Carnet de guerre de Pierre Auguste Léon MERCIER

capitaine au 271e régiment d’infanterie

 

 

 

Mise à jour : juillet 2019

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Description : Pierre MERCIER officier au 71e régiment d’infanterie puis 271e régiment d’infanterie

 

Pierre MERCIER (au centre) officier au 71e régiment d’infanterie puis 271e régiment d’infanterie

 

 

Pierre Auguste Léon MERCIER est capitaine, adjoint au lieutenant-colonel, commandant le régiment. Il est aussi le rédacteur du journal des marches et opérations (JMO) du régiment. On retrouve dans son carnet quelques expressions et phrases qui sont eactes copies du JMO.

Il est né à Rouen le 23 juillet 1870. Engagé volotaire, il intégre Saint-Cyr en 1889-1891.      

Voir sa fiche matriculaire.

 

Merci à Jacques, son petit-fils

 

 

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DÉBUT DU CARNET

 

9 août 1914

Départ de Saint-Brieuc.

Embarquement des chevaux et voitures sans incidents, malgré l’inexpérience du personnel, mais le sergent major GAD qui préside à l’opération s’en tire à son honneur. Nous laissons pourtant un fourgon dont l’avant-train a cassé – bois trop sec.

LORAND a fait décorer les wagons des officiers avec fleurs et drapeaux.

Avant le départ, tout ce qui compte dans Saint-Brieuc est sur le quai, l’évêque en premier.

Le Lt. colonel reçoit une jolie gerbe qui lui est présentée par Melle DELMAS, une autre par les ouvriers de la gare. Cette attention le touche extrêmement.

Nous nous installons pour le voyage avec le commandant HUBERDEAU, en 3ème, nous occupons un très confortable wagon couloir.

A tous les arrêts, afflue la population endimanchée qui nous acclame chaleureusement – allocutions, fleurs, signatures sur les drapeaux etc.

 

Depuis Rennes, impossible d’avoir des journaux. Les hommes se conduisent bien, heureusement, car les cadres inférieurs sont un peu inertes.

Quelques jours de campagne et on aura la cohésion nécessaire. La concentration se poursuit sans à coup, elle a été remarquablement préparée et la bonne volonté de tous la fait réussir.

Les sections HR (*) fonctionnent bien.

 

(*) : Sections HR : sections hors rang = l’intendance

10 août

Voyage sans incidents jusqu’à Laon.

Là, les nouvelles de la guerre se précisent, on affirme une victoire de la cavalerie française menée par le général SORDET sur des régiments allemands vers Tongnes. On a un aperçu assez vague de la composition des différentes armées. Le débarquement en force des Anglais est confirmé.

Jusqu’alors nous avions conclu de certains indices qu’on dirigerait le régiment sur la Belgique, l’E.M. (*) installé à la G.R. (**) nous enlève cette illusion en nous expédiant sur Le Chatelet, ligne de Reims à Rethel.

 

Dès Soissons, où de gracieuses dames de la C.R. (***) nous comblent de cafés et de sourires, on fait monter sur un truc une section commandée par un officier dans le but assez illusoire de tirer sur les aéroplanes ennemis.

A quoi les reconnaître ? Mystère.

En attendant nous longeons les hangars de Bétheny-aviation où des appareils bien français s’élèvent salués par nos bravos.

 

Le débarquement du convoi au Châtelet(-sur-Retourne), au crépuscule et sans lanternes, avec des équipes peu nombreuses et mal exercées est un peu laborieux. Tout se passe, heureusement, sans accidents.

Le Lt. Colonel m’invite à partager à l’auberge un repas léger mais chaud qui nous fait grand plaisir après les viandes froides et les boissons tièdes que nous absorbons depuis 30 heures.

Pendant cet aimable intermède, je perds ma fidèle Bagatelle et le plus fidèle Bléogat, que je retrouve l’un tirant l’autre le lendemain matin.

Un quart d’heure de footing et nous sommes au cantonnement de Neuflize où je trouve vers minuit le sommeil qui clôture une journée bien remplie.

 

(*) : E.M. : état-major

(**) : G.R. : gare régulatrice.

(***) : Croix rouge.

11 août

Départ de Neuflize pour Leffincourt – 16km – La marche, après deux nuits de voyage, avec des hommes aussi peu entraînés à la marche avec un paquetage, devient une déroute après le 8ème kilomètre. Plus de cent hommes s’écroulent dans les fossés après avoir chargé à tout rompre les voitures qui nous suivent.

 

Enfin, après une halte obligée d’une heure dans un boqueteau au fond duquel coule la Retourne, nous atteignons le cantonnement où le bataillon ROGIER, arrivé quelques heures avant, nous a installés…

 

Je suis logé, pour ma part, chez un brave homme qui mériterait d’avoir vu le jour en Bretagne : tout dans la maison est sale et puant. Je me lave dans une modeste écuelle. Je fais cependant dans ce confort relatif ma première toilette depuis Saint-Brieuc.

Le soir, une bonne table nous réunit, le porte-drapeau met lui même la main à la pâte pour remplacer un Vatel absent.

 

(*) : Le JMO précise : « La fatigue, la chaleur et le manque d’entrainement rendent très pénible cette marche de16 km. De nombreux coups de chaleurs se produisent (…) 35 hommes sont évacués. »

12 août

Stationnement à Leffincourt.

Ce jour de repos fait beaucoup de bien et serait plus efficace encore si la plupart des traînards ne cherchaient du (?) dans l’alcool. Heureusement, les cabarets sont à peu près vides d’alcool ; ils sont d’ailleurs consignés.

Quelques heures sont consacrées à des exercices de combat près du cantonnement.

Sur le tard, on apprend la mort d’un soldat du 271ème qui a succombé à une congestion cérébrale due à son imprudence : il s’est précipité, tout en sueur, sur une fontaine d’eau glacée.

13 août

On gagne Vrizy, près Vouziers.

Ce mouvement amène la division en bordure de l’Aisne. Nous rejoignons ici les services du XIème corps, que nous reverrons souvent. Pour le moment, il y a avec nous à Vrizy une section de munitions d’artillerie, une ½ compagnie du génie et des pontonniers.

 

Les villages où nous passons commencent à manquer de vivres, ayant eu plusieurs passages de troupes, sans grand moyen de se ravitailler. Ce qui manque le plus, ce sont les nouvelles certaines. Quant à la correspondance privée, elle est inexistante. Pas de lettres des nôtres depuis le départ.

J’occupe une chambre modeste, mais coquette, d’une jeune institutrice qui se rend à Vouziers tous les jours. Depuis la guerre, elle s’emploie à faire la cuisine pour les nécessiteux de la ville. Elle rapporte chaque soir les nouvelles affichées à la sous-préfecture, que je connais ici 24 heures à l’avance.

14 août

Séjour à Vrizy.

Inaction complète. On voit un ou deux avions, sans pouvoir affirmer leur nationalité.

15 août

Depuis Leffincourt, l’abbé LE DOUAREC, de Saint-Brieuc, nous suit comme aumônier volontaire. Il célèbre, à l’église de Vrizy, une messe basse où nous allons en grand nombre et les soldats en foule. Il prononce, en bons termes, une petite allocution. L’avé Maria stella, des cantiques sont chantés par les soldats, sur le mode mineur des bretons, très touchant.

Et ce sont ces mêmes hommes qui remplissent les rues de leurs bandes avinées et sans discipline.

La première impression donnée par le régiment n’est pas bonne ; non seulement il y a beaucoup de traînards et de malades, mais le moral n’est guère élevé. Tout le monde est un peu atone.

 

L’après-midi, on part assez brusquement pour le Chêne-Populeux où le régiment arrive à 17 heures, poursuivi par une pluie d’orage. La fatigue et la pluie font négliger les mesures de sécurité les plus élémentaires.

Heureusement, l’ennemi est loin.

16 août

Départ précipité pour Boutancourt ; la division va border la Meuse et s’intercaler entre deux corps de 1ère ligne.

La première partie de la marche s’opère très bien, la seconde moitié .. ?.. beaucoup de traînards, peu habitués encore aux privations et beaucoup n’ont pas pris le café du matin et n’en prendront un autre qu’à l’arrivée à l’étape, vers 14 heures.

Nous voyons défiler, dans Boutancourt, notre nouveau gîte, les mêmes services qu’a Vrizy. Nous avons aussi le spectacle, peu récréatif, du 248ème, complètement allégé et pourtant bien mal en point.

Il a à faire une étape de 39km et c’est énorme pour des régiments comme les nôtres.

 

Le soir, à la popote parfaitement installée, je remporte une victoire signalée sur l’aumônier, pourtant licencié es lettres, à propos d’une question de grammaire latine.

17 août

Séjour à Boutancourt.

L’accueil un peu froid et guindé que les habitants nous ont fait la veille, s’explique par le sans-gêne dont le 36ème, qui a séjourné chez eux pendant six jours en a agit avec tout le monde. Maintenant, on fait la différence et nous sommes reçus avec toute la bienveillance d’une population qui n’est pas très expansive.                       

18 août

Départ pour Donchéry, petite étape sur bonne route.

Depuis Flize, nous remontons la riante vallée de la Meuse, nous lisons quelques journaux, ce qui n’était pas arrivé depuis deux jours.

Un biplan, de nationalité impossible à déterminer nous survole ; dans le doute, on ne s’abstient pas, fusils et mitrailleuses font rage, sans résultat apparent.

Donchéry est une vraie petite ville encore approvisionnée ; l’accueil est parfait .. ?.. que le passage des troupes soit .. ?.. depuis 15 jours : chambres salles à manger, ustensiles de toute nature sont mis à notre disposition.

 

Je commence à acheter des cartes postales – à titre de souvenir – car je ne saurais les envoyer pour ne pas trahir les secrets de la concentration.

L’église, très renommée dans le pays, m’a paru quelconque.

19 août

La marche en avant, déjà amorcée, s’arrête – il faut laisser passer devant nous le 9ème corps, ramené de la .. ?..Nous les suivront en 2ème ligne dans quelques jours, sauf changements nouveaux.

J’ai réquisitionné hier trois chevaux ; les deux meilleurs m’ont été enlevés deux heures après par un autre corps qui refuse énergiquement de les rendre.

Dans l’intervalle, ils ont eu le temps de s’emballer et de bousculer notre officier d’approvisionnement qui s’est relevé sans aucun mal, son cheval a été un peu moins heureux, mais en sera quitte pour quelques jours de repos.

20 août

Visite sommaire de Sedan avec le Lt. Colonel.

Petite ville quelconque, assez bien bâtie, nulles traces de la guerre de 1870 pour un œil non averti. Quant à la guerre actuelle, on ne s’en doute qu’en voyant la quantité d’autos et d’uniformes de toute espèce qui sillonnent la ville. Les grandes maisons sont fermées, mais le petit commerce fait de bonnes affaires.

De grands édifices sont aménagés en ambulances.

 

Nous continuons à gémir sur le manque de nouvelles, d’autant qu’il est probable que nos lettres n’arrivent pas davantage pour réconforter les nôtres.

Les postiers toujours.. ?.. et désoeuvrés, commencent à être regardés de mauvais œil. Toute notre reconnaissance, au contraire, à la receveuse des postes de Donchéry qui passe les dépêches avec une bonne grâce inépuisable. La dépêche que j’ai essayé de passer hier est restée sans réponse.

21 août

Séjour à Donchéry.

Nous faisons des repas pantagruéliques dans une maison fort aisée où nous avons installé notre popote.

Sans pitié pour notre estomac, le porte-drapeau qui préside à la confection de ces festins, entasse viandes sur viandes et ne considère pas les pommes de terre comme dignes de nos palais.          

22 août

Toujours à Donchéry.

Promenade à cheval avec le Lt.Colonel. Visite des villages de Vrigne-au-Bois, riche et bien bâti et de Vivier-au-Court.

23 août

Départ dans la nuit pour la Belgique. Nous traversons St Menges au petit jour.

 

A 7 heures, nous dépassons le poteau frontière et nous voyons bientôt la douane du Ban d’Alle, avec un douanier au képi rigide.

Après une descente très pittoresque, la forêt se termine brusquement sur la Semois que nous passons au pont de Poupehan. Nous trouvons sur l’autre rive un groupe d’artillerie du.. ?.. fort mal en point, qui vient d’être surpris la veille au soir au village de Porcheresse.

Les habitants paraissent avoir été de connivence.

 

Vers 1 heure, nous traversons le village de Rochehaut, parfaitement insignifiant et nous en gardons la sortie nord, en arrière de la division.

Toute la journée, le canon tonne et se rapproche.

La division, dont les têtes se sont avancées à Vivy et à Mogimont se replie sur la Semois.

Des renseignements recueillis au QG de la 9ème armée, il résulte que l’armée allemande, après avoir marché sans relâche depuis le début de la campagne, en est arrivée à l’extrême limite de la fatigue.

La vigoureuse offensive prise depuis trois jours par nos troupes a jeté la surprise dans les rangs de l’ennemi qui était persuadé que nous n’offririons désormais aucune résistance.

Il importe au plus haut point de profiter des circonstances actuelles. A l’heure décisive qui vient de sonner, où se jouent l’honneur et le salut de la Patrie, français, officiers, sous-officiers, soldats, puiseront dans l’énergie de notre race, la force de tenir jusqu’au moment où, épuisé, l’ennemi va reculer.

Le désordre qui règne dans les troupes allemandes est le signe précurseur de la victoire, en continuant, avec la plus grande énergie l’effort commencé, notre armée est certaine d’arrêter la marche de l’ennemi et de le rejeter hors du sol de la Patrie.

Mais il faut que chacun soit convaincu que le succès appartiendra à celui qui durera le plus.

Les nouvelles.. ?.. du front sont d’ailleurs excellentes.

La 21ème Cie, actuellement à Sedan, rejoindra directement à St Menges le chef de bataillon qui fixera une heure d’entrée dans la colonne.

 

12h35

Un régiment au nord-est de Rochehaut, à la bifurcation des routes de Vivy et de Mogimont. L’autre régiment entre Poupehan et Corbion.

Le bataillon à compléter……avec mission d’occuper et de tenir la presqu’île d’Iges.

L’autre bataillon, à l’EM (*), se portera sur le bois au nord de Cheveuges. Ravitaillement Sapogne.

 

(*) : E.M. : état-major

25 août

Cinq blessés légèrement à la 20ème compagnie.

29 août

Evacuation Vrizy, Vandy par Attigny-sur-Givry et la rive gauche de l’Aisne.

 

Demain 30 août ; Continuation du mouvement de retraite vers l’Aisne.

Le 271ème et le groupe d’artillerie stationnés à Guincourt, la compagnie divisionnaire du génie continuent la retraite sous les ordres du général commandant la 119ème brigade. L’artillerie prendra position à la cote 205. Le 271ème aura un bataillon sur la ligne Le….maison des bœufs (5ème bataillon). L’autre bataillon du 271ème (6ème bataillon) et la compagnie du génie à la disposition du général à la cote 193 (est de l’ancien château). Tous ces éléments devront être en position à 5 heures.

Poste de commandement du général à la cote 193 où se trouvera également le Lt.colonel.

Le T.R. (*) partira de Guincourt à 3 heures, se dirigeant vers Attigny et la rive gauche de l’Aisne par Tourteron. Il recevra de nouveaux ordres en cours de route.

Les T.C. (**) marcherons avec leur bataillon.

Cheveuges le 29 août 2h00 :

Le régiment se mettra en route immédiatement dans la direction de St Aignan-sous-Bar. Rassemblement à la croisée des chemins Villers-sous-BarCheveuges (sortie du village). Les bataillons passeront dans l’ordre où ils se présenteront.

Les T.R. et les T.C. précèderont le régiment.

Itinéraire : St.Aignan-sous-BarSapogne – Villers-sous-Bar.

 

(*) : TC : Train de combat.

(**) : TR : Train régimentaire

 

FIN DU CARNET

 

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Ecrit par un inconnu, à propos du capitaine Mercier :

« Le 26 août, Donchéry, deux bataillons se trouvaient engagés sous un feu violent avec une section au pont et deux compagnies dans les tranchées, défendant le …. de terrain de la chapelle Piot qui commande le pont.

La situation devenant intenable, il s’agissait de commander les mouvements de repli.

Le capitaine MERCIER, adjoint au chef de corps, n’hésitât pas ; dans ce terrain mitraillé : on le vit tranquille et calme, sans même accélérer le pas, porter les ordres et maintenir les hommes dans une retraite honorable.

Le même jour, lorsque la brigade essuya un retour offensif à St Aignan, le capitaine MERCIER eut encore la même attitude, depuis la tombée de la nuit, en allant s’assurer que la dernière compagnie engagée avait pu se retirer.

 

Le 30 août, à Guincourt et Tourteron, le régiment engagé de 5h1/2 à 13h 1/2 eut à subir des feux violents d’artillerie, de mitrailleuses et d’infanterie. Deux capitaines avaient été tués, les pertes étaient sérieuses et les hommes difficiles à maintenir. Ils resteront néanmoins pendant ces longues heures, grâce à leurs efforts, à l’énergie des chefs et à leur belle attitude.

Le capitaine MERCIER fut un de ceux dont on peut admirer le tranquille courage. J’estime qu’il a beaucoup fait pour empêcher une débandade. »

 

Au sud de St Hilaire, le 14 septembre 1914, 8h05

 

 

Mon grand-père, le capitaine MERCIER, a été blessé ce même jour, à cet endroit, par 16 éclats de schrapnell. Il est décédé 4 mois plus tard, le 25 janvier 1915 à l’hôpital de Sens.

Comme il était le rédacteur du JMO, celui-ci est manquant à partir la datede sa blessure : voir ici (page de roite)

            

 

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