Édouard MEUNIER (classe 1912) 1er régiment d’artillerie de campagne

2ème canonnier-servant,

puis agent de liaison artillerie-infanterie, puis téléphoniste, puis terrassier, puis radio-téléphoniste…

 

Publication : mars 2023

Mise à jour : novembre 2023

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États de service

Incorporé le 9 octobre 1913 au 7ème génie à Avignon comme sapeur-auxiliaire.

Nommé secrétaire du colonel directeur du génie de Marseille le 4 novembre 1913 (en subsistance au 141ème d’infanterie).

Nommé chimiste militaire à la pyrotechnie de Bourges le 28 février 1914 (classé au 1er régiment d’artillerie de campagne).

Versé dans le service armé par décision du conseil de réforme de la 8ème région le 10 juillet 1915.

Relevé de la pyrotechnie de Bourges le 2 mai 1916 et versé au dépôt du 1er d’artillerie pour y faire mes classes de servant.

Campagne du 8 juillet 1916 au 11 novembre 1918.

Démobilisé le 19 août 1919.

 

Merci à Philippe S. pour la saisie de tout le carnet, la vérification du récit et le temps passé sur certaines recherches.

Nous avons ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.

Tous les récits d’artilleur, comme celui d’Édouard MENIER, utilise des termes propres à l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ", " échelon ", " pièce ", " avant-train " , pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.

 

 

Sommaire

 

CHAPITRE I : À Verdun - 1916

CHAPITRE II : Sur les Hauts-de-Meuse – À l’hôpital - 1916

CHAPITRE III : Dans la Somme - 1916

CHAPITRE IV Dans l’Argonne : Le-Four-de-Paris – 1917

CHAPITRE V : L’attaque du 17 avril 1917 au Mont Cornillet

CHAPITRE VI : Au Fort de Tavannes  1917

CHAPITRE VII : Devant Ville-sur-Tourbe -  1917

CHAPITRE VIII : Le secteur de Maisons-de-Champagne  -  Main de Massiges - 1917

CHAPITRE IX : Sur la Vesle 1918 –suite-

CHAPITRE X : De la Vesle à la Suippe - De la Suippe à l’Aisne et de l’Aisne … à la victoire !

CHAPITRE XI : Pendant l’armistice -1918

 

 

Début du récit

 

CHAPITRE I : À Verdun - 1916

Juillet 1916 :

6 juillet (jeudi)

Étant de garde aux poudrières de Bourges, je suis désigné pour partir en renfort à la 16ème division. Je passe immédiatement la visite de départ et suis reconnu apte à faire campagne.

7 juillet

On m’habille et on m’équipe à neuf.

Le soir, petite noce en l’honneur de mon départ, offerte par les amis de la Pyro.

8 juillet

Le renfort comprend 24 hommes et 33 chevaux.

Nous embarquons à la gare de Bourges à 10 heures du matin. Traversons Sancerre, Cosne, Clamecy, etc.

Arrivée à Laroche à 7 heures du soir. (*)

Y passons une partie de la nuit. Je prends la garde d’écurie. Le voyage a été mouvementé par suite de l’état d’ébriété de la plupart des voyageurs.

 

(*) : Gare de Laroche-Migennes

9 juillet D

Je reste encore garde d’écurie toute la journée.

Nous passons à Châtillon-sur-Seine et arrivons à Bologne (Haute-Marne) à 9 heures du matin. Y passons la journée sans incidents. Repartons à 15 heures et arrivons enfin à Mussey (Meuse) entre Revigny et Bar-le-Duc. Nous y débarquons et y passons la nuit dans une grange.

10 juillet

Matinée passée à Mussey.

Nous en repartons à 15 heures pour rejoindre le 1er artillerie qui se trouve actuellement au repos à Levoncourt, près de La Vallée. (*)

Scènes comiques avant le départ par suite des manies bizarres du major de cantonnement.

Je fais une chute de cheval, peu grave heureusement, et suis réduit à faire 25 k m à pied en tirant mon cheval par la bride. Comme la chaleur est torride et les chemins boueux, nous arrivons complètement éreintés à Levoncourt à 10 heures du soir.

Je suis affecté à la 6ème batterie et provisoirement à la 8ème pièce (échelon de combat-chariot de batterie).

Nous passons la nuit cantonnés dans une grange, après un fort maigre souper. J’ai fait la rencontre à Levoncourt de mes anciens collègues de la Pyro.

 

(*) : Lavallée

11 juillet

Réveil à 3 heures du matin.

Nous partons à 6h ½ direction Verdun nous dit-on (fort de Tavannes). Nous traversons Pierrefite, etc. et faisons 50 km dans notre journée. J’ai fait toute l’étape sur le chariot de la batterie. Temps médiocre.

Nous cantonnons le soir dans le bois de Senoncourt, à 13 km de Verdun et y passons la nuit. La canonnade se rapproche. Toute la journée nous avons croisé de nombreuses troupes et convois de ravitaillement.

12 juillet

Passons la journée dans le bois. Corvées de toutes sortes.

À 14 heures le capitaine BROCHAND, commandant la 6ème batterie, nous passe une revue d’effets de drap et de masques contre les gaz asphyxiants. Nous couchons sous la tente.

13 juillet

Violent orage pendant la nuit. Passons encore la journée dans le bois de Senoncourt.

Le bombardement n’a pas cessé pendant la nuit et une partie du jour. Vu passer des convois de prisonniers allemands, pris au nord de Verdun. Ils ont tous l’air jeunes et très fatigués.

Nous passons notre journée au pansage (*) et aux corvées. On m’affecte à la 6ème pièce.

 

(*) : Brossage des chevaux…

14 juillet

Même cantonnement.

Devons, parait-il, partir demain soir pour Verdun. Prends la garde du parc. En l’honneur de la fête nationale, distribution de cigares, eau-de-vie, confitures, champagne et biscuits.

Toute la soirée et toute la nuit suivante, pluie torrentielle, en même temps qu’un bombardement continu et extrêmement violent. Il parait que les Boches auraient pris pied dans le fort de Souville.

15 juillet

On me nomme cycliste de la batterie. Journée monotone passée en corvée et à patauger dans la boue.

Nous partons à 18 heures pour Verdun. Je monte sur un caisson de la 6ème pièce. (*)

Les chemins sont défoncés et boueux ; nous croisons une grande quantité de troupes, de voitures etc. Nombreux avions et saucisses. La canonnade est toujours extrêmement violente et se rapproche. Nous traversons la Meuse à la tombée de la nuit, après avoir passé par Ancemont, Dieue et Haudainville. Beaucoup d’arrêts en route, à cause de l’encombrement des chemins.

Nous arrivons enfin à 11 heures du soir dans une sorte de pré, où il y a plus de boue que d’herbe. L’échelon y forme parc et nous y passons la nuit, couchés simplement par terre, dans la boue. On m’a déjà relevé de mon emploi de cycliste pour me reverser à la 6ème pièce. Notre échelon campe sur la rive droite de la Meuse, entre le canal et la route d’Haudainville, près du Four à Chaux.

Les pièces de tir vont se mettre en batterie dans la nuit à 2,5 km de là, entre le fort de Souville et les casernes Chevert, derrière la route de Verdun à Etain. La position de batterie se trouve dans un petit ravin. La 6ème batterie y est mélangée à des pièces du 48ème artillerie et a relevé le 37ème artillerie. (**)

J’ai beaucoup souffert de la soif dans la journée.

 

(*) : Certains caissons sont équipés de sièges.

(**) : Exact : Le JMO indique que la 6ème batterie du 1er régiment d’artillerie de campagne relève la 12ème batterie du 37ème régiment d’artillerie de campagne.

 

16 juillet D

Dans la journée, corvées diverses à l’échelon et construction d’abris. Forte pluie dans la soirée. De plus en plus de boue. Journée et nuit assez calmes sur le front. Je commence à souffrir d’une diarrhée assez forte.

17 juillet

Nous nous sommes installés une petite cagna. Réveil à 4 heures.

Nous passons la matinée à charger d’obus neuf caissons, au milieu de la boue. Je recommence le soir le même travail. Nous avons chargé plus de 3000 obus dans notre journée et je suis complètement éreinté. Nous partons à 8 heures du soir pour ravitailler les pièces. Nous faisons 4 voyages et portons 32 caissons. Violente attaque allemande au cours de la nuit, au moment où je suis sur la position.

La 6ème batterie fait barrage. La 3ème pièce éclate, sans mal pour les servants. En revenant à l’échelon, nous sommes bombardés sur la route. C’est le baptême du feu pour moi et quelques autres. Impression assez vive.

18 juillet

Je rentre à l’échelon à 5 heures du matin, ne tenant plus debout. Journée de repos réparatrice.

Aujourd’hui, première lettre d’Annonay.

19 juillet

Journée d’inaction.

Je suis malade, ma diarrhée étant tenace.

Beau temps : les avions et les saucisses sortent en nombre.

Dans l’après-midi, les boches bombardent l’échelon avec de grosses pièces. Pas de dégâts, du moins pour notre groupe. Je passe une partie de l’après-midi à la chasse aux poux qui ont fait leur apparition. Sur le soir, à la position, le bombardement reprend avec violence. Des avions boches nous survolent. La 5ème batterie, à côté de nous, est repérée et subit des pertes. À neuf heures du soir, nous montons ravitailler. Le vacarme est assourdissant. Des obus tombent tout autour de nous. Toute la région est ainsi battue par les Boches qui bombardent jusqu’à Haudainville. Je rentre à l’échelon à onze heures du soir.

 

(*) : La 6ème batterie fait partie du 2ème groupe (d’artillerie) du 1er régiment d’artillerie de campagne, qui compte trois groupes affectés à la 16ème division d’infanterie.

20 juillet

Journée magnifique.

La bataille, qui a duré toute la nuit autour de Verdun, se calme, puis cesse tout à fait.

Le 1er groupe artillerie d’Afrique (Oran) vient camper à côté de nous. Nous passons la journée à creuser une sape, et le soir allons à la carrière du Four à Chaux (dépôt de munitions) charger dix caissons d’obus.

21 juillet

Réveil à 3 heures du matin.

Un camarade et moi, nous partons avec des outils au poste du chef d’escadron commandant le 2ème groupe, en avant des casernes Chevert et vers la batterie de l’hôpital. Nous devons y construire une sape. Nous sommes bombardés sans répit pendant la matinée par des 150 et des 210.

Je manque trois fois d’être tué. Les obus éclatent à quelques mètres de nous et il n’y a point d’abris. Une fois entre autres, je n’ai que le temps de me coucher par terre et suis couvert de terre et de cailloux, l’obus ayant éclaté à 2 mètres.

 

Le soir, même séance. De l’avis du Cdt BRAYER, il n’est point tombé moins d’un millier d’obus de 150 ou de 210 dans le petit ravin où se trouve le poste. Quittons cet enfer avec satisfaction, en nous promettant d’être plus prudents le lendemain.

 

(*) : commandant BRAYER cité plus loin

22 juillet

Nous recommençons aujourd’hui le même travail. Le combat ne s’est pas calmé mais le champ de tir boche s’est un peu déplacé, et nous travaillons assez tranquillement entre deux feux. Sur le soir, vers 8 ou 9 heures, les Boches bombardent l’échelon avec des 210. Pas de mal, mais fuite éperdue à travers la campagne.

23 juillet D

Toujours même travail à la sape du commandant.

Journée calme à part quelques obus ou éclats qui sifflent à nos oreilles. Je reçois pourtant un éclat dans ma capote. Par une veine insensée, je ne suis pas autrement atteint.

 

À midi, nous faisons, mon camarade et moi, près des premières lignes, un festin pantagruélique (biftecks, frites, chocolat, confitures, sardines, pinard café et gniolle).

 

Le soir, au retour de la corvée, nous nous procurons un paquet de 500 journaux, oublié par son propriétaire. En faisons un commerce fructueux, bien qu’illicite.

24 juillet

Rien à signaler. Journée calme, du moins pour moi. Même travail.

Vers le soir, la 6ème batterie est repérée bombardée, mais sans mal.

25 juillet

Idem. Il y a pourtant de l’orage dans l’air. Je manque d’être tué par mon imprudence. M’étant trop écarté du petit trou que nous avons fait, un obus éclate à 10 mètres de moi. En suis quitte pour recevoir quelques cailloux au travers du corps.

Toute la journée, grosse chaleur. Je souffre beaucoup de la soif et ma diarrhée ne s’apaise pas.

26 juillet

Matinée calme et heureuse.

Nous parvenons à tirer au flanc et à nous échapper dans un petit bois, où nous faisons une bonne sieste, suivie d’un nouveau repas pantagruélique.

 

Le soir, redescendons pour la dernière fois au poste du commandant. Séance peu ordinaire. Nous passons une drôle d’après-midi. Bombardement incessant d’obus de tous calibres dans le petit ravin. C’est pire qu’au 21 juillet.

Cette fois il y a du mal. Nombreux tués et blessés, entre-autres plusieurs de mes compagnons de renfort. Je suis renversé par un 210 qui tombe à 3 mètres (ma pipe part d’un côté et moi de l’autre). Les deux ne sont pas cassés. Par un vrai miracle, l’obus n’a pas éclaté et je reste vert de ma veine, en regagnant précipitamment mon trou.

Le bombardement se calme vert sept heures du soir, ce qui nous permet de rentrer sans encombre à l’échelon, bien heureux d’en avoir fini avec ce poste mouvementé.

27 juillet

Réveil à 3 heures du matin.

On me commande pour monter à la batterie de tir avec tout mon paquetage. De là, on me dirige sur les casernes Chevert, poste du chef d’escadron LEFÉBURE, adjoint au colonel LEQUIME qui commande le 1er artillerie. Je passe la matinée aux casernes, comme guetteur aux fusées et aux signaux morse. Je devrais y rester en permanence (c’est un bon filon), mais comme j’ignore le morse, et que de plus je suis myope, on me relève à midi, et je retourne à la 6ème batterie, toujours avec mon chargement complet.

La chaleur est accablante et je prends une séance de suée peu ordinaire. Le bombardement boche ne cesse pas, non plus que le nôtre.

 

En arrivant à la 6ème batterie, le capitaine BROCHAND me fait une réception orageuse et malpolie et m’affecte comme servant à la 2ème pièce de tir. Je reste debout toute l’après-midi, la nuit et la journée suivante, aussi je suis éreinté. Violente lutte d’artillerie toute la soirée et toute la nuit.

Les Boches nous envoient quelques obus lacrymogènes.

28 juillet

Rien à signaler, sauf la grosse chaleur, les poux et les mouches. Calme plat. On parle de notre prochaine relève.

29 juillet

Rien à signaler. Chaleur accablante. Nombreux insectes.

30 juillet D

Pendant la matinée, Les Boches cherchent à régler leur tir sur la batterie (deux cents 150 dans un secteur de 100m sur 200). Le bombardement se calme vers midi. Chaleur étouffante. On nous annonce la relève pour demain soir.

Dans l’après-midi, le bombardement reprends avec une extrême violence. Nous nous terrons dans les embryons de sapes faits ces jours derniers.

À la tombée de la nuit, les Boches envoient des gaz asphyxiants et des lacrymogènes. Nous mettons nos masques. Deux hommes sont blessés à la 1ère pièce, et j’y passe comme servant, pour les remplacer.

Passons la nuit à faire des tirs de barrage (400 obus par pièce) les Boches prononçant une forte attaque sur Fleury.

31 juillet

Journée assez calme, sauf à la tombée de la nuit, où les Boches nous bombardent énergiquement. Nous sommes relevés à minuit par le 51ème artillerie, et nous descendons à l’échelon. Nous avons tiré à Verdun 20 000 obus en 16 jours. 2 pièces ont éclaté, 2 blessés seulement pour la 6ème. Mais aux 4ème et 5ème batteries plus de 20 hommes ou officiers tués ou blessés.

 

CHAPITRE II : Sur les Hauts-de-Meuse – À l’hôpital - 1916

1er août

Nous quittons l’échelon d’Haudainville à 3 heures du matin et arrivons à 8 heures dans le bois de Senoncourt. Nous y passons la journée et la nuit suivante.

2 août

Départ à 6 h. du matin direction Courcelles-sur-Aire.

Nous traversons Senoncourt, Souilly, St-André, Rembercourt, etc. Grosse chaleur et beaucoup de poussière. Arrivée à Courcelles à 11 h. du matin.

Le village est à moitié en ruines, mais accueillant quand même, surtout quand on descend de Verdun. Nous y trouvons : vin, bière, lait, conserves, fromage, etc. Assez bon cantonnement dans une grange.

Je puis enfin changer de linge. C’est la première fois depuis mon départ de Bourges (26 jours). Vais aussi prendre un bain réparateur dans la petite rivière de l’Aire.

3 août

Courcelles est à 34km de Verdun et à 27km de Bar-le-Duc. Nous passons une excellente nuit dans la grange. Nous employons la journée à nettoyer le matériel, à nous reposer et à faire bombance. C’est plus gai qu’à Verdun.

4 août

Journée sans incident. Je suis de garde. Nombreuses luttes insecticides.

5 août

Journée tranquille. On nous annonce que notre repos a pris fin et que nous devrons repartir cette nuit pour les Éparges.

6 août D

Nous partons samedi soir à 11 heures ½. Je marche avec la 1ère pièce. Nuit très fraiche. Je tombe de sommeil, car c’est ma troisième nuit de veille.

Nous traversons Rembercourt, Souilly etc et arrivons aux Monthairons à 6 heures du matin. Nous y cantonnons dans une grange.

7 août

Journée calme. Grosse chaleur. Je souffre de coliques violentes et de pertes de sang. Nous partons à 18 heures pour les Éparges. Je suis affecté comme servant à la 4ème pièce. Nous traversons Ancemont et Sommedieue et arrivons à la position de batterie à 9 heures du soir.

Elle se trouve en pleine forêt de Sommedieue (bois des Devises), non loin de la crête des Éparges, près du carrefour de Bernatant.

Nous relevons le 2ème artillerie, de Grenoble. Les abris sont très solides et très confortables (chambres à coucher, réfectoire, salle de lecture, balançoire, barre fixe, etc). Nous y passons une nuit excellente.

 

 

 

Foret de Sommedieue

8 août

Journée heureuse, sans incident. Poux et puces en abondance : c’est le revers de la médaille.

9 août

La tranquillité règne. Faisons un peu de terrassement dans la journée. La nuit, je prends la garde au téléphone.

10 août

Une mauvaise histoire, qui aurait pu mal tourner, m’arrive pendant la nuit. Je quitte ma faction à deux heures du matin, sur les conseils du brigadier téléphoniste, et sans que mon remplaçant soit arrivé. Le capitaine BROCHAND téléphone à ce moment, ne reçoit pas de réponse, m’envoie chercher et je suis accusé aussitôt d’abandon de poste et menacé du conseil de guerre.

Tout semble s’arranger heureusement et je passe la nuit et la journée suivante au téléphone.

11 août

Rien de nouveau. Pluie abondante.

Le capitaine me fait appeler à nouveau et me fait une nouvelle séance, craignant d’en avoir oublié la première fois.

12 août

Je me fais inscrire pour passer le concours d’élève-aspirant. Aujourd’hui grand nettoyage et à 15 heures, revue et remise de décorations par la colonel LEQUIME, commandant le 1er artillerie. À cette occasion, grand gala en fin de journée. Souper fin et concert par les meilleurs artistes de la batterie.

13 août D

Pluie toute la journée. Donc repos et manilles tout le long du jour.

14 août

Journée sans incident. Il parait que mon inscription est arrivée trop tard pour le concours d’élève-aspirant. Je suis de garde aux fusées. Pluie, pluie et pluie.

15 août

Repos complet. Nombreuses manilles.

16 août  

Rien à signaler, sauf encore et toujours la pluie et un léger bombardement boche sur la droite de la batterie.

17 et 18 août

Rien à signaler, à part la pluie et les poux.

19 août

Nous touchons un jeu d’effets neufs, et passons l’après-midi à attendre un général qui ne vient pas.

20 au 23 août

Rien à signaler.

24 août

Je souffre de maux de tête et de courbatures.

Dans l’après-midi, vers 14 heures, les Boches se mettent à nous bombarder avec du 210.Les éclats volent autour de nous. Nous nous jetons dans les abris. Le bombardement continue intermittent et très peu fourni, sans mal pour la batterie (une quinzaine d’obus en tout).

25 août

Les Boches recommencent de grand matin à nous bombarder. Séance de camouflage en grand. Je suis toujours un peu malade.

Dans la matinée, je vais laver du linge dans le ravin des Douzains (voir carte).

 

Le soir, je monte prendre la garde à l’observatoire O.C.3. qui est à 1500m de la batterie, au-delà de la tranchée de Calonne. L’observatoire est sur les bords des Hauts de Meuse et domine toute la Woëvre jusqu’à Metz et Mars-la-Tour.

26 août

Pluie torrentielle pendant la nuit.

Je prends la garde à l’observatoire. Je passe la journée à regarder les Boches et leurs campements, au moyen du périscope. Je souffre toujours de névralgies et de douleurs dans les articulations.

Je redescends à la batterie vers le soir.

27 août D

Toujours la pluie et la boue. Étant de garde aux fusées, je me fais eng…uirlander par le capitaine, pour ignorance de mes consignes.

Visite du colonel LEQUIME.

 

Le soir, noce fantastique, grâce à un ravitailleur débrouillard et complaisant (langouste, truites, vin vieux, cognac, marc, etc - Çi = 100 francs pour la pièce). Après le repas, je remonte encore pour 24 heures à O.C.3.

28 août

Violent orage et pluie persistante.

Apprenons dans l’après-midi l’entrée en guerre de la Roumanie. Les Boches la célèbrent en nous envoyant des 210.

29 août

Les Boches continuent à nous bombarder, mais d’une façon très supportable. Ils tirent rarement et très mal. Ce n’est plus Verdun.

Nouvelle visite du ravitailleur (un sapeur du 4ème génie) qui nous apporte cette fois des poules vivantes, du beurre, des œufs, des melons, des tomates, des fruits, etc, sans oublier des liquides de toutes sortes. O.C.3. De nouveau, forte noce.

Après quoi je remonte à O.C.3 dont j’ai peine à retrouver le chemin.

30 août

Vent violent qui déracine des arbres. L’un d’eux, en tombant, démolit notre cagna, vide heureusement.

Je passe la journée à observer les Boches.

31 août

Journée sans incident, passée à la batterie. Je remonte le soir à O.C.3., où je passe 24 heures, un jour non l’autre.

1er septembre

Je passe la journée à l’observatoire. Le temps est devenu très froid. Je descends dans la plaine de Woëvre pour chercher des prunes et faire une promenade dans les tranchées d’infanterie.

2 et 3 septembre

Rien à signaler.

4 septembre

Pluie.

Visite du général ROUQUEROL, Cdt la 16ème division. (*)

Il décore le colonel LEQUIME qui est nommé officier de la Légion d’Honneur et cité à l’ordre de l’armée pour la belle tenue de ses hommes à Verdun (comme si c’était sa faute !)

 

(*) : En vérité, il s’agit du général LE GALLAIS – comme l’indique le JMO 2ème groupe : il avait pris le commandement de la 16ème DI le 16 août.

 

5 septembre

Léger bombardement boche. En allant chercher des prunes dans la Woëvre, en terrain découvert, les Boches m’aperçoivent et brûlent en vain quelques cartouches sur moi.

6 – 7 septembre

Pluie et boue. Rien de particulier.

8 septembre

Agréable surprise.

Je suis nommé par intérim secrétaire du chef d’escadron BRAYER, Cdt le 2ème groupe, le titulaire étant évacué pour fièvre. Je suis mis en subsistance à la 4ème batterie et je prends possession de mon nouveau poste.

Excellente impression : bon gîte et bonne nourriture, peu de travail et beaucoup d’aises.

9 septembre

Je me mets au courant de mon nouveau travail. Le beau temps est revenu. Journée calme et heureuse.

10 septembre D

Rien à signaler. Calme et tranquillité.

11 septembre

Le calme continue. Temps gris et maussade. On me donne une bicyclette pour faire mes courses.

12 septembre

Rien à signaler

13 septembre

Temps pluvieux. Bruit de départ prochain. Nous serions relevés par la 43ème artillerie, descendrions quelques jours au repos près de Ligny-en-Barrois, puis remonterions à Verdun.

14 septembre

Il parait que nous partirons demain soir et irons à Fouchères près de Ligny-en-Barrois, à 100km d’ici.

15 septembre

Le secrétaire du commandant, déjà guéri, reprend son poste. Je devrai donc retourner à la 6ème batterie. Je pars cependant avec l’E.M. du groupe, sur la voiture téléphonique. Départ à 8 heures du soir.

 

Arrivons à minuit à l’échelon du 2ème groupe qui est à Sommedieue. J’ai la guigne de ne plus trouver ni sac, ni couverture, ni toile de tente. Or, il n’y a aucun abri et il fait très froid. Il gèle même.

Je passe la nuit à battre la semelle avec quelques camarades aussi mal partagés que moi.

16 septembre

Journée très dure.

Nous quittons Sommedieue à 6 heures du matin par une pluie battante, qui ne cessera pas de la journée. Je suis trempé jusqu’aux os. Nous traversons Dieue, Ancemont, Les Monthairons, Ravigny, Recourt, Courouvre et Pierrefite, et nous arrivons à Nicey à 16 heures. Y passons la nuit dans une grange.

Je rentre à la 6ème batterie, où je reprends mon poste de servant à la 4ème pièce.

17 septembre D

Départ de Nicey à 6 heures du matin. Temps médiocre et grand mal de tête. Nous traversons Levoncourt, Lavallée, Salmagne, Tronville, Velaines et Ligny-en-Barrois. Entre Ligny-en-Barrois et Fouchères.

 

Vers 16 heures, il m’arrive un grave accident. Un caisson chargé, celui de la 4ème pièce, me renverse et me passe sur les jambes. On me transporte tant bien que mal à Fouchères, où l’on arrive à 18 heures 30.

Là, je passe la nuit au presbytère. Mon pied gauche, que je crois écrasé, est enveloppé dans une gouttière. Mauvaise nuit. Je souffre beaucoup.

18 septembre

Mr JOUVRE, médecin-major du 2ème groupe, m’évacue sur Ligny-en-Barrois.

J’arrive à 15 heures à l’hôpital temporaire 28 (hôpital Saint-Charles). Visite du médecin-chef qui m’assure que ma blessure n’a rien de grave : simplement une forte foulure du pied gauche. Excellente impression au sujet de l’hôpital.

19 septembre

Journée passée au lit, la jambe gauche enveloppée dans une gouttière.

Je suis condamné à rester ainsi plusieurs semaines. Je ne souffre plus et m’ennuie déjà.

20 septembre

Mon traitement est très simple : repos absolu et deux massages quotidiens. Pour me désennuyer, je me fais apporter des livres et des provisions par les infirmières.

21-23 septembre

Rien à signaler. Continuation du traitement.

24 septembre D

Banquet au champagne, offert par les infirmières. On m’enlève ma gouttière.

25 septembre au 1er octobre

Rien à signaler.

2 octobre

Mon pied va beaucoup mieux et se désenfle brusquement en une nuit. Je me lève pour la première fois depuis mon accident et arrive à marcher sans le secours d’une canne.

3-11 octobre

Rien à signaler

12 octobre

En l’honneur de ma fête, les infirmières offrent le champagne.

13 au 31 octobre

Rien à signaler. Achèvement de la guérison et convalescence.

1er novembre

Jour de la Toussaint.

Nous allons au cimetière de Ligny assister à une cérémonie consacrée aux soldats morts au champ d’honneur.

2-3 novembre

Rien à signaler.

4 novembre

Fête de Saint Charles et de l’hôpital. Grand gala. On m’annonce mon départ pour mardi prochain.

5-6 novembre

Rien à signaler. Promenades dans Ligny.

7 novembre

Je quitte l’hôpital et pars en permission de convalescence de 7 jours pour Annonay.

Départ de Ligny à 5 H 30 du soir.

8 novembre

Je passe à Neufchâteau et à Is-sur-Tille (gare régulatrice)

9 novembre

Arrivée à Annonay à 9H du matin.

15 novembre

Je vais à Privas demander une prolongation de convalescence, qui m’est refusée.

 

CHAPITRE III :     Dans la Somme 1916

17 novembre

Départ d’Annonay à 5 heures du soir et direction de la gare régulatrice de Saint-Dizier.

Je passe la nuit à Lyon.

18 novembre

Voyage. Pluie et froid.

Nuit passée à Chaumont.

19 novembre D

J’arrive à Saint-Dizier à 9 heures du matin. Je fais une demande de prolongation de convalescence. Encore refusée.

Le soir, noce.

20 novembre

Nuit à l’hôtel. Journée à Saint-Dizier. Je suis équipé à neuf dans l’après-midi et je pars à 17h30 direction Neufchâteau.

Nous arrivons à Joinville à 7 heures du soir et y passons la nuit dans un cantonnement plein de poux. Il fait très froid.

21 novembre

Départ de Joinville à 5H09 du matin. À Gondrecourt, j’apprends du commissaire de gare que je ne dois pas aller à Neufchâteau, mais à Toul. J’arrive à Toul à 9h15.

Là, nouveau changement d’itinéraire. On me fait retourner à Neufchâteau. J’en repars à 14H22, direction Épinal.

Je passe la nuit dans cette dernière ville.

22 novembre

Départ d’Épinal à 9 heures. Arrivée à Bayon à midi. De Bayon, on m’envoie à Rosières-aux-Salines, à 18km de Nancy.

Là, j’apprends que la 6ème batterie du 1er (artillerie) est à Lupcourt, à 4km de là.

Je passe la nuit à Rosières, dans un cantonnement du 10ème d’infanterie.

23 novembre

Je pars de Rosières à 9 heures du matin avec le ravitaillement du 2ème groupe.

J’arrive à 13 heures à Lupcourt, où sont cantonnées les 6ème et 9ème batteries. Réception fraîche du capitaine BROCHAND. On m’affecte à la 6ème pièce et on me détache comme second secrétaire au bureau de la batterie.

Assez bon cantonnement dans une grange.

24 novembre

Forte gelée.

Nous touchons des effets d’hiver.

Le soir, revue. On nous annonce comme imminent notre départ pour la Somme. Depuis mon accident, c’est-à-dire deux mois, la 16ème division se trouvait au repos dans la région, et elle faisait des manœuvres au camp de Saffais (entre Nancy et Lunéville).

25 novembre

Pluie et boue.

Commençons à préparer nos paquetages.

26 novembre D

Gros rhume. Froid très vif.

Le départ est reculé de quelques jours.

27-28 novembre

Rien de nouveau

29 novembre

On annonce le départ pour demain. Derniers préparatifs.

Rhume et forte migraine.

30 novembre

La batterie doit embarquer ce soir à Ludres.

Je pars avant les autres à 10H30 en reconnaissance de train. Faisons 12km à pied.

Une fois à Ludres, deux avions boches nous survolent et nous inspectent longtemps, mais sans lancer de bombes. Ils sont chassés par des avions français. Nous préparons alors le train et les vivres d’embarquement. La batterie arrive et fait son embarquement en 45 minutes.

Nous partons à 7 heures du soir. Je suis de garde de police, installé confortablement dans un wagon de seconde. Passage à Nancy, Toul, Neufchâteau, etc.

1er décembre

Voyage.

Nous passons à Bar-le-Duc, Vitry-le-François, Châlons-sur-Marne, Épernay, Château-Thierry, Mareuil-sur-Ourcq, etc.

2 décembre

Passons encore à Creil, Clermont-sur-Oise et Beauvais.

Nous arrivons et débarquons à 7 heures du matin à Marseille-en-Beauvaisis. Le temps est très sec et très froid. Nous allons cantonner à Fontaine-Lavaganne, dans une étable.

3 décembre D

Journée passée à Fontaine-Lavaganne.

Pansage, corvées, nettoyages, et bons dîners arrosés copieusement.

4 décembre

Départ de Fontaine-Lavaganne à 9 heures.

Étape de 30km que je dois faire à pied, les caissons étant au complet.

Nous passons à Crèvecoeur vers midi, et sommes inspectés par le Général LE GALLAIS, Cdt la 16ème division. Au bout d’une quinzaine de km, mon pied gauche imparfaitement guéri se reprend à s’enfler et je ne puis presque plus marcher.

Je dois quitter la colonne et suis recueilli sur la route par une voiture civile, qui me mène jusqu’à Breteuil, où j’arrive à 7 heures du soir.

Je passe la nuit dans une grange sans toit, où il fait un froid très vif.

5 décembre

Nous quittons Breteuil à 8 heures du matin. Comme je ne puis plus marcher, je fais le voyage sur un avant-train de la 6ème pièce. L’étape est de 35km.

Tout le long de la route, nous croisons des soldats anglais.

Nous arrivons le soir à Hangard-en-Santerre, à 15 km d’Amiens. Très mauvais cantonnement dans une grange détruite. Il fait très froid.

6 décembre

Départ d’Hangard à 7 heures du matin.

Je marche de nouveau à pied. L’étape est extrêmement dure. Les chemins sont défoncés et la boue a plus de 20 centimètres d’épaisseur. Par endroits, nous en avons jusqu’aux genoux, et mettons 10 heures pour faire 8 kilomètres.

 

Nous arrivons enfin vers 6 heures du soir à notre destination. C’est un petit ravin encaissé (ravin Saint Martin) où l’on enfonce parfois jusqu’à la ceinture, et où l’échelon forme parc. Nous devons mettre en batterie à 8 km de là, à Berny-en-Santerre (nous marchons pour la future attaque avec la 4ème division).

Nous passons la nuit dans la boue, sans abri d’aucune sorte. Malgré ma fatigue, je ne puis fermer l’œil, à cause du froid et de l’humidité.

7 décembre

J’ai 24 ans aujourd’hui. Triste anniversaire.

Dans la matinée, j’enterre un cheval, crevé dans la nuit (étouffé par la boue).

 

L’après-midi, je dois monter ravitailler. Nous partons à 13 heures avec la batterie de tir.

Nous traversons les ruines de Foucaucourt, et ce qui fut Estrées, où il n’y a plus pierre sur pierre. Tout autour de la route, ce ne sont que des trous d’obus, des arbres brisés et des maisons en miettes. Je n’avais pas encore vu de dévastation aussi complète.

 

Nous arrivons à 16h à la position de batterie, par des chemins où les chevaux enfoncent dans la boue jusqu’au ventre. On doit atteler un canon à 24 chevaux pour le sortir.

Le temps est très brumeux, heureusement, et l’ennemi ne peut nous voir. La batterie prend position derrière les ruines de Berny, à 1200 m des Boches. Il n’y a ni abri, ni tranchée, ni rien : la boue engloutit tout. Les pièces, enfoncées dans la boue, sont recouvertes simplement d’un filet. Après le ravitaillement en obus, je retourne à l’échelon, où j’arrive à 10 h du soir.

Je ne retrouve plus ni mon sac, ni mes couvertures, ni ma toile de tente. Et il pleut à torrent. J’ai peine à emprunter une couverture. Nuit très pénible.

8 décembre

Je retrouve enfin mon paquetage.

 

Le soir, je vais en corvée retirer des rondins enfouis sous un mètre de boue. Au retour, je me perds dans la boue et ne retrouve mon chemin qu’au petit jour.

Je tombe littéralement de fatigue.

9 décembre

La même corvée qu’hier. Journée encore très dure.

10 décembre D

Corvées et boue. Plusieurs chevaux sont déjà morts.

Les Boches nous bombardent dans l’après-midi, mais la plupart des obus n’éclatent pas à cause de la boue.

11 décembre

Il gèle enfin et le soleil apparait. Journée moins pénible.

12 décembre

Je change de linge pour la première fois depuis mon départ d’Annonay (26 jours).

Corvées toute la journée. Pluie et neige. La boue est de plus en plus envahissante. Tous les jours, des chevaux s’enlisent et sont étouffés. Un aspirant tombe dans un trou d’obus et s’étouffe sans que nous puissions lui porter secours.

Je souffre d’engelures aux pieds, de rhumatismes et suis dévoré de vermine.

13 décembre

Rien de nouveau. Quelques tirs boches. Grande activité de notre aviation et de l’aviation anglaise.

14 décembre

Corvées et corvées. Il pleut toujours.

Le ravin n’est plus qu’un marécage affreux où tout s’enlise, hommes, chevaux et voitures. Nombreux accidents. On ne peux marcher qu’avec une perche pour tâter le terrain, l’énorme boue liquide dissimulant tout, les trous d’obus comme les fondrières. Il paraît que l’attaque que nous devions faire n’aura pas lieu, par suite de l’état du terrain.

15 décembre

On m’annonce que j’aurai bientôt une permission, ma permission à l’hôpital ne comptant pas. J’en suis enchanté, au-delà de toute expression. Quelques tirs boches. Mauvais temps.

16 décembre

Journée plus claire.

Grande activité aérienne. Bombardement boche. Les 5ème et 9ème batteries ont des tués.

17 décembre D

Rien à signaler, sauf l’éternelle boue. Les Boches sont très calmes et nous aussi.

18 décembre

Forte gelée et neige. Nous en sommes enchantés.

19 décembre

La boue reparait avec le dégel. Corvées diverses. Le front est calme.

20 décembre

Belle journée. Grande activité aérienne (22 saucisses et une soixantaine d’avions en l’air à la fois). La neige tombe.

21 décembre

De grand matin, violent bombardement boche et envoi de gaz. Nous devons mettre les masques. Pas de dégâts.

Dans l’après-midi, calme complet, mais pluie abondante. On me donne enfin ma permission. Je pars à 16 heures de l’échelon et vais coucher à Villers-Bretonneux.

22 décembre

Départ de Villers-Bretonneux à 8 h. Long arrêt à Survilliers (gare régulatrice).

23 décembre

Arrivée à Lyon à 7 h du matin et à Annonay à 9 h du soir.

 

PERMISSION

1er janvier 1917

Départ d’Annonay à 17 heures, direction la Somme. Nuit passée à Lyon.

2 janvier

Journée passée à Lyon. Quitte Lyon à 20h05. Je prends la ligne du Bourbonnais.

3 janvier

Arrivée à 18 h. à la gare régulatrice de Saint-Just-en-Chaussée. On me dirige sur Villers-Bretonneux, où j’arrive à minuit.

Nuit passée dans des baraquements.

4 janvier

Départ de Villers-Bretonneux à 8 heures, à pied, direction Castel (à côté de Moreuil), où le 1er (artillerie) doit se trouver au repos. L’indication est fausse.

À Castel, on m’apprend que le 1er n’a fait que changer de position vers la gauche, et que la 6ème est en batterie à Assevillers, à 2km de Berny. L’échelon se trouve à Chuignolles, près de Proyart. Comme la journée est trop avancée, quelques permissionnaires et moi, nous festoyons à Hangard et y passons la nuit.

5 janvier

Départ d’Hangard à 7h30 sur un autobus R.V.F. (*)

Nous arrivons à Chuignolles à 9h et demi. Les échelons du 1er sont cantonnés dans un petit bois, où il y a presque autant de boue qu’au ravin Saint-Martin. Je reprends ma place à la 6ème pièce.

 

(*) : autobus réquisitionnés pour le Ravitaillement en Viande Fraiche

6 janvier

Nuit très claire jusqu’à minuit.

Grande activité des avions boches et combats aériens au-dessus de nos têtes. Les Boches nous bombardent avec de grosses pièces et les avions nous jettent des bombes. Pas de dégâts.

 

À partir de minuit, le temps change et la pluie tombe à torrents. Comme je n’ai pas d’abri, je suis trempé jusqu’aux os.

 

Au matin, la pluie cesse, mais la boue est devenue encore plus liquide et plus énorme qu’avant. Au cours de la journée, corvées divers.

 

Sur le soir, il gèle enfin.

7 janvier D

Bruits de prochain départ.

Nous partirions le 9 au matin, direction de la Suisse ou de l’Argonne, après un repos assez long. Presque tous nos chevaux sont évacués ou ont crevé de misère dans la boue. Les hommes s’en sont mieux tirés.

8 janvier

Pluie et boue. Préparatifs de départ.

9 janvier

Départ de Chuignolles à 7h du matin par une pluie battante. Je marche sur un caisson de la 7ème pièce. Nous passons à Proyart, Marcelcave, Villers-Bretonneux, Domart, Castel et arrivons à Hailles à 15 h.

Nous y passons la nuit dans une grange assez confortable. Il n’y a presque plus de boue.

10 janvier

Nous partons de Haye (Hailles) à 7h du matin. Plus de pluie, mais de la neige.

Traversée de Cottenchy, Sains, etc et arrivée à Nampsaumont (*) à 18 heures. Y passons la nuit. Bon cantonnement.

 

(*) : Maintenant Namps-au-Mont.

11 janvier

Départ de Nampsaumont à 7h30. Il gèle fortement.

Nous traversons la petite ville de Poix, et arrivons à Equennes, village terminus, à midi.

Très mauvais cantonnement. On ne trouve rien à acheter, ni en boisson, ni en aliments. Je suis très fatigué, ayant fait à pied presque toute la route (90km en 3 jours). La pénurie de nos chevaux nous y a obligé.

 

12 janvier

Grand mal de tête et fort rhume de cerveau. De plus, comme nous sommes au repos, je suis réintégré dans mes fonctions de deuxième secrétaire au bureau, fonctions qui m’éviteront bien des corvées.

13 janvier

Temps froid et humide. Rien de particulier.

14 janvier D

Journée sans incident.

15 janvier

On nous annonce le départ pour demain. Nous devons embarquer à Crèvecoeur, direction de l’Argonne.

 

L’après-midi, grande revue par le capitaine, et grande séance de reproches.

16 janvier

Départ d’Equennes à 7h20. Il gèle très fort et il fait très froid. Je marche sur un caisson de la 6ème pièce.

Arrivée à Rieux (*) à midi.

Bon cantonnement.

 

(*) : 6km au nord-ouest de Crèvecoeur.

17 janvier

Froid très vif. Dans la nuit, 10 degrés au-dessous de zéro. Je souffre d’engelures aux pieds et mon rhume n’a pas cessé.

Le soir, revue du capitaine et corvées.

18 janvier

On nous annonce que nous embarquerons à Crèvecoeur le 20 au matin.

Il tombe toujours de la neige. La couche atteint 25cm. Je suis de garde.

 

Le soir, nous faisons un petit festin. Menu : un lapin de garenne pris au collet, des côtelettes de porc, de la gniolle, etc.

19 janvier

Froid toujours vif. Je souffre beaucoup des pieds. Préparatifs en vue du départ de demain.

CHAPITRE IV Dans l’Argonne : Le-Four-de-Paris – 1917

20 janvier

Départ de Rieux à 6 heures du matin. Embarquement à Crèvrecoeur. Je suis encore de reconnaissance de train.

Nous partons à midi, parqués assez inconfortablement dans des wagons à bestiaux. Grand froid.

Nous passons à Saint-Omer-en-Chaussée, Beauvais, Mareuil-sur-Ourcq, Épernay, Châlons-sur-Marne, Somme-Tourbe et Ste-Menehould.

21 janvier D

Nous arrivons à midi à Villers-Daucourt (*) (Argonne – 45km de Verdun).

Nous y débarquons et y cantonnons dans un pré, couchés sur la neige. Il gèle très fort.

 

(*) : nom de la gare située entre les 2 villages

22 janvier

La 1ère section part ce matin pour mettre en batterie au bois de la Gruerie. Comme je suis rentré à la 4ème pièce, comme servant, je partirai demain avec la 2ème section. Nous touchons des peaux de mouton.

Le froid est très vif : -12°.

23 janvier

Départ à 11h de Villers-Daucourt. Je souffre beaucoup d’engelures et suis obligé de marcher sans souliers, dans la neige. Nous devons relever le 46ème artillerie (32ème corps). L’échelon doit s’installer à l’étang de Florent.

Traversée de Daucourt et de Ste-Ménehould, où je remarque l’immense cimetière militaire (12000 tombes) et le monument aux défenseurs de l’Argonne.

Nous nous arrêtons dans les bois, en pleine Argonne, et couchons dans une baraque Adrian. Petite noce et petit concert.

24 janvier

14 degrés au-dessous de zéro. Le vin gèle dans les bidons et les tonneaux.

 

Le soir, l’échelon change de cantonnement et va à l’étang de Florent. Le pays est très pittoresque sous la neige. Le secteur est très calme et on entend rarement le canon. Le soir, je monte en position. Je suis désigné comme secrétaire du capitaine BROCHAND, qui commande provisoirement le 2ème groupe, à P.C. Ermitage.

Nous sommes en batterie dans le secteur du Four-de-Paris, à 7km de Florent, et à 2,5 km des Boches. Une section de la 6ème est aux Tuileries, l’autre à Concorde. Je monte à Ermitage avec la corvée de vivres et m’installe dans une confortable cagna.

25 janvier

Je prends possession de mes nouvelles fonctions de secrétaire. Le capitaine est bien toujours difficile à vivre, mais enfin, le filon est bon car les cagnas sont spacieuses et on peut y faire du feu.

26 janvier

Rien de particulier. Froid toujours intense.

27 janvier

Les Boches envoient quelques 105 sur la 4ème batterie et font éclater quelques mines au Four-de-Paris. Pas de mal pour nous, sauf une forte secousse. Mon pied se guérit peu à peu : je le traite par l’immobilité et par des massages. Nos cagnas, bien que confortables, sont remplies de poux et de gros rats. L’un d’eux me mange la musette, et un gros saucisson que je venais de recevoir. C’est pire encore qu’à Bernatant.

28 janvier D

Rien de nouveau.

29 janvier

Activité de l’artillerie allemande et combats aériens. Le général LE GALLAIS, Cdt la 16ème division, est blessé à nos côtés, ainsi que son officier d’ordonnance, ce dernier très gravement. Plusieurs tués.

30 janvier

Rien à signaler, sauf une séance peu ordinaire du capitaine qui me menace de m’envoyer en liaison avec l’infanterie. Nettoyage complet.

Je change de linge, sans pouvoir me débarrasser des poux.

31 janvier

Le froid augmente encore. 16 degrés au-dessous. Tout gèle, vin, légumes, etc.

Calme plat sur le front.

1er et 2 février

Froid terrible. -22°. On ne peut presque plus tenir dehors. (*)

 

(*) : A paris la Seine avait gelé

3 et 4 février

Rien à signaler.

5 février

Nuit très agitée.

À 3h30 du matin, les Boches font éclater une mine puissante au Four-de-Paris. D’autres éclatent ensuite, et les Boches bombardent les tranchées avec des torpilles et les batteries avec des obus. Serait-ce une attaque !

Un long barrage, qui dure 4 heures, les empêche de sortir, et tout se calme sur le matin.

6 et 7 février

Activité des deux artilleries. Fausse alerte aux gaz.

8 février

Les rats nous ont dévoré toute notre provision de pain, ce qui nous oblige à jeûner jusqu’au soir. Je demande une permission d’aller à Clermont-en-Argonne (à 18km de là) pour voir la tombe de mon frère.

Après beaucoup de difficultés, le capitaine me l’accorde.

9 février

Départ en bicyclette à 8H du matin, direction Clermont-en-Argonne. Il fait toujours très froid et beaucoup de vent. Voyage pénible. Je passe à Florent, Le Claon, Le Neufour, Les Islettes et arrive à Clermont à 10h30.

Le village est aux ¾ détruit, et il n’y a plus un seul civil. J’éprouve quelques difficultés à trouver le cimetière et la tombe de Jules (*).

J’y arrive cependant. Il est enterré avec le caporal BOYER (**) du 82ème d’infanterie. Sa tombe est la 2ème de la 1ère rangée à droite du portail. Elle est triste et délaissée sous la neige (***).

Je l’arrange du mieux que le peux.

Rentrée à l’Ermitage à la tombée de la nuit, juste à temps, car 10 minutes après, les Boches arrosent avec des fusants la route de Florent.

 

(*) : Jules Marie Joseph Laurent MEUNIER était soldat au 261ème régiment d’infanterie. Il est mort à 30 ans de ses blessures en décembre 1914 à Clermont-en-Argonne. Voir sa fiche

(**) : Caporal Georges Camille BOYER. Voir sa fiche.

(***) : Jules MEUNIER repose maintenant au cimetière d’Annonay

10 février

Journée calme. Le froid diminue.

11 février D

Dans l’après-midi et la soirée, violente action de notre artillerie et coup de main sur le Four-de-Paris, qui réussit très bien.

12 février       

L’artillerie est toujours active de part et d’autre. Un de nos officiers est grièvement blessé, ainsi que plusieurs hommes.

13 février

Temps beaucoup moins froid. Le dégel commence. Scène avec le capitaine.

14 février

Nouvelle scène. La situation se tend.

15 février

Activité des deux artilleries, surtout sur notre gauche. Les Boches nous envoient le matin des 88 et des 105, et le soir des obus à gaz, à odeur de marrons pourris. Le temps s’est fait très beau.

16 au 19 février

Journées calmes. Le dégel continue et la boue remplace la neige. Mais il y en a bien moins que dans la Somme.

20 février

Scène très violente avec le capitaine. Je suis relevé de mon emploi de secrétaire et renvoyé à la 6ème batterie. Je quitte, fort satisfait, P.C. Ermitage à midi et arrive à 14 heures à la 6ème batterie (P.C. Tuileries).

En l’absence du capitaine, la 6ème est commandée provisoirement par le lieutenant BAZIN. Il m’envoie à la 2ème section (4ème pièce) qui est à 1000m de là, sur une crête (position Concorde).

Là, comme c’est le Mardi-Gras, nous le fêtons avec enthousiasme. Fête toute la nuit : beuveries, concert, mascarade, rien n’y manque. Il y a des toréadors, des apaches, jusqu’à des dames de la Croix-Rouge et des danseuses grecques. Nombreuses indigestions ( ?).

21 février

Corvées de terrassement et tirs sur un canon-révolver boche.

Le soir, pâle réédition de l’orgie de la veille.

22 au 24 février

Quelques tirs. Corvées de terrassement. Temps moyen.

25 février D

Je suis désigné, sur ma demande, comme agent de liaison dans l’infanterie (je veux montrer au capitaine que je ne craignais pas ses menaces, puisque j’y vais au-devant).

Départ à 9 heures pour les tranchées de 1ère ligne. J’y dois passer six jours, comme agent de liaison auprès du 2ème bataillon du 95ème d’infanterie. Notre poste s’appelle P.C. Four de Paris et celui du chef de bataillon P.C. Meurissons. Je monte avec un camarade et un maréchal des logis. Notre poste est à 200 mètres des lignes allemandes.

Tout m’y plait : le confortable, le coup d’œil nouveau, la bonne cuisine et la tranquillité, loin des chefs, dont j’avais perdu l’habitude.

26 février

Je dois me lever à 2 heures du matin pour réparer une ligne téléphonique coupée et porter des plis au poste de colonel (P.C. G.B. et La Mitte). Il pleut à torrents. Dans la journée, visitons en détail tranchées, boyaux, et même petits postes (à 20m des Boches).

 

Le soir, mangeons des gâteaux en buvant du Chablis (les coopératives d’infanterie sont très bien approvisionnées). Notre poste est à 100m au-delà de la Biesme, au Four-de-Paris, proprement dit entre le ruisseau des Meurissons et le ruisseau du Mortier. (*)

La Chalade (maintenant Lachalade) est à droite et La Harazée à gauche.

Tous ces secteurs sont calmes, sauf La Chalade, bombardée chaque jour.

 

: Ce sont les 2 ruisseaux encadrant La Mitte, juste au nord du Four-de-Paris.

27 février

Nouvelle course dans la nuit pour réparer une ligne. Fort bombardement boche sur La Chalade et le pont de la Biesme. Je reçois un éclat dans ma capote. Un fantassin est blessé à la cuisse à mes côtés. Je le porte au poste de secours.

Dans la journée, farniente et dîner fin.

28 février

Journée calme. Nombreux plis à porter.

1er mars

Idem. J’accompagne un officier qui va régler son tir des tranchées de première ligne.

2 mars

Forte gelée pendant la nuit. En allant à 3h du matin porter un pli au lieutenant chef de la liaison, je me fais repérer par une mitrailleuse allemande et n’ai que le temps de me jeter à plat-ventre. Toutes les balles passent au-dessus de moi.

 

Dans l’après-midi, très grande activité d’artillerie. Les Boches bombardent notre poste. La cagna voisine est démolie par un 150. Le bombardement dure toute la nuit. Quelques tués et nombreux blessés.

3 mars

L’activité d’artillerie se calme au petit jour. Il fait très froid, 8 degrés au-dessous de zéro. Nous sommes relevés à midi et redescendons dans l’après-midi à la 6ème batterie. Je rentre à la 4ème pièce comme servant.

4 mars D

Terrassement et tir sur le canon-révolver. Le froid persiste.

5 mars

Terrassement. Je construis des feuillées. Neige abondante. Nous passons un concours de signalisation : note 6 sur 10. Vaccination anti-typhoïdique, à laquelle je peux échapper.

Le soir, tir sur des cuisines boches.

6 mars

Terrassement. Neige.

7 mars

Coup de main français, précédé de l’éclatement d’une mine. Nous tirons presque toute la nuit.

8 mars

Je suis proposé comme secrétaire à l’A.D.16. La proposition n’est pas retenue, à cause de l’opposition du capitaine.

 

(*) : Artillerie divisionnaire de la 16ème division d’infaterie.

9 mars

Je repars de nouveau pour les tranchées pour une nouvelle période de six jours., toujours comme volontaire. Départ à 11 h. du matin. Beaucoup de boue. J’arrive au Four-de-Paris à 13 h. et reprends mon service. Le front est calme.

10 mars

Le froid diminue. Beaucoup de brume. Journée calme.

11 mars D

Violentes coliques. Rien à signaler dans la journée, sauf l’activité de l’artillerie allemande sur le soir. Un 150 tombe sur une cagna voisine, et un autre coupe un arbre sur la route au moment où nous allons à la soupe.

Graves (*) et biscuits.

 

(*) : Le vin de Bordeaux ?

12 au 14 mars

Journées calmes. Nombreuses visites aux coopératives.

15 mars

En allant réparer une ligne, je me fais encore mitrailler comme au 2 mars. Pas de mal.

Nous sommes relevés dans la journée et rentrons à la batterie à 16 heures.

16 mars

Grande activité aérienne. Un avion boche incendie une saucisse française, dont l’observateur fait une descente en parachute de 500m.

17 au 19 mars

Journées calmes. Pluie et boue.

20 mars

Devant partir en permission demain, je quitte la batterie à midi et soupe et couche à l’échelon de la 6ème à Florent.

21 mars

Départ de l’échelon à 9 h du matin.

Train de 13 heures à Sainte-Ménehould. Arrêt à la gare régulatrice de Revigny.

22 mars

Arrivée à Lyon le matin et à Annonay dans la soirée.

 

PERMISSION

 

CHAPITRE V   L’attaque du 17 avril 1917 au Mont Cornillet

1er avril D

Départ d’Annonay à 6 heures, direction Sainte-Menehould. Arrivée à Lyon à 9H30.

J’y passe la journée et la nuit.

2 avril

Départ de Lyon à 6h du matin.

Arrivée à Châlons-sur-Saône à 9h ½ .  Promenade dans la ville. J’en repars à midi 15.

3 avril

Arrivée à Revigny à 2 heures du matin.

On m’y apprend que la 16èmer division est toujours dans l’Argonne. Je repars donc à 3h45 pour Ste-Ménehould. J’y arrive à 5h et demie, là on me dit que 1er (artillerie) a quitté l’Argonne hier et est à présent au Camp de Châlons. Je reprends le train direction Mourmelon-le-Petit.

 

En route, j’apprends qu’un obus de 150 est tombé sur la 4ème pièce de la 6ème batterie, le soir même de mon départ en permission. Tous mes camarades ont été tués, malheureusement, sauf un, qui n’est que blessé. Les tués seraient BULLIEZ, AUGARD et HALLIN. J’ignore le nom du blessé. Toutes mes affaires sont, paraît-il déchiquetées, et mes couvertures remplies de sang. Je l’ai échappé belle !

 

Nous passons la journée à Saint-Hilaire-au-Temple, et arrivons à 18heures à Mourmelon-le-Petit. Je n’y trouve pas le 1er  (artillerie) qui, arrivant par la route, ne sera là que demain. Grand déploiement d’artillerie et de troupes dans le secteur de Champagne. Il y aurait 80 000 hommes au Camp de Châlons, et l’on en attend d’autres. Par suite de cette surabondance, nous n’avons rien à manger, pas même du pain, et nous devons coucher par terre, sans couvertures, dans un hangar ouvert à tous vents.

 

(*) : Il s’agit de :

Jean AUGARD, 25 ans. Voir sa fiche.

Félix Charles Joseph BULLIER, 27 ans. Voir sa fiche.

Firmin HALLIN, 33 ans. Voir sa fiche.

Sa fiche annonce par erreur au 11ème RAC mais sa fiche matriculaire ne mentionne qu’une incorporation au 1er RAC et il est bien listé dans l’historique du 1er RAC.

4 avril

Nous partons de Mourmelon à 10 h. du matin. Après une marche de 10km, nous arrivons à Villers-Marmery. Il n’y a pas encore de troupes dans le village. Nous y faisons un grand festin au champagne et couchons dans une meule de paille, en plein champ.

Il pleut toute la nuit, et nous nous réveillons trempés, sans nous être aperçu qu’il pleuvait.

5 avril

Nous arrivons à Trépail à onze heures. Nouvelle noce, toujours au champagne. La batterie doit arriver, paraît-il dans la journée. Il y a 800 000 hommes en Champagne, et des masses de canons. On parle d’une grande attaque pour le 15 avril.

 

Dans l’après-midi, je rentre à la 6ème batterie, et je reprends mon poste à la 4ème pièce. Je n’y trouve que de nouveaux servants, mes anciens camarades ayant été tués en Argonne. Je touche un nouvel équipement, le mien ayant été mis hors de service.

Coucher à Trépail dans une écurie. Nous devons monter en ligne après-demain.

6 avril

Je participe à une manœuvre de division en qualité de coureur-agent de liaison. Très beau temps

7 avril

Journée pluvieuse et brumeuse. Nous partons à 6 h. du soir.

Arrivée à 9 h. à la position de batterie. Elle se trouve dans un marais entre Prunay et Thuisy, à 1200 m au nord de Wez, à 25km à l’est de Reims et entre la route et la voie ferrée.

Il n’y a absolument aucune installation, et on ne peut creuser la terre, car on trouve l’eau à 10 cm du sol. Nous nous couchons comme nous pouvons.

8 avril D

Aucun ravitaillement. Journée sans pain.

Bombardement boche et envoi de gaz. Travaux sommaires d’installation.

9 avril

Pluie et froid.

Réglage des pièces.

10 avril

Journée très dure.

Vers 10 heures 30, les Boches comment à nous bombarder avec du 150 et du 210. Le bombardement dure deux heures et demie. Les Boches nous envoient 500 obus. Nous nous sommes tous réfugiés sous les tôles de la 1ère pièce. Par un vrai miracle, aucun obus ne tombe dessus. Par contre, la 2ème et la 4ème pièce sont détruites ainsi que le téléphone, la cabane des infirmiers, etc. Plusieurs de nos dépôts d’obus explosent.

En somme, nous en sommes quittes pour la peur. Un obus malheureux aurait pu anéantir tous les servants de la batterie, réunis à la 1ère pièce.

Le soir, revanche de notre part : 1500 coups sur des réseaux de barbelés. D’ailleurs tout le secteur s’éveille. C’est le grand branle-bas qui commence. Nous tirons toute la nuit.

Dans le lointain, à gauche, nous voyons flamber Reims.

11 avril

Continuation du bombardement sur les barbelés boches. Nous sommes éreintés. Les Boches bombardent très dur la 4ème batterie qui, moins heureuse que nous, a de nombreux tués et blessés. Presque tous ses dépôts de munitions ont sauté. On nous monte un nouveau canon à la 4ème pièce pour remplacer celui détruit hier.

12 avril

Bombardement réciproque. Je demande à aller comme liaison dans l’infanterie, lors de la prochaine attaque.

Le soir, je descends à l’échelon, à Trépail, suivre une préparation qui durera deux ou trois jours.

13 avril

Commencement de la préparation. Nous nous rendons à un observatoire, P.O. civil, d’où nous apercevons toute la plaine à 30km à la ronde. On nous apprend la topographie de la région et le plan de l’attaque.

Nous devons marcher avec un bataillon du 95ème d’infanterie (2ème vague d’assaut).

14 avril

Le matin, exercice de signaux. L’attaque est pour après-demain. Nous touchons 4 jours de vivres (6 litres de vin, ½ litre d’eau-de-vie, 3 kg de pain, etc).

Le soir, noce à Trépail.

15 avril D

Continuation de l’entrainement. Le bombardement des lignes allemandes continue avec une grande violence. Il paraît que la batterie boche de 150 et de 210, qui nous a bombardé le 10 avril, et qui se trouvait au fort de Nogent-l’Abbesse, aurait été détruite par des 220. La confiance et l’espoir règnent partout.

16 avril

Le bombardement continue, malgré la pluie et le mauvais temps. L’attaque doit avoir lieu demain à 3h. du matin. Nous partons de l’échelon à 16 heures à pied.

Nous traversons Trépail, Villers-Marmery, Septsaux, Wez et couchons dans un bois près de Wez par une pluie battante. Le vacarme des canons est assourdissant.

Nous touchons notre matériel d’agent de liaison (téléphones, fil, projecteurs, etc).

17 avril

Réveil à 3 h. du matin. On nous annonce que l’équipe du 1er groupe fera seule l’attaque avec l’infanterie. Pour nous, nous ne monterions qu’après-demain.

À 4 heures, l’infanterie sort des tranchées et l’attaque commence. Elle dure toute la journée avec des alternatives diverses et réussit finalement moins bien qu’on ne l’espérait. Il paraît que la préparation d’artillerie fut tout à fait insuffisante (manque de grosses pièces) et que les mitrailleuses ennemies firent de grands ravages.

Nous attendons toute la journée à Wez et y sommes violemment bombardés. La cuisine de la 4ème batterie est détruite, six ou 7 hommes du 37ème artillerie sont tués sur la route.

Nous attendons toujours des ordres.

18 avril

Très mauvais temps : journée d’attente. On nous annonce sur le soir que nous monterons en ligne dans la nuit.

19 avril

Départ à 3 heures du matin, avec nos armes, notre matériel d’agent de liaison et quatre jours de vivres. Nous faisons environ cinq ou six kilomètres en plaine ou dans les boyaux. Le terrain est complètement bouleversé par les obus.

Nous arrivons dans l’ancienne tranchée de première ligne française à 5 h. du matin. Il y a beaucoup de cadavres de soldats et d’officiers, et de débris d’équipement. Nous nous installons dans une sorte de sape, P.C. Davoust, où nous formons un poste-relais.

Les tranchées sont remplies de boue et les balles et les obus ne cessent de faire rage.

Nous apprenons que l’attaque a en partie échoué, par suite d’un fort blockhaus allemand trouvé intact en 3ème ligne. Nous n’avons pu mordre que sue une profondeur de 600m dans le système défensif boche. Le 95ème d’infanterie a perdu 1600 hommes sur 2500, son colonel hors de combat et presque tous ses officiers.

Quant à nous, le détachement de liaison que nous venons de relever a perdu la moitié de son effectif. C’est de bon augure.

 

Dans l’après-midi, nous apprenons que nos batteries ont été fortement bombardées la veille.

La 4ème batterie notamment a neuf tués et deux pièces détruites. Au 1er groupe du 37ème artillerie, il y a douze servants de tués.

 

Le soir, à huit heures, je suis désigné pour aller en mission en toute première ligne actuelle, dans l’ancienne troisième ligne boche. Voyage mouvementé, surtout dans le terrain découvert entre les anciennes tranchées boche et française.

Je tombe en plein barrage boche de fusants et de mitrailleuses, et je mets plus de deux heures pour faire ces 300 mètres, m’abritant comme je peux dans les trous d’obus.  Un gros éclat m’arrache ma boite à gaz.

 

Une fois arrivé à destination, à onze heures du soir, je tombe en pleine contre-attaque allemande sur notre première ligne. Les Boches sont arrivés dans la tranchée et je fais le coup de feu. Je suis bien sûr de n’avoir tué personne.

Finalement, la contre-attaque boche est repoussée, et, ma mission remplie, je rentre au P.C. Davoust par une nuit noire. Passage du terrain découvert au pas de charge, et sans incident. Mais une fois dans l’ancien réseau français, je m’égare dans les boyaux, et je cours une partie de la nuit, butant dans les morts et piétinant dans la boue.

Je suis éreinté, et je finis par échouer dans une sape abandonnée, où je finis la nuit, couché à côté de cadavres français.

20 avril

Au petit jour, je retrouve mon chemin et rentre au P.C. Davoust, complètement fourbu.

Là, je monte dans une tourelle blindée pour observer les signaux. On m’apprend que je monterai ce soir (avec l’équipe de la 6ème batterie) en toute première ligne, pour y être agent de liaison auprès du 1er bataillon du 95ème (d’infanterie).

C’est notre tour (nous sommes 3 équipes : 4ème, 5ème, et 6ème batteries, qui devons faire chacune 48 heures en ligne, les deux autres équipes restant au relais.).

Nous partons du P.C. Davoust à la tombée de la nuit. Je marche devant, comme ayant fait le chemin hier soir. Nous mettons encore cette fois ci près de quatre heures pour faire le trajet total d’un kilomètre. Le terrain découvert est pourtant moins mitraillé que la veille, mais les Boches ne cessent d’y lancer des fusants.

 

Nous arrivons à minuit en 1ère ligne.

Tout a été détruit par le bombardement des derniers jours, et nous ne trouvons d’autre abri qu’un trou non étayé, où il y a 25 cm d’eau, et où nous devons rester debout. Nous dormons quand même, tant nous sommes fatigués.

21 avril

Au petit matin, bataille très mouvementée. Les Boches font une forte contre-attaque. Nous manquons d’être faits prisonniers.

Mais le 95ème, infatigable, repousse l’ennemi à la grenade. Nous avons tous fait le coup de feu en la circonstance. Un blessé dans notre équipe, d’un éclat de grenade.

 

Dans la journée, nous installons une ligne téléphonique de notre trou au poste du colonel du 95ème.

 

Le soir, fort bombardement boche. Notre trou s’effondre. Nous en trouvons un autre, un peu plus confortable et à peu près sec, bien qu’il y ait 3 boches enfouis dans le fond, sous la terre.

22 avril D

Nos provisions sont épuisées et nous n’avons plus rien à manger ni à boire. Notre ligne téléphonique, posée hier, a déjà été coupée huit fois en deux heures. Nous ne cessons pas d’y courir dessus.

J’ai reçu un éclat d’obus dans la capote et un schrapnel sur mon casque, le tout sans mal.

 

Dans la matinée, menace d’attaque par les gaz et grande activité des deux artilleries. Un 75, tiré trop court, tombe à 2 mètres de notre trou.

 

Le soir, comme nous avions évacué notre première ligne pour permettre le bombardement du blockhaus boche par nos 240, les Allemands y pénètrent. Vive contre-attaque française, à laquelle nous prenons part. Les Boches sont repoussés.

Pour se venger, ils déclenchent un très violent tir de représailles sur nos premières lignes. Nombreux tués et blessés dont 10 hommes de corvée tués à mes côtés d’un seul obus.

Nous sommes enfin relevés à onze heures du soir, et nous rentrons au P.C. Davoust assez tranquillement, l’orage s’étant calmé d’ailleurs, et ensuite un embryon de boyau ayant été creusé la nuit par le génie dans le terrain découvert, ce qui permet de le traverser avec moins de danger.

23 avril

Arrivé au P.C. Davoust, je reprends la garde dans la tourelle blindée.

J’apprends les grosses pertes des batteries pendant ces derniers jours. La 6ème n’a eu que 3 blessés, mais la 5ème a perdu la moitié de son effectif et la 4ème les deux tiers (il ne reste plus que 7 servants, deux sous-officiers et un officier aux pièces.).

Il paraît aussi que les 7ème et 8èmes batteries sont anéanties.

 

Le soir, tirs de zone boche et violent bombardement français sur le bois de la Grille (secteur du 95ème d’infanterie et du 2ème groupe du 1er artillerie).                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

24 avril

À une heure du matin, grosse alerte. Un 105 boche tombe sur notre cagna qui s’effondre à moitié. Nous sommes à moitié asphyxiés par la fumée de l’explosion, mais heureusement plus de peur et surtout plus de bruit que de mal.

Je retourne dans la nuit porter un pli en première ligne. Voyage sans incident.

Retour au P.C. Davoust et faction à l’observatoire. Je suis très constipé.

Depuis le 15, nous ne mangeons que du singe et des biscuits, et depuis le 20, nous ne buvons que de l’eau croupie. Nous apprenons quelques détails sur les à-côtés de l’attaque.

Devant le front du 95ème, les contre-attaques de ces jours derniers ont été faites successivement par 3 régiments boches, qui se sont faits massacrés. Ce sont les 112ème, 145ème, et 159ème régiments d’infanterie allemande, plus des Wurtembergeois et un bataillon de la Garde Prussienne.

Le 95ème d’infanterie a montré dans toute la bataille un courage et une énergie extraordinaires, malgré ses pertes élevées (76% à ce jour) et les très mauvaises conditions de l’attaque. Et le 95ème passe pour un régiment anarchiste, et n’a jamais été cité à l’ordre du jour.

25 avril

Le 95ème est relevé dans la nuit par le 47ème d’infanterie, régiment de Bretons (20ème division, 10ème corps). Comme le 2ème groupe soutient ce régiment-là, nous restons en liaison et on ne nous parle pas de relève.

Nous découvrons dans une sape abandonnée une caisse de vivres de réserve, et nous pouvons enfin nous restaurer un peu.

 

Sur le soir, duel très violent des deux artilleries, qui se prolonge toute la nuit. Nos lignes téléphoniques sont hachées et nous ne cessons de les entretenir.

26 avril

Notre position exacte est au sud-ouest du bois de la Grille, au sud-ouest du Massif de Moronvilliers et du Mont Cornillet. Le mont proprement dit est à 3 km. Matinée calme.

 

Le soir, notre tour de liaison étant venu, nous remontons en ligne. Voyage sans incident. Le temps est devenu magnifique.

Nous nous installons dans des trous individuels, que nous creusons nous-même dans le parapet de la tranchée de 1ère ligne. Nous sommes avec le 3ème bataillon du 47ème d’infanterie, un peu à gauche de notre position avec le 1er bataillon du 95ème.

Grande activité de l’artillerie et des avions.

Nous n’avons rien mangé depuis hier.

 

 

 

Position du 47ème régiment d’infanterie à l’ouest du bois de la Grille

 

27 avril

Il y a 36 heures que nous n’avons mangé. Les fantassins du 47ème nous donnent enfin quelques vivres (ce jeûne vient de ce que nous étions auparavant en subsistance au 95ème, et qu’on a oublié de faire la mutation au 47ème).

Notre ligne téléphonique est sans cesse hachée (se trouvant juste dans le boyau où se fait le barrage boche). Après des courses incessantes et inutiles, nous finissons par l’abandonner.

Il paraît que nous serions relevés demain par l’équipe du 3ème groupe du 1er (artillerie).

28 avril

Nous sommes enfin relevés par le 3ème groupe. Nous quittons les tranchées de grand matin et arrivons à la 6ème batterie vers midi. Le capitaine refuse de nous laisser descendre à l’échelon pour nous nettoyer et nous reposer.

Je n’ai pourtant pas changé de linge depuis mon départ d’Annonay (29 jours !) et il y a 15 jours que je ne me suis ni lavé, ni rasé. Mes effets sont tout déchirés et couverts de craie blanche. Tout au plus, ce bon chef nous permet-il d’aller jusqu’au village de Wez, à notre cuisine, pour nous nettoyer un peu. Mal nous en prend.

 

À peine arrivés, un 240 de marine tombe en plein sur la maison de la cuisine. Celle-ci s’effondre. Mes deux compagnons de tranchée sont blessés tous les deux et évacués de suite. Quant à moi, je me dégage tout seul des débris qui me sont tombés dessus, et n’ai que quelques contusions. Je passe la nuit dans une baraque à côté.

29 avril D

Je passe la matinée à Wez, à la cuisine de la 5ème batterie, où je me nettoie un peu.

Je remonte à la batterie dans l’après-midi. Le capitaine BROCHAND, Cdt la 6ème batterie, est nommé chevalier de la Légion d’Honneur. La 3ème pièce de la batterie est citée à l’ordre du jour.

Depuis que nous sommes en ligne, la 4ème pièce en est à son 4ème canon, la 3ème à son second, et la 2ème à son 3ème. Seule la 1ère pièce a toujours le même.

 

Le soir, bombardement réciproque très violent. Les Boches nous envoient des gaz asphyxiants et lacrymogènes (chlorure et bromure de benzoyle probablement). (*)

Nous tirons toute la nuit sans discontinuer, avec le masque sur la figure. Les gaz m’ont occasionné quelques vomissements.

 

(*) : N’oublions pas qu’il est chimiste.

30 avril

Activité très grande de l’artillerie, car la 20ème division doit attaquer à midi. Le temps est magnifique, un peu chaud. Les Boches nous bombardent toujours et nous envoient encore des gaz. Nous leur en lançons à notre tour.

L’attaque de l’infanterie est pour midi 35. À ce moment, la lutte d’artillerie prend une violence extrême. Les Boches bombardent et nous tirons toujours.

 

À 14 heures, notre pièce éclate, par suite de la surchauffe et d’un gonflement de métal. On doit nous en remonter une autre dans la nuit. En attendant, nous allons aider les autres pièces.

1er mai

Nous tirons encore presque toute la nuit (dix-sept barrages). Nous sommes éreintés : c’est notre deuxième nuit blanche.

L’attaque a, dit-on, assez bien réussi, mieux que la 1ère.

 

Le soir, de 13 à 15 heures, violent bombardement de 210 sur la batterie, presque aussi fort que le 10 avril. Pas de mal heureusement. La batterie a eu une veine insensée jusqu’ici, et n’a encore que six blessés (sur un effectif de 32 hommes), alors que les autres batteries ont été très éprouvées (à la 4ème, il ne reste que sept hommes).

Comme on redemande des volontaires pour l’infanterie, je me fais inscrire à nouveau, et je monterai demain aux tranchées avec un camarade désigné d’office. Plusieurs hommes de l’équipe que nous allons relever ont été blessés ou ont disparu, entre-autres le lieutenant chef de la liaison (*). D’autres se sont distingués et ont fait des prisonniers.

Nous devons être en liaison avec un bataillon du 296ème d’infanterie, qui est sur la gauche du 47ème.

 

(*) : Il doit s’agir du sous-Lieutenant CASSAGNES (nommé dans le JMO)

     

2 mai

Départ pour les tranchées à 3 heures du matin. Nuit très belle.

Nous arrivons en lignes vers 7 heures. Nous sommes en liaison avec le 4ème bataillon du 296ème, et nous installons un premier poste-relais en dessous de la Voie Romaine. Il y a des abris assez confortables, mais le boyau est dangereux. Plusieurs territoriaux viennent d’y être tués, lorsque nous arrivons.

On nous apprend qu’hier, au cours d’une contre-attaque (celle au 17 barrages), les Boches ont repris au 296ème presque tout le terrain gagné, de sorte que le résultat de l’attaque est médiocre.

 

Toute la journée, notre boyau est fortement bombardé, et nos lignes sont hachées, sitôt installées. Nous sommes obligés d’installer un nouveau relais à 300 mètres en avant. L’équipe de la 6ème batterie, mon camarade et moi, sommes désignés pour y aller.

Là, grand malheur : nous ne sommes pas installés depuis dix minutes dans un trou malcommode, qu’un barrage commence, précisément à l’endroit où nous sommes (carrefour de boyaux).

Mon pauvre camarade est tué net d’un éclat de 88 qui lui ouvre le crâne (un trou à y mettre le poing et par où est sortie la cervelle. Je me trouvais à côté de lui et suis couvert de terre et de sang. Cette mort si prompte d’un de mes meilleurs compagnons de misère m’a fort ému et découragé.

 

Le soir venu, comme l’ennemi se calme, j’emporte à l’arrière, avec le secours d’un fantassin, le corps de mon camarade. (La nouvelle se savait déjà à la 6ème batterie, mais il y avait erreur de personne, car on croyait que c’était moi qui étais tué). Le capitaine BROCHAND refuse une citation au pauvre malheureux, qui était presque aussi mal vu que moi.

Mais, par contre, il fait citer ses cuisiniers et son ordonnance.

 

(*) : Il doit s’agir de François CHATILLON (seul tué au 1er RAC du 1er au 3 mai). Voir sa fiche.

3 mai

Nous quittons ce poste tragique, et en installons un nouveau dans le boyau Fabert, près de la Voie Romaine.

Le temps est toujours superbe. Dans la matinée, nouveau malheur dans notre équipe. Le sous-Lieutenant chef de liaison est très grièvement blessé (un bras presque arraché) ainsi qu’un homme. Dans l’ensemble, la journée est pourtant assez calme.

 

Mais le soir et la nuit, grande recrudescence de l’activité d’artillerie. Un 105 tombe sur le devant de notre trou, qui s’éboule. Nous sommes ensevelis entièrement, mais parvenons à nous dégager, après une heure de travail.

Il pourrait s’agir du sous-lieutenant MOUCHERONT blessé au bras selon le JMO mais indiqué au 2 mai.

4 mai

C’est notre tour de monter au bataillon, en 1ère ligne, pendant que les autres viendront au relais.

Nous partons à 5 heures et arrivons à 6 heures dans les lignes boches. Le secteur est plus calme que ceux que j’avais vus au 95ème et au 47ème. Nous nous installons dans une ancienne sape boche.

La journée est calme ; le temps est beau.

 

Sur le soir, une des plus dures séances que les Boches nous aient encore données : deux heures et demi de bombardement ininterrompu sur notre petit coin. Le boyau où nous nous trouvons est entièrement comblé. Nombreux tués et blessés, dont toute l’équipe de liaison du 37ème artillerie (toute la liaison se trouvait ensemble).

Le bombardement s’étend jusqu’aux batteries, surtout au 1er groupe du 37ème qui voit neuf de ses pièces sur douze détruites et tous ses dépôts de munitions sautés.

5 mai

Bonne nouvelle : on nous annonce enfin la grande relève. Ce n’est pas malheureux.

La journée est assez calme, mais très chaude.

 

À six heures du soir, nous sommes relevés par les agents de liaison du 57ème artillerie. Nous redescendons au relais du boyau Fabert sous un tir de barrage très violent, sans être atteints.

Par contre, une compagnie de travailleurs territoriaux, qui montait en ligne à ce moment, est presque anéantie.

6 mai D

Relève générale.

Nous quittons le relais à 8 heures du matin, descendons à Wez d’où nous allons à pied à l’échelon de Trépail. La batterie sera relevée le soir même par le 57ème. En signe de réjouissance de nous voir encore en vie, nous festoyons un peu.

Nuit très tranquille, passée à Trépail.

7 mai

Départ de Trépail à 8 heures du matin.

Nous traversons Les-Grandes-Loges, La-Veuve, etc, et allons cantonner dans un petit bois à 10km de Châlons entre La-Veuve et Saint-Hilaire –au-Temple.

On m’apprend là que le 95ème d’infanterie m’avait proposé pour une citation, mais que le capitaine l’a refusée. Je l’en remercierai dès que je le verrai.

8 mai

Journée passée au même endroit.

Nous devons partir demain pour la région de Verdun. Ici quelques renseignements : la batterie a tiré au Cornillet 35.000 obus en 27 jours (la 1ère pièce à elle seule en a tiré 11.000). Elle a eu un tué, six blessés et 14 canons détruits ou éclatés. Les pertes totales du 1er artillerie s’élèvent à 172 hommes hors de combat (parmi lesquels 160 servants, sur un effectif total de 305 servants).

CHAPITRE VI  Au Fort de Tavannes  1917

9 mai

Départ à 5 heures du matin. Nous repassons par La-Veuve, près du Quartier Général du général ANTHOINE, Cdt la IVème armée, puis à Châlons-sur-Marne, à L’Épine, à Courtisols, à Somme-Vesle, et nous arrivons à midi à Poix. Nous y cantonnons.

 

Le soir, petite émeute. Quelques officiers du 2ème groupe sont rudoyés. L’affaire n’aura pas de suite.

10 mai

Départ de Poix à 5 heures.

Nous traversons Somme-Yèvre, Noirlieu, Remicourt et arrivons à 10 h. à Givry-en-Argonne. Tout le 2ème groupe est consigné dans le parc, par suite des incidents de la veille. Journée de corvées fatigantes.

11 mai

Nous quittons Givry à 3 h. du matin. Traversée de Charmontois, Senard, Triaucourt, Èvres, Beauzée, Seraucourt, Rignaucourt, Mondrecourt et arrivée à Heippes, près de Souilly à 14 heures. Il fait très chaud.

Très bon cantonnement dans une grange.

12 mai

Journée passée à Heippes. Nous recevons de la correspondance en retard (nous n’avions rien depuis 10 jours). Pour ma part, j’ai 28 lettres, 4 colis et une dizaine de journaux. Il fait toujours aussi chaud, un vrai temps d’été. Nettoyage complet.

13 mai D

Départ d’Heippes à 5H30.

Nous traversons Souilly, Senoncourt, Dugny, la Meuse au pont de la Falouse, Haudainville et arrivons à Belrupt, près du Fort de Belrupt, à 10 heures. Bon cantonnement. Nous devons monter demain en position.

La journée est très belle. Grande activité aérienne. Un avion boche est abattu par un canon anti-aérien et vient s’écraser sur notre gauche.

14 mai

Le capitaine me fait une nouvelle scène pour n’en pas perdre l’habitude. La 1ère section de la batterie monte en ligne vers le soir. Nous la rejoindrons demain.

15 mai

Visite du Général LE GALLAIS, Cdt la 16ème division. Nous montons en batterie le soir à minuit. Il pleut.

16 mai

Arrivée à la position à 2 h. du matin. Nous nous trouvons à 1 ou 2 km au nord de la route de Verdun à Étain, à 500m au sud-ouest du fort de Tavannes. Nous relevons le 261ème artillerie. La position de batterie se trouve dans un bois complètement haché par les anciennes batailles (Bois des Hospices).

Dans la journée, installation.

17 et 18 mai

Travaux d’installation et de camouflage. Le secteur est très calme.

19 mai

Je monte au Fort de Tavannes, avec deux camarades, pour installer un relais de fusées, qu’on n’aperçoit pas de la batterie. Nous y sommes très bien installés, dans les caves voutées du fort.

20 et 21 mai

Rien à signaler. Mauvais temps.

Je visite le fort de Tavannes, ou plutôt ce qu’il en reste. À gauche nous avons les forts de Souville et de St Michel, puis Verdun, à droite et en arrière les forts de Moulainville et du Rozelier. Devant nous, au pied du fort, ce qui fut le bois Fumin et la Laufée. Plus loin, les côtes de Froideterre et du Poivre, et les forts de Vaux et de Douaumont.

Le champ de tir de la 6ème batterie comprend l’étang de Vaux et la batterie de Damloup.

22 mai

De grand matin, coup de main français et barrage boche. Une certaine activité d’artillerie pendant la journée.

23 mai

Rien à signaler. Journée très calme.

24 mai

Remise de décorations par le colonel CRÉBASSOL, Cdt l’A.D.16.

Un avion boche est abattu au-dessus du Fort de Tavannes.

25 mai

Assez grande activité de l’artillerie boche, qui bombarde entre Souville et Tavannes.

Le soir, coup de main français en direction d’Eix.

26 et 27 mai

Rien à signaler.

28 mai

Grosse chaleur.

À la tombée de la nuit, les Boches lancent quelques 105 sur le Fort de Tavannes. Un avion ennemi est abattu.

29 mai

Journée calme.

30 mai

Faible activité d’artillerie. Journée très chaude.

31 mai

Un dépôt de munitions saute à Belleville. Les Boches envoient quelques 150 sur le fort. Assez grande activité aérienne. Une saucisse boche est incendiée et abattue.

1er juin

Coup de main français sur la ferme de Capy. (*)

 

(*) : localisation non trouvée.

2 juin

Faible activité d’artillerie. Journée pluvieuse.

3 juin D

Les Boches nous envoient quelques 105, visiblement dirigés contre notre observatoire. L’un d’eux en tombe à 3 mètres, sans nous faire de mal.

4 et 5 juin

Journées calmes, mais très chaudes.

6 juin

Chaleur excessive. Sur le soir, orage très violent, qui dure toute la nuit. La foudre tombe a plusieurs reprises sur le Fort de Tavannes. Notre observatoire est inondé.

7 et 8 juin

Rien à signaler.

9 juin

Coup de main boche du côté de Douaumont.

10 et 11 juin

Journées calmes.

12 juin

Je suis relevé du fort de Tavannes et rentre à la batterie (4ème pièce). Le poste de Tavannes (O.85) est supprimé. Dans la soirée, contre-ordre. Le poste est rétabli et je remonte avec un brigadier à Tavannes.

13 juin

Rien à signaler.

14 juin

Bruits de relève très prochaine pour toute la division.

15 juin

Grande activité de l’artillerie boche, qui encadre le Fort de Tavannes.

16 et 17 juin

Rien à signaler. La 1ère section est relevée le 17 au soir.

18 juin

Nous sommes relevés dans la matinée par le 7ème artillerie (19ème division, 10ème corps) et nous descendons à l’échelon de Belrupt, d’où nous partirons demain.

Il paraît que nous nous rendrions par étapes à Poissons (Haute-Marne) pour y prendre un repos de trois semaines.

 

CHAPITRE VII       Devant Ville-sur-Tourbe -  1917

19 juin

Départ de l’échelon de Belrupt à 4 heures du matin. Traversons Belrupt, Haudainville, la Meuse, Dugny, Senoncourt, Souilly, Heippes, Issoncourt et arrivons à 11 h. à Neuville-en-Verdunois. Bon cantonnement dans une grange.

Journée belle et chaude.

20 juin

Départ de Neuville à 3 h. du matin par une pluie battante.

Nous passons à Longchamps-sur-Aire, Pierrefitte, Rumont, Érize-Saint-Dizier, Géry, etc et arrivons à Loisey à 9h30.

Très bon cantonnement.

21 juin

Départ de Loisey à 3h30. Très dure étape.

Nous traversons Culey, Silmont, Tannois, Nant-le-Grand, Nant-le-Petit, Ménil/Saulx, Dammarie/Saulx, Écurey et arrivons à midi à Montiers-sur-Saulx.

Assez bon cantonnement. Forte noce.

22 juin

Départ de Montiers/Saulx à 6 heures. Courte étape de 18km. Nous arrivons vers 9 h. à Poissons. Très bon cantonnement dans un pays où il n’y a jamais eu de troupes. Les habitants nous reçoivent très bien.

23 juin

Journée d’installation. Apprenons la mort, survenue à Bourges, en permission, du Lieutenant-colonel LEFÉBURE, Cdt le 1er RAC.

 

(*) : Jacques Maurice LEFÉBURE est en fait décédé à St-Cloud (Seine). Voir sa fiche.

24 juin D

Belle et bonne journée.

Nous allons dans l’après-midi faire le plein en munitions dans une gare voisine de Joinville.

25 juin

Service religieux en l’église de Poissons pour le Lt-colonel LEFÉBURE.

26 juin

On nous annonce le départ pour demain matin, direction probable : secteur de Massiges.

Je suis de garde toute la journée.

 

Le soir, violents incidents. Un bataillon du 85ème d’infanterie se mutine, parcourt les rues, drapeau rouge en tête, en chantant l’internationale. Toutes les batteries et les autres unités d’infanterie sont mobilisées et restent en éveil toute la nuit. Désordres de toutes sortes. Violente fusillade. Les fantassins tirent sur les officiers. Ils refusent de remonter sur le front demain.

Nombreuses arrestations dont plusieurs artilleurs.

27 juin

Départ de Poissons à 4 heures du matin. Nous traversons Thonnance, Curel, la Marne, Breuil-sur-Marne, Chevillon, Narcy, Cousances et Cousancelles, La Houpette, Haironville, etc. Étape très fatigante par sa longueur (45km), la chaleur et la poussière.

Nous arrivons à 13 heures à L’Isle-en-Rigault.

Bon cantonnement.

28 juin

Nous repartons de l’Isle-en-Rigault à 6 h.

Traversons Robert-Espagne et arrivons à midi à Sermaize. Tout le 2ème groupe (500 hommes) y est logé sous un hangar immense.

29 juin

Départ de Sermaize-les-Bains à 6 heures.

Nous traversons Rancourt et arrivons à 10 heures à Givry-en-Argonne. Très bon cantonnement. Nous devons, paraît-il, y rester plusieurs jours, avant de monter en ligne.

30 juin

Travaux d’installation et de nettoyage.

1er juillet D

Journée de repos. Indigestion de cerises.

2 juillet

Grande et agréable surprise. Je suis désigné pour suivre des cours de T.S.F. à l’état-major du 8ème corps. Nous partons 1 homme par batterie : soit 9 pour le régiment.

Nous quittons Givry à 13 heures en auto. Après avoir traversé Ste-Menehould, nous arrivons à 16 heures à Dommartin-la-Planchette, où se trouve l’E.M. du 8ème corps et la section télégraphique du 8ème génie qui nous fera les cours.

Nous mangeons à la cuisine du 8ème train (excellente nourriture) et coucherons dans des baraques Adrian à Dampierre-sur-Auve, qui est à 500m de Dommartin.

Les cours qui doivent durer 6 à 7 semaines, comportent des artilleurs de différents régiments (en tout 40 élèves).

3 juillet

Commencement des cours de lecture au son. 6 heures par jour.

Travail intéressant et peu fatigant.

4 juillet

Le 1er artillerie doit monter en ligne demain dans le secteur Massiges – Ville-sur-Tourbe. Bon voyage.

Ici, continuation des cours.

5 au 13 juillet

Journées tranquilles et heureuses. Cours, bons repas, promenades dans les environs (Voilement, Gizaucourt, Verrières, etc). Surtout nombreuses fugues à Ste-Ménehould. Petites fêtes.

14 juillet

Fête Nationale. Repos et réjouissances.

Festins pantagruéliques, suivis de concerts et de distractions diverses.

15 au 21 juillet

Comme précédemment. La joie règne.

22 juillet D

Raid aérien boche sur la région. Quelques maisons démolies à Ste-Ménehould, lorsque nous nous y trouvons (2 h. du matin). Pas d’accident de personnes.

23 juillet - 9 août     

Rien à signaler.

Les peuples heureux n’ont pas d’histoire.

10 août

Une saucisse française est abattue en flammes dans les environs de Dampierre-sur-Auve.

J’apprends que le 1er (artillerie) a eu quelques pertes depuis qu’il est dans le secteur (2 tués à la 1ère batterie, 2 tués à la 7ème et 5 hors de combat à la 3ème). Le 2ème groupe n’a pas de mal.

11 au 20 août

Cours, promenades, parties joyeuses, etc.

21 août

Fin des cours et examen final. Je sors 1er sur 24.

22 août

Préparatifs de départ.

Nous quittons Dommartin-la-Planchette à 15 heures et j’arrive à 17 h. à Chaudefontaine, où est l’échelon de la 6ème batterie. J’en pars presque de suite par la corvée de vivres, et j’arrive à 8 heures du soir à l’A.C.D.16.

On me dit qu’il n’y a pas de place à la T.S.F. pour le moment et que je dois rentrer provisoirement à la 6ème batterie. En attendant, comme j’ai déjà deux mois de retard pour ma permission, le la fais signer par le colonel et redescends coucher à Chaudefontaine.

23 août

Je prends le train de 13 h. à Ste-Ménehould. Arrêt à Revigny, puis voyage toute la nuit.

24 août

Arrivée à Lyon, le matin, et à Annonay à 6 h. du soir.

 

PERMISSION

 

2 septembre D

Départ d’Annonay à 5H55,  direction Ste-Ménehould. Journée et nuit passées à Lyon.

3 septembre

Journée et nuit passées à Lyon.

4 septembre

Départ de Lyon à 8 h. du matin.

Déjeuner à Châlons-sur-Saône, j’en repars à 13 h.

 

Le soir, grosse alerte.

Des avions boches bombardent les gares régulatrices de la région. Des femmes et des permissionnaires sont tués à Joinville, d’autres à Revigny. J’arrive à minuit dans cette dernière gare.

5 septembre

On m’apprend à Revigny que le 1er n’est plus en Champagne, mais très loin à l’arrière. Je pars donc pour Troyes, où j’arrive à 13 h. et où je passe la journée (j’y vis d’aumônes, n’ayant plus un sou).

Je repars de Troyes à minuit, direction Valmy.

6 septembre

Arrivée à Ste-Menehould à 9 h. Je rentre aussitôt à l’échelon, à Chaudefontaine. Il n’y a pas encore d’ordres pour la T.S.F.

Je passe la journée à Ste Menehould.

7 septembre

Journée et nuit passées à Ste-Ménehould.

8 septembre

Je suis désigné pour faire partie d’une équipe de terrassiers qui doit travailler dans le secteur de la 15ème division, sur notre gauche.

Je quitte Chaudefontaine à 8 h. Nous traversons Maffrécourt et Courtemont et arrivons à midi à la 2ème batterie (P.C. Dunkerque).

On nous y met en subsistance. Nous nous installons dans des cagnas isolées, à côté de la 2ème batterie (la 2ème et la 1ère sont côte à côte dans un ravin fortement bombardé : c’est le ravin du Commandement, à 800m au nord-ouest de Minaucourt).

9 septembre D

Nous devons travailler 6h par jour, mais d’une seule traite.

Départ à 4 h. du matin. Nous faisons 2km500 à travers les boyaux et allons travailler sur une colline, placée derrière les tranchées du 10ème d’infanterie, à 800m des Boches, et où nous allons faire des positions de batteries avancée.

Nous sommes 45 travailleurs (5 par batterie). Le travail cesse à midi.

 

L’après-midi, repos. Ce sera la même chose pendant 15 jours.

10-12 septembre

Travaux. Forte chaleur.

13 septembre

Fort bombardement boche de grand matin. Quelques tués et blessés à nos côtés.

14 septembre

Pluie abondante. Le terrassement devient pénible à cause de la boue.

15 septembre

Assez grande activité de l’artillerie boche. Quelques 105 tombent près de nos cagnas.

16 septembre D

Le soir, concert en plein air, donné à l’E.M. de la 16ème DI.

17-18 septembre

Travaux. Pluie. Boue.

19 septembre

Notre chantier étant fini, nous allons en commencer un nouveau à 1500m, sur la droite.

20 septembre

Assez grande activité d’artillerie. Forte pluie.

21 septembre

Travail incommode, par suite de la boue.

Le soir, grand malheur. Un 105 boche tombe à 10m de nous, au milieu du groupe de nos camarades de la 5ème batterie, qui allaient partir en promenade avec nous. Quatre sont touchés. Nous les relevons aussitôt et ils meurent dans nos bras.

22 septembre

Bombardement boche extrêmement violent sur nos abris et tout le secteur. Dix hommes sont hors de combat, dont sept tués. Envoi de gaz.

Sur le soir, le bombardement redouble. Il y a 26 servants tués ou blessés dans les trois batteries du 1er groupe. Nous sommes relevés à 6 h. du soir de ce coin dangereux et nous redescendons à Chaudefontaine.

23 septembre D

Journée passée à Ste-Menehould. Nous y oublions nos émotions.

Le soir, nous remontons à la 6ème batterie, par la corvée de vivres. Je rentre comme servant à la 4ème pièce. La 6ème batterie est aux lisières nord de Berzieux, à 500m de Montrémoy (aujourd’hui le Mont Trémois) et à 2km de Ville-sur-Tourbe.

25-26 septembre

Journées calmes. Travaux divers.

27 septembre

Le secteur de Ville-sur-Tourbe est beaucoup plus calme que celui de Minaucourt. Visite du général LE GALLAIS et du commandant BRAYER.

28 septembre

Commencement des travaux d’une sape de bombardement pour la batterie. Je reprends mes fonctions de terrassier.

29-30 septembre

Terrassement et corvées.

1er octobre

Coup de main français sur la Tête de Vipère (voir carte Main de Massiges). Nous tirons 600 obus entre 1 h. et 2 h. du matin.

Le coup de main exécuté par le 85ème d’infanterie rapporte une mitrailleuse et trois prisonniers, sans aucune perte pour nous. (Nous soutenons le 85ème d’infanterie et faisons barrage sur le Calvaire).

2 octobre

Je pars à l’E.M. du 2ème groupe, comme terrassier spécialiste ( !). Nous devons déblayer de vieilles cagnas, pour en faire de nouvelles.

3-6 octobre

Travaux de terrassement au 2ème groupe.

7 octobre D

Journée de repos. Promenades dans les tranchées du 85ème, à Malmy et à Ville-sur-Tourbe.

8-9 octobre

Pluie et boue. Le travail devient pénible.

10 octobre

Très grande activité d’artillerie dans tout le secteur. Nombreux coups de main de part et d’autre.

11 octobre

Je suis relevé de mon travail et rentre à la 4ème pièce de la batterie.

12 octobre

Je me remets aux travaux de la sape.

La pluie continue. Cela fait 15 jours qu’elle ne cesse de tomber. La plaine est un marécage.

13-14 octobre

Rien à signaler. Actions d’artillerie sur la gauche.

15 octobre

Alerte de nuit et coup de main. Nous tirons 600 obus.

Les fantassins font 9 prisonniers.

16 octobre

Journée sans incident.

17 octobre

Je deviens métro de la batterie (ouvrier en fer) pendant l’absence d’un permissionnaire.

 

Le soir, je vais dans les tranchées, à Ville-sur-Tourbe, pour porter un pli.

18 octobre

Je suis relevé de mes fonctions de métro (elles ont duré 12 heures) et je redeviens terrassier.

Le soir, visite du Lt-colonel RIEDER, commandant l’A.C.D.16. (*)

 

(*) : Il a remplacé le 7 juillet le Lt-colonel LEFEBURE décédé en juin

19 octobre

Je suis désigné pour monter à O.V, observatoire de la 6ème batterie et du 2ème groupe. Cet observatoire est très mal installé et, si on y a une belle vue, on y manque totalement de confortable.

20 octobre

Je suis encore relevé d’O.V. mais cette fois pour un bon poste. Je vais à l’E.M. du 2ème groupe faire l’intérim d’un radio en permission. Je prends aussitôt possession de mes fonctions.

21-24 octobre

Journées calmes et heureuses.

25 octobre

Assez grande activité d’artillerie dans le secteur. Coup de main boche repoussé.

Je me fais bombarder en faisant une promenade à Ville-sur-Tourbe. La 6ème batterie a tiré 800 coups.

27 octobre

Très grande activité d’artillerie au cours de la nuit. Les Boches font exploser deux mines et tentent plusieurs coups de main, qui sont repoussés.

28 octobre D

Rien de nouveau. Le froid est devenu vif et il gèle la nuit.

29 octobre

Un avion boche est abattu sur notre gauche. Rien d’autre à signaler. Je suis toujours heureux à mon poste.

30-31 octobre

Journées tranquilles.

1er novembre

Un aviateur boche descend coup sur coup trois saucisses dans notre secteur (à la seconde, l’aéronaute n’a pas le temps de sauter et brûle avec son ballon). On m’annonce que je peux partir en permission.

Départ de la position à midi et arrivée à Chaudefontaine à 15 heures. Je vais passer la soirée à Ste-Ménehould et prends le train à Valmy à 2 h. du matin.

 

(*) : Il s’agit de l’Aspirant Émile Ernest Constant Hyacinthe LENGLET du 83ème RAL. Voir sa fiche.

2 novembre

Arrêt à la gare régulatrice de Jessains. Voyage.

3 novembre

 

PERMISSION

 

14 novembre

Départ d’Annonay à 6 h. de matin, direction Ste-Menehould. Journée et nuit passées à Lyon.

15 novembre

Journée et nuit passées à Lyon.

16 novembre

Départ de Lyon à 8 h. du matin. Dîner à Châlons-sur-Saône et arrivée à Revigny à minuit.

17 novembre

Arrivée à Ste-Menehould à 8 h. du matin, et à Chaudefontaine à 10 h. Je remonte le soir par la corvée de vivres à la batterie. J’y reprends ma place à la 4ème pièce. (La batterie s’est partagée pendant mon absence. Les 1ère et 2ème pièces sont allées à 10km en arrière, tandis que la 2ème section, où je suis, est restée en place).

18-19 novembre

Mauvais temps. Recommencement des travaux de sape.

20 novembre

Je manque être enseveli sous un éboulement de la sape.

Dans la soirée, on me désigne pour suivre un exercice de liaison. Nous descendons à Chaudefontaine, puis remontons près de Maffrecourt faire des exercices de nuit de liaison optique avec des éléments d’infanterie de la division.

Nous rentrons à Chaudefontaine à minuit. Je vais à Ste-Menehould.

21 novembre

Journée passée à Ste-Menehould.

Nous remontons à la batterie à la tombée de la nuit, avec la corvée de vivres.

22 novembre

Reprise du terrassement. Tirs de nuit.

23-24 novembre

Quelques tirs. Les Boches bombardent les alentours de la batterie.

25 novembre D

Promenade de 14 km par le camp Vauban et Vienne-la-Ville pour le ravitaillement en vin (je rapporte 24 litres sur mon dos).

26-28 novembre

Terrassement. Froid et neige.

29 novembre

Bombardement boche extrêmement violent sur la 1ère section. Il dure toute l’après-midi (1200 obus).

Quelques abris démolis, mais pas d’autres dégâts.

30 novembre

Terrassement.

Le soir et dans la nuit, l’ennemi bombarde de nouveau la batterie, mais assez maladroitement. Toujours pas de dégâts (la batterie, d’ailleurs cachée sous les arbres d’un verger, est difficilement repérable).

1er décembre

Chute de neige. Quelques tirs boches.

2-3 décembre

Froid vif. Forte gelée.

4 décembre

Grande activité aérienne. Les Boches bombardent la batterie avec du 105. Quelques obus très près.

5 décembre

Froid vil.

On nous annonce la relève pour demain.

6 décembre

La relève commence.

La 1ère section descend aujourd’hui. Nous sommes relevés par le 261ème artillerie (72ème division)

7 décembre

C’est notre tour aujourd’hui. La 2ème section est relevée dans la nuit et nous allons coucher à l’échelon à Chaudefontaine, non sans que j’aie célébré mon anniversaire à Ste-Menehould (25 ans).

Nous devons partir demain pour aller quelques jours au repos à Herpont (25 km d’ici).

CHAPITRE VIII     Le secteur de Maisons-de-Champagne  -  Main de Massiges - 1917

8 décembre

Nous quittons Chaudefontaine à 7 heures du matin. Traversée de Dommartin-la-Planchette, Auve, et arrivée à Herpont à midi. Bon cantonnement dans une baraque Adrian.

9 décembre D

Installation et corvées. Petite noce.

10 décembre

Froid vif. Nettoyage du matériel.

11 décembre

Corvées et revue. On me désigne pour aller faire un nouveau stage de radio à la S.T. (*) de la 16ème division, à Noirlieu.

 

(*) : S.T. : Section Radio du Détachement Télégraphique qui est au repos à Noirlieu jusqu’au 15 décembre, puis va à Dampierre-le-Château du 16 décembre 1917 au 31 janvier 1918. (JMO du Détachement Télégraphique).

     

12 décembre

Départ d’Herpont à 6 h. du matin sur un avant-train de la 6ème batterie. Nous traversons Dommartin-sur-Yèvre at arrivons à 9 heures à Noirlieu (13 km d’Herpont). Je passe en subsistance au 8ème génie, qui nous fera nos cours (nous sommes trois seulement du 1er (artillerie), un par groupe, mais il y a avec nous une trentaine de fantassins).

Très bonne installation et vie agréable.

 

Dans la soirée, séance de cinéma et concert au foyer du Soldat.

13 décembre

Commencement des cours. Cinéma.

14 décembre

Cours.

Nous devons changer de cantonnement demain, et nous rendre à Dampierre-le-Château, à 8km de Noirlieu.

15 décembre

Départ de Noirlieu à 8 h. du matin, à pied, et arrivée à 10 heures à Dampierre-le-Château. Aussi bon cantonnement qu’à Noirlieu.

16 décembre D

Reprise des cours. Il gèle à 12 degrés.

17-21 décembre

Cours. Réjouissances diverses. Vie heureuse.

22 décembre

Fin des cours. Examen où j’ai de bonnes notes. Je dois rentrer demain à la 6ème batterie, qui est, paraît-il, à Argers, à 3km au sud de Ste-Menehould.

23 décembre D

Je quitte Dampierre-le-Château à midi, à pied. Je passe par Rapsécourt, Virlemont, Dampierre-sur-Auve et j’arrive à 16 heures à Argers. Très mauvais cantonnement, dans une grange à moitié démolie, où l’on gèle.

Je rentre à la 4ème pièce. Toutes les batteries sont occupées, depuis 8 jours déjà, à faire des positions de repli dans la région, en vue de la future attaque boche.

24 décembre

Journée de repos.

Je vais à Verrières dans l’après-midi et à Ste-Menehould le soir.

25 décembre

Départ à 6 h. pour les travaux et rentrons à 18 heures.

Terrassement toute la journée dans la neige. Nous faisons une position de batterie de repli à 1500m au sud (*) de Maffrecourt, près de La-Neuville-au-Pont.

 

(*) :  Donc plutôt plein Est !

26 décembre

Idem.

15 degrés au-dessous de zéro. Travail dur.

27 décembre

Notre position de batterie étant achevée, nous allons en commencer une nouvelle au nord de Maffrecourt, près de la ferme Courtemont.

28-29 décembre

Idem. Chute abondante de neige (30cm). Travail très pénible.

30 décembre D

C’est mon tour de repos (1 jour tous les 5 jours). Visites à Verrières et à Ste Ménehould.

31 décembre

Nous ouvrons un nouveau chantier près de Chaudefontaine.

1918

1er janvier      

Comme le capitaine voulait nous faire travailler aujourd’hui, nous refusons en chœur et prenons de notre chef une journée de repos.

J’assiste à la messe dans l’église d’Argers.

Le soir, visite à Verrières et concert. Ensuite grand gala au champagne en l’honneur du Premier de l’an.

2 et 3 janvier

Terrassement. Il gèle à -20°.

Un avion allemand incendie une de nos saucisses, à 300m de nous. Nous devons changer demain de cantonnement.

4 janvier

Départ d’Argers à 8h20.

Nous traversons Dampierre-sur-Auve, Valmy, Somme-Bionne et arrivons à 11 h. au camp Saint-Martin, à 1km de Somme-Bionne. Toute la batterie est logée dans une baraque Adrian.

Bon cantonnement.

5 janvier

Installation du cantonnement. Chute de neige.

6 janvier D

Reprise des travaux de terrassement. Nous faisons une position de batterie à 1500m à l’ouest de Somme-Tourbe, au sud de Mesnil-lès-Hurlus.

7 janvier

Journée très dure. Il a dégelé pendant la nuit, et la pluie ne cesse de tomber. Nous devons travailler toute la journée par ce temps-là et sommes trempés jusqu’aux os.

De plus, je souffre d’engelures aux pieds.

8 janvier

Mon tour de repos. Journée passée au Camp St Martin.

9 janvier

Mise en train d’un nouveau chantier, à 300 m du précédent.

10 janvier

Chute très abondante de neige. Plus d’un mètre d’épaisseur dans la campagne.

Le travail est devenu très difficile.

11 janvier

Nous commençons encore un chantier, à 300 m à droite.

12 janvier

Un avion boche abat, coup sur coup, deux saucisses françaises, l’une à notre droite, à Maffrecourt, l’autre à notre gauche, à Somme-Suippes. Dans l’après-midi, les Boches bombardent Somme-Tourbe, avec de l’artillerie de marine.

13 janvier D

Mon jour de repos. Nettoyage. Promenade à Hans.

14-18 janvier

Travaux. Temps doux. Pluie et boue.

19 janvier

Transformation de la batterie. On supprime l’échelon de combat. Les trois échelons des trois batteries du 2ème groupe formeront la 2ème colonne de ravitaillement. Nombreux changements de personnel.

Pour moi, je reste servant à la 4ème pièce de tir.

20 janvier D

Journée de repos.

21 janvier

Terrassement. Pluie.

22 janvier

Je quitte la 4ème pièce (où j’étais depuis 18 mois), pour passer à la 5ème pièce, comme téléphoniste.

Cela ne m’empêchera pas de faire du terrassement. Nous commençons une nouvelle position, près de Saint-Jean-sur-Tourbe.

23-24 janvier

Terrassement.

25 janvier

Mon tour de repos. Je vais prendre ma douche à Somme-Tourbe, pour essayer, en vain, de me débarrasser de la vermine.

26 janvier

Terrassement le matin.

À midi, décision nouvelle. Les travaux sont arrêtés (la division devant bientôt remonter en ligne). Nous redescendons au camp St Martin.

27 au 29 janvier

Repos et nettoyages.

30 janvier

Préparatifs de départ. Nous devons remonter en ligne dans le même secteur, mais les groupes changeront d’emplacement entre eux. Le 1er groupe ira à notre place (derrière Ville-sur-Tourbe) et nous irons à la sienne (ravin du Commandement). Seul, le 3ème groupe, qui est au milieu, restera en place (P.C. Dinant).

Nous devons relever la 72ème division (261ème artillerie), qui nous avait relevés nous-même le 7 décembre. La 6ème batterie prendra les emplacements des 1ère et 2ème batteries (P.C. Spada et Dunkerque) dans le ravin du Commandement (le plus mauvais coin du secteur).

31 janvier

Départ du Camp Saint Martin à 15 heures.

Je marche à la 5ème pièce, comme téléphoniste. Nous traversons Somme-Bionne, Hans, Wargemoulin, Minaucourt et arrivons à la nuit à notre nouvelle position, après un accident qui nous a retardés (chute d’un fourgon dans un trou d’obus (deux camarades blessés)).

Nous relevons la 25ème batterie du 261ème. Nous sommes relativement bien installés, mais entièrement sous terre. Je me trouve à 200m de l’endroit où je travaillais en septembre 1917.

1er février

Transmission des consignes, reconnaissance des lignes téléphoniques et travaux d’installation. Nous avons devant nous Maisons-de-Champagne, à notre droite la Main de Massiges et à gauche la Butte du Mesnil.

2 février

Je suis désigné pour aller comme observateur à P.C. Nice, observatoire du 2ème groupe. Je m’y rends dans la matinée.

Nous sommes installés dans les tranchées de 3ème ligne du 85ème d’infanterie. La sape est magnifique, mais complètement obscure, étant à 10m sous terre.

Dans la soirée, je vais porter des plis dans le ravin du Commandement, au moment où les Boches le bombardent violemment. Quelques dégâts matériels.

3 février D

Très belle journée.

Nouveau bombardement boche.

4 février

Brume.

Observation difficile.

Pendant la nuit, activité d’artillerie.

5 février

Temps plus clair.

Activité de l’artillerie et de l’aviation.

6 février

À deux heures du matin, comme je suis de faction au créneau, les Boches tentent un coup de main sur le verger de Maisons-de-Champagne. Je déclenche aussitôt le barrage du 2ème groupe et le coup de main est repoussé (6 à 700 obus tirés). Le colonel du 85ème d’infanterie me fait féliciter pour ma vigilance.

Toute la journée, tirs de représailles allemands sur les tranchées et les batteries.

7 février

Le ravin du commandement étant trop bombardé et presque intenable, le 2ème groupe (État-major) et la 6ème batterie changent de place et vont à la droite de Minaucourt. L’E.M. du 2ème groupe va à P.C. Mézières et la 6ème batterie à P.C. Vigneulles. Mais, les nouvelles positions n’étant pas achevées, une section de la 6ème (1ère et 4ème pièces) restent dans le ravin du Commandement (P.C. Spada).

8 février 

Journée pluvieuse et calme.

9 février

Dans l’après-midi, très violent bombardement boche sur la section de la 6ème, restée à Spada. Le bombardement dure quatre heures (plus de 500 obus de 150).

Deux casemates sont démolies, la 1ère pièce est détruite, mais il n’y a, heureusement, ni tué, ni blessé.

10 février D

Journée agitée

 Rafales d’artillerie dans tout le secteur.

11 février

Bombardement boche sur P.O. Nice. Deux obus tombent sur notre abri, mais il est solide et défierait un 420. La nuit, pendant ma faction, coup de main allemand entre Massiges et Ville-sur-Tourbe.

12 février

Grande activité d’artillerie. La 15ème division, qui est sur notre gauche, doit attaquer demain la butte du Mesnil.

13 février

Temps brumeux. L’attaque du Mesnil est pour ce soir.

Dès midi, la préparation d’artillerie commence, extrêmement violente. Plus de 40 batteries tirent à la fois, parmi lesquelles le 48ème (artillerie) et les 2ème et 3ème groupes du 1er. L’attaque a lieu à 16 h., menée par un bataillon de chaque régiment de la 15ème division (10ème, 56ème et 134ème (Régiments). Le 256ème est en réserve.

L’attaque réussit pleinement : gain de terrain de 1200m en profondeur sur 1500 et 177 prisonniers.

Il paraît que plus de 50.000 obus ont été tirés en 6 heures.

14 février

Les Boches ne contre-attaquent pas et se contentent d’envoyer des gaz.

15 février

Dès le matin, coup de main boche repoussé sur Ville-sur-Tourbe.

Vers le soir, bombardement ennemi très violent sur la section de la 6ème qui est dans le ravin du Commandement. Plusieurs casemates sont détruites et c’est au tour de la 4ème pièce d’être démolie.

Dans la nuit, et par trois fois, les Boches nous envoient des gaz.

16 février

Belle journée, un peu plus calme.

17 février D

Activité de l’artillerie et de l’aviation. Les Boches bombardent (le P.O.) Nice. Un 150 tombe juste sur le créneau, comme je m’y trouve. La violence de l’explosion me renverse. Mais l’épaisseur du ciment a résisté. L’observatoire est intact.

Dans la nuit, envoi de gaz. Nous devons garder le masque pendant 4 heures.

18 février

Journée très dure.

C’est la grande contre-attaque allemande sur la butte du Mesnil. Les Boches commencent par envoyer des gaz dans tout le secteur. Nous devons garder le masque toute la journée et ne pouvons prendre aucune nourriture. Le bombardement devient très violent et s’étend à toute la région. En allant réparer des lignes et porter des plis, nous sommes pris plusieurs fois sous des tirs de barrage, et ne devons qu’à une veine insensée, de nous en sortir, mon camarade et moi.

Les batteries sont également fort marmitées. Une nouvelle pièce est détruite. Il y a quelques hommes hors de combat, surtout par les gaz.

Un avion boche et un avion français sont abattus près de Minaucourt.

Les deux contre-attaques boches ont lieu à 7 heures du matin et à midi. Elles sont repoussées toutes deux, bien que menées par 3 bataillons de « Stosstruppen ».

19 février

Journée plus calme, bien que les Boches envoient encore des gaz, vers le soir. J’ai été assez incommodé par ceux d’hier (mal de tête, envie de vomir et forte diarrhée).

20 février

Temps froid et beau. Rien d’important.

21 février

Toute la journée, grande activité des deux artilleries. Les Boches envoient des gaz.

À la tombée de la nuit, petite attaque française, qui réussit partiellement.

Toute la nuit, les Allemands bombardent violemment le secteur. Faction très agitée (le téléphone ne cesse pas : on me demande de partout des renseignements. Le secteur est devenu si nerveux, qu’on craint une grande attaque allemande).

22 février

À 4 h. du matin, coup de main boche repoussé. Un avion boche est abattu au-dessus des lignes.

Journée assez calme.

23 février

Rien d’important.

Quelques obus à gaz, derrière nous, dans le ravin de Marson et à la borne 16.

24 février D

Pluie toute la journée. Coup de main allemand repoussé sur la cote 185.

25 février

Je suis relevé à midi de l’observatoire, et je rentre provisoirement à la 4ème pièce (section du ravin du Commandement).

26 février

Contre-ordre. Je quitte Spada et vais à l’autre section, à P.C. Vigneulles, où je redeviens téléphoniste.

À peine arrivé, je manque d’être tué par un 150, qui tombe à 5m de moi. Un trou d’obus voisin, où j’ai le temps de me jeter, me sauve la vie. Il paraît que c’est le 1er obus qui tombe à Vigneulles, depuis que la 1ère section y est.

J’ai de la chance.

27 février

Travaux d’installation de lignes.

Dans la nuit, je vais porter un pli à P.C. Mézières (E.M. du 2ème groupe). Je m’égare dans la nuit très noire, et erre une partie de la nuit, sous la pluie. Je ne rentre qu’au petit jour, fourbu et trempé.

28 février

Rien à signaler.

1er mars

Dès trois h. du matin, bombardement boche très violent sur nos positions et envoi de gaz. Nous avons un tué (*) et un blessé. Toutes nos lignes téléphoniques sont hachées et je passe la journée à les réparer.

 

(*) : Il doit s’agir de Marie Léon FOUCAULT, seul tué au 1er RAC ce jour. Voir sa fiche.

2 mars

Chute de neige.

Nous posons des réseaux de barbelés autour de la batterie, en prévision de la future offensive boche de printemps, qu’on craint pour ce secteur.

3 mars D

Rien à signaler.

4 mars

Très violent bombardement par obus toxiques sur la section de Spada. Un vrai désastre : sur douze servants, onze sont évacués, à moitié aveuglés ou brulés. L’un d’eux est mourant.

5 mars

Nouvel envoi de gaz, sur notre section de Vigneulles cette fois. Il y a encore deux évacués, ce qui fait près de la moitié de la batterie en deux jours. Il n’y a plus que deux servants par pièce.

Les permissions sont retardées, jusqu’à l’arrivée de renforts.

6 mars

La section de Spada quitte son intenable position (il est bien temps) et va s’installer 1200m sur la gauche, à P.C. Avignon (ancienne position de la 5ème batterie, qui va à P.C. Tarascon derrière Minaucourt).

Dans la journée, je pose une ligne entre Avignon et Vigneulles.

7 mars

Beau temps. Activité d’aviation. Journée calme.

8 mars

Des renforts étant arrivés à la batterie, on m’annonce enfin que je peux partir en permission. Je quitte le soir la batterie et arrive à midi à l’échelon, à Valmy.

9 mars

Départ de Valmy à 2 h. du matin. Passage à Châlons-sur-Marne et Jessains.

10 mars D

Arrivée à Lyon à 7 h. du matin et à Annonay à 8 h. du soir.

 

PERMISSION

 

21 mars

Départ d’Annonay, direction Valmy, à 6 h. du matin.

Arrivée à Lyon à 11 heures. J’y passe la journée et la nuit.

22 mars

Journée passée à Lyon. J’en repars à 22 heures.

23 mars

Arrivée à Dijon à 2 h. du matin.

J’y passe la matinée et en repars à midi. Arrêt à Jessains.

Comme nous arrivons à Vitry-le-François, vers 10 h. du soir, nous sommes attaqués par un avion boche qui nous jette des bombes et mitraille le train. Pas de mal.

Nouveau bombardement à minuit, à Châlons-sur-Marne cette fois. Toujours pas de mal.

24 mars D

Arrivée à Valmy à 4 h. du matin. L’échelon du 2ème groupe y est toujours et j’y rentre à 8 heures. Je passe la journée et la nuit à Valmy.

25 mars

Je passe encore la journée à Valmy et monte le soir à Vigneulles par la corvée de vivres.

Rien de changé. Je rentre à la 5ème pièce comme téléphoniste.

Les Boches font deux coups de main pendant la nuit, et l’artillerie fait deux barrages, à 4 h. et 6 h. du matin.

26 mars

Je descends en bicyclette à l’échelon de Valmy pour porter un pli.

Dans la nuit, violent bombardement allemand. Envoi de gaz.

27 mars

Deux téléphonistes sont évacués par suite des gaz. Je reste donc seul au poste pour assurer le service (je passe chef de poste).

28 mars

Toute la journée, assez grande activité de notre artillerie.

Vers 9 h. du soir, les Boches nous répondent et bombardent la batterie avec du 150.

29 au 31 mars

Journées assez calmes. Activité moyenne d’artillerie.

1er avril

Nous tirons toute la nuit et toute la journée.

Vers 17 h. représailles boches. L’ennemi bombarde la batterie avec du 105 et du 150. Toutes mes lignes sont coupées. Pendant que je suis occupé à en réparer une, un 150 éclate à 5 m de moi. Plus de peur que de mal. C’est au moins la 10ème fois qu’il m’arrive semblable aventure.

J’arrive à rétablir complètement mes lignes à 2 h. du matin, après avoir passé 14 heures dessus.

2 avril

Journée assez calme. Le lieutenant téléphoniste me propose pour une citation, mais le capitaine de la 6ème batterie met un avis défavorable et me la fait refuser.

3 avril

Journée et nuit assez calmes.

4 avril

Il arrive enfin deux téléphonistes de renfort, pour m’aider un peu. Le capitaine me remercie de ce que j’ai fait ces derniers jours, en me faisant une scène, à propos de vétilles. Je l’en remercie chaleureusement et lui dis ses quatre vérités. Tirs toute la journée. Pendant la nuit, les Boches nous bombardent avec du 150 et nous envoient des gaz. Mes lignes sont à nouveau coupées, et nous passons la nuit à les rétablir.

5 avril

Continuation des tirs. La 6ème batterie tire 1500 coups (ces tirs ont probablement pour cause l’offensive contre les Anglais. Nous voulons empêcher les Boches de dégarnir devant nous). Le soir, tirs boches de contre-batterie. Encore plusieurs lignes coupées.

6 avril

Les Boches envoient des gaz de grand matin et nous bombardent à plusieurs reprises au cours de la journée.

7 avril D

Assez grande activité d’artillerie.

8 avril

L’État-major du 2ème groupe quitte la position de Mézières, et s’en va au repos, à la cote 202. Nous passons sous les ordres du 3ème groupe (P.C. Dinant). Nous passons la journée à installer de nouvelles lignes.

9 avril

Journée calme. Visite du général MALCORPS (*), Cdt le 8ème corps, en remplacement du général HELY d’OISSEL, blessé à Ste-Menehould par un canon à longue portée.

 

(*) : Il doit s’agir du général Alfred Louis MALCOR : il commandait l’artillerie de la IVème armée depuis le 24 décembre 1914 (après celle du 17ème CA - JMO 17ème CA), où étaient en avril 1918 le 8ème CA et donc la 16ème DI. En raison de ses fonctions, il a dû remplacer le général Hély d’Oissel pour cette visite. (Base Léonore).

Nota : le général Hely d’Oissel, blessé le 29 mars, ne sera pas évacué (JMO 8ème CA) et gardera le commandement du 8ème CA (JMO Services de santé 8ème CA).

10 avril

Assez grande activité d’artillerie.

11 avril

Les Boches envoient des gaz. Peu de mal pour nous, mais beaucoup pour la batterie voisine (8ème batterie, P.C. Rochefort), dont 22 servants sur 25 sont évacués. Nous devons assurer le barrage de cette batterie qui est mise hors de combat.

12 avril

La batterie fait 22 tirs en une seule nuit. Journée assez calme.

13 et 14 avril

Journées assez calmes.

15 avril

On nous annonce que nous serons relevés demain soir, pour aller, quelques km à l’arrière, faire des manœuvres.

16 avril

Coup de main à 3 h. du matin sur le point 829, entre Maisons-de-Champagne et le Mont Têtu. 3 prisonniers.

 

Le soir, à 20 heures, nous sommes relevés par la 4ème batterie du 1er (artillerie) et descendons à sa place au point X, près de la cote 202. Nous sommes à 8km du front, en demi-repos, et nous devons faire des manœuvres et des tirs de nuit, en vue de la reprise de la guerre de mouvement. Notre position s’appelle P.C. Carthage.

17 avril

Travaux d’installation. Le froid est devenu vif.

18 avril

Installation et corvées diverses.

Le soir, heureuse surprise. Je suis désigné pour aller faire à Maffrecourt un nouveau stage de TSF à la ST du 8ème génie de la 16ème division. Ce stage durera probablement une huitaine de jours.

Je descends à l’échelon de Valmy par la corvée de vivres.

19 avril

Nuit et matinée passées à Valmy.

J’arrive à 13 heures à Maffrecourt. Cantonnement assez bon. Les cours commencent dès l’après-midi.

20 avril

Cours et instructions.

Nous sommes cantonnés avec le 15ème régiment d’infanterie américaine, d’où, tous les jours, concert américain sur la place de l’église.

Le soir, je vais à Valmy en bicyclette.

21 avril D

Grand concert par les Américains et le 334ème d’infanterie français.

Promenade à La-Neuville-au-Pont. Concert et cinéma.

22 au 26 avril  

Temps agréablement passé. Vie heureuse.

27 avril

Fin des cours. Examen final. Bonne réussite.

28 avril D

Je quitte Maffrecourt à 10 h. par la voiture du Vaguemestre. Je passe la journée à Valmy, et rentre le soir par la corvée de vivres à la 6ème batterie, au point X. Je reprends mes fonctions de téléphoniste.

29 avril

Début des manœuvres.

Toute la journée, nous courons dans les champs, par une pluie battante, pour faire des batteries attelées et des mises en batterie. Je remplis le rôle d’agent de liaison-signaleur.

Dans la nuit, je vais porter un pli à Hans, à 3km de là.

30 avril au 3 mai

Suite et fin des manœuvres.

4 mai

Travaux divers et exercices de signalisation. Le soir, violent orage.

5 – 9 mai

Revues, manœuvres, travaux divers.

10 mai

Je suis désigné pour aller remplacer à l’E.M. du 2ème groupe (cote 202) un radio permissionnaire.

11 mai

Installation au poste TSF du 2ème groupe. Je commence mon nouveau métier.

12 – 15 mai

Journées heureuses au poste TSF.

16 mai

Journée très chaude. Manœuvre de liaison près de Hans, avec l’infanterie et l’artillerie de la 16ème division.

17 mai

Rien de nouveau.

18 mai

Réveil à 1 h. du matin. Nous levons le camp immédiatement et remontons en ligne.

Nous arrivons à 4 h. du matin à P.C. Mézières. Installation assez mauvaise (la 6ème batterie remonte à Avignon).

19 mai D

Installation à Mézières.

20 mai

Réglages par avion.

Le soir, nous sommes relevés de Mézières et redescendons à la cote 202, où nous arrivons à 1 heure du matin. Nous reprenons notre ancien cantonnement.

21 – 30 mai

Journées très heureuses. Grosse chaleur.

31 mai

Le permissionnaire que je remplaçais étant rentré, je suis relevé de la TSF et reviens à la 6ème batterie, qui est toujours à Carthage.

En arrivant, scène très violente avec la capitaine, qui me reproche d’avoir cherché à ne plus rentrer à sa batterie. C’était vrai mais j’étais bien excusable.

 

À 18 heures, alerte. Nous devons remonter en ligne de suite. Départ immédiat. Nous allons relever la 9ème batterie qui se trouve à 1500m au nord de la cote 202, pas très loin de Virginy (P.C. La Rochelle).

La 1ère section s’installe à 100m de là, à P.C. Menton. On me fait partir à minuit avec un camarade pour aller installer un central téléphonique à P.C. St-Malo, où l’E.M. du 2ème groupe viendra demain soir.

1er juin

Journée passée à St-Malo. L’E.M. du 2ème groupe vient vers le soir, mais plusieurs téléphonistes étant indisponibles, nous restons mon camarade et moi, pour renforcer l’équipe.

À la tombée de la nuit, coup de main allemand sur Maisons-de-Champagne.

2 juin D

Rien à signaler. Journée calme.

3 juin

Je suis relevé de St-Malo et retourne au poste téléphonique de la 6ème batterie (P.C. La Rochelle, ravin en dents de scie).

4 juin

Nouvelle surprise. Nous sommes encore relevés à 7 h. du soir, pour rentrer à Carthage, au point X. Les Boches nous envoient des gaz pendant la relève. Arrivée au point X. Nous reprenons notre ancien cantonnement.

5 juin

Nettoyage et manœuvres.

6 et 7 juin

Manœuvres et exercices. Scènes avec la capitaine qui est plus insupportable que jamais.

8 juin

Le plus heureux jour de ma guerre : on m’apprend enfin la nouvelle que j’espérais depuis près d’un an. Je suis nommé officiellement radiotélégraphiste à l’État-major du 3ème groupe. Ma joie est sans bornes. Je fais des adieux plus que froids au capitaine BROCHAND qui use d’un très mauvais procédé à mon égard, et je quitte le point X et la 6ème batterie à midi, pour toujours, espérons-le.

Je passe à la 7ème batterie, comme détaché à l’E.M. du 3ème groupe.

J’arrive au 3ème groupe dans la soirée. L’E.M. se trouve à P.C. St-Malo, à 2000m au nord de 202. Je me présente au commandant de MONTALIVET (Cdt le 3ème groupe) et prend possession de mon nouveau poste.

9 juin D

Je descends par le Decauville (voie de 0.60) à Valmy pour chercher mes affaires à l’échelon du 2ème groupe. Je passe la journée à Valmy et remonte le soir à ST-Malo avec la corvée de vivres de la 6ème batterie.

10 au 16 juin

Journées chaudes. Service de TSF. Quelques réglages par avion. Je jouis enfin d’un bonheur que j’apprécie.

17 juin

Je suis élevé à la dignité de professeur, et je fais des cours de lecture au son à des sous-officiers, brigadiers et téléphonistes du 3ème groupe. J’ai 14 élèves, bien piètres en général.

18 juin

Réglage par avion. Pluie. Les Boches lancent quelques obus à gaz dans notre ravin.

19 au 30 juin

Quelques réglages par avion. Je continue mes cours.

Journées très heureuses.

1er juillet

Nous devons être relevés demain par le 2ème groupe (mon ancien groupe) et nous irons à sa place à 202. Préparatifs de départ.

2 juillet

Relève par le 2ème groupe.

Je pars à 6 h. du matin, avant mes camarades de poste, pour aller reconnaître le poste que nous allons prendre. Nous serons installés à P.C. Ravenne, à 200m de la cote 202. Tout l’E.M. y descend vers le soir.

Très bonne installation.

3 juillet

Organisation et installation du poste.

4 juillet

Nous sommes alertés de jour et de nuit. On redoute, paraît-il, dans le secteur la grande offensive boche. Des renforts considérables ne cessent de nous arriver en auto (3 régiments d’artillerie de campagne, 40 groupes d’artillerie lourde, une division de tirailleurs marocains, une division américaine, etc). Tout le monde est à son poste de combat.

5 juillet

En prévision de l’attaque, qu’on craint de plus en plus, nous installons notre poste dans la grande sape de Ravenne, où il y a 3 P.C. (P.C. du 3ème groupe du 1er (artillerie), P.C. d’un groupe d’artillerie lourde et P.C. d’une brigade de tirailleurs).

Toute la région est bourrée de troupes et de batteries. On signale dans la région les 1er, 37ème, 60ème, 203ème, 267ème et 331ème artillerie de campagne. Il y a 5 divisions complètes entre la Butte du Mesnil et l’Argonne. Le 20ème corps est à La-Neuville-au-Pont.

6 juillet  

Nous sommes toujours en alerte, mais des prisonniers boches auraient dit que l’attaque, fixée d’abord au 6, serait renvoyée au 15 juillet.

7 au 11 juillet

Journée très chaudes, assez calmes.

12 juillet

Deux jeunes radios de la classe 18 arrivent au groupe, soi-disant pour nous relever. Instant d’émotion. Heureusement, après examen, ils sont déclarés insuffisants, et nous restons en place.

J’ai eu grand peur, me voyant déjà de retour à la 6ème batterie.

13 juillet

Alerte dans la nuit.

Je dois partir immédiatement avec le chef de poste, pour monter une antenne entre Berzieux et Ville-sur-Tourbe, au Mont-Remoy (*) (ancien P.C. des 2ème et 1er groupes – P.C. La Pomme).

Contre-ordre presque aussitôt. Il n’y a plus besoin d’antenne.

Je pars cependant avec des téléphonistes pour leur indiquer le chemin. Départ à 1 h. du matin.

Une fois à P.C. la Pomme (12km), je reviens à Ravenne.

 

J’y remonte dans l’après-midi, pour porter un pli.

 

Le soir, coup de main français. Quelques prisonniers. On s’attend à la grande attaque pour après-demain.

 

(*) : Maintenant Mont Trémois.

14 juillet D

Fête Nationale. Champagne et cigares. Pluie toute la journée.

15 juillet

C’est aujourd’hui le fameux jour tant annoncé, celui de la « Kolossale » attaque.

Dès minuit, le bombardement commence avec une violence inouïe, devant nous et loin sur la gauche. Nous nous mettons tous à notre poste. Les Boches bombardent violemment la cote 202 et P.C. Ravenne, et nous envoient des gaz.

 

À trois heures, le bombardement redouble. C’est la sortie des Boches. Mais dès trois heures moins dix, le barrage français s’est déclenché, absolument terrifiant. Toute la contrée semble en feu. Pas grandes nouvelles de l’attaque, sauf que l’intensité du duel d’artillerie ne paraît pas décroître. Suivant des nouvelles officieuses, les Boches, qui auraient attaqué sur un front immense, de Château-Thierry à l’Argonne, seraient partout tenus en échec, sauf à Dormans où ils auraient passé la Marne.

La soirée est un peu plus calme dans notre secteur.

16 juillet

Accalmie dans la bataille, surtout dans notre secteur. Il se confirme que les Boches ont subi un gros échec sur le front de la IVème armée, et ont eu de très fortes pertes. Un avion boche est abattu près de Wargemoulin.

La bataille reprend le matin avec violence. Quelques tués et blessés dans les batteries du 3ème groupe. Les Boches attaquent de nouveau et s’emparent de notre première ligne évacuée.

Avant le soir, contre-attaque qui nous rend toutes les positions perdues.

17 juillet

Journée plus calme que les précédentes.

18 juillet

La bataille continue, mais avec beaucoup moins de violence.

Une grande partie des renforts, qui étaient dans la région, s’en vont ailleurs.

19 juillet

J’apprends que le 2ème groupe a eu beaucoup de pertes ces jours derniers, notamment la 6ème batterie qui a eu 2 tués et 5 à 6 blessés. (*)

 

(*) : « Mémoires de Hommes » identifie 2 tués au 1er RAC le 15 juillet. Il doit donc s’agir d’eux :

Alfred BLANC. Voir sa fiche.

Armand Laurent CHEVRIER. Voir sa fiche.

2 blessés décèderont à l’ambulance ou l’hôpital les 15 et 16 :

Paul FRANCHET, voir sa fiche.

Gustave Marcel Toussaint LAURIN, voir sa fiche.

20 juillet 

La bataille semble finie dans notre secteur. Elle a abouti à un sanglant échec boche.

21 juillet D

Bombardement réciproque assez violent. Nouvelles pertes dans les batteries.

Le bruit cours que la 16ème division serait relevée demain.

22 juillet

Préparatifs de départ.

Nous sommes relevés à 21 h. et descendons au camp d’Orbéval, près de Dommartin-la-Planchette, où se trouvent les échelons du 3ème groupe.

23 au 25 juillet

Journées de repos passées au camp d’Orbéval. Promenades.

26 juillet

On nous annonce que demain nous quitterons définitivement ce secteur, où la division est depuis treize mois. Nous irions probablement vers Épernay. Préparatifs de départ.

CHAPITRE IX  Sur la Vesle 1918 –suite-

27 juillet

Départ du camp d’Orbéval à 8 heures du soir.

Nous traversons Orbéval, Auve, Tilloy, Bellay et arrivons à Courtisols à 2 h. du matin. Bon cantonnement dans une grange.

28 juillet D

Nous ne devons plus voyager que la nuit, à cause de l’aviation boche. Nous passons la journée à Courtisols et repartons à 7H30 du soir.

Traversée de Lépine, Châlons-sur-Marne, Fagnières et arrivée à Aulnay-sur-Marne à 3 h. du matin. Assez bon cantonnement.

29 juillet

Journée passée à Aulnay-sur-Marne. Bain dans la Marne. Nous repartons d’Aulnay à 8 h. du soir. Des avions boches nous attaquent en route. Nous arrivons cependant sans encombre à Avenay, près d’Épernay, à minuit, après avoir traversé Bisseuil.

Aucun cantonnement n’étant préparé, nous devons coucher au foyer du Soldat.

30 juillet

Nous changeons de cantonnement et allons nous installer dans un beau château d’Avenay, pourvu de tout le confort moderne (véranda, tennis, piano).

Journée agréable : concert et petite noce. Le vin blanc du pays fait d’énormes ravages. (Tout le 1er artillerie est cantonné à Avenay, ainsi qu’un bataillon du 27ème d’infanterie).

31 juillet

Journée très chaude, mais aussi agréable que la veille. Nous buvons force Champagnes.

 

Dans la nuit, grave alerte. Un grand nombre d’avions boches (20 ou 30) viennent survoler Avenay et bombardent le village. Nous descendons précipitamment à la cave. Il y a de de forts dégâts matériels, et quelques pertes. Au château, où nous logeons, toutes les vitres sont brisées mais pas d’autre mal. Une bombe tombe sur un important dépôt de munitions qui explose (50 000 obus). Toute la nuit les obus éclatent.

Comme il y a beaucoup d’obus à gaz dans la quantité, nous devons mettre les masques.

1er août

Messe à l’église d’Avenay pour les soldats morts pour la France.

 

Le soir, ordre brusque de départ, pour monter en ligne dans la Montagne de Reims. Départ d’Avenay à 18 heures.

Nous traversons Germaine et arrivons dans un bois à 12km d’Avenay (Camp du Cadran).

Nous y passons la nuit, mais vers 23 h., des avions boches, qui nous ont repérés, viennent jeter des bombes. Plusieurs tués et blessés à la 8ème batterie. (*)

 

(*) : 1 seul tué signalé dans MdH et le JMO n’indique que 2 blessés à la 9ème batterie…

Auguste MOLIN, maréchal-des-Logis. Voir sa fiche.

2 août

Réveil à minuit.

Nous partons immédiatement et montons en ligne.

Nous traversons Marfaux, et nous installons dans un bois à 2km à l’est de Marfaux, entre St-Euphraise et Bligny. Nous y relevons le 6ème artillerie, de Valence (33ème Corps).

Il n’y a aucun abri. Le bois est haché par les obus. Partout des débris d’équipement et des cadavres : allemands, français, italiens et anglais. L’odeur est presque insupportable. Nous installons le poste tant bien que mal et montons l’antenne.

Journée très pluvieuse. Aucun ravitaillement. Nous passons la journée sans manger.

 

Sur le soir, nous apprenons que les Boches battent en retraite dans tout le secteur de la Montagne de Reims. Nous déménageons précipitamment à 8 h. du soir et entamons la poursuite.

Nous traversons Marfaux, Chaumuzy, Bligny et Saint-Euphraise. Tous ces villages sont entièrement détruits. Certains, comme Chaumuzy, flambent encore. Nous traversons le village au grand galop, entre deux haies de feu. Toutes les routes sont encombrées de matériel allemand, et de cadavres de chevaux et d’hommes. Nous passons la nuit dans un champ à 1km de St-Euphraise, au milieu de cadavres boches tués le matin même. Nous montons l’antenne et prenons l’écoute permanente.

Le bruit court que les Boches auraient reculé jusqu’à la Vesle. Devant nous, tous les villages flambent.

3 août    

Nouveau départ précipité à 5 h. du matin.

Nous traversons Bouleuse et nous installons sur une crête à 2 km en avant. Il n’y a plus aucune ligne téléphonique. La liaison avec l’infanterie sont assurées uniquement par les projecteurs et la TSF. Nous montons aussitôt l’antenne.

 

Toute la journée, les Boches nous bombardent violemment. Quelques tués et blessés dans les batteries du 3ème groupe. (*)

Une escadrille de 6 avions allemands vient voler à 25 m au-dessus de l’E.M. et nous mitraille à bout portant. Nous nous garantissons comme nous pouvons dans des trous d’obus. Pluie torrentielle toute la journée et toute la nuit.

Journée très dure.

 

(*) : Pas de tué identifié dans MdH ni indiqué au JMO

     

4 août D

Nouveau départ à 3 h. du matin.

Nous partons en avant et traversons à la charge un violent tir de barrage (deux chevaux tués, un homme blessé). Nous faisons environ 3km et arrivons sur les bords d’un grand ravin, où nous occupons l’emplacement d’une batterie boche de 150. Quelques cadavres d’artilleurs allemands et nombreux débris de toutes sortes. Il y a des embryons de cagna

Nous montons aussitôt l’antenne et reprenons l’écoute permanente. Nous sommes tous complètement éreintés (nous avons fait cinq positions en trois jours, presque pas mangé et presque pas dormi. En outre, la pluie n’a presque pas cessé et nous avons pataugé dans un marécage, au milieu des cadavres et des débris).

Les Boches nous bombardent encore dans la journée, mais très maladroitement. Il paraît qu’ils se sont arrêtés et se cramponnent derrière la Vesle (notre division marche avec le 14ème corps d’armée).

5 août

Journée semblable aux précédentes. Pluie et bombardement boche. Tir de zone meurtrier qui bat tout le ravin. Des victimes. Tous les chevaux des officiers, qui étaient restés avec nous, sont tués. Un avion et un drachen ennemis sont abattus par un même aviateur français (BOYAU parait-il). (*)

Dans la nuit, quelques obus à gaz.

 

(*) : Maurice BOYAU a été le 5ème As français de la guerre avec 35 victoires homologuées et sera tué le 16 septembre 1918. Il a bien abattu un avion et un drachen le même jour (plus un autre avion) mais ces victoires sont datées au 8 août et dans la Somme et l’Oise, donc loin de la Marne où était Édouard (Peut-être n’a-t-il pas assisté aux combats aériens qu’il mentionne mais en a-t-il entendu parler un peu plus tard et les a introduits dans son carnet à une mauvaise date, le carnet semblant reconstitué probablement à partir de notes « à chaud »).

Nota : selon les éléments retrouvés, la victoire contre le drachen est située à Cury qui n’existe pas dans la zone où combattait la SPA 77 : il doit probablement s’agir de Gury.

6 août

Journée plus calme. Les Boches se sont arrêtés définitivement derrière la Vesle.

7 août

Journée assez calme.

Quelques obus. L’un d’eux m’approche de bien près, mais ma veine est toujours là pour me tirer d’affaire.

Le soir, nous allons installer le P.C. du groupe à 100m plus bas, dans le fond du ravin. Il y a de petites sapes construites par les Boches. La TSF en occupe une. Pluie.

8 août

Journée plus calme encore que les deux précédentes. Ni obus, ni pluie. Nous pouvons nous sécher et nous nettoyer un peu.

9 août

Rien à signaler, sauf un bombardement par obus toxiques dans l’après-midi.

Nous devons garder le masque deux heures.

10 août

Nouvel envoi de gaz et quelques 105. Les 3 chevaux qui nous restaient sont tués. Un homme blessé.

l’ACD 16 est à Treslon, à 1500m en arrière du ravin. (*)

 

(*) : D’après le JMO de l’AD16, c’est AD16 (artillerie divisionnaire) qui est encore à Treslon, l’ACD16 (artillerie de corps de la 16e division)n’y viendra que le lendemain, étant alors à Bouleuse.      

11 août D

Belle journée.

Grande activité d’aviation. Nombreux tirs boches dans le ravin. Deux blessés.

12 août

Journée assez calme.

13 août

Belle journée.

Le soir, très violent bombardement boche qui dure 4 heures. Les Boches lancent plus d’un millier de 150 et battent tout le ravin. Plusieurs abris sont retournés. Il n’y a pas de mal pour l’E.M. grâce à nos petites sapes.

14 août

Bombardement toute la journée, mais les boches cherchent surtout les batteries. Nous faisons deux réglages par avion (tous les deux au plus fort du bombardement).

15 août

Bombardement d’une extrême violence dans la nuit et envoi de gaz.

Le secteur est devenu presque intenable. Les pertes sont très lourdes, et le 3ème groupe a beaucoup souffert. La 9ème batterie est complètement anéantie au cours de la nuit. Il reste exactement un homme, un maître-pointeur.

Tout le reste, officiers, sous-officiers et servant (en tout 37) sont évacués immédiatement, aveuglés ou brûlés par les gaz.

Aux 7ème et 8èmes batteries, il y a une dizaine d’hommes hors de combat. Le lieutenant Cdt la 8ème batterie a le cœur traversé par un éclat, et meurt sur le coup.

À l’État-major du groupe, nous avons quelques nouveaux évacués, entre-autres un de mes camarades de la TSF, qui a la jambe brûlée par un obus à hypérite. Nous ne restons plus que deux pour assurer l’écoute permanente.

Pour moi, je suis égratigné par un éclat qui m’effleure le bras. Mais le sang coule à peine. Je suis, par contre, beaucoup plus touché par les gaz. Je vomis un peu et j’ai les yeux très enflammés.

 

(*) : Lieutenant Pierre Marie Eugène FOY. Voir sa fiche.

 

16 août

Je souffre toujours des yeux, et dois porter un bandeau sur l’œil droit, plus atteint.

Au cours de la journée, les Boches continuent à bombarder le ravin. Deux nouveaux blessés.

À l’heure qu’il est, il y a 14 évacués à l’état-major sur un personnel de 26 hommes (téléphonistes, radios et secrétaires). Le service est devenu très dur et la fatigue grande.

17 et 18 août

Journées plus calmes. Encore deux blessés cependant. Le chiffre des hommes hors de combat au 3ème groupe atteint 70%. On n’avait jamais vu encore pareil pourcentage (il est vrai que la 9ème batterie entre dans ce chiffre pour la totalité de son effectif). Les 4/5 des pertes sont dues aux gaz.

19 août

Encore un blessé à l’état-major. Nous ne restons plus que 10 (officiers compris). Il devient impossible d’assurer le service, car les renforts n’arrivent pas. Il est donc décidé que nous serons relevés demain et descendrons au repos à l’échelon, à 12 km d’ici, près de Chambrecy.

Nuit très agitée et nouvel envoi de gaz. Mes yeux vont mieux.

20 août

Réveil à 5 heures.

Nous sommes relevés par le 2ème groupe et descendons à pied à l’échelon du bois de Chambrecy (via Treslon, Tramery, Poilly, Sarcy et Chambrecy). L’échelon est dans un bois à 2km de Chambrecy et de Ville-en-Tardenois, à 12km du front.

Les chevaux et les conducteurs de tout le régiment y sont rassemblés. (Notre position exacte en ligne était : à 2km au sud de la Vesle, entre Fismes et Muizon, mais plus près de ce dernier village).

21 août

Journée de repos à l’échelon. Nous couchons sous la toile de tente et éprouvons les douceurs du farniente. Grosse chaleur. Un renfort de 70 servants arrive pour le 3ème groupe. On nous en donne un pour la TSF. Il paraît que le 2ème groupe, qui nous a relevé hier, a eu beaucoup de pertes la nuit dernière, et demande déjà la relève.

22 août

Promenade à La-Neuville.

Le soir, nous allons à Sarcy toucher du matériel de TSF à la ST16. Petite noce.

À huit heures du soir, ordre brusque de départ, pour remonter immédiatement en ligne. Nous traversons Chaumuzy et Bouleuse, et arrivons à 1 h. du matin à nos anciennes positions. Nous reprenons notre abri et montons l’antenne.

23 et 24 août

Journées d’orages, assez calmes.

25 août D

Journée très chaude. Les Boches bombardent le ravin trois heures durant.

Pas de mort cette fois-ci, sauf que l’antenne est coupée plusieurs fois.

26 août

Journée pluvieuse, assez calme. Je vais passer un petit examen de TSF à l’ACD16, à Treslon.

27 août

Tirs boches dans le ravin.

Notre officier d’antenne est pris par les gaz et évacué. Une pièce éclate à la 8ème batterie : un tué et trois blessés.

 

Vers 20 h. on m’annonce brusquement que je peux partir en permission. Je ne me le fais pas dire deux fois, et après avoir fait 20km à pied, dans la nuit et sous la pluie, j’arrive à Chaumuzy.

28 août

À Chaumuzy, je trouve un camion automobile qui me conduit jusqu’à Épernay, où je prends le train de 10 h. du matin. Arrêt à la gare régulatrice de Vaires-Torcy.

J’en repars à 16 heures. Voyage assez confortable, en 1ère classe, avec une équipe de joyeux.

29 août

Arrivée à Lyon à 7 h. et à Annonay à 11 h. du matin

 

PERMISSION

 

9 septembre

Départ d’Annonay à 6H30 du matin. Arrivée à Lyon à 10 h. J’y passe la journée et la nuit.

10 septembre

Journée passée à Lyon. J’en repars à 22 h. direction Épernay.

11 septembre

Voyage assez bon.

Arrêt à Vaires-Torcy et arrivée à Épernay à minuit. Je couche dehors, sur un banc de la place publique.

12 septembre

Je trouve un camion automobile qui me mène d’Épernay jusqu’à Chambrecy. J’arrive à l’échelon à midi et je remonte le soir à la position par la corvée de vivres.

Le site est toujours le même, mais le secteur est beaucoup plus calme.

13 septembre

Journée calme.

Je me remets au courant du travail.

14 septembre

Le 5ème corps attaque sur notre gauche et prend le village de Glennes.

Devant nous, secteur calme.

15 septembre D

Journée calme. Nous travaillons à agrandir notre sape.

16 septembre

Un avion boche (p ù h) ??, dont nous suivons le réglage par TSF, nous règle dans la matinée, assez mal d’ailleurs.

Le soir, deux cents obus de 150, qui ne font pas de dégâts.

17 septembre

Rien à signaler. Arrangement de la sape.

18 septembre

Violents tirs boches dans le ravin. L’antenne est plusieurs fois coupée.

19 au 27 sept.

Journées assez calmes.

28 septembre

Nous apprenons par la TSF l’armistice avec la Bulgarie.

29 septembre D

Nous sommes alertés. On parle d’une grande attaque générale pour demain sur tout le front de la Vesle. La 16ème division doit attaquer en liaison avec le 20ème Corps. Nous reprenons l’écoute permanente.

 

CHAPITRE X : De la Vesle à la Suippe - De la Suippe à l’Aisne et de l’Aisne … à la victoire !

30 septembre

L’attaque se déclenche à 5 heure du matin, précédée d’une très violente préparation d’artillerie. Le 20ème corps attaque à notre gauche. Le 27ème d’infanterie attaque vers midi. Progression sérieuse vers le nord. Plusieurs villages sont repris. 1600 prisonniers. On s’attend à un repli des Allemands, dont l’artillerie ne réagit pas.

1er octobre

Toute la nuit, duel d’artillerie.

On nous apprend que les Boches battent en retraite sur tout le front entre la Vesle et l’Aisne. Nous commençons aussitôt la poursuite. Nous passons la Vesle sur un pont de planches, traversons Prouilly et Trigny où nous trouvons quatre Boches enfermés dans une sape. Nous les faisons prisonniers.

Nous nous installons à 300m en avant de Trigny, dans un P.C. de colonel allemand. Nous montons l’antenne et établissons aussitôt la liaison par TSF avec l’infanterie. Le fort de St-Thierry vient d’être pris. Lutte d’artillerie toute la nuit. Une nouvelle avance est imminente.

Plusieurs tués et blessés dans les batteries.

2 octobre

Nous recommençons la poursuite dès le matin. Les routes sont défoncées par les obus et les mines. Tout le long, mortiers boches abandonnés, ainsi que cadavres de chevaux et d’hommes. La poursuite est assez rapide. Le 2ème groupe entre à Hermonville avant l’infanterie, quand les Boches sont encore dans le village. Finalement, nous prenons position dans un observatoire boche, à 300m en avant et à gauche du fort de St-Thierry. Cette retraite paraît bien mieux ordonnée que celle du début août. Les Boches ne laissent que peu de matériel et peu de cadavres.

3 octobre

Nuit et journée passée au même endroit. Les Boches résistent sur le canal de l’Aisne. La 16ème division aurait pris cependant Loivre. Quelques 105 sur les batteries (plusieurs blessés à la 7ème).

4 octobre

Journée relativement calme. Des aviateurs boches nous bombardent.

5 octobre

Les Boches reculent à nouveau.

Nous repartons de l’avant, traversons Villers-Franqueux, Loivre, et le canal de l’Aisne à la Marne. La traversée du canal est très longue, les Boches ayant fait sauter tous les ponts. Nombreux cadavres boches. Le canal est à sec.

Nous mettons en position dans une carrière à 500m en avant du canal, au pied et à gauche du fort de Brimont, évacué pas les Boches deux heures avant.

 

Sur le soir, nous apprenons que les Boches ont reculé jusqu’à la Suippe. Nous partons à 8 h. du soir et passons la nuit à la belle étoile, dans une ancienne tranchée boche.

6 octobre D

Départ à 5 h. du matin. Nous traversons Berméricourt et nous installons dans un boyau à 1500m au sud d’Orainville et à 300m en avant de Bourgogne. Nous sommes à côté du P.C. du colonel du 95ème.

Toute la journée, violente réaction de l’artillerie ennemie qui était presque muette depuis le début du repli. Il paraît que les Boches veulent résister sur la Suippe. Les Boches nous arrosent de 77 et de 150 et nous envoient des gaz.

Nuit calme. Aucun ravitaillement (ni pain, ni eau, ni vivres).

7 octobre

Grande activité d’artillerie. La 16ème division attaque sur tout le front de la Suippe. La rivière est traversée en plusieurs points. Le 95ème prend Auménancourt.

 

Le soir, la pluie ramène un peu le calme.

8 octobre

La bataille redouble de violence sur tout le front de la Suippe.

Nous passons la journée le masque sur la figure, la plaine étant continuellement arrosée d’obus toxiques.

 

Sur le soir, nous sommes obligés d’évacuer notre position et allons nous installer à 500m en arrière, dans une ancienne batterie de 240 boche, où il y a de magnifiques sapes (nous sommes alors à 100 m en avant de bourgogne).

9 octobre

Très belle journée. Grande activité d’aviation. Très violent bombardement.

Mais les sapes sont solides, heureusement, et défient les obus. Elles ne défient pas les gaz cependant, et l’on ne quitte presque plus son masque.

10 octobre

Bombardement incessant de nos sapes pendant la nuit et la journée. L’antenne coupe douze fois en deux heures. Nous ne pouvons presque plus manger, à cause du masque que nous ne quittons pas. Un caisson téléphonique est détruit par un obus. Notre fourgon de TSF est très endommagé.

Dans le lointain, nombreux incendies. Il paraît que les Boches commencent une nouvelle retraite.

11 octobre

Nous partons au petit jour à leur poursuite. Nous traversons Auménancourt-le-Petit, Pont-Givard, Orainville (où nous passons la Suippe sur quelques planches) et Auménancourt-le-Grand.

Tout le long de la route, les arrière-gardes allemandes nous arrosent de 105. Nombreux cadavres boches sur le terrain, particulièrement sur les bords de la Suippe. Nous nous installons dans un magnifique P.C. en ciment armé, habité autrefois par un chef de gare de Decauville boche.

12 octobre

Départ d’Auménancourt-le-Grand au point du jour. Nous allons à 2km en avant, dans un champ, où nous passons la journée. Violente canonnade. Pertes dans les batteries.

Nous repartons dans l’après-midi, traversons la Retourne et arrivons à Poilcourt. Nous nous installons à 500m en avant du village, dans une petite baraque boche, évacuée deux heures avant. Nous y faisons un prisonnier.

13 octobre

Nouveau recul boche.

Nous partons de Poilcourt à 9 h. du matin, traversons Vieux-les-Asfeld, le canal latéral à l’Aisne et l’Aisne elle-même. Tous les ponts sur ces cours d’eau viennent de sauter.

Nous attendons quelques heures avant de pouvoir effectuer le passage sur un pont de bateaux. Nous traversons ensuite Avaux et prenons position dans une tranchée à 2km en avant. Les Boches, installés sur une crête en face, à quelques centaines de mètres, nous mitraillent mais en vain.

 

Le soir, nous devons cependant nous déplacer, et nous rendre à la lisière d’un bois, où nous passons trois heures. Nous retournons coucher à Avaux.

14 octobre

Départ d’Avaux à 3 h. du matin. Nous montons l’antenne à la lisière d’un bois.

Nous repartons à 10 h. et nous arrêtons aux lisières de Lor, où nous passons 4 heures dans un fossé. Dans la hâte de la poursuite, nous avons dépassé l’infanterie et les Boches, installés à 600m de là, nous mitraillent et nous bombardent sans arrêt. Quelques blessés.

 

Vers 16 h. nous entrons dans Lor et installons le poste dans une maison. Les Boches viennent de la quitter (leur salade est encore sur la table). Nous montons l’antenne dans un jardin potager. La fatigue est grande chez presque tous (manque de sommeil et de nourriture). Nous n’avons pas encore mangé d’aujourd’hui.

 

Le soir et toute la nuit, très violent bombardement de Lor et des alentours. Fortes pertes.

Au 1er groupe, le commandant est tué et 3 officiers blessés, au 2ème groupe, deux officiers et plusieurs hommes sont hors de combat (à la 6ème batterie, trois tués dont l’adjudant et l’aspirant. Le capitaine n’a rien eu !!).

Au 3ème groupe, moins de pertes en hommes, mais les trois quarts des chevaux de l’État-major sont tués et nos voitures sont toutes démolies. Pendant la nuit, un obus tombe à 2m de notre maison dont un mur s’écroule. Pas de mal.

 

(*) : Le chef d’Escadron Adolphe BÉLIARD, commandant le 1er groupe, est très grièvement blessé et décèdera 3 jours plus tard (18 octobre). Voir sa fiche.

MdH et le JMO ne mentionnent que 2 tués pour le 1er RAC :

L’Aspirant Eugène René VILAIN (4ème batterie). Voir sa fiche.

L’Adjudant Albert Maurice BARBARY (6ème batterie). Voir sa fiche.

15 octobre

Matinée plus calme. Quelques tirs sur le soir et envoi de gaz.

16 octobre

Pluie et froid. Tirs boches assez violents. La maison voisine de la nôtre s’effondre (neuf tués). Notre antenne est coupée plusieurs fois. Même séance pendant la nuit.

 

(*) : Le JMO indique 2 tués du 1e RAC aux échelons Ferme Tremblot, mais non trouvés dans Mdh… !

17 octobre

Le général GUILLAUMAT remplace le général BERTHELOT à la tête de la Vème armée (nous faisons partie de la Vème armée depuis le 1er août).

Journée pluvieuse et assez calme, sauf vers le soir, où les Boches envoient quelques coups. Les trois batteries du groupe qui étaient en position au milieu de Lor, vont s’établir un peu en arrière. L’E.M. reste à la même place.

 

(*) : Plus précisément, c’est le 8 octobre que le Gl Guillaumat prend le commandement de la Vème armée (JMO Vème armée), et c’est le 27 juillet que la 16ème DI (donc le 1er RAC) rejoint la Vème armée (JMO 16ème DI).

18 octobre

Vers la fin de la nuit, violent bombardement.

Très belle journée. Grande activité aérienne. Un avion boche nous règle toute la matinée avec du 150.

 

Le soir, à plusieurs reprises, très violents tirs d’efficacité, ainsi que dans la nuit. Notre position devenant intenable, nous devons déménager demain.

19 octobre

Très violent bombardement toute la nuit et toute la journée. Plus d’un millier d’obus de tous calibres. Une partie de notre maison s’effondre sous un 105. Pas d’accident.

À la tombée de la nuit, nous partons de Lor. Déménagement mouvementé au milieu des rafales d’obus. Plusieurs chevaux sont tués. Nous allons prendre position à 1500m en arrière, sur les bords d’une grande carrière.

Nous nous installons en plein air. Il pleut toute la nuit et nous sommes trempés jusqu’aux os.

20 octobre D

La 16ème DI doit appuyer vers la droite. Une division de chasseurs vient prendre notre place. Nous sommes relevés à 10 h. du soir par le 12ème artillerie (47ème division) et nous nous rendons à Villers-devant-le-Thour, à 4km de là. Nous y relevons le 275ème artillerie, et nous installons dans une grande cagna en tôles blindées (ancien parc de génie boche). Journée pluvieuse.

21 octobre

Villers-devant-le-Thour est plus calme que Lor. Quelques tirs seulement.

22 octobre

Journée très pluvieuse.

Violents tirs boches sur le village. Une nouvelle grande attaque française semble imminente. Énorme concentration d’artillerie et de tanks. Toute la plaine est remplie de canons. Il y a une pièce de 75 tous les 10m (8 régiments complets).

Tout le 1er est en batterie sur un font de 400m (36 canons).

23 octobre

Belle journée.

Grande activité aérienne. Quelques tirs boches. Un camarade est blessé grièvement.

24 octobre

Belle journée.

Nous touchons des effets d’hiver. L’attaque est, paraît-il, pour demain.

Nous quittons Villers à 20 heures, à pied, et portant tout notre matériel sur le dos et nous nous rendons à 1500 en avant, dans un chemin creux, où nous installons le poste sous une tôle. L’attaque doit avoir lieu en direction de Recouvrance.

25 octobre

Début de la préparation d’artillerie à 6h30.

L’infanterie attaque presque aussitôt. Progrès satisfaisants. Nombreux prisonniers (la division attaque entre Le-Thour et Saint-Germainmont, pour tourner Château-Porciens et éventuellement Rethel).

Nous nous mettons en mouvement à 11 h., pour suivre l’avance. Nous traversons sans mal un violent tir de barrage et nous installons sur les bords d’un chemin creux (route d’Allemagne), où se trouvaient ce matin encore les lignes allemandes.

Pluie torrentielle. La division a fait 2000 prisonniers et avancé de 4 km.

26 octobre

Au petit jour, les Boches contre-attaquent. Comme la division de Chasseurs qui est à notre gauche, a moins avancé que la 16ème division, Nous sommes pris de flanc, menacés d’être tournés et le 27ème d’infanterie (est) obligé de reculer de 2 km. Les Boches arrivent à moins de 500m de nous.

La 8ème batterie, qui était en avant, a même été complètement entourée à un certain moment. Le 95ème (d’Infanterie) la dégage à la baïonnette. À la fin, tout rentre dans l’ordre, mais la 16ème division a perdu la moitié du terrain conquis la veille, grâce aux Chasseurs à fourragère rouge.

 

L’attaque reprend ce matin à 9 h.

Une pièce de la 9ème batterie éclate. Quelques blessés. L’attaque, gênée par la pluie et le manque de soutien des divisions voisines, n’a que peu de succès. Nous nous trouvons d’ailleurs face à la fameuse ligne Hunding, formidablement fortifiée.

27 octobre D

À la fin de la nuit, violent bombardement boche et violente contre-attaque. Elle échoue sous notre barrage déclenché par TSF. Quelques tués et blessés à la 8ème batterie. Fortes pertes au 2ème groupe. À l’E.M., nous avons deux évacués par les gaz.

Journée très belle. Très grande activité aérienne. Un avion boche est abattu en flammes à 200m de nous par le capitaine MADON.

 

Vers 15 h., un très grand nombre d’avions de chasse et de bombardement passent au-dessus de nous et volent vers l’intérieur des lignes boches. Nous en comptons plus de 150. Par mégarde, une escadrille, se trompant sans doute, lâche une vingtaine de bombes sur nous et les batteries. Quelques tués aux 7ème et 8ème batteries.

Le soir, très violent marmitage boche sur le 1er groupe (à 300m de nous) et envoi de gaz. La pluie reprend et dure toute la nuit.

28 octobre

Suite des tirs boches. Sur neuf conducteurs présents à l’État-major, deux sont tués et six blessés, par un obus qui éclate au milieu d’eux, alors qu’ils se trouvaient dans un petit bois, à 1500m en arrière. Un seul en réchappe.

Nous nous construisons un trou dans un talus pour abriter le poste. Pluie persistante.

29 octobre

Reprise de l’attaque, avec de nombreux chars d’assaut.

Toute la journée, activité considérable d’artillerie. L’attaque ne réussit qu’à demi. La ligne Hunding est extrêmement défendue par des Brandebourgeois et de la Garde Prussienne. La division fait 400 prisonniers, mais subit de lourdes pertes. Le 95ème notamment est décimé par les mitrailleuses. De nombreux tanks sont démolis.

La bataille se calme vers le soir.

30 octobre

Journée plus calme.

J’apprends la mort de plusieurs camarades du 2ème groupe et de la 6ème batterie, tués les jours précédents. La TSF m’aura servi, je crois, à beaucoup de choses (mon ancienne pièce, la 4ème, a été détruite de nouveau entièrement, par un éclatement de canon).

31 octobre

Journée froide et pluvieuse.

L’infanterie et le génie de la division sont relevés par la 9ème division (5ème corps – Orléans). Notre tour viendra dans quelques jours. Toute la journée, activité d’artillerie et envoi de gaz.

Nous apprenons par TSF l’armistice avec la Turquie.

1er novembre

Belle journée, un peu froide.

Les divisions de droite et de gauche attaquent sans grand succès. Elles ne peuvent mordre sur la ligne Hunding, qui borde la route de Recouvrance. La 16ème division est citée à l’ordre de la Vème armée.

2 novembre

Pluie toute la journée.

Les Boches nous envoient des gaz.

3 novembre D

Journée plus calme. On nous annonce la grande relève pour demain. Nous apprenons par TSF l’armistice avec l’Autriche-Hongrie. On n’attend plus que celui des Boches.

4 novembre

Le dernier jour de la guerre, car il y a bien des chances que nous ne remontions plus jamais en ligne.

Belle journée. Violents tirs boches, qui endommagent nos belles voitures toutes neuves.

Vers 17 heures, nous sommes relevés par le 3ème groupe du 30ème artillerie (9ème division). Nous partons aussitôt au galop de charge, malgré un tir d’interdiction boche sur la route.

Nous faisons 12km en 3 quarts d’heure, et arrivons à 10 h. du soir à l’échelon du 3ème groupe à Avaux. Nous y couchons sous la pluie, dans la boue, bien contents tout de même, car la guerre est finie pour nous.

CHAPITRE XI : Pendant l’armistice -1918

5 novembre

Journée très pluvieuse.

Nous passons la journée à l’échelon d’Avaux.

6 novembre

Départ d’Avaux à 6 h. du matin, par temps de pluie.

Nous traversons l’Aisne et le canal de l’Aisne, Vieux-les-Asfeld, la Retourne et la Suippe, St-Etienne-sur-Suippe, Bourgogne, Loivre, la canal de l’Aisne à la Marne et arrivons vers 11 h. à Villers-Franqueux. Assez bon cantonnement dans une maison à peine démolie.

7 novembre

Départ de Villers-Franqueux à 9 h. du matin.

Nous traversons Pouilly, Hurfes (*), la Vesle, St-Brice, les faubourgs de Reims (faubourg de Vesle), Champfleury, Montcheunot (Mont-Chenot), la Montagne de Reims, Germaine et arrivons à Avenay à 18 heures.

Nous nous installons dans un petit pavillon, situé dans le parc du Maire d’Avenay. Très bonne installation.

 

(*) : Entre Villers-Franqueux et St-Brice, il ne peut s’agir que de Pouillon et Merfy

8 novembre

Installation. Le temps est beau et le moral splendide.

Le vin blanc d’Avenay est aussi bon qu’en juillet. Nous lui faisons honneur.

9 novembre

Nous reprenons l’écoute permanente pour suivre les conversations par TSF des plénipotentiaires allemands.

10 novembre D

Journée calme. Galas et festins.

11 novembre

Le Grand Jour.

Nous apprenons par TSF à 6 h. du matin, la signature de l’Armistice avec l’Allemagne. Nous communiquons aussitôt la grande nouvelle. Le canon tire, les cloches sonnent à toute volée et Avenay pavoise.

Le vin blanc de Champagne coule à flots et fait d’énormes ravages dans la population militaire.

12 novembre

Nouvelles réjouissances.

Promenade à Aÿ. Concert, bal, retraite aux flambeaux donnés par le 85ème d’infanterie.

Rentré à Avenay à 3 h. du matin.

13-14 novembre

Jours heureux, sans histoire.

15 novembre

Je vais à Épernay passer la journée et rentre à Avenay à minuit.

16 novembre

Rien à signaler.

17 novembre D

Les postes de TSF sont dissouts. Nous rendons notre matériel à l’A.D.16. Nous restons cependant à l’E.M. du groupe comme téléphonistes.

Je me blesse au pouce gauche en fendant du bois.

18-20 novembre

Concerts, libations, vie heureuse. Avenay est un pays charmant.

21 novembre

Ordre de départ pour demain (direction inconnue). Adieux émus au village et à ses habitants.

22 novembre

Départ d’Avenay à 8H30. Petite étape de 9 km.

Traversée d’Aÿ, Dizy et arrivée à Cumières à 11 h. Assez bonne installation dans les communs d’une maison bourgeoise.

23 novembre

Départ de Cumières à 11 h. Nous traversons Damery, Venteuil et arrivons à Montigny à 14 h. Assez bon cantonnement dans une écurie.

Nuit très froide. Promenade à Châtillon-sur-Marne.

24 novembre D

Départ de Montigny à 7 h. Pluie battante. Nous traversons Cuisle, Romigny, Lhéry, Lagery et arrivons à 13 h. à Crugny.

Logement moyen dans une ferme.

25 novembre    

Départ de Crugny à 7 h. via Courville, les ruines de Fismes (et la Vesle) et arrivée à Revillon à 11 h.

Cantonnement dans les caves d’un château démoli.

26 novembre

Départ de Revillon à 7 h.

Notre direction, qui nous menait jusqu’ici droit au nord, oblique franchement vers l’ouest. Le temps est exécrable, les routes défoncées et le voyage très dur. Nous mettons 3 h pour faire 2km.

Traversée de Villers-en-Prayères, Dhuizel, Braisne (maintenant Braine), retraversons la Vesle et arrivons à Couvrelles à 13 h.

Bon cantonnement dans une ancienne boulangerie.

27 novembre

Journée passée à Couvrelles. Nettoyage du matériel. La pluie ne cesse pas.

Nous quittons la Vème armée, pour faire partie de la 3ème (général Humbert).

28 novembre

Départ de Couvrelles à 7H30.

Étape de 12km faite à pied et arrivée à Nampteuil à 10 h. Nous sommes assez bien logés dans les dépendances d’un château.

29 novembre

Départ de Nampteuil à 7 h. Longue étape de 35km.

Traversée de Chacrise (où nous passons la Crise), d’Hartennes, St-Rémy-Blanzy, Lizy-sur-Ourcq (*), l’Ourcq, Neuilly-St-Front et arrivée à Monnes à 14 h. Mauvais cantonnement dans une grange ouverte à tous vents.

Il fait très froid.

 

(*) : Lizy étant à plus de 25 km au sud-ouest de Neuilly, Édouard a dû confondre en recopiant ses notes. Entre St-Rémy et Neuilly : il ne peut s’agir que de Billy-sur-Ourcq

30 novembre au 2 décembre

Journées passées à Monnes.

Promenades à Neuilly-St-Front.

3 décembre

Départ de Monnes à 7 h. Pluie fine et persistante. Nous traversons La-Ferté-Milon, l’Ourcq et son canal, la forêt de Villers-Cotterets, Villers-Cotterets et arrivons à midi à Largny. Cantonnement dans un moulin, sur de la paille remplis de poux.

4 décembre

Départ de Largny à midi. Étape de 10km. Nous traversons Vaumoise et arrivons à Russy-Bémont.

Bon cantonnement dans une maison particulière.

5 et 6 décembre

Journées passées à Russy-Bémont.

Nettoyage du matériel. Nous allons faire une sortie joyeuse à Vaumoise.

7 décembre

Départ de Russy-Bémont à 7 h.

Nous traversons Béthisy-St-Martin, Béthisy-St-Pierre, Saintines et arrivons à midi à Verberie, gros canton sur l’Oise. Nous devons y rester 15 jours, paraît-il. Très bon cantonnement dans une maison abandonnée, en plein centre de la ville.

8 décembre D

Verberie est aussi accueillant qu’Avenay. On chante partout et on boit partout. Les habitants et habitantes aiment les soldats.

9-16 décembre

Journées passées à Verberie. Le beau temps d’Avenay est revenu. Cinéma, concerts, dîners en ville, etc. Chacun a trouvé à se loger dans des maisons particulières.

La joie règne.

17 décembre

Mauvaise nouvelle.

Ordre de départ pour demain, direction d’Hirson. Préparatifs et adieux consternés aux habitants. Les 3 régiments d’infanterie de la division (95ème, 85ème et 27ème) reçoivent la fourragère.

18 décembre

Départ de Verberie, la mort dans l’âme, à 9 h. du matin. Pluie fine et routes boueuses.

Nous traversons Lacroix-St-Ouen, la forêt de Compiègne, Compiègne, l’Oise et son canal, Janville, Longueil et arrivons à 15 h. à Montmacq.

Bon cantonnement dans une petite baraque Adrian, près d’un château.

19 décembre

Départ de Montmacq à 8 h. Pluie battante. Étape de 25km.

Nous traversons Ribécourt, Noyon, Chauny et arrivons à 15 h. à Marizel (Marizelle, à côté de Bichancourt où le JMO indique être le 3ème groupe).

Assez bon cantonnement dans une petite ferme.

20 décembre

Départ de Marizelle à 8h30.

Nous retraversons Chauny, Tergnier, La-Fère, Pont-à-Bucy et arrivons à 16 h. à Remies. Assez mauvais cantonnement dans une grange.

21 décembre

Journée passée à Remies.

Dîner chez des civils aimables.

22 décembre D

Départ de Remies à 11h45.

Étape de 12km par Assis-sur-Serre, Pouilly, et Crécy-sur-Serre. Arrivée à 14 h. à Montigny (-sur-Crécy).

Assez bon logement dans une maison abandonnée.

23 décembre

Départ de Montigny à 6 h.

Vu la pénurie de conducteurs, on me donne à conduire deux chevaux malades. Étape de 35km. Je suis éreinté.

Nous passons par Monceau-le-Neuf, Faucouzy, Sains, Richaumont, Le-Sourd et arrivons à midi à Wiège-Faty. Nous logeons dans un ancien château-fort ayant appartenu aux Ducs de Guise et de Rohan. L’installation est très bonne (3 pianos).

Le soir, concert, bal et séance d’acrobaties.

24 décembre

Réveillon assez maussade dans le château de Wiège. Le 1er artillerie est cité à l’ordre de la Vème armée pour sa belle conduite en août et octobre.

25 décembre

Jour de Noël.

Messe à l’église de Wiège. Gros dîner offert, partie par la 7ème batterie, partie par notre porte-monnaie (Champagne, Bourgogne, etc). Grand bal qui dure toute la nuit.

26–27 décembre

Rien à signaler. Froid très vif.

28 décembre

Départ de Wiège-Faty à 7 h.

Étape de 35km, très dure, faite sous une pluie torrentielle. Nous traversons Laigny, Fontaine, Origny, Hirson et arrivons à Mondrepuis à 15 h. Nous sommes trempés jusqu’aux os, et en arrivant, nous devons installer une ligne téléphonique, pour que messieurs les officiers, qui eux sont secs, puissent s’inviter à déjeuner.

Nous y restons jusqu’à onze heures du soir (n’ayant pas mangé depuis le matin) et trouvons pour nous réchauffer un très mauvais cantonnement, dans une ancienne brasserie très humide.

29 décembre D

Nous passons la journée à établir 3 nouvelles lignes téléphoniques.

On m’apprend le soir que je peux partir en permission.

30 décembre

Départ de Mondrepuis à 8 h. du matin. Je trouve un camion automobile qui me conduit à La-Capelle, à 10km de là.

Départ de La-Capelle à 23H30.

31 décembre

Voyage très lent, à cause des difficultés de la voie, non encore réparée complètement.. Arrêt à la gare régulatrice de Survilliers.

1919

1er janvier      

Arrivée à Lyon à 10 heures. J’y passe la journée.

2 janvier

Arrivée à Annonay à 8 h. du matin.

 

PERMISSION

 

24 janvier

Départ d’Annonay à 6h30 direction Orry-la-Ville.

Arrivée à Lyon à 10 h. J’y passe la journée et la nuit.

25 janvier

Journée passée à Lyon. J’en repars à 21 heures.

26 janvier D

Un déraillement survenu à Dijon nous oblige à changer d’itinéraire et à passer par Chagny, Nevers et la ligne du Bourbonnais. Voyage très dur dans des wagons sans vitres. Chute abondante de neige.

Arrivée à Orry-la-Ville à 17 heures.

27 janvier

La 16ème division est toujours dans la même région. Arrivée à La-Capelle à 6 h. du matin.

Je me rends à pied à Mondrepuis, où je trouve tout à la même place. Je rentre au 3ème groupe.

28 janvier – 3 février

Journées très froides.

Vie oisive. Peu de distractions.

4 février

Le 1er artillerie reçoit une deuxième citation à l’ordre de la Vème armée (secteur de Recouvrance en octobre), et à droit ainsi au port de la fourragère à la croix de guerre.

5 – 14 février

Journées très froides.

Nous nous amusons un peu, mais moins qu’à Avenay ou Verberie. Les Boches ont gâté les indigènes de ces pays de Nord.

15 février

Dislocation du 1er artillerie.

Tous les anciens (classes 1910 et antérieures) formeront un groupe de réserve (3ème groupe) qui doit partir demain à Givet.

Tous les jeunes (classes 1911 et plus jeunes) formeront deux groupes d’active, 1er et 2ème. Le 3ème groupe est donc supprimé.

Provisoirement, je reste au 3ème groupe comme téléphoniste et dois l’accompagner à Givet.

16 février D

Départ de Mondrepuis à 10 h. avec le groupe de réserve.

Nous devons aller à Givet, en passant par la Belgique (les deux groupes d’active restant à Mondrepuis). Nous faisons une étape de 28km. Je conduis deux chevaux, l’un poussif, l’autre peureux et trop vif. Je fais tout le trajet à pied en les menant par la bride.

J’arrive 4 heures après les autres, complètement fourbu.

Nous avons traversé Anor, la frontière belge, Maquenoise (maintenant Macquenoise), Seloignes et arrivons à Forges-Philippe (s’appelle Forges « tout-court » même sur les anciennes cartes de Belgique), au sud de Chimay.

Très bon cantonnement chez des civils belges qui m’offrent un lit.

17 février

Départ de Forges à 7 h. Je passe mes chevaux à un camarade, et remonte sur les caissons. Nous traversons Couvin, Petigny et arrivons à midi à Nismes, sur le Viroin. Je couche encore dans un lit. (En Belgique, les gens sont aussi aimables qu’à Avenay ou Verberie, mais moins débauchés).

18 février Départ de Nismes à 7H30. Nous traversons Olloy, Vireux, la frontière franco-belge (Vireux est en France, la frontière a donc été passée avant) et arrivons à midi à Givet. Comme tous les cantonnements sont occupés à Givet, nous allons cantonner à Rancennes, à 2km de là. Nous couchons encore chez des civils.

19 février

Nous passons la journée à poser des lignes entre Rancennes et Givet.

Nos fonctions étant terminées, on m’annonce que je rejoindrai demain les groupes d’active, à Mondrepuis.

20 février

Départ de Rancennes à 7 h.

À Givet, nous prenons des camions automobiles qui nous ramènent vers le soir à Mondrepuis.

Je suis affecté comme téléphoniste à l’E.M. du 1er groupe (1ère batterie). Comme il n’y a pas de place pour nous loger, je vais coucher chez des civils.

21 février

L’E.M. du 1er groupe est assez bien installé dans une ferme sur la route de La-Capelle à Hirson. En attendant, je couche au même endroit qu’hier.

22 – 23 février

Festins et réjouissances chez nos anciens amis de Mondrepuis.

24 février

Il parait que nous devons partir demain, direction Clermont-sur-Oise. Préparatifs de départ.

25 février

Départ de Mondrepuis à 7 h., sur le caisson téléphonique du 1er groupe. Nous traversons Hirson, Bellevue et arrivons à Beaumé à midi.

Bon cantonnement dans une grange.

26 février

Départ de Beaumé à 6h45. Nous traversons Aubenton, Ribauville, Brunehamel et arrivons à 11 h. à Résigny.

Bon cantonnement dans une maison particulière.

27 février-1er mars

Séjour à Résigny.

Mauvais temps. Oisiveté et ennui.

2 mars D

Départ de Résigny à 7 h.

Nous traversons Grandrieux, Rozoy-sur-Serre, Montcornet, Clermont-les-Fermes et arrivons à 14h. à Bucy-le-Pont (*) (étape de 35km). Bon cantonnement dans une petite maison.

 

(*) : Il s’agit de Bucy-les-Pierrepont

3 mars

Départ de Bucy-le-pont (Bucy-les-Pierrepont) à 7h.

Nous traversons Chivres, Machecourt, Verneuil et arrivons à Barenton-Cel à midi. Très mauvais cantonnement dans une écurie, où il nous pleut dessus toute la nuit.

4 mars

Journée passée à Barenton-Cel.

5 mars

Départ de Barenton-Cel à 6h45 via Aulnois, Vivaise et Crépy-en-Laonnois.

Nous arrivons à 11 h. à Charmes, à 500m à l’ouest de La-Fère (plutôt sud-est). Bon cantonnement dans une maison abandonnée. Promenade à la-Fère.

6 mars

Départ de Charmes à 7h30.

Nous traversons La-Fère, l’Oise, Tergnier, Viry, Chauny, Ognes et arrivons à midi à Appilly.

Médiocre cantonnement dans une minoterie, mais vin blanc exquis.

7 mars

Départ d’Appilly à 7 h.

Nous traversons Noyon, Ribécourt et arrivons à Montmacq à 11 h.

Nous logeons dans une salle de musique, au fond du même parc où nous logions il y a trois mois (en partant de Verberie). Promenade à Thourotte et petite noce avec des civils.

8 mars

Journée passée à Montmacq.

9 mars D

Départ de Montmacq à 7 h.

Nous traversons Thourotte, Braisnes, Monchy et arrivons à 11h. à Gournay-sur-Aronde.

Bon cantonnement dans les communs d’un château.

10 mars

Départ de Gournay à 8 h. Nous passons à Rouvillers, Cressonsacq, Cernoy et arrivons à Noroy à midi.

Bon cantonnement dans une maison bourgeoise.

11 mars

Départ de Noroy à 7H30.

Nous traversons Erquinvillers, Argenlieu, Clermont-sur-Oise (*) et arrivons à 13 heures à Thury-sous-Clermont, où nous devons rester longtemps, paraît-il.

On nous donne un cantonnement provisoire assez médiocre.

 

(*) : Il s’agit de Clermont « tout court » qui n’est d’ailleurs pas sur l’Oise.

12 mars

Nous installons le Central du groupe dans la mairie de Thury. Le bureau va à 1 km de là au château de Fillerval, qui appartient au Vicomte de Breteuil. Nous commençons à poser des lignes téléphoniques.

13 au 21 mars

Pose de lignes.

Nombreuses visites à Clermont (7 km) et à Mouy (4 km). Notre vie devient très agréable.

22 mars

La 1ère batterie, qui était avec nous à Thury, s’en va à 3km de là, à Houdainville.

Pour nous, nous allons au moulin de Fillerval, près du château. Le central reste à la mairie de Thury.

23 mars - 4 avril

Journées heureuses, passées tantôt à Clermont, à Mouy, à Neuilly-sous-Clermont, etc.

Nombreux galas.

5 et 6 avril

J’obtiens une permission de 24 h que je vais passer à Beauvais.

 

PERMISSION

7 au 11 avril

Journées heureuses.

12 avril

Je viens coucher à la mairie de Thury, au central du groupe. Nous y sommes trois en tout, pour tout le village.

Aussi, nous vivons comme coqs en pâte !

13 au 28 avril

Joie et bonheur.

29 avril

Nous devons quitter Thury demain, pour nous rendre 25 km plus au nord, à St-Just-en-Chaussée. La nouvelle me ferait beaucoup de peine, si ma permission n’était pas imminente. Préparatifs de départ. Nous faisons nos adieux.

30 avril

Départ de Thury à 8h30. Étape de 25km sous la pluie et la neige qui ne cessent de tomber. Nous traversons Clermont, Argenlieu et arrivons à 14 h. à St-Just-en-Chaussée.

Aucun cantonnement de préparé. Nous attendons plus de quatre heures, dans la rue et sous la pluie, pour nous loger enfin dans une maison abandonnée, à moitié démolie par les bombes.

1er mai

Journée pluvieuse.

Nous posons des lignes téléphoniques. On m’annonce que je pourrai partir en permission demain.

2 mai

Départ à 7 h. de St-Just-en-Chaussée. Arrêt à Survilliers.

Voyage.

3 mai

Arrivée à Lyon à 7 h. J’y passe la journée.

4 mai D

Arrivée à Annonay à 7h30.

 

PERMISSION

 

26 mai

Départ d’Annonay à 6h38, direction Orry-la-Ville. Arrivée à Lyon à 9 h. J’y passe la journée et la nuit.

27 mai

Journée passée à Lyon.

J’en repars à 22 heures.

28 mai

Arrivée à midi à Orry-la-Ville et à 16 heures à St-Just-en-Chaussée.

L’État-major du 1er groupe y est toujours. Je reprends mes fonctions de téléphoniste et deviens chef de poste !

29 mai au 5 juin

Rien à signaler.

Vie tranquille à St-Just. Peu de travail et nombreuses parties de billard.

6 juin

Nous recevons l’ordre de nous installer à 5km de Saint-Just, à St-Rémy-en-l’Eau, où se trouve déjà la 3ème batterie.

7 juin

Départ de St-Just à 8h30.

Nous traversons Valescourt et arrivons à 9H15 à St-Rémy-en-l’Eau. Nous nous installons au château de St-Rémy qui appartient au marquis de Capellis. La nécessité de nous servir des lignes téléphoniques civiles nous oblige à monter notre central à la poste de St-Rémy.

En ma qualité nouvelle de chef de poste, c’est moi qui assurerai la garde de nuit et qui m’installerai à la poste.

J’aiderai dans son service la receveuse qui m’aidera dans le mien. (La 1ère batterie s’est déplacée en même temps que l’E.M. du groupe. Elle est allée de Plainval à Bizancourt. La 2ème est restée à Valescourt et la 3ème à St-Rémy).

8 au 13 juin

Journées très chaudes. Promenades dans les environs, Argenlieu, Saint-Just, etc.

Mes nouvelles fonctions de postier me plaisent beaucoup.

14 juin

Je vais passer la nuit et la journée à Amiens.

15 au 22 juin

Rien à signaler.

Les peuples heureux n’ont pas d’histoire.

23 juin

On reparle de retour prochain du régiment à Bourges. Le colonel MAURY, commandant le 1er RAC nous passe une revue préparatoire, près de Fournival, à 5km de St-Rémy.

 

Le soir, j’apprends par téléphone la nouvelle de l’acceptation de nos conditions de paix par les Boches. J’en informe les autorités civiles de St-Rémy qui font sonner les cloches et pavoiser.

24 au 27 juin

Rien à signaler.

28 juin

Les préliminaires de paix sont signés à Versailles.

Je l’apprends par téléphone à 5 h. du soir. St-Rémy pavoise de nouveau.

29 juin-10 juillet

Rien à signaler.

On parle de plus en plus du prochain retour à Bourges.

11 juillet

On nous donne l’ordre officiel de départ.

Nous devons embarquer demain à Liancourt, direction de Bourges. Préparatifs de départ et adieux.

12 juillet

Départ de Saint-Rémy à 3 h. du matin.

Nous traversons Avrechy, Clermont, Breuil-le-Sec et arrivons à Liancourt à 9 heures. Nous y embarquons aussitôt.

Départ de Liancourt à 13 heures.

Nous passons par Creil, la grande ceinture (côté ouest), Versailles, Les-Aubrais et Vierzon.

13 juillet D

Arrivée à Bourges à 9 h. du matin. Nous débarquons à La-Fourchette (*)  et rentrons au quartier Auger à midi. Fêtes diverses en ville (retraite aux flambeaux, etc).

 

(*) : Terminal ferroviaire de Port-Sec pour l’artillerie, aujourd’hui démantelé (2.5km au nord-est du centre de Bourges).

14 juillet

Grand défilé dans les rues de Bourges et grande revue des troupes en l’honneur de la victoire. Je n’y assiste que comme spectateur.

Le soir, fêtes en ville (feux d’artifice et autres).

13 au 17 juillet

Rien à signaler.

La vie n’est guère agréable à Bourges.

18 juillet

Je deviens secrétaire du capitaine du Bois du Tilleul, commandant du 1er groupe

19 au 28 juillet

Rien à signaler.

29 juillet

Je demande et obtiens une permission de 48 heures pour Annonay.

30 juillet 

Départ de Bourges à 7h12 et arrivée à Annonay à 21 heures.

 

PERMISSION

 

1er août

Départ d’Annonay à 8 h. et rentrée à Bourges à 20 heures.

2 août

Rentrée officielle à Bourges du 1er RAC

 Grand défilé et grande fête.

3 au 13 août

Rien à signaler

14 août

Étant démobilisable avec la classe 1911, on m’annonce ma mise en route pour demain, direction du dépôt démobilisateur de Valence (6ème RAC).

15 août

Préparatifs de départ. Formalités diverses. Adieux.

Départ de Bourges à 21h40.

16 août

Journée passée à Saint-Étienne. J’en repars à 18 h. et arrive à Annonay à 22 heures.

17 août D

Journée passée à Annonay.

18 août

Départ d’Annonay à 8 h. et arrivée à Valence à 10 h.

J’y passe la journée.

19 août

Je me fais démobiliser au D.D. du 6ème RAC à Valence et redeviens enfin civil après 856 jours de campagne et 2141 jours de service militaire.


 

Officiers ayant commandé les diverses unités dont j’ai fait partie

IIème armée : Général NIVELLE

Xème armée : Général FAYOLLE

IVème armée : Général ANTHOINE

IVème armée : Général GOURAUD

Vème armée : Général BERTHELOT

IIIème armée : Général HUMBERT

 

8ème corps d’armée : Général HÉLY d’OISSEL - Général HÉLY d’OISSEL

16ème division : Général ROUQUEROL - Général LE GALLAIS

 

1er régiment d’artillerie de campagne : colonel LEQUIME - Lt-colonel CREBASSOL - Lt-colonel LEFÉBURE - Lt-colonel RIEDER - Lt-colonel EHRMANN - Lt-colonel MAURY

6ème batterie : capitaine BROCHAND - Lieutenants BAZIN, ROZIN - Sous-Lieutenants GAGNE, RABAULT, DUPUY

2ème groupe : Chef d’Escadron BRAYER - Chef d’Escadron BÉLINGARD

3ème groupe : Chef d’Escadron de MONTALIVET

7ème batterie : capitaine GUYOT

1er groupe : capitaine du BOIS du TILLEUL

1ère batterie : capitaine COLLARD


Affaires auxquelles j’ai pris part :

Bataille de Verdun (secteur de Souville) : 15 au 31 juillet 1916

Secteur des Éparges (Bernatant – Trois Jurés) : 6 août au 15 septembre 1916

Bataille de la Somme (secteurs Berny-en-Santerre et Asservillers) : 7 décembre 1916 au 9 janvier 1917

Secteur de l’Argonne (Four-de-Paris) : 24 janvier au 31 mars 1917

Attaque du Mont Cornillet (Bois de la Grille) : 7 avril au 6 mai 1917

Secteur de Verdun (Tavannes) : 14 mai au 18 juin 1917

Secteur de Ville-sur-Tourbe (Berzieux) : 7 juillet au 7 décembre 1917

Secteur de Maisons-de-Champagne – Massiges (Minaucourt) : 1er février au 22 juillet 1918

Bataille de la Vesle (Treslon) : 1er août au 30 septembre 1918

Grande offensive générale (la Suippe, la Retourne, Recouvrance, etc) : 1er octobre au 4 novembre 1918

 

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