Souvenirs de guerre de Louis Émile Mercy

caporal au 21e, puis 149e régiments d’infanterie

 

 

 

Mise à jour : janvier 2020

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Ludovic nous dit en novembre 2009 :

« Il y a quelques temps, la famille d’un soldat du 149ème RI m’a demandé de retranscrire sous Word ses mémoires durant la 1ère guerre mondiale. J’ai l’accord de sa famille quant à la publication du document. Seriez-vous intéressé pour que je vous l’envoie ? Dans tous les cas je reste à votre disposition pour tous renseignements complémentaires. »

 

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Prélude

 

Louis MERCY est né à Baccarat le 27 décembre 1896. Il est y verrier. Il est de la classe 1916 et devrait effectuer son service militaire en 1916. Ses écrits débutent à la déclaration de la guerre en août 1914. Il évoque donc ses souvenirs avant son incorporation dans l’armée qui arrivera en avril 1915, malgré qu’il fera une demande d’engagement volontaire en août 1914.

 

Les noms de villages ont été corrigés dans le texte. J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. J’ai aussi ajouté des dates pour pouvoir mieux se repérer dans le récit

Merci à Philippe S. pour les corrections.

 

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Les souvenirs

 

31 juillet 1914

Baccarat : le 31 juillet j’ai 17 ans et 7 mois ; c’est jeudi la chorale paroissiale se réunit à 8 heures du soir devant l’église pour la répétition en vue de la première messe solennelle de l’abbé HUSSON, le 15 août. Nous discutons sur quelques rappels individuels de réservistes…

Monsieur le curé DUVIC donne congé et chacun s’en retourne chez soi…

1er août

Charles âgé de 24 ans se doute des événements ; il est parti dire au revoir à sa fiancée Marie PIERRAT. (*)

Dans la nuit du 1er août, il reçoit son ordre individuel de rejoindre sans délai le fort de Manonviller ; après avoir dit au revoir à sa maman, aux frères et sœurs, il quitte la maison vers 23h, papa et moi l’accompagnons jusqu’en haut de Saint Catherine ; ayant oublié sa montre Charles me demande la mienne, reçue en cadeau à ma première communion le 8 juin 1908.

Nouvelle embrassade nous nous séparons ; de retour à la maison, je me couche jusqu’à 4h30 et me rends au travail pour 5h. Pour Henri c’est sa première journée de boulot. Il y a beaucoup de manquant parmi les ouvriers verriers, deux fours sont arrêtés (**). Cette journée du 1er août se passe dans le calme.

 

Depuis un certain temps plusieurs vexations vis-à-vis de la France, avaient créé un malaise et craindre le pire. Le 3 avril 1913 atterrissage d’un Zeppelin au champ de mars à Lunéville, puis début 1914 aux environs d’Arracourt d’un aéroplane allemand.

 

(*) : Son frère Charles Alexandre MERCY, classe 1910, partira au 167e régiment d’infanterie.

(**) : Louis MERCY est verrier.

Samedi 2 août

Le samedi 2 août est une journée calme comme le vendredi.

Mais à 5 heures du soir, les cloches sonnent le tocsin, les affiches aux deux petits drapeaux croisés sont apposés dans les différents quartiers de la ville ; c’est la mobilisation générale qui appelle tous les réservistes ; jeunes et vieux jusqu’à l’âge de 45 ans doivent se rendre dans leur casernement respectif.

Je revois l’abbé LECLERC qui va rejoindre à Lunéville son bataillon de chasseurs et me dit : « voilà la boucherie qui va commencer ».

Dans notre quartier pour tous, la guerre est inévitable.

Dimanche 3 août

Assistance nombreuse à la messe parents et femmes sont venus prendre courage et prier pour ceux des leurs qui sont partis. Les 2 bataillons de chasseurs en garnison à Baccarat 20ème et 17ème sont dirigés vers la frontière, à 5 kilomètres en deçà où ils font avec toutes les troupes la couverture du pays.

Le mardi 4 août

Le mardi 4 août à 0 heure la guerre est déclarée par l’Allemagne. Les ambassadeurs allemand et français regagnent leur pays.

 

Dans les jours qui suivent le 8ème corps d’armée de Bourges et le 13ème de Clermont-Ferrand arrivent pour renforcer les troupes de couverture. On commence à entendre le canon jour et nuit dans la direction de Badonviller ; vers la fin de la première décade d’août ont apprend que nos soldats ont passé la frontière et foncent vers Sarrebourg.

Les blessés affluent à l’hôpital ; les écoles des cristalleries sont transformées en hôpitaux de campagne. On apprend que plusieurs enfants du pays, dont Louis LEDOUX, Auguste TRABACH (de la Paroissiale) sont tombés devant Badonviller. (*)

Tous 2 du 20e BCP étaient nés à Baccarat et ont été tués le 10/08 au bois des Chiens entre Ancerviller et Halloville (~5 km au nord-ouest de Badonviller).

 

(*) : Louis Jean Baptiste LEDOUX, caporal au 20e bataillon de chasseurs, 24 ans, mort pour la France le 10 août 1914 au bois des Chiens à Halloville. Voir sa fiche.

Charles Auguste TRABACH, du 20e bataillon de chasseurs, 31 ans, mort pour la France le 10 août 1914 au bois des Chiens à Halloville. Voir sa fiche.

 

Une avance après un accrochage sérieux à Ancerviller et c’est la ruée vers la frontière, hélas, elle n’a été que de courte durée. Cette avance en Lorraine est stoppée, elle s’est heurté à des fortifications inébranlables ; il faut battre en retraite.

dimanche 22 août

Les 3 vicaires : abbé CLAIRIET, KRUCHTEN, LECLERC, étant mobilisés une seule messe ce dimanche 22 août.

Le canon que l’on n’entendait plus, depuis quelque temps se fait entendre de nouveau.

C’est ainsi que ce dimanche, tous les blessés transportables sont évacués vers l’intérieur. Les régiments du 13ème corps repassent bien harassés le 86ème RI va prendre position sur la rive droite de la Meurthe pour couvrir la retraite.

Après dîner, je vais sur la route en quête des événements, j’apprends par des coloniaux du 8ème RIC que des jeunes gens de la frontière ont été pris par les Allemands et emmenés en captivité ; d’autres auraient, même, été fusillés. Était-ce-vrai ?

 

Je vais reporter ces paroles à la maison ; je ne veux pas rester ici pour qu’ils m’embarquent et demande à papa la permission de partir pour m’engager « si on me veut ». Maman me prépare une musette de victuailles et un paquet de linge, me donne quelques pièces de monnaie et une pièce de 20 Fr or « pièce que je rapporterai en septembre ».

Après avoir dit au revoir à papa, maman, frères et sœurs je prends la direction de Rambervillers.

 

Depuis la sortie de Baccarat, toute au long de la route c’est l’exode : les paysans ont attelé leurs vaches aux charrettes (les chevaux ayant été réquisitionné). En chemin je salue Louis CHARTON et ses parents, la fiancée de mon frère Charles, sa mère, sa cousine et ses parents qui s’en vont vers l’arrière pour ne pas connaître l’occupation ; je vois également 2 camarades des halles Ernest et Louis HUSSON et leur famille qui comme beaucoup ne veulent pas cohabiter avec l’ennemi.

Dans la soirée avec 4 à 5 hommes nous aidons au départ d’un avion, qui venait d’atterrir, pour se repérer.

 

La 1ère nuit, je couche dans le foin à Ménil-sur-Belvitte, de bonne heure, avec toutes mes connaissances nous prenons la direction de Rambervillers nous n’y arrivons que vers 5h du soir, tant les routes sont encombrées.

J’apprends que l’autorité militaire n’accepte pas d’engagement, pour l’instant la classe 1914 vient d’être appelée. Je rejoins mes connaissances et nous continuons notre route en direction d’Épinal. Nous croisons beaucoup de troupes ; les renforts arrivent nous pensons que l’ennemis sera arrêté en avant de Rambervillers. Il y a toujours beaucoup de monde sur les chemins ; en fin de soirée nous arrivons dans le village de Charmois devant Bruyères. Le curé à qui nous rendons visite, veut bien nous loger dans une salle de patronage.

 

Nous allons rester et vivre dans ce village jusqu’au 8 septembre.

Nous apprenons que les Allemands sont stoppés sur la Meurthe mais que Lunéville, Baccarat, Raon et Saint-Dié sur la rive droite sont occupés.

Le 24 août, les Allemands sont entrés dans Baccarat et ont installé derrière le château de l’administrateur des cristalleries, une batterie de 77 et en bas du parc, des mitrailleuses en vue d’un éventuel retour offensif de nos troupes.

 

Dès le lendemain matin, des éléments du 86ème RI chargent à la baïonnette sur le pont pour permettre l’organisation de la retraite ; ils se font massacrer par les mitrailleuses ; c’est une véritable hécatombe de morts et de blessés. Les 77 ont tiré des obus dans le clocher, belle cible. Après cette échauffourée, le gros des troupes allemandes entrent en ville, mettent le feu dans tout le centre ville, le grand bâtiment de la pension des apprentis et ensuite un bâtiment dans l’atelier des tailleries. La cour de l’usine devant le château sert alors de sépulture aux morts de la charge sur le pont.

 

Retenus sur la rive gauche de la Meurthe ; nous sommes tous les jours à la recherche de nouvelles, entre autres de tristes nouvelles de Rome Pie X est mort en août et son successeur Benoît XV reprend la direction de l’Église.

Le 6 septembre 1914

Le 6 septembre avec Louis HUSSON (*) nous partons vers Épinal ; impossible de rentrer dans le centre ville. Nous faisons quelques achats et cherchons à savoir ce qui se passe sur le front.

La victoire de la bataille de la Marne et le retour offensif de nos troupes sur la Meurthe libérant Lunéville, Baccarat, Raon, Saint-Dié sont de bonne nouvelles. L’ennemi commence à battre en retraite en Lorraine et sur la Marne. Nous rapportons ces nouvelles à Charmois.

 

(*) : Louis René HUSSON, 17 ans à cette date, est ouvrier d’usine. Voir sa fiche.

8 septembre

Le lendemain 8 septembre beaucoup de réfugiés décident de s’en retourner ; nous reprenons la route retraversons Rambervillers, Ménil-sur-Belvitte détruite en partie. Il est très tard quand nous arrivons à Baccarat. Nous avions fait nos 37 kilomètres dans la journée avec un petit arrêt avant Rambervillers pour nous restaurer d’un casse-croûte.

Avec la fiancée de Charles, je traverse le centre détruit par l’incendie. Nous restons sans voix en découvrant le clocher percé par plusieurs obus, le pont sur la Meurthe sauté ; un pont de bateau lancé sur la rivière permet de la traverser et aboutit rue de Frouard.

L’arche du pont qui avait sauté, fut vite consolidée par le génie militaire, la passerelle de bois bien solide résista à toutes les intempéries, même aux inondations de fin décembre 09.

 

Il est 6h du soir, à grandes enjambées nous montons la cité Serre et frappons à la porte pour retrouver toute la famille en bonne santé qui a bien des événements à nous raconter.

Pendant l’occupation allemande de Baccarat, le maire et l’instituteur communal ayant quitté la ville, les Allemands ont pris comme otage M. L’HOTE 1er adjoint et M. AIGLE directeur des écoles de la cristallerie pour les emmener en Allemagne. Ils avaient cherché le curé DUVIC, mais il était parti. Un officier du 86ème RI l’avait prévenu qu’il allait mettre des mitrailleuses dans le clocher de l’église, qu’il valait mieux ne pas risquer être pris par l’ennemi.

 

Dès les premières escarmouches et avant l’occupation, comme après les écoles des cristalleries ont servi d’ambulances et d’hôpital ; maman et Marie ma sœur et autres bénévoles ont soigné les blessés des deux camps. Un jour Marie a vu arriver un Allemand en trombe qui hurlait la bouche toute brune, il avait bu de la teinture d’iode volé chez le pharmacien, croyant boire du schnaps.

Descendant l’avenue de la gare après avoir été réquisitionnée par l’ennemi pour un travail, papa s’entend interpeller d’un fourgon de ravitaillement un des deux conducteur lui présente une bouteille en lui demandant d’en boire un peu ; ayant vu que c’était un apéritif papa en boit une rasade et leur dit « gut » bon. Les 2 Allemands en ont liquidé le contenu.

 

Les jours s’écoulent, je travaille aux halles de la cristallerie 1 semaine sur deux et entre temps je m’occupe au jardin.

Octobre 

On appelle la classe 1915, Charles BROCARD, notre voisin, s’en va rejoindre le 21ème RI à Langres fin novembre. (*)

Les communiqués sont de plus en plus graves, le canon gronde toujours à l’est de Badonviller, le centre des opérations se situe au col de la Chapelotte que les Allemands veulent à tout prix, mais qu’ils seront obligés d’abandonner.

 

(*) : Charles BROCARD est garçon-coiffeur. Né à Baccarat en février 1895, il sera blessé en octobre 1916 au genou droit. Il sera affecté aux services auxiliaires. Voir sa fiche matriculaire.

Novembre 1914

Fin novembre, un soir, on frappe à la porte, papa s’inquiète ; surprise, c’est Rico notre cousin, embrassades, discussions, il nous dit que son régiment va arrière des lignes, devant Badonviller ; il passe la nuit à la maison et de grand matin va rejoindre son escadron (31ème dragon).

 

Je continue à travailler aux halles ; ayant été classé 2ème dans une composition pour faire des pieds de verre en février 1914, je suis affecté comme 2ème souffleur, avec comme chef de place le père de Louis LEDOUX tué au début de la guerre.

Décembre 1914

Nous entamons le mois de décembre et je crois que nous allons vers un premier hiver de guerre. Du front de l’Yser en Belgique à la frontière Suisse cela se stabilise.

 

Le 20 décembre, la classe 1916 est appelée à se faire inscrire en vue du conseil de révision qui a lieu le 21 janvier 1915. Je suis pris bon pour le service et en attendant je continue à travailler.

Avril 1915

Début avril, je reçois mon ordre d’appel, je dois me présenter dès le 12 avril au 21ème régiment d’infanterie à Langres. Nous sommes 4 de Baccarat à nous rendre au 21ème d’autres rejoignent le 3ème, 10ème, 31ème bataillons de chasseurs à Langres.

 

Le dimanche 11 avril, tous les appelés, nous assistons à la messe de 11h pour notre départ, messe dite à la salle paroissiale servant de chapelle puisque l’église a reçu plusieurs obus allemands. Dans son sermon de circonstance le curé DUVIC nous souhaite bon courage et confiance.

Nous nous donnons rendez-vous à la gare : un train doit nous emmener à 2h30 en direction de Blainville ou nous devons changer pour Langres. Le dîner à la maison est plutôt silencieux.

Le temps passe vite voici l’heure du départ, je reçois toutes les recommandations de papa, maman, Marie, j’endosse les musettes que maman m’a préparées et les larmes aux yeux, j’embrasse tout le monde en disant « courage et espoir ». Papa m’accompagne à la gare où tous les partants se retrouvent.

Depuis la mobilisation du 2 août 1914, je n’ai jamais vu autant de monde dans la cour de la gare.

Après avoir embrassé papa, je passe sur le quai où le train arrive. Par la portière, en agitant notre main, nous disons au revoir aux personnes que nous quittons.

A l’arrivée à Blainville le chef de district de la gare nous fait monter dans un wagon fourgon accroché à un train en partance pour Épinal ; c’est l’arrêt pour ceux qui rejoignent les 149ème et 170ème.

Nous partons en direction de Langres cette fois dans un wagon de voyageurs.

 

A 4h du matin pour ceux qui rejoignent le 21ème RI – 3ème – 10ème – 31ème chasseurs « Langres-Marne» c’est l’arrêt.

« Le 21ème RI par ici » crie un sergent venu devant des appelés. Puis à travers des lacets, nous montons vers la ville. « Car Langres est perché au diable sur les monts plus haut que Montmartre et que les Buttes Chaumont ». Verset d’un couplet de « Langres-nage ».

Nous traversons Langres dans sa longueur et par un pont-levis nous entrons dans la citadelle : caserne Turenne.

 

On nous emmène dans une chambrée, pour un léger repos.

A 6h la première sonnerie du réveil ; nous donnons notre feuille de route et au rapport de 10h, nous sommes affectés à la 32ème compagnie. Après différentes formalités, nous allons au magasin toucher gamelle, quart, cuillère, fourchette et bidon de 1 litre.

 

Nota : Comme déjà constaté dans d’autres carnets, le couteau ne semblait pas faire partie de l’équipement fourni, chacun devait venir avec le sien, ce qui était courant dans les campagnes, ou s’en acheter un.

 

Dès le lendemain commence l’école du soldat en civil.

C’est seulement 4 jours plus tard, que nous sommes habillés, avec 2 paires de treillis blanc bourgeron et pantalon, je touche aussi un pantalon rouge, veste, capote, képi, d’autres ont pantalon de velours et gilet en guise de veste.

Pendant 7 mois ce sera la formation militaire, marches, manœuvres, tirs, etc…

Mai 1915

Le 23 mai, nous apprenons l’entrée en guerre de l’Italie au côté des alliés. A cette occasion nous avons quartier libre l’après-midi pour une séance récréative donné au théâtre.

 

Deux jours après, étant compagnie de piquet, à 10h du soir on sonne l’alerte, le 1er peloton en arme, le 2ème en treillis. Le feu vient de se déclarer au théâtre, nous courrons sur les lieux. Ma section en arme commence à faire circuler les badauds pour ne pas gêner les pompiers. (*)

Vers 2h du matin le feu étant en partie circonscrit, nous réintégrons notre casernement, nous avons repos jusqu’au rapport de 10h.

 

(*) : L’incendie est indiqué le 25 mai alors qu’il a eu lieu le 17 août selon l’extrait ci-après du journal « En avant » du 22/08/1915.

Date confirmée aussi sur la carte postale.

 

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Août 1915

En août 1915, maman vient me voir à Langres que nous visitons ensemble, nous assistons à la messe à la cathédrale ; cette courte visite m’a fait grand plaisir et remis du baume au cœur.

Octobre-décembre 1915

En octobre 1915, une permission de 4 jours nous est donnée. Je viens me retremper dans la vie familiale mais les 4 jours sont très vite passés.

Me voilà de retour à Langres, nous essayons notre tenue de campagne bleu horizon.

Fin octobre toute la garnison de Langres en tenue de campagne est passée en revue sur l’aire de l’aérodrome ; pour moi cette revue me fait penser à un prochain départ. J’avais deviné juste, mi-novembre au rassemblement de la Cie pour le rapport, le sergent major appelle les noms de ceux qui doivent former le 149ème bataillon de marche avec des éléments des 149ème et 170ème RI d’Épinal ; nous 4 de Baccarat y sommes affectés. Ce rassemblement au rapport est suivie de la remise de la tenue de campagne, avec vivres de réserve, linge de corps, fusil Lebel et baïonnette (notre étude s’était faite avec des fusils Gras (1870) lourds et pas facile à manœuvrer).

Le lendemain départ pour la gare ; les éléments de la 32ème Cie formeront la 1ère section de la future 33ème Cie.

Nous embarquons vers 10h dans des wagons fourgons, départ 11h arrivée à Épinal à 4h du soir. Après débarquement direction quartier Schneider du 8ème régiment d’artillerie lourde.

 

Nous restons 5 jours à Épinal, le temps de former le bataillon de marche ma nouvelle adresse : 149 RI – 33ème compagnie – 1ère section.

Après une prise d’arme au champ de mars, le lendemain c’est le départ pour une destination inconnue.

 

En cours de voyage nous traversons la banlieue parisienne, la gare du Bourget ; or nous savons que toutes les troupes passant par cette gare, sont dirigée vers Notre-Dame-de-Lorette. De grand matin nous traversons la baie d’Étaples et dans l’après-midi nous débarquons à Hesdin.

Après 15 kilomètres de marche nous rejoignons le village de Mouriez qui devient notre cantonnement. La 3ème nuit passée au cantonnement dans la paille et le foin, nous est désagréable, pendant le sommeil souris et rats nous passent sur la tête.

Le lendemain en prenant le sac nous constatons les dégâts, un énorme trou, chemises, flanelle, vivres de réserve, biscuits, sachet de riz et de sucres rongés ; nous sommes 2 dans ce cas, le caporal et un autre n’ont qu’un petit trou. Il fait un rapport au commandant de Cie et après environ 15 jours nous touchons un nouveau sac et de nouveau vivres et linges de corps.

 

Nous restons 8 jours à Mouriez et allons à Tortefontaine, 6 kilomètres plus loin.

Les journées se passent en manœuvres, il nous faut apprendre la guerre de tranchées.

Noël approche, c’est le 1er noël de campagne et le 2ème de guerre. Le lieutenant commandant la section, rassemble des volontaires sachant chanter pour apprendre le cantique « douce nuit », nous répétons dans l’église du village en vue de la messe de minuit ; tout va bien mais hélas la messe est interdite par la général commandant l’armée du nord de la France (général FOCH jusqu’à fin 1916) et nous ne pouvons même pas assister à la messe du jour, faute de prêtre.

 

Dans le patelin entre copains de l’escouade nous essayons de fêter noël, la personne chez qui nous logeons à son mari sur le front ; elle nous fait cuire une oie aux marrons dans le four à bois de la maison et nous partageons avec elle et ses deux enfants.

Janvier 1916

1916 c’est le jour de l’an et la présentation réciproque des vœux avec l’espoir, de voir se terminer le conflit le plus tôt possible.

 

Janvier se passe, février se termine avec l’attaque allemande sur Verdun.

 

Mars le 21ème corps est relevé du secteur de Notre-Dame-de-Lorette et est dirigé sur Verdun.

Entre la division de marche que nous formons avec les 2 bataillons de chasseurs redescend le Vexin. Nous débarquons à Chaumont-en-Vexin et allons cantonner à Fleury, ma section au-dessus d’une bergerie. Je suis détaché avec un copain nommé LAMY pour monter une ligne téléphonique allant du PC du bataillon à un haras de chevaux de course ; le propriétaire dans sa maison de maître, a son téléphone qui est relié à la DI. Cela dura pour moi jusqu’à la fin mai, c’est à Fleury que nous avons touché le casque, remplaçant le képi.

 

Un après-midi, un orage s’étant déclenché, nous restons au cantonnement ; nous assistons à un cours théorique sur la guerre des tranchées ; pendant l’interrogatoire qui suit un camarade répond d’un air désinvolte à l’aspirant chef de section ; de fil en aiguille, cela dégénère en bagarre et la section doit s’interposer. L’aspirant en colère se rend chez le lieutenant commandant la Cie ; ce dernier revient avec l’aspirant.

Après un « sermon », il ordonne le rassemblement en tenue de campagne, sac au dos, et sur son cheval nous amène dans un terrain vague faire des exercices sur le sol mouillé, pendant une demi-heure ; de retour au cantonnement, astiquage des fusils passés en revue rapidement par l’aspirant gêné que sa plainte ait entraîné pareil sanction.

Une semaine plus tard, c’est le 1er départ en renfort ; avec les volontaires l’aspirant et son bagarreur font partie du convoi. Cet incident est resté fortement gravé dans mon esprit.

 

Fin mai je pars en permission de 6 jours via Achères. Pendant ces jours de détente en famille nous commentons les événements de Verdun. Tout à une fin il faut nous quitter et reprendre le chemin de l’arrière.

A peine arrivé l’ordre de départ nous est donné pour être dirigé vers la forêt de Compiègne secteur de Rethondes où nous creusons des tranchées. Nous nous retranchons derrière Tracy-le-Mont et Offémont jusqu’au début de septembre.

Les régiments combattant dans la Somme, ayant déjà été engagés à Verdun, leurs besoins en hommes font fondre notre bataillon de marche et je pars en renfort au dépôt divisionnaire du 149 – 8ème Cie.

Ce n’est pas pour longtemps ; je rejoins cette fois le régiment actif et suis affecté à la 7ème Cie, 2ème section comme 2ème pourvoyeur du fusil-mitrailleur à la 7ème escouade.

Novembre-décembre 1916

Nous sommes en novembre et logeons dans le village d’Harbonnières en partie détruit. Je fais connaissance avec mes nouveaux camarades et très vite me lie d’amitié avec Maurice JEANPETIT de Haute Saône (*). Mon arrivée à la 7ème coïncide avec mon tour de départ en permission, cela fait déjà 6 mois que je suis revenu. Départ de Crépy-en-Valois via Vaires-Torcy.

Après 24h de train, j’arrive à Baccarat le 4 décembre 16 à 8h du soir. Comme toujours embrassade avec tout le monde que je trouve en bonne santé, le matin ils avaient reçu une lettre de mon frère Charles du camp de prisonniers en Bavière, maman me donnait toujours de ses nouvelles dans notre correspondance.

 

(*) : Maurice JEANPETIT, 20 ans, instituteur, est natif de Bassigney (Haute-Saône). Il sera blessé (par balle) en mai 1918 à Branges, qui lui fracturera l’avant bras gauche. Il survit à la guerre. Voir sa fiche.

(**) : Son frère, soldat au 167e régiment d’infanterie, a été fait prisonnier tout au début de la guerre, le 29 août 1914. Il sera rapatrié en décembre 1918. Voir sa fiche.

 

Le lendemain de mon arrivée comme j’étais en train de déjeuner, madame BROCARD, notre deuxième voisine, vient nous dire qu’il y avait le feu chez elle dans son grenier, je me précipite et lui dis de prévenir les pompiers. Avec les voisins nous jetons de l’eau sur le brasier et voyant que la panne faîtière commençait à flamber, je monte sur une chaise ouvre la lucarne pour essayer de combattre le feu par le toit, mais la chaise glisse, la lucarne me retombe sur l’annulaire droit et me blesse, je rentre à la maison pour me faire panser d’ailleurs les pompiers arrivaient.

L’après-midi, Marie m’emmène à l’hôpital où un major me soigne : l’ongle devra tomber.

 

Les 6 jours de permission tirent à leur fin et après avoir embrassé tout le monde je repars et vais rejoindre mes camarades à Bonlier près de Beauvais. Durant notre séjour à Bonlier, un jour, à peine la soupe de 10h terminée, toute la compagnie est envoyée aider le pompiers de Beauvais à maîtriser l’incendie qui venait de se déclarer à l’école normale des filles.

Jusque 5h du soir nous déménageons les magasins de vivres, puis les pupitres des élèves, déplaçant une pompe foulante avec les pompiers, j’ai failli avoir le pied droit coincé sous la pompe en glissant dans une marre d’eau. Après un court séjour à Bonlier de nouveau nous remontons en ligne dans la Somme, secteur sucrerie d’Ablaincourt. (*)

Court séjour nous sommes relevés et partons pour un grand repos en Haute Saône, région de Lure, nous y restons jusqu’au début janvier 1917.

 

(*) : Il s’agit de la sucrerie de Génermont, hameau à 1.2 km au nord-ouest d’Ablaincourt complétement détruit par les bombardements de 1916.

Janvier-juillet 1917

Par un froid glacial nous allons vers l’Alsace en plusieurs étapes, traversons Ronchamp, défilons devant le général commandant la 1ère armée et devant le Lion de Belfort. Nous allons cantonner au fort de Bougenel. Le vin gèle dans les bidons, le pain doit être fendu à la hache.

Pour nous réchauffer nous battons la semelle, en attendant les roulantes qui ont du mal à monter la rampe verglacée du fort de Bougenel (*), si bien que chaque compagnie n’est ravitaillée que vers 9h du soir.

 

(*) : Bougenel n’était pas vraiment un fort mais une caserne à ~500m au nord de la gare de Belfort, mais où la rue (ex rue des barres – voir ici - maintenant rue de l’as de carreau – le sac à dos des poilus !) semble un peu pentue sur la fin (altitudes Google Earth).

 

Nous nous déchaussons et bourrons dans nos souliers de la paille et nous nous enfonçons dans le foin jusqu’au cou.

Le lendemain matin les souliers sont gelés et nous sommes obligés de faire un feu de paille pour les assouplir, tant bien que mal nous arrivons à les enfiler, c’est avec une heure de retard que nous prenons la route pour la Basse Alsace.

Nous sommes compagnie de drapeau, nous en avons la garde pour la journée ; nous traversons l’ancienne frontière et défilons devant le colonel et le drapeau ; nous arrivons à Uberstrasse à environ 15km de Seppois-le-Bas, c’est là que se termine le front et commence la frontière Suisse.

Nous consolidons nos retranchements, enterrons un sous plomb en vue d’une attaque dans ce secteur par les Allemands « sous plomb, tube contenant les fils téléphoniques reliant le front au QG ».

 

Un jour alors que nous creusons un boyau de communication nous sommes survolés par un de nos avions sur lequel tire la DCA allemande, tout à coup je reçois sur le dos de la main gauche, un tout petit éclat d’obus chaud qui m’a brûlé un peu.

Nous restons en Alsace jusqu’en mars.

 

Nous la quittons pour allez rejoindre le front de l’Aisne, Verdelot (*) et Belleau.

Dès l’attaque début avril, (le 16) nous sommes désignés comme corps de poursuite sur le Chemin des Dames et Craonne. Cette première attaque n’a pas réussie, vendue et dévoilée à l’ennemi par espions (Mata Hari, le Bonnet rouge et comparses) elle coûte des pertes sévères à nos troupes, sans aucun gain de terrain mécontente l’armée ; plusieurs cas de rébellion, mutinerie parmi les soldats se produisent. Nivelle est limogé, Pétain le remplace, il calme les esprits. Néanmoins quelques soldats sont fusillés.

Ma compagnie est désignée pour être présente à la dégradation militaire de 2 chasseurs. L’adjudant chargé de cette opération se trouve devant un gars qui a cousu ses boutons de capote au fil de fer ; de rage il lui déchire l’étoffe de sa capote. Encadrés les 2 gars défilent devant nous et s’en vont renforcer les compagnies disciplinaires.

 

(*) : En Seine-et-Marne, mais « dans la région de Montmirail » où l’historique du 149e indique avoir débarqué le 14/04/17.

 

Après cette attaque nous cantonnons dans les environs de Vailly-sur-Aisne pendant la première quinzaine de mai ; ensuite nous montons en ligne, prenons le secteur du Chemin des Dames ; d’abord 4 jours en 2ème ligne et ensuite relève des gars de 1ère ligne dans la tranchée Bourdic.

Entre temps je suis allé me retrempé dans la vie familiale durant 6 jours, pendant cette permission maman me conseille d’aller faire une visite à Humbépaire à Madame CHEVALIER dont la fille est mariée au capitaine DELUNG mon commandant de Cie. Nous parlons de la guerre, de son gendre… Elle me fait savoir qu’elle me chargera d’un petit coli pour lui.

 

Ces journées de détente passent vite, il faut rejoindre les camarades au fort de Condé/Aisne.

 

Dès mon retour en ligne je me présente au PC du capitaine lui transmet les meilleurs vœux de sa belle mère et lui remet le petit colis ; il l’ouvre devant moi, offre les friandises à ses agents de liaison, m’oublie (état d’esprit de « l’encadrement » vis-à-vis de la « piétaille » !...) mais me remercie du paquet.

 

Les 2 premières journées sont calmes, quant à la 3ème nous sommes « marmités » en gros calibres à trois reprises ; à chaque accalmie, nous redressons les parapets effondrés par les obus ; à la 3ème reprise le bombardement se fait plus dru.

nous nous camouflons dans une entrée de sape que nous confectionnions pour rejoindre à 5 à 6m sous terre par un tunnel la deuxième entrée, nous somme à peine à l’abri qu’un obus (210) tombe sur l’entrée ; personne n’est touché, mais nous sommes presque enterrés. La fumée dissipée nous voyons un rai de lumière et vite nous nous dégageons.

 

Le 4ème jour je suis de veille et surveille le secteur pendant que les copains se reposent allongés dans la tranchée « trous de renard ». Il est environ 6h tout à coup je vois arriver 1 officier et 2 aides de camp ne portant aucun écusson à leur capote ; s’arrêtant devant moi, ils m’interrogent sur le secteur, ce que je fais, ce que je vois…

Après leur départ je cours avertir le lieutenant de la section qui fait sa ronde ; il me rassure, connaissant ces officiers de l’état-major de notre division.

 

Les journées suivantes se sont passées tranquilles ; ensuite nous sommes relevés pour un repos de 6 jours. Nous cantonnons à Ciry-Salsogne, 10km environ de Soissons.

Ces jours ne sont pas de détente ; les journaux annoncent des mutineries dans l’armée, nous sommes consignés dans notre cantonnement.

 

Le 158ème RI qui fait division avec nous, refuse de remonter en première ligne. (*)

Ma section est de garde aux issues du patelin, mais rien n’est venu troubler notre secteur. Nous apprenons que l’aumônier du 158ème a réussi à calmer leurs esprits et à ranimer leur courage. À leur tête il les entraîne relever leurs camarades des premières lignes. Cette nuit même de la relève, il est tué par un éclat d’obus.

 

(*) : Il s’agit très vraisemblable ment de la journée du 5 juin 1917. Elle est décrite dans le journal de Ferdinand GILLETTE aspirant au 158e régiment d’infanterie :

« Le 2e bataillon qui vient nous remplacer en réserve ce soir, a manifesté dans la nuit d’hier à ce jour. Et ce soir, pour tout le bataillon (1000 hommes), il y a seulement 180 poilus qui acceptent de monter (…) tout cela à cause des permissions… ». Voir ici

Août 1917

Les 6 jours du « petit repos » terminés à la mi-août, nous remontons mais cette fois du côté de la ferme Loty du Toty (ferme disparue entre Aizy et la Malmaison). Le coin est plus difficile à surveiller ; ligne des tranchées pas rectiligne et bien en avant au loin, des petits boqueteaux dans le no man’s land.

 

Le lendemain soir, nous sommes prévenus que la nuit nous creuserons des parallèles de départ en prévision d’attaques.

A 22 heures, a lieu le rassemblement, je suis désigné comme sentinelle éclaireur dans le petit bois en avant de nos lignes peut être à 200m ou 250m. Pendant 4 heures je scrute de mes yeux les fourrés à droite à gauche, les sentes qui s’en vont en tous sens ; tous les 100m de chaque côté de moi, une sentinelle fait le guet, le fusil prêt à alerter l’apparition d’une patrouille adverse et cela pendant toute la durée du travail.

Notre capitaine se promène entre les lignes, éclairant avec sa lampe électrique les endroits à creuser, tout le monde rouspète prétextant qu’il va nous faire repérer. Chaque fois que je vois une fusée éclairante dans le ciel, je ne bouge pas, mon regard, se porte devant moi et de chaque côté, écoutant si rien d’anormal ne se présente.

Les travaux terminés, camouflé la terre remuée nous réintégrons les premières lignes.

 

Le lendemain soir, désigné pour corvée de soupe avec 3 autres copains, à travers les boyaux nous allons au carrefour d’Aizy et Jouy, là où les roulantes ont leur lieu de rassemblement. Carrefour mauvais, souvent bombardé par harcèlement car c’est par là que les artilleurs sont ravitaillés en munitions, ils font « gaffe » comme ont dit. Profitant d’une accalmie nous bondissons et traversons le carrefour en enjambant les morts. L’atmosphère est lourde le ciel est tout gris, les éclairs commencent à illuminer l’horizon.

Rapidement nous prenons notre ravitaillement pain, bouillon de légumes et viande, nous touchons en plus de l’alcool solidifié « pour réchauffer les aliments », des bougies pour nous éclairer dans les cagnas. J’achète, un sceau en toile, de 10 litres de vin remboursable pour les camarades.

Nous repartons, il commence à pleuvoir, en cour de chemin nous sommes pris sous l’averse et éblouis par les éclairs, nous marchons à l’aveuglette et je tombe dans un trou d’obus, mais heureusement je n’ai pas perdu mon seau de pinard, enfin nous arrivons et retrouvons les copains sans trop de mal. Le seau de vin 1,50F à 2F le litre est apprécié de tous.

Auprès de la ferme Loty Toty il y a des pommiers, le capitaine fit monter les cuistots pour cueillir les pommes et le soir toute la compagnie a eu une compote. Nous descendons en 2ème ligne pendant 6 jours et ensuite se sont 6 jours au petit repos.

 

Puis nous allons en 2ème ligne dans les carrières de Bohéry je suis fusilier mitrailleur (le tenant du titre étant en perme). Désigné pour tirer sur « Fantômas » avion allemand qui, au début du jour et à la tombée de la nuit, rase les 1ère lignes à 10m de hauteur en lâchant des grenades et des papiers disant :

« C’est moi Fantômas personne ne m’a eu, personne ne m’aura ».

Hélas pour lui trop orgueilleux, il est abattu un mois après, nous ne l’avons plus revu. Durant cette matinée, je lui tire 10 chargeurs de 20 cartouches. Le lieutenant qui me regarde me demande comment j’établis mon tir, je lui dis que je vise deux longueurs d’avion en avant pour faire un barrage que l’appareil devra traverser, je renouvelle ce manège plusieurs fois.

 

Après 3 mois dans ce secteur, nous sommes relevés pour un repos dans la région de Vieil Maisons.

Entre temps nous répétons sur un terrain vague, la future attaque que nous ferons tout au long du Chemin des Dames. Les officiers nous montrent des photos prises par avion ; le bois de Belle Croix, le Chemin des Dames, la ferme et le fort de la Malmaison en avant de Laon.

Octobre 1917 (bataille de Malmaison)

Remontons en ligne dans le même secteur et le 15 nous nous préparons pour attaquer quand ?

Le 1er bataillon formera la 1ère vague d’assaut, le 3ème bataillon sera la 2ème vague et mon bataillon le 2ème sera la 3ème vague qui devra aller jusqu’au bout des objectifs à atteindre. Les batteries de tous calibres du 75 qui protège l’infanterie dans son avance, aux 105 – 155 et 210 qui font de la contre batterie, se touchent presque, distantes d’environ 30m. Il faut se boucher les oreilles au départ du tir de ces monstres.

 

Le 21, je suis de corvée de soupe, il fait nuit, mais elle est claire tellement le ciel est embrasé par les départs des pièces de canon, immobilisant les batteries adverses.

 

Le 22, nous passons la journée à écrire et méditons sur la prochaine attaque qui aura lieu le lendemain 23 octobre.

Vers les 4h du matin, le lieutenant commandant la section nous verse à chacun une rasade de rhum pour nous exciter avant l’attaque ; ensuite nous allons prendre nos positions attendant l’heure H : 5h45. L’attaque est avancée à 5h15 (H), un radiotélégramme déchiffré avertit que la 7ème armée allemande est alertée pour 5h30.

Les 75 – 105 – 155 – 210 se mettent à vomir leurs obus ; un véritable enfer on ne s’entend pas : plus de 80 mitrailleuses sur notre front font du tir indirect, en direction des hauteurs au-delà du Chemin des Dames empêchant tout ravitaillement de l’ennemi et lui causant de grosses pertes. Le commandant de section, nous guide vers les parallèles de départ que viennent de quitter les 1er et 3ème bataillons ; à notre tour nous montons sur le parapet et suivons à distance nos prédécesseurs ; à la 1ère ligne allemande arrêt.

Il est environ 7h nous attendons que le fort de la Malmaison, à notre droite soit entre nos mains pour reprendre notre marche en avant ; le fort est enlevé à la baïonnette par le 4ème régiment de Zouaves à 7h15.

À peine un quart d’heure d’arrêt nous repartons vers l’avant nous allons trop vite, les 75 n’ont pas le temps d’allonger le tir. Le ciel embrasé, le bruit des obus passant au-dessus de nos têtes, les avions réglant par message le tir de nos batteries c’est un véritable enfer ; l’artillerie adverse ne répond pas.

Devant nous passent les premiers prisonniers, pour eux la guerre est finie. Le lieutenant parcourt le front de sa section nous encourageant et nous conseillant de nous blottir dans les trous d’obus ; nous apprenons que le caporal JAMES, 5ème escouade s’est fait tué par un éclat d’obus en voulant se déplacer pour voir un « camarade de pays ». (*)

 

(*) : Claude JAMES, caporal au 149e régiment d’infanterie, mort pour la France le 23 octobre 1917 à Vaudesson. Voir sa fiche.

 

Les huit cents cartouches que je porte sur mes épaules comme 1er pourvoyeur me pèsent et je profite de l’arrêt momentané pour me soulager un peu de ce poids.

Nous reprenons notre marche en avant et pour la 1ère fois un char d’assaut Schneider passe à côté de nous et va faire taire les mitrailleuses qui nous tirent dessus ; un coup de 75 et aussitôt elles se sont tues, les prisonniers se sauvent en courant pour éviter au plus tôt à cet enfer.

Notre marche se poursuit. Nous dépassons le 3ème bataillon dont le groupe de liaison (Cdt, Aumônier, lieutenant, etc. environ 12 hommes) a été mis hors de combat, hélas par un obus de chez nous.

Nous entrons dans le bois de Belle Croix. Quelle vision envers les photos que nous avions vues, un bois totalement haché par les obus ; notre avance se ralentit ; tant bien que mal, nous enjambons, bois déchiquetés, d’énormes entonnoirs creusés par les obus.

 

A 8h15, le 149 traversant la route de Maubeuge avait dépassé les premières lignes, mon bataillon était intervenu devant une certaine tranchée « La Loutre » qui nous coûta cher. tous les officiers de la 6ème Cie étaient hors de combat. Les unités reconstituées attaquaient le deuxième objectif.

Vers 9h30, le régiment tient tout le bois de Belle Croix, la creute des Corbeaux.

Le lieutenant nous fait part de la prise de deux canons de plus nous avons atteint tous nos objectifs. Nous consolidons nos positions en vue d’une contre-attaque qui n’a pas lieu.

Il est environ 2h de l’après-midi et chacun en profite pour manger un peu et se reposer. En fin d’après-midi, d’après les coureurs, les 38ème, 43ème, 13ème DI occupaient une ligne allant de Chavignon aux éperons de Vaudesson.

Le soir corvée de soupe, tout le monde étant fatigué, on demande des volontaires, j’en suis et nous partons à 4. Les roulantes se sont rapprochées jusqu’à nos anciennes premières lignes, le ravitaillement est copieux. De retour nous fêtons la victoire avec le lieutenant dans une guitoune.

 

Le lendemain à tour de rôle nous y gardons les 2 canons de 77 pris, en attendant que les artilleurs viennent les chercher pour les emmener à l’arrière. Ensuite avec mon tireur nous allons relever, celui de la 6ème escouade, son 1er pourvoyeur venant d’être blessé par un éclat d’obus ; Jean Marie LACOUR blessé très grièvement au ventre, décédé peu avant l’arrivée des brancardiers. (*)

Cette attaque du 23 octobre fut meurtrière pour les régiments qui y ont participés ; pour le 149 (89 tués dans Mémoires des Hommes) lourdes pertes en officiers 33 mis hors de combat.

 

(*) : Jean Marie LACOUR : Voir sa fiche

 

Nous restons encore 4 jours attendant la relève qui doit reprendre le secteur.

Puis nous descendons à Vieil Maisons, là on nous annonce un départ de permissionnaires.

je suis du nombre et dès le lendemain en route pour 6 jours à Baccarat, j’y reçois une lettre d’un copain m’annonçant que le régiment a été cité à l’ordre de l’armée ; étant donné que c’est la 2ème citation (la 1ère datant de septembre 1914 par le général FOCH concernant la bataille de Champagne), le 149 a droit au port de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre.

Novembre-décembre 1917

C’est beau les permissions mais cela va trop vite et déjà il me faut penser au retour, comme à chaque permission les derniers repas sont silencieux et il faut quitter encore une fois la famille les larmes aux yeux ; à l’heure du départ, papa m’accompagne jusqu’à la gare ; il fait noir, le train arrive, une dernière embrassade et en route.

Les vitres de wagons peintes en bleu pour camoufler aux yeux de l’ennemi, les lumières des wagons, ne m’ont pas empêché de voir au loin, du côté de Monhigny les fusées éclairantes, cela me remet dans le bain.

Après une nuit passée dans le train, je descends à Vaires-Torcy gare régulatrice, où on m’indique le coin où se trouve mon régiment, toujours à Vieil Maisons.

Au rapport le capitaine commandant la compagnie, nous annonce, une sensible amélioration de l’ordinaire, la prise des 2 canons de 77 a rapporté 400F à la compagnie et pendant plusieurs jours, les repas de 10h et 5h du soir sont copieux et arrosés d’un quart de vin supplémentaire.

 

Fin novembre 1917 après 6 mois passés dans le secteur du Chemin des Dames avec entre autre l’attaque du 23 octobre, nous embarquons pour un grand repos destination le Doubs, nous arrivons début décembre à Montbéliard, traversons Beaulieu, Valentigney, Morvillars, sous la neige, nous cantonnons dans une grange.

Dans cet hôtel des courants d’air on entend le vent siffler. Maurice JEANPETIT et moi nous « boutonnons » ensemble nos deux toiles de tente, nous enlevons nos chaussures que nous bourrons de paille. Nous nous enfilons dans ce sac à puces avec nos 2 couvertures et nos capotes, tirant la paille sur nos pieds, ainsi nous n’avons pas eu trop froid la nuit.

 

Nous sommes occupés dans des travaux de défense dans les environs vers la frontière Suisse.

Au rapport le capitaine nous fait ses adieux, il va prendre le commandement d’un bataillon de marsouins « infanterie de marine ». Il est remplacé par un capitaine du 227ème RI dissous, nous apprenons que la population de Morvillars, désire loger des militaires par ces temps de froidure.

À nous de nous débrouiller pour trouver le logement adéquat, puis on nous fait part, que l’après-midi, nous serons piqués contre le tétanos, typhus (revaccination).

Nous voilà mon pourvoyeur et moi partis pour chercher et enfin trouver une chambre chez un couple dont le mari grand blessé du bras gauche nous accueille avec plaisir… nous prenons congé, en leur disant à ce soir.

 

Dès 2 heures, rassemblement à l’infirmerie ; le major nous vaccine à l’épaule contre le tétanos, le lieutenant nous dit que nous sommes libres. Avec mon pourvoyeur nous allons chercher notre ravitaillement du soir puis nous allons retrouver notre logement.

La maman est en train de bercer son enfant âgé de 8 à 10 mois, elle nous offre tout de suite la chambre pour nous reposer ; déjà fiévreux du faite de la piqûre, j’accepte volontiers mon pourvoyeur veut faire le « luron » et reste à la cuisine.

Une fois couché je m’endors ; nous avons donné notre ravitaillement à nos hôtes.

 

Vers 9 heures du soir, ils viennent coucher mon camarade et m’apporter une infusion ; je les remercie et nous leur souhaitons une bonne nuit.

Après un bon repos et notre toilette, nous allons au rapport vers 10h, puis c’est quartier libre pour le reste de la journée.

 

A 4h nous touchons nos vivres pour le soir.

La bonne dame nous invite à partager ensemble le souper.

En attendant je chante une berceuse au petit qui s’endort dans mes bras. Le papa rentre du travail à 6h, nous nous mettons à table, il raconte sa blessure en Champagne en 1915, il est maintenant réformé, son bras gauche étant bien « amoché ».

 

Pendant 8 jours nous menons une vie tranquille, nous passons les soirées à discuter ou à jouer aux cartes.

Un soir à la tombée de la nuit avec le mari nous allons en forêt chercher une charrette de bûches de bois ; par ce temps glacial il faut en brûler davantage, les bonnes gens sont contents cela leur permet d’économiser un peu sur leur réserve.

Tout à une fin et après notre dernière nuit passée dans un bon lit ; nous prenons congé de nos logeurs les remerciant plusieurs fois de leur chaleureux accueil.

Janvier-mars 1918

Nous quittons Morvillars pour les Vosges.

Après trois jours de marche nous arrivons à Fraize où nous cantonnons deux jours pendant que les éclaireurs vont repérer les postes affectés aux diverses compagnies puis nous montons par le col des Ordons et arrivons au PC du 2ème bataillon.

ma compagnie la 7ème a un secteur assez compliqué ; ma section est coupée en deux, une moitié au Coq de Bruyère, l’autre la mienne à la Roche du Diable (appelé aussi Roche des Fées). Située à 300m au nord du col du Pré de Raves (3km au nord du Bonhomme).

 

Avant de rejoindre nos postes, nous sommes laissés à nous même pendant 4 jours, Maurice JEANPETIT et moi, nous trouvons une baraque distante d’environ 200m du PC et de la roulante de la compagnie nous couchons au chaud et mangeons chaud, le bois ne nous manque pas.

Nous sommes détachés en observateurs, JEANPETIT en haut de la Roche du Diable, moi au poste du Clésio.

De cette sorte de Blockhaus isolé, un boyau d’au moins 600m mène à gauche au PC du 2ème bataillon ; de l’autre côté ma section est à peu près à la même distance un peu vers l’arrière.

 

Un sous-officier de la territoriale en est le chef, nous sommes 2 poilus avec lui, 1 de la 6ème compagnie et moi de la 7ème. Il nous explique notre tâche, pendant 2 heures à tour de rôle ; nous devons observer à travers une ouverture de 1m sur 0,30m de haut dans le mur de béton, ce qui se déroule en bas de la montagne côté ennemi, avec une grande jumelle et une boussole comme accessoires.

Toutes nos remarques seront signalées par écrit.

A l’œil nu, nous voyons en bas de la colline une ferme d’où de temps en temps sortent des soldats allemands ; sur la route à droite le cimetière du village de Echery et au loin Sainte Marie-aux-Mines et son clocher ; à la jumelle nous lisons l’heure au cadran de l’église.

Le jour de l’anniversaire de l’empereur Guillaume II (…27 janvier) de notre observatoire nous distinguons sur la place un grand rassemblement ; en début d’après-midi, une musique donne un concert, nous en entendons les échos.

Le soir à partir de 4h nous nous enfermons, en bouchant l’entrée du boyau ; pendant la nuit de temps en temps nous allons jeter un coup d’œil vers la vallée.

 

Tous les 3 ou 4 jours suivant, nos observations le sergent décide de transmettre les rapports au PC du commandant.

A la tombée de la nuit un de nous fait le « coureur » ; la mission remplie, c’est au pas de gymnastique que, craignant d’être remarqué, il rejoint le poste sous la neige.

 

Après quinze jours, je suis relevé par un camarade de la 6ème Cie et retrouve ma section à la Roche du Diable.

Une équipe du génie mine la Roche pour la percer de part en part et établir une foi transpercée un poste d’observation abrité.

 

Le surlendemain le lieutenant me réclame avec 3 autres copains au Coq de Bruyères.

Nous partons le long du boyau creusé au flanc de la colline reliant la Roche du Diable au Coq de Bruyères. Il s’agit d’aller effectuer avec une partie de la 1ère demi section une reconnaissance dans le ravin à la ferme des Bagenelles.

Nous descendons la montagne à 1h de l’après-midi, la descente se fait plutôt en vitesse, la neige aidant la glissade ; arrivés en bas nous faisons le tour de la ferme, visitons l’intérieur et les environs, rien d’anormal, nous poussons une reconnaissance sur la droite, ensuite sur la gauche, n’ayant aperçu aucun indice qui puisse révéler les intentions de l’ennemi. L’ordre est donné de remonter en lignes de tirailleurs vers nos postes.

Il est 4 heures quand nous retrouvons le Coq de Bruyères nous 4 de la 2ème demi section, rejoignons à travers le boyau la Roche.

 

Les journées se passent à consolider notre position, vérifier et renforcer les chevaux de frise des chicanes, répondre aux nouvelles reçues au courrier et même jouer aux cartes, à tour de rôle, à l’abri dans le tunnel creusé dans la roche, janvier, février sont passés, mars est bien entamé. Un soir ma garde au poste d’observation terminée ; avec le sergent et deux autres camarades nous faisons une partie de tarot.

8h du soir il est temps pour moi de rejoindre mon baraquement, je pars et à travers les chicanes de barbelés, me dirige vers le sentier enneigé ; soudain au tournant, un cri « halte-là qui vive », c’est une ronde qui m’interpelle, m’ayant reconnu, après un court entretien elle me laisse poursuivre mon chemin jusqu’au baraquement.

 

Nous sommes relevés par le 2ème peloton de la Cie et nous prenons leur place pour nous reposer ; les journaux nous apprennent qu’un canon ennemi à longue portée a tiré des obus sur Paris. Nous sommes vers la fin de mars et c’est la semaine sainte ; le lieutenant fait part que le caporal brancardier prêtre des Vosges se tient à la disposition de ceux qui veulent « faire leurs Pâques ». Je suis du nombre et le lendemain samedi saint, lieutenant en tête nous sommes une quinzaine à aller entendre la messe et communier dans une chapelle aménagée au PC du bataillon. La chapelle est comble, l’aumônier du régiment nous adresse une courte allocution, puis nous rejoignons notre campement.

 

Au retour nous apprenons qu’un des obus tirés par la grosse « Bertha » sur Paris est tombé sur l’église Saint Gervais, une foule nombreuse femmes et enfants s’y recueillait en ce jour de vendredi saint à l’office du chemin de croix (29 mars). (91 civils tués)

Les journaux apportés par le ravitaillement, viennent de la vallée du Rudlin et nous annoncent une offensive allemande contre les anglais.

Avril 1918

Voici début avril, nous allons être relevé du secteur par des territoriaux ma section est revenue depuis quelques jours à la Roche du Diable, la relève est prévue pour le début de l’après-midi, nous préparons nos équipements. Je suis chargé de surveiller le secteur en attendant le départ.

Tout à coup sur le Coq de Bruyères nous entendons des tirs à la mitrailleuse et des grenades lancées dans la vallée. Nous aurons des détails après la relève.

L’ordre est donné « rassemblement de la compagnie au village de Mandray » dédaignant la route que nous avions prise quand nous sommes montés en janvier. Nous dévalons la montagne et arrivons au village vers 4h du soir.

Préparation du cantonnement, soupe ; c’est à ce moment que nous avons les détails sur les tirs du Coq de Bruyères. La moitié de la 3ème section de la compagnie qui occupait le poste rassemblait son « fourbi » le veilleur resté dans la tranchée aperçoit à quelques mètres un Allemand sautant dans le boyau. Il tire un coup de fusil, amorce une grenade et la lance.

Le poste alerté par ses coups de feu, arrive ; mitrailleurs, grenadiers dispersent une quinzaine d’Allemands qui dévalent la côte en vitesse, l’un d’eux a dû être blessé un calot ensanglanté a été retrouvé.

 

Après deux jours de détente dans la région de Fraize, le bataillon se rassemble pour rejoindre Corcieux où nous devons embarquer. La Cie quitte Mandray ; par Saulcy/Meurthe, nous montons le col du Plafonds, descendons sur Corcieux gare.

Nous embarquons pour une destination inconnue, hommes de troupes dans des wagons fourgons « 40 hommes ou 8 chevaux en long » train de combat et voiturette de mitrailleuses sur des wagons plats.

A Épinal, ville de garnison du régiment, nous avons un quart d’heure d’arrêt. Le train de la compagnie hors rang et état-major du régiment qui nous avait précédés, avait donné sur le quai de la gare une aubade fort appréciée aux Spinaliens ; ceux-ci nous acclament à notre passage.

 

Nous quittons les Vosges et au matin nous débarquons à Villers-Cotterêts.

Par la route nous traversons une partie de la forêt de Compiègne, arrivons dans l’après-midi à Royalieu distant de 7 à 8km de Compiègne, sur la route nationale que les avions ennemi « gotha » suivent les nuits pour aller bombarder Paris.

La brèche faite par les Allemands au nord de l’Oise, ayant été colmatée, nous passons nos journées à l’hippodrome de Royalieu, en manœuvres, gymnastique, football.

Les soirs à partir de 10h, nous entendons le ronflement des avions allemands et les tirs de notre DCA qui les canardent.

Cantonnés dans une maison évacuée par ses habitants, JEANPETIT et moi choisissons de nous installer au 1er étage ; et quand cela « crache » trop fort, tout le monde descend à la cave.

Mai 1918

Les journées passent, nous sommes le 20 mai…

Voilà que je suis désigné pour aller en perm. Nous partons environ une vingtaine du bataillon pour prendre le train à Compiègne ; nous quittons la gare vers 9h30 le soir.

Après une nuit et une journée de train je débarque à Baccarat à 8h du soir. A la maison c’est la joie des retrouvailles pour une semaine de détente. Vers la fin de ma permission les journaux et le communiqué annoncent une nouvelle attaque allemande sur les positions conquises par nous au Chemin des Dames en octobre 17.

 

Le jour du départ arrive trop vite me voilà de nouveau troufion, musette, bidon garni, j’embrasse la famille, papa et moi montons vers la gare.

Après un au revoir, le train m’emmène rejoindre mon régiment où ?...

Arrivé à Favresse près de Vitry-le-François, gare régulatrice, j’apprends que le 149 est engagé dans la bataille. L’attente dans cette gare dure 24 heures. Tous les permissionnaires dont les unités sont engagées dans la bataille, sont dirigés en train vers une destination inconnue. Après avoir traversé la Ferté-sous-Jouarre, on nous fait descendre en pleine campagne.

En route direction nord et nous entendons le canon qui tonne sans arrêt ; nous sommes une quinzaine du régiment qui retrouvons les cuisines à Montreuil-aux-Lions ; le soir avec la corvée de soupe nous rejoignons nos compagnies ; le retrouve les gars de la 7ème, à ma section beaucoup de manquants : le lieutenant ANDRE blessé, JEANPETIT, BRESSY, REBOUL et d’autres encore blessés.

 

Le régiment embarqué le 27 mai en camions arrivé au lieu de combat le 28, avait battu en retraite, tout en combattant pendant une semaine retardant ainsi l’avance allemande (ce qui lui a valu d’être cité une 3ème fois à l’ordre de l’armée). Quand arrivé aux abords du village le régiment « que j’ai rejoint » entend nos 75, il reprend courage.

Nous maintenons nos positions en avant de Montreuil-aux-Lions l’avance est stoppée.

Juin-juillet 1918

Début juin, nous sommes relevés pour aller prendre du repos ; le régiment se reforme grâce aux renforts venus de la classe 18. Une fois réorganisé, le régiment gagne la Champagne et monte en ligne dans le secteur de Perthes, au Trou Bricot (au nord-est de Suippes).

Le Trou Bricot n’est pas un trou, mais un petit mamelon où se trouve isolé d’un autre groupe lui-même isolé, tout le secteur de la 4ème armée du Gal GOURAUD est ainsi disposé ; chaque groupe est défendu non par lui-même mais par son voisin.

La montée au Trou Bricot est un peu perturbée. Il nous faut, la nuit nous repérer à tâtons pour trouver aux croisements le « bon boyau ». Une fois, un pied déborde, celui d’un mort enterré là depuis quand ?...

Les journées passent à détailler le no man’s land, se « pouiller », écrire améliorer les environs du poste, mais aussi approfondir les boyaux d’accès à la 1ère ligne en creusant nous mettons à jour des restes de vêtements et un porte-monnaie avec de l’argent français.

Le jour nous occupons la 1ère ligne que nous abandonnons le soir pour nous replier en 2ème ligne ; au petit jour nous reprenons la 1ère, comme si nous faisions un coup de main. ces allées et venues de la 1ère à la 2ème ligne nous paraissent d’abord bizarres, mais des rumeurs d’une offensive allemande circulent le long des boyaux.

 

Nous voici dans la 1ère quinzaine de juillet ; pour la fête nationale la corvée de soupe de la nuit du 13 ramène la traditionnelle bouteille de champagne, le cigare et l’ordinaire amélioré. Ma compagnie la 7ème est en 2ème position ce qui permet de fêter le 14 juillet, la journée est calme nous n’entendons pas le canon cela nous surprend.

Comme nous sommes en 2ème ligne, l’adjudant commandant la section, dispose ses demi-sections à 20m de distance dans une entrée de sape, attendant ce qui va se passer.

C’est alors qu’à 11h30 du soir du 14 juillet le ciel s’embrase ; l’artillerie allemande se met à nous arroser d’obus de tous calibres et d’obus à gaz. « Alerte aux gaz », chacun met son « groin de cochon » que nous gardons jusqu’au matin.

Il est environ 6h, 15 juillet dans le ciel une fusée rouge, lancée par la première ligne indique la sortie de l’ennemi avec des chars. Aucunes de nos pièces d’artillerie n’ayant été touchée, leurs caissons étant intacts ; nos artilleurs arrosent l’ennemi à raison de 33 coups de 75 à la minute ; protégés par les grosses pièces de l’arrière ils stoppent l’avance allemande.

La 1ère ligne est abandonnée volontairement, les hommes se replient su une position moins avancée, protégés par les éléments de droite et de gauche : la ligne Maginot sera conçue dans ce sens, chaque groupe de combat défendant les autres.

 

Ma demi-section en position dans plusieurs trous d’obus est sur la défensive, pour moi mon fusil-mitrailleur pointé vers l’avant ; la bataille fait rage sur notre droite (3ème et 10ème chasseurs). Dans ses trous d’obus, ma section ne bouge pas ; l’ennemi a été stoppé. Les éléments de la 1ère ligne, repliés en avant de nous se maintiennent ; notre 2ème ligne est prête à les protéger si nouvelle attaque, il y a…

La journée se termine sans que l’avance allemande ne se réalise, notre front du 149 reste sur ses positions. La nuit est assez calme, les 75 arrosent nos anciennes 1ères lignes.

 

Au petit jour du 16 juillet, les coureurs de liaison apportent le communiqué établi par la QG de la 4ème armée : « soldats, régiments de la 4ème armée, vous avez gagné un grande bataille, l’ennemi devait défiler dans Châlons à midi et à cette heure là, il n’avait occupé que ce que vous lui aviez abandonné pour le recevoir sur vos positions nouvelles » : signé GOURAUD.

 

Le régiment est de nouveau cité pour la 4ème fois, ce qui lui vaut de porter la fourragère aux couleurs de la médaille militaire.

Les contre-attaques de l’ennemi se raréfient, il vient de connaître à sa droite les offensives de FOCH qui commencent à l’ébranler.

Le régiment se relaie bataillon par bataillon pour 6 jours de repos à Somme-Suippes.

Alors que nous nous trouvons à nouveau dans le secteur du Trou Bricot à environ une quinzaine de mètres sur notre droite, nous découvrons, entre les lignes un char allemand hors de combat et éventré. J’ai ramené 2 obus, les douilles une fois vidées de ces obus à shrapnells, me serviront pour envoyer mon tabac à pipe, à papa.

Le cuisinier du commandant du bataillon venu pour voir et photographier le char, nous a demandé à 4-5 de nous mettre devant pour la photo ; puis nous rejoignons notre élément de tranchée. J’aurais bien aimé avoir la photo, mais je n’ai plus revu ce camarade, il était du Loiret. (*)

Quand vient notre tour de monter en première ligne nous changeons de coin.

 

(*) : Dommage que la photo ne nous soit pas parvenue…

 

Un soir de corvée de soupe alors que nous arrivons aux roulantes, nous entendons un tir par obus à gaz dans le secteur occupé par notre section. Le cabot d’ordinaire nous recommande de mettre nos masques. Chargés comme des mulets nous reprenons le chemin des premières lignes.

En cours de route, nous croisons une compagnie du 3ème bataillon, arrêtée dans le boyau en attendant sans doute la fin du bombardement. Nous voilà sans encombre à la cagna.

Par précaution, l’adjudant nous conseille de nous laver à l’eau claire les parties sensibles pour éviter les brûlures.

 

Le lendemain, volontaire pour aller à la soupe dans l’après-midi, pour un ordinaire plus copieux, nous retraversons le boyau de la veille, des capotes toutes décolorées par l’ypérite y sont abandonnées : le bleu horizon est devenu vert.

 

Deux jours après, nous redescendons en 3ème ligne pour 4 jours dans le village de Perthes-lès-Hurlus, village rasé ; plus un pan de mur n’est debout. A proximité de la cagna se dresse encore un cerisier bien chargé ; un gars y grimpe ; je veux faire comme lui mais une rafale de mitrailleuse nous fait descendre en vitesse.

Au terme de 4 jours vites passés, nous remontons le soir en première ligne, relever les copains du 1er bataillon.

Dès la première soirée et 2 nuits durant, sur notre droite, par intermittence, dans le secteur de la 3ème section, des tirs de minenwerfer, viennent de l’ennemi ; cela nous laisse perplexe et nous rend inquiets. Le commandant de compagnie en réfère au chef de bataillon et lui demande un tir de représailles.

 

Trois jours passent sans incidents.

Août 1918

À l’aube du 4ème sur notre droite, tir de grenades à ailettes, nous apercevons des gars de la 3ème section se diriger vers les tranchées d’en face, les Allemands viennent de les faire prisonniers après un coup de main. Le reste de la section se replie vers nous en nous disant de nous sauver.

A l’extrémité de la tranchée mon fusil-mitrailleur pointé vers l’ennemi, j’hésite à franchir un élément de tranchée comblé, mais harcelé par les copains de derrière, je m’engage en vitesse pour reprendre le boyau conduisant vers la 6ème compagnie.

Hélas celui-ci est aussi comblé sur environ 2m, je m’arrête car nous entendons une mitrailleuse et les balles sifflent à nos oreilles. Mon premier pourvoyeur me pousse à poursuivre à découvert les 2m pour reprendre le boyau vers la 6ème compagnie.

D’un seul bond je franchis le remblai, je suis à l’abri ; lui veut faire autant hélas il tombe une balle dans la tête.

Par intervalle, le reste de la demi-section, parcourt ce mauvais passage et nous nous retrouvons avec les éléments de la 6ème compagnie qui préparent un barrage de sacs de terre.

Le restant de la matinée et l’après-midi se passent dans le calme.

 

Vers 6h du soir ce 3 août 18, nous rejoignons et reprenons nos positions abandonnées le matin.

La 1ère section en réserve avance par le boyau de communication, en lançant quelques grenades rien ne répond ; dans notre côté nous effectuons en toute tranquillité le chemin parcouru le matin.

Nous retrouvons tout ou presque tel que nous l’avons abandonné ; un peu de ravitaillement pour la journée avait été emporté par les Allemands de l’autre côté du part éclat, où ils avaient braqué leur mitrailleuse. Un ordre du commandant de compagnie nous dit d’abandonner cet élément de tranchée et de rejoindre le poste de la 1ère section un peu surélevé, d’où la vue sur l’ennemi est plus nette ; de là on distingue mieux le no man’s land.

 

Le lendemain soir nous sommes relevés pour un repos de quinze jours à l’est de Châlons-sur-Marne.

Nous quittons Somme-Suippes après la soupe de 5h du soir ; en route vers le repos, tout au long du chemin nous voyons des éclairs puis le tonnerre et vers 11h du soir la pluie nous arrose pendant des kilomètres.

Enfin nous arrivons au cantonnement après minuit. Nous nous changeons en vitesse et nous dormons sur la paille jusqu’à la sonnerie du réveil. Pas d’emploi du temps, nous sommes libres de nous reposer.

 

Le surlendemain c’est dimanche, beaucoup se rendent à la messe dans la superbe basilique de Notre Dame de l’Epine, je la visite avec des copains dans l’après-midi.

Ce séjour est vite terminé, les communiqués nous font savoir que sur tout le front, les Allemands reculent, nous pensons que bientôt ce sera notre tour d’attaquer.

Septembre 1918

Le 24 septembre, le 149 revient au Trou Bricot ; mais cette fois c’est lui qui va prendre l’offensive.

Quittant le cantonnement à 9h du soir nous montons pour les premières lignes, pendant notre marche nous sommes pris par un orage et arrivons trempés vers les 5h du matin, dans un petit bois à l’abri des vues de l’ennemi.

Le soir, nous prenons nos positions de premières lignes, l’adjudant commandant la section nous communique les instructions qu’il a reçues du chef de bataillon. Le 2ème bataillon mon unité, formera la première vague d’assaut ; ma compagnie la 7ème à l’extrême droite ; nous serons protégés par un feu roulant de 75 déblayant l’ennemi devant nous.

 

Le 25 au milieu de l’après-midi, corvée de soupe avec un ravitaillement de 48 heures.

Dans la soirée vers 10 heures, l’adjudant demande des volontaires pour couper les barbelés et établir des chicanes.

Personne ne se présente et s’adressant à moi :

« Alors Mercy ? »

Je lui réponds

« Si vous me commandez d’y aller, j’y vais ! »

« Et bien ! C’est entendu, dans un quart d’heure vous partirez. »

 

Ayant eu toutes les recommandations pour faire les passages, je demande deux camarades ; nous avançons sans bruit, coupons les barbelés avec des cisailles, préparons les chicanes ; de temps en temps une rafale de mitrailleuse nous fait courber et baisser la tête.

Le travail accompli nous rentrons et rendons compte à l’adjudant de l’exécution de l’opération.

 

A minuit 26 septembre, les canons qui s’étaient tus pendant plusieurs jours se mettent à cracher. Un orage de fer et de feu s’abat sur les lignes allemandes et leurs arrières.

Au matin à 5h25 l’attaque se déclenche et nous voilà en route, traversant les chicanes faites la nuit ; jusqu’à présent pas un coup de fusil. Cela se passe comme à la manœuvre, mon fusil-mitrailleur sous le bras en position de tir. Nous continuons notre progression et 2 heures après le début de l’offensive le premier objectif est atteint.

 

L’après-midi, nous continuons notre avance et vers 6h du soir le 3ème bataillon nous dépasse ; la tranchée de Postdam est atteinte.

Vers 9 heures du soir nous recevons l’ordre d’établir une corvée d’eau ; en effet la gorge desséchée par la poudre, les bidons vides « nous tendons la langue » ; pas de volontaire ; je me propose pour aller à la recherche d’un point d’eau.

A une douzaine, nous déambulons toute la nuit ; enfin au petit jour nous découvrons une pompe allemande à godet en bon état ; nous nous désaltérons, remplissons tous les bidons et repartons rejoindre notre unité.

Je retrouve l’élément de tranchée abandonnée la veille au soir. La section est repartie en avant, je reprends ma musette, ma boule de pain humide car il bruissait un peu, je traverse les positions prises, rencontre l’aumônier du régiment qui monte vers les premières lignes.

En cours de route nous croisons des prisonniers, j’en appelle un, lui donne ma boule de pain mouillée. Content il la cache sous sa capote.

La corvée d’eau arrive vers le lieu du combat, dépasse le 1er bataillon en réserve, pour rejoindre enfin le 2ème où je retrouve les copains ; nous distribuons les bidons ; chacun sirote l’eau rapportée.

 

Quatre prisonniers transportant un des leurs blessé, sont pris dans une rafale de mitrailleuse qui tire sur nous depuis Sainte Marie à Py ; un des porteur a le bras transpercé d’une balle lâchant le brancard il se met à hurler et se sauve ; nous le rattrapons il est pansé ; le bras en bandoulière, il reprend sa place comme brancardier pour aller vers l’arrière.

Octobre 1918

Après 4 jours de combat, le bataillon va un peu en retrait des anciennes lignes pour un repos de 24 heures.

Nous remontons ensuite toujours comme première vague d’assaut ; avec nos outils portatifs nous creusons un élément de tranchée où je pointe mon fusil-mitrailleur. Un sifflement, puis l’éclatement d’un obus derrière nous, mon 2ème pourvoyeur « un martiniquais » est blessé dans la région des reins. Nous le soignons grosso-modo attendant les brancardiers.

Un signe en avant d’un sous officier. En terrain découvert balayé par une mitrailleuse, il nous faut franchir d’un bon une centaine de mètres pour occuper un fossé protecteur.

A la tombée de la nuit, nous poursuivons notre marche et venons aboutir sur un petit piton qui domine un terrain vague.

 

Au matin, je crois que nous sommes le 3 octobre, précédé d’un tir roulant de 75 fumigène, nous progressons à travers le terrain ; puis brusquement les 75 allongent leur tir.

De ce fait leur brouillard ne nous protège plus, la visibilité augmente et nous arrivons devant une haie bordant une voie ferrée départementale (*). Je vois derrière cette haie des Allemands.

Je braque aussitôt mon fusil-mitrailleur dans leur direction, tire, vide mon chargeur. Sur ma droite, l’autre demi-section se lance à l’assaut ; en avant l’adjudant les entraîne. Des mitrailleuses nous tirent dessus. Je vois l’adjudant qui tombe. Une balle me passe devant le nez et vient toucher mon 1er pourvoyeur qui s’abat à genoux, frappé à mort. je tiraille toujours vers la haie, puis tout se calme.

 

(*) : Voie ferrée passant par Somme-Py et Ardeuil longeant le nord de l’actuel camp de Suippes et dont la trace est encore visible)

 

De chaque côté de moi, des corps bleus horizons allongés…

Je ressens un besoin pressant… derrière moi à 10m je vois un élément de tranchée ; d’un bond je le rejoins ; c’est une entrée de sape.

Avec mon revolver toujours pendu à mon poignet droit, je tire 2 balles dans la sape pour savoir s’il n’y a personne, au fond rien ne bouge. Je m’établis tant bien que mal ; j’avais laissé 10m plus haut mon fusil, pour être plus à l’aise.

 

Dans ma musette je cachais un revolver Parabellum allemand et une croix de fer : trophées récupérés le premier jour de l’attaque avec mon copain Auguste COTEL (il avait pris dans la cagna 2 croix de fer et moi 2 Parabellum, nous avions échangé 1 croix pour 1 revolver). Ce sont ces souvenirs que pendant les trois quarts de la journée, je dissimule craignant dans le cas d’un retour offensif de l’ennemi qu’il me prenne avec ces objets.

Vers 4 heures de l’après-midi, un bombardement très violent de chez nous est déclenché devant moi, au-delà du village d’Orfeuil situé derrière la haie ; j’entends des bruits de moteurs, je me dresse de mon trou et vois des chars Renaud se dirigeant vers le village. Un officier depuis sa tourelle ouverte me fait un signe ; il me dit qu’ils vont faire un tour dans le village et me renseignera au retour, je ne l’attends pas.

Je reprends mon fusil, endosse ma musette, puis me replie vers nos lignes de départ. Je dépasse des éléments du 1er bataillon à qui je demande des tuyaux sur le 2ème, je vais vers l’endroit indiqué en appelant ma Cie ; à ma gauche, j’entends une voix qui répond « encore un rescapé c’est le 33ème… ».

La très dure bataille d’Orfeuil du 3 au 5 octobre nous a couté des pertes sérieuses, de nombreux morts et beaucoup de blessés. Ma compagnie la 7ème, partie à l’attaque le 26 septembre au nombre d’un peu plus de 100 est réduite à l’effectif d’une section de 33 hommes. Pendant ces 10 jours de combats incessants ; le régiment fait plus de 700 prisonniers, prend 14 canons, plus de 200 mitrailleuses.

(Confirmé par la citation du 149e à l’ordre de l’armée n° 1445)

 

Relevé pour une pause, le régiment descend au camp de Châlons à Mourmelon-le-Petit. Je suis appelé comme beaucoup à partir en permission, cela fait 5 mois et demi que je n’y suis pas allé.

 

Le lendemain départ pour la gare… j’arrive à Lunéville vers 1h, pas de train pour Baccarat avant 7h du soir. je ne veux pas rester là à attendre : je traverse les voies, passe au-dessus d’une palissade gagne la route nationale espérant voir une auto ou un camion se diriger vers Baccarat.

Arrivé un peu avant Moncel j’entends un bruit de moteur, je fais signe au conducteur (c’est une camionnette du service des postes) il s’arrête, bonne aubaine il va à Baccarat mais aux casernes. Couché sur les sacs de poste, le trajet ne me paraît pas long. Carrefour de Sainte Catherine, je descends et remercie sincèrement mon chauffeur occasionnel.

A la Serre je trouve toute la famille ; Marie est alitée avec la grippe espagnole ; mais la fièvre diminue.

Je vais dire bonjour à tante Marie CHATEL sœur de papa et à ses enfants, évacués par les Allemands à travers la Suisse. au début de l’année 18 papa avait sollicité pour eux un logement vide.

À 6h je vais au devant de papa à la sortie de l’usine.

 

La soirée se passe à raconter l’attaque du 26 septembre et des jours suivants « nous avons priés beaucoup pour toi pendant ces jours là, m’a dit maman, et bien vous voyez le Bon Dieu vous a exaucé car moi aussi je l’ai fait ».

Une nouvelle fois, nous avons parlé de l’allocation que mes parents devraient « toucher » (nous étions deux mobilisés sur 6 enfants). La demande que papa avait déjà formulé à plusieurs reprises, lui était refusée par la commission des 3 membres (2 conseillers municipaux et le juge de paix).

 

Me trouvant au café avec mon oncle REBLINGER, celui-ci m’a présenté au juge de paix à qui j’ai exposé la situation. il a pu appuyer une nouvelle demande et mes parents ont enfin obtenus satisfaction ; mais à partir de novembre 1918.

Les 6 jours de perm passent vite et le 15 octobre, je reprends le chemin du front.

pendant ma permission j’ai reçu une lettre d’un copain qui, étant passé sergent, m’envoi ses galons de caporal pour que je les couse à ma capote. (Je suis nommé depuis le 10 octobre).

Je rejoins au régiment au-delà de Reims.

 

Le 27 et 28 octobre, le 149 réduit à l’effectif d’un bataillon est engagé dans les Ardennes pour les combats de Banogne et y subit des pertes sérieuses, il se retrouve avec beaucoup de blessés, mais a contribué au succès des opérations.

Novembre 1918

Quatre jours de repos et nous reprenons notre marche au nord de Reims et nous nous arrêtons au fort de Brimont pour passer la nuit. En flânant aux abords du fort nous voyons des camions de poilus d’un autre régiment qui brandissent un journal où il est mentionné en très grosses lettres : « l’ennemi demande un armistice ».

 

Après plusieurs jours de marche nous franchissons le ruisseau des Barres à la tranchée de Neptune devant la ligne Hunding. Là sifflent à nos oreilles les dernières balles ennemies, mais nous ne le saurons que le lendemain 11 novembre.

Nous arrivons à Remaucourt dans les Ardennes et nous nous apprêtons à faire un ultime effort.

De bonne heure tous équipés nous attendons, le départ devant les faisceaux ; mais un ordre du colonel fait rentrer la troupe dans les cantonnements. Il nous demande de dégager les routes environnantes encombrées de toutes sortes de véhicules démolis et brisés, d’enterrer les chevaux morts car il faut faciliter le passage des camions de ravitaillement en munition et nourriture.

 

Vers 11 heures ce même jour, c’était un lundi, le chef de section nous rassemble pour nous annoncer la fin des hostilités. son communiqué est accueilli par un hourra général ; nous sommes heureux et manifestons notre joie à grands cris, poignées de main embrassades.

Nous rejoignons notre cantonnement pour un repas bien maigre qui ressemble plus à une collation ; mais les visages sont détendus puisque le conflit a pris fin.

 

Le soir, le ravitaillement parvenu permet un repas relativement plus copieux. Le colonel donne des ordres pour fêter l’armistice. il invite à sa table les 6 civils qui se trouvaient encore dans le pays quand nous sommes arrivés.

Tous les artifices que nous avons dans nos musettes sont sortis, « ils devaient servir éventuellement lors de notre avance ». Nous allumons des feux de bengale, tirons des fusées rouges, vertes, éclairantes, à chenilles, alors que la musique défile ; à l’aide de tromblons nous envoyons des grenades en dehors du village.

 

Le 13 novembre, nous quittons Remaucourt. Prenant la route vers Mézières, nous franchissons le Meuse à Mohon sur une passerelle faite avec de gros bidons vides.

L’après-midi nous passons la frontière belge, « au bord de la forêt, je cueille quelques myrtilles rabougries ».

Le soir nous atteignons le village de Corbion qui nous accueille pour la nuit.

 

Le lendemain sous des arcs de triomphe « honneur à nos libérateurs » nous traversons Neufchâteau, Houffalize où nous cantonnons.

Notre avance dans ces contrées se fait comme à la manœuvre :

1er en tête 1 caporal (MERCY) et son escouade étant la pointe d’avant-garde.

2ème à 500m derrière le restant de la compagnie formant l’avant-garde.

3ème à 2km le gros du régiment.

4ème à 500m une arrière garde avec tout le train de combat, roulante et voiture de compagnie.

 

Cette disposition est adoptée en vue d’une éventuelle rencontre avec des ennemis isolés. A la grande halte, le gros de la troupe se protège en avant et sur ses flancs, c’est ainsi que l’arrière garde fait un prisonnier camouflé dans une grange et dénoncé par les habitants. Le reste de la journée se passe normalement ainsi que les jours suivants.

 

C’est à Houffalize, lors de la présentation de la compagnie que le colonel s’arrête devant moi et mon voisin le caporal COTEL ; il nous demande notre âge, depuis quand nous sommes dans le régiment, si nous avons été blessés ; à quelles actions nous avons participé ; si nous avons été cités…

A cette dernière demande nous répondons par la négative en lui précisant que le lieutenant commandant le peloton nous avait laissé entrevoir une récompense ; mais il avait été tué fin octobre.

 

Le lendemain est lu au rapport, la citation n°67 à l’ordre du régiment en date du 5-12-18, nous attribuant la Croix de Guerre avec étoile.

« Excellent gradé a été un bel exemple pour ses hommes qu’il a vaillamment entrainé à l’assaut des positions ennemies fortement défendues, pendant les opérations de 26 septembre au 5 octobre 1918 ».

 

Quelques jours après, nous reprenons la route traversant Bastogne et pénétrons au Luxembourg à Ufflingen (Trois Vierges) ce sera notre cantonnement définitif.

Tous les 4 jours la Cie est de garde sous les ordres d’un officier : deux postes aux issues, une à la gare et le reste au centre ville.

Cela dure jusqu’à Noël, puis on relâche la garde. Avec mon escouade je loge chez une veuve et ses deux fils, nous couchons dans une chambre sur de la paille.

Pour Noël elle confectionne des gâteaux, nous partageons notre ravitaillement pour fêter noël ensemble c’est le 1er noël depuis 1914 sans entendre le canon.

Janvier 1919

Le 1er de l’an 1919 nous nous souhaitons une bonne année que cette guerre soit la dernière. Le colonel rassemble le régiment, nous présente ses vœux de bonheur et souhaite pour chacun un prompt retour dans sa famille.

Il nous fait part également que le régiment a obtenu une 5ème citation ; il aurait aimé conduire le 149 pour une 6ème ; et avoir la fourragère rouge, mais la guerre est finie et cela vaut beaucoup mieux.

 

Le mois de janvier 19 se passe vite.

Pendant 4 jours je remplace le caporal d’ordinaire appelé à la brigade pour servir de témoin dans une affaire de soi disant trahison, qui s’est bien passé pour le coupable. Un jour nous découvrons avec les caporaux des 5ème et 6ème Cies une réserve de 6 cuves de choucroute emmagasinées dans un cellier ; nous en faisons profiter nos compagnies.

Mais dès le lendemain, la réserve est dévoilée et le cellier cadenassé.

Entre temps ma section commandée par un lieutenant est descendue à Wiltz, vingt kilomètres de Trois Vierges, pour réquisitionner une entreprise de traitement de peau de bétail, qui soit disant, était une fabrique allemande. Nous y séjournons une dizaine de jours, le temps de remplir des formalités et de remettre entre les autorités luxembourgeoises toute l’usine. Nous en avons profité pour la visiter et voir la fabrication du cuir.

Au courrier une lettre de maman, m’annonçant le retour de captivité de mon frère Charles.

 

Fin janvier convoqué au bureau de la Cie pour une permission, je ne me fais pas prier et en gare de Trois Vierges le soir nous démarrons une bonne compagnie en direction : pour moi via Metz, Nancy, Baccarat, arrivé à 8h30 du soir.

Joie d’être réunie tous ensembles en famille. Pendant 10 jours autour de la table tout le monde est joyeux.

Quand, un matin, allant dire bonjour à mon oncle REPLINGER et à sa Marie HIRLET sa fille, à Deneuvre, j’entendis une musique qui ne m’était pas inconnue, c’était le 149 qui défilait dans Baccarat venant de Raon-l’Etape et se rendant à Merviller pour cantonner. Ma permission terminée je rejoins le 149 à Raon-l’Etape dans les casernes du 21ème Chasseurs à pied.

Là nous étions employés pour encadrer 1 bataillon de prisonniers russes libérés par les Allemands en vue de reboucher les tranchées et récupérer les fils barbelés.

Février- 1919

Ayant trouvé une bicyclette d’occasion, je suis revenu pour le mariage de Charles en février.

En mars je fus détaché avec des caporaux et des soldats pour suivre un peloton de sous officiers et caporaux à Baccarat caserne Haxo du 20ème bataillon de Chasseurs à Pied.

Cela dura jusque fin mai ou nous avons embarqué pour Strasbourg.

 

Après un défilé dans la ville, ma Cie fut dirigé sur Lingolsheim ; les journées se passaient à faire de la gymnastique et travaux d’aménagement, les après-midi nous pouvions avoir des permissions pour aller visiter la ville distant de 6km, des trams nous conduisaient en ville. J’en ai profité plusieurs fois pour aller visiter la cathédrale et sa fameuse horloge astronomique sur les coups de midi.

 

La compagnie s’est déplacée pour aller dans un petit patelin situé à 4km de Lingolsheim ; le temps passe si vite et nous voilà en juillet.

 

14 juillet, tous les éléments de troupe cantonnés dans la grande banlieue sont alertés pour une grande revue et un défilé grandiose dans Strasbourg. Pour moi hélas je n’ai pu y participer, désigné avec une quinzaine de poilus pour prendre la garde dans le pays.

Le retour des camarades était attendu pour avoir les échos de ce défilé. Grandiose fut-il les alsaciennes coiffées de leur papillon ont couvert de fleurs les troupes qui y ont participé. L’ordinaire était amélioré avec la traditionnelle bouteille de champagne et le cigare.

Le régiment s’est déplacé une journée vers le Rhin pour y tremper ses fanions dans le fleuve, à proximité du pont de Kehl.

 

Fin juillet, il réintégrait son casernement à Épinal ; le jour de l’embarquement le Colonel a remis la croix de guerre à 5 camarades et à moi-même.

Ensuite nous montons dans les wagons, en route pour Épinal via Saverne, Lunéville, Blainville, et nous arrivons à 6h du soir, débarquement sans tambours, ni trompettes direction caserne Courcy.

Les chambrées étaient prêtes avec lits, sacs de couchage et couvertures. Nous étions début août et au rapport de 10h lecture d’un programme concernant le défilé de retour du 149ème RI pour le lendemain dans les grandes artères de la ville d’Épinal.

 

Réveil de bonne heure astiquage des pieds à la tête en vue du défilé. Le rassemblement sonné ; en route pour la gare ; distribution par des jeunes filles de bouquets de fleurs à fixer au bout du canon du fusil.

Le lieutenant porte-drapeau ainsi que sa garde étaient couverts de fleurs ; tous les officiers avaient un bouquet qu’ils tenaient de la main gauche.

Départ du son de son refrain et d’une marche militaire, nous défilons dans les rue de la ville ; tout au long du parcours, de nombreuses personnes nous ont donnés : paquets de cigarettes, friandises, fleurs, cigares.

Pendant plus d’une heure nous avons cadencé dans la ville et sommes remontés dans la caserne Courcy.

 

Cela faisait 5 ans que le 149 avait quitté son casernement pour courir vers la frontière où après son baptême du feu, les premières escarmouches l’ont conduit vers Sainte-Marie-aux-Mines ; hélas il dut battre en retraite et contint l’ennemi au col du Hantz et de la Chipotte.

FOCH réclamant le 21ème corps d’armée ; c’est dans les marais de Saint Gond que le 149 décrocha sa 1ère citation à l’ordre de l’armée.

De retour dans sa caserne, il fut gâté, si on peut dire, car la ville d’Épinal avait organisé, en accord avec l’état-major du régiment, un ordinaire du tonnerre.

Des permissions furent accordées à tous ceux qui voulaient revoir leur pays, dont beaucoup de Vosgiens et départements limitrophes. Ne sachant pas encore quand je serais libéré, je demande une perm de 24h pour filer à Baccarat.

Arrivé à la maison le soir, je relate le retour du régiment à la caserne Courcy, après un défilé dans les rues d’Épinal ; après 24 heures de repos en famille, je rejoins mon casernement.

Nos journées passent à faire l’école du soldat aux jeunes recrues venues d’Alsace Lorraine.

 

Après la 20 août dans une note lue au rapport de 10h les classes 10-11-12-13 sont convoquées pour démobilisation d’autre part, les classes 14-15-16-17-18 et les précédentes, dont les localités ont été envahies, bénéficieront de trois années de remise ; cela me ramenait à faire partie de la classe 13.

Entre temps, un dimanche soir et pour une journée je suis désigné avec 10 hommes pour me rendre en ville à la prison d’Épinal et relever l’équipe qui s’y trouvait depuis 24 heures. Après la reprise des consignes ; visite des locaux avec le garde chiourme et mon prédécesseur ; nous nous installons dans cette prison pour une journée.

Dans cette enceinte il y avait d’un côté un bâtiment pour hommes (une trentaine de prisonniers) de l’autre côté un bâtiment femmes (une quinzaine de détenues).

Une journée sans voir le jour et à se trimbaler dans les couloirs. Seul les hommes de corvée de soupe soir et matin pouvaient respirer l’air du dehors ; aussi j’avais hâte et aspirait à la relève.

La soirée et le lendemain ont passés en distraction, parties de cartes et lecture.

 

Enfin le lundi soir une nouvelle équipe est venue nous remplacer et nous libérer.

 

Ces 24 heures passées en prison, me font dire qu’après avoir passé 53 mois au service de la France sans punition, j’ai été en prison une journée, 15 jours avant ma démobilisation.

J’attendais tous les jours au rapport l’appel de mon nom.

 

Enfin le 3 septembre j’étais convoqué à me présenter dès le 4 au matin pour remplir les formalités demandées, changer mes effets militaires pour endosser le costume « Abrami » ce qui m’a tenu à la caserne jusqu’à 5h du soir.

Enfin après avoir trinqué un dernier quart de vin avec les copains, je les ai salués, poignées de mains et embrassades pour certains. Adieu Courcy pour la gare d’Épinal ou je n’ai pu avoir un train pas avant 6h du soir.

 

Après deux changements de train Blainville et Lunéville je débarque à Baccarat, non plus en militaire mais en civil et c’est tout juste si la famille m’a reconnu tant le complet que j’avais touché, pantalon, vareuse, casquette, m’affublait comme un mendiant. Double embrassade à tous, la guerre est finie, la paix est signée.

J’allais prendre 24 heures de repos et après les formalités que je devais remplir en mairie, reprendre le boulot et la vie familiale, car mes 53 mois de campagne au service de la France ont vieillis papa et maman, surtout elle qui a tremblé pour moi, mais que sa prière avec toute la famille a été exaucée puisque je suis revenu indemne.

Merci mon Dieu. Merci aussi à Notre Dame de Lourdes « qui m’avait protégé pendant mes mois passés au front ».

 

Que j’ai prié en 1913 lors du pèlerinage accompli avec le groupe de l’abbé Leclerc vicaire, avait sollicité d’emmener avec lui ; nous fûmes 9 au départ de ce pèlerinage : Abbé LECLERC, Victor RENAUD, Emile HENTZ, Lucien GRENERET, Louis LEBAY, Charles et Edmond DUVIC neveux du curé de Baccarat, Paul THOUVENOT et moi.

Pèlerinage qui fut priant, gai malgré tout. Mais hélas, 1914 le conflit, la guerre et de tous ces amis pèlerins qui ont fait la campagne 14-18 : six sont retournés vers le Père et vers Notre Dame : « Abbé LECLERC, Lucien GRENERET, Louis LEBAY, Paul THOUVENOT et les deux neveux de l’abbé DUVIC » Victor RENAUD blessé n’est jamais retourné sur le front comme père de 5 enfants, Emile HENTZ blessé n’est plus retourné au front étant réfractaire alsacien. Quant à moi le plus jeune je n’ai rien eu et en suis revenu sans aucunes égratignures et j’en remercie Notre Dame de Lourdes.

 

En Résumé

 

Parti le dimanche 11 avril 1915 à 2h de l’après-midi

Démobilisé le jeudi 4 septembre 1919 soit 1607 jours

J’ai donc passé 52 mois et 24 jours au service de la France

7 mois à apprendre le métier des armes

36 mois en campagne de l’Artois, Somme, Aisne, Chemin des Dames, Champagne, Vosges, Alsace.

24 mois de front

56 jours de permission dans mes 52 mois sous les drapeaux.

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