à 70 km d’Odessa. Je suis proposé pour une décoration roumaine. J’ai oublié de dire que j’ai une proposition de S/lieutenant depuis le 26 avril. Je reçois peu de lettres de la maison pendant ce laps de temps. Ai reçu 20f de Suzanne.

 

(*) : 1e régiment de marche algérien

(**) : Voir la carte.

10 mai au 1er juin 1919

Pas d’événements notoires, si ce n’est la dissolution d’un bataillon. Le régiment est réduit à l’état de squelette. Il est composé actuellement d’environ 400 hommes. Le 176 et le 1er RMA sont dans le même cas. Le régiment va être dissout ces temps-ci. Je ne sais pas ce que je vais devenir.

Peut-être tirailleur algérien ? Quelle drôle de tête j’aurais sous la chechia.

8 juin

Le 175 est dissous.

Il est transformé en régiment de marche métropolitain (RMM) et la 156e  division d’infanterie en division coloniale. (*)

On parle de repartir vers, encore une fois, destination inconnue – Buda-Pest ou ????

 

(*) : C’est exact. Voir ici.

1er juillet

RMM dissout transformé en bataillon de marche du 4ème zouaves. Nous portons une chechia et le costume kaki.

14 juillet

Morne. Rien d’extraordinaire.

17 juillet

Départ pour Varna (Bulgarie) par chemin de fer.

23 juillet

Arrivée à Djudjulesti (*). Restons 2 jours.

 

(*) : Pour info Djudjulesti est au confluent du Prout avec le Danube ~15km à l’est de Galatz.

26

Départ à 4 heures du matin à pieds pour Galatz.

Arrivons à 2 heures de l’après-midi. Ville assez gentille. Quelques maisons détruites par les Allemands. Devons repartir dans quelques jours en direction Razgrad.

2ème proposition S/lieutenant partie le 24. Vais probablement me faire rapatrier en août.

Beaucoup de travail actuellement.

Restons à Galatz jusqu’au 2 août.

2 août

Départ pour Reni à pieds. Sommes assez mal logés. Ne trouvons que de l’eau salée. Restons jusqu’au 4 à Reni.

4

Embarquement à bord d’une péniche. Nous devons remonter le Danube jusqu’à Rouchtchouk

5

Partons remorqués par un remorqueur. Allure moyenne  5km à l’heure.

Nous allons pouvoir examiner les rives à loisir.

6

Le fleuve est très joli. Extrêmement large. 2km en moyenne. Fort courant.

Passons à Tsernavoda – 1er pont sur le Danube.

 

(*) : À l’époque c’est le premier pont avant la mer. Il était ferroviaire. Il est toujours ferroviaire, mais c’est le second de nos jours. Voir.

7

Toujours navigation tranquille. Sommes mangés par les moustiques. Nous logeons à fond de cale. Impossible de manger sans être piqué.

Sur le soir, il pleut. Tous les moustiques rentrent à l’intérieur. C’est intenable. Tout le monde remonte sur le pont. Puis nous faisons brûler des vieux chiffons et du foin mouillé.

Au bout de deux heures, nous pouvons enfin rentrer et dormir à peu près tranquilles. Il reste bien encore les puces mais il ne faut pas être trop difficile.

8

Voyage toujours tranquille. Passons à Silistrie.

9 et 10

Aucun incident.

11 août

Arrivons à Rouchtchouk. Ville assez jolie. La vie y est chère.

Seulement le change étant à 400, nous pouvons nous en tirer.

12

Les démobilisables des classes 13, 14 et 15 quittent Rouchtchouk pour la France. Mon tour va venir d’ici quelques jours. Le R.M.M est dissout. Le reste du régiment va passer au 14ème R.T.A, les démobilisables partis.

13

Beaucoup de travail au bureau. Je ne puis sortir.

14

Sans changement.

15 – 16 – 17 – 18

Sans changement. Rouchtchouk est une ville assez gentille, mais sans amusement.

19

Départ de Rouchtchouk comme démobilisable en direction Varna. RMM dissout.

20

Arrivée à Varna. Voyage sans incident.

 

Voir la carte de son périple sur le Danube.

21

Visite Varna. Ville gentille.

Les Français ne sont pas aimés. Espère partir en direction de Constantinople le 23 sur le « Tigre ».

22

Sans changement. Sais prendre des bains de mer. Le temps est splendide. J’espère aussi ce temps pour la traversée.

23

Embarquons sur le « Tigre », bateau moyen. Suis logé dans une cabine de 1ère cl. Nourriture passable. Confort pas moderne. Départ à 16 heures de Varna.

24

Arrivons à Constantinople.

Débarquons à 14 heures.

Rembarquons sur le « Tigre » immédiatement. Une épidémie de choléra sévissant, il est défendu de débarquer.

25

Restons en rade. Le bateau fait du charbon et embarque des vivres et de l’eau pour 8 jours. Partons le soir à 20 heures en direction Marseille.

Beau temps, très chaud, mer calme. Passons au large des îles ioniennes.

26

Mer calme. Temps splendide.

27

Doublons le cap Matafan à 11 heures. Piquons droit sur le détroit de Messine à 2 heures. N’apercevons plus une terre.

Bateau marche régulièrement. Pensons arriver à Marseille vers samedi.

28

Mer déserte.

Atteignons le détroit de Messine à 16 heures. Traversons le détroit sans nous arrêter. Apercevons l’Etna environné d’un nuage de fumée.

Passons devant le Stromboli vers 10 h. Le cratère est en flammes. L’effet sur la mer est très joli.

29

Marchons toute la journée sans apercevoir aucune terre. Mer toujours calme.

Temps très chaud.

 

 Fin des écrits

 

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