Correspondance 1914-1918

du Lieutenant Robert (Marie Adrien) MAZEL

Du 8e régiment de Chasseurs à cheval.

1915

 

 

Mise à jour : novembre 2014

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Avant-propos

 

La guerre de tranchées interdisant momentanément toute action à cheval, le 8° chasseurs va combattre pendant 18 mois aux côtés de l'infanterie, dans le secteur de Vauquois (Argonne)

 

C'est une vie pénible. Longues étapes de nuit, souvent sous la pluie, arrivées de nuit dans les boyaux inondes, secteurs très étendus où les postes semblent isoles du monde, nuits noires pendant lesquelles il faut monter la faction entière derrière les créneaux avec de la boue jusqu'aux genoux.

Pendant cette longue période, décembre 1914 à juin 1916, le gros du régiment cantonne à Passavant-en-Argonne.

 

Là non plus, ce n'est pas le repos pour les escadrons descendant des tranchées. Il s'agit, pour les cavaliers, de soigner et de faire travailler les chevaux, de reprendre l'instruction à cheval et à pied, d'appliquer les nouvelles méthodes, de former aux spécialités (fusil-mitrailleur, grenades-fusils), de fournir au 5° corps d'armée tous les services qui lui sont nécessaires; observateurs, liaisons, reconnaissance des secteurs, police des routes, circulation...

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Janvier 1915

Le régiment se trouve au repos en Argonne, à Passavant.

 

Lettre de Robert à sa sœur, Odette

2 janvier 1915

Ma chère Odette.

Merci de tes marrons reçus hier. Ils m'ont fait bien plaisir, et ont été fort appréciés par mon capitaine et l'autre officier de mon escadron.

Dullin m'a remplacé auprès du Général Gouraud (*). Il n'était pas avec nous hier.

Quant à Lefève, il est à Clichy et vient d'être opéré de l'appendicite. Bobowitz qui passait capitaine vient d'être évacué (typhoïde, je crois).

Nous n'avons pas de veines comme officier.

Je n’ai jamais reçu le sérum qui a dû être volé, n’ai pas encore le mandat de maman. Comme je te l'avais dit, j'ai réveillonné avec le Général Gouraud. Dont, tu as pu voir une photo dans un récent Illustration.

Il y a une messe de minuit dans la forêt. C'était impressionnant comme décor. Nous sommes toujours victimes de la pluie, mais pas à plaindre puisque nous sommes à peu près au repos.

Il paraît que grand-mère compte revenir en novembre à Paris.

 

(*) : GOURAUD Henri-Joseph, général : 17/09/14-22/01/15 commandant de la 10 division d'infanterie. 15/05/15-01/07/15 commandant du corps expéditionnaire d'Orient.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

8 janvier 1915

Ma chère Odette,

J’espère que vous avez fait bon voyage et que vous n’ennuyez pas trop à Sibeaumont.

Je vais toujours bien. Il ne fait pas froid, mais il pleut sans cesse.

Rien de neuf. J’ai vu la mort de ce pauvre Corvisart dans les journaux. (*)

Je croyais qu’il était dans la division de papa.

Reçu une lettre de papa du 28 et une carte de Fusher (qui est au repos à St-Omer) et de Paul qui n’est pas de loin de moi, également va bien.

Je n’ai jamais reçu le sérum, mais en ai d’autre.

 

(*) : Corvisart Lucien, né le 07/09/85 à Saumur, sous-lieutenant au 15ème régiment de chasseurs, décédé le 18/12/14 à l’hôpital temporaire générale du 12ème corps des suites de blessures de guerre.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

11 janvier 1915

Ma chère mère.

Je suis retourné auprès du Général Gouraud qui vient de recevoir une balle dans l'épaule, mais a refusé de se faire évacuer.

La guerre de ce côté-ci est effroyable pour les pauvres troupiers qui sont de véritables paquets de boue.

J'ai été ce matin, à Clermont, enterrer le colonel du 131ème d'Orléans, tué d'une balle au cœur ces jours-ci. (*)

Cette cérémonie avec les honneurs militaires, musique et drapeau, dans le village en ruines était d'une grandiose simplicité.

 

Je crois que je vais rester ainsi à peu près en quartier d'hiver où l'on doit donner un très gros effort. Le temps et les effectifs ne permettent pas grand-chose en ce moment.

C'est le Général Hély d’Oissel qui commande la septième division tout au moins la commandait, il était en Belgique quand j'y étais.

Réquichot commande la division de Lyon, je crois de Buyer celle de Sedan, Allenou la cinquième.

Mon capitaine est le capitaine Frenais de Coutard, sort de Saumur, est charmant et connaît très bien son affaire.

 

Falguière m'a invité hier à déjeuner à son escadron, nous avons mangé un mouton entier qu'on a servi ainsi sur la table ! Et qu'on mangeait avec les doigts !!!

C'est un plat du Maroc.

Il m'a dit que de Goulaine n'avait pas été tué et allait bien.

Qui croire,  il paraît que M…L de Saumur (qui commande une brigade de cavalerie) est très inférieur, et près d'être envoyé au repos à Limoges ! (**) 

Le colonel Rampont convalescent est à Saumur.

 

J'espère que vous allez bien.

Ici la pluie fait rage, mais j'ai la chance d'être à l'abri. Nos chevaux sont bien retapés maintenant et prêts à rentrer en action. Mes hommes sont toujours aussi épatants et je ne céderais pas ma place auprès d'eux pour un empire.

Je vous envoie, ci-joint, ma citation, car si jamais il m'arrivait malheur, je voudrais que cette citation resta dans la famille. Je pense bien rentrer sain et sauf, car jusqu'ici j'ai toujours eu de la veine.

 

(*) : Colonel Fourest, tué en forêt de Hesse.

(**) : Après la bataille des frontières en août 1914, et les premières défaites françaises, JOFFRE a relevé de leur commandement de nombreux officiers généraux, loin du front.

Les généraux furent donc assignés à résidence à Limoges. Le terme « limogeages » est donc né à cette époque.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

13 janvier 1915

Ma chère Odette.

Je t'envoie ci-joint une photo de moi, prise avec mon Kodak par un assez mauvais temps. Elle n'est pas trop floue. Quand je vais recevoir de mon camarade Lefève, celles prisent en Belgique, je t’en enverrais d'autres.

Mon capitaine est sur la photo.

 

Rien de bien neuf ici. Cette guerre est extrêmement lente.

Nous sommes immobilisés sur tout le front et il est difficile de percer en un point. Avec le mauvais temps, les hommes s'enlisent dans la boue !

J'ai vu à l'état-major du corps d'armée, le capitaine De Saint Julien qui a épousé Mlle de LaSalle (l'amie de Jane).

Il m'a demandé si j'étais le fils du Général et m'a parlé de ce pauvre Bouvet qu'il a connu alors qu'il était à l'école de guerre, et à Fontainebleau.

 

Münz (l'artilleur, joli garçon qui a fait son cours sous le règne de papa) est auprès du Général Gouraud.

Il m'a parlé de son cours. Il est marié maintenant.

La deuxième division de cavalerie (Varin) est encore en ce moment au repos du côté de sa garnison de temps de paix.

 

Il fait toujours un temps affreux et le froid voudrait bien mieux que cette pluie persistante. Je n'ai reçu aucune nouvelle de vous depuis trois jours. Je pense que vous recevrez ma citation que je vous ai envoyée ces jours-ci.

Je vais probablement quitter mon cantonnement pour céder la place à d'autres troupes, et pas d'opérations actives pour nous encore, quelque temps, je crois.

J'ai reçu de bonnes nouvelles récentes de papa. J'ai pu me réapprovisionner en caoutchouc et les lainages à Sainte Menehould.

Toujours auprès du Général Gouraud.

C'est une belle figure de soldat. Vous avez dû voir sa photo dans l'Illustration. Il est adoré de sa division.

Le pauvre René est certainement mort. C’est affreux de ne pas savoir où il est enterré.

Jean ne risque rien à Verdun et n'a jamais vu la tête d'un boche.

Quant à Ray. Il a trouvé la bonne embuscade. Je ne vois pas d'ailleurs sur le front !!

 

Le 14 janvier le régiment quitte Passavant. Le 2ème escadron de Robert cantonne à Sommaisne.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Jeudi soir.

Ma chère mère.

Je reçois aujourd'hui vos lettres du 21 et 22.

Si l'histoire de Ray est exacte, c'est vraiment peu honorable et il n'y a pas à regretter de ne plus voir cette famille. Je ne pourrais savoir si c’est vrai n'ayant pas d'aboutissant à Verdun. Mais ce doit être véridique plus que Jean le dit.

 

Il pleut à torrents ici, et c'est horrible boue de l'Argonne est un agrément de plus. J'ai dîné hier avec un de mes camarades de promo qui est à l'infanterie depuis le début de la guerre. Il commande une compagnie. Dîner excellent et très gai.

J'ai dit à papa que s'il était possible de me faire mettre dans un état-major de cavalerie, je ne demanderai pas mieux.

Si cela n'était pas possible, verrais-je alors ?

Pour un officier non breveté, un état-major d'infanterie (division ou corps d'armée) n'est pas très attirant.

Pour le moment les désignations pour l'infanterie sont terminées.

 

Je ne sais si Bonnafont y aller d'office, mais tout lieutenant de cavalerie ayant un grade de lieutenant, est nommé capitaine à titre temporaire d'infanterie s'il ne veut.

Vous avez dû voir que le commandant Torrolhion était passé dans l'infanterie. Je n'ai pas l'Officiel ici, mais le verrai demain, car je vais rejoindre mon régiment.

 

Les journées commencent à devenir bien longues et monotones. Mon capitaine n'est pas fait pour les égayer.

De plus, les cadres ont également complètement changé depuis le début. Et il y a pas mal de vieilles culottes de peau, ou de jeunes officiers de réserve, comme le gros de Catheu !

Les gants sont très chauds, j'ai eu l'occasion de les mettre à jour.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

17 janvier 1915

Ma chère mère.

Je vous renvoie ci-joint la note de JANIN. Elle concorde avec ce qu'il m'avait envoyé le 9 et est exacte. Le fouet de chasse en question est une espèce de cravache tout en baleine : tressée et terminée par une mèche.

Je vous remercie de payer toute la note ; j'écris à JANIN pour lui dire que vous lui indiquerez quand il pourra faire traite.

Vieux liquide et mes arriérés de notes avec les économies faites. Ne dépensant guère plus de 150 F par mois, en ce moment, qu'on est bien ravitaillé et dans des pays hospitalier !

 

Il fait toujours un temps atroce d'ici.

J'ai regagné mon escadron. Nous sommes entourés de tombes et des villages brûlés.

Dieu sait pour combien de temps nous serons encore dans l'inaction forcée. Heureusement que nous recevons les journaux de Paris assez régulièrement. Cela nous met un peu au courant de ce qui se passe en arrière de nous.

 

Votre vie ne doit pas être bien gaie, avec d'un côté cette pauvre tante Grabias et de l'autre la très « personnelle » famille Edgard. Je crois que nous nous ne reverrons pas avant l'été, est encore à ce moment-là.

Y aura-t-il occupation de l'Allemagne jusqu'à ce qu'elle ait payé.

Garibaldi nous a assuré que l'Italie allait marcher d’ici peu. Je suis sous les ordres de Dubail qui commande un groupe d'armées et Sarrail qui commande mon armée. Il va bien s'entendre.

Les fantassins ont une vie terrible dans cette forêt de l'Argonne. Ils ne sont plus que des paquets de boue. Maintenant, ils sont mal encadrés et peu de moral. D'ailleurs, on ne sape pas impunément l'esprit militaire en France.

Dullin est toujours dans mon escadron.

C'est un garçon gentil et très bien élevé, de la fortune je crois, des sœurs, un frère plus jeune, mais il est chauve ! Et est un peu maniaque !

C'est bien le neveu de Sordet.

 

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Lettre de Jane BOUVET à Robert

23 janvier 1915

Mon cher Robert, bien que plongée dans mon immense douleur.

Je pense souvent à toi et je demande à mon Daniel adoré de se protéger. (*)

Berthe me dit que tu es auprès du Général Gouraud, si tu en à l'occasion parle lui de mon cher Daniel qu'il a bien connu. Il y a 12 ou 15 ans, ils ont été ensemble au Soudan. Je crois quand mon Daniel était lieutenant.

Je sais mon ami que tu as été cité à l'ordre du jour. Mon Daniel t'aurait certainement écrit Bravo. Robert, vous êtes un brave, et je le fais comme lui que j'aimais tant, je te félicite.

Je suis chez Raymond qui va passer sous-lieutenant et ne sait où on va le nommer, mais toujours dans l'intendance.

Antoinette t'a envoyé ces jours-ci un petit colis. J'espère qu'il te sera arrivé, avec la pensée que tu le recevras avec joie. Ce qui ne te serait pas inutile.

Bon courage mon ami. Voilà l'hiver qui avance.

 

(*) : BOUVET Daniel, commandant au 36e régiment d'artillerie, mort pour la France à l'hôpital de Nomény, le 17 septembre 1914.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

27 janvier 1915

Ma chère mère.

J'ai reçu hier soir la lettre datée du 20 et je pense que vous avez reçu la note de JANIN que je vous ai envoyée avec explications.

Je crois qu'Odette a eu tort de dire à tante Grabias ce que je lui dis au sujet de René. C'est fort probablement lui donner un faux espoir !

 

Ce sous-lieutenant Casanave paraît assez gentil.

Je ne le connaissais pas. Il vient d'arriver sur le front et je l'ai vu à déjeuner chez le Général Gouraud. La conversation est tombée sur la 23e division, je ne sais comment et c'est ainsi, j'ai su, qu'il avait vu René à Vincennes chez son oncle, avant le départ de son escadron. Il est au 46e d'infanterie et a été reçu cette année.

Il connaît Falguière.

 

Nous sommes ici au milieu de villages brûlés et de champ couvert de neige.

Sur une crête à 1200 mètres, une tombe où sont 1200 Français chasseurs à pied et Allemands.

Des automobilistes ont apporté de superbes couronnes. Partout des croix avec quelquefois une inscription ou un pauvre képi rouge.

C'est d'une tristesse infinie. Des lambeaux d'équipement échappés aux recherches gisent encore aux alentours.

 

Comme je vous l'ai écrit avant-hier, j'ai reçu un paquet de l'avenue d’Antin ! Entre autres trois boîtes de cigarettes à 2 %. Il n'y a pas idée d'une pareille bêtise !!!

Elle aurait pu envoyer de jolies boîtes de cigarettes anglaises ou de bons cigares, comme en reçoivent mes camarades quand on leur envoie un paquet !

Enfin ! Je ne répondrai pas à cet envoi.

 

Cela fera du bien à Ray d'aller goûter un peu de la vraie guerre. Chacun son tour.

Ce n'est malheureusement pas le seul embusqué en France, et l'on se rend bien compte chez ceux qui se battent.

Rien de bien neuf. J'espère que vous ne souffrez pas trop du front. Ici, nous sommes bien aguerris !

 

J'ai mangé votre pâté ce matin. Tout mon escadron l'a trouvé excellent, il n'y avait plus de graisse autour. Cela tient sans doute à la soudure de la boîte  Merci pour le chapon et la bouteille de Sibeaumont.

Il n'y aura que de l’envoyer au dépôt comme d'ailleurs tout colis postal et me prévenir de la date de l'envoi, car nous aurons bientôt, je pense un convoi qui viendra d'Orléans. Ne mettez pas cinquième corps sur vos adresses. C'est interdit.

 

Je vous enverrai, des photos quand je les aurai fait développer d'autres.

Avez-vous reçu celles de Belgique ?

Dullin présente ses hommages à Odette. C'est un gentil garçon, mais un peu « précieux » pour le temps de guerre.

 

FEVRIER 1915

 

Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

9 février 1915

Ma chère mère.

J'ai reçu hier votre lettre du 2. Je vous avais déjà répondu au sujet de Coquelicot. Ne craignez rien, je liquide mes arriérés d'équipement.

Je croyais d'après ce que m'avait dit Odette que papa allait près de Paris. Vous le dites qu'il est près d'Amiens et pour longtemps.

 

Je savais toutes ses disgrâces dont vous me parliez ; je vous en avais même cité pas mal il y a longtemps, en particulier, l'avènement de J. B Dumas (*) qui se distingue avec son corps d'armée dans la région de Perthes-les-Hurlus (armée de Langle dE Carry). Poline (*) commande la neuvième région à Tours.

Où est exactement « Beaudemuche » (alias Beaudemoulin, c'est son surnom) 

Que commande Hély d’Oissel ? (*)

Je crois qu'il y aura eu comme toujours pas mal d'innocents dans ses représailles. Ainsi, d'Amade et Sordet ne méritaient, je ne crois pas cela. (**)

 

Que commandaient Besset, Bourderiat (*) au début ?

Dubail (*) est tout-puissant. Il a un groupe d'armées dont je dépends. Putz que vous avez peut-être connu colonel à Lyon commande l'armée des Vosges.

Des Vallières (*) est auprès de Maudhuy, Gillot (*) commande un régiment.

Est-ce qu'il existe toujours deux ou trois corps de cavalerie ?

Que dit papa de Conneau ?

Où est Contades ?  Il paraît que la deuxième division a beaucoup souffert en Belgique en décembre.

 

Ici, rien de neuf, temps doux, Boue. Je fais toujours le même service avec des jours de repos.

Lefève va revenir à la fin du mois. J'espère qu'à ce moment-là on complétera les vides en officiers.

Je suis au mieux avec mon colonel, qui n'en manque pas une occasion de me faire des compliments ! Pour les mérites je serai obligé de faire encore mieux qu'avant, que les autres !

Ray a-t-il été assimilé au grade de sous-lieutenant dans les riz, pain, sel.

Je ne le vois pas très bien avec la note « bien » de cheval. Cela le fera bien maigrir.

 

(*) : DUMAS Noël. Général de division - 01/09/14-20/05/17 commandant du 17 corps d'armée.

De LANGLE de CARY Fernand. Général de division - 02/08/14-11/12/15 commandant de la 4e armée.

POLINE Arthur. Général de division - 09/09/14-01/12/17 commandant de la 9e région (Tours)

BEAUDEMOULIN Antoine. Général de division  - 11/10/14-19/06/15 adjoint au commandant de la région du Nord.

HELY d'OISSEL Alexis. Général de division - 13/01/15-21/05/15 commandant de la 38e division d'infanterie.

D'AMADE Albert. Général de division - 10/12/14-24/02/15 inspecteur des dépôts de la zone des armées. 24/02/15-15/05/15 commandant du corps expéditionnaire d'Orient.

SORDET Jean. Général de division - 17/09/14-28/02/17 inspecteur des dépôts de cavalerie - 28/02/17-12/04/17 en disponibilité.

BESSET César. Général de division - 02/08/14-31/08/14 commandant de la 58e division d'infanterie - 31/08/14-26/10/14 en disponibilité. - 26/10/14 placé dans la section de réserve.

BOURDERIAT Frédéric. Général de division- 11/09/14-16/11/14 commandant de la 89e division territoriale - 16/11/14-18/03/15 en disponibilité.

DUBAIL Augustin. Général de division - 02/08/14-05/01/15 commandant de la 1 armée.

PUTZ Henri. Général de division - 07/09/14-02/04/15 commandant du groupement des Vosges. - 02/04/15-22/05/15 commandant de la 8e armée (II)

Comte de MAUD'HUY Louis. Général de division. - 02/04/15-03/11/15 commandant du détachement d'armée des Vosges.

CONNEAU Louis. Général de division. - 30/09/14-02/03/17 commandant du 1 corps de cavalerie.

De CONTADES-GIZEUX Érasme. Général de division. - 13/09/14-27/05/16 commandant de la 10e division de cavalerie (II).

    - 09/03/15-18/05/15 commandant du groupement Contades.

 

(**) : Ils ont été "écartés" d'un commandement, le limogeage.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

12 février 1915

Ma chère Odette.

J'ai reçu ce matin ta lettre du 5 et celle de maman du 16. Elle m'a amusée, bien amusée, et j'ai immédiatement pris mon stylo pour envoyer l'épître fatale à la buse de l'avenue d'Antin. Cela lui fera toujours plaisir !!!

C'est une lettre tout ce qu'il y a de plus sèche : cher Antoine.. Ta phrase (après avoir accusé réception de « son envoi postal ») j'y eus lui dit, aussi, que mes hommes ont été bien contents quoique déjà gâtés par des envois analogues.

Enfin, je termine en lui présentant mes respectueux hommages et en signant « votre cousin, lieutenant Robert Mazel !!! Elle va faire un nez !

 

Maintenant je me moque de ce que peut dire la famille Edgards au sujet de ma citation.

C'est une demande de mufles, chez lesquels j'aurais voulu passer en temps de la guerre. On se serait installé chez eux et par le droit de dire ouf, car l'on est en guerre, et le civil n'existe pas !!!

Je ne sais si Ray à travaillé dans l'ombre, mais je suis sûr en effet que sa besogne était très obscure !

Je n'ai pas fait de tam-tam autour de moi et je n'ai raconté à personne mes reconnaissances. Ce sont mes chefs qu'ils ont appréciés pendant mon absence comme bon leur a semblé.

La famille peut continuer à baver ! Cela ne me salit pas.

Si vous pouvez envoyer ma citation à l'Illustration qui les récolte. Cela les mettra encore plus en rage.

Daniel était certainement un brave soldat, mais cette triste famille bien indigne de lui maintenant du chantage à la gloire avec son nom. Après tout, il n’est pas le seul à avoir fait son devoir.

 

Non Dullin ne parle pas anglais, mais cherche à l'apprendre. Il est gentiment snob !!

Nous allons toujours bien. Le temps est assez doux, mais que de boue. Je crois qu'il va y avoir encore une terrible lutte au printemps et que ce sera fini pour août.

Montoussé est-il parti ? Son corps d'armée a dû redescendre.

Dit un moment de ne pas attacher trop d'importance au récit du jeune Pasquet qui doit “tisser” pas mal afin de se rendre intéressant.

Le Général Martin qui était passé au cadre de réserve vient de s'en aller. Un peu fatigué de sa propre volonté.

Guillaumat commande une division non loin de moi. Je fais toujours le même service.

Je ne pense, hélas !, plus à Mlle Denys, et ne sait où elle est, ni son frère !

Dullin auquel j'ai dit que tu voudrais aller sur les lignes de feu, un sourire sceptique et a dit que ce n'était pas la place des femmes.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

 

(*) : Le père de Robert, le général de division Olivier Mazel est passé général de division au secteur de Reims puis le 25/02/15 devient groupement de Reims puis 22/06/15 devient le 38e corps d'armée.

 

16 février 1915

Ma chère Odette

Étant détaché en ce moment. J'ai reçu votre carte de Paris un peu plus tard, en même temps qu'une lettre de papa m'annonçant la bonne nouvelle.

Tu penses si j'étais heureux. C'est un très beau commandement supérieur même en étant affecté à un corps d'armée. (*)

Je ne sais où il va, mais il vous la peut être dit.

À tout hasard je donne cette lettre à un convoyeur qui la mettra demain matin à Paris, et quoique vous partiez le 16.

Je crois d'ailleurs savoir que la circulation des trains est interrompue quelques jours. Vous serez donc encore à Paris.

 

Comment avez-vous trouvé papa ?

Était-il bien portant. Cela a dû lui faire bien plaisir de se retrouver. J'espère bien pouvoir le voir. Car il me dit qu'il ne sera pas très loin de moi.

 

Rien de neuf ici. Je suis détaché jusqu'à la fin de la semaine dans une brigade de réserve, cette fois il fait un temps affreux, et la nuit, ils restent dans les tranchées, on est constamment dans une boue liquide jusqu'au coup de pied !

Tu diras à maman que je ne comprends pas ses cartes. J'ai toujours répondu régulièrement à ces questions, mais il faut au moins 12 jours avant que vous n'ayez une réponse.

Les chaussures vernies étaient des bottines militaires d'occasion. Les chaussures prises, le 1er août, étaient de fortes chaussures civiles d'occasion avec lesquelles j'ai fait la campagne.

Sais-tu qui a remplacé papa ? (**)

T’ai-je dit que le colonel Ferru avait une brigade d'infanterie de mon corps d'armée depuis peu.

 

(*) : Son père, Olivier MAZEL devient général de division, fin septembre 1914. Puis, du 27/08/1914 au 06/10/01914, commande de la 66e division d’infanterie. Le 2/01/1914, il prend le commandement de la 1e division de cavalerie, jusqu’au 10/02/1915. Il est nommé à la tête du 38e corps d’armée, jusqu’au 25 mars 1916.

(**) : Il s’agit du général ROBILLOT

 

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

19/02/15

Ma chère Odette,

J’ai reçu hier tes images de N D de Victoire, et te remercie d’avoir pensé à moi. Je ferai la commission à Dullin quand je le reverrai dans quelques jours.

Je n’ai pas encore eu des nouvelles de papa. Je ne sais s’il pourra venir me voir.

C’est le Général Herr qui commande le 6ème C.A (*) qui n’a plus d’ailleurs qu’une de ses divisions de temps de paix plus une division de réserve. Les autres ne sont pas du même côté et forment le corps du Général Humbert (32 °) (**), de Castelli a été remplacé par Piarron de Mondésir. (***)

 

Rien de neuf ici. Toujours le mauvais temps. C’est navrant. Je crois que nous aurons jusqu’au mois d’août, puis ce sera l’occupation de plusieurs années ;

J’ai bien reçu votre colis de Sarlat, nous le mangerons la semaine prochaine.

Ci-joint une photo de moi et Dullin et mon capitaine prise dans la pièce où nous nous tenons dans notre cantonnement de repos. Tu verras que n’avons pas l’air malheureux.

As-tu la photo du Gl Gouraud blessé sur l’Illustration. (****)

Quelle réclame ! Il a le corps d’armée coloniale et 48 ans.

 

(*) : HERR Frédéric-Georges. Général de division. 15/11/14-24/07/15 commandant du 6e corps d'armée.

(**) : Groupement Humbert puis 26/09/14 corps combiné Humbert puis 12/10/14 -26/03/16 32e corps d'armée.

(***) : 8 corps d'armée : Général de division Joseph de Castelli (24/04/14-10/10/14), général de division Jean Piarron de Mondésir (12/10/14-08/05/15)

(****) : Corps d'armée des troupes coloniales puis 15/06/15, 1e corps d'armée colonial : général de division Jules Lefèvre (13/04/14-22/01/15), général de division Henri Gouraud (22/01/15-29/04/15)

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

23 février 1915

Ma chère Odette.

Me voici de nouveau rentré à mon escadron et j'ai trouvé votre colis en arrivant, le tout en bon état.

Le commandement de papa est évidemment très important, n’est pas facile, car c'est une nouvelle organisation. Il convient de faire un tout harmonieux de ses trois unités qui n’étaient pas ensemble avant. Sais-tu quel est son chef d'état-major  N'y a-t-il pas la 38e division d'infanterie, active (troupes d'Alger) que j'ai vue dans le nord.

Ce serait le Général de Bazelaire (*) qui la commande.

J'ai vu la mort du général de Grandmaison, (**) c'est une grosse perte, car il avait la réputation d'être tout à fait bien. Je crois que maman se trompe au sujet de Laperinne. (***)

J'ai vu qu'il avait été cité.

Quant à Contades, (****) il vient de passer divisionnaire, mais, où  comment va venir Rupied.

 

J'ai reçu une lettre très aimable de Mme Mizon. Elle a vu ma citation dans un journal et me félicite. Cette brave femme ne m'a pas oublié.

Reçu également une carte de l'oncle Albert. Répondu à l'oncle Grabias.

 

Je ris en pensant à la tête qu’Antoine a dû faire devant toi ! Ils n'ont pas pipé mot. !! Cela m'aurait en effet étonné que Ray cherche à se rapprocher du front.

Il est bien trop poltron. C'est quand même à la rue de le de ne pas avoir félicité papa et il ne dépare pas la collection de sa famille !!

Après la guerre, si nous en revenons, nous saurons-nous aussi notre revanche.

 

Je ne comprends pas la colère de Jane (Jane Daniel Bouvet). Ce n'est pas digne, et il y a bien d'autres personnes plus à plaindre qu’elles, et dans le même cas qui élèvent au contraire leur âme dans le malheur.

Comme tante Grabias, c'est une mauvaise française. Je t'envoie la lettre qu'elle m’avait adressée.

Je lui avais répondu un mot aimable, mais sans souffler mot des colis d’Antoine et de sa famille. Je parlais de ce pauvre Daniel, il lui disait qu'elle devait être fière dans la douleur d'avoir eu pour mari un brave alors que tant de gens ne cherchent qu'à profiter de leur situation civile pour s'embusquer !

Attrape, Raymond !

Évidemment, ma lettre était aimable pour elle.

Quant à Gouraud je lui dis qu'il n’est plus là.

J'ai remis l'image de notre dame des victoires à Dullin qui te remercie. Elle est mise dans son portefeuille !

 

Avez-vous eu des nouvelles de papa depuis le 18?

Est-il organisé maintenant Franchet D' Esperey (*****) passe pour très bien, mais pas toujours commode.

Papa va avoir probablement un corps d'armée, puisque les dénominations « réserve » sont supprimées. Quel est son officier d'ordonnance 

Le lieutenant-colonel Ferru est près d'ici, je n'ai pas pu le voir, mais il a fait demander de mes nouvelles au C.A.

 

J’ai reçu une lettre de Manceau (Saumur) me répondant que toutes les affaires sont abandonnées, et que la maison n'est pas louée, ce qui fait qu'il les y laisse et qu'il va les surveiller.

Quand reverrai-je tout cela ?

Je crois que dans un mois nous aurons frappé le coup décisif.

 

(*) : De BAZELAIRE Georges. Général de division, 12/11/14-13/01/15 commandant de la 38e division d'infanterie.

(**) : François Loyzeau de Grandmaison, tué à l'ennemi le 19/02/1915.

(***) : LAPERRINE Marie. Général de division, 22/06/12-14/10/15 commandant de la 6e brigade de dragons.

(****) : De CONTADES-GIZEUX Érasme. Général de division, 13/09/14-27/05/16 commandant de la 10e division de cavalerie.

(*****) : FRANCHET d'ESPEREY Louis. Général, 03/09/14-31/03/16 commandant de la 5e armée.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

25 février 1915

Ma chère mère.

J'ai reçu avant-hier soir votre lettre du 19 qui m'a bien intéressée.

J’ai été bien heureux de voir que papa avait brillamment conduit des opérations délicates. Il en a la récompense. Savez-vous s'il est engagé en ce moment ou au repos ?

Dans ce dernier cas, il aurait peut-être pu me voir.

 

J'ai vu dans les journaux la mort du général de Grandmaison qui commandait un groupe de divisions du côté de Soissons. C'est une grosse perte pour l'armée. Était-il marié ?

C'est actuellement Micheler qui commande mon corps d'armée depuis la fin août. Il commandait une formation de réserve au début.

Dépassé la limite d'âge. Très bien. (*)

 

J'ai parlé l'autre jour au colonel Lavigne qui a l'air très bien également. Le capitaine de St Julien (qui a épousé, Mlle LaSalle, l'ancienne amie de Jane dont le père est à l'action) m'a demandé aimablement des nouvelles de la famille.

Je ne connais pas le capitaine de Coligny. Si c'est un cavalier, j'ai aperçu ces jours-ci et il est bien.

 

Je vois que les Edgards ne sont pas très rassurés à Paris. Quels pleutres ! Berthe a de la chance, si son fiancé revient. Ce qui est plus que probable, de la guerre, d'avoir trouvé un bon parti !

Je crains qu'elle ne voit pas la couleur de nos uniformes à son mariage !!

 

J'espère que vous portez toujours bien. Et si je me porte à merveille. D'ici peu, j'espère que nous allons sortir ses sales Prussiens de leurs trous. Je pense qu’en août tout sera fini et que je serais en garnison sur les bords du Rhin !

Nous comptons manger votre pintadeau demain, on y fera fête.

Je vous enverrai des photos ces jours-ci l'endroit où je viens de passer une dizaine de jours dans un État-major à 6 km des boches. Pauvres villages !!

Je crois que Montoussé a dû quitter le Nord.

 

(*) : 5 corps d'armée puis 26/06/16 groupement Z puis 06/08/16 5 corps d'armée : Général de division Frédéric Micheler (23/08/14-07/07/15)

 

MARS 1915

 

Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

6 mars 1915

Ma chère mère.

Je reçois ce matin la lettre d'Odette du quatre. Ce qu'elle me dit sur Mangin, il faut ne s’étonner de rien ! Au sujet de l'autre, j'avais même entendu dire qu'il était tué !

Il est malheureux que vous sachiez qu’il n'a pas abouti cette fois.

Roger a bien fait sa demande écrite. Je l'avais écrit à papa et suis étonné qu'il ne s'en occupe pas plus, puisqu'il l'avait proposé.

Rien de neuf ici. Temps à giboulées assez froides. J'espère que vous n'en souffrez pas trop et suis heureux de voir que Mme Chalés vous a invité pour l'été.

Odette veut-elle voir chez Kodak, 5 avenue de l'opéra, s'il pense à m'envoyer mon appareil que j'avais donné à réparer.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

18 mars 1915

Ma chère mère.

Je reçois hier vos lettres du 13 et aie été bien content d'avoir de vos longues nouvelles. Nous avons nous aussi un temps merveilleux. Cela assèche le sol et réchauffe le cœur de nos troupiers qui ont passé un hiver bien pénible.

Nous voilà rentrés dans mon secteur dans une période plus calme. Vous avez dû lire dans les journaux le récit officiel de la prise de Vauquois.  C'est à 4 km de l'endroit où je me trouve en ce moment. La 10e division d'infanterie y a été splendide.

Il y a eu peu de prisonniers, car la plupart des Allemands qui se rendaient étaient tués.

L'exaspération a atteint son comble et si l'on entre en pays ennemi il sera bien difficile de retenir mes hommes qui ont la haine du Prussien.

 

Je ne crois pas beaucoup à ce que vous me dites au sujet de l'offensive. D’Amale n'aurait pas été se confier à un rédacteur de la Dépêche, pas plus d'ailleurs qu’à n'importe qui ! Il veut donner le change.

D'ailleurs si l'on ne fait rien avec le beau temps et les renforts considérables que nous avons, la guerre traînera en longueur, car les Allemands auront malgré tout une récolte cette année. De plus, ce sera bien mauvais pour notre arme, qui peut encore jouer un rôle décisif dans une trouée et la poursuite. Si la guerre se cristallise en tranchées, je crains fort qu’après la guerre on ne réduise la cavalerie.

 

Le fils de Royer dont me parle Odette à Châteaudun est un de mes anciens. C'est celui que connaissaient les Grabias.

Cela m'étonne que ce soit lui qui ait été tué à X., qui à la septième division de cavalerie est encore dans le Nord, il y a peu de temps.

La division de V.. Il est encore dans les parages.

Vous ai-je dit que Dubois allait très probablement avoir l'armée de Maunoury, D'Urbal n'a plus le sixième corps. Il commande toujours une armée forte réduite en Belgique.

C'est Langle Cary qui a le 16e corps maintenant (septième corps d'armée) sous son commandement en ce moment dans son armée !!!

 

Avez-vous reçu les photos du village en ruines où j'ai passé une dizaine de jours il y a un mois ?

Papa est-il toujours du côté de la ferme d'Alger dont on a parlé dernièrement.

 

Tante Marie-Thérèse m'a envoyé un colis d'excellent beurre de Paimboeuf, cela a fait nos délices, car on n'en trouve pas facilement par ici.

Le Croix Laval comme vous le savez, il a eu un très grave accident de cheval en juillet. Il est remis actuellement et, est au dépôt, mais complètement défiguré et inapte physiquement à faire campagne.

C'est moi qui ait son peloton depuis le début.

Ce soir, grande revue pour décorer un général sur le champ de bataille. J'y serai avec mon escadron.

Ce que vous me dites au sujet des infirmières ne m'étonne pas ! Il paraît qu'au Grand Palais en particulier, c'est inouï !!

 

AVRIL 1915

 

Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

14 avril 1915

Ma chère mère.

Je vous remercie de votre lettre du 12 reçue ce matin. Comme à Paris nous avons très mauvais temps, giboulées, vent, etc…

J'ai reçu ce matin une lettre de papa qui allait bien. Il venait d'avoir la visite de d'Urbal.

 

Rien de neuf de mon côté.

Nous ne faisons pas grand-chose d'intéressant ou de très utile et c'est un peu ennuyeux quand on songe aux terribles souffrances de ce qui sont à 20 km de nous. Ce métier hybride de régiment de corps quand l'on n’est pas aux tranchées est bien terne.

J'ai reçu ces jours-ci une vareuse partie, il y a un mois pour le dépôt ! J'attends encore un autre paquet. C'est effrayant ce que c'est long.

À ce propos je vous demanderai de dire à Odette de bien vouloir m'expédier par la poste une botte de papier à lettres, genre de celui que j'ai. Je l'avais acheté chez Vendel, boulevard Haussmann.

C'est assez pratique, mais un peu cher, ici, on ne trouve rien de propre et l'on nous vole. C'est honteux. Je rembourserai la jeune Odette.

Reçu une lettre aimable des Mizon qui me demande de mes nouvelles. La lettre de l'oncle Edgard à papa semble qu'il est ennuyé des brouilles causées par sa triste famille !!!

Je crois que d'Urbal n'est pas remplacé, son armée ayant dû être fondue avec d'autres par suite de l'arrivée des Anglais.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

Mercredi soir

Ma chère Odette.

Bien reçu ce matin la lettre du 30 et celle de maman. Je ne sais encore absolument pas si je pourrais partir ce vendredi ; le moment à l'autre bout peut être changé et l'on est assez agité.

Ce serait une rude guigne, mais il faut savoir regarder plus haut et s’incliner.

Dans tous les cas, je vous télégraphierais (et de Paris si j'ai le temps) mon arrivée.

 

Dandy va bien, toujours gai. Il commence à faire frais ; et je pourrais rapporter quelques effets chauds. Les journées sont bonnes et matinées très fraîches.

Je vais voir les camarades aux tranchées demain et sur mon chemin, je tacherai de voir Artus. Je ne le connais d'ailleurs pas, mais il souvient de sa femme.

Son entrevue avec Laclos m'a amusée. Il a eu de la veine dans cette guerre, toujours dans l'état-major de cavalerie,

Vanderheyden est à l'état-major de Conneau. Dullin est enchanté, paraît-il et passe son brevet de pilote ces jours-ci. Je crois que la cavalerie va enfin pouvoir montrer sa valeur, mais il y aura de la casse.

Que raconte papa ? Il devait être assez occupé en ce moment.

Peut-être aurais-je l'occasion de voir Laclos, mais il est encore loin en arrière de moi.

J'ai reçu une carte de Tante Laurence.

Allez, je crois que je vais pouvoir aller les voir de Saumur. Je ne peux, pourtant, pas faire le tour de France !!! Elles n'avaient qu'à faire un tour à Paris.

 

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Lettre de Raymond MAZEL à son cousin, Robert

22 avril 1915

Mon cher Robert.

Bien souvent j'ai pensé à toi depuis neuf mois, et du reste fréquemment j'ai eu de tes nouvelles par ma famille ; d'autant plus de que cette pauvre de Jane étant chez nous, avenue d’Antin, nous avons par elle des communications presque journalières avec la famille.

J'ai suivi avec intérêt tes faits et gestes et lu avec une joie plus grande que tu ne peux le croire, ta citation à l'ordre du jour de l'armée. De fait pour toi, l'affection profonde que j'ai et que je t’ai affirmé en toutes circonstances, aussi tous les événements heureux qui t'arrivent je m'en réjouis.

 

Et quand tu reviendras de cette lutte titanesque, je compte que tu n'oublieras pas ton vieux cousin et ne le considéreras pas trop comme un être inférieur.

Mes fonctions guerrières ont été peu nobles.

Au début, j'ai échoué dans la peau d'un automobiliste, conduisant moi-même ma voiture et j'ai fait de loin en loin des missions sur le front est principalement dans la région où tu es puisque j'ai été de nuit à 600 mètres des Éparges.

C'est du reste la région où j'ai été le plus fréquemment, et pour la dernière fois au début de mars.

Actuellement j'attends une affectation venant d'être nommé : Attaché d’Intendance, mais il est possible, que je reste à Paris, l'Intendant Général Burquet me réclamant auprès de lui pour l'étude et la discussion des Marchés relatifs aux fournitures de guerre.

Enfin, je serais fixé dans quelques jours.

 

J'ai su avec plaisir la nomination de ton père, l'en ai félicité.

Espérant qu'après la guerre en nous nous retrouverons dans une France grandie, et meilleure et souhaitant que la vie de Daniel soit dans nos très proches, le seul sacrifice qui nous sera demandé.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Samedi 26 avril 1915

Ma chère mère.

Un mot pour dire que Fanfaron va toujours bien. Je suis toujours très occupé, mais pense être remplacé lundi pour me reposer un peu.

Je n'ai, ici, ni cantine, ni presque rien n'étant pas là lors du départ de mon escadron et étant dépêché.

Nous n'avons eu aucun courrier hier. Vous devez avoir également mes lettres en retard.

Je suis seul avec Romatet depuis mon retour.

 

Nous avons un temps très froid et de la neige. Les verts s'annoncent un peu tard. J'espère que vous n'en souffrez pas trop à Paris. Que raconte papa ?

Je crois que les boches ont dû dégarnir de son côté. Ils bombardent toujours fort. Hier une jeune fille de 16 ans a été tuée dans un village voisin, où se trouve mon capitaine.

À part cela, ils ne tiennent guère de résultats pour leurs grosses offensives !!!

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Samedi matin 10

Ma chère mère,

Je profite de mon séjour momentané à l’État-major du corps d'armée pour vous faire remettre cette lettre par le lieutenant de réserve Pallain de l'état-major (Suisse du régent de la Banque de France) qui va ce soir dans la capitale.

Je n'ai aucune nouvelle de vous depuis votre pneu reçu avant-hier. J'espère en avoir ce soir après votre retour d'Épernay. Vous avez dû être bien contente de revoir papa.

J'ai laissé quand je pour aller voir. Cela est assez difficile pour un lieutenant et d'autre part et en ayant été évacué en septembre, d'autres qui sont là depuis le début ont plus de droits que moi !

 

Il fait un temps épouvantable depuis huit jours. C'est une vraie guigne pour nos opérations en Woëvre et, à Saint-Mihiel.

Léopold doit être du côté de Regnéville, Bois-le-Prêtre.

Ici le grand coup dont vous me parliez n’a guère existé, et est fini.

L'ancienne division de papa, en particulier est dans mes parages. Décidément, je ne le verrai pas de toute la campagne.

Au sujet de mes affaires de Saumur, j'ai réfléchi et qu'au fond je pouvais aussi bien les laisser chez cette madame Sinet qui a celle de quelques-uns de mes camarades et cela vous éviterait.

 l'Officiel, hier, à publié sous une forme aimable la liste des officiers de cavalerie promue dans l'arme sœur. Je n'ai pas vu Rabusson 

La totalité de la position des Éparges est à nous. C'est très important.

Champgrand est parti aux autos mitrailleuses. Dullin a quitté mon escadron et n'est pas remplacé. Je ne sais qui viendra.

MAI 1915

 

Lettre de Robert à sa sœur, Odette

4 mai 1915

Ma chère Odette.

J'ai reçu hier vos lettres du 30 et ai été bien heureux de les avoir.

Déjeuner l'autre jour avec Dullin. Il ne connaît pas les de Coutance. L'histoire de la marquise l’a amusée. Elle a cherché à le marier quand il était à Auxonne.

Je n'ai pas pu voir Chabord ces jours-ci. Il est en effet bel officier.

 

Nous avons toujours le temps superbe. Cela va être excellent pour nos opérations. Je crois qu'on ne bougera pas beaucoup de mon côté.

Avez-vous reçu mon postal ?

J'ai eu un mot de Saumur d'où je m'étais fait envoyer des affaires.

Ils n'ont pas dû recevoir ma lettre. Dans ce cas, autant peut-être la laisser là-bas. Elle est chez une très brave femme. (J'avais mal lu la lettre. Elle va envoyer la malle.

Mon cheval vit toujours sur trois pattes, et je ne sais encore ce qu'il va avoir. C'est bien ennuyeux, car c'est un très beau et grand cheval. Celui de mes reconnaissances est toujours là et va bien.

Rien d'autre des Edgards. Avez-vous reçu ma lettre contenant celle de Ray ?

Le père Grabias est vraiment bien vieux, il faut lui pardonner son insouciance.

Cela fait bien des deuils.

 

Il est probable que papa aura un commandement plus important lorsqu'on se reportera plus en avant. Maintenant son groupement doit continuer à exister.

J'ai bien reçu les serviettes, merci.

Capitrel a été cité lorsqu'il était observateur en aéro, au début de la guerre. Il fait le mystérieux et à l'air important.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

9 mai 1915

Ma chère Odette,

Je suis étonné que vous n'ayez pas encore reçu le colis postal envoyé au château à la gare de Vezac.

Tu me diras si tu l'as eu.

J'ai bien reçu, les serviettes et vous en remercie. Je l'avais déjà dit dans deux ou trois lettres. Ne les recevez-vous donc pas.

 

Ici, rien de neuf, à part les nominations au grade supérieur de mon lieutenant-colonel et un commandant.

Le colonel m'a dit ce soir qu'il avait bien espéré pouvoir me féliciter en même temps, car il m'avait proposé, est très chaudement appuyé pour le grade de lieutenant.

Malheureusement, je suis resté en carafe cette fois !

 

Enfin, l'avancement n'est rien, surtout en ce moment, quand on a conscience d'avoir fait tout son devoir. Les plus avantagés sont les reçus à Saint-Cyr de 1904 qui ont été nommés sous-lieutenants !!!.

J'ai reçu une lettre de papa et sa dernière photo d'amateur où il a l'air bien sombre ! La connais-tu ?

Il y a Rupied dessus.

Je ne vois pas où, est-ce ce château des Pommery.

 

Je suis persuadé que l'Italie et probablement la Roumanie vont entrer en action. Mais va être intéressant et j'espère que nous n'allons plus rester longtemps inactifs.

Cette vie moitié guerre, moitié garnison devient bien monotone. Je crains de ne pouvoir obtenir de congé assez tôt pour venir vous voir.

Il n'y a pas plus d’un d'officier à la fois et on reste souvent huit jours.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

16/05/15

Ma chère Odette,

Vais toujours bien. Temps superbe. La situation bonne.

 

Le colonel Cottez (*) que tu dois connaître va prendre une brigade.

Je suis toujours, en liaison, détaché de mon régiment. Mon lieutenant-colonel David promu colonel passe au 3ème Chasseurs. Schèrer que vous avez connu, il est lieutenant-colonel et vient d’être nommé chef d’État-major de Dubail. (**)

Je n’ai rien d’autre d’intéressant à te raconter.

 

Je dois devenir légèrement gâteux ! Cette vie à demi passive m‘énerve.

Vous allez sans doute à Paris à la fin du mois. Je ne crains de ne pouvoir vous voir, car il y a encore pas mal d’officiers à partir avant moi. Tout le monde en veut et moi, j’ai été évacué en septembre. Ce qui fait que ceux qui sont là depuis le début, ont le pas sur moi !

Rien depuis 2 jours ! Je pense que vous allez toujours bien sur votre pic. Recevez-vous toujours l’Illustration, on m’y a montré mon Corps d’Armée sur ma photo.

Tout cela ne fait pas le bonheur !

 

(*) : 24/12/10 Lieutenant-colonel puis colonel puis 22/06/16, général de brigade puis 25/06/19, général de division Marcel Cottez (1863-1942)

 

(**) : Groupe provisoire de l'est puis 13/06/15 groupe d'armées de l'est puis 21/01/17 groupement Foch puis 31/03/17, groupe d'armées de l'est (05/06/15-10/02/19) : général de division Augustin Dubail (05/06/15-31/03/16)

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

19 mai 1915

Ma chère Odette,

Je reçois hier vos lettres d'amour et du 12 et j'ai été bien heureux de savoir vos bonnes nouvelles. Avez-vous reçu ma lettre d'avant-hier ?

Nous avons un temps printanier, soleil, routes sèches. C'est un vrai rêve quand on sort de la boue. Rien de neuf de mon côté ou les combats continuent toujours assez violents.

Ce que vous a dit M. de Boysson m'étonne bien et je crois que c'est un canard.

Le bruit court que D..s que nous avons connu à Saumur va remplacer tu sais qui a une armée. Cela lui est bien dû.

Reçu une carte de Berthe qui m'annonce l'envoi d'un paquet de la Tante Marie-Thérèse par la poste. Ils sont bien aimables.

Les cadavres de Ray sont imaginaires, un intendant peut tout au plus voir des tombes.

 

Papa est-il à la ferme d'Alger près de Reims dont on parle dans les journaux 

Je n'ai pas l'Écho du six.

J'ai appris la mort de L'Hotte (par mon camarade de promo).

 

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Lettre d’Élisabeth à son fils, Robert

31/05/16

Paris, Grand Hôtel Terminus, rue : st Lazare

Mon cher Robert,

Reçue ta lettre dans laquelle, tu me dis que ton camarade de La Contrie a été tué ! Il devait probablement être dans l’infanterie !

Papa écrit que si tu vas dans l’infanterie, tu as 90 chances pour une d’être tué ! Il faudrait être fou pour demander à y aller !

 

J’ai vu ce matin la mort du capitaine Le Bourva du 24e dragons, gendre du Général de Tartigne, venait tout récemment, d’être titularisé dans les Chasseurs à Pieds, à la tête de son bataillon.

Papa écrit qu’il a de nouveau Corvisard sous ses ordres temporairement, que son groupement est dans le Marne et qu’avec cette guerre, on ne sait jamais où l’on sera le lendemain.

 

Les avions s’agitent toujours, ici, matin et soir, ce qui prouve qu’on a toujours peur de voir arriver ses horribles taubes.

On dit qu’il y a actuellement 200 000 hommes rendus à Lyon pour s’unir aux Italiens. Ces derniers ont l’air de faire de la bonne besogne, mais que c’est long.

Que dit-on dans ton régiment ?

Je n’ai pas compris, qui tu disais, qui commandait le 6e Hussards ?

 

Je ne comprends pas le système de Marie-Thérèse de t’envoyer du beurre.

À force de t’écrire, si d’un autre côté, elle est grossière avec nous, ce n’est pas logique ! Elle aurait dû venir nous demander de vos nouvelles. Ce sont des profiteurs qui s’installent partout en maîtres et en somme des gens bien peu estimables.

Il est triste d’avoir une pareille famille.

Si tu pouvais venir à Sibeaumont, nous serions bien heureuses ta sœur et moi.

 Elizabeth Mazel

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Le 31 mai 1915

Ma chère mère.

Je vous remercie de votre lettre reçue aujourd'hui.

M. Collinet m'a dit avoir oublié le paquet café de l'Empire. C'est un imbécile, car c'est ainsi qu'on perd des choses de prix.

 

J'espère que vous aurez trouvé papa en bonne santé et que ces troubles nerveux ont cessé. Il doit avoir bien des soucis dans ce commandement.

Je ne sais qui est au deuxième corps, huitième corps, et sixième corps.

Maintenant il est possible que Herr (*) n'ait pas d'armée. Il ne faut pas croire les journaux

Piarron de Mondésir (*) passait pour très bien. Ce doit être délicat pour papa d'avoir ces deux généraux.

G… n’est jamais passé pour un aigle. C'est le grand ami de Sarrail. (*)

Qui est toujours aussi sectaire.

 

Je vous remercie pour le masque, mais si nous en avions besoin, on nous en donnerait et tant que mes hommes n'en n'auront pas, je ne puis en avoir. Vous le comprendrez.

Je m'en vais faire le service d'escadron divisionnaire bientôt pendant une courte période. Cela changera mes occupations qui sont maigres.

Rien de neuf ici.

Nous serons les derniers à bouger de mon côté avec cette forêt si difficile à attaquer. Les boches en l'air de s'être calmés de notre côté. L'intervention de l'Italie les a mis dans une sale posture.

Je pense qu'en août ou octobre au plus tard la question sera liquidée. C'est une guerre qui pourra compter.

Descoins a été assez inférieur dans ses fonctions de chef d'état-major. Cela explique que G… s’en soit débarrassé.

 

Avez-vous vu Marie-Thérèse finalement ?

Son fils ferait mieux de lui dire de se taire. Elle lui a fait du tort, car en somme c'est un embusqué.

Reynaldo Hahn (**) est secrétaire dans un état-major près de moi.

Odette doit connaître sa musique. Il ne faut pas se décourager de langueur de la guerre. Nous les aurons et alors vengeance. Je ne connais pas de Villaret.

Je crois que Léopold a dû passer au repos dans une autre région.

La cavalerie indépendante était au repos dernièrement, cavalerie prête à poursuivre presque toutes dans le nord. Champgrand y est avec des automitrailleuses, il a de la veine.

 

(*) : HERR Frédéric-Georges. Général de division, 15/11/14-24/07/15 commandant du 6 corps d'armée

PIARRON de MONDESIR Jean. Général de division, 12/10/14-08/05/15 commandant du 8 corps d'armée, 21/05/15-03/12/15 commandant de la 52e division d'infanterie de réserve.

Baron CORVISART Charles "Scipion". Général de division, 14/06/15-30/04/17 commandant de la 123e division d'infanterie.

SARRAIL Maurice. Général d'armée. 30/08/14-22/07/15 commandant de la 3e armée

 

 

(**) : Reynaldo Hahn

Né en 1875 à Caracas (Venezuela), mort en 1947, Reynaldo Hahn vient à Paris en 1878. Compositeur écrivain, tout le prédestine donc à sa rencontre avec Marcel Proust vers l'âge de 20 ans quand Proust en avait 23. Sans être le coup de foudre, leur liaison devient pourtant vite amoureuse et passionnée pour redevenir une simple amitié tenace qui durera jusqu'à la mort de Proust.

Certes Hahn avait une plume acérée qui en blessait plus d'un parmi le Tout-Paris. Confessant aller écouter la musique le dimanche aux Tuileries, il écrivait par exemple :

"C'est bien amusant. Ça n'a qu'un défaut : c'est qu'il y a toujours beaucoup de pédérastes - mais à part ça c'est une délicieuse jouissance".

 

Quoiqu'il en soit, la relation entre Hahn et Proust était bien visible à l'époque...

Musicalement, Hahn est daté irrémédiablement de la Belle-Époque des années 1900, joyeuses et sans soucis comme sa musique qui est reléguée au catalogue des légèretés avec Ciboulette ou encore le Marchand de Venise. Son style était éblouissant, et il fallait une bonne dose de musicalité mozartienne pour oser écrire Mozart, une opérette sur la vie de Mozart. Pourtant il n'a pas concédé au genre opérette si facilement : ses premières œuvres sont sérieuses. L'Ile du Rêve qui le fera connaître, Esther, drame biblique, Lucrèce Borgia, ou Promothée triomphant, une des œuvres dont il était le plus fier en sont quelques exemples. Mais c'est grâce à ses opérettes que son nom survit encore de nos jours.

 

Est-ce parce qu'il n'est pas né en France qu'il ressent d'autant plus le besoin de prouver son patriotisme?

C'est en tout cas, en 1914, à sa demande, qu'il est envoyé au front jusqu'en 1916 pour ensuite travailler au ministère de la guerre. Cela ne l'empêche pas de continuer à composer (Le Ruban dénoué, pour deux pianos). Il est fait officier de la Légion d'honneur en 1924 (et devient commandeur quelques jours avant sa mort).

JUIN 1915

 

Lettre de Robert à sa sœur, Odette

4 juin 1915

Ma chère Odette.

J'ai reçu toutes vos lettres de Paris qui m'ont bien intéressées. J'espère que vous aurez passé une bonne après-midi avec papa et que vous l'aurez trouvé en bonne santé.

Que vous a-t-il dit intéressant ?

En ce moment je n'ai guère de tuyaux, n'étant pas auprès d'un général !

 

Il fait une chaleur torride et cela est aussi pénible que le front.

La guerre traîne en longueur et je commence à croire que ce ne sera pas fini en août. Je voudrais bien qu'on se reporte en avant ; la cavalerie ne peut rien faire en ce moment. Chamgrand est aux automitrailleuses du corps Mitry. Il a de la veine.

La mort de ce pauvre Dourve est bien triste. C'est effrayant la proportion de jeunes officiers tués dans l'infanterie. Si encore après la guerre, on pensait à tous ces morts, mais je crains bien qu'on ne les oublie.

 

Je n'ai pas vu Dullin ces jours-ci, car son escadron n'est pas avec moi. Je lui ferai la commission et demanderais à Falguière pour Mme Morel. À l'air de plus habiter l'École, puisqu'il y a un autre commandant.

Que comptez-vous faire cet été ?

Je pourrais vous voir. Papa a dû vous dire d'ailleurs ce qui en était. Tant pis, ce sera après la victoire.

J'ai écrit à Saumur pour la malle.

Ce que maman dit de d’Amale, est possible, mais les deux versions ont circulé dans les états-majors. C'est de Corn qui commande le sixième Hussards.

Est-ce que l'unité de Corvisart est auprès de papa ?

 

Lundi prochain mon escadron part faire huit jours le service d'escadron divisionnaire. Cela changera.

Mon camarade de la Contrie du XIIe chasseur tué, était toujours dans la cavalerie.

Maud’huy commande dans les Vosges.

C'est mon ordonnance qui a fait et ficelé le paquet.

C'est un cerf.

 

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Lettre de Raymond MAZEL à son cousin, Robert

Paris le 8 juin 1915

Mon cher Robert.

J'ai décrit tard dans la soirée pour te remercier de ta lettre. Depuis que je t'ai écrit, j'ai été nommé au Ministère de la Guerre où l'on m'a installé un bureau communiquant avec celui du Directeur de l'Intendance.

J'ai un travail fou de 7 h 30 le matin à huit heures du soir. Je suis chargé de l'étude de toutes les affaires qui comportent des difficultés, et en plus de faire fabriquer 2 millions 500 000 casques pour l'infanterie, l'artillerie, le génie, etc.

Vu la presse dans les usines pour les munitions, j’ai dû faire des tours de force.

À la fin du mois, il en sera livré 40 000 par jour et vers le 15 juillet 55 000 par jour.

Tu vois que je ne risque pas ma peau ; mais emploie toutes mes facultés et mes forces à aider pour le résultat final.

Au revoir, mon cher ami, souvent nous parlons de toi.

Crois à ma bonne et fidèle amitié. Raymond.

 

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Lettre d'Odette à son frère Robert.

8/06/15, Sibeaumont

Mon cher Robert

Merci de ta lettre du 4 qui m’arrive à l’instant.

Chaleur terrible ici !

Je ne sais pas trop ce que nous ferons cet été ! Où aller ?

Il est probable que nous resterons ici !

Papa va avoir, ces jours-ci, son groupement transformé en corps d’armée actif (ce sera le 38e sans doute) et il en paraît content. Il restera au même endroit toujours même adresse, jusqu’à nouvel ordre.

 

Grand-mère écrit que T L est souffrante ! Tante Marie Thérèse est à Paris toujours. Quant à Berthe, elle part avec Jeanne dans une ville d’eaux, je ne sais où  Quelles familles !!!

Ne leur pipe pas mot.

J’écrirai à Grand-mère un de ces jours.

 

Papa croit que la guerre sera finie à la fin de l’été ! Que c’est long !

Parle-moi de ta mission. As-tu vu Dulin ?

Transmets-lui mon souvenir.

Sûrement qu’après la guerre on oubliera vite les pauvres morts ! Les gens sont égoïstes et si légers.

Rien de ta malle !

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Lettre de Robert à son père, le général MAZEL

18 juin 1915

Mon cher père.

Votre carte du 15 m’arrive ce matin. Je vous remercie d'avoir pensé à moi. Le grand chef a décidé, il ne reste qu'à s'incliner.

D'ailleurs, on parle de nous réemployer aux tranchées.

Dans ces conditions, il m'aurait été pénible d'abandonner un poste d'honneur.

 

Nous avons un temps superbe ici, j'ai cessé mon métier d'escadron divisionnaire et j'ai rejoint mon régiment. Il nous tarde de remonter à cheval pour combattre.

Le colonel m'a décoré l'autre jour devant cinq escadrons en tenue de campagne. Et au bruit lointain du canon. C’est une minute que je n'oublierais jamais.

Je vous embrasse de tout mon cœur et pense bien à vous et vos soucis que doit vous procurer votre important commandement.

Quel corps avez-vous ?  Le 38 ?

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Lettre d'Odette à son frère Robert.

24/06/1915

Mon cher Robert (secteur 7)

Bien reçu ta carte, mais tu nous avais promis une lettre ! Rien de nouveau, toujours temps orageux et fatigant !

Arthur de Picot a été tué paraît-il dans un corps à corps.

C’est triste le pauvre garçon, pour lui et pour Marthe qui est une gentille femme. Elle a un bébé de 4 mois. Je crois vraiment que tous les fantassins y passeront.

Veyssières a appris la mort de 3 cousins à lui à la guerre !...

Léopold est près d’Arras, mais ne risque rien, je crois... Il est tout à fait à l’arrière !

La jument a été réformée. Nous sommes bien aises.

Odette Mazel

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

30 juin 1915

Ma chère mère.

Ci-joint photo de la décoration devant les six escadrons du régiment. Il y a sept décorés, de gauche à droite :

Lieutenant Lorenzo, Mazel, sous-lieutenant Romatet, sous-lieutenant de Ferrière, maréchal des logis Lavernée, maréchal des logis Marais, chasseur Caillat.

Nous sommes trois du deuxième escadron plus Champgrand et deux autres blessés qui ne sont pas là.

C'est la meilleure qu'il n'y ait.

Derrière le colonel, son capitaine-adjoint : Bobowitz. L'autre photo a été prise en plein soleil, ce qui fait que j'ai l'air d'un nègre !

 

Merci de votre lettre de ce matin. Cela n'aurait rien d'étonnant que nous fêtions le 14 juillet à Munster, car nous n'en sommes pas très loin. Cela n'a d'ailleurs guère qu'un d'intérêt local, car là ne viendra pas à la décision.

Les Anglais ont l'air de s'en fiche royalement, et les Russes ont manqué de munitions.

 

Est-ce que papa a toujours trois divisions ? Quel est son autre divisionnaire ?

J'ai appris la mort de mon pauvre camarade Rochambeau que le commandant Brun avait fait venir dans sa brigade alpine.

C'était un bel officier.

 

Il paraît qu'il y a en Allemagne trois camps de prisonniers où l'on défend d'écrire en France. Il se pourrait encore que le pauvre René ne soit pas mort.

Que devient sa mère ?

Grand-mère est en effet ridicule, et Ray lui le comprend bien, car les lettres sont toujours assez timides !

 

Rien de neuf ici. Beau temps, faisons des tas de choses qu'on appliquera peut-être à jamais ! Je n'ai pas de nouvelles lettres au sujet de ma malle. Et vous ?

Dullin est en ce moment dans les tranchées avec mon capitaine. Il me fait bien rire, car lui qui est ici maniaque, si propret, ne doit guère aimer la boue !

Ce qu'on a dit à Fanganet pour les médecins est une bonne plaisanterie.

On touche suivant son nombre de galons la solde correspondante et c'est tout.

JUILLET 1915

 

Le régiment se trouve toujours à Passavant-en-Argonne (Meuse)

 

Lettre de Robert à sa sœur, Odette

01/07/15

Ma chère Odette ;

Nous voici de nouveau sous les orages.

Je vais bien et pense bien à vous et à votre solitude.

Je suis allé faire une petite excursion, ce matin, à mon nouveau poste de combat et ai trouvé ce brave Dullin couvert de boue !

Pas de nouvelle de ma malle. C’est extraordinaire, vous serez obligé d’aller voir.

Bien reçu votre lettre du 27.

Ne sais qui est à la 9e A. (*)

 

(*) : 9e armée.

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

2 juillet 1915, le soir

Ma chère Odette.

Merci de ta lettre du 29 et de la carte où le vieux Bob a griffonné un bonjour. J'espère qu'il ne m'oublie pas trop !

J'ai bien reçu ton scapulaire et pense qu'il ne portera pas bonheur. Les images pieuses ne me manquent pas.

 

Rien de neuf ici.

La pluie a cessé et les tranchées vont sécher. J'ai été voir hier mes camarades, ils étaient dans la boue et l'eau. Ce sera mon tour dans une huitaine.

Je savais la mort de ce pauvre Rochambeau ainsi que je te l'avais écrit, le commandant Brun l'avait fait venir auprès de lui à la brigade de Seré.

 

Rien de papa ! J'ai vu dans les journaux que Poincaré avait été dans les parages. Peut-être le verrez-vous sur les illustrés.

A-t-il toujours trois divisions ?

Quel régiment de cavalerie et quel colonel ?

 

On ne sait pas grand-chose de ce qui se passe. Il doit y avoir le calme précurseur des tempêtes. De l'autre côté, les Boches ont l'air de vouloir percer à tout prix. Ils perdront du monde à ce petit feu.

Ces animaux d'anglais pendant ce temps ne se font pas de bile et l'on n’entend pas beaucoup de leur armée.

Je l'ai plus de nouvelle de ma malle. Vous serez obligés d'aller voir ce qui en est : Saumur : 34, rue : de Lorraine chez Mme Sinet, si vous ne recevez rien.

Tout cela est bien ennuyeux.

Cette femme m'a pourtant envoyé il y a un mois une tunique blanche demandée.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

4 juillet 1915 

Ma chère mère.

Je reçois aujourd'hui la lettre d'Odette du premier. Je suis étonné que vous soyez restées quatre jours sans nouvelle de moi. Je vous écris tous les deux jours régulièrement.

J'espère pouvoir venir vous voir d'ici un mois avec huit jours de congé ; il y a du nouveau dans la situation, ce qui est par contre n'a pas l'air de nous amener la fin rapide de la guerre. Je vous dirai quand j'espérerai partir.

 

Il est certain que les régions non dans la zone des armées sont mal placées pour les récoltes. Ici tout a été enlevé grâce à la main-d'œuvre militaire. Ce seront les pays qui ont le moins souffert, car ils font un commerce intense.

J'espère que vous trouverez papa en bonne santé.

Voici de nouveau la chaleur accablante revenue.

 

Je repars samedi passer six jours dans les tranchées. C'est assez monotone !

Mais cela ne donnera pas la victoire. Il faut s'armer de patience.

Castelnau n'est plus en Lorraine depuis octobre ! C'est Humbert qui est là-bas.

Que comptez vous faire cet été  peut-être serez-vous dans une ville d’eau  je ne sais à quel moment je pourrais d'absenter, mais j'espère bien le faire vers la fin du mois.

Si je n'avais pas été évacué en septembre ce serait fait depuis longtemps.

Les Russes ne vont pas fort !!!

Vu sur l'Officielle que le fils de Bastard engagé au 10e dragon venait d'être nommé aspirant de réserve à titre temporaire à la suite de son cours de Saumur.

Nous en avons 2 au régiment. Ils vont rester au dépôt faire l'instruction.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Dimanche 9 juillet soir 1915

Ma chère mère.

Je vous écris du frais ravin où je suis en réserve en ce moment ayant devant moi une fort jolie vue, et le bruit des obus comme orchestre. Le temps toujours orageux et bien désagréable et ne suis vraiment pas favorisé dans le séjour 

J’ai reçu hier le livre que j'avais demandé à Odette et l'en remercie. Je pense toujours à ses Madeleines ; si je puis venir en permission, j'en apporterai moi-même.

 

Le citoyen Roger est avec moi en ce moment, toujours gai et pimpant. En ce moment, je balade un gros chien berger qui a été recueilli, je ne sais où.

Nous sommes toujours bien ensemble, quoique mon appréciation initiale au sujet de son sérieux n'ait pas changé !

J'ai reçu une lettre de papa qui m'a l'air assez occupé. Il m'offre une place éventuelle dans une division de cavalerie. Il en profiterait peut-être pour me changer de régiment de corps, mais il est voué à la même inaction.

 

Les affaires ont l'air d'aller très bien d'après ce qu'on dit, et les premiers résultats obtenus sont très satisfaisants.

Il est probable que Sarrail va également marcher de son côté et entraîner la Roumanie. Les Russes reprennent l'offensive de plus belle et cette fois-ci contre les Boches. Vous verrez qu'à la fin de la guerre je serais en garnison sur les bords du Rhin !

Mon caoutchouc qui était à sécher devant ma cagna a été victime de quelques éclats d'obus. C'est un souvenir.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

14 juillet 1915, 20 heures

Ma chère Odette.

Bien reçu ce matin la lettre de maman du 11.

La bataille fait rage depuis hier matin trois heures sans interruption. Depuis l'Yser, je n'ai jamais entendu une pareille canonnade. En l'air, les avions se battent à coups de mitrailleuses.

Nous avons vu cette nuit une pluie torrentielle et une nuit des plus noires. Comme on craignait une attaque, je t'assure que je me suis promené presque toute la nuit dans ma tranchée. J'ai été transpercé ce matin ; et couvert de boue !

J'ai également des fantassins sous mon commandement.

Cela fut un drôle de 14 juillet !

Heureusement, le soleil est venu réchauffer cela aujourd'hui.

Je vais rester plus longtemps dans les tranchées à cause de cette bataille. Les Boches feraient bien attaquer devant moi. Il serait bien reçu.

On ne sait pas trop ce qui se passe.

 

Avez-vous vu papa ?

Que dit-il ?

Les boches ont dû recevoir de gros renforts et nous allons les recevoir dans le ventre en Argonne ! Avec tout cela, à quand, la permission   Chi, lo, so !

Excuses pour le café qui est tombé sur le papier.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

15 juillet 1915

Ma chère Odette.

En rentrant cette nuit je trouve vos lettres.

C'est effrayant, l'accident survenu à ces pauvres gens et Berthe. J'ai écrit aussitôt à l'oncle Edgard. Je n'avais rien vu dans les journaux et ne me doutais pas de la gravité de l'accident.

Il faut espérer qu'elles s'en tireront maintenant, mais elles auront eu un fort ébranlement nerveux.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

16 juillet 1915

Ma chère Odette.

Je reçois aujourd'hui vos lettres du 13. Je m'étonne que maman puisse croire que j'ai des dettes. Saumur m'empêchant d'avoir ma malle !! Cette dernière vous a été expédiée dernièrement.

Voici les deux lettres reçues hier.

Je ferai expédier la caisse à elle, et demanderai à Viel de garder les sacs jusqu'à ma permission.

Il pleut encore aujourd'hui. Je n'ai pu être relevé hier, car les boches attaquent fort en Argonne. Je ne compte pas l'être avant dimanche.

 

Ce n'est pas de peine d'avoir ce temps. Nous sommes dans la boue, et il pleut dans ma cagna. !!

À part cela tout va bien, j'ai été faire une patrouille la nuit, en avant de mes tranchées, mais je n'ai pas vu de boches.

Dullin est parti au camp d'Auvers près de Bourges comme élève pilote. Je ne l'ai pas vu n'étant pas près de lui. Il redemande du monde pour l'aviation. (Voir l'extrait du journal dessous)

 

J'ai bien peur qu’on ne me change d'escadron pour faire fonction de lieutenant en premier. Il reste plus que quatre lieutenants d'active et l'un d'eux est Chaboud, va probablement partir dans l'aviation. Je le remplacerai étant le plus ancien sous-lieutenant d'active. Ce serait une tuile pour moi que de quitter tout ce que j'ai aimé.

 

Je savais que papa avait été nommé commandeur (*) et lui avait envoyé un mot.

Le capitaine de Maleville qui avait quitté notre régiment pour l'état-major du colonel Ferru a failli être asphyxié le 13 lors de l'attaque boche.

Ces animaux-là nous ont attaqués à trois heures du matin sur un fond de 10 km avec obus asphyxiants. Leur attaque est enrayée, mais la lutte continue toujours. Ils sont tenaces.

Mon commandant de corps (**) a été évacué, mais va mieux. Remplacé par le Général Hallouin (Un fantassin) (***)

Je n'ai pas reçu la clé de ma malle, Mme SINET a dû vous l'envoyer. En tout cas, vous pourrez toujours l'ouvrir. Je te chargerai de cette mission délicate et de bien ranger mes affaires.

 

(*) : Commandeur de la légion d'Honneur.

(**) : Commandant de corps d'armée.

(***) : Hallouin, 07/07/15-16/10/16 commandant du 5 corps d'armée puis 26/06/16 devient groupement Z puis 06/08/16 devient 5 corps d'armée.

 

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Extrait du journal du régiment. Comme l'indique Robert dans sa lettre du 16 juillet, DUBLIN part pour l'aviation.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

20 juillet 1915 

Ma chère Odette.

Je te remercie tout d'abord des caramels qui étaient excellents et du papier à lettres sur lequel je t’écris.

Je suis rentré hier à une heure du matin des tranchées après y avoir passé neuf jours en première ligne ne pouvant être relevés à cause de la situation.

Le voici de nouveau au repos jusqu'à lundi où j'aurais une autre mission à cheval, celle-là. Nous n'avons eu que des blessés pas de tués.

 

La rencontre du « chameau » m'a bien fait rire. Ce doit être un des nombreux embusqués du camp retranché !

Je pense que vous avez reçu les lettres que je vous ai envoyées au sujet de ma malle. Je pense qu'elle doit être arrivée à Sibeaumont.

Dieu sait quand, je pourrais aller vous voir, les permissions ne viennent pas vite. Je suis pour le moment encore à mon ancien escadron, mais je suis menacé de le quitter bientôt s'il n'arrivait pas de lieutenants plus anciens que moi.

Je suis navré à cette perspective.

 

Rien de neuf ici.

Le calme s'est rétabli. Les boches ont laissé des plumes. Je n'ai pas vu la tête d'un seul. Mon escadron qui a opéré à cheval pendant que j'étais aux tranchées, a vu pas mal de prisonniers. Ils ont l'air de gringalets, paraît-il.

Berthe a écrit de Royat. Ils deviennent très aimables.

J'ai fait demander des renseignements sur M. de Mazenot aux corps d'armée à un ami, mais ne les ai pas encore.

Il est sûrement à une vingtaine de kilomètres du front au moins.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

28 juillet 1915

Ma chère Odette.

J'ai reçu hier le pneumatique de maman. Il est inutile d’en envoyer, car cela n'arrive pas plus vite. Bien heureux de voir que vous allez bien ; je croyais cependant que le bras de maman était guéri depuis longtemps.

Il faut qu'elle se ménage.

 

Je n’ai pas eu de notre renseignement sur Mazenod. Il paraît qu'il n'est pas dans mon corps d'armée. Ces derniers sont commandés actuellement par le Général Hallouin (camarades de promo du colonel de Saint-Hilier), colonel du début de la guerre.

Hallouin, qui commande mon armée à 52 ans et est très bien. Sarrail est disgracié pour le moment.

Il n'est pas regretté.

 

J'ai reçu hier une courte lettre de papa. Il a l'air préoccupé, je trouve.

Pas mal de mes camarades sont partis dans l'aviation où ils sont dans les Q.G et touchent une solde double.

Je viens de perdre un de mes bons sous-officiers que j'ai fait nommer il y a cinq mois et qui vient de passer sur sa demande sous-lieutenant de chasseurs à pied.

Cette guerre est bien décevante pour la cavalerie, car nous ne pouvons servir actuellement que comme combattants à pied.

 

Je suis détaché, est actuellement à la division du Général DE VALDANT (*) (très bien et jeune) avec mon escadron je n'ai pas grand-chose à faire.

Je t'envoie quelques photos et un trèfle fait par un mitrailleur avec de l'aluminium de fusées d'obus de 77 Allemands tombées sur ma tranchée quand j'y étais le 13 juillet.

Ce sera un souvenir. Faites graver derrière Argonne et juillet 1915.

Il m'a fait également un gland que je t'enverrai plus tard.

 

Avez-vous ma malle ?

Mme Sinet m'a écrit qu'elle avait expédié les clés en même temps.

Votre dîner avec Ray m'a amusé. Cela devait être froid !! Au fond ce n'est pas un mauvais garçon.

Mon capitaine a obtenu que je reste jusqu'à nouvel ordre à son escadron et j'en suis enchanté.

Falguière va bien et je ne lui ai pas encore parlé à Larroque, le voyant rarement.

Il voudrait bien aller dans un état-major, moi je trouve que c'est une panne dans une brigade ou division pour un officier non breveté.

Valicourt, m'a dit, qu'un cousin de Montoussé, lieutenant de dragons dans son groupe, Derouy ou d’Arouy avait été en même temps qu’ Halichert.

 

(*) : 10 division d'infanterie : général Henri Valdant (23/01/15-29/03/18)

 

AOUT 1915

 

Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

6 août 1915.

La lettre adressée du palais d'Orsay, grand hôtel.

Ma chère mère.

Je suis arrivé ce matin après un voyage étouffant. J'ai été bien content de passer quelques jours auprès de vous et regrette bien de vous voir si seules sur le pic. C'est austère !

Je crains que votre voyage ne soit bien fatigant avec cette chaleur. Je n'ai pu me reposer qu'à Limoges étant seul avec un Monsieur dans mon compartiment, grâce à un oreiller et aux courants d'air. Aujourd'hui il fait à temps orageux et moins chaud.

 

L'abbé Vigier voyageant dans mon train jusqu'à Périgueux et à dîner au Buisson avec une jeune femme et son enfant montés avec lui à Vezac. Que je ne connais pas !

Au Buisson, dîner ordinaire.

Ici, chambres bien, 20 % de réduction aux officiers.

J'ai eu des camarades de cavalerie. D'Urbal commande bien, Conneau et de Maud’Huy est actuellement à Crévecour  dont le Nord.

Tout va bien et on espère une solution prochaine.

 

 

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

 

7 août 1915

Ma chère mère.

J'espère que vous avez toujours bien et ne vous ennuyez pas trop tard par ces temps tristes et pluvieux. Je suis toujours en bonne santé quoiqu'ayant toujours « l'estomac » un peu délicat avec les chaleurs.

Je pourrais continuer à vous envoyer des lettres closes, mais elles seront cachetées par le capitaine adjoint au colonel qui y mettra le timbre du régiment.

Il aura du travail !

 

J'ai reçu hier la lettre d'Odette. Je serais curieux de connaître les bruits que ces brutes du Périgord font courir sur mon compte ! Joli pays pour lequel on se fait tuer.

Sais-tu où sont passés les vipéreaux, et le mari de la vipère. Je suis étonné que ces dernières n’ont pas cherché à entrer dans la Croix-Rouge.

 

Rien de neuf ici.

Je suis au repos en ce moment et l'on essaye de faire paraître le temps le moins long possible. Ma permission est toujours bien placée.

J'ai dit à Viel de leur envoyer la caisse qui restait et contenait des livres, bottes, bottines et autres effets. Je prendrai moi-même mes deux sacs de voyage avec ce qui n'aura pu contenir dans la caisse, en allant en permission.

Je vous ferai remettre à Paris, vers le 12, une boîte de lettres m'appartenant et que je ne sais où fourrer ! Je les garde toutes.

Je ne sais si Chaboud est parent de l'ingénieur. Il n'est plus au régiment.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

16 août

Ma chère Odette.

Bien reçu ta lettre du 13 et 14 et la carte de maman. Votre voyage est dû en effet est très pénible avec ses ouvriers « terribles torriaux ».

Il faut voir leur touche en tenue.  Ils sont, en général, loin de la ligne de feu. (*)

Donc l'appréciation sur mon camarade Dandy m'a bien amusé ! C'est un officier de réserve qui est lieutenant depuis deux mois.

Il a fait deux périodes à Auxonne, mais tu n'as pas dû en effet le voir. Il est assez séduisant ainsi à première vue, mais tu sais un trompe-l'œil, très rasta et bluffeur.

Son père est à Alexandrie, sa mère morte. Il a du sang suédois ou norvégien par sa mère. La sœur est mariée avec un officier d'infanterie.

Je crois, quant à lui, il a fait un peu tous les métiers et habite pour le moment Paris où il était dans les « affaires ». C'est vague.

À part cela beaucoup de bagout et intelligent, a beaucoup voyagé, mais très superficiel.

Il va nous revenir, vendredi je pense. Il est de mon escadron et c'est un camarade agréable, car il est drôle et parle beaucoup. Célibataire. 26 ans.

 

Merci pour les tuyaux sur les trains, je serais obligé d'aller à Saumur aussitôt débarqué à Paris. Cela me retardera quand même de 24 heures.

Que raconte papa ?

On m'a dit que d'Urbal que j'avais connu à Sedan faisait son bridge !

Reçu une lettre banale de l'oncle Albert. Son fils a changé de batteries et, n'est plus dans un fort.

Rien de grand-mère ou tante Laurence. Elles sont bien molles.

J'ai envoyé un mot à Artus.

Pas de réponse.

 

(*) : Ce n'est pas tout çà fait vrai. De nombreux régiments de territoriaux ont tenus les tranchées en Flandres et dans la Somme en 1914

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

23 août 1915, mardi soir.

Ma chère mère.

Je reçois un instant à la lettre d'Odette de vendredi. Je n'ai pas reçu les clichés dont elle parle. C'est mon appareil qui doit avoir un trou dans l'accordéon. Je ne peux l'expliquer autrement, étant donné que j'ai pris depuis le début de la guerre de bonnes photos avec !

Je vais le faire vérifier. C'est bien ennuyeux !

 

Cet imbécile dandy n'a pas donné des signes de vie depuis la lettre que je vous ai envoyée. Toujours la même chose. Les gens une fois qu'ils ont obtenu ce qu'ils désiraient se moquent de vous. En tout cas, il ne perd rien pour attendre, car si je ne retrouve jamais je lui dirai ma façon de penser !

Je l'avais en somme bien jugé l'an dernier. C'est un rasta et un sauteur !

Je ne comprends pas que ce pauvre René ne soit pas nommé lieutenant officiellement. C'est sans doute que le gouvernement le considère comme prisonnier simplement. 

 

Je quitte les tranchées, et puis, mon séjour s'est bien passé..

Je repars dans trois jours, escadron divisionnaire à une division inconnue.

Mon capitaine, étant absent je vais commander l'escadron. Je crois d'ailleurs qu'il va s'en aller définitivement à... Limoges.

 

Reçu une lettre de papa qui a l'air d'être assez gai. Les événements ont l'air de se précipiter en Orient et tout va bien. M. Lloyd George est bien pessimiste !!

 

Donnez les chaussures noires ; elles sont trop justes pour mon pied. Les autres affaires ne peuvent servir que de vieux souvenirs de la guerre !

Jannin m'a accusé réception de ma sellerie. Il n'est le rien accepté pour l'entretien, car dit-il, je suis un bon client.

Il devait d'ailleurs sa situation à papa, mais c'est un brave homme.

 

(*) : C'est un escadron de cavalerie détaché dans une division d'infanterie

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

27 août 1915

Ma chère Odette.

J'ai aujourd'hui reçu ta carte du 23. Merci.

Reçu hier une lettre de Raymond !!!

Sa famille a dû lui dire. Sa lettre comme tu verras est bien, mais n'a qu'à défaut, c'est d'arriver, un peu tard !

Je lui répondrai également sans me presser.

Quant à Berthe, je l’ai remerciée de sa dernière lettre et ses paquets. C'est une question de politesse et il vaut mieux justement être poli avec eux, tout en étant réservé ; comme cela ils n'auront rien à dire.

 

Je perds un de mes brigadiers qui retourne au dépôt à l'instruire les jeunes classes. J'en suis bien ennuyé, car c'était un garçon tout à fait dévoué et que j'avais depuis le début, enfin il faut voir plus loin que son petit intérêt personnel.

 

Rien de neuf ici.

Les Allemands ont l'air d'avoir une recrudescence d'activité au point de vue artillerie. C'est probablement pour intimider l'Italie dont l'intervention est imminente.

Nous lui apporterons d'ailleurs un certain appoint. Je ne puis t'en dire plus long en ce moment.

 

SEPTEMBRE 1915

Le 3 septembre 1915, robert est nommé lieutenant.

 

 

Lettre de Robert à sa sœur, Odette

18 septembre 1915

Ma chère Odette.

Je suis toujours aux environs de Revigny et crois que nous allons rester division indépendante, et prend le chemin de fer d'ici peu. J’aurais bien voulu changer de région.

 

Aucune nouvelle de papa.

Il ne m'a pas répondu au sujet de ma demande que je lui avais faite pour un camarade. J'ai su par maman qu'il ne voulait plus s'occuper de personne !!!

 

Le temps est beau ici, mais les nuits très fraîches dans cette région. Je me porte toujours bien. Nous faisons beaucoup de manœuvre et remettant un peu d'ordre dans nos unités.

DANDY m'écrit qu'il ait envoyé suivre un cours de mitrailleuses à la Valbonne près de Lyon. Il m'écrit très souvent depuis ma lettre où je lui ai exprimé une certaine surprise de son attitude !

C'est un garçon qui a beaucoup de cœur, mais léger. Il avoue lui-même. J'ai passé quatre arts à Paris et ai vu quelques camarades.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

23 septembre

Ma chère mère.

J'espère que vous passez un séjour agréable, avec le beau temps que nous avons ici, en Gironde.

J'ai reçu ce matin un mot aimable de mon ami Roger, il est actuellement près de Lyon à la Valbonne qui me demande si vous serez à Paris ainsi qu'Odette vers le 14, date de son retour.

Il avait sans doute l'intention de vous présenter ses hommages !

 

Toujours au même endroit, quant à moi je ne sais où nous allons échouer d'ici peu.

Mon camarade d'escadron DEMANGE doit se marier dans peu de jours, à sa première permission. Je lui ai conseillé de se presser avant d'aller se faire mettre en capilotade !

Il faisait un nez.

Je crois que mon régiment est engagé, tout au moins mon ancien corps, du côté de Combles.

 

Vous avez dû voir dans les journaux l'épilogue de l'affaire SARRAIL. Il y a dû, y avoir quelque chose quand même, car pas de fumée sans feu.

Aucune réponse de l'oncle EDGARDS, j’espérais qu'il le fera, car je n'étais pas forcé de le faire étant donné leur attitude méprisable du début de la guerre.

 

Reçu un mot de papa ces jours-ci. Il ne dit rien de neuf.

J'ai su que la division de l'ÉPÉE avait été supprimée, il est sans commandement à l'arrière.

Ce qu'a dit le jeune BASTAN été en partie vraie, puisqu'un escadron de chez moi est parti de ce côté garder les prisonniers.

MONTFERRAND en était !

Mais c'est simplement pendant notre repos, je pense.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

24 septembre 1915

Ma chère mère.

Je reçois aujourd'hui votre deuxième mot depuis mon arrivée. J'espère que vous aurez reçu toutes mes lettres. Je vous ai écrit régulièrement.

Il ne faut pas à vous tracasse si vous restez quelques jours sans nouvelles ; je pars ce soir et ne pourrais vraisemblablement pas correspondre facilement pendant la bataille. (*)

 

J'espère bien que les Boches vont être boutés hors de notre territoire. Je suis comme vous le pensez bien heureux d'avoir gardé mon peloton ; je peux entièrement compter sur lui et nos hommes ne demandent qu'à marcher.

Des avec les régiments de D… où nous tînmes garnison trois mois récemment.

C'est CORNULIER qui commande l'ancienne division de LACLOS.

J'ai reçu hier une bonne lettre de papa. Il n'avait pas en effet parlé de la belle lettre du père de FOUCAULT.

Je ne l’ai pas trouvé pessimiste lors de mon dernier voyage, mais envisageant toujours et avec beaucoup de calme les choses, ce qui refroidit souvent !

 

J'ai renvoyé hier mon sac avec quelques chemises et ma croix de guerre dans la pochette.

Gardez-la, car c'est elle qui m'a été remise sur le front. J'ai un ruban (**) actuellement en tenue de campagne.

 

(*) : Il s'agit de la bataille de Champagne visible ici sur mon site ici :

(**) : C'est le ruban fixée sur la poitrine de l'uniforme qui symbolise la décoration reçue, pour éviter de l'emmener avec soi constamment.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

27 septembre 1915

Ma chère mère,

Me voici revenu au repos pour quelques jours après avoir pris part aux deux premières journées de la bataille.

Nous n'avons pu faire grand-chose d'étonnant de mon côté à cause du terrain.

Mon demi-régiment avait reçu la mission glorieuse d'être en tête de la brigade, si la percée avait eu lieu de notre côté, il n'y a malheureusement pas eu à le faire. Nous avons été pas mal marmités alors que nous étions en réserve de la ligne de feu, j'ai de la chance de ne pas perdre un homme ni un cheval.

C'est l'escadron à côté du mien qui eut toutes les pertes. C'était infernal comme lutte d'artillerie.

 

En rentrant après la bataille, mon imbécile de cheval s'est fourré par terre et j'ai eu le pied pris sous lui et une forte contusion et entorse de la cheville qui me motive quelques jours d'indisponibilité.

On nous a rendu à notre corps d'armée. (*)

 

Tout a l'air de marcher très bien en Champagne, 20 000 prisonniers dit-on ce matin. Le corps de cavalerie a dû être engagé.

La pluie par guigne s'est mise à tomber et c'est bien ennuyeux pour nos attaques.

« Fanfaron » (**) était arrivé que le 25.

Mais les pâtés étaient très bons.

J'ai mangé le dernier le 25 au soir. Alors qu'au bivouac, n'avions pas grand-chose à becqueter.

 

(*) : Pour la bataille de champagne, le 8e Chasseurs a intégré une brigade provisoire de cavalerie, avec les 10e et 13e Hussards. Cette brigade créée le 1e septembre, a été dissoute le 27 du même mois, l'avance de l'infanterie au cours de la batille n'étant pas suffisante pour permettre l'attaque de la cavalerie.

(**) : Son cheval.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

1er octobre 1915

Ma chère mère.

Reçu vos lettres d'Arcachon. Je vois avec plaisir que vous avez passé un agréable séjour en Gironde.

Nous nous reverrons dans un mois à Paris puisque vous y allez à cette époque, s’il n’y a rien de nouveau.

Je compte voir Fanfaron (*) dans une dizaine.

 

(*) : Fanfaron : son cheval

OCTOBRE 1915

 

Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

9 octobre 1915

Ma chère mère.

Mon pied est heureusement à peu près rétabli et j'ai repris mon service normal.

Il n'y a pas eu d'officiers tués chez moi. C'est le premier escadron qui a eu toutes les pertes. Le colonel DE BERNIS venait de mettre pied à terre, quand un obus est arrivé, lui a tué son cheval, et blessé gravement ces deux ordonnances.

Lui, rien.

Je vais probablement changer d'escadron ces jours-ci ; le colonel est têtu.

Dans ces conditions, et si l'on continue à nous employer pas plus efficacement. Je demanderai d'ici peu à aller dans l'aviation. Au moins là, je serais utile et verrais des choses intéressantes.

 

J'ai renvoyé des chaussures que le boîtier de mon escadron venait de ressemeler, car elles sont trop justes et trop minces pour l'hiver.

Vous pourrez les donner, car mon pied ira plutôt en grossissant.

Il est arrivé au régiment un capitaine DE LA GUILLONIÈRE qui était aux 21 chasseurs au début de la guerre et avait été blessé. Il est très bien, mais malheureusement au sixième escadron. Je crois que vous l’avez connu à Lunéville.

 

Rien de neuf ici. Je ne sais trop ce qui se passe ; les événements vont bien lentement. Les corps de cavalerie n'ont rien fait à cheval en Champagne.

Quelques régiments de corps ont donné, paraît-il.

 

Je suis content pour vous que la jument soit rétablie ; cela vous évitera la fatigue d'aller à la messe à pied.

Il faudra que VAYSSIÈRE passe un peu de Breaknell de temps en temps sur la selle.

Les cuirs ont augmenté de 50 %. Il sera bon d'avoir des harnachements, bien conservés après la guerre.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

16 octobre 1915

Ma chère mère.

Je reçois ce matin vos lettres du 11 et 12. C'est la première fois que la Dordogne déborde ainsi.

Vous avez la chance d'être sur le pic !

 

Ici, il fait très beau, nous reprenons cette semaine tranchées et escadron divisionnaire. Il va y avoir du changement de cantonnement, et mon ancien escadron ne sera plus près de moi.

Encore un embêtement de plus pour moi.

J'ai à nouveau commandant, SAMPAYO, ancien capitaine d'habillement agité et assommant. J'attendrai jusqu'à la fin du mois, car si LEFÈVE passait capitaine, le capitaine DE COUTARD me réclamerait comme lieutenant en premier.

Si je me vois condamné à rester au quatrième. Je m'en irai, car ce n'est pas une vie. En plus, j'ai perdu tout ce qui m'intéressait.

Je vais bien à part ces ennuis qui me tracassent fort.

 

Je crois que mon corps d'armée sera relevé d'ici un ou deux mois pour être envoyé au repos. Nous changerons alors de région.

Il paraît que DE VALLIÈRES qui commandait une brigade a été tué. LAPERINNE s'en va en Serbie.

Je crois que ce qu'on a raconté pour le 10e Dragons est un canard (pour le moment du moins).

 

Rien de papa auquel j'avais écrit, il y a une dizaine. Il doit être assez occupé.

Vos lettres arrivent très irrégulièrement. Je n'ai pas reçu de colis.

RAY ne m'a pas accusé réception de mon mandat. Je ne sais s'il a eu ma lettre.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

22 octobre 1915

Ma chère mère.

Un mot pour dire que je pars tout à l'heure avec 150 hommes et un camarade comme chef de détachement aux tranchées. J'y resterai probablement une huitaine.

Je vais toujours bien et m'habitue un peu en mon changement de  vie.

J'ai vu que papa avait eu une très forte attaque de son côté et qu'elle avait été repoussée.

Le temps est maussade et paraît long.

Cette pauvre cavalerie dont on n'a pas su se servir au début me semble bien menacée de disparaître, car nous ne nous pouvons rien sur des fils de fer !

Je ne sais pas ce qui se passe aux Balkans, mais on y envoie du monde.

 

Je vous envoie ci-joint un récit que je trouvais de la mort du général Bridoux ;

J'étais installé depuis deux jours à Thiaucourt, dans la même région est le frère de Poincaré. Électricité, tapis, tout le grand luxe en campagne !!

 

J'espère que vous avez toujours bien et ne vous ennuyez pas trop.

J'ai reçu une lettre très aimable de Ray, le remerciant de mon mandat. Mais il me dit que je veux plus en accepter de moi !

Il me demande si j'ai besoin de quelque chose pour mes hommes.

Nous allons avoir le casque d'infanterie dans trois semaines. (*)

 

(*) : Ils les recevront le 16 nov. (source : JMO)

 

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

24 octobre 1915

Ma chère Odette

Je suis actuellement avec de Catheu et un détachement de 150 hommes, construction de baraques, et dans les bois et suis passé fabricant de gabions, piquets et autres ustensiles.

Ce travail ingrat n'est pas fait pour intéresser beaucoup et nous sommes isolés. Je suis probablement là pour une dizaine, après quoi je deviendrais quelque temps escadron divisionnaire.

Je ne prévois pas la fin de nos tribulations et le rôle de la cavalerie devient un peu décevant ! J'espérais aller dans les anciennes tranchées, et me voilà passer bûcheron !

 

J'espère que vous passerez un séjour agréable à Paris. Je ne sais si mes lainages sont arrivés étant coupé pour le moment de mon escadron. Je reçois juste mes lettres et j’avais dit de garder mes paquets.

Le temps se remet à la pluie.

Le canon gronde en Champagne.

 

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

31 octobre

Ma chère Odette.

Je suis rentré hier dans la localité dont tu me parles rejoindre mon escadron et repart demain comme escadron divisionnaire pour les jours. Comme je serais à la division d'Artus, je tâcherai de le voir.

Je vais bien.

C'est bien le corps (*) de M. qui a eu de grosse perte. Je de l'avait dit.

Celle de Buyer (**) n'a presque rien eu. La huitième division faisait partie de ce dernier corps et n'a pas été loin de moi un moment.

Je suis bien content que les Tayssières restent. Cela aurait très bien mal à eux de s'en aller.

Bien reçu les lainages. Si vous pouvez m'avoir 2 chemises de flanelle, elles seront les bienvenus ainsi qu'une paire de gants fourrés sept et demi.

 

J'ai déjeuné ce matin à mon ancien escadron avec le frère de Martignon, officiers de réserve au XIIIe hussard. Il est très gentil. Cela m'a fait plaisir de retrouver de mes anciens amis !

Que faites-vous à Paris ?

Ici je m'ennuie un peu. La vie devient monotone.

Je crois qu'on envoie beaucoup de monde en Serbie. Varin doit y être également.

Vu la chute du ministère. Tout cela est bien mesquin et dirige au front contre Joffre.

As-tu reçu les photos de Passavant ?

 

(*) : Il parle ici de "corps d'armée"

(**) : 3 corps de cavalerie (25/08/15-28/12/16) : général de division Robert de Buyer (25/08/15-17/12/16)

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Vendredi Saint 1915

Ma chère mère.

Un mot pour vous remercier de votre lettre du 27 soir et dire que je vais toujours bien malgré cet affreux temps.

Les permissions sont rétablies ce qui tend à prouver que la situation du côté de Verdun est bonne. Aperçu papa sur l'Illustration, c'est Guillaumaut qui est derrière.

Je suis détaché avec mon peloton, et je n'ai pas personnellement rien à faire. C'est du gaspillage d'énergie.

Aperçu Dandy toujours gai. Sa titularisation n'a pas l'air de venir vite !

Collinet vous a-t-il téléphoné ?

Ci-joint lettres de la branche Edgards. Ces gens-là ne méritent que le mépris.

Mais sait rien pour Senlis.

 

Novembre 1915

 

Lettre de Robert à sa sœur, Odette

 

Ce jour là, mes camarades de Boni et Fougère qui se trouvait dans les tranchées ont essayé de rallier les fantassins, peine perdue ; personne ne voulait s'arrêter. Dégoûtés mes 2 camarades, sont retournés avec une poignée de chasseurs se faire tuer en essayant d'arrêter l'ennemi.

Autre exemple, un jour, à l'attaque d'un village nos fantassins flanchaient. Le Général d'Urbal est mis en tête de l'escadron 17ème hussards qui ont donné l'assaut à pied avec leurs simples carabines et sans baïonnette et ont entraîné les fantassins.

On peut être fier de commander à de pareilles troupes.

Gardant les circonstances les plus difficiles et les épreuves les plus cruelles, elles n'ont jamais eu un mot de plainte, elles ont toujours fait plus que leur devoir, arrachant l'admiration des officiers d'infanterie eux-mêmes. (Obligé d'avouer que les cavaliers n'ont jamais lâché pied).

 

Pour ma part je n'ai lâcherai pas mon peloton pour un bataillon d'infanteries comme l'ont fait malheureusement quelques cavaliers, en fringale d'avancement !

Je suis sûr que mes hommes se feraient tuer pour me défendre. Ils ont ma confiance et j'ai la leur.

 

Ici, rien de nouveau, je suis toujours au même endroit, et un temps impatiemment le courrier seule chose que nous manquent parfois.

Nous ne sommes plus que trois officiers à mon escadron. Lefève évacué en Belgique pour lymphangite, à l'appendicite, et nous le reverrons pas quelque temps. Champgrand est toujours à Orléans, son épaule ne se remet pas vite.

Nous avons tous les jours le Petit Journal et Petit Parisien par hasard l'autre jour un article épatant du Général Cherfils sur la cavalerie (dans l'Écho).

Mon capitaine nous a rapporté hier de Sainte-Menehould quelques numéros du Miroir. Je ne recommande cette publication.

Elle donne des photos exactes de la guerre.

 

Les citations à l'ordre de l'armée, quand on les épluche sont parfois scandaleuses !

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

Dimanche soir

(Date illisible.)

Ma chère Odette.

Je suis toujours sans nouvelle du reste de l'humanité m'espère que demain ce sera fini. Je pense que vous êtes à Paris et que vous est vu papa.

Tu sais sans doute que la division de Laclos vient d'être dissoute. Cependant l'ancienne brigade de papa reste est passe chez Requichot à la place des cuirassiers mis à pied.

Les autres formes des régiments de corps des artilleurs !.

C'est inouï comme gabegie de chevaux et de matériel ! Laclos passe donc chez Requichot avec de Latour.

Il paraît m'a dit un camarade qui en vient que le gendre de Mme Tarbé des Sablons a été remercié il y a peu de temps.

Il commandait une brigade de cavalerie.

 

Ici rien de neuf, je suis à peu près certain de quitter cette région, mais quand et je ne reverrai sans doute plus mon régiment.

Le Général Mesple (cavalerie) commande la division d'infanterie où je vais aux tranchées.

Les affaires russes sont toujours en excellente posture, et je crois que les événements seront plus décisifs à la fin du mois.

Qu'avez-vous vu à Paris ?

Le colonel Leps me parle de temps en temps. Il est beaucoup plus aimable que l'ancien. Il n'a pas une unité de son régiment sous ses ordres.

Je crois Dandy à Mailly.

 

(*) : 4/07/16-18/01/17 commandant de la 130e division d'infanterie

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

22 novembre 1915

Bien reçu la carte de maman.

Les Edgards ne m'ont pas encore tâté pour le mariage en question, mais tu penses bien que je ne leur ferai pas cet honneur !!!

D'ailleurs, j'ai d'autres chats à fouetter en ce moment.

Je te demanderai dans tes promenades de passer au « Nain Bleu » grand magasin de jeux, boulevard des Capucines.

Je crois, et demander combien coûte le « jeu du Steeple Chase », espèce de jeux avec dés. Nous le ferons venir en mon escadron pour faire passer le temps dans nos gourbis aux tranchées.

Le temps est devenu très beau, froid sec. Je vais bien.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

22 novembre ?

Ma chère Odette.

Je reçois ce matin ta lettre d'avant-hier.

Les correspondances vont vite avec Paris. Je suis bien aise de voir que la vie est moins monotone pour vous qu'à la campagne. C'est ennuyeux que vous ne soyez pas installées plus confortablement.

Je pense avoir une réponse de toi demain au sujet de mon Burberry.

 

Quand je verrais daudy, je lui ferai la commission ; il est actuellement aux tranchées. M. Catelle Mendès et la veuve de l'écrivain juif, femme de lettres, elle-même, genre rasta et pas « comme il faut ».

C'est un peu le genre cocotte comme réputation.

 

J'ai eu quelques détails sur la mort de ce pauvre Dullin.

Il pilotait un Maurice Farman devant Tahure et réglait un tir d'artillerie au-dessus des tranchées allemandes.

Il a été surpris par un avion boche très rapide d'un modèle récent, et au moment où il voulait s'échapper aurait été tué d'un éclat d'obus. Son observateur qui avait pris la direction de l'appareil a été tué d'une balle au moment où il était une vingtaine de mètres du sol.

Où, il allait atterrir.

L'aéroplane ayant été endommagé par le tir d'artillerie, l'appareil est venu alors se briser sur le sol. On a pu reprendre la nuit les deux cadavres qui étaient entre nos tranchées et les Allemandes.

Il est enterré à Maisons de Champagne. Cela dut se passer le 30 octobre.

Pauvre Dullin. Je croyais bien qu'il reviendrait de cette guerre, car il avait été dans de périlleuses situations déjà.

 

Et rien de neuf au sujet de l'infanterie. Un officier de mon régiment a demandé à prendre une compagnie. Cela lui fera gagner huit ans au moins !!!

 

L'attitude des Edgard est grotesque.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

 

30 novembre 1915

Ma chère Odette.

Merci pour ta longue lettre reçue hier. Je suis ennuyé de voir que vous êtes mal nourris dans votre hôtel 

Vous serez donc obligés de changer.

Peut-être, trouverez-vous une pension de famille.

 

Nous avons un temps glacial ici. Il a plu ou neigé des pluies huit jours, quel sale pays. Mon régiment repart samedi aux tranchées, mais je n'y vais pas.

On demande encore de nombreux cavaliers pour l'infanterie. Comme il est à peu près sûr qu'on ne pourra satisfaire aux trop nombreuses demandes de bonne volonté, il faudra faire d’ici un mois que des désignations d'office !

Cela me fera peut-être entrer en mon ancien escadron, car Lefève va passer capitaine ou sinon, sera proposé pour l'infanterie et comme étant le plus ancien.

Pour les gens ambitieux. Il y a de très gros avantages. Ainsi, je pourrais sous peu passer capitaine à titre temporaire !

Je n'y tiens d'ailleurs pas et attends les événements.

 

J'ai eu hier des nouvelles (LEPIOT) par un officier de son régiment de Bellefon qui est passé avec son escadron de réserve.

Il est toujours en Champagne et est assez aimé.

Je ne prévois pas de solution rapide de cette guerre d'usure, et les Grecs vont nous jouer sous peu un sale tour. Tout cela est terne.

Pas de nouvelles de papa, je pense que son rhume est guéri 

On envoie 30 officiers par semaine en permission en ce moment. J'espère dans deux mois avoir une nouvelle.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

Jeudi soir, le 9 décembre 1915

Ma chère mère,

Je vous remercie beaucoup de votre lettre du six, reçue ce matin.

Je suis revenu hier soir de mes tranchées où j'ai passé sept jours par un temps affreux.

Nous avons été très fort marmités et j'ai eu une cagna démolie près de la mienne par un 150. Heureusement qu'il n'y avait personne dedans !

Quelques obus lacrymogènes, mais pas de gaz dans ma ligne. Ces sales boches envoient en ce moment de nouveaux gaz à base d'acide prussique.

Cette guerre est une guerre de sauvages, et nous avons le tort de ne pas employer les mêmes moyens qu'eux.

J'ai vu la vie des fantassins de près. Ce sont des gens qui ont une vie terrible dans les bois, car ils sont dans l'eau et sans espoir de passer l'hiver ailleurs !

Encore, nous, cavaliers, y allons moins souvent et avons de meilleurs cantonnements de repos.

Tout cela n'est pas gai, et on ferait mieux de raconter moins de blagues dans les journaux sur le confort actuel de tranchées, du moins dans cette région !

 

Le commandant de Guillonière a été très gentil. Il était en effet à Lunéville et même parlé des histoires V… n ce qui est assez drôle. !

Je repars lundi comme escadron divisionnaire pour 8 ou 15 jours. Je ne sais encore. Rien de neuf ici. Nous avons le même temps que vous.

J'ai vu la nomination de C….d, c'est probablement Pétain qui l'a remplacé qui remplace ce dernier à son armée.

 

Pas reçu de caoutchouc, les paquets mettent vraiment bien longtemps.

Wirbel dont vous me parlez, est le 10e corps d'armée en septembre et avait été disgracié il y a plus de 2 mois. Il passait pour très désagréable.

Mon camarade de promo, le lieutenant Flèche de Lambert qui est dans l'infanterie ainsi des Prax et dont je vous ai souvent parlé, a été blessé deux fois légèrement depuis le début.

Il est capitaine et chevalier de la Légion d'honneur, c'est très chic.

 

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Lettre de Robert à sa sœur, Odette

Lundi 13 décembre 1915

Ma chère Odette.

Je te remercie de ta lettre de samedi reçue ce matin. Comme je te l'ai écrit avant-hier, j'ai bien reçu, le caoutchouc et vous en remercie.

Il va bien et a l'air très pratique et léger.

J'ai, en effet, reçu, il y a quelque temps une carte d'Adrien ne m'étonne pas, au contraire !!

Cela est digne de cette famille.

Ray s'est simplement occupé de faire activer les commandes de ce casque. Il y il lui manque plus qu'une citation ! Dans tout cela ce sont les Edgard qui sont prétentieux et ridicules. La branche Ray se tient tranquille.

 

Je suis détaché comme escadron divisionnaire en ce moment et m'ennuie un peu ! Rien d'intéressant à faire.

La cavalerie joue un rôle bien ingrat. De plus, mon régiment a bien changé depuis le début. 27 officiers ont disparu depuis août, 14 blessés, dont neuf tués.

Cela fait de nouvelles figures.

 

Je ne pense pas être versé dans l'infanterie cette fois, vu mon peu d'ancienneté. Les demandes d'office n'ont pas paru encore. Lefève serait assez menacé.

Je verrai plus tard pour l'aviation. Pour le moment je ne demande rien si je peux retourner à mon ancien d'escadron !

Sais-tu qui a remplacé Conneau ?

Que commande Gouraud comme armée ? En voilà un qui avait la chance.

 

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Lettre de Robert à sa mère, Élisabeth

 

Mardi 19 décembre 1915

Ma chère mère.

J'espère que votre rhume va mieux et que vous ne nous souffrez pas trop du front.

Les courriers arrivent ici très tard et partent de bonne heure, ce qui fait est que je suis obligé d'écrire avant d'avoir reçu votre lettre.

 

J'ai vu aujourd'hui Massène. Il est très gentil, pas poseur.

Le capitaine et l’autre officier ne rentrent que dans quelques jours des tranchées.

Je ne m'amuse pas beaucoup et regrette le bon temps de jadis. Avec cela, installation très médiocre pour hommes et chevaux, peloton très ordinaire.

C'était ce régiment qui a gardé presque tous ses officiers du début, mais qui n'est pas très bien tenu.

Je vais le 24 suivre un cours un peu plus au sud pour neuf jours. J'aurais repos le dimanche 31, et nous pourrons nous voir ce jour là, à La Ferté-sous-Jouarre par exemple.

 

J'irai aux tranchées vers le cinq et en descendant qu'un jour après irai encore suivre un cours. N'ayant jamais été, et comme il y en a quatre, j'y serai constamment entre les relevés de tranchées.

La cavalerie est devenue une arme, où l'on fait de tout sauf son métier, les chevaux sont en mauvais état, on rogne sans cesse les effectifs et c'est triste.

Les régiments de corps travaillant avec l'infanterie font quelquefois des choses plus intéressantes

 

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Lettre d'Élisabeth à son fils, Robert

24/12/05

Le Grand Hôtel Tivollier, Toulouse

Mon cher Robert,

J’espère que vous ne passerez pas tristement votre nuit de Noël !!!

Nous pensons bien à toi ; mais nous ne pouvons parler de toi, chez ta pauvre Tante, car cela lui fait au cœur, de même qu’elle ne veut plus voir Montoussé.

C’est peut-être un peu exagéré, mais c’est un sentiment compréhensible.

 

Elle ne parle que de son pauvre René et ne veut conserver aucun espoir ! Peut-être, cependant, est-il blessé grièvement et interné dans une ambulance allemande en France. C’est bien triste de penser que ce pauvre enfant serait mort, mais cela devrait quand même avoir un peu d’espoir.

Elle prétend que pas un des camarades de promotion n’a été exposé comme son fils et que tous ces jeunes gens sont restés au dépôt ou qu’on les ménage énormément dans les régiments et qu’ils ne vont jamais en reconnaissance !!

Ce n’est pas vraisemblable que ce jeune René ait été plus exposé que ces camarades, qui se sont laissés faire prisonniers, se sont rendus !

 

C’est quand même pousser trop loin l’exagération, la pauvre femme divague complètement et n’est plus qu’une loque, c’est bien triste de la voir dans cet état.

Ton père est toujours au repos et prétend que le moment est venu d’aller en Allemagne et que cette guerre sera très longue.

Élisabeth Mazel

 

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Suite, vers 1916

 

Vers les lettres de 1916 de son père, le Général Olivier MAZEL

 

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