PREAMBULE
L’association « Vendat, son passé » a découvert en 2015, un carnet de poilu propriété d’Antony POUZAT. Dès lors, l’association a décidé de procéder à sa conservation numérique en procédant à la retranscription de ce carnet.
Antoine (dit Antony) Simon André POUZAT est né le 18 février 1892 à Chantelle (Allier). Il demeurait Cusset (03). Classe 1912, il est répertorié sous le matricule n° 1841, bureau de Roanne. Il est plombier-fontainier. Il a participé à la 1ère guerre mondiale au sein du 92ème régiment d’infanterie à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), du 02 août 1914 au 22 août 1919, date de sa démobilisation.
Il a noté au jour le jour, toute son activité, les déplacements sur le front, la vie quotidienne des poilus, ses retours en permission, ses émotions …, et les drames vécus.
Ce carnet de route,
de plus de 300 pages, a été aimablement prêté à l’association « Vendat, son passé » par Monsieur Alain SOUCIL, demeurant
Vendat et petit-fils d’Antony POUZAT. L’association remercie très
chaleureusement ce dernier pour le prêt de ce document que l’on peut qualifier
d’historique, et l’autorisation de l’exploiter. Ainsi l’association a procédé
pendant plus d’un an à la retranscription de ce document, afin de le porter à
la connaissance et le mettre à la disposition du plus large public possible.
Ont participé à la retranscription Mmes Ginette PETELET et Suzanne MARTIN, et la mise en page sur un fichier PDF a été réalisée par Patrick NIOBÉ, tous membres de l’association « Vendat, son passé ».
Association qui me permet aujourd’hui de publier l’ensemble du carnet en espérant que des internautes y retrouve la vie et la survie d’un ancêtre qui est passé par le 92ème régiment d’infanterie, et peut-être même y voir son nom cité.
« Le texte a été retranscrit par l’association à l’identique sur
le fichier PDF, mais j’ai (Didier, le Chtimiste) volontairement corrigé les
fautes d’orthographe des villages et des noms propres pour la mise en pages
internet. En effet, beaucoup d’internautes font des recherches sur 14/18 et des
noms de soldats ou de villages sont souvent trouvés grâce aux moteurs de
recherche, qui eux ne corrige pas toutes les erreurs !
J’ai aussi supprimé quelques photos qui apportent pas grand intérêt au
récit, mais qui alourdissent beaucoup le chargement des pages.
Les mots et phrases en bleu dans le texte sont des rajouts volontaires
pour tenter d’expliquer, de comprendre et de détailler le récit aux nombreux
internautes de tout âge qui le liront. »
Didier, le Chtimiste, mai 2023.
Vous pouvez retrouver le fichier PDF originel ici.
Si vous souhaitez plus de renseignements concernant cet ouvrage, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante :
En 1914, le 92e régiment d’infanterie fait partie de la 52e brigade d’infanterie (avec 139ème régiment d’infanterie). La 52e BI fait partie de la 26ème division d’infanterie, avec la 51e BI (105e et 121e RI). La 26e DI fait partie du 13e corps d’armée.
Nous verrons qu’Antoine est musicien. Les musiciens font partie de la CHR (compagnie hors-rang), donc théoriquement « un peu en arrière de la première ligne ». Les musiciens sont aussi très souvent utilisés (pour ne pas dire toujours) comme brancardiers sur les champs de bataille.
INTRODUCTION
À mes Camarades Musiciens
Quand, au foyer, plus tard, au fond d’un vieux tiroir
Vous les retrouverez ces pages de la guerre
Ce sera, croyez-moi, comme un peu de lumière
Qui surgira plus douce au fond du passé noir.
Vous aurez oublié la misère et l’ennui
Vous ne parlerez plus de brancard ou de sape
Mais, du feuillet moqueur, d’où le rire s’échappe
Vous sentirez monter la gaîté d’aujourd’hui.
Vous verrez plus vivants ces amis d’autrefois
Qui aimaient tant à rire, à chanter et à vivre.
Leur frimousse narquoise, dans un coin de ce livre
Au flot du souvenir, vous sourira parfois.
Vous entendrez leur voix, s’élever comme un chant,
Qui vous emportera dans le pays du rêve
Et votre âme troublée dans le soir qui s’achève
Cherchera à revoir ces vieux copains d’antan.
Quand d’une main pieuse, achevant ces feuillets
Vous les refermerez dans votre secrétaire
Amis, pensez à ceux qui dorment sous la terre
Ils furent nos amis ! Ne l’oubliez jamais !
Au mois d’octobre de l’année
1901, je suis les cours de solfège organisés par l’harmonie « La semeuse ». (*)
(*) : Antoine POUZAT a alors presque 10 ans.
L’harmonie forme une section de fifres et j’apprends à en jouer.
Pour la fête de l’Ascension, nous faisons (la section de fifres) notre première sortie avec l’harmonie « La Semeuse » sous la direction de M. TOURNEUR.
Au mois de septembre, nous participons avec l’harmonie, au festival de musique du Mayet-de-Montagne.
J’apprends à jouer de la grande flûte en ut, système Boëhm.
Au mois de septembre, je fais ma première entrée comme flûtiste avec l’harmonie, au festival de Thiers.
Du mois de juillet 1909 au mois de septembre 1911, je dirige avec mon camarade E. PÉRONNET, la section de fifres de l’harmonie, et, nous obtenons, au concours musical de Gannat au mois d’août, 2 premiers prix avec félicitations du jury.
Je fais partie (travaillant à Feurs / Loire) de la fanfare et de l’orchestre symphonique ; ensuite je reprends ma place à l’harmonie de Cusset jusqu’à fin août 1912.
Quittant Cusset pour aller travailler à Saint-Etienne (Loire), je rentre comme soliste à l’harmonie Beau-brun à compter du 18 septembre 1912 jusqu’au 20 mars 1913 et je dirige pendant ce laps de temps, la section de fifres de Saint-François dans l’attente qu’ils aient trouvé un directeur.
Je passe avec succès mon brevet musical le 9 mars 1913 à Saint-Etienne, puis c’est mon entrée à la caserne du 92e d’infanterie à Clermont-Ferrand, le 26 avril 1913 et à la musique du régiment, fin mai 1913.
Après avoir obtenu mon certificat d’études le 26 juin 1905, je rentre le 4 juillet 1905 en qualité de petit clerc d’avoué à l’étude de Me Ch. BERTHOMIER, avoué.
Cours Arloing à Cusset où je travaille en compagnie de Mes CHARDONNET et SILVY dont je garde un excellent souvenir.
Je quitte l’étude, le 25 mai 1908 pour entrer en apprentissage comme Plombier – Zingueur – Couvreur chez M A. RAYMOND, rue du 29 juillet n° 20 Cusset.
Antoine POUZAT en 1909
Mon apprentissage terminé le 2 mars 1910, je m’embauche comme ouvrier chez M CRETIER, 3 rue Rocher-Favyé, du 5 mars 1910 au 5 mars 1911.
L’entreprise Bégon
Plomberie-Zinguerie à l’Arbresle-sur-Rhône, effectuant tous les travaux de
plomberie, zinguerie, couverture et canalisation des gares de Vichy à
Saint-Just en Chevalet, son contremaître M VEXENAT me fait rentrer chez l’un de
ses amis, directeur de l’usine à gaz de Feurs (Loire) comme plombier.
Je travaille à cette usine du 21 septembre 1911 au 8 décembre 1911.
Le travail se faisant rare, le
directeur de l’usine me place chez M GRANGE, ferblantier-zingueur, rue Meunière
à Feurs, du 4 décembre 1911 au 2 avril 1912.
Mes parents m’écrivent que M BONNIN, plombier-zingueur, rue Saturnin-Arloing à Cusset, me demande pour travailler.
Je quitte Feurs pour entrer chez lui le 4 avril 1912.
J’en sors le 28 août 1912 à la suite d’une lettre de
mon camarade SOUTRENOM (de Bourg–Argental, ouvrier avec moi chez M GRANGE à
Feurs), lequel me prévenait qu’il travaillait à Saint-Etienne (Loire), maison
OLAGNIER Fils, entrepreneur de plomberie n° 7 rue des Arts et avenue du
Président Faure.
Partout où j’ai travaillé, je me suis senti avec l’estime des patrons qui m’ont occupé et, les certificats élogieux qui m’ont été délivrés en témoignent.
Comme il était question au
début de 1912, d’appliquer la loi de 3 ans à partir de la classe 1912, je contracte un engagement
militaire de 3 ans pour me permettre de choisir mon régiment le 92e
d’infanterie à Clermont-Ferrand ; avec l’assurance de rentrer à la musique et,
après une réponse favorable du chef M THÉRON.
Je quitte donc la maison OLAGNIER le 23 mars 1913, Saint-Etienne le 24, passe la journée du 25 à Cusset, puis le 26, fais mon entrée à la caserne d’Assas-Clermont. Je suis affecté à la 6e compagnie – Capitaine REYER. (*)
Deux mois après, je passe avec succès l’examen d’entrée à la
musique comme Petite-Flûte solo.
Après environ 3 mois de présence comme élève–musicien, je passe un nouvel examen pour être classé définitivement à la musique. Je réussis et quitte la compagnie sans regret.
Du jour de mon installation jusqu’au mois d’août 1914, j’ai passé d’heureux jours et, j’étais loin de penser que pour la suite, j’allais en passer de bien mauvais ainsi qu’en témoigne mon carnet de route, relatant ma participation à l’affreuse et terrible guerre de 1914-1918, un carnage horrible que je souhaite ne jamais plus revoir.
(*) : Antoine POUZAT est ‘’engagé volontaire’’ le 26 mars 1913 à la mairie du Cusset. Il arrive au corps le 1er avril 1913. (Fiche matriculaire)
Oh ! Guerre
maudite et cruelle
Tu es ce qu’il
y a de plus immonde.
Vivre en paix
; la Vie est si belle
Qu’il vaut
mieux guérir ; que de tuer le monde.
Musiciens passés au 92ème régiment d’infanterie – avril
1914
Chef : THÉRONX
Sous-chef : QUOD
Flûtes : petite flûte - POUZAT
Grande flûtes : QUOD, sous-chef et GAUVIN
Hautbois : FULCHIRON - CARMÉLINO
Petite clarinette : VAURIS
1eres grandes clarinettes : DUPUIS – CHARLES – FÉRRÉOL
2emes clarinettes : MALASSAGNE – GONNON – LIANDIER
Saxophones altos : MEILLER – FRACHON
Saxophones ténors : ROCHON – PRULHIÈRE
Saxophones barytons : (Camille) BORROT – SOALHAT
Pistons 1ers : GRENIER – VINCENT
Pistons 2e : GARDETTE – FAURY
Bugles 1ers : LAMOINE- AMBLARD
Bugles 2e : BERTHOLLET – CHABOZY
Altos : THUEL – LAURENT
Baryton : CHAMPROBERT
Basses : ROBELIN – MATHAUD – AUDOUARD
Contrebasse mi basse : CUBIZOLLE
Tambour : COULAUD
Trombones : GODIN – PIAROUX
Grosse caisse : BOYER
En France, l’ordre de mobilisation est donné.
Mon frère Louis arrive de Cusset (*) à bicyclette et vient me trouver à la caserne.
Nous déjeunons à la cantine et ensuite, nous allons à la rencontre des camarades cussétois, Louis LUTRAT (**) et Marcel DÉMONNET. (**)
Mon frère repart à 4 heures du soir, me souhaitant bonne chance, bon retour au pays.
(*) : Cusset se situe dans l’Allier, près de Vichy.
(**) : Louis Eugène LUTRAT, né Cusset en 1891, et soldat au 16ème régiment d’infanterie. En août 1917, il sera affecté aux ateliers mécaniques de la Seine. Dans le civil, il était garagiste-mécanicien sur automobiles. Il sera cité très souvent dans le récit. Voir sa fiche matriculaire.
Mais attention deux LUTRAT seront cités dans le récit : ‘’ Louis ’’ et son frère ‘’ Gustave René ’’ LUTRAT (toujours prénommé ‘’ René ‘’). Nous le verrons plus loin dans le récit.
(***) : S’agit-il d’Auguste Marcel DÉMONNET ? (sa fiche). Ce ‘’ Marcel ’’ sera cité plus de 20 fois dans le récit.
Attention : son frère sera aussi nommé dans le récit : Adrien Marcel DÉMONNET, soldat au 216e régiment d’infanterie qui mourra pour la France le 2 juin 1916 à Issy-les-Moulineaux, suite de blessures. Voir sa fiche (2 pages).
Nous quittons la caserne pour aller cantonner maison BOYER, route de Montferrand, afin de faire de la place pour loger les réservistes.
L’Allemagne déclare la guerre à la France. Nous aidons à l’habillement des réservistes.
Nous continuons l’habillement des réservistes.
Même travail que la veille.
Ma cousine de Riom vient me voir et nous allons ensemble au 53e d’artillerie trouver son mari avec lequel nous sortons en ville.
Clermont
Le 92e d’infanterie a terminé sa mobilisation. La fierté du cœur peinte sur le visage, tous défilent devant le drapeau et les généraux, au milieu des acclamations d’une foule enthousiaste.
Dans la nuit, les 1er et 2eme bataillons partent pour s’embarquer.
Musiciens du 92ème régiment d’infanterie
A 4 heures du matin, nous partons (la musique) avec le 3e bataillon pour embarquer.
A 5 heures, le train démarre. Nous passons à Saint-Germain-des-Fossés, Moulins, Digoin, Montceau-les-Mines, Montchanin, Gray, Vesoul, Jussey.
Tout le long du parcours, à chaque arrêt dans les gares, nous jouons (perchés sur des wagons) la marseillaise, pendant que les camarades du régiment hurlent : « A Berlin ».
On nous couvre de fleurs, on nous apporte à boire, les enfants nous distribuent des petites lettres gentilles. C’est ainsi qu’en gare de Montchanin, une petite fille me remet sous enveloppe la lettre que j’ai conservée pendant et après la guerre.
En voici le texte. :
« Brave Soldat, je vous souhaite bonne chance et bon retour au pays après l’écrasement de nos ennemis. Signé : Marie ».
Après 22 heures passées en chemin de fer, nous débarquons à Girancourt (Vosges) à 7 heures du matin.
Le régiment se rassemble sous le commandement du colonel DE GEVIGNEY. Nous allons cantonner à Réblangotte (12 km).
Repos pour toute la 26e division. Nous apercevons un aéroplane allemand.
Nous quittons Réblangotte à 4 heures du matin pour aller cantonner à Gigney (28 km).
Nous quittons Gigney à 4 heures du matin pour continuer à Fontenay (28 km).
Nous passons par Épinal. Nous restons environ 2 heures à Fontenay ensuite nous allons continuer à Padoux (8 km).
En cours de route, je rencontre 2 camarades du pays (Jean) PEYRE (*) et RANDOING du 10e, infirmiers.
(*) : Très certainement Jean PEYRE, infirmier de la 15ème section de infirmier militaire, né aussi à Cusset. Voir sa fiche.
Départ de Padoux à 2 heures du matin. Nous passons à Rambervilliers-Brû et nous arrivons à Raon-L’étape, complètement exténués après 35 km.de marche, sous une chaleur tropicale.
La population nous fait un bon accueil. Nous couchons dehors dans le jardin de notre cantonnement.
Départ de Raon-l’Étape à 4 heures du matin.
Nous quittons les Vosges pour entrer en Meurthe-et-Moselle.
A quelques kilomètres de Raon, nos troupes commencent à se déployer. Nous autres (brancardiers), nous allons rejoindre les ambulances.
En cours de route, je rencontre 2 camarades du pays, (Gustave) René LUTRAT (*) et TANTÔT (121e d’infanterie).
Nous continuons notre marche
en avant.
Nous passons à Neufmaisons – Pexonne - Badonvillier, que nous trouvons complètement en ruines (les Allemands y étant passés avant notre arrivée).
Dans Badonvillier, une patrouille de Uhlans s’étant égarée et le médecin-chef des brancardiers – infirmiers, l’ayant aperçue, nous crie : « Demi-tour, voilà les Uhlans ! ».
Ce fut un sauve-qui-peut général vers l’arrière. Chacun jetait tout ce qu’il avait sur lui pour courir plus vite ; c’est ainsi que tous les musiciens avaient jeté leurs instruments sauf moi ; le mien (une petite flûte) se trouvait dans ma poche. L’ordre nous ayant été donné de nous arrêter pour repartir de l’avant, nous retrouvons sur notre chemin, une partie des instruments complètement écrasés par les voitures, et de retour dans Badonviller, nous avons appris que la patrouille de Uhlans égarés avait été tuée par nos troupes. (**)
Nous arrivons à la tombée de la
nuit dans un bois près de Cirey. Une bataille acharnée commence.
Les quatre régiments de notre division (la 26e), 92e, 105e, 121e et 139e se battent une partie de la nuit entre eux.
Les obus éclataient et les balles sifflaient tout autour de nous dans le bois où nous étions, si bien qu’à force de nous déplacer, nous arrivons à nous perdre.
Nous allons jusqu’à Badonviller, croyant retrouver notre régiment.
(*) : Gustave René LUTRAT est du même village qu’Antoine POUZAT. Soldat-musicien au 121ème régiment d’infanterie, il sera gravement intoxiqué en 1918. Il sera cité plus de trente fois dans le récit. Voir sa fiche.
(**) : L’épisode des Uhlans est relatés sur le JMO (journal des marches et opérations) du régiment « Une patrouille de Hussards allemands vient passer près du bataillon de droite. Le sous-officier qui le commande est blessé et pris ; quatre cavaliers sont tués (…) »
Nous retrouvons notre régiment dans le bois où nous étions la veille. Je rencontre (Gustave) René LUTRAT et vois passer des camarades du pays – JONAS, MASSET, BORNET et Léon TÉZIÈRE.
Un aéro allemand nous survole ; des blessés passent.
A la tombée de la nuit, nous allons cantonner à Petitmont (1 km 500).
René LUTRAT et Léon TÉZIÈRE
Nous quittons Petitmont à 5 heures du matin.
Nous passons à Val-et-Châtillon, Sanssen, Rupt (des Dames), Bertrambois. Nous passons la frontière pour entrer en Lorraine. En passant, nous arrachons le poteau-frontière.
Après une halte, nous allons cantonner dans une ferme lorraine à 3 kilomètres. Notre chef de musique se fait évacuer.
Au matin, nous quittons la ferme pour repartir en avant. J’aperçois Louis PÉRONNET.
Nous passons à St Quirin et nous allons cantonner à Abreschviller.
Nous quittons Abreschviller à 10 heures du matin. Nous passons à Werher (?) et nous allons cantonner dans le bois de Voyer (2 kms).
Depuis le 14, l’ennemi, en petit nombre,
a toujours cédé devant nos troupes. Au milieu des ruines qu’ils ont faites,
nous avons le plaisir de voir des cadavres de Bavarois, dignes descendants des
sinistres bourreaux de Bazeilles.
(*)
(*) :
En 1870, lors de la guerre franco-prussienne, Bazeilles, a été le théâtre
d’affrontements sanglants.
Nous quittons (la musique) le bois pour aller nous mettre à la disposition du médecin –chef des ambulanciers, à 1 km du bois de Voyer. On aperçoit au loin, sur Sarrebourg, un ballon captif allemand.
Ont lieu les affaires dites « de Sarrebourg ».
Les Allemands ont reculé, mais se sont arrêtés sur des lignes prévues d’avance, garnie d’une nombreuse artillerie lourde. Les pertes du 1er bataillon de notre régiment à Plaine-de-Walsch, sont devenues si grosses qu’il doit être relevé par le 3e bataillon, placé en réserve au bois de Voyer.
A travers un feu de barrage terrible, ce bataillon, sous les ordres du capitaine KREMPP, s’avance comme à la manœuvre (*). Le chef de bataillon DONIN de ROZIÈRES l’a précédé avec une compagnie pour la guider et est déjà à Plaine-de-Walsch. Il mourra glorieusement.
Dans un terrain dénudé, les pertes deviennent énormes et l’on doit stopper.
Là, se passèrent de magnifiques traits de dévouement et de bravoure :
« Soldats, qui avant la guerre, êtes venus vous instruire ; chefs, qui les avez formés, vous n’avez pas perdu votre temps. »
Dans le bois où nous étions
avec les ambulances, le bombardement fut très violent. Les Allemands se servent
de leurs gros obusiers, alors que notre artillerie ne peut répondre qu’avec les
75. Les aéroplanes allemands nous survolent. Deux bombes jetées tombent près de
nous. Aucun blessé.
Le repli forcé est prescrit, mais seulement à ce moment les fractions diminuées, décapitées, commencent à battre en retraite dans un ordre parfait. (**)
(*)
: Le capitaine KREMPP commande la 10e compagnie.
(**) :
Le JMO ne parle pas de « retraite » mais de « mouvement
rétrograde »…6 à 700 hommes sont déclarés « disparus »
Dès le matin, la canonnade commence. Les Allemands avancent.
Tout le 13e corps se replie. Le capitaine commandant la 7e compagnie de notre régiment est tué.
Nous repassons la frontière.
Passons à Bertrambois – Cirey et nous allons nous coucher dans un bois à 2 km. Je revois Léon TÉZIÈRE.
A notre réveil, un « Zeppelin » passe au-dessus de nous. Notre artillerie réussit à l’abattre.
Notre repli continue.
Nous passons à Neuviller et Saint-Maurice où nous restons 2 heures. Ensuite, nous allons nous coucher dans un bois à 2 km.
Les aéros allemands nous suivent dans notre retraite.
Dès le matin, nous nous replions en passant par Vacqueville – Merviller – Baccarat – Mesnil et Anglemont où nous restons pour cantonner.
Nous restons à Anglemont jusqu’à 15 heures, ensuite, nous repartons pour Ménarmont où nous sommes surpris par l’ennemi.
Nous avons juste le temps de déguerpir en vitesse pour ne pas être pris. Les obus tombent de tous côtés.
Nous allons coucher dans un bois.
La nuit, un « Zeppelin » se promène au-dessus de nous, lançant des signaux. Je rencontre 2 camarades : ROUET et BIGAY
Comme les Allemands deviennent pressants, les 2e et 3e bataillons attaquent à Dormptail ; mais la partie est grosse ; le 3e bataillon est fauché par un feu terrible. Le dévouement de la 7e compagnie protège sa retraite. Elle devient générale pour le régiment qui arrive à Rambervillers.
Nous allons cantonner à Vomécourt.
Nous quittons Vomécourt pour retourner à Rambervillers. Ensuite nous allons nous poster dans un bois « Bois de Roville ». Je vois (Gustave) René LUTRAT.
Toute la journée, les Allemands bombardent le bois et à chaque instant nous sommes obligés de nous abriter derrière les arbres. A un moment, une panique se produit et tout le monde se sauve. (*)
Nous allons à Rambervillers et nous retournons coucher à Vomécourt dans le même cantonnement que la veille.
De furieuses rencontres eurent lieu dans les bois de la Corniche, suivies de corps à corps où les Allemands firent preuve du complet mépris des lois de la guerre.
Les carnets de route d’un lieutenant et d’un soldat en sont les témoignages précis et émouvants : blessés épargnés se relevant pour se rendre, puis tirant sur l’adversaire confiant.
La 7e compagnie, capitaine LANTUÉJOUL, séparée des autres unités, se heurte dans le bois à un fort détachement cherchant à s’infiltrer pour surprendre Rambervillers ; elle le contient, le repousse, le suit jusqu’à la lisière, lui tuant son commandant bavarois qui reste sur le champ de bataille.
Le lieutenant–colonel KNOLL prend le commandement du 92e.
(*) : Non
signalé sur le JMO
Nous quittons Vomécourt pour aller de l’avant. Nous repassons à Rambervillers et nous installons notre poste de secours dans le château à 2 km.
Toute la journée : canonnade très violente par l’artillerie allemande.
A
la tombée de la nuit, nous allons nous coucher à Rambervillers dans un
séminaire. Je couche sur un rayon dans une armoire et les 2 autres rayons sont
également occupés par le sous-chef de musique et FAURY.
Nous revenons au poste de secours installé au château.
Dans la matinée, des hommes arrivant comme renfort au régiment, faisaient la halte dans un pré. Un avion allemand les repère, fait des signaux, et le premier obus envoyé tombe dans un groupe, tuant 11 hommes et faisant de nombreux blessés.
Étant à proximité de ce groupe, nous ramassons les blessés pour les déposer dans une grange.
Pendant notre déplacement pour la relève des blessés, le 2éme obus envoyé tombe juste à l’endroit où nous étions quelques minutes avant. « Le malheur des uns a fait notre bonheur. »
Toute la journée, violente
canonnade par l’artillerie allemande. C’est à peine si notre artillerie
riposte.
Je rencontre 2 camarades du pays : (Jean) PEYRE et RANDOING.
Nous allons près des avant-postes, dans le bois de Roville (*) à 4 km, en avant de Rambervillers. Les obus tombent de tous côtés, tout autour de nous. Nous nous abritons derrière les arbres.
Nous passons une journée affreuse. Nous couchons dans le bois.
(*) :
Roville-aux-Chênes
A notre réveil, nous allons ramasser des blessés en avant de nos lignes. Nous voyons beaucoup de cadavres.
Notre major ayant crié en 2 fois :
« Y-a-t-il des blessés par ici ? »
La réponse ne fut pas longue à venir.
Une violente fusillade nous accueille, sans blesser personne.
Nous attendons le calme et nous
ramenons quelques blessés trouvés près des lignes ennemies.
Nous restons toute la journée dans le bois de Roville à la merci des obus qui tombent en masse. Notre artillerie est silencieuse.
A la tombée de la nuit, le 105e d’infanterie vient nous relever et nous allons au château.
Nous nous reposons toute la journée dans la cour du château.
Journée à peu près tranquille dont nous profitâmes pour aller dans des jardins abandonnés, ramasser des légumes et faire avec, de la bonne tambouille. Nous étions depuis quelques jours sans nouvelles de notre ravitaillement, alors il fallait bien de débrouiller pour « croûter ».
Nous couchons dehors.
Nous allons nous installer dans un autre château à 500 mètres et nous y passons une journée tranquille. Nous en profitons pour vider l’étang et nous faisons une pêche merveilleuse. (*)
Ensuite, repas délicieux.
Toujours sans nouvelles du ravitaillement.
(*) : Il s’agit du château de Sainte-Lucie sur la commune de Rambervillers. (Cité sur le JMO le 10/09/1914). L’étang existe toujours. Voir ici.
Nous restons toute la journée au château. Violente canonnade.
Nous allons ramasser les blessés et, sur la route, nombreux sont les morts que nous trouvons.
Toute la journée au château.
Nous allons ramasser les blessés sous une pluie terrible d’obus. Les Allemands bombardent le château où nous sommes et nous nous abritons derrière les arbres d’un petit bois à proximité du château.
Nous y couchons.
Toute la journée au même endroit que la veille et relève des blessés. J’en attrape un par les 2 jambes pour le mettre sur un brancard ; une jambe me reste dans la main.
La nuit, les Allemands attaquent. Le commandant HUMBLOT crie « Aux
armes ! » pour se porter au secours du 139e violemment attaqué.
Les Allemands furent repoussés, laissant de nombreux cadavres.
Nous sommes toujours au château et nous continuons d’aller relever les blessés. Canonnade très violente par l’artillerie ennemie. De notre côté, on ignore si l’artillerie existe. Les obus tombent dru sur le château, aussi, nous couchons dans les caves.
Le capitaine de la 6e compagnie est tué.
Dans la nuit, les Allemands renouvellent sans succès leur attaque de la veille.
Toujours au château.
Violente fusillade et canonnade. Un de nos camarades est évacué pour maladie (FÉRÉOL).
Toujours au château.
Journée un peu calme.
Nous en profitons pour faire de la bonne cuisine. Sa majesté « Ravitaillement » ne donne toujours pas signe de vie. heureusement que nous avons appris à pratiquer le système D …
Toujours au château.
Journée calme.
Nos troupes préparant une attaque, nous allons nous installer dans le bois de Roville. L’attaque ne réussit pas.
Violente fusillade, les balles sifflent tout autour de nous et la pluie fait son apparition.
Après la relève des blessés, nous retournons coucher au château.
Notre régiment quitte ses positions pour laisser place au 21e corps qui vient relever le 13e. Nous nous retirons en passant par Rambervillers, Vomécourt, Padoux, Sercoeur. Ici, nous défilons devant notre nouveau général de division. (*)
Nous arrivons à Dignonville et nous couchons dans une grange.
(*) : Le général PILLOT qui a remplacé le général BLAZER commandant de la 26e division d’infanterie.
Repos toute la journée à Dignonville.
Repos toute la journée à Dignonville.
Je remonte un camarade du pays ((Jean) PEYRE).
Nous quittons Dignonville à 7 heures du soir par une pluie battante.
Nous perdons notre route et sommes obligés de revenir sur nos pas pour prendre la bonne. Nous passons près des forts d’Épinal et nous arrivons à Thaon-les-Vosges où nous allons à la gare pour embarquer.
Il pleut toujours à plein temps. Cette pluie est glaciale et nous sommes trempés comme si nous étions tombés dans l’eau.
Arrivés vers minuit, nous attendons le signal pour embarquer.
Nous embarquons à 2 heures du matin. Le train part à 3 heures.
Nous passons à Épinal, Bains-les-Bains, Saint-Loup, Gray, Mantoche, Collonges, Dijon, Plombière, Lantenay, Les Launes, Montbard, Nuits-sous-Ravières, Tonnerre, Laroche, Joigny, Sens, Melun, Villeneuve-Saint-Georges, Panton, Pontoise, Airmont, Aubonne, Montigny, Épluche, Auvers-sur-Oise, Persan, Baumont, Bruyères, Bora, Laigneville, Creil, Liancourt, Rantigny (Oise) où nous débarquons à 18 heures.
Nous quittons Liancourt – Rantigny à 7 heures du matin pour aller cantonner à Baugy (29 km).
En cours de route, le commandant BASTIANI du 2e bataillon, sous prétexte que nous marchions en désordre, fait prendre les noms de 4 musiciens pour les relever et les envoyer dans des compagnies.
Ces 4 victimes (*) furent SOALHAT, GAUVIN, (Charles François) GONON, LAURENT. Un musicien est évacué ce jour pour maladie : LAMOINE.
(*) :
Ces 4 musiciens-brancardiers auraient préférés ne pas aller en tranchées…Nous
verrons que Charles François GONON sera tué quelques jours plus tard.
Nous quittons Baugy dans la matinée.
Nous passons à Braines - Villers-sous-Coudun, nous talonnons les vaincus de la Marne.
Faisant la halte dans un pré, 2 aéros allemands nous signalent et l’artillerie ennemie nous bombarde avec violence, allongeant son tir à mesure que nous nous sauvons. Un de nos camarades est blessé et évacué (FULCHIRON). Nous allons nous abriter près du château de Rimberlieu et le soir nous allons cantonner dans une grange à Villers.
Nos troupes ne progressent plus.
Nous restons avec les ambulances à Villers et nous y couchons.
Je suis désigné avec un camarade, GARDETTE (*), pour aller remplacer 2 brancardiers de la 8e compagnie.
Nous restons avec la compagnie, en bas du château de Rimberlieu et nous y passons une journée tranquille.
A la tombée de la nuit, nous partons avec la compagnie. Nous
passons à Chevincourt.
Dans l’obscurité, nous nous perdons pour nous retrouver avec une section de la compagnie partie en avant-garde fouiller le village de Sanson. Les sentinelles allemandes nous tirent dessus.
Nous nous retirons de 200 m et nous passons toute la nuit dehors par une pluie battante qui dure jusqu’au matin.
(*) : Il s’agit très certainement d’Alphonse GARDETTE de Saint-Julien-de-Cappel. Il sera tué quelques jours plus tard à la Chavatte (Somme), le 1e octobre 1914. Sa fiche.
Dès la pointe du jour, je pars avec GARDETTE pour retrouver la compagnie. Nous la retrouvons sur les crêtes de Chevincourt.
A cet endroit, nous voyons des cadavres allemands et du matériel indiquant qu’ils étaient partis précipitamment après avoir été surpris.
Dans la matinée, 2 camarades viennent nous relever et nous allons rejoindre, près du château de Rimberlieu, la musique au poste de secours. Des blessés allemands y sont passés.
Nous couchons à Chevincourt.
Nous restons toute la journée à Chevincourt.
Le 1er bataillon, commandant FINAT, enlève l’Écouvillon. Des blessés allemands sont conduits en voiture.
Toute la journée à Chevincourt.
L’artillerie allemande réapparaît, ça canonne dur et de notre côté, la nôtre garde le silence.
Nous restons encore à Chevincourt toute la matinée.
Je vais déjeuner avec 3 camarades chez de gens de nationalité belge. La demoiselle se met au piano, nous jouant de jolis morceaux.
Nous en sortons à 2 heures de l’après-midi et lorsque nous rejoignons notre cantonnement, quelle surprise … la musique et les ambulances étaient parties. Nous les retrouvons dans un bois près d’Écouvillon.
Le 1er bataillon avait reçu
l’ordre vers midi, d’attaquer les positions allemandes au nord de l’Écouvillon,
lisières sud-est des bois de Thiescourt.
La 3e compagnie, lieutenant FAYOT, engagée vers 14h, se déploie malgré de violents tirs de mitrailleuses de 77 et de 105. Elle progresse avec de grosses pertes. Elle arrive sur une pièce de 77, s’en empare après un violent corps à corps.
Elle a perdu tous ses officiers et chefs de section, mais s’établit en lisière du bois à 350 m environ du point de départ.
Une section de la 2e compagnie est envoyée en renfort sur la ligne de feu ; elle perd la moitié de son effectif pendant sa courte progression. La position conquise, ne pouvant être tenue, est abandonnée au cours de la nuit.
La 3e compagnie a été, pour cette affaire, citée à l’ordre du jour.
Le 2e bataillon tâte la
position formidable du Plémont. Une reconnaissance offensive s’étant égarée, revient,
comme à la manœuvre, sous le feu de mitrailleuses, se reformer à son point de
départ et se reporte en avant.
Après avoir coupé les fils de fer, elle arrive dans les premières tranchées, mais la position est critique pour 2 compagnies que l’on ne peut soutenir. Elles doivent reculer, apportant de précieux renseignements, ramenant tous leurs blessés.
C’est là que le
sous-lieutenant FAYOT, frère du lieutenant de la 3e compagnie, fut tué d’une
balle. (*)
Parmi les morts, c’est avec
peine que nous avons appris celle de notre camarade GONON, relevé de la musique
le 15 septembre. (**)
Pendant l’attaque, notre poste
de secours se trouvait dans le bois et les balles ennemies nous sifflaient
autour des oreilles. Pour la première fois, il a été constaté que les Allemands
se servaient de balles explosives.
Après l’attaque, nous allons sous un bombardement violent, ramasser les blessés. Nous couchons dans le bois.
(*)
: Le JMO mentionne les pertes nominatives des 3 officiers tués, mais ce sous-lieutenant
n’est pas cité…
(**) :
Charles François GONON, soldat au 92e régiment d’infanterie, mort pour la
France le 22 septembre 1914 à l’Écouvillon (Oise). Voir
sa fiche.
Nous restons toute la journée dans le bois, journée à peu près calme. On nous confie la garde d’un prisonnier allemand.
Nous couchons dans le bois.
Nous restons toute la journée dans le bois. Nous commençons à faire des abris. A la tombée de la nuit, nous quittons nos positions. Nous allons cantonner à Givry. En passant à Élincourt.
Nous constatons que les maisons sont en partie détruites.
Nous restons toute la journée à Givry.
A la tombée de la nuit, nous quittons Givry. Nous passons à Roye-sous-Matz, Beuvraignes et nous cantonnons à Tilloloy (15 km). Nous avons quitté l’Oise pour rentrer dans la Somme.
Se portant vers le nord, le régiment couvre Tilloloy par des tranchées. Puis, glissant encore toujours dans la direction du nord, il s’établit face aux Allemands : le 1er bataillon à Fouquescourt, le 3e à Fresnoy, le 2e à La Chavatte.
Nous passons une journée tranquille à Tilloloy et nous y couchons.
Repos à Tilloloy. Journée calme. Les aéros français font des reconnaissances sur les lignes ennemies.
Toujours à Tilloloy. Journée calme.
Nous restons à Tilloloy jusqu’à 11 heures du matin.
Ensuite nous partons.
Nous passons à Popincourt, Dancourt, Villers-les-Roye et nous cantonnons à Parvillers.
Les Allemands bombardent La Chavatte avec de gros obus ; puis leurs attaquent partent de Fransart, se succédant quatre fois dans la journée.
Elles subissent inutilement des pertes terribles, faites uniquement par l’infanterie, car notre artillerie, qui n’a plus de munitions, est muette.
Vers 20 heures, une ruée de soldats allemands qui, pour la plupart
sont ivres, poussés par des officiers qui hurlent et courent, se précipitent
malgré les pertes sur la haie.
Ils ne peuvent la franchir et un très grand nombre sont tués à la baïonnette.
Les munitions commencent à se faire rares.
La 2e, attaquée plus
furieusement que la 7e est dans une position critique.
Elle réclame des munitions à son chef de bataillon et à sa voisine la 7e. Les
soldats de la 7e, qui tirent tant qu’ils peuvent, ne donneraient pas facilement
leurs cartouches, mais, plus avisé, le capitaine LANTUÉJOUL, commandant la
compagnie comprenait que la perte de la 6e entraînerait la sienne, retire
lui-même des cartouches à ses hommes.
Extrait du JMO
Les attaques succèdent aux attaques ; comme les munitions n’arrivent toujours pas, les deux commandants de la compagnie prescrivent de ne tirer qu’à deux ou trois cents mètres.
L’ennemi, qui s’en aperçoit, en profite pour, ayant pris du champ, se reformer et tenter un mouvement enveloppant.
Par une marche de flanc devant la gauche du bataillon, il se présente inopinément sur le PC du commandant BASTIANI. Celui-ci, déjà blessé d’un éclat d’obus, rassemblant ses hommes de liaison et raillant les pourvoyeurs, repousse l’ennemi.
Les Allemands, s’étant aperçus d’un intervalle entre la 6e et la 7e compagnie, s’y infiltrent et essaient de progresser du côté de la 7e.
Le sous-lieutenant MARTIN, avec quelques braves dont trois sont tués, réussit à nettoyer la tranchée. Les attaques sur la 5e et la 8e, un peu moins violentes, furent également repoussées.
Le lendemain matin, de ses tranchées inviolées, le 2e bataillon comptait des centaines de cadavres. Il pouvait être fier de son œuvre.
Chacun avait fait bravement son
devoir.
A signaler en particulier la conduite d’une section de la 7e compagnie chargée de ravitailler le bataillon en munitions.
Elle s’acquitta de sa tâche, sous le feu de l’ennemi, en terrain découvert, avec un dévouement et un courage au-dessus de tout éloge. Une fraction de la même compagnie est chargée de placer 3 ou 4 hommes sur une petite portion de la ligne formant flanquement mais dépourvue de tranchées.
Au fur et à mesure que les occupants sont tués, ils sont remplacés sans interruption ni hésitation.
Le matin, 7 ou 8 cadavres des nôtres couvraient cet espace d’une demi-douzaine de mètres constituant un rempart.
Après avoir ramassé les blessés une partie de la nuit, sous une fusillade terrible, nous quittons Parvillers pour aller à Rouvroy. Nous partons y aller par le Quesnoy-en-Santerre.
Nous arrivons au lever du jour, complètement exténués de fatigue.
Bilan
de la journée concernant les Français : 3 officiers tués, 33 blessés, 4
tués et 45 disparus.
Rouvroy.
Dans la matinée, nous allons sous un bombardement d’une violence inouïe, au village de Fouquescourt (3km5) pour y ramener des blessés. Pour parvenir jusqu’au village, nous sommes obligés d’aller par bonds de 100 m.
Tout le long de notre parcours, nous voyons des lignes de Zouaves dont pas un n’est vivant.
Dans Fouquescourt, le village
est jonché de cadavres, surtout des Allemands.
Nous chargeons les blessés dans un tombereau et nous les ramenons à Rouvroy.
Le commandant MESSIMY, ancien ministre de la guerre, se trouvant à Rouvroy, nous aperçoit revenant sur la route sous un bombardement intense. Il nous attend, nous arrête et à chacun (nous étions 4), nous serre la main, pour nous féliciter de notre courage.
Le capitaine de la 8e compagnie (*), à quelques pas de nous, vient également pour prendre nos noms (car il nous a aperçus au départ), nous disant ceci :
« Restez ici, attendez
que le bombardement se calme. »
Afin de demander pour nous une récompense.
Hélas ! Un obus tombe au même
moment, le tuant ainsi que le cheval attelé au tombereau que nous ramenions
rempli de blessés. Nous autres l’avons échappée belle.
Nous allons chercher du renfort pour ramener les blessés sur des brancards.
(*) : Capitaine MASSACRIER Auguste Charles. Voir sa fiche
Nous restons toute la journée à Rouvroy et nous y couchons.
Violente canonnade. Notre artillerie est muette. Les munitions manquent.
Rouvroy.
Nous allons donner la main aux sapeurs pour faire des tranchées.
Nous y passons la journée et couchons dehors. Les nuits sont fraîches et il ne fait pas bon coucher à la belle étoile.
Même travail que le 3.
Nous revenons à Rouvroy. J’y rencontre Léon TÉZIÈRE. La journée se passe dans le calme. Nous couchons dans une grange.
Rouvroy.
Violente canonnade par l’artillerie ennemie.
A la tombée de la nuit, les Allemands attaquent pour encercler Rouvroy – Fouquescourt. Tout le monde est sur le qui-vive.
Je suis désigné avec un camarade (GODIN) pour aller en voiture au poste de secours de Fouquescourt, chercher des blessés pour les ramener.
Nous arrivons dans Fouquescourt au moment où tout monde l’évacuait. Néanmoins, nous prenons le temps de charger les blessés et, lorsque nous revenons, sur la route, nous apercevons dans l’ombre, les Allemands qui encerclaient Fouquescourt. Il était temps d’en sortir et il s’en est fallu de peu que nous soyons ramassés.
A notre arrivée à Rouvroy, le village était évacué.
Une demi-heure après, il était pris par les Allemands. Nous avons ramené les blessés aux ambulances à Warvillers (5 km) vers 5 heures du matin.
Nos troupes contre-attaquent et reprennent Rouvroy. Nous y retournons pour installer notre poste de secours dans une ferme à côté de celle où nous étions précédemment.
Un obus étant tombé dessus la veille, avait mis le feu et il ne restait que les murs.
Nous restons toute la matinée à Rouvroy.
Notre poste de secours étant trop près des lignes et les obus tombant abondamment sur le village, nous retournons à Warvillers.
Nous couchons dans une grange.
On est à se demander « qu’est-ce fout notre artillerie ? » et on apprend que les munitions manquent toujours.
Pourquoi M Charles HUMBERT n’a-t-il pas poussé dès le début de la guerre, son cri d’alarme :
« Des canons, des munitions. » ? (*)
(*) : C’est même un slogan politique. C’est le leitmotiv de Charles HUMBERT, sénateur conservateur de la Meuse et directeur du « Journal » (quotidien français qui parut entre 1892 et 1944), un des quatre grands quotidiens parisiens. Avant la guerre, déjà, il dénonçait l’impréparation industrielle de l’armée française et, depuis août 1914, il multiplie les éditoriaux, les articles, les discours, avec toujours le même cri : "des canons ! Des munitions ! ‘’
Warvillers. Journée tranquille. Les aéros allemands se montrent toute la journée. Les nôtres sont terrés.
Warvillers.
Journée tranquille.
Nous restons à Warvillers jusqu’à la nuit ; ensuite, nous allons cantonner au Quesnel en passant par Beaufort (-en-Santerre). Nous couchons dans une grange.
Impossible de dormir, les rats nous dévorent.
Nous restons toute la journée au Quesnel et à la nuit, nous allons cantonner à Beaufort.
Nous quittons Beaufort dans la matinée.
Nous allons cantonner à Conchy-les-Pots. Pour y arriver, nous passons au Quesnel, Hangest-en-Santerre, Davenescourt, Fignières, Faverolles, Etelfay, Piennes, Boulogne-la-Grasse et Conchy (35 km).
Nous avons quitté la Somme pour revenir dans l’Oise.
Nous restons toute la journée à Conchy-les-Pots et nous y couchons.
Dans la journée, j’ai la visite de mon camarade Louis LUTRAT. Nous allons ensemble voir Marcel DÉMONNET à La Poste (petit village à 2 km de Conchy).
Marcel DEMONNET du 53ème régiment d’artillerie de campagne
Nous quittons Conchy à 3 heures du matin pour aller installer notre poste de secours au village de La Poste. Ici, je me retrouve avec Louis LUTRAT et M. DÉMONNET.
A la tombée de la nuit, nous allons en voiture à Tilloloy, au château, chercher des blessés. Nous partons une partie de la nuit pour les conduire dans une ambulance à l’arrière de Tilloloy. Nous revenons coucher à La Poste.
Nous restons toute la journée à La Poste. Je me promène une partie de la journée avec mes 2 camarades LUTRAT Louis et DÉMONNET.
Nous couchons dans une grange.
La Poste.
Journée calme.
J’ai la visite des camarades Léon TÉZIÈRE et (Gustave) René LUTRAT. Ensemble, nous allons voir L. LUTRAT et DÉMONNET.
Tous les 5, nous écrivons et signons une carte pour nos familles.
La Poste.
Léon TÉZIÈRE et (Gustave) René LUTRAT partent avec leur régiment, le 121e pour Tilloloy.
Dans la nuit, les Allemands livrent une attaque furieuse dans Beuvraignes à 1 500 mètres d’où nous sommes. Cette attaque reste sans succès.
La Poste.
Journée calme.
Je rencontre un autre camarade du pays : DORÉ.
La Poste.
Je me promène toujours avec mes camarades Louis LUTRAT et M DÉMONNET.
(Gustave) René LUTRAT, Léon TÉZIÈRE et RICARD reviennent à La Poste.
La Poste.
Journée calme. Toujours avec les amis du pays.
La Poste.
Rien à signaler.
La Poste.
Rien à signaler.
La Poste.
Rien à signaler.
La Poste.
Nous y restons toute la matinée, ensuite, nous allons cantonner à Bus (3 km). Nous couchons dans une grange.
Bus.
Journée tranquille.
Bus.
Journée tranquille.
Bus.
Je vais dans la journée à La Poste voir mes camarades du Pays : René, Louis LUTRAT, TEZIÈRE, M. DÉMONNET.
Bus.
Journée tranquille. Je tombe malade.
Bus.
Je reste couché toute la journée.
Bus.
Bus.
Je suis toujours malade. Mes camarades musiciens emploient leur temps à entretenir les tombes des soldats au cimetière.
Bus.
Je suis toujours malade.
Bus.
Je suis toujours malade.
Bus.
Je suis toujours malade.
Bus.
N’allant toujours pas mieux, je me décide à aller à la visite. On me garde en observation au poste de secours.
Bus.
Toujours au poste de secours.
Bus.
Toujours fébrile, le major me fait évacuer. La voiture d’ambulance m’emmène à Onvillers.
Je couche dans une maison sur une paillasse.
Onvillers.
A l’infirmerie.
Onvillers.
La fièvre me dévore. Une auto-ambulance me conduit à Montdidier.
Mon régiment part pour la Belgique, du côté d’Ypres.
Montdidier.
J’attends un train sanitaire devant m’emmener à l’intérieur.
Montdidier.
J’attends un train sanitaire devant m’emmener à l’intérieur.
Montdidier.
Le train sanitaire qui doit m’emmener dans le Midi est formé, mais à la visite, le major voyant que, vers moi, la fièvre persistait, juge bon de me faire conduire immédiatement par une voiture d’ambulance anglaise, à l’ambulance 15, rue Bertin. Montdidier.
Montdidier.
Du 12 novembre au 2 décembre, je suis soigné à l’ambulance pour la fièvre typhoïde.
Montdidier.
Une auto-ambulance anglaise m’emmène à la gare pour prendre un train sanitaire pour l’intérieur mais la fièvre me reprend et on laisse à Beauvais où on me conduit à l’hôpital 12, 55 rue Saint-Pierre.
Beauvais.
Dès mon entrée à l’hôpital, je fais une rechute.
Je suis soigné à l’hôpital de Beauvais.
Pendant mon séjour à l’hôpital de Beauvais, je profite de ma convalescence pour composer la chanson d’actualité, intitulée :
« Petits Troupiers », chanson et paroles d’Antony POUZAT.
Musique sur l’air de « Ce que c’est qu’un drapeau » composée à l’hôpital le 8 janvier 1915.
1er couplet
L’All’magn’, un jour, voulant dominer l’monde
Lance l’Autriche en guerr’ contr’ la Serbie.
Puis à son tour, se montrant vagabonde
Pass’ la Belgiqu’, entre en France. En Russie.
Mais l’Angleterre, craignant pour l’avenir
Profit’ de l’occasion pour nous aider
Ell’ joint à nous tous ses puissants navires
Pour défendre l’Honneur, la Liberté.
-Refrain-
Allons, Petits Troupiers
Avec nos chers Alliés
Soyons toujours unis
Pour combattr’ l’ennemi.
Infligeons-lui une leçon sévère
Pour abolir l’empire du kaiser
-2-
Anglais, Belg’s, Serbes, Russes, nos amis,
Combattent ensemble, tous, à nos côtés
Contre l’All’magn’, l’Autriche et la Turquie
Qui font horreur à tout le monde entier.
Guillaume Empereur et tous ses barbares
Croyaient bombarder Paris dans huit jours.
Mais notre Joffre, se montrant homme de l’art
Leur a fait prendre le chemin du retour.
(au refrain)
-3-
Ayant perdu l’espoir de prendre Paris
Ils dirigent leurs efforts d’un autr’côté
Et en Russie, pour atteindre Varsovie
Ils se font massacrer, cela sans succès.
Alors, furieux, partout sur leur passage,
Détruisant tout ce qui leur tombe sous la main
Maisons, Eglis’s , cathédrales et villages subissent le sort de ces maudits Germains.
(Refrain du
3e couplet)
Allons, Soldats Alliés
Sortons de nos tranchées
Pour combattr’ l’ennemi
Soyons toujours unis
Infligeons-lui une leçon sévère
Pour abolir l’Empire du Kaiser.
-4-
Subissant, défaites sur défaites
Nos ennemis vont tous bientôt sombrer
Et notr’ Victoire s’ra tout çà fait complète
Lorsqu’ nous aurons fini d’ les écraser
Nous vivrons tous, ensuit’ dans l’espérance
De retourner bien vit’ dans nos foyers
Nous oublierons les fatigu’s, les souffrances
En revoyant nos parents bien-aimés.
(au refrain du 3e couplet)
-5-
La guerre est tout ce qu’il y a de plus atroce
Et la France a fait tout pour l’éviter
Mais Guillaume II, cette bête féroce
Depuis longtemps, rêvait nous écraser.
C’est pas sa faute que beaucoup de victimes
Sont tombées, frappées, sur les champs d’ bataille
Mais bientôt l’heur’ d’expier tous ces crimes
Sonnera pour lui et le Kronprinz, cett’ canaille.
-Refrain-
Bravos, Soldats Alliés
A tous, notr’ Amitié
Bientôt tous nos enn’mis
Seront vit’ démolis
Par notr’ Courage et notr’ Ténacité
Nos Nations seront vengées.
Signé : Antony POUZAT
Pendant mon évacuation, mon régiment débarque sur la frontière belge, à Laquelberq, le 12 novembre et le 13, il se porte dans la direction de Zonnebeke.
Dans l’après-midi, le lieutenant–colonel KNOLL recevait du général, l’ordre d’attaquer les lignes allemandes au nord de Zonnebeke, vers le carrefour de Broodseinde.
L’attaque fut exécutée avec 2 bataillons : 1er et 3e en 1ere ligne, le 2e restant en réserve.
Le 1er bataillon, commandant GOURDIER et le 3e, capitaine KREMPP, se portèrent à l’attaque avec un entrain admirable et enlèvent la 1ere ligne allemande, y compris le carrefour de Broodseinde.
Malheureusement, sous le barrage d’artillerie et les mitrailleuses ennemies, nos pertes furent sévères.
Le lieutenant–colonel KNOLL tomba héroïquement en 1ere ligne (*), au carrefour de Broodseinde, au moment où il allait examiner le terrain pour procéder à une nouvelle progression. Le commandant JOURDIER fut tué et le capitaine KREMPP, blessé. (*)
Le commandant BASTIANI prend le commandement du régiment, fait organiser le terrain, prescrit de s’y cramponner. L’ennemi ébauche quelques attaques qui sont repoussées.
(*) :
Lieutenant–colonel KNOLL Aimé, Émile - Les pertes s’élèvent à environ 400 hommes
tués, blessés et disparus.
Le 17, après un violent bombardement, les Allemands arrivent
jusqu’au carrefour, mais notre ligne se reforme 200 m en arrière, et le
bataillon, reporté à l’attaque reprend toute sa position.
En autres traits d’héroïsme qui se passèrent en cette circonstance, on peut citer celui-ci. Un groupe d’ennemis avait pénétré dans une maison à laquelle s’appuyait la barricade construite au carrefour.
Une escouade se porte à leur attaque et après un combat acharné, les Allemands se rendent, sauf deux qui se réfugient au premier étage de la maison. Un vigoureux soldat de l’Auvergne, nommé BARDIN, monte à leur poursuite par l’escalier. Successivement, les Allemands, n’ayant plus de munitions, il les terrasse et les jette par la fenêtre.
Ce brave devait malheureusement être tué le lendemain à la barricade même.
Du 17 au 18, les efforts ennemis paraissent faiblir.
Le 92e reçoit l’ordre d’attaquer (1er et 3e bataillons) les positions ennemies au nord.
Du carrefour de Broodseinde et du bois du Polygone sur la route de Paschendaele à Buclaere, le 2e bataillon restant en réserve dans le bois. La compagnie franche, sous les ordres du capitaine FRÉDÉRIC, enlève deux tranchées devant le bois du Polygone. Une compagnie du 1er bataillon (lieutenant CARAMEL) gagne cent mètres en avant du carrefour de Broodseinde.
Malheureusement, faute de renforts, on ne peut pas progresser davantage.
Peu à peu, les Allemands s’infiltrèrent par les ailes dans les positions conquises, et à 18 heures, la moitié de la compagnie franche se trouvait dans une tranchée allemande entre deux autres tranchées conquises par l’ennemi.
Pour rentrer dans nos lignes, ces éléments se frayèrent un passage à la baïonnette avec le lieutenant RUMACHER à leur tête, le capitaine FRÉDÉRIC ayant été blessé au cours de l’action du matin.
Dans les combats qui eurent
lieu le 29 novembre, on ne peut
passer sous silence, l’énergie que déployèrent une centaine d’hommes des 2e et
3e compagnies.
Isolés et encerclés, ils résistèrent à tous les assauts du 29, tinrent victorieusement, seuls, encore toute la journée du 30. Ce n’est que, les munitions épuisées et sous les coups de notre propre artillerie qui ne pouvait déterminer leur place au milieu des lignes ennemies, que ces braves décident de retrouver leur régiment.
Les deux frères DUMAS, de la 2e compagnie, originaires de l’Auvergne, vont tenter de reconnaître un passage.
Pendant la journée, ils ont minutieusement étudié le terrain qui les sépare des lignes françaises. C’est près de 400 m qu’il faut parcourir sans éveiller l’attention des sentinelles ennemies, nombreuses et attentives.
Profitant d’une haie en contrebas d’une route, ils parviennent au but, mettent le commandement au courant de la situation de leurs camarades et, affrontant à nouveau les dangers de cette périlleuse mission, ils retournent auprès de leurs camarades pour les guider dans le retour. Grâce à la bravoure des frères DUMAS, tous purent regagner nos lignes.
Le 1er décembre, le lieutenant-colonel MACKER prenant le
commandement du régiment.
Les témoignages de satisfaction suivants ont été adressés au 92e par les généraux pendant cette période en Belgique :
Ordre de la 18e
division
« A peine débarqué en
Belgique, le 92e d’infanterie, désigné pour prêter main forte à la 18e
division, a , dans la journée d’aujourd’hui, 13 novembre 1914, fait preuve de
la plus grande résistance et de la plus belle énergie pour attaquer les troupes
allemandes dans leurs retranchements.
L’attaque, brillamment
commencée par l’enlèvement des premières tranchées, a, hélas, été brisée dans
son élan par la perte successive de deux commandants de bataillon, dont un,
blessé, puis par celle de son valeureux chef de corps, le lieutenant-colonel
KNOLL, frappé glorieusement à mort en entraînant à l’assaut ses compagnons de
réserve.
Le général commandant la
12e division d’infanterie remercie tous les braves du 92 et salue
respectueusement le colonel KNOLL, dont la mort cause une perte irréparable
pour la Patrie, que son régiment fera certainement payer cher à l’ennemi. »
Signé : Général LEFÈVRE
Ordre général du
commandant de la 18e D.I du 17.11.14
« Le général commandant la 18e D.I
félicite par la voie de l’ordre les troupes du 92e pour l’énergie dont elles
ont fait preuve sous le feu de la grosse artillerie allemande et l’entrain avec
lequel elles ont refoulé l’ennemi par une vigoureuse contre-attaque à la
baïonnette le 17 novembre 1914. »
Signé : Général LEFÈVRE.
Ordre du IXe
corps d’armée n°67
« Au moment où la 26e
D.I cesse d’être sous ses ordres, le général commandant le 9e corps d’armée ne
veut pas se séparer d’elle sans lui avoir exprimé toute sa satisfaction pour le
concours qu’elle lui a donné.
Sous l’impulsion du chef
distingué qui la commande, elle a fait preuve, en toutes circonstances, d’une
activité incessante, montrant dans deux attaques les plus belles qualités
offensives, faisant preuve, dans ces tranchées sans cesse bombardées, d’une
solidité inébranlable sous le feu, y repoussant notamment une forte attaque de
l’ennemi en lui infligeant des pertes sévères . »
Signé : Général DUBOIS
Le régiment est ramené sur les confins départements de la Somme et de l’Oise ; il y restera l’année 1915, se remettant de ses fatigues et de ses grosses pertes de Lorraine et de Belgique. Il tiendra les secteurs du Bois des Loges et de Beuvraignes.
Année 1915
Le 13 janvier 1915, je quitte l’hôpital de Beauvais après être
resté 40 jours.
Une voiture d’ambulance m’emmène
à la gare de Creil et de là, on me dirige sur mon dépôt (*) à Clermont-Ferrand.
(*) :
Il s’agit du dépôt divisionnaire (26e division d‘infanterie)
Je m’arrête avec un camarade à Paris et nous passons la journée ensemble.
Je reprends le train à 23 heures pour Clermont. En cours de route la fièvre me reprend et je suis obligé de m’arrêter à Montargis. Je couche à l’infirmerie de la gare.
Je quitte Montargis le matin à 10 heures et j’arrive à Clermont le soir vers 18 heures.
Je me fais porter rentrant à la caserne et l’on m’affecte à la 27e compagnie à l’usine Michelin.
Je vais à la visite et on m’envoie à l’hôpital 78 à Montferrand où je reste jusqu’au 3 février.
Ensuite j’obtiens un congé de convalescence que je passe près de ma famille à Cusset.
Le 20 mars, à l’expiration de ce congé, je rejoins Clermont.
Je vais à la 27e compagnie et l’on m’affecte à la 31e compagnie à la caserne.
Je passe la visite et on me propose pour une nouvelle prolongation que je refuse. Je retrouve à la caserne, 2 de mes camarades qui avaient été évacués.
Nous restons ensemble au dépôt jusqu’au 4 avril.
Le sous-chef de musiques nous ayant écrit de vouloir bien revenir à la musique, nous quittons Clermont tous les 3 pour retourner au front.
Nous prenons la ligne de Clermont-Paris et Paris-Montdidier où nous débarquons le 6 avril vers 7 heures du matin.
Nous allons cantonner à Assainvillers (8 km).
Nous quittons Assainvillers pour aller rejoindre la musique à La Poste près de Conchy-les-Pots (Oise). Nous retrouvons nos camarades dans un secteur très calme à 1 500 mètres des 1eres lignes, employant leur temps depuis leur retour de Belgique, à faire de la musique.
Le colonel MACKER, aimant beaucoup la musique, l’avait réorganisée pour donner des concerts de temps à autre.
Nous restons à notre cantonnement. Je revois mon camarade M. DÉMONNET.
La Poste (Oise).
Nous cantonnons dans la ferme FOURNIER. Journée Calme.
Nous employons notre temps à faire répétition.
La Poste.
Nous allons donner concert à Bus (Somme) 2km 5 et ensuite à Boulogne.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Nous donnons concert.
La Poste.
Concert à Bus.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Je vais voir M. DÉMONNET.
La Poste.
Nous donnons concert.
La Poste.
Concert à Bus.
Dans la nuit, les Allemands envoient un seul obus. Celui-ci tombe dans le grenier où nous couchons, sans faire de mal.
La Poste.
J’apprends avec beaucoup de peine le décès de mon cousin germain GUÉRY Octave 23 ans sergent–major au 238e infanterie, décédé à Fosse-Martin des suites de ses blessures de guerre à la bataille de la Marne. (*)
D’un an plus âgé que moi, nous nous sommes toujours bien aimés et sa mort m’a profondément attristé.
(*) : GUÉRY Paul Octave Mort pour la France le 7 septembre 1914 à Fosse-Martin (Oise). Voir sa fiche.
La Poste.
Après l’obus tombé où nous cantonnons, nous décidons d’évacuer l’endroit. Nous commençons un abri sous terre.
La Poste
Nous donnons concert.
En voici le programme :
1° Cyrano. Pas redoublé.
2° La manoir enchanté. Ouverture.
3° Fantaisie sur le Freischutz.
4° Le chant du départ.
5° hymnes russes, anglais, belge, serbe, japonais, espagnol, américain, la marseillaise.
La Poste.
Nous allons donner concert à Bus. Même programme que la veille.
Les Allemands bombardent toute la matinée La Poste et Conchy.
La Poste
Journée tranquille.
Nous passons notre temps à faire des bagues avec de l’aluminium provenant de fusées d’obus allemands.
La Poste
Les Allemands lancent quelques obus dans la matinée. 4
aéros français évoluent.
La Poste
Concert. Programme :
1° Richard Wallace (Sellenick).
2° a Menuet favori (Mozart. B Menuet du boeuf (Hayden)
3° Au pays lorrain. Ouverture (Balay).
4°Mazurka fantastique (Quod).
5° La marseillaise.
La Poste
Concert à Bus. Programme de la veille.
La Poste
Journée tranquille que je passe avec mon ami M. DÉMONNET.
La Poste
Journée calme.
La Poste
Les Allemands lancent quelques obus dans la matinée. Nous passons notre temps à
la construction de notre abri souterrain ou à la répétition qui a lieu tous les
matins.
Les Allemands nous écoutent certainement répéter et il leur serait facile de nous repérer pour nous bombarder. Ils se montrent sages.
La Poste
Concert à Bus.
La Poste
Concert à Boulogne-la-Grasse (Oise) 2 km.
Mois de mai 1915
La Poste
Journée calme.
La Poste
Journée calme.
La Poste
Violente canonnade à la tombée de la nuit.
Les Allemands lancent une attaque sans succès sur Beuvraignes. Nous allons ramasser les blessés.
La Poste
Journée calme. Marcel vient me voir.
La Poste
Id.
La Poste
Id
La Poste
Le concert que nous devions donner à Bus n’a pas eu lieu, à cause du mauvais
temps.
Carte du JMO, situant précisément les positions du 92e RI. On remarquera que les musiciens cantonnés à La Poste, qui n’est d’ailleurs pas sur cette carte, sont « assez » loin des premières lignes. Ce qui explique le récit ‘’ laconique ’’ d’Anthony POUZAT pendant que ses camarades sont directement exposés
La Poste
Journée tranquille.
Marcel vient dans la matinée. Il cantonne à 500 m d’où je suis et nous nous voyons fréquemment.
La Poste
Journée tranquille.
La Poste
Nous donnons concert.
Programme :
1° Le Grognard. Pas red. (Parès).
2° Clément Marot. Ouverture (Kelsen).
3° La Vivandière fantaisie (Godard).
4° Le Carnaval de Venise. Air varié pour clarinette (Jeanjean). Soliste Dupuis.
5° La petite Tâche Noire. Pot-pourri (Haring).
6° La marseillaise.
La Poste
Les Allemands lancent dans la matinée quelques obus sur Conchy.
Le soir, nous allons donner concert à Bus. Même programme que la (*) veille.
(*) :
Un homme est chargé de compter le nombre d’obus allemands tombés tous les
jours. Au 11 mai, il dénombre 20 obus de 77mm, 73 de 105 et 20 de 150. (JMO)
La Poste
Nous allons donner concert à Boulogne.
La Poste
Journée calme. (*)
(*) :
Calme, mais près de mille obus tombent sur les lignes françaises dans ce
secteur.
La Poste.
Notre médecin-major HUGON (*) est
tué par un obus.
Le concert que nous devions donner est supprimé en signe de deuil.
(*) : Docteur HUGON Charles Pascal. Voir sa fiche.
La Poste.
Concert de Bus supprimé. Même motif que la veille.
La Poste.
Nous allons à Boulogne assister aux obsèques de notre médecin-major.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Concert. J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Concert à Bus. Chœurs par des soldats russes du 3e étranger et danses.
La Poste.
Journée tranquille.
Nous habitons notre abri souterrain terminé.
La Poste.
Journée tranquille.
Notre sous-chef (une petite crapule) nous en fait de toutes les couleurs.
Il se plait (pour nous embêter) à faire ses répétitions au moment de la soupe et lorsque nous arrivons à la roulante pour nous faire servir, il est trop tard. Plus rien pour nous.
Ceux qui ont de l’argent peuvent se procurer des vivres chez les mercantis du village et les autres (ceux qui sont à court) se brossent.
La Poste.
Concert - Programme :
1° Les Cadets, Marche/ Sousa.
2° Gracieux Babil pour Hautbois/ Petit, Soliste : Fulchiron.
3° La Vivandière, Fantaisie.
4° Fiançailles, Valse/ Wesly.
5° Hymnes Nationaux.
La Poste.
Dans la matinée, nous allons jouer à Boulogne pour la remise d’une décoration à
un commandant du 101ème territorial.
Le soir, concert à Bus avec le programme de la veille.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Dans la matinée, les Allemands envoient quelques obus. Le soir, nous donnons
concert à Boulogne.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme, nous donnons concert à Bus.
La Poste.
Journée calme, un camarade Marcel VAISSADE, vient me voir.
Nous allons à Conchy.
La Poste.
Concert-Programme :
1° Viva el Torero, Marche Espagnole/Popy.
2° Au Pays Lorrain, Ouverture.
3° Menuet Favori et Menuet du Boeuf.
La Poste.
Concert à Bus. Programme de la veille.
Un aéro Allemand, lance des numéros de la « Gazette des Ardennes ».Un autre nous tire dessus avec sa mitrailleuse. Une balle me frôle.
Vite, nous nous abritons.
Mois de juin 1915
La Poste.
Au matin terrible canonnade allemande sur Beuvraignes.
Dans la soirée, je vais à Conchy avec mon camarade Marcel DÉMONNET. Nous passons un bon moment avec les amis JAMES et ROUSSAT.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste
Concert. On nous distribue des masques contre les gaz.
La Poste.
Concert à Bus. A la nuit on aperçoit un dirigeable.
La Poste.
Au matin, les Allemands bombardent Boulogne et Conchy. Un aéro Allemand lance trois bombes ; 2 éclatent à 300 mètres de notre cantonnement et la 3ème à 20 mètres : aucun mal.
La Poste.
Violente canonnade toute la journée. J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Concert .Vive canonnade.
La Poste.
Journée calme. Concert à Bus.
La Poste.
Id.
La Poste.
Id.
La Poste.
Concert-Programme : 1° d’Artagnan, Pas red/ Allier.
2 ° Suite Printanière de Wesly, [a] Aubade, [b] Impromptu.
3 °Au Pays des Cigales, Farandole/ Chillermont.
4 ° Gracieux Babil pour Hautbois.
6° Mazurka fantastique/ Quod.
La Poste.
Concert à Bus. J’ai la visite des amis Marcel et MICHY.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Dans la matinée nous allons à Boulogne, jouer pour la remise de plusieurs
décorations.
La Poste.
Concert.
La Poste.
Concert à Bus.
La Poste
Un camarade rentré récemment à la musique, nous quitte pour aller travailler à
St Chamond.
La Poste.
Concert- J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Pour ne pas avoir commencé de jouer à 6 heures du matin, notre sous-chef dans un moment de folie nous fait faire une marche de 16 km, sac au dos.
La Poste.
Concert à Bus. Journée calme.
J’ai la visite de Marcel et de Lili ROUGERON. Après la folie de notre sous-chef, je me décide à faire une chanson sur sa personne.
En voici les couplets. Son nom Quod, son sobriquet Bancal.
Bancalon
Chanson dont les vers se
terminent tous par « on ».
Paroles d’A. POUZAT, musicien au 92. Musique sur l’air de « Il était trois bons gendarmes ».
-I-
Depuis qu’nous sommes sur le front
Vous d’vez connaître Bancalon
Ce p’tit merdeu, cefripon
Qui chaqu’jour, perd la raison.
Sur lui, j’ai fait cett’ chanson
Pour montrer sa réputation-on
Et vous saurez l’opinion
Que j’ai sur cet avorton.
-II-
C’est un abruti, un cochon
Qui tient plus sur ses fum’rons
Son araignée dans l’plafond
L’f’ra périr à Charanton.
Mes compliments ne seront
Pas, pour le père de ce garçon-on
Qui a trempé son… bâton
Pour faire naîtr’un mioche aussi con
-III-
Il log’ dans un cabanon
En compagnie d’son violon
De la caisse de cartons
Contenant les partitions
Le p’tit Vial, est son tampon
Il lui cire, ses vieux grelons-on
Lui nettoie, son pantalon
Qui est rempli, de griattons.
-IV-
Chaque matin, l’air furibon
Soit à Vauris, ou Fulchiron
Il dit sur un drôl’ de ton
En plac’ pour la répétition.
Alors tous, nous y allons
Flut’s, Hautsbois,Clarinettes, Pistons-on
Saxos, Trombon’s, Barytons,,
Bugl’s, Altos, Bass’s, filent des sons.
-V-
Tous ensembles, nous soufflons
Dès qu’il prend la direction,
Et nous nous apercevons
Qu’ell’ vaut pas cell’ de Théron
D’la musique, nous en bouffons
Et souvent nous, la sabotons-on
Fait’s votr’partie ou sinon…
J’vous renvoie, dans un bataillon
-VI-
Il est lèch’cul à Laron…
…Houmiau, faut voir son menton.
Sa tête de macaron.
Son air faux, comme un jeton
Tous deux pour, les permissions
Nous les accord’nt à condition-on
V’nir à l’heur’-Ou punition-
Le bal d’la Tuil’rie au Colon.
-VII-
Pour faire ses commissions
Il envoie Marius Rochon :
« Apportez-moi du jambon
Un bocal de cornichons. »
Et au cycliste Frachon
Qui va chercher les livraisons-on
« Avez-vous l’journal de Com…
…piègne ? Donnez-l’moi- Voici deux ronds. »
-VIII-
A Boulogn’, vers sa gothon
Chaqu’jour, il est son crampon.
En cachett’ dans sa maison
Il lui pelote les nichons.
Quant au reste, c’est toujours non
Tu peux t’fouiller, qu’elle lui répond-on
Ell’ lui fit cett’ réflexion...
Retir’toi, tu es plein de morpions.
-IX-
Amis, quand nous rentrerons,
Dans la ville de Clermont
A tous, nous raconterons
Nos souffrances sur le front.
Et si, un jour, nous pouvons
A grands coups, grands coups de bâton-on
Taper dur, sur son caisson
Ce sera notr’consolation.
-X-
Je termine ma chanson
Ma dernière création
Et j’ dis : « Prends-garde Bancalon
Un jour, nous nous vengerons. »
En attendant, répétons
Tous bien en choeur, à l’unisson-on.
Couvert par l’bruit du canon
A bas Codbossu-Bancalon.
La Poste
Journée calme. J’ai la visite de Marcel.
La Poste
Concert-Programme :
1°Los Banderilleros. Pas red/July.
2°Au Pays Lorrain-ouverture/Balay.
3°Suite Printanière de Wesly.
4°Au Pays des Cigales-Farandole.
5° Fiançailles-Valse/Wesly.
La Poste
Journée calme.
En l’honneur de la St Jean, nous organisons un petit souper champêtre sur l’herbe. Chacun chante sa petite chanson. Quelques-uns l’ont si bien fêté, qu’ils passent la nuit dehors, ma foi bien rétamés.
La Poste
Concert à Bus. Notre camarade MY, nous quitte pour aller travailler à l’usine.
La Poste
Journée calme.
La Poste
Dans la matinée, les Allemands bombardent Conchy. Beaucoup de dégâts.
Nous donnons Concert-Programme : 1° Les Cadets –Marche. 2° Clément Marot-Ouverture/Kelsen. 3) Suite Printanière. 4° Au Pays des Cigales. 5° Marche Royale et Fanfare Italienne. 6° Fiançail-les-Valse.
La Poste.
Mon frère Louis part au front. Sa dernière lettre me l’apprend. (*)
(*) : Son frère Louis Marcel POUZAT est arrivé au 38ème régiment d’infanterie pour son service militaire en décembre 1914, il passe ensuite au 66ème régiment d’infanterie. Il y est aussi musicien.
Antony POUZAT (à droite) avec son frère
Louis du 38ème régiment d’infanterie.
La Poste.
Dans la soirée les Allemands bombardent Conchy et La Poste. Quelques blessés. Je passe un moment avec ARNOUX et nous avons la visite de GIMET.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme.
Mois de juillet 1915
La Poste
Journée tranquille. (*)
(*) :
Les Allemands ont quand même tiré 160 obus sur les lignes françaises. Le JMO
comptabilisera durant tout le mois de juillet les obus ennemis. Tous les jours
entre 200 à 500 obus tomberont – Journées « calmes » et « tranquilles »…
La Poste.
Concert à Bus. Je rencontre M. DESGOUTTES et ARNOUX.
La Poste.
Journée tranquille. J’ai la visite de Marcel.
La Poste
Concert-Programme :
1° Le Grognard. Pas Red/Parès.
2 ° Au Pays Lorrain.
3 ° Suite Printanière de Wesly. a : Aubade ; b : Impromptu ; c : Fleurs et Papillons ; d : Nocturne ; e : Ronde Villageoise.
4 ° Monge-Czardas n°4 pour Clarinette- Soliste Dupins.
2 camarades évacués en Belgique
reviennent vers nous. Ce sont MALASSAGNE et (Camille) BORROT.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Concert à Bus.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste
Concert. Dans la soirée les Allemands bombardent La Poste.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Concert à Bus.
Notre camarade JOURNOUD nous quitte pour aller travailler dans une usine à St Chamond.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme. Concert.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Concert dans la matinée et le soir à Bus. EPINAT y assiste.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Violente canonnade dans la matinée. Le concert est supprimé par suite de la mort d’un lieutenant tué par un obus.
La Poste.
Journée calme.
J’ai la visite de mon camarade Ernest EPINAT, musicien au 98ème.
La Poste
Journée calme.
La Poste
Journée calme.
La Poste.
Concert : 1° Le Sang Gaulois. Pas red/Allier.
2° Marche Russe/Luigini.
3° La Vivandière Fantaisie/Godard.
4° Valse du Ballet Russe/Luigini.
5° Confidences Gavotte/Wesly.
Je vais à Conchy avec mon ami
Marcel.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme. Concert à Bus.
La Poste.
Journée calme. Marcel vient.
La Poste.
Journée calme. Concert à Bus.
La Poste.
Journée calme. Marcel vient.
La Poste.
Journée calme. Concert.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Dans la matinée nous voyons évoluer 6 aéros français. Notre camarade JIOUX nous quitte pour aller travailler dans une usine. Violente canonnade dans la nuit.
La Poste.
Journées calmes.
Mois d’août 1915
La Poste.
Concert à Boulogne-la-Grasse (3 km).
La Poste.
Journée Calme.
La Poste.
Concert :
1° Richard Wallace (Sellenick).
2° Fantaisie sur la Fille de Mme Angot.
3° Ballet russe (Luigini) a.czardas b. valse lente c. mazurka d. marche
4° Au Pays des cigales. Farandole (soliste A. POUZAT)
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Dans la matinée, notre nouveau chef de musique nous est présenté par notre sous-chef. M SALVAN, après nous avoir adressé quelques mots, nous serre la main.
Marcel vient me voir et nous dînons ensemble.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Concert à Boulogne ; le premier sous la direction de notre nouveau chef, M SALVAN.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Violente canonnade par notre artillerie.
La Poste.
Concert.
1° Les Cadets. Marche (Sousa).
2° Viva en Torero. Marche espagnole (Popy).
3° La Housarde. Valse militaire (Ganne).
4° Mireille. Fantaisie (Gounod).
5° Le Père la victoire. Marche (Ganne).
La Poste.
Journée calme. J’ai la visite d’Ernest EPINAT.
La Poste.
Journée calme. J’ai la visite d’Ernest EPINAT.
La Poste.
Journée calme.
La Poste. Concert :
1° Marche sur des chansons de route (Farigoul).
2 ° Viva en Torero. Marche.
3° La Housarde. Valse.
4° Mireille.
5° Le Père la victoire. Marche (Ganne).
La Poste.
Nous allons donner concert à La brigade qui se trouve à Fescamp (10 km.)
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Violente canonnade. (*)
(*) :
Le JMO indique près de mille obus qui font 2 blessés français.
La Poste.
Concert.
1° Aubade militaire (Salvan).
2° Marche russe.
3° Mazurka fantastique (Quod).
4° Sélection sur Rip (Planquette).
5° Marche sur chansons de route.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
Le Président de la République, le Roi Albert, le Général JOFFRE et MILLERAND, le ministre de la guerre viennent à Boulogne-la-Grasse et du haut du château, ils examinent les positions ennemies.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Je vais voir mon ami Marcel. Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade. Concert ;
1° marche des Cocktails (Gannas).
2° Le voyage en Chine (Bazin).
3° Micaëla. Valse espagnole (Patierns).
4° Marche française (Beaume). Mon ami Marcel vient me voir.
Canonnade une partie de la journée.
Canonnade une partie de la journée.
Mois de septembre 1915
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
Concert :
1° Canzonne militaire (Mesaccapo).
2° Les cloches de Corneville.
3° Gracieux babil pour hautbois (Petit).
4° Le Pré aux Clercs. Fantaisie.
5° Aubade militaire. Polka (Salvan).
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
Concert :
1° Le Grognard.
2° Le Pré aux Clercs.
3° Ebrezza d’Amore. Valse (Wesky).
4° Marche française.
5° En route ; Pas red (Hoste).
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Violente canonnade. Concert.
La Poste.
Canonnade très violente. Nombreux morts et blessés au village de Beuvraignes.
La Poste.
Violente canonnade. Je vais à bicyclette à La Berlière voir mes amis Louis LUTRAT et JOUERT, musiciens au 16e d’infanterie.
La Poste.
Violente canonnade.
La Poste.
Concert :
1° Marche lorraine (Gamme).
2° Au pays lorrain. Ouverture (Balay).
3° Confidences. Gavotte (Wesly).
4° Gracieux babil pour hautbois.
5° Sélection sur Carmen.
Notre camarade COMBES
photographie la musique.
La Poste.
Journée calme. On en profite pour aller ramasser des pommes du côté de Beuvraignes.
La Poste.
Journée calme. Après avoir trouvé un pressoir, nous faisons du cidre avec les pommes ramassées la veille.
La Poste.
Canonnade une partie de la journée.
La Poste.
Concert. Après le concert, je vais à bicyclette à La Berlière (5 km) voir un camarade cussétois Louis LUTRAT, musicien au 16e infanterie et nous soupons ensemble.
La Poste.
Canonnade. Marcel vient me voir.
La Poste.
Dans la soirée, nous allons en ligne nettoyer les boyaux.
La Poste.
Canonnade. Je prends la faction pendant 2 heures.
La Poste.
Très violente canonnade. Craignant une attaque ennemie à Beuvraignes, toutes les compagnies sont alertées. Notre concert n’a pas lieu.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme. J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Journée calme. Je descends voir Marcel.
La Poste.
Concert. A 5 h du soir, nous sommes alertés, craignant une attaque ennemie.
La Poste.
Nous accompagnons à Boulogne, le corps d’un soldat tué glorieusement.
La Poste.
Journée calme. J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Journée calme.
La Poste.
Journée calme. Concert :
1° La petite Tâche Noire (Haring).
2° Le Père la Victoire.
3° Les Cloches de Corneville.
4° Hymenée (valse).
5° Los Banderilleros. Marche.
Vers 10 h du soir, nous quittons le village de La Poste pour aller
cantonner à Boulogne-la-Grasse (3 km)
Mois d’octobre 1915
Boulogne.
Nous y restons toute la journée et nous donnons concert.
Nous quittons Boulogne au matin.
Nous passons à Auvillers, Priennes, Montdidier où nous marchons en jouant.
Nous arrivons à Courtemanche après 15 km de marche. Après notre arrivée, nous assistons à la remise d’un Fanion et de la Croix de guerre au 3e bataillon pour sa création à l’ordre du jour.
Nous cantonnons à Courtemanche. Pour la première fois, nous mangeons à la cuisine roulante.
Courtemanche.
Nous allons donner concert à Montdidier (3 km) ; Après le concert, nous sommes libres jusqu’à 9 h du soir et nous y soupons ; ensuite, nous rentrons à Courtemanche.
Courtemanche.
Distribution d’un casque à chacun.
Nous quittons Courtemanche de bon matin pour aller cantonner à Assainvillers (8 km).
A notre arrivée, j’y rencontre deux camarades : FAUCHER et RANDOING.
Nous donnons concert.
1° Los Banderilleros.
2° Marche française.
3° Les Cloches de Corneville.
4° La Czarine. Mazurka.
5° La fille de Madame Angot.
6° Le cortège de la Folie (Wesly).
Après le concert, des
rafraîchissements nous sont servis.
Assainvillers.
Je me promène avec l’ami FAUCHER. Nous donnons concert.
Assainvillers.
Je me promène avec l’ami FAUCHER.
Assainvillers.
Je me promène avec l’ami FAUCHER.
Assainvillers.
J’assiste le soir à un concert. Spectacle donné par une compagnie.
Assainvillers.
Pour la deuxième fois, nous allons donner concert à Montdidier.
Programme :
1° Marche lorraine.
2° Le Grognard.
3° Au pays lorrain.
4° La Housarde.
5° Sélection sur Rip.
6° La Czarine.
J’aperçois 2 camarades du pays :
RANDOING et MAGNET.
Assainvillers.
Je me promène avec l’ami FAUCHER.
Assainvillers.
Nous allons donner concert à Prienens (3 km). Programme :
1° Les Cadets.
2° La Mousmée Mazurka.
3° Au pays lorrain.
4° La tzarine.
5° Sélection sur Rip 6° En route.
A noter, la présence de 3
généraux à notre concert.
Assainvillers.
Toujours avec l’ami FAUCHER.
Assainvillers.
Nous donnons concert et ensuite, nous assistons à la remise de plusieurs
décorations.
Assainvillers.
J’ai la visite de Léon TÉZIÈRE qui vient de Conchy. Mon ami FAUCHER quitte
Assainvillers et vient me faire ses adieux.
Assainvillers.
Rien de particulier.
Nous quittons Assainvillers de bon matin pour aller à Conchy remplacer le 121e infanterie.
Nous passons à Rollot et j’y vois TÉZIÈRE, (Gustave) René LUTRAT, RICARD et VAISSADE A.
Nous arrivons à Conchy-les Pots. J’ai la visite de TEZIÈRE.
J’ai la visite de TÉZIÈRE.
Conchy-les-Pots.
Je vais avec quelques camarades voir un aéro anglais qui a atterri non loin de nous.
Conchy.
Journée tranquille.
Conchy.
Journée tranquille.
Conchy.
Journée tranquille.
Conchy.
Journée tranquille.
Conchy.
Journée tranquille.
Conchy.
Journée tranquille.
Conchy.
Journée tranquille.
Nous quittons Conchy pour aller cantonner à Rollot (6 km).
En cours de route, je vois les camarades R(ené) LUTRAT, RICARD et VAISSADE A.
Après notre arrivée, nous donnons concert.
Programme :
1° Marche lorraine.
2° Marche de Bretagne.
3° La fille de Madame Angot.
4° Les Cloches de Corneville.
Nous prenons le cantonnement de
la musique du 121e et elle va prendre le nôtre à Conchy.
Rollot.
Journée Tranquille. J’ai la visite de TÉZIÈRE.
Rollot.
Journée Tranquille. J’ai la visite de TÉZIÈRE.
Rollot.
Journée Tranquille. J’ai la visite de TÉZIÈRE.
Nous quittons Rollot à 13 h pour aller cantonner à La Poste (6 km). Nous cantonnons à la ferme Foulois.
La nuit, je vais à Conchy passer la veillée avec les amis R(ené) LUTRAT, RICARD, VAISSADE A et DUCROS du 98e infanterie.
Mois de novembre 1915
La Poste.
En ce jour de Toussaint, toute notre pensée va à nos camarades tombés mortellement au champ d’honneur pour la défense de la Patrie.
La Poste.
La Poste.
Journée tranquille. Nous allons en corvée au Cessier et nous y visitons une chapelle détruite par les obus.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Violente canonnade à Beuvraignes (2 km).
La Poste.
Notre camarade AUDOUARD quitte la musique pour aller travailler dans une usine.
La Poste.
Quelques obus sont lancés sur le village. Dégâts insignifiants.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
J’ai la visite de Marcel DÉMONNET.
La Poste.
J’ai la visite de Marcel DÉMONNET.
La Poste.
J’ai la visite de TEZIÈRE.
La Poste.
Journée tranquille. J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Journée tranquille. La neige fait son apparition.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
Journée tranquille.
La Poste.
J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
Avec Marcel, nous allons à la Marlière voir un camarade de Cusset, le nommé BASSOT et nous passons un bon moment ensemble.
La Poste.
Quelques obus tombent sut le village.
La Poste.
Violent bombardement sans effet.
La Poste.
J’ai la visite de Marcel.
La Poste.
J’ai la visite de Marcel.
Cette fois-ci nous quittons définitivement La Poste pour ne plus y revenir.
Pendant tout notre long séjour dans ce village, nous ne nous sommes jamais figurés en guerre. Quelques obus tombant de temps à autre nous ramenaient hélas ! À la triste réalité.
Toute notre vie, nous garderons de ce village un souvenir impérissable, car le bon temps et les bons moments ne peuvent s’oublier.
Nous quittons La Poste à 7 h du matin pour aller cantonner à Piennes (8 km). J’ai la visite de L. TEZIÈRE venant de Remaugies.
Piennes.
Journée tranquille.
Piennes.
Je vais à Remaugies (1km500) déjeuner avec mes amis R(ené) LUTRAT, TEZIÈRE et RICARD. Ils reviennent m’accompagner jusqu’à Piennes et après m’être assuré qu’il n’y avait pas concert, je repars avec eux.
Piennes.
Rien à signaler.
Piennes.
Les généraux de brigade et division passent notre régiment en revue et remettent quelques décorations.
Parmi les décorés, je remarque M BOURBIÉ, chef de musique au 105e infanterie.
Après la remise de décorations, on fait défiler le régiment.
Mois de décembre 1915
Piennes.
Journée tranquille.
Piennes.
Je vais à Remaugies passer la veillée avec R(ené) LUTRAT, RICARD et Léon.
Piennes.
J’ai la visite de mes amis R(ené) LUTRAT, RICARD et Léon et, ensemble, nous passons un bon moment.
Piennes.
Journée tranquille.
Piennes.
Journée tranquille.
Piennes.
Journée tranquille.
Nous quittons Piennes vers 10h du matin pour aller cantonner à Maignelay (Oise) 16 km. Nous passons par Vaux, Ployrons, Tricot et Maignelay.
Nous faisons répétition dans une salle de café.
Maignelay. Nous donnons concert. Programme :
1° Marche française.
2° Marche russe.
3° L’Auvergnate.
4° Mireille fantaisie.
5° La petite Tâche noire.
Maignelay.
Journée tranquille.
Maignelay.
Nous changeons de cantonnement. J’établis le mien dans une étable servant autrefois pour les cochons et, j’en suis très content car j’y suis bien chaud.
Maignelay.
Nous donnons concert.
Programme :
1°. Les Cadets. Marche.
2°. Marche basque.
3°. Au pays lorrain.
4°. Sélection sur Rip.
5°. Naples (tarentelle) Pillevestre.
Maignelay.
Je reçois ce jour, une lettre de mon frère Lili (agent de liaison au commandement du 66e infanterie) m’apprenant qu’il vient d’être blessé au bras. Sa blessure, heureusement, est sans gravité.
Maignelay.
Journée tranquille.
Maignelay.
Journée tranquille.
Maignelay.
Journée tranquille.
Maignelay.
Journée tranquille.
Maignelay.
Journée tranquille.
Maignelay.
Nous donnons concert :
1°. Le Chalet. Pas red.
2°. Marche provençale.
3°. La fille de Madame Angot.
4°. Hyménée. Valse.
5°. Carmen. Fantaisie.
6°. Camarade cussétois. Gi-roux.
Je compose la chanson
ci-dessous :
Ma Poulette ou Tout en Ette.
Chansonnette : paroles A. POUZAT. Musicien au 92 infanterie
Musique de R. DÉMONNET. Musicien au 216e infanterie
1er
couplet
Connaissez-vous, Antoinette ?
Ma chère, mon amourette,
Elle est charmante et coquette,
Douc’, aimabl’ comme un’ fauvett’
C’est un’ jolie p’tit’ brunette
J’ fis par hasard, sa conquête
Un soir, un beau jour de fête
A Cusset, Cours Lafayette.
Refrain
C’est une chansonnette
Un’ chanson parfaite
Où tout se termine par ette
C’est moi qui l’ai faite
Un jour pour la fête
De ma Poule.e.e.tte !
2e
C’est une personne honnête
Qui port’ très bien la toilette
Elle a un’ belle jaquette
Et un’ superbe voilette
J’aime beaucoup sa frimoussette
Elle est tout à fait chouette
Et lorsqu’elle me fait risette
Elle me rend tout bêbette
(Au
refrain)
3e
Lorsque le printemps s’apprête
Chaqu’ dimanche, à bicyclette,
J’ vais avec ma bijoulette
Dans les bois fair’ la cueillette.
Nous ramassons des violettes
Puis l’on s’assoit sur l’herbette
Et tout en faisant causette,
Elle’ me fait voir … ses socquettes.
(au refrain)
4e
Dans notr’ petit’ maisonnette
Chaqu’ soir, dans notre chambrette
Dans de beaux draps. En liquette.
Nous nous faisons mi-minette
En enlevant sa chemisette
Ell’ me montre … la comète
Puis tous deux sur notre couchette
Nous nous aimons en cachette
(On
peut terminer les 2 derniers par ceux-ci-dessous)
Moi, j’ lui montre mon allumette
(dernier refrain)
C’est une chansonnette
Un’ chanson parfaite
Où tout se termine en ette
Celui qui l’a faite
N’est même pas poète
Mais c’est un type pas bête !
Maignelay.
Nous assistons à une manœuvre d’entraînement et nous nous appuyons près de 30 km à pied.
Maignelay.
Nous allons attendre le 2e bataillon revenant de manœuvre
Maignelay.
Comme la veille.
Maignelay.
ous quittons Maignelay pour aller cantonner à Villers-Vicomte (28 km). Nous passons par Breteuil.
A notre arrivée, vu notre fatigue, nous ne songeons pas à faire réveillon.
Villers-Vicomte. Jour de Noël.
Nous donnons concert :
1°. Les cadets. Pas red.
2°. Marche provençale.
3°. Sélection sur Rip.
4°. Hyménée. Valse.
5°. Marche de Bretagne
Villers-Vicomte.
Nous partons manœuvrer au camp de Crévecoeur-le-Grand.
Villers-Vicomte.
Manœuvre au camp de Crévecoeur-le-Grand.
Villers-Vicomte.
Manœuvre au camp de Crévecoeur-le-Grand.
Villers-Vicomte.
Je pars en permission. Je prends le train à Crévecoeur-le-Grand.
Quelle joie d’aller passer quelques jours dans sa famille !
Petite flûte : POUZAT R
Grande flûte : Quod. Sous-chef
Hautbois : FULCHIRON. CARMELINO.
Petite clarinette : AURIS.
1ères clarinettes : DUPUIS. GRANDCHAMPS. Buis. CHARLES. MALLE. DERUMIGNY. MASSOTIER.
2èmes clarinettes : MALASSAGNE. GIRONDE. VIAL.
Saxos-altos : MEILLER. FRACHON.
Saxos-ténors : ROCHON. PRUHLIÈRE.
Saxos-barytons : COMBE. BERROT.
Altos : BERTHOLET. THUEL.
Barytons : CHAMPROBERT. THUEL.
Basses : ROBELIN. MATHAUD. MAÎTRE.
Contrebasse mi♭ : CUBIZOLLE
Contrebasse si♭ : LECOQ.
Grosse caisse : BOYER.
Tambour : COULAUD.
Trombones : GODIN. MOREL. PIARROUX. TUQUET.
Bugles : LAMOINE. BOUILLOT. AMBLARD. CHABOZY.
Pistons : GRENIER. VINCENT. FAURY.
Musiciens partis : JIOUX. MASSOTIER. JOURNOUD. RUDOUARD. LIANDIER.
Je passe ma permission dans ma famille à Cusset (Allier).
Ensuite, je reprends le train pour rejoindre mon régiment. Je le retrouve le 10 janvier, à Maignelay (Oise)
Je rejoins mon régiment à Maignelay.
Maignelay.
Au repos.
Maignelay.
J’ai la visite de Léon TÉZIÈRE.
Maignelay.
Nous donnons concert. Programme :
1 . D’Artagnan. Pas red. (Allier).
2°. Ma-non. Fantaisie (Massenet).
3°. Fiançailles. Valse (Wechy).
4°. La Vivandière.
5°. Le Père la Victoire. Marche (Ganne).
Maignelay.
Repos.
Maignelay.
Repos.
Maignelay.
Nous quittons Maignelay pour aller cantonner à Rollot (Somme) 14 km.
Rollot.
Repos.
Rollot.
Nous quittons à 5 heures du matin pour aller cantonner à Conchy-les-Pots (8 km).
Conchy-les-Pots.
Nous restons à Conchy.
Tous les matins, nous balayons les rues et les soirs, nous allons faire répétition dans un petit bois.
Mois de février 1916
Conchy-les-Pots.
Jusqu’au 18 février, nous restons à Conchy, continuant de faire les cantonniers tous les matins et répétition tous les soirs.
Nous quittons Conchy, vers 11 heures du matin pour aller cantonner à Rollot (8 km).
Nous quittons Rollot pour aller cantonner à Montiers (Oise) 15 km.
Nous restons à Montiers.
Nous restons à Montiers. Nous donnons concert.
Nous quittons Montiers pour aller cantonner à Grandfresnoy (17 km).
Nous quittons Grandfresnoy au matin. Nous passons à Chevrières, Verberie et nous arrivons à Saintines (Oise) 12 km.
Dans la soirée, nous donnons concert devant le château.
Programme :
1°. D’Artagnan.
2°. Le Pré aux Clercs.
3°. Micaela. Valse.
4°. La Mousmée. Valse.
5°. Marche d’Auvergne.
Après le concert, on nous remet
20 frs.
Nous y restons la journée. Il neige à plein temps.
Nous quittons Saintines à 7 heures du matin pour aller embarquer à Verberie (3 km).
Il neige toujours.
A midi, le train démarre. Nous passons par Crépy-en-Valois. Le Bourget. Vitry-le-François et nous débarquons le lendemain 27 à Givry-en-Argonne.
Après notre débarquement, nous allons cantonner à La Neuville-aux-Bois (Marne) 3 km.
Nous quittons La Neuville-aux-Bois.
Nous passons à Vieil Dampierre. Ante. Villers-en-Argonne. Passavant. Brigeaux (25 km). Nous cantonnons à Brigeaux.
Nous quittons Brigeaux pour passer à Waly (Meuse). Froid.
Ville-sur-Couzances.
Nous y faisons la grande halte à l’entrée de Jubécourt.
J’ai la visite de mon cousin Lili de Riom, lequel cantonne à Jubécourt-Brocourt et nous allons coucher après 25 km de marche, au bois de Fouchères, à 3 km de Dombasle.
L’ennemi frappe des coups redoublés ; la
rive droite de la Meuse est actuellement le théâtre de la lutte, mais la rive
gauche s’enflamme à son tour, et, dans le bois, sans autre abri que la tente
individuelle, contre la neige qui tombe à plein temps, nous attendons avec
notre régiment, l’heure de se porter en avant.
Mois de mars 1916
Nous cantonnons dans le bois Fouchères couvert de neige.
Nous cantonnons dans le bois Fouchères couvert de neige.
Nous cantonnons dans le bois Fouchères couvert de neige.
Nous cantonnons dans le bois Fouchères couvert de neige.
Notre chef de musique, de très mauvaise humeur ce jour-là, nous fait faire une marche militaire de plusieurs kilomètres.
Bois Fouchères.
Il fait si froid dans ce bois couvert de neige qu’on bat la semelle toute la journée, car il est expressément défendu de faire du feu pour se réchauffer.
L’ennemi pourrait, s’il voyait du feu, nous bombarder par avion.
La canonnade, au loin, est très intense.
Nous quittons le bois Fouchères dans la matinée.
Nous passons à Dombasle-en-Argonne. Jouy. Sivry-la-Perche, Germonville et nous arrivons en pleine nuit, après 20 km de marche sous la neige, par plus de 12 degrés au-dessous de zéro, au bois du Bouchet jusqu’à midi ; ensuite, nous partons pour l’attaque.
Du haut des cimes de la Meuse,
nous voyons, au loin, les violents tirs de barrage de l’artillerie ennemie.
Est-il possible de passer au travers ? Chacun se le demande et plus d’un cœur bat dans l’épouvante d’un massacre sans précédent qui va commencer.
A l’approche de la nuit, la canonnade cesse un peu.
Nous arrivons sur la route d’Esnes à Chattancourt et là, nous attendons (par un froid terrible sur le sol couvert de neige) que l’heure H sonne.
Le froid, l’absence des cuisines qui n’ont pu suivre, ne donne pas, comme dit ce vieux dicton :
« Du cœur au ventre pour aller se faire casser la g… ».
Enfin, que voulez-vous, il faut
bien se préparer à mourir pour la … patrie. C’est si beau ……
! Combien de pauvres bougres, vivants ce jour, seront dans l’au-delà, le
lendemain ! Hélas !
Rien à faire pour arrêter ce carnage sans pareil qui va commencer.
Vers 10 heures du soir, l’artillerie ennemie bombarde violemment la
route où nous sommes et, c’est un peu la panique ; chacun cherchant à s’abriter
derrière des talus.
Quelques blessés sont signalés et je suis désigné avec mon camarade FULCHIRON pour aller en conduire un (sur un brancard roulant) à un poste de secours établi à Montzéville (4 km).
Nous sommes obligés de nous arrêter en cours de route, attendant que la canonnade se calme un peu.
Il est environ 1 heure du matin.
Lorsque nous arrivons à Montzéville, nous déposons notre blessé au poste de secours et ensuite nous repartons, espérant retrouver nos camarades musiciens où nous les avions laissés.
Une fausse indication nous fait égarer.
En pleine nuit, nous marchons à travers champs sans pouvoir trouver
quelqu’un pour nous indiquer dans quelle direction nous sommes. Les obus
tombent un peu partout autour de nous et chaque fois, nous nous couchons à plat
ventre dans la neige.
Le jour commence à poindre ; nous apercevons non loin de nous, les tranchées de première ligne d’où notre régiment va partir pour l’attaque.
L’ordre d’attaque arrive, impératif,
dans une forme concise non exempte de majesté :
« L’ennemi a pris hier le bois des Corbeaux ; au 92e
revient l’honneur de le reprendre. »
L’attaque se déclenche vers 7
heures.
Avec mon camarade, nous assistons, tout proche, au départ.
Notre colonel marche en tête, le cigare allumé, la canne à la main. L’aumônier De CHABROLLE est à ses côtés.
Neuf cents mètres sont à parcourir sous les balles et sous les obus ; la sensation de cette distance serre bien les cœurs ; mais le colonel est là, qui montre le chemin.
Alors, sans arrière-pensée, les 2 bataillons suivent dans un ordre parfait, impressionnant.
Pendant sept cents mètres, le gros barrage ne cause pas de
pertes ; c’est à peine s’il interrompt momentanément, en forçant des paquets à
se coucher, la régularité du dispositif. Mais à deux cents mètres de la lisière
du bois, nous écoutons le tic-tac des mitrailleuses et celles-ci infligent des
pertes sérieuses. (*)
Pour les diminuer, nos troupes se ruent sur elles au pas de gymnastique ; on aperçoit l’ennemi qui fuit. L’objectif du régiment est atteint, le bois des Corbeaux est en son pouvoir, ainsi qu’une grosse partie du bois des Cumières.
Nous ramassons un blessé et
nous le conduisons à Montzéville.
Les camarades du poste de secours nous offrent à manger ; Nous avions réellement faim, car nous n’avions pas mangé beaucoup depuis quelques jours, vu que le ravitaillement ne suivait pas.
Nous repartons, espérant cette fois-ci, retrouver nos camarades. L’artillerie ennemie bombarde rageusement la route et nous avons beaucoup de peine pour arriver à rejoindre nos camarades.
Nous retrouvons ceux-ci dans
les carrières en avant du village de Chattancourt.
Ils nous apprennent que deux des nôtres (BOYER et GIRONDE) furent blessés en ramassant des blessés. Tous les musiciens, nous allons sur les crêtes du Mort-Homme, ramasser les blessés et ceci pendant toute la nuit sous une violente canonnade. Nous les conduisons à Chattancourt, au poste de secours.
Les pertes du régiment sont énormes.
(*) :
Aucun chiffrage des pertes à cette date n’existe sur les JMO du régiment, de la
brigade et de la division…
Le succès acquis, le colonel (Camille) MACKER adressait l’ordre du jour suivant :
« Officiers,
Sous-officiers, Caporaux et Soldats du 92e et de la 1ere compagnie de
mitrailleuses de brigade :
« Vous avez bien, dans
un élan magnifique, exécuté une contre-attaque superbe, sur un terrain plat de
plus de huit cents mètres et sous un ouragan de feu terrible ;
« L’ennemi n’a pu tenir
devant votre vaillance.
« Je ne trouve qu’un mot
pour vous remercier, c’est en vous disant que j’ai vécu, grâce à vous, la plus
belle heure de ma vie de soldat.
« La France a le droit
d’être fière du 92e. »
Au matin, nous apprenons que notre camarade (Jean) VIAL vient d’être tué. (*)
Je vais, avec un autre camarade,
chercher son cadavre. Nous ne trouvons que des débris, le corps de notre pauvre
ami est complètement déchiqueté. Ces débris, nous les mettons dans une toile de
tente et nous allons les enterrer à l’entrée du village de Chattancourt. « Paix à ses cendres. »
Toute la journée, la canonnade
est épouvantable. Il neige à plein temps.
Nous ne cessons d’aller chercher les blessés se trouvant au poste de secours, établi en plein champ de bataille sur la crête du Mort-Homme.
De là, nous les conduisons à 2 km 500 au village de Chattancourt, dont pas une maison ne reste debout. Les pertes sont grosses. Les cadavres trainent de tous côtés et la neige qui tombe, les recouvre.
Le 139e envoie deux compagnies de réserve. L’une est gardée à la lisière sud du bois des Corbeaux et l’autre vient étayer la 6e compagnie.
Profitant de la nuit, les
Allemands essaient de reprendre le bois. Leurs attaques sont repoussées à coups
de fusils et de baïonnette, car par la neige qui tombe, notre artillerie ne
peut voir les appels.
Toute la journée, l’artillerie ennemie, très puissante, bombarde le bois et l’arrière pour empêcher les ravitaillements et les renforts. Elle détruit les liaisons téléphoniques.
Vers 18 heures, l’ennemi attaque, à l’est du bois, la 7e et la 8e
compagnie. Elles reçoivent le choc, corps à corps et perdent leurs deux
capitaines.
Privés de leurs chefs et décimés, les hommes ne reculent pas ; mais ils se resserrent et un intervalle se produit entre la 7e compagnie et une compagnie du 139e. L’adversaire n’ose pas encore s’y engager.
Toutefois, le Colonel MACKER, pour prévenir l’attaque, décide d’enlever la corne du bois de Cumières où l’ennemi se rassemblait pour attaquer le flanc droit du régiment.
Dans la matinée, les 5e, 7e et
8e compagnies et deux nouvelles compagnies du bataillon ARNAUX du 139e
s’emparent en une demi-heure du bois tout entier. Le colonel MACKER vient
féliciter le commandant ARNAUX lorsque, au nord du bois des Corbeaux, une
mitrailleuse insoupçonnée ouvre le feu et tue presqu’en même temps notre
colonel (**), le commandant
ARNOUX et un officier du 139e.
Au même moment, l’ennemi se prépare à attaquer, fusées, coureurs, rien n’arrive à déclencher notre barrage.
Un régiment allemand venant
d’Ornes aborde notre droite et enlève le bois de Cumières malgré la résistance
désespérée des compagnies du 92e et du 139e.
Le plus ancien officier, capitaine DELBOS, ralliant quelques débris, défendit longtemps l’approche du bois des Corbeaux quoique, par le bois de Cumières, les défenseurs fussent pris à revers.
Pied à pied, ce qui restait du 92e dut se replier sur la lisière sud du bois des Corbeaux.
Jusqu’à midi, toutes les attaques furent
repoussées ; mais, petit à petit, tous les officiers tombèrent et le capitaine
DELBOS resta seul pour commander la ligne de 300 mètres sur laquelle
s’étendaient les débris du régiment.
(*)
: VIAL Jean, né à Saint Rambert (42), soldat du 92e régiment d’infanterie, mort
pour la France le 9 mars 1916, tué à l’ennemi aux bois des Corbeaux.
(**) :
Lieutenant-colonel MACKER Camille : Sa
fiche et le commandant ARNOUX Abel : Sa
fiche
Vers 2 heures du matin, notre médecin-chef donne l’ordre à tous les musiciens et brancardiers de l’attendre sur les crêtes du Mort-Homme. La canonnade est si violente que nous l’attendons pendant plus d’une heure, blottis dans des trous d’obus couverts de neige.
Les obus éclatent tout autour de nous et nous sommes obligés de nous replier.
Le bombardement s’étant un peu calmé, nous repartons sous la conduite de notre médecin-chef ARBEG et de l’aumônier de CHABROLLE. Des équipes de brancardiers divisionnaires viennent avec nous.
Notre mission à tous est de se rendre dans le bois des Corbeaux pour ramener les blessés. Pour aller dans le bois, il nous faut parcourir environ 700 mètres et les Allemands, à un endroit, ne sont guère qu’à 100 mètres d’un chemin que nous devons suivre.
Notre silhouette se détache sur la neige, les Allemands nous ont certainement vus car les mitrailleuses se mettent en mouvement. Tout le monde se couche dans la neige. Les balles nous sifflent autour des oreilles.
La rafale passée, nous continuons notre chemin et nous arrivons sans mal dans le bois.
Dès notre arrivée, la fusillade reprend.
Nous nous abritons dans le poste de secours attendant que le calme soit revenu.
Nous chargeons les blessés sur
nos brancards et les uns à la file des autres, nous repartons.
A peine avions nous fait 100 mètres qu’une fusée éclairante est lancée. Quelques secondes après, deux obus tombent en plein sur nous.
Résultat : 6 brancardiers divisionnaires blessés, 3 tués, 4 musiciens blessés (GODIN, MOREL, FRACHON, PRULHIÈRE). Le blessé que je transportais avec FRACHON, PRULHIÈRE et FULCHIRON, est tué. Seuls de notre équipe avec FULCHIRON, nous sommes indemnes.
Un autre musicien (BOUILLOT) tombe dans une tranchée dont la profondeur est d’environ 10 mètres. Par miracle, il ne se fait aucun mal. 2 autres blessés posés sur des brancards, sont tués.
Nous reformons nos équipes dans
un moment d’accalmie et nous faisons vite pour ramener les blessés au poste de
secours du Mort-Homme, ensuite nous repartons pour chercher ceux qui restent.
Il faut faire vite car le jour va poindre et nous offririons une belle cible
aux Boches.
Nous arrivons à l’endroit tragique ; des plaintes et des cris de douleur sont poussés par les blessés. Les Boches doivent nous épier, car voilà des mitrailleuses qui crachent et l’artillerie qui canonne. Nous restons couchés dans la neige attendant que ça se passe. 2 brancardiers divisionnaires près de moi sont tués.
Un éclat d’obus me frappe au bras droit. La manche de ma capote est traversée mais l’éclat ne fait qu’égratigner ma chair. Un léger filet de sang s’échappe. Un autre musicien est fort contusionné.
Le médecin-chef et l’aumônier nous encouragent pour repartir au plus vite car le jour commence à se lever. Nous prenons les brancards sur nos épaules et en avant !
L’artillerie boche se remet en
mouvement et les obus nous accompagnent jusqu’au poste de secours. Nous passons
sur les cadavres dont les tranchées sont pleines, sur la crête du Mort-Homme.
Nous déposons les blessés au poste de secours. Notre camarade musicien (GODIN Robert Pierre)
succombe à la suite de ses blessures. (*)
Nous le sortons dehors, dans l’intention de le descendre au village de Chattancourt. Hélas ! Nous l’avions à peine sorti qu’un obus tombe en plein dessus et il nous fut impossible de le retrouver.
Après notre arrivée au poste de secours,
nous recevons les félicitations de notre Médecin-chef ainsi que celles de
l’aumônier. Eux autres aussi, se sont dévoués sans compter.
Nous nous reposons pendant deux
heures, ensuite, nous transportons les blessés du poste de secours du
Mort-Homme à celui de Chattancourt. Nous faisons le trajet plusieurs fois dans
la journée malgré les feux d’artillerie d’une violence inouïe. Les champs, les
routes sont complètement bouleversés par l’éclatement des obus de gros
calibres. Les cadavres jonchent le sol tout autour d’où nous sommes. Les pertes
sont énormes.
Il neige à plein temps.
Toute la nuit, nous continuons notre transport des blessés. Des renforts arrivent et ceux-ci sont presqu’aussitôt complètement décimés par les barrages terribles des feux de l’artillerie boche. Les cadavres encombrent le chemin que nous parcourons, rendant plus difficile notre transport des blessés.
De tous côtés, on entend des cris de douleur et des appels désespérés.
(*) : Robert Pierre GODIN, soldat du 92e régiment d’infanterie, mort pour la France le 10 mars 1916. Voir sa fiche.
Canonnade infernale jour et nuit.
Notre médecin-chef nous donne la matinée pour nous reposer dans des carrières près du village de Chattancourt. Nous y retrouvons notre chef de musique et le lieutenant porte-drapeau. Tous deux étaient chargés de la garde du ravitaillement et comme les bonbonnes de rhum ne manquaient pas, il fallait voir dans quel état ils étaient.
Leur conduite devant sa majesté « Pinard et Rhum » fut splendide. Notre sous-chef aussi, était complètement sous pression.
Pendant ce temps, nous autres,
étions abrasés par la fatigue et complètement abrutis par le bombardement. Dans
les carrières où nous sommes, je vois un cussétois (DUCROS) du
98e infanterie. Il est là, attendant son tour de monter en ligne.
Toute la soirée et toute la nuit, nous continuons le transport des blessés.
Jour et nuit nous ramassons et transportons les blessés, sous un bombardement épouvantable.
Les pertes du régiment sont terribles. 1 700 hommes manquent à l’appel et la relève s’impose.
Extrait du JMO du 92e RI
Les 16e et 98e infanterie viennent nous relever.
Tout ce qui reste de notre régiment se rend au matin à 6 km dans le Bois Bourru. Notre chef reçoit, au cours du parcours, un éclat d’obus dans le mollet.
La blessure est sans gravité mais il réussit à se faire évacuer trois jours plus tard.
Bois Bourru. J’ai la visite de mon ami Marcel DÉMONNET.
A midi, nous quittons le Bois Bourru pour aller dans le Bois Fouchères (8 km). Nous passons par Berthelinville et Domsbale.
Bois Fouchères. Repos. J’ai la visite du camarade FAUCHER.
2ème armée. Ordre de l’armée. 15 mars 1916.
« La 52e brigade s’est couverte de gloire par la
vigueur de ses attaques sur le bois des Corbeaux.
Le Colonel MACKER, en tête, elle a tout d’abord offert
son sacrifice à la patrie, demandé l’appui de celui qui soutient toutes les
énergies, puis les cœurs hauts, les âmes fortes, elle a foncé sur l’ennemi et
l’a refoulé.
Montagnards de l’Auvergne, les soldats des 92 et 139 ont mêlé
leur sang à celui de leur chef. C’est par la volonté de vaincre qu’on obtient
la victoire. Et la victoire, nous l’aurons parce que nous la voulons. »
Signé. De BAZELAIRE. »
Ordre de la brigade
« Belle et
vaillante 52e brigade, tu es partie au combat avec au cœur et dans l’esprit les
belles devises que nous répétions ensemble. - En avant pour l’assaut. Tenir
jusqu’au bout et quand même - Tu les as appliquées. Le 92e
infanterie sous les ordres de son vaillant chef, le Lieutenant-colonel MACKER a
marché à l’attaque comme à la manœuvre malgré les feux violents de l’artillerie
ennemie.
Les vagues successives
se sont inclinées devant le représentant de Dieu, l’aumônier de CHABROL dont la
main dessinait, sous la mitraille le signe de la rédemption et de la victoire.
Le bois des Corbeaux a
été enlevé d’un merveilleux élan. On s’y est installé sous le bombardement et
la fusillade.
Le Lieutenant-colonel
MACKER préparait une nouvelle progression lorsqu’une contre-attaque de 3
régiments ennemis s’est produite contre moins de 2 bataillons fatigués par les
privations, le manque de sommeil et un bombardement continu de plus de 24
heures.
Le bataillon ARNAUX du 139e infanterie porté en renfort à la contre-attaque a
rivalisé de vaillance avec son camarade de combat le 92e ; Et c’est encore le
bataillon LOUIS et le bataillon DUROUCHOUX, imitant leur prédécesseurs.
MACKER qui venait de se
raser de frais pour le combat est tombé, l’amour dans l’âme et le ciel dans les
yeux, au premier rang avec ARNAUX.
On a vu des officiers
partageant successivement le commandement et rendant compte sous le feu ;
d’autres refusant de se laisser panser avant leurs soldats. Il faudrait un
livre pour citer les actes de courage. C’est le brave colonel NIEUVILLE, chef
de 1er ordre, sans cesse sur la brèche, vers lequel allait la pensée de ses
soldats blessés, contusionnés, épuisés ; sa grande âme restait énergique et
donnait le réconfort à tous.
Et à côté, les médecins,
l’aumônier, les brancardiers-musiciens, les coureurs, les téléphonistes ont accompli
leur devoir, simplement, complètement, héroïquement.
Tout le monde vous a
admirés officiers et soldats de la 52e brigade, vous avez agi comme à l’époque
de la chevalerie, avec la formation tactique de la guerre moderne.
Je vous salue tous, vous
qui êtes tombés en vaillants pour la patrie, vous êtes restés et qui vous
préparez à de nouveaux assauts. Je vous donne mon accolade.
En avant, toujours et
quand même ! Pour la Patrie. De la gloire flotte autour de vos drapeaux. »
Le 17 mars 1916.
Signé : Colonel PALLU commandant la 52e brigade, 13e corps. 26e division, état-major.
Le grand commandant la 26e division adresse toutes ses
félicitations à la 52e brigade.
« Les bataillons se
sont engagés d’une façon superbe. Le succès complet couronnera leur vigoureux
effort. »
Signé : Général RAUFFIN de SAINT-MOREL
Le général PÉTAIN, commandant la 2e armée accorda la
citation suivante au 92e régiment d’infanterie.
« Sous les ordres
de son vaillant chef, le lieutenant-colonel MACKER, le 92e d’infanterie a
enlevé une importante position ennemie. S’y est maintenu malgré un violent
bombardement et a résisté ensuite à une très violente attaque de l’ennemi
auquel il a empêché d’atteindre nos premières lignes. »
Lorsque le général de BAZELAIRE fit défiler devant lui au moment de la relève, le 92e, il ne restait plus que 140 hommes du 3e bataillon, 166 du 2e ; 600 étaient blessés ; les autres, à côté de leur glorieux colonel, dans l’éternel sommeil, reposaient sur le terrain où ils avaient tenu la victoire ; les morts de quatre régiments allemands différents attestaient leur valeur.
Il est impossible de citer
comme on le voudrait tous les traits de bravoure accomplis au bois des
Corbeaux.
Le médecin-major ARBEG, dans une conduite admirable, réussit à faire panser et évacuer 600 blessés. Son personnel (brancardiers et musiciens) animé par son exemple, mérita la même reconnaissance du régiment.
L’aumônier du régiment, l’abbé de CHABROL, reçut la Légion d’Honneur pour son magnifique dévouement envers les blessés et les mourants. Il devait plus tard glorieusement mourir à Chaulnes (Somme)
Le 1er bataillon avait eu la tâche ingrate et dangereuse de faire des ravitaillements. Placé sous les ordres du lieutenant-colonel du 98e, il enlevait, le 11, le bois des Caurettes, mais ne pouvait reprendre le bois de Cumières trop fortement occupé.
Toutes les contre-attaques allemandes sur le bois des Caurettes furent repoussées.
Bois Fauchères.
4 généraux nous passent en revue. Notre général de brigade nous dit ces quelques mots :
« Mon Cœur est avec vous, mes
braves. Pour vous tous, j’embrasse un de vos camarades et je dis : jusqu’au
bout et quand même. »
Notre chef de musique est évacué.
Bois Fauchères.
Je vais me promener jusqu’à Jubécourt. Je visite le champ d’aviation où je vois des avions de différents modèles.
Bois Fauchères.
Repos.
J’ai la visite du camarade FAUCHER
Bois Fauchères.
Repos.
J’ai la visite du camarade TÉZIÈRE.
Le soir, nous allons à l’enterrement du Lieutenant SEGON, blessé au bois des Corbeaux.
Au retour, j’ai la visite d’un bon camarade avec qui je travaillais à Saint-Etienne (MASS Frédéric). Je vais passer la veillée avec FAUCHER.
Bois Fauchères (Meuse).
Repos.
Bois Fauchères.
Repos.
Bois Fauchères.
Repos.
A midi, nous quittons le bois Fauchères pour aller cantonner à Brocourt (2 km). Je rencontre 2 camarades du pays (IMBERT et TREMBLET) au 69e d’infanterie.
Brocourt (Meuse).
Repos.
Nous quittons Brocourt à 9 h du matin pour aller embarquer en auto à 4 km.
Nous partons à 11 h ; nous passons à Blécourt, Lemmes, Souilly (quartier général du général PÉTAIN), Heippes, Issoncourt, Chaumont, Rosnes, Brumont, Bar-le-Duc, Venise, Laimont, Revigny, Rancourt et nous débarquons après avoir fait 70 km.
A Alliancelles (Marne).
Alliancelles (Marne).
Je vois défiler le 98e d’infanterie et j’aperçois des camarades du pays. E. EPINAT, JAMES, ROUSSAT, VAISSADE, A. MICHY, GITENAY.
Alliancelles. Nous donnons concert.
Nous quittons Alliancelles à 9 h du matin.
Nous passons à Sermaize, Trois-Fontaines et nous arrivons à Saint-Dizier (Haute-Marne) après avoir fait 25 km. Avant d’arriver à Saint-Dizier, nous avons traversé plusieurs villages détruits pendant la bataille de la Marne.
De tous côtés dans les champs, on apercevait des tombes.
Saint-Dizier (Haute-Marne).
Repos.
Saint-Dizier (Haute-Marne).
Repos. Nous donnons concert.
Saint-Dizier (Haute-Marne).
Repos.
Mois d’avril 1916
Saint-Dizier (Haute-Marne).
Repos.
Saint-Dizier (Haute-Marne).
Repos. Je vais entendre le concert donné au jardin de Saint-Dizier par la musique du 139 d’infanterie.
La veillée, je vais au cinéma.
Nous quittons Saint-Dizier à 6 heures du soir. Nous passons à Villiers-Enlieu et nous allons embarquer à Saint-Eulieu (6 km). A minuit, le train démarre.
Nous prenons la ligne de Coulommiers-le-Bourget et nous débarquons à Rémy (Oise) à 5 h du soir ; ensuite nous allons cantonner à Hémévillers (4 km).
En gare d’Estrées-Saint-Denis, nous remarquons un canon de 305 à longue portée.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Hémévillers (Oise)
Nous donnons concert.
Programme. 1° Le Sang Paulois. Pas red. 2° Au pays Lorrain. 3° Au Pays des Cigales. 4° La Zingara. Mazurka. 5° Marche d’Auvergne. 6° Fiançail-les. Valse.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Mon frère Louis, agent de liaison au commandant du 66e infanterie, se trouvant au repos avec son régiment à Chaussoy (Somme) vient à bicyclette me voir. Nous passons ensemble et avec DAVID, une bonne soirée.
Ça me fait beaucoup de peine lorsque le moment de se séparer est venu.
Hémévillers (Oise). Repos.
J’ai la visite de Léon TÉZIÈRE.
Hémévillers (Oise).
Toujours au repos.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Hémévillers (Oise).
Repos. Nous donnons concert.
Programme :
1° San Lorange.
2° Bal-let Egyptien. N° 1 .2.3 et 4.
3° Mazurka fantastique.
4° Le Cortège de la Folie.
5° Ballet russe n° 1.2.
6° Canzonne militaire.
Hémévillers (Oise).
Repos. Nous faisons répétition.
Hémévillers (Oise).
Nous assistons à une remise de décoration à laquelle 3 musiciens sont décorés (LAMOINE, MEILLER, FULCHIRON). Croix de guerre.
Hémévillers (Oise).
Repos. Répétition tous les jours, matin et soir.
Hémévillers (Oise).
Repos.
Revue passée par le général de brigade.
Hémévillers (Oise).
Jour de Pâques.
Nous donnons concert.
Nous quittons Hémévillers à 6 h du matin.
Nous passons à Rémy, Lachelle, Venette, Compiègne que nous traversons en jouant, Choisy-au-Bac et arrivons à Le Plessis-Brion après 25 km de marche.
Le Plessis-Brion (Oise).
Repos.
Nous faisons du canotage.
A 6 h du matin, nous quittons Le Plessis pour aller prendre les tranchées à 4 km. Nous cantonnons à Saint-Léger-aux-Bois entre Tracy-le-Val et Tracy-le-Mont.
Saint-Léger-aux-Bois.
Secteur tranquille.
Saint-Léger-aux-Bois.
Secteur tranquille.
Saint-Léger-aux-Bois.
Quelques escarmouches.
Saint-Léger-aux-Bois.
Nous allons nous promener dans les tranchées de première ligne, mais il faut faire attention de ne pas se montrer aux créneaux.
Mois de mai 1916
Saint-Léger-aux-Bois.
Légère canonnade. Il fait bon dans les bois à se reposer et ramasser du muguet. C’est ce que nous faisons.
Saint-Léger-aux-Bois.
Secteur de tout repos.
Cueillette du muguet qui abonde.
Saint-Léger-aux-Bois.
Secteur de tout repos.
Cueillette du muguet qui abonde.
Saint-Léger-aux-Bois.
Je retourne faire un tour en première ligne en avant du village de Bailly.
Saint-Léger-aux-Bois.
Sans changement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Sans changement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Sans changement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Sans changement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Sans changement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Sans changement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Je tombe malade subitement.
Saint-Léger-aux-Bois.
Je vais à la visite et de suite, on me fait entrer à l’infirmerie.
Saint-Léger-aux-Bois.
Infirmerie pour crise d’albumine.
Saint-Léger-aux-Bois.
Je suis évacué à Compiègne (Oise) où j’entre à l’hôpital auxiliaire 105 (Hersant).
En traitement à l’hôpital de Compiègne.
En traitement à l’hôpital de Compiègne.
En traitement à l’hôpital de Compiègne.
Je quitte l’hôpital à midi pour aller dans un train sanitaire partant à 4h1/2.
Je passe au Bourget, Versailles, Chartres, Le Mans, Laval, Rennes et j’arrive le 20 à Saint-Malo (Ille et Vilaine).
Ensuite on me dirige à l’hôpital complémentaire 96.
En traitement à l’hôpital 96 à Saint-Malo.
Je vais me promener à Saint Servan.
Je vais sur mer avec le bateau faire la traversée jusqu’à Dinard.
Je prête mon concours comme flûtiste à une société qui organise des concerts de temps à autre.
Je reste en traitement à l’hôpital de Saint-Malo.
Comme nous avons la liberté de sortir chaque jour, j’en profite pour aller faire quelques bonnes promenades sur mer, allant soit à Dinard, Saint-Servan, Paramé, Cancale et comme c’est en pleine saison des bains de mer, je me baigne presque journellement.
Quel plaisir de passer de si bons moments pendant que les camarades que j’ai quittés momentanément en passent de si mauvais.
Pendant le cours de mon hospitalisation, je reçois une lettre de mon frère Louis m’annonçant sa citation à l’ordre du régiment.
Je reçois également une lettre m’annonçant la mort de mon cher camarade Adrien DÉMONNET, blessé mortellement devant Verdun. Ce cher ami qui disparaît était musicien-brancardier au 216e infanterie. (*)
Son souvenir restera ineffaçable, tellement nous étions bons amis.
(*) : Adrien Marcel DÉMONNET, soldat au 216e régiment d’infanterie mourra pour la France le 2 juin 1916 à Issy-les-Moulineaux, suite de blessures. Il était né à Cusset en août 1893. Voir sa fiche matriculaire (2 pages).
Je quitte St Malo à midi trente.
Je passe à Rennes, Le Mans, Angers, Saumur, Tours, Bourges, Vierzon, Sincaize, Moulins et j’arrive à Vichy le 5 à 11H30.
Je me rends chez mes parents à Cusset où je reste jusqu’au 1er septembre pour y passer ma convalescence.
Mon frère Louis se trouve de venir en perme pendant que je suis à Cusset. Ensemble nous prêtons notre concours comme musiciens à l’harmonie municipale pour un concert organisé le 16 août.
Le
18 août, mon frère repart au front après expiration de sa « perme ».
Mois de septembre 1916
Je quitte Cusset pour rejoindre la caserne du 92 à Clermont-Ferrand.
Je suis affecté à la 29ème compagnie.
Je rentre à la musique du dépôt ; 2 fois par semaine nous allons jouer à l’hôpital de Chamalières, et, à des remises de décorations.
Le 16 septembre, je vais en «perme» jusqu’au 21.
Ce jour nous allons « musique en tête », accompagner la classe 17 à la gare.
Le 22, je repars en « perme » jusqu’au 27.
A mon retour le commandant du dépôt me fait appeler pour me dire que Mr. SALVAN (chef de musique) me réclamait pour retourner vers lui.
J’accepte donc, de repartir avec un camarade de Bellenaves (AUFAURE) dont le frère est sous-chef de musique au 139ème régiment d’infanterie.
Le 29, nous sommes habillés et le 30 septembre nous partons par le
train de 5h23. En passant à St Germain, j’ai le plaisir d’y voir ma mère.
Mois d’octobre 1916
Nous débarquons à Ressier (Somme). Nous partons avec le ravitaillement et nous arrivons à Hangest-en-Santerre où nous restons en attendant la relève du régiment.
Dès mon arrivée, j’ai la visite de mon camarade TÉZIÈRE, et je vais coucher dans son cantonnement.
Pendant mon évacuation, le régiment après avoir tenu le secteur de Bailly et de Fouquescourt, fut appelé à prendre part à l’offensive de 1916 dans la Somme ; il devait s’y distinguer :
Dans la nuit
du 4 au 5, le 1er bataillon, commandant SEVIN, s’installait dans les anciennes
premières lignes allemandes, puis tout le régiment devait poursuivre les succès
du 139ème sur les positions conquises.
Le 6
septembre à 4 heures du soir, dans chacun des 1er et 2ème bataillon, les 2ème,
3ème, 6ème et 7ème compagnies s’élançaient à l’assaut dans un ordre parfait
avec un entrain admirable.
La 2ème
compagnie (Lieutenant POMEYROL) accompagnée par la section de mitrailleuses de
l’Adjudant JURY, passe à travers le tir de barrage, enlève un fort poste allemand,
atteint son objectif ; mais l’ardeur emporte les braves et ils poursuivent
jusqu’à la gare de Chaulnes où se produit un formidable corps à corps.
Les hommes,
soit par oubli, soit parce qu’ils n’en n’ont pas le loisir, n’allument pas les
pots Ruggieri (signal convenu), et notre propre artillerie confond dans le même
écrasement les Allemands et leurs vainqueurs. Les débris de la compagnie, leur
capitaine blessé, doivent se replier.
La 3ème
compagnie dépasse aussi la tranchée des Sélénites, qui est son objectif, et
arrive au pied des murs du parc de Chaulnes, où elle trouve une forte
résistance.
Dans la même
compagnie, le peloton de gauche (Lieutenant DESSAINT) prend son objectif, s’y
maintient et porte secours à la 7ème compagnie, occupée à l’enlèvement de
l’ouvrage dit La Demi-Lune de Chaulnes, constituée par d’anciens remparts du
château.
Le
Lieutenant DESSAINT est tué.
Au 2ème
bataillon (commandant de Saint Wulfran), la 7ème compagnie s’est emparée de la
Demi-Lune. Tout près, l’ennemi oppose une forte résistance ; mais à la grenade
et à la baïonnette le Lieutenant MARTIN s’empare de toute la position ; 50
Allemands se rendent.
L’adversaire
contrattaque aussitôt de deux côtés à la fois. Grâce aux mitrailleuses de la
compagnie Jullien et aux fusils mitrailleurs dont on se sert pour la première
fois, les attaques sont repoussées. A ce moment, tous les officiers sont
tombés, sauf le Lieutenant COURTET qui prend le commandement.
La 6ème
compagnie était arrivée d’un magnifique élan, en dix minutes, à quelques pas de
son objectif, dont la séparaient des fils de fer intacts : nos grenadiers
répondent avec grenadiers ennemis pendant que les cisailles créent le passage ;
la tranchée est prise, et les Allemands laissent comme trophée une
mitrailleuse.
Immédiatement
le commandant de la 6ème compagnie se porte au secours de la 7ème compagnie
contrattaquée. Intimement liées, les deux compagnies réduisent successivement
les nids de défense et embouteillent dans un profond repaire un fort
détachement allemand. Il faut à tout prix se débarrasser de ces voisins
dangereux.
A l’une des
ouvertures, le soldat ROUET de la 6ème compagnie, qui les épie, aperçoit des
ennemis amenant silencieusement une mitrailleuse. Il les laisse approcher et à
bout portant leur jette deux grenades qui les mettent en bouillie ; à l’autre
entrée surveille l’adjudant ESTAGER : il tue de sa main deux Allemands.
Le soldat
BOULOGNE, envoyé pour reconnaitre, somme les Allemands de se rendre. De l’abri
sortent 60 hommes et 4 officiers, dont un capitaine. L’ennemi s’est défendu
furieusement car 3 des officiers sont blessés. Sur tout le front d’attaque, le
92ème tiendra vigoureusement sa conquête.
Les pertes
dans la journée s’élèvent à 7 officiers tués, 10 officiers blessés ; troupe :
tués 72, blessés 290, disparus 63. Le 92ème recevait pour sa brillante conduite
à Chaulnes une seconde citation à l’ordre de l’armée.
Hangest.
Je vais avec Léon au Quesnel et en cours de route, nous trouvons (Gustave) René LUTRAT et RICARD.
A la nuit je revois tous mes camarades musiciens, revenant des tranchées, pour se reposer à Hangest.
Hangest (Somme).
Nous sommes au repos.
Hangest.
Je passe la veillée avec Léon et 3 camarades musiciens dans une maison où nous faisons une bonne bombe.
Hangest.
Comme la veille.
Hangest.
Avec Léon nous allons au Quesnel retrouver (Gustave) René LUTRAT, lequel arrose le troisième anniversaire de son mariage.
Hangest.
Je retourne au Quesnel avec Léon, voir René.
Hangest.
Comme la veille.
Hangest.
Nous quittons Hangest pour aller cantonner dans le Bois des Ballons (6 km).
Bois des Ballons.
Repos.
Nous voyons beaucoup de prisonniers Allemands enfermés dans un camp.
Bois des Ballons.
Un musicien évacué (ROCHON).
Bois des Ballons.
A la nuit nous quittons le bois des Ballons pour remonter en ligne devant Chaulnes. Pour y arriver nous passons à Caix et Rosières. Je reste avec notre chef et 4 de nos camarades dans une sape de 10 mètres de profond.
Nos autres camarades sont dispersés dans les anciennes sapes allemandes actuellement entre nos mains.
Aux tranchées devant Chaulnes.
Violente canonnade.
Aux tranchées devant Chaulnes.
Violente canonnade.
Aux tranchées devant Chaulnes.
Une de nos « saucisses » ayant rompu son câble, nous voyons l’observateur descendre en parachute.
Aux tranchées devant Chaulnes. Canonnade terrible.
Chaque soir le bombardement est intense surtout au moment d’aller au ravitaillement lequel se tient près d’un endroit appelé « Les wagons brûlés » à 2 km d’où nous sommes. Il faut faire vite et c’est souvent que l’on revient à vide, car à force de piquer des ventres à terre, on arrive à perdre tout ce que l’on transporte.
Oh ! Quelle sale corvée.
Aux tranchées devant Chaulnes.
De 2 heures du matin à 7 heures nous allons creuser des fosses pour enterrer les morts, cela sous un bombardement intense.
Les sapes allemandes occupées par ceux-ci avant notre offensive sont pleines de cadavres (quelques-unes seulement), cela par suite d’un violent bombardement par notre artillerie qui les a ensevelis tout vivants.
La nuit nous continuons notre pénible besogne d’aller enterrer les morts de notre régiment. Nous n’avançons pas de faire des fosses et, pendant notre travail, c’est souvent qu’il faut se coucher dedans, dans l’attente que le bombardement se calme, pour continuer ce macabre travail.
Repos dans la journée.
A la tombée de la nuit, ravitaillement près des « Wagons Brûlés » dont l’endroit est bien repéré.
De 2 heures à 7 heures : Creusage des fosses et ensevelissement des morts près du village de Lihon.
Comme la veille.
Dans la journée, me rasant dans la tranchée, un obus français lancé contre un avion ennemi, tombe à 20 cm de moi sans éclater. heureusement car c’en était fait de moi.
Au moment où nous sommes en route pour aller au ravitaillement, l’artillerie allemande déclenche un violent tir de barrage. Nous nous couchons à plat ventre dans les boyaux et dans la boue, attendant que ça passe.
A notre retour nous allons ramasser les blessés.
Au moment où nous quittons les tranchées, les Allemands contrattaquent.
Les mitrailleuses crachent sans arrêt et les obus tombent abondamment. Dans les boyaux c’est la bousculade car le régiment qui vient nous relever, est affolé et nos pertes sont sérieuses.
Pendant l’accalmie, nous
recevons l’ordre de ramasser et conduire les blessés au poste de secours. Il
fait un temps affreux et le ciel étant très couvert on trouve difficilement son
chemin, tombant de temps à autre dans des trous d’obus plein d’eau.
Ah ! Combien nous serions heureux que les jusqu’au-boutistes prennent notre place, pendant seulement quelques jours, pour leur montrer un peu ce qu’est la guerre.
Ils pourraient se rendre compte combien nous avons raison de réclamer la paix. Hélas quand viendra-elle ?...
Vers 5 heures du matin, complètement
fatigués nous rejoignons notre régiment descendu à Hangest(-en-Santerre).
Hangest.
Au repos.
Hangest.
Au repos.
Je vois un camarade du pays nommé GIMET, capitaine au 105ème régiment d’infanterie.
Hangest.
Au repos.
Hangest.
Idem.
Hangest.
Id.
Hangest.
Au repos.
Nous faisons répétition.
Hangest.
Au repos.
Nous donnons concert.
Hangest.
Au repos.
Le 92ème recevait pour sa brillante conduite à Chaulnes une seconde citation à l’ordre de l’armée :
« Chargé, le 6 septembre
1916, sous le commandement du Colonel Lejeune de l’attaque d’une position
dominant la plaine et très solidement organisée, s’est élancé à l’assaut dans
un élan irrésistible, franchissant le terrain complètement découvert qui le
séparait des batteries ennemies de tous calibres.
Après une lutte corps à
corps acharnée, a enlevé la position et réussi, grâce à sa ténacité inlassable,
à s’installer définitivement sur le terrain conquis, après avoir rejeté dans
leurs lignes plusieurs contrattaques appuyées de mitrailleuses. »
Au G.Q.G., le 30 octobre 1916,
Le général commandant en chef :
Signé : JOFFRE
Après cette citation le 92ème R.I.
reçoit la fourragère.
Mois de novembre 1916
Hangest.
Dans la matinée je revois Léon revenu de « perme ».
A 2 heures du soir, nous quittons Hangest pour aller cantonner à Rosière où nous restons 1 heure, ensuite nous remontons en première ligne dans les anciennes tranchées allemandes devant Chaulnes un peu plus en avant que la dernière fois.
Aux tranchées.
Nous aménageons une sape occupée précédemment par les Allemands, pour y loger. Le secteur est un peu calme.
Aux tranchées.
Rien à signaler.
Idem
Marcel DÉMONNET m’écrit qu’il est décoré de la croix de guerre.
Nous employons notre temps à nettoyer et à aménager les boyaux dans lesquels on s’enfonce dans la boue jusqu’aux genoux. Ce travail se fait la nuit à 100 mètres des « Boches ». heureusement que ceux-ci sont sages.
La fourragère est accordée à notre régiment après ses deux citations à l’ordre de l’armée « Verdun et la Somme ».
Aux tranchées.
Nous nettoyons les boyaux dans lesquels on s’enlise jusqu’aux genoux.
Il pleut presque journellement, et la boue abonde.
Aux tranchées.
Même travail que la veille.
Aux tranchées.
Violente canonnade nous obligeant à regagner nos abris en vitesse.
Aux tranchées.
Impossible de sortir de nos abris car la canonnade est violente. On en profite pour faire la chasse aux « totos ».
L’ouverture de l’abri où nous sommes étant tournée face aux Boches (cet abri étant à eux avant notre offensive) un obus pénètre jusqu’au fond, et, par miracle n’éclate pas.
Heureusement, sans quoi, pas un seul ne s’en tirait.
Aux tranchées.
Journée calme.
Nous retournons en première ligne continuer le nettoyage des tranchées.
Aux tranchées.
A la tombée de la nuit, nous quittons les tranchées pour aller au repos au Bois des Ballons.
Bois des Ballons.
Repos.
Idem.
Idem.
Idem.
Bois des Ballons.
Repos.
Nous assistons à une remise de décorations ; 4 musiciens (GRANDCHAMPS, VAURIS, GRENIER, GARDETTE) sont décorés de la croix de guerre.
Bois des Ballons.
Repos.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Bois des Ballons.
Repos.
Un musicien est évacué pour maladie (AUFAURE).
Bois des ballons.
Repos.
Nous quittons au matin le bois des Ballons pour aller cantonner, en passant par Le Quesnel et Hangest, à Le Plessier (8 km).
Le Plessier.
Je vais voir mon ami Marcel DÉMONNET.
Le Plessier.
Je vais voir mon ami Marcel DÉMONNET.
Idem.
Le Plessier (Somme).
Le général ANTHOINE du 10ème corps, nous passe en revue à 7 heures du matin. Il décore le drapeau d’une 2ème palme qu’il agrafe à la croix de guerre.
A 9 heures nous quittons Le
Plessier.
Nous passons à Laneuville, Braches, Aubvillers, Gravesnes, Le Plessier, Villers, Tournelle, et nous arrivons après 18 km de marche à Broyes où nous cantonnons.
Mois de décembre 1916
Broyes (Oise).
Nous partons de bon matin, nous passons à Plainville, St Morainvillers, Gannes, Ansauvillers, Catillon et nous cantonnons à Mourard (24 km).
Nous quittons Mourard de bon matin.
Nous passons à Le Mesnil-sur-Bulles, Bulles, Monceaux, Lorteil, Etouy, Ronquerolles, Ramecourt, Clermont, Rantigny, et nous cantonnons à Liancourt (29 km).
Nous quittons Liancourt à 5H30 du matin.
Nous passons à Maigneville, Nogent-les-Vierges, Creil, Aumont, Senlis, et nous cantonnons à Barbery (26km).
Barbery (Oise).
Journée de repos.
Nous quittons Barbery au matin pour aller, en passant par Auger et Duvy, à Crépy en Valois (Oise) 20 km.
Nous restons à Crépy jusqu’à 9 heures du matin, ensuite nous allons embarquer à Ormoie-Villers (8 km).
Le train démarre à 4 heures du matin.
Nous prenons la ligne de Château-Thierry, Épernay, Chalons sur Marne, St Dizier, Joinville, Neufchâteau et nous débarquons.
Au matin à Lifou-le-Grand, ensuite nous allons cantonner à Semilly (Haute Marne) 13 km.
Semilly (Hte Marne).
Repos.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Semilly (Hte Marne).
Repos.
Je vais passer la soirée à Vesaignes (3 km) avec Léon et Tantôt.
Semilly (Hte Marne).
Repos.
Semilly (Hte Marne).
Nous allons faire une bonne bombe à St Blin (4km).
Semilly (Hte Marne).
Repos.
Idem.
Semilly (Hte Marne).
A la nuit je vais à Vesaignes passer la soirée avec Léon, René et Ricard.
Semilly (Hte Marne).
Repos.
Semilly (Hte Marne).
Repos.
Idem.
Semilly.
Vaccination.
Nous donnons concert. Je vais me coucher sitôt après.
Semilly. Je reste au lit toute la journée, les vaccins me donnant la fièvre.
Semilly.
Nous partons faire des manœuvres par un temps affreux.
Semilly.
Comme la veille.
Semilly.
Nous donnons concert.
Programme :
1° Le Grognard, pas red.
2° Ballet Egyptien n° 1 ; 2 ; 3 ; 4.
3° Les Cloches de Corneville.
4° Brise d’Italie, Valse.
5° Marche Lorraine.
Semilly.
Manœuvre toute la journée.
Je vois mes amis René, RICARD et VAISSADE A.
Semilly.
Manœuvre très pénible par un temps épouvantable.
Semilly.
Nous terminons l’année en donnant concert.
Musiciens tombés au champ
d’honneur pendant le cours de l’année 1916 :
VIAL, GIRONDE, GODIN.
Musiciens blessés : BOYER, MOREL, PRULHIÈRE, TUQUET.
Musiciens ayant quitté la musique : GIOUX, MASSOTIER et DUPUIS (ce dernier par mesure disciplinaire).
Année 1917
Chef : Mr SALVAN
Grande Flûte : Quod sous-chef MAJÉRUS
Petite Flûte : POUZAT
Petite Clarinette : BOUÉ
Hautbois : FULCHIRON ; CARMÉLINO
Premières Grandes Clarinettes : VAURIS, GRANDCHAMPS, BUIS, CHARLES, MALLE, DERUMIGNY
Deuxièmes Grandes Clarinettes : CHONION, MALASSAGNE
Saxophones Alto : MEILLER, FRACHON
Saxophones Ténors : ROCHON, PRULHIÈRE, COMBES
Saxophones Barytons : BASTID, (Camille) BORROT
Altos : BERTHOLET, THUEL
Barytons : GARDETTE, GODARD, DUMONTEL
Basses : ROBELIN, MATHAUD, MAÎTRE, CHARLOT
Contre Basses : CUBIZOLLE, LECOQ
Grosse Caisse : AMBLARD
Tambour : COULAUD
Trombone : CHAMPROBERT, SEULIN, PIARROUX
Pistons : GRENIER, AUFAURE, VINCENT, FAURY, SAUX
Bugles : LAMOINE, DAVID, CHABOZY, BOUILLOT.
Semilly (Haute Marne).
2 voitures nous emmènent dans la soirée pour donner concert à St Blin à la division.
Programme :
1° Grognard, Pas red.
2 ° Ballet Egyptien N° 1 ; 2 ;3 ;4.
3° Les Saltimbanques, Fantaisie.
4° Fiançailles, Valse.
5° Marche Lorraine.
A la fin du concert le général
de division nous félicite et remet 20f à notre chef pour nous payer à boire.
La veillée, nous allons faire la bombe à St Blin. Nous buvons le champagne.
Semilly.
Repos.
Un camarade évacué (CUBIZOLLES).
Semilly.
Repos.
On nous vaccine de nouveau.
Semilly.
Repos.
Un camarade nous quitte (SEULIN).
Semilly.
Repos.
Veille de départ en « perme ».Je fais une bonne bombe.
Semilly.
Repos.
Je pars en « perme » avec LAMOINE. Nous prenons le train à St Blin à 8 H 42. Nous prenons la ligne St Blin, Chaumont, Paris, Vichy.
J’arrive à 4 heures du matin à Cusset.
Je reste dans ma famille, heureux de pouvoir me reposer quelques jours, sans avoir à craindre de subir le moindre bombardement.
Pendant ma « perme » j’ai la joie de passer 3 jours avec mon frère Louis venu en permission exceptionnelle pour me voir. J’ai également le plaisir de voir quelques amis du Pays : MASSET, SINTUREL, Marcel DÉMONNET avec lequel j’ai l’occasion d’aller déjeuner un jour à Chassignol.
Je quitte Cusset avec regret de retourner où çà barde.
Je prends la ligne Vichy, Paris. Étant avec LAMOINE nous restons 7 heures à Paris profitant de visiter la capitale.
Paris.
A 3 h du matin, nous prenons la ligne de Bar-le Duc, Neufchâteau.
A Neufchâteau, nous rencontrons un musicien (AUFAURE). Celui-ci évacué précédemment rejoint au front.
A Neufchâteau, nous apprenons que notre régiment est parti dans l’Oise. Nous partons tous les 3 dans un wagon à bestiaux, sans paille pour pouvoir se coucher.
Comme il fait un froid terrible, je décroche (avant de partir de Neufchâteau) une grosse lampe, laquelle servira à nous éclairer et nous réchauffer. Nous souffrons beaucoup du froid vu que les planches du wagon ne joignent pas. (*)
Nous allons de Neufchâteau à Troyes, nous prenons la grande ceinture et nous descendons à La Plaine St Denis pour aller déjeuner en ville.
Nous en repartons à 4 h du soir. De Nanteuil nous rejoignons la musique à Chèvreville (6 km).
(*) : Le début de l’année 1917 a été très froid. Des
températures de moins 15 étaient fréquentes.
Chèvreville (Oise).
Nous donnons concert.
Programme :
1° Retraite, Marche.
2° Marche Indienne (Sellenick).
3 °La fille de Mme Angot.
4 °Pour avoir la fille, Mazurka.
5 °Micaela ; Valse.
6 ° Refrain des Aciéries (Massenet).
Chèvreville.
Repos.
Chèvreville.
Repos.
Chèvreville.
Repos.
Nous quittons Chèvreville.
Les autos nous emmènent de Nanteuil à Senlis et de Senlis à Compiègne, Chevincourt, où nous descendons pour y cantonner.
Chevincourt (Oise).
Il fait un froid terrible. Tout gèle : vin et pain. Je couche dans une étable et je n’ai pas trop froid les nuits. Il est vrai que nous sommes enfouis dans la paille et çà nous préserve bien du froid.
Mois de février 1917
Chevincourt (Oise). Un musicien évacué (FAURY).
Il y a moins 27° de froid. (*)
(*) :
C’est exact, début 1917 la température est descendu certains jours au-dessous
de 20. La Seine et la Marne sont gelées. À Rouen, les bateaux vapeurs sont
bloqués, pris par la glace. Le ravitaillement de la capitale est stoppé. Dans
les tranchées, pour les Poilus, ce sera le pire hiver de toute la guerre. Des
conditions que les Poilus n'ont jamais oubliées, ils ont dû attendre jusqu'à la
mi-février pour sortir de cet enfer.
Chevincourt. J’ai la visite de (Gustave) René LUTRAT et nous passons ensemble une bonne soirée.
Chevincourt.
Nous quittons Chevincourt à 7 h 30 du matin par un froid terrible où nous n’arrivons même pas à nous réchauffer pendant la marche.
Nous passons à Villers-sur-Coudun, Braisnes, Monchy, Humières, Remy, Canly et Le Fayel où nous cantonnons.
Étape de 27 km.
Le Fayel (Oise).
Repos. Le froid est très rigoureux. Moins 28°.
Le Fayel.
Le général FAYOLLE nous passe en revue. Il fait très froid et nous en souffrons beaucoup.
Le Fayel.
Repos.
Nous quittons Le Fayel à 8 h du matin.
Nous passons à Canly, Remy, Monchy, Brais-nes, Villers-sur-Coudun, Marest où nous cantonnons après avoir fait 27 km. Ce n’était vraiment pas la peine de nous faire quitter Chevincourt le 4 pour y revenir tout près le 8 après avoir fait 54 km, bien inutilement.
Marest-sur-Matz.
Nous quittons Marest pour aller en ligne. Nous passons à Élincourt et nous allons cantonner dans d’immenses carrières appelées « Carrières Martin ».
Carrières Martin (Oise). Les carrières sont très bien aménagées, toutes éclairées à l’électricité. A l’intérieur il fait bon et les obus peuvent tomber qu’on ne risque rien.
Dans ces carrières cantonne la musique du 121ème. J’ai le plaisir d’y voir mes amis (Gustave) René LUTRAT, RICARD ainsi que GERVY, GRAS, VAISSADE A., Léon TÉZIÈRE qui m’apprend son départ en « perme » à Cusset pour le lendemain.
Carrières Martin.
Nous allons matin et soir travailler dans les boyaux.
Carte du JMO qui permet
de situer la carrière Martin et la carrière Chauffour
Carrières Martin.
Nettoyage des boyaux matin et soir (secteur agité où l’on devine sous peu une offensive de notre côté).
Carrières Martin.
Dans la soirée le chef de musique m’envoie à Élincourt relever AMBLARD, pour la garde des instruments.
Élincourt.
Me voilà passé à la garde des instruments, à l’abri de tout danger.
Élincourt.
Gardien des instruments.
Mois de mars 1917
Élincourt.
Gardien des instruments.
Élincourt.
Gardien des instruments.
Élincourt.
La musique descend. Je revois tous mes camarades.
Nous quittons Élincourt pour aller cantonner à Marest.
Marest-sur-Matz.
Repos.
Marest-sur-Matz.
Nous allons donner concert à Rimberlieu (4 km) à l’ambulance.
Marest-sur-Matz.
Nous allons donner concert à Longueil-Annel à l’ambulance. On nous offre vin chaud et cigares.
Marest-sur-Matz.
Nous allons donner concert à Clairoy (12 km) à l’ambulance dont le gestionnaire est le fils CORNILLON de Cusset avec lequel j’ai travaillé comme Clerc d’Avoué à l’étude Berthomier Avoué à Cusset.
Nous parlons un bon moment ensemble, et il nous offre à tous, vins et gâteaux.
Marest-sur-Matz.
Repos.
Marest-sur-Matz.
Je vais me promener à Chevincourt et le lendemain 13 à Élincourt.
Marest (Oise).
Je vais me promener à Élincourt.
Marest (Oise).
Nous allons donner concert à l’ambulance de Rimberlieu.
Programme :
1° Marche Provençale.
2° Menuet. Favori et menuet du Boeuf.
3° Gracieux Babil pour hautbois.
4° Le Czarine. Mazurka russe.
5° Marche des Alliés.
A la veillée, je vais à Élincourt.
Nous quittons Marest à 2 h du soir pour aller cantonner aux Carrières Martin où je retrouve mes amis (Gustave) René LUTRAT et RICARD.
Prêt à attaquer l’ennemi, celui-ci se dérobe, et pas à pas, on le suit.
Devant nous, aucune résistance. (*)
(*) :
Il s’agit du retrait stratégique des Allemands de 1917 pour raccourcir leur
front et « économiser » des divisions.
Nous cantonnons aux Carrières Chauffour.
Nous quittons les Carrières Chauffour.
Nous poursuivons notre avance, passons les lignes allemandes ; le village de Thiescourt complètement détruit par notre artillerie.
Au carrefour d’une des rues, les Allemands avaient laissé la pancarte suivante en français : « Plus de 10 000 civils français, femmes et enfants sont à Noyon. ».
Nous continuons notre avance, passons à Evricourt où nous remarquons dans l’église un bûcher installé où il n’y avait plus qu’à mettre le feu. Les Allemands ont été surpris trop vite pour ne l’avoir pas fait. Nous arrivons à Suzoy et y restons en cantonnement.
Dans l’école, nous remarquons des tableaux (faits par les allemands) d’une beauté incontestable.
Nous quittons Suzoy au matin, nous passons à Larbroye et une partie de la journée, nous restons dans un champ, attendant les ordres pour continuer l’avance.
Notre régiment, le 92, a l’honneur de rentrer le premier à Noyon où une ovation formidable lui est faite par les civils qui attendent leur délivrance depuis 1914.
Nous revenons coucher à Suzoy.
A 1 h du soir ; nous quittons Suzoy pour aller à Noyon rendre les honneurs au général en chef NIVELLE.
Celui-ci arrive à 3 h. Avant son arrivée, nous défilons dans les rues, nous rendant place de l’hôtel de ville. Le général Nivelle est reçu par M Noël, sénateur-maire de Noyon.
La population nous acclame avec joie et des gerbes sont offertes au général. Après avoir joué la marseillaise, nous donnons concert, place de l’hôtel de ville.
Noyon (Oise).
Après avoir rendu les honneurs au général NIVELLE, nous donnons concert sur la place de l’hôtel de ville.
Programme :
1° Refrain des Aciéries.
2° mazurka de Bretagne.
3° Quand Même. Défilé (Salvan).
4° Marche d’Auvergne.
Notre concert terminé, le
général vient nous féliciter. Nous jouons la marseillaise.
Ensuite, nous partons et traversons la ville en jouant, acclamés sur tout notre parcours par une foule folle de joie. Nous retournons cantonner à Suzoy.
Nous quittons Suzoy, passons à Larbroye-Noyon (en jouant), La Rozière, Baboeuf, La Bretelle et nous cantonnons à Mondescourt.
Ici, des civils campés dans l’église, nous racontent leurs souffrances endurées.
Mondescourt.
Nous y restons la journée.
Mondescourt.
Nous faisons les cantonniers, aidant à remettre les routes en état.
Mondescourt.
Nous faisons les cantonniers sur la route de Chauny (Aisne).
Nous quittons Mondescourt au matin.
Nous passons à Crépigny, Beaugies, Guivry, Villeselve. Nous quittons le département de l’Oise pour rentrer dans celui de l’Aisne et nous cantonnons à Beaumont-en-Beine à 18 km de marche, sous une pluie battante.
Beaumont-en-Beine (Aisne).
Repos.
Nous quittons au matin Beaumont-en-Beine pour aller cantonner à Laneuville.
Notre avance continue sans aucune résistance aux portes de Saint-Quentin.
A 8 h du soir, nous quittons Laneuville continuant notre avance.
Nous passons à Cugny, Aulzy, Saint-Simon, Hartemps et nous continuons à Grand-Séraucourt, village complètement détruit par les Allemands. Pour retarder notre avance de Noyon jusqu’à Saint-Quentin, les Allemands avaient fait sauter tous les carrefours des routes et raser tous les arbres en bordures de celles-ci.
Les Allemands commencent à résister furieusement.
Mois d’avril 1917
La 9e compagnie (capitaine DU RANQUET), dans une magnifique tâche de sacrifice, est portée à l’attaque de la côte 103 devant Saint-Quentin. L’ennemi se démasque aussitôt et la compagnie subit de grosses pertes.
Son dévouement n’a pas été inutile. Éclairés sur la position de l’ennemi, les 2e (commandant D’AULLENBOURG) et le 3e bataillon (commandant RAPENNE) s’emparent, après une lutte de 24 heures de deux avancées de la ligne Hindenburg, de la sucrerie et du village de Grugies.
Le lieutenant capturait 1 officier et 4 hommes. La lutte avait été opiniâtre.
A la tombée de la nuit, le 2e bataillon, tout en ligne, couchait
dans la neige à 50 mètres de l’ennemi.
Prévoyant une attaque, les Allemands profitaient de l’obscurité pour rentrer dans la ligne Hindenburg même. Les 2 bataillons les suivent et s’arrêtent devant la position formidable du Pire-Aller.
En plein jour, nous allons ramasser des blessés, en pleine vue
d’une saucisse boche qui nous repère. Nous attendons dans un ravin, espérant
que l’observateur de la saucisse aura perdu notre trace.
Hélas ! Au bout de quelques minutes, une violent rafale s’abat sur nous, tuant 2 brancardiers, 4 soldats, blessant 3 musiciens (MALASSAGNE, THUEL et BORROT (*)), ce dernier mortellement.
Nous ramenons les morts et les blessés en suivant la route de Saint-Quentin, à Grand-Séraucourt.
La nuit, nous retournons en ligne et, en avant des lignes, à
quelques mètres des Boches, pour y ramasser des blessés hurlant de douleur. heureusement pour nous que les Boches ne s’en aperçoivent
pas.
Notre retour fut plus dur car
les obus nous suivent tout le long de la route. En plusieurs fois ils tombent
si près que l’on voit sa dernière heure arrivée
Bref, tout se termina sans mal. On en fut quitte pour la peur et quelque ventre à terre.
(*) : BORROT Camille Antoine Claudius. Voir sa fiche.
Grand-Séraucourt (Aisne).
Nous retournons, en plein jour, ramasser les blessés. Le bombardement est violent.
Notre sous-chef est évacué d’une indigestion de « frousse ».
Grand-Séraucourt.
Le 3e bataillon attaque et prend les villages de Giffécourt et Grugies. Nous transportons les blessés. La fusillade par moments, est violente. Les balles sifflent autour de nos oreilles. Les obus tombent abondamment.
Carte du JMO, où l’on peut situer tous les villages du récit.
Grand-Séraucourt.
Le 3e bataillon enlève le village de Gauchy et parvient jusqu’aux portes de Saint-Quentin. Le transport des blessés est très dur car les Allemands ont un poste d’observation placé en haut de la cathédrale de Saint-Quentin, dominant et voyant tout ce que nous faisons.
L’artillerie ennemie bombarde avec violence ; un éclat me frappe légèrement au front, me faisant simplement une égratignure. Avec 3 de mes camarades, nous passons la nuit avec le 3e bataillon, dehors et, par un froid très vif.
La nuit passe dans le calme.
En ligne avec le 3e bataillon, nous transportons quelques blessés et morts parmi lesquels se trouve un aviateur anglais. Un obus tombe à 2 mètres de nous, ne faisant aucun mal.
A la tombée de la nuit, une équipe de musiciens vient nous relever. Nous descendons nous reposer à Grand-Séraucourt.
Repos.
Je vois un camarade du 98 (JAMES).
Notre régiment étant relevé par le 98 et 121, nous quittons au matin Grand-Séraucourt.
Nous passons à Hartemps, Saint-Simon et nous arrivons à Flavy-le-Martel (10 km). En cours de route, je vois mes amis René, Ricard et Tantot.
Flavy-le-Martel où nous cantonnons est complètement rasé. Nous couchons dans des caves.
Flavy-le-Martel.
Nous donnons concert. Programme :
1° Marche Indienne.
2° Bal-let russe n° 1, 2, 3, 4.
3° La Housarde.
4° Mireille. Fantaisie.
5° Marche sur les chansons de route.
Nous voyons une de nos « saucisses »
attaquée par un aéro boche qui la descend. L’observateur fait une descente en
parachute. Notre chef obtient son 2e galon.
Flavy-le-Martel.
Repos.
Nous quittons Flavy à 5 h du soir. Nous passons à Saint-Simon, Hartemps et nous revenons à Grand-Séraucourt.
Je vois mes amis René et Léon.
A 2 h du matin, nous quittons Grand-Séraucourt pour aller en ligne.
La 1ere équipe dont je fais partie, est désignée pour aller avec le poste de secours du 2e bataillon.
Les 25e et 26e divisions doivent attaquer Saint-Quentin : la 25e à gauche, la 26e à droite. Dans la 26e division, la tâche la plus du-re est donnée à 2 bataillons du 121e et au 2e bataillon du 92e.
Ce sont, parmi les bataillons de l’armée entrés dans la ligne, les seuls qui pourront conserver leurs positions.
A 5 heures du matin, la 5e et la 7e compagnies
se ruent sur leurs objectifs. Si la 5e est arrêtée dans sa progression par des
fils de fer barbelés formidables, elle n’en fait pas moins 30 prisonniers et,
contenue, fait ses tranchées tout contre les fils de fer ennemis.
La 7ème compagnie entre dans la ligne Hindenburg, s’emparant de la tranchée de Brandebourg, et progresse à la grenade jusqu’à la tranchée la Drave.
Son chef, le lieutenant CHIRON est blessé à mort en tête de sa compagnie. Il recevra, avant de mourir, la croix des braves. Le lieutenant ESTAGER prend le commandement ; il est blessé à son tour, et la 6ème qui marche au secours perd 2 officiers. Malgré les contre-attaques, malgré un écrasement journalier sous les obus et les torpilles, malgré les difficultés des ravitaillements en munitions et en vivres, malgré les pieds gelés, la 7ème compagnie, sous les ordres du lieutenant WEY, gardera son trophée dix jours, jusqu’à la relève du bataillon.
Nous transportons les blessés
sous un violent bombardement.
2 saucisses françaises sont incendiées par un avion allemand.
Toujours en ligne avec le 2ème bataillon. Transport des blessés.
Toujours en ligne avec le 2ème bataillon. Transport des blessés.
Un de nos camarades (BOUILLOT) est blessé et évacué. Mon frère Noël, classe 18, est versé ce jour au 98ème régiment d’infanterie à Roanne. (*)
(*) : Noël POUZAT, son frère, est bien au 98ème régiment
d’infanterie pour sa formation. Il passera au 16ème régiment d’infanterie en
janvier 1918, puis aux 133ème, 147ème avant d’être fait prisonnier en juillet
1918.
Toujours en ligne. Transport des blessés.
Ce travail est très pénible car vu la violence du bombardement, l’affreux temps qu’il fait (giboulées de mars), puis les nuits étant très sombres, on a de la peine à voir son chemin et à se garer des obus.
Même travail que la veille.
Même travail que les jours précédents.
Nous campons dans un talus et les obus boches nous prennent en enfilade. On risque la mort à chaque instant. Les blessés et morts sont nombreux. Nous sommes complètement éreintés, à force d’en transporter, surtout que le temps est très défavorable, et la canonnade toujours très violente.
Une de nos saucisses est encore incendiée par un avion boche.
Toujours en ligne.
Encore une de nos saucisses incendiée par un avion Allemand.
Toujours en ligne.
Un de nos avions est abattu par un allemand. Dans notre secteur l’aviation allemande est de beaucoup supérieure à la nôtre. Ils survolent nos lignes et notre artillerie les laisse faire.
Il en est autrement pour nos aviateurs que l’artillerie allemande canonne violemment, les empêchant d’approcher leurs lignes.
Toujours en ligne.
A la tombée de la nuit le 140ème régiment d’infanterie vient nous relever.
Les Allemands ont dû l’apprendre car toutes les routes et carrefours sont bombardés violemment au moment de la relève, et, nos pertes sont élevées, ainsi que celles du régiment qui vient pour prendre notre place.
Le bombardement dure près de 2
heures ; l’endroit où nous nous sommes mis à l’abri est bien repéré. Nous nous
décidons de le quitter pour aller derrière un talus à 50 mètres, sur notre
droite.
Là, aussi le coin est mauvais ; nous le quittons quelques instants après, sans trop savoir où aller pour mieux s’abriter. De tous côtés ce n’est que plaintes et cris de douleur poussés par les blessés.
Pensez-donc, un régiment qui arrive sur la route, la nuit, sans trop savoir ni connaître le secteur qu’il va prendre, les endroits pour s’abriter, se trouve surpris par un bombardement épouvantable.
Mon Dieu…Quel courage !...
Dommage que nos Patriotes de l’arrière ne soient pas présents pour s’en rendre compte et se faire une véritable idée de ce qu’est la guerre.
Le bombardement ayant cessé, nous recevons l’ordre de ramasser tous les blessés du 140ème d’infanterie dont la plupart des brancardiers ont été tués ou blessés.
Le reste de la nuit se passant dans le calme, nous sommes donc tranquilles pour faire cette triste besogne.
Au lever du jour nous allons rejoindre notre régiment à Grand Séraucourt.
Nous y restons jusqu’à 9 H ; ensuite nous nous rendons dans un bois à l’entrée du Village de Saint-Simon (Aisne).
Nous quittons ce bois dans la soirée.
Nous passons à Tugny, Dury, Pithon, Estouilly et nous cantonnons à Ham (Somme) après une étape de 12 km.
Nous voyons dans cette ville la forteresse où fut enfermé Napoléon III, et la statue du général FOY.
Nous allons au cimetière déposer une couronne sur la tombe de notre camarade (Camille) BORROT blessé mortellement le 1er avril et enterré à Ham.
A Ham, je vois 3 camarades de Cusset : CORRE, BARDIN, ROUET.
Nous quittons Ham, au matin.
Nous passons à Muille-Villette, Golancourt, Muirancourt et nous cantonnons à Crisolles (Oise), étape de 20 km. Un de nos camarades (PIAROUX) est évacué pour maladie.
Crisolles.
Repos.
Crisolles.
Repos. Notre sous-chef qui avait été évacué, revient vers nous.
Crisolles (Oise).
Au repos.
L’aviation ennemie de bombardement est très active la nuit. Plusieurs bombes sont lancées sur le village où nous sommes et chacun fait vite pour aller s’abriter dans les caves.
Comme la veille une bombe tombe en plein dans un cantonnement voisin du nôtre.
Au total 12 morts et 23 blessés.
Mois de mai 1917
Crisolles.
Repos. Journée et nuit calmes.
Nous quittons Crisolles à 7 heures du matin.
Nous passons à Muirancourt, Fréniches, Li-bermont et nous arrivons à Ercheu (Oise) après avoir fait 12 km, sous une forte chaleur.
Ercheu (Oise).
Repos.
Ercheu.
Nous donnons concert.
Ercheu.
Repos. Nous voyons passer les 72ème, 91ème et 136ème d’infanterie. Nous écoutons le concert donné par la musique du 136ème.
Nous quittons Ercheu à 8 heures du soir. Nous passons à Esmery-Hallon, Ham, Douchy, Fluquières et nous arrivons le 16 au matin à Vaux (Aisne) où cantonnent les troupes anglaises.
Vaux (Aisne).
Nous cantonnons dans le village avec les troupes anglaises.
Vaux (Aisne) près St Quentin.
Toujours dans le village avec les Anglais.
2 nouveaux musiciens entrent à la musique (DAVID et Autissier).
Vaux.
Repos.
Jour de Pentecôte - Nous quittons Vaux à 6 heures du matin pour aller cantonner à Aubigny. Avec plusieurs de nos camarades nous allons prendre un bain dans la Somme.
Aubigny (Aisne).
Repos.
Mois de juin 1917
Rubigny (Aisne).
Repos.
Rubigny (Aisne).
Avec 11 de mes camarades, je monte en ligne à la tombée de la nuit. Pour y aller, nous passons à Fluquières et Roupy.
Rubigny (Aisne).
En ligne à l’Épine de Dallon. Secteur à peu près calme.
Rubigny (Aisne).
En ligne à l’Épine de Dallon. Nous allons travailler à faire une sape en avant du village de Dallon, près de Saint-Quentin.
Rubigny (Aisne).
Comme la veille.
Rubigny (Aisne).
A la tombée de la nuit, nous sommes relevés et nous allons coucher dans un bois sur la route de Germaine.
Nous cantonnons dans le bois de Vaux.
Bois de Vaux.
Nous cantonnons dans le bois de Vaux. Tout le temps de notre séjour dans le bois de Vaux, je vois chaque jour, mes amis (Gustave) René LUTRAT, RICARD, VAISSADE du 121e.
Je quitte Vaux à 11 heures du soir avec mon camarade AUFAURE. Tous deux nous partons en permission.
Nous allons prendre le train à Ham.
Nous quittons Ham, à 8 heures du matin. Nous passons à Nesle, Chaulnes, Roye, Montdidier, Creil, Survillers, Paris, Vichy ou j’arrive le 23 à 5 heures du soir.
Je me rends à Cusset.
Mois de juillet 1917
Je quitte Cusset pour aller reprendre à Vichy le train qui doit me ramener au front.
Je retrouve à Saint-Germain mon camarade AUFAURE. Nous faisons route en semble et le 4 à 8 heures du soir, nous débarquons à Ham (Aisne).
Ensuite nous allons retrouver la musique dans le bois de Vaux où nous l’avions laissée.
Bois de Vaux.
Repos. Répétition.
Bois de Vaux.
4 nouveaux musiciens entrent à la musique. Ce sont : BOUÉ, CHONION, CRÉPIN, MAJÉRUS.
Bois de Vaux.
Nous nous préparons à aller passer la revue du 14 juillet à Paris. Sept musiques seulement doivent y prendre part. Ce sont celles des 7 premiers régiments ayant obtenu la fourragère. Nous avons donc eu la chance d’être de ce nombre.
Nous partons en auto à 10 h du matin, accompagnés du drapeau et 30 hommes pour embarquer à Ham. Nous prenons la ligne Ham-Chaulnes-Roye-Montdidier-Grande Ceinture et nous débarquons le 12 à Rosny-sous-Bois.
Ensuite, nous allons à pied cantonner à la caserne du 13e d’artillerie - Vincennes.
Comme nous avons quartier libre le soir ; nous allons nous promener dans la capitale. Nous soupons dans un restaurant Chartier, ensuite, nous allons à l’Eldorado voir jouer l’Entôleuse, pièce en 5 actes.
Après le spectacle, nous prenons le métro pour Vincennes.
Vincennes.
Caserne du 13e artillerie. Nous allons nous promener toute la journée dans Paris et le soir nous allons au cinéma Gaumont.
Dès 6 h du matin, nous quittons la caserne de Vincennes pour aller nous placer pour la revue.
A 8 h, le président de la république, M POINCARÉ, accompagné du ministre de la guerre, des généraux JOFFRE et FOCH, nous passe en revue ; ensuite commence le défilé.
La musique de la garde républicaine placée en face de la tribune présidentielle, nous fait défiler. Nous autres commençons à jouer quelques cents mètres plus loin.
Une foule innombrable nous acclame. Sur tout le parcours que nous suivons, les pièces d’argent, paquets de tabac, cigarettes, etc… pleuvent sur nous et, la consigne est de ne rien ramasser.
Nous réussissons quand même à
nous nous baisser de temps à autre (quand nous nous arrêtons de jouer) et nous
ramassons quelques pièces, paquets de tabac, etc. La foule est ivre de joie.
Tous crient « Vivent les
Poilus !! ».
Partout, c’est du délire et, pendant ce temps nous marchons, jouons toujours nous demandant si cette triste corvée ne va pas bientôt prendre fin. (*)
Partis de la place de la Nation, après avoir suivi tous les grands boulevards, la dislocation se fait place Denfert-Rochereau ; ensuite nous regagnons la caserne de Vincennes où la soupe très peu améliorée nous attend.
Il est près de 4 h lorsque nous arrivons, complètement exténués de fatigue.
(*) : ‘’ Triste corvée ‘’. On remarquera en agrandissant qu’aucun
des visages des poilus (ici le 140e RI à gauche) est souriant.
Confirmé par cette photo de soldats du 147ème régiment d’infanterie
Vincennes.
Caserne du 13e artillerie.
Nous allons nous promener toute la journée dans Paris et la veillée, nous allons à l’opéra-comique voir jouer Mignon.
Après le spectacle, nous prenons le métro pour Vincennes.
Après la fête, la perspective du retour au massacre …
Nous quittons Vincennes à midi pour aller embarquer à Nogent-le-Perreux (7 km).
Nous débarquons à Ham, ensuite nous allons retrouver notre régiment à Villeselve (Oise).
Villeselve (Oise). Nous donnons concert.
Programme :
1° Marche Lorraine.
2° L’Auvergne. Mazurka.
3°Menuet Favori et Menuet du Bœuf.
4° La Zingara. Mazurka.
5° Fiançailles. Valse.
6° Refrain des Aciéries.
Villeselve (Oise). Repos.
Nous quittons Villeselve à 1 h du matin. Nous allons embarquer à Ham (8 km).
Le train démarre à 6 h.
Nous passons par Chaulnes, Montdidier, la Grande Ceinture, Coulommiers, Épernay.
Nous débarquons à Chavanges dans l’Aube à 4 h du matin.
Nous allons cantonner à Balignicourt (Aube) 11 km. A 7 h du soir, nous quittons Balignicourt pour aller cantonner au camp de Saint-Ouen (Marne) près du village du même nom.
Camp de Saint-Ouen.
Le 121e s’y trouvant, je vois mes amis René, Léon, RICARD, VAISSADE A, TANTOT.
A 6 h j’assiste au concert donné par la musique du 121e infanterie.
Camp de Saint-Ouen.
A 6 h nous donnons concert.
Camp de Saint-Ouen.
Concert par la musique du 121e.
Camp de Saint-Ouen.
Nous donnons concert.
Camp de Saint-Ouen.
Concert par la musique du 121e.
Camp de Saint-Ouen.
Nous donnons concert.
Les musiciens sont décorés de la croix de guerre. BOUILLOT, MALASSAGNE blessés devant Saint-Quentin, BARROT, décédé à Ham (médaille militaire et croix de guerre).
Ce dernier à titre posthume.
Camp de Saint-Ouen.
Concert par la musique du 121e.
Un de nos camarades (COMBES) est évacué pour maladie.
Camp de Saint-Ouen.
Nous donnons concert.
Un nouveau musicien entre vers nous (BASTIDE)
Camp de Saint-Ouen.
Concert par la musique du 121e.
Camp de Saint-Ouen.
Le mauvais temps nous empêche de donner concert.
Mois d’août 1917
Camp de Saint-Ouen. (Marne).
J’assiste au concert donné par la musique du 121e. Dans ce camp, nous passons du bon temps, faisant répétition tous les matins et concert tous les deux jours.
Pendant ce temps, notre régiment perfectionne son instruction pour se préparer à un nouveau massacre.
Camp de Saint-Ouen.
Nous donnons concert.
Camp de Saint-Ouen.
Concert par la musique du 121e.
Camp de Saint-Ouen.
Nous faisons répétition avec la musique du 121e.
A 3 h du soir, nous allons ensemble, rendre les honneurs au général en chef PÉTAIN venu pour donner des instructions à tous les officiers de la division.
Camp de Saint-Ouen.
Concert par la musique du 121e.
Camp de Saint-Ouen.
Nous donnons concert.
Camp de Saint-Ouen.
Une troupe vient donner une représentation à laquelle nous assistons.
Mes camarades RENÉ, RICARD, musiciens au 121e quittent le camp avec leur régiment.
Camp de Saint-Ouen.
Pendant tout notre séjour au camp, les veillées passées dans nos baraquements furent théâtrales. J’entends par là que bon nombre de camarades y prirent de bonnes cuites, faisant la pantomime tous les soirs.
L’ami Léon TÉZIÈRE fut souvent en vogue avec son cheval qu’il faisait entrer dans notre baraquement. Combien de fois se serait-on cru au cirque !
Hélas ! Après tous ces bons moments, le spectre de la mort apparaît encore.
Nous quittons le camp à 7 h du matin. Nous allons embarquer en auto au village de Saint-Ouen.
Nous partons vers 10 h, passons à Somsois, Châtelraoud, Blacy, Vitry-le-François, Vitry-en Perthois, Changy, Vaurant-les-Dames, Saint-Mart et le Mont Givry-en-Argonne, Charmontois, Sénard, Thriaucourt, Numécourt, Fleury, Ippécourt et nous débarquons à Jubécourt (Meuse) pour y cantonner.
Jubécourt (Meuse).
Repos.
Jubécourt (Meuse).
Je vais me promener à Brocourt.
Jubécourt (Meuse).
Je vois un camarade du pays. (Gervy).
Jubécourt (Meuse).
Repos.
Nous quittons Jubécourt à 3 h du matin pour monter en ligne.
Nous sommes en ligne en face de la côte 304.
Notre division a pour objectif les formidables tranchées ennemies s’étendant de la fameuse côte 304 au bois d’Avocourt. Au régiment commandé par le Colonel LEJEUNE, l’attaque sera menée par le 1er et le 3e bataillon en première ligne, le 2e en réserve.
L’attaque se déclenche après un bombardement intense des premières lignes ennemies.
Le 1er bataillon (commandant SEVIN) s’empare en vingt minutes de tous ses objectifs, faisant une centaine de prisonniers. Plus difficilement, le 3e bataillon (commandant RAPPENEAU) arrive à sa hauteur.
Le 2e (commandant D’OULLENBOURG) a franchi, malgré un tir d’obus toxiques intense, la forêt de Béthelainville et s’établit, à travers un gros barrage, en soutien des 1er et 3e bataillons.
La lutte avait été dure devant
le 1er bataillon où une série de combats corps à corps se déroula sans
interruption sur tout le front. Tous les nids de résistance furent
successivement détruits et la position réorganisée. Nos pertes furent élevées.
L’attaque terminée, nous ramassons les blessés sous un violent bombardement.
Nous continuons toute la journée et toute la nuit à ramasser les blessés et le bombardement est effroyable. Les Allemands essaient une contre-attaque qui échoue.
Pendant le transport des blessés, un de nos camarades musiciens (FRACHON) est blessé mortellement.
Même travail que la veille. 1 musicien (AMBLARD) est blessé.
Les Allemands bombardent violemment avec des obus toxiques. 1 musicien (GARDETTE) est fortement intoxiqué. Le transport des blessés se fait très péniblement.
Journée de repos pour nous.
Dans l’abri où nous sommes (celui-ci rempli de blessés) notre sous-chef, ivre mort, se distingue en vomissant sur les blessés, provoquant parmi nous une fureur écœurante.
Toujours en ligne.
Bombardement très violent. Nous ramassons des blessés.
Toujours en ligne.
Journée calme.
Toujours en ligne. Journée calme.
Je reçois une lettre de mon frère Noël, m’apprenant la mort de mon cousin Marcel GUÉRY, tué à Salonique.
Nous descendons des lignes après un stage de 10 jours entre la vie et la mort. Je m’en tire encore pour cette fois. Nous cantonnons à Jubécourt.
Jubécourt.
Repos.
Jubécourt.
Repos.
Je revois mes camarades LUTRAT R(ené), RICARD, VAISSADE et TANTOT, redescendus sains et saufs de l’attaque.
A la suite de l’attaque, notre médecin-chef ARBEZ, s’occupant du service des brancardiers, reçoit la Légion d’Honneur avec juste mérite. Et notre régiment est une fois de plus, cité à l’ordre de l’armée :
« Le 20 août 1917, sous
le commandement du Colonel Lejeune, a atteint d’un seul élan tous les objectifs
qui lui étaient assignés, malgré les pertes élevées, réalisant une avance de 2
km à travers toutes les organisations d’une position très forte et prenant à
revers les défenses de la Côte 304.
A participé à la
progression du 25 août en appuyant l’attaque de l’ouvrage du Peyrou et est
resté ferme à son poste sur le champ de bataille du 17 au 29 août, ajoutant à
l’ardeur irrésistible de ses attaques le mérite d’une endurance exceptionnelle.
»
Au QG le 30 août 1917
Le général commandant la 2e armée
Signé GUILLAUMAT
Mois de septembre 1917
Jubécourt (Meuse).
Nous quittons Jubécourt à 4 h du soir pour aller prendre les autos. Nous passons à Rarécourt, Froidos, Foucaucourt, Waly et arrivons à Vaubécourt (Meuse) 25 km vers 7 h du soir.
Vaubécourt (Meuse). Repos. Nous donnons concert. Programme :
1° Marche Richard Wallace.
2° L’Auvergnate. Mazurka.
3° Le Pré aux Clercs. Fantaisie.
4° Gracieux babil Haubois.
5° Fiançailles. Valse.
Vaubécourt (Meuse). Repos.
Vaubécourt. Concert.
1° D’Artagnan. Pas red.
2° Au Pays Lorrian. Ouverture.
3° Le Vizeux Ménétrier pour hautbois.
4° Les Cloches de Corneville. Fantaisie.
5° Valse poudrée.
6° Pour avoir la fille Mazurka.
Vaubécourt. Concert.
1° Les cadets pas red.
2° La Zingara. Mazurka.
3° Confidences gavotte.
4° Rip Fantaisie.
5° Hyménée. Valse.
6° La Petite Tache Noire. Pot-pourri.
Vaubécourt. Concert.
1° Joyeux Poilus. Pas red.
2° Marche militaire de Schubert.
3° La fille de Madame Angot. Fantaisie.
4° La Mousnée. Mazurka.
5° Mireille. Valse.
6° Le Père la Victoire.
Vaubécourt.
Concert.
1° Retraite. Marche.
2° Menuet. Favori.
3° Menuet du Boeuf.
4° Ollé. Valse.
5° Carmen. Fantaisie.
6° En route. Pot-pourri.
Vaubécourt. Concert.
1° Viva el torero.
2° L’Arlésienne ; intermezzo.
3° Mazurka fantastique.
4° Les Saltimbanques. Fantaisie.
5° Au pays des Cigales. Farandole.
6° Marche L’Auvergne.
Vaubécourt. Concert.
1° Les Banderilleros.
2° L’Arlésienne. Carillon.
3° La Housar-de. Valse.
4° Mireille. Fantaisie.
5° Marche de Bretagne.
Vaubécourt.
Concert.
1° Marche Indienne.
2° Parade Militaire.
3° La Feria nos 1, 2, 3.
4° L’heure du Berger pour hautbois.
5° Marche des Alliés.
Vaubécourt. Concert.
1° Le Grognard.pas red.
2° Reguerdas della Espana (Salvan)
3° Gracieux Babil pour Hautbois.
4° Ballet Egyptien nos 1, 2, 3, 4.
5° Le Sang Gaulois. Pas red.
Vaubécourt. Concert.
1° Défilé du 92 (Salvan).
2° Marche Lorraine.
3° Polyeucte. Fantaisie.
4° Brice d’Italie.
5° Marche Provençale.
Vaubécourt. Concert.
1° Sidi Brahim.
2° Le Voyage en Chine. Fantaisie.
3° Quand même (Salvan).
4° La Vivandière.
5° Fiançailles valse.
Vaubécourt. Meuse.
Concert supprimé à cause du mauvais temps.
Vaubécourt. Meuse.
Concert supprimé à cause du mauvais temps.
Vaubécourt.
Je pars en permission avec mon camarade Lamoine.
Nous prenons le train à Vaubécourt vers 10 h du matin. Nous passons par Révigny, Châtillon-sur-Seine, Avallon, Clame-cy, Cosne, Nevers, Saint-Germain et j’arrive à Vichy le 17 à 4 h du soir.
Je passe ma permission à Cusset, content de me trouver une fois de plus près de ma famille.
Je quitte Cusset pour aller prendre à Vichy le train de 23 h.
Je retourne au front par la ligne de Moulins, Montargis, Corbeil, Noisy-le-Sec, Vaires Torcy, Meaux, Château-Thierry, Epernay, Châlons-sur-Marne, Vitry-le-François, Revigny, Sainte-Ménéhould et Clermont-en-Argonne où je débarque le 29 à 9 h du matin et je rejoins la musique à cet endroit.
A mon arrivée, mes camarades m’apprennent la relève de Robelin qui s’est disputé avec le chef. Celui-ci a été versé dans une compagnie.
Clermont-en-Argonne.
Repos.
Clermont-en-Argonne (Meuse).
Repos. Les aéros allemands viennent la nuit jeter des bombes sur la gare près de laquelle nous cantonnons. Nous descendons nous abriter dans des caves.
Clermont.
Comme la veille.
Clermont.
Impossible de dormir tranquille car les aéros allemands viennent mitrailler et jeter des bombes sur la ville, tuant plusieurs soldats.
Clermont.
Comme les jours précédents.
Clermont.
Comme les jours précédents. J’ai la visite de Léon.
71
Nous quittons Clermont pour monter en ligne à Vauquois à la tombée de la nuit. Nous passons à Neuvilly, prenons la route de Varennes, celle où fut arrêté Louis XVI et nous allons loger dans des abris creusés dans une butte à 10 km de Clermont.
Nous sommes en ligne dans un endroit que l’on nomme Forimont à quelques kilomètres du village de Neuvilly (Meuse).
Côtes de Forimont près Vauquois.
Pendant notre séjour à Forimont et d’après les ordres du colonel, nous allons journellement ramasser des pommes au village de Neuvilly pour faire du cidre. Tout alla pour le mieux les 2 premiers jours, mais le 3e, une saucisse boche nous ayant repérés sur les arbres, il s’ensuivit une forte canonnade qui nous obligea à descendre précipitamment des pommiers sur lesquels nous étions.
Barrés d’un côté par la Meuse, d’un autre par les barbelés, puis par un barrage d’obus sur la route, nous nous couchons à plat ventre dans un pré dans l’attente que le bombardement se calme. Ce fut un miracle qu’aucun de nous ne soit blessé. Pendant une bonne demi-heure, tous nous serrions les fesses.
Les jours suivants, ce fut plus calme.
Côtes de Forimont près Vauquois.
Je suis désigné pour aller au 3e bataillon qui se trouve à l’endroit appelé le « Bois Noir ». Mon travail consiste à aller toutes les nuits avec 2 petits ânes ravitailler en eau les compagnies du bataillon.
Travail très dangereux car avec ces sales bêtes qui s’arrêtent à tout instant pour brouter, le danger plane plus longtemps sur moi et il m’est impossible d’aller plus vite pour l’éviter. Mon retour se fait vers 3 h du matin et l’endroit où je couche avec ces ânes est infesté de gros lirons attirés là par l’avoine. Je passe le reste de la nuit sans pouvoir fermer l’œil car ces gros rats font autour de moi une gymnastique effrénée.
Même travail que la veille.
Même travail que la veille.
Mes camarades musiciens s’étant rapprochés de moi, je vais les soirs suivants après ma corvée, coucher vers eux, m’ennuyant trop de rester seul dans un endroit isolé.
Pendant que nous soupions, le feu prend dans l’abri où nous couchons quelques-uns. Vivement, nous faisons la chaîne pour l’éteindre afin de ne pas attirer le bombardement boche sur nous. Ma capote, mes couvertures et tout ce qui se trouvait dans mon sac fut brûlé ; il en fut de même pour les copains qui logeaient avec moi.
Après l’incendie, je pars assurer mon ravitaillement nocturne.
Le Bois Noir.
Comme les jours précédents. Ravitaillement nocturne.
Le Bois Noir.
Comme les jours précédents. Ravitaillement nocturne.
Le Bois Noir.
Comme les jours précédents. Ravitaillement nocturne.
Le 3e bataillon étant relevé, je change d’itinéraire. Je ravitaille toujours de nuit avec ces maudits ânes le bataillon en ligne à la Butte de Vauquois.
La route de Vauquois est fréquemment balayée par les mitrailleuses boches.
Même travail que la veille. Mes camarades musiciens sont employés à porter des rondins dans la journée et, au passage, des ânes dont ils avaient la garde.
Surpris la nuit en pleine route par une rafale de balles et d’obus, je me blottis dans un trou attendant que l’orage soit passé. Après, je cherche mes ânes et ne les trouve pas. Il fait affreusement noir et il est défendu d’allumer du feu.
A mon retour, j’apprends que nous quittons les lignes pour aller au repos à Clermont-en-Argonne.
Alors, tant pis pour les ânes … Sont-ils rentrés ? Ont-ils été tués ? J’en ai rien su.
Clermont-en-Argonne.
Repos.
Clermont-en-Argonne.
Nous allons à 5 km passer une revue par le général Linder lequel remet une 3e palme à notre drapeau.
Clermont-en-Argonne.
Repos.
Nous quittons Clermont à 9 h du matin pour aller cantonner au camp Ribouleau (3 km).
Camp Ribouleau.
J’ai la visite de Gervy.
Camp Ribouleau.
Léon Tézière qui revient de perme, vient me voir.
Camp Ribouleau.
Camp Ribouleau.
Avec Léon et Gervy nous allons souper à Auzéville.
Camp Ribouleau.
Camp Ribouleau.
Je vois mes amis Pouthier, Gras. Nous allons ensemble voir (Gustave) René LUTRAT revenant de perme.
Vers 6 h, nous quittons le camp pour monter en ligne. Nous passons à Clermont, Aubréville et nous arrivons au camp Walmy dans la forêt de Hesse.
En ligne au camp de Walmy. Secteur calme.
Pendant notre séjour au camp de Walmy, nous allons nettoyer les boyaux et nous assurons, la nuit, la garde contre les gaz. Quelques camarades sont dans les bataillons pour assurer le service de brancardiers.
Le secteur est calme.
En ligne au camp de Walmy.
Je pars avec 3 camarades à la 5e compagnie. Celle-ci doit faire un coup de main dans la nuit et nous y allons pour le transport des blessés. La compagnie prend d’assaut la tranche boche et ne trouve personne.
Aucun blessé.
Nous quittons les lignes pour aller au repos au camp Ribouleau (15 km). Pour y aller nous passons par Aubréville, Vrincourt, Auzéville.
Camp Ribouleau. Repos.
Camp Ribouleau.
Repos.
Camp Ribouleau.
Repos. Un camarade évacué (Faury)
Camp Ribouleau.
Repos.
Camp Ribouleau.
Je suis désigné avec 3 camarades pour aller au 2e bataillon comme brancardier. Nous montons en ligne, passons par Clermont, Aubigny, Parois, ferme Bertrametz et arrivons au poste de secours du bataillon au Mamelon Blanc.
Je suis affecté à la 7e compagnie se trouvant à la butte de Vauquois en avant du village de ce nom dont on ne trouve nulle trace.
Butte de Vauquois.
Le calme s’est fait devant cette célèbre position et l’on assiste journellement à des rencontres fraternelles entre sentinelles boches et françaises.
Butte de Vauquois.
Je monte au petit Poste où se trouve notre sentinelle avancée. Je vois les 2 sentinelles boches qui nous font signe d’aller vers elles. Une dizaine de mètres nous séparent.
Butte de Vauquois.
La neige tombe en abondance et il fait mauvais à marcher dans les boyaux pour aller à la roulante. On dort mal les nuits car les boches travaillent dur à creuser des mines. Heureusement que ceux-ci nous préviennent lorsqu’ils veulent les faire sauter.
On fait de même de notre côté.
Ce secteur aujourd’hui si calme a été le théâtre de violents combats et la guerre des mines y faisait rage. On se rend compte de ses ravages en voyant les nombreux cimetières où quantité de camarades dorment leur dernier sommeil.
Butte de Vauquois.
Je visite une de nos mines.
Butte de Vauquois.
Toujours la neige.
Butte de Vauquois.
Froid terrible dehors. heureusement que nous sommes au chaud sous terre à plusieurs mètres de profondeur. L’embêtant, c’est que les totos nous dévorent.
Butte de Vauquois.
Butte de Vauquois.
Je rentre au Petit Poste et j’y trouve la sentinelle boche en train de casser la croûte avec la nôtre. Il nous fait comprendre qu’ils sont mal nourris, me montre le pain noir qu’on leur donne et est heureux de manger à pleines dents un morceau du nôtre qu’il trouve succulent.
Il voudrait me revoir le lendemain. Je lui promets de venir à l’heure qu’il m’indique.
Butte de Vauquois.
Je retourne au Petit Poste avec un camarade. J’ai ma musette garnie d’une tourte de pain. A l’heure convenue, la sentinelle boche de la veille n’est pas à son poste. Celui qui le remplace nous fait signe d’aller vers lui. Nous hésitons car nous avons peur d’un piège. Nous l’invitons à venir vers nous et il le fait bien volontiers.
Il nous dit que son camarade avec qui nous étions la veille ne prendra pas la garde ce jour. C’est difficilement que nous parvenons à le comprendre. Il nous montre une photo (sa femme et 2 jeunes enfants). Les larmes lui viennent aux yeux. Les nôtres se mouillent.
Chacun de nous se demande pourquoi nous nous battons. Nous craignons les uns et les autres de ne plus revoir nos familles. Sur ce, nous nous séparons, mais avant, je lui donne ma tourte de pain promise à son camarade de la veille.
La ligne à la Butte de Vauquois. Toujours la neige.
Butte de Vauquois.
On nous prévient que les boches vont faire sauter une mine. Nous évacuons nos abris dans la journée.
Un camarade vient m’avertir que je pars en permission et qu’il vient me remplacer ; je quitte donc les lieux en vitesse, attachant des sacs à mes pieds pour ne pas glisser car il fait très mauvais à marcher.
Je prends le train à Clermont-en-Argonne.
Il est midi ½. Je vais jusqu’à Révigny, prends la direction de Jessains, Cosne, Saint-Germain et j’arrive à Vichy le 22 décembre à 18 h.
Je passe ma permission à Cusset.
J’ai le plaisir d’y rencontrer quelques camarades : Marcel DÉmoNnet, Louis Lutrat, René Petetot, Rocher, etc. Mon frère Noël vient passer 2 jours du 28 au 30.
Musiciens tombés au Champ d’Honneur au cours de l’année 1917.
2 tués : (Camille) Borrot et Frachon
3 blessés : Malassagne, Bouillot et Thuel
Evacués : Combe, Seulin
Relevés : Robelin, Cubizolles et Godard.
Musique du 92ème infanterie
Chef : M Salvan
Sous-chef : Quod, grande flûte
Grande flûte : Majerus
Petite flûte : Pouzat R
Hautbois : Fulchiron
Petite clarinette : Boué
Grandes clarinettes : Vauris, Grandchamps, Buis, Charles, Laudinet, Malle, Boudal
2emes clarinettes : Chonion, Derumigny
Saxophones altos : Meiller, Rochon
Saxophones ténors : Rouchette, Prulhière, Collin, bastie
Saxophone baryton : Carmélino
Altos : Bertholet, Autissier
Barytons : Gardette, Dumontel
Basses : Maître, Mathaud, Crépin, Pagès, Charlot
Contrebasse mi♭ : Vincent
Contrebasse si♭ : Lecoq
Grosse caisse : Amblard
Tambour : Coulaud
Trombones : Champrobert, Dagois, Piarroux
Pistons : Grenier, Aufaure, Saurin, Saux, Faury
Bugles : Lamoine, DAVID, Chabozy
Ma permission est terminée, il me faut, hélas, retourner dans l’enfer des batailles. Peut-être que cette année sera la bonne et qu’elle nous amènera cette « Paix » tant désirée par ceux qui, comme moi, font la guerre.
Les multimillionnaires, fabricants de canons, etc. … sont loin d’être de mon avis …
Je prends le train de 11h à Vichy avec mon camarade Rocher. Ensemble, nous voyageons jusqu’à Nevers.
Je continue seul jusqu’à Montargis, Corbeil, Vaires Torcy, Château-Thierry, Epernay, Châlons-sur-Marne, Revigny. Je change à Revigny et descends à Lahaicourt (Meuse), le 5 au matin par un froid terrible ; la terre couverte de neige.
Je rejoins la musique à Villotte devant Loupy où tous sont en repos.
Villotte-devant-Loupy.
Repos. Nous donnons concert avec le programme suivant :
1° D’Artagnan. Pas red.
2° La Mousmée. Maz.
3° Sérénade de Gillotin.
4° Si tu voulais. Bluette.
5° Madrigal François 1er.
6° Les coquelicots. Valse.
Villotte-devant-Loupy (Meuse).
Au repos.
Villotte-devant-Loupy (Meuse).
Nous donnons concert avec le programme suivant :
1° Richard Wallace.
2° Au Pays Lorrain. Ouv.
3° Divertissement tzigane.
4° Sélection sur Rip.
5° Valse poudrée.
6° Pour avoir la fille. Mazurka.
Villotte-devant-Loupy (Meuse).
Au repos.
Villotte-devant-Loupy (Meuse).
Nous allons jouer à une fête organisée par le régiment. Nous jouons quelques morceaux. Un nouveau musicien (Dagois) entre à la musique.
Villotte-devant-Loupy (Meuse).
Au repos.
Nous quittons Villotte à 9 h du matin en auto. Nous passons à Lisle-en-Barois, Rembercourt-aux-Pots, Chaumont-sur-Aire, Issoncourt, Heippes, Rambluzin, Benoîte, Vaux, Villers-sur-Meuse, la Meuse, Génicourt et Rupt-en-Woëvre.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Repos.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Nous partons à 5 h du matin creuser des boyaux à 4 km. Travail que nous exécutons à la tâche. Nous devons creuser chacun 3 mètres de long, 2 m de profond sur 0,80 de large, ensuite nous pouvons retourner au cantonnement.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Même travail que la veille.
75
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Même travail que la veille. Nous assistons à une belle représentation théâtrale donnée par une troupe. La Musique du 70e Infanterie prête son concours.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Pendant que nous creusons les boyaux, un aviateur allemand abat l’un des nôtres qui tombe très près de nous. Nous nous y portons mais l’aviateur et l’appareil sont entièrement carbonisés
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Une de nos saucisses est abattue par un avion allemand.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Activité fébrile de l’aviation ennemie au-dessus de nos tê-tes.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Repos. Nous donnons concert.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Même travail que les jours précédents. Notre colonel (Lejeune) nous quitte.
Mois de février 1918
Rupt-en-Woëvre (Meuse). Le Lieutenant-colonel D’AULLENBOURG prend la tête du Régiment.
Rupt-en-Woëvre (Meuse).
Notre travail terminé, nous avons passé tous ces jours de bons moments au « foyer du Soldat ».
Nous quittons Rupt à midi. Nous passons à Dieux-sur-Meuse, Haudainville et Verdun (16 km).
Nous cantonnons aux casernes Miribel.
Nous passons la journée à Verdun.
Nous quittons Verdun à 4 h du matin pour aller en ligne.
Notre régiment prend les lignes en avant du fort de Vaux et nous autres allons cantonner sous le tunnel de Tavannes.
Tunnel de Tavannes.
Cantonnement affreux mais bien abrité du bombardement, lequel est très violent à l’entrée et à la sortie. On peut en sortir facilement (par un ciel ouvert creusé dans le milieu) an moyen d’échelons scellés. Au-dessus, on aperçoit les forts de Tavannes, Souville, Vaux, batterie de Damploup, etc. …
A l’intérieur, obscurité complète. Eclairage au moment des repas… Courant d’air terrible. Très humide. Manque d’air et comme odeur les tinettes des baraquements installés. Ces tinettes sont roulées journellement sur rails afin d’être débarrassées à l’extérieur de leur contenu.
Pendant ce roulement, il fait bon prendre le masque …
Tunnel de Tavannes.
De bon matin, nous allons creuser des sapes en avant de la batterie de Damploup.
Tunnel de Tavannes.
Comme nous travaillons près du fort de Vaux, j’en profite pour aller le visiter intérieurement. Extérieurement, tout est ravagé. Combien de pauvres bougres ont trouvé une mort affreuse autour de cette forteresse. On s’en rend compte par tous les cadavres qui jonchent encore le terrain et dont les chairs ont pourri, ne laissant apparaître que les crânes, ossements, etc. …
Comme je m’aventure un peu en avant, j’aperçois au loin, du côté d’Etain, filer les trains, fumer les hautes cheminées des usines. Là-bas, la vie continue.
Ça me semble drôle vu que vers moi, tout autour, ce n’est que dévastation et que la mort peut me faucher comme tous ceux étendus devant moi. Quelles balles nous sifflent aux oreilles et je rentre précipitamment à l’intérieur du fort. Ensuite, je rejoins mon travail.
76
Tunnel de Tavannes.
Nous continuons à aller creuser une sape devant servir de poste de secours.
Tunnel de Tavannes.
Même travail.
Tunnel de Tavannes.
Je retourne au fort de Vaux avec deux camarades. Le secteur est calme.
Tunnel de Tavannes.
Je vais à la batterie de Damploup. Même travail.
Tunnel de Tavannes.
Même travail.
Tunnel de Tavannes.
Comme journellement, nous empruntons cette route pour aller creuser une sape, il ne reste absolument rien de ce que cette carte représente. La ruine et la mort sont passés par là.
Tunnel de Tavannes.
Je retourne au fort de Vaux. J’ai la folie de m’aventurer pour ramasser des souvenirs. Je reviens avec des aigles arrachés à des casques boches.
Tunnel de Tavannes.
Nous allons terminer notre sape.
Tunnel de Tavannes.
Je vais voir la tranchée des baïonnettes et quelques mains complétement décharnées semblant les tenir. Le bombardement est tel qu’il est impossible de décrire ce qui s’est passé.
Tunnel de Tavannes.
Repos. L’air est tellement irrespirable qu’on y reste le moins possible. Nous allons près de l’entrée du tunnel un 420 monté sur rail. Celui-ci tire journellement quelques obus et repart immédiatement à l’arrière. Il ne fait pas bon d’y rester longtemps car l’artillerie allemande réplique sans tarder.
Tunnel de Tavannes.
Repos. Il pleut à plein temps. Impossible de sortir.
Tunnel de Tavannes.
Repos.
Tunnel de Tavannes.
Repos.
Tunnel de Tavannes.
Repos. Je visite le Fort de Tavannes.
Tunnel de Tavannes.
Repos. Je visite le Fort de Souville.
Tunnel de Tavannes.
Repos. Je vais voir un camarade (Corre) qui me fait écouter la télégraphie sans fil. Réglage d’un avion allemand.
Tunnel de Tavannes.
Repos.
Tunnel de Tavannes.
Pendant notre séjour au Tunnel de Tavannes, notre régiment est en position sur la rive droite de la Meuse dans le secteur de Bézonvaux.
Tunnel de Tavannes.
Toute la journée, récupération rétributive des obus français éparpillés, enterrés.
Nous quittons Tavannes pour aller dans le secteur de Bézonvaux.
Le tunnel de Tavannes
Long de 1 500 mètres environ, il servait d’asile à des services sédentaires : Compagnie du Génie, états-majors et aussi aux troupes de relève qui venaient s’y reposer entre deux tenues de secteur.
Ce tunnel ! Quel séjour ! Digne du secteur ! Une haute voûte qu’ont noircie les fumées de train. Sous cette voûte, dans la nuit, des couchettes sont installées sur 3 étages, en travées de 100 à 150 mètres, séparées par des espaces vides au cas où, pour se reposer, les hommes n’ont que les rails et les traverses.
Au milieu de ces espaces vides, des tinettes, des mares infectes d’urine et d’excréments. L’air est fétide, lourd, d’une odeur de sueur et de déjections à se trouver mal.
Une nuit passée là, et les hommes sont pâles, ont les traits tirés, ne peuvent se tenir sur leurs jambes. Sur 1 500 mètres de voûte, il n’existait qu’une seule prise d’air. Des corvées partaient toutes les nuits de ce tunnel.
Ces corvées, au milieu de ce terrain bouleversé d’entonnoirs et perpétuellement battu par les obus des deux artilleries, s’accomplissaient dans des conditions effroyables.
Le tunnel de Tavannes !
Je peux vivre 100 ans, je me souviendrai toujours des heures vécues dans ce ghetto, tandis qu’au-dessus la mitraille faisait rage. Imaginez un boyau long de 1500 mètres, large de 5 mètres, fait pour une seule voie par où passait le chemin de fer allant de Verdun à Metz et, où de 1000 à 2000 hommes travaillaient, vivaient, mangeaient et satisfaisaient à tous leurs besoins ! …
Dans les premiers temps de la
lutte gigantesque autour de la cité, des troupes cherchant un abri contre le
déluge de fer et de plomb, s’abriteront là. Puis, comme cela durait, des
services s’installèrent au petit bonheur, à l’entrée et à la sortie.
Un jour, enfin, quelqu’un constatant que ce tunnel constituait le plus sûr des abris et pouvait servir à quelque chose, décida d’y installer tous les services du secteur. Des cabanes furent aménagées par le génie qui y prit sa place ; planches, tôles ondulées, toiles goudronnées furent mobilisées et formèrent les baraques qui devaient donner asile à cette fourmilière militaire, du moins aux autorités, aux services.
Avec de l’organisation, c’eut été d’une utilisation intelligente mais … la dynamo qu’on y avait installée était trop faible et ne pouvait fournir qu’un pauvre éclairage, si bien qu’on y voyait à peine, qu’on manquait à chaque pas de glisser sur le bout des traverses de la voie ; mais chose pire, l’eau manquait absolument.
Car un seul robinet existait au milieu du tunnel et ceux qui venaient là, étaient condamnés à rester des dix voire 12 et 15 jours sans se nettoyer malgré les pires besognes à accomplir. C’est ainsi que j’ai vu de nos hommes qui venaient de s’infecter les mains en transportant des cadavres délabrés, être obligés de manger sans pouvoir se laver.
Ah ! L’hygiène du tunnel de
Tavannes transformé en égout humain ! Après deux ans de guerre et 5 mois que
durait la lutte devant Verdun, on n’avait pas encore pu installer quelques
ventilateurs renouvelant l’air méphitique qu’on respirait ni désinfecter en
vaporisant quelques chlorures.
Au milieu, vous entendez bien, juste au milieu des couchettes, étaient les latrines ! On eut pu se servir d’une double série de tinettes désinfectées, emporter les pleines, mettre les vides à leur place. C’eut été trop simple et propre. Les vidangeurs les tiraient, vidaient leur contenu dans des boîtes rectangulaires à brancards munies de couvercles qui s’adaptaient rarement et les mettaient en place …emportant le long du tunnel leur marchandise empuantant l’atmosphère !
J’ai vu faire cette besogne pendant que les hommes mangeaient leur soupe dans des gamelles ou assiettes qu’ils ne pouvaient, faute d’eau, nettoyer à côté d’eux !
Après les différents services les hommes s’installaient comme
ils pouvaient …sur la voie même du chemin de fer, dans le noir complet, la
vermine et la saleté. Il y avait bien eu un timide essai de cadres treillagés
qui avaient servi de couchettes mais ils étaient défoncés, abimés et les
divisions se succédant rapidement, hélas ! Nul ne s’inquiétait de les
remplacer.
Toutefois, voulant dégager le bas, le génie du secteur avait commencé l’installation, à mi-hauteur du tunnel, d’un 1er étage en plancher.
Là, gisaient les territoriaux ; mais comme il n’y avait pas de place pour tout le monde, cela ne faisait qu’augmenter encore, pour ceux qui étaient en-dessous, le grabuge infernal et la saleté qu’on n’avait plus seulement aux pieds mais encore sur la tête car, par les planches mal jointes, la terre tombait sur ceux qui se trouvaient là.
Quant à reposer, à dormir un moment, à moins d’être sourd, il n’y fallait songer. Les cabanes contenant les services et les abris des chefs prenant, avec la voie toute le côté droit du tunnel, il ne restait guère, pour aller et venir, qu’un espace de 1,15 m du côté gauche. Or, c’est par cet étroit chemin que passaient tous les groupes, les troupes allant relever celles qui attendaient, les territoriaux et le génie montant « au travail » avec leurs outils.
C’est par cet espace où, à la file se suivaient parfois pendant des heures des centaines et des centaines d’hommes, qu’il fallait assurer dans des conditions pénibles, l’évacuation des blessés -quelquefois des cadavres- qu’on amenait des lignes et qu’on évacuait ensuite sur le « Cabaret Rouge », relais automobile à près de 2 km de là et ce, à bras.
Double manœuvre pénible où des hommes souvent éreintés par le chemin fait sous les obus et pouvant à peine regarder à terre, manquaient à chaque pas de glisser sur les traverses et les rails d’un petit Decauville qui ne fonctionnait pas ! Naturellement !
On aurait pu, évidemment, mettre les postes de secours et celui des brancardiers au commencement du tunnel ; l’évacuation eut été plus rapide, les blessés et ceux qui les portaient y auraient gagné, le service aussi ; mais cela encore eut été trop simple et on les avait logés à 200 m à l’intérieur ! On aurait pu, puisqu’on avait installé un Decauville qui allait jusqu’au « Cabaret Rouge », s’en servir, évacuer par ce moyen, mais on ne jugeait pas ce système assez long et compliqué ! Au milieu du tunnel, il y avait même un dépôt de munitions et, chaque soir, nous nous demandions, anxieusement si les territoriaux qui passaient en transportant les caisses sur leurs épaules au moyen d’une perche qui fléchissait sous le poids, n’allaient pas glisser et laisser choir leurs terribles citrons de fonte.
Régulièrement les deux ravins
formant l’entrée et la sortie du tunnel étaient arrosés par la mitraille, par
des projectiles qu’on n’entendait presque jamais venir à cause du départ de nos
75 qui donnaient par batterie, sans discontinuer ; aussi l’évacuation des
blessés était-elle chose pénible et très dangereuse. Pénible, difficile à cause
du chemin accidenté.
Le 4 septembre 1916, une
formidable explosion dont la cause initiale fut qu’un mulet transportant des
grenades aurait buté contre une traverse de la voie, produisant en sa ferrure
une étincelle laquelle mit le feu aux caisses de grenades qu’il transportait,
provoquant avec la panique, une explosion formidable tuant 101 brancardiers de
la 23e division. 101 hommes restés là, dans cet antre de souffrance et
d’horreur, avaient péri dans la géhenne, pauvres misérables humains auxquels,
après de longs jours et de pénibles nuits de privations -car on n’était que
piètrement ravitaillé- de surmenage et de danger pour accomplir la rude,
ingrate et sanglante besogne de parias ; la guerre, insatiable gouge dévoreuse
d’hommes, avait réservé un sort atroce. J’ai connu depuis, quelques tristes
conditions.
Le 4 septembre, la nuit et la journée avaient été particulièrement dures pour les brancardiers qui n’avaient pas arrêté un instant pour leur permettre de reposer quelques heures dans la misère de cet antre empuanti, leurs pauvres corps fourbus, leurs épaules meurtries ; le médecin-major avait demandé les brancardiers de corps (d’armée) en réserve.
Quand ces derniers furent là, à mesure que rentrèrent les équipes divisionnaires, ceux qui les composaient s’en furent allonger leurs membres brisés.
A 21 h, les quatre pelotons reposaient et les malheureux qui s’étaient laisser tomber sur le plancher sans paille ou la terre pourrie, à bout de forces, dormaient là, confiants en la solidité de cet abri sur lequel pouvaient pleuvoir des obus de tous calibres. Ils pouvaient reposer un peu avant de continuer leur lourde et périlleuse tâche.
Mais comme s’il n’y avait pas eu assez de l’ennemi, de la mitraille, de la pluie, de la boue, de la faim, de toutes les infernales misères de la guerre, c’est ce moment où tous les malheureux, vaincus par la fatigue, dormaient profondément, rêvant peut-être aux leurs, au foyer, au bonheur ...c’est cette minute que choisit l’implacable destin, entre les mains duquel, quelques soient nos prétentions, nous ne sommes que de pauvres instruments, pour frapper ces hommes, le sort les avait transformés en forçats de la Patrie … Quand tant d’autres qui survivent, ceux-là ! S’étaient fait à l’arrière une existence ouatée !
Quelle fut la cause initiale
de la catastrophe ?
Plusieurs versions ont été données sans qu’il soit possible d’être exactement fixé :
-Un mulet transportant des grenades aurait buté contre une traverse de la voie et fait choir sa terrible cargaison provoquant avec la panique, une explosion d’essence et l’incendie.
-Un territorial portant des fusées aurait accroché les fils électriques
-Une cause quelconque aurait provoqué l’explosion des mines placées pour faire sauter le tunnel en cas d’avance de l’ennemi. Or, on peut écarter cette dernière version, les cordons Bickford reliant ces mines ayant été retrouvés intacts.
Toujours est-il qu’à la suite
d’un accident, le groupe électrogène placé à l’entrée sauta, causant l’incendie
des baraquements où logeaient les services suivants :
-Poste de commandement du chef de la Brigade occupant le secteur
-Bureaux du médecin divisionnaire et du médecin-chef, du téléphone, du génie
-Postes de secours et de brancardiers, etc. etc..
Dans cet étroit boyau où
s’amoncelaient, comme à défi, les matières les plus combustibles, le feu se
propagea rapidement, hélas ! Et les malheureux qui se trouvaient là, guettés
par la flamme et l’asphyxie, fuyaient en groupe du côté opposé. Ces hommes,
tirés de leur sommeil fuyaient pour vivre le plus atroce des cauchemars,
fuyaient donc, pêle-mêle vers l’autre issue, à travers les flammes et, pour
lutter contre la fumée qui, par l’appel d’air de ce long boyau, les gagnait de
vitesse ; la plupart avaient adopté les masques contre les gaz.
Dans ce tunnel devenu huitième cercle de l’Enfer, des centaines de damnés masqués participaient à cette course à la mort, butaient contre les traverses, tombaient sous les pieds des camarades, hurlaient le « sauve qui peut » féroce et égoïste de l’homme en danger quand, devant eux, une terrible explosion se produisit …
Un feu d’artifice jaillit …trouant l’obscurité d’éclairs effroyables : c’était le dépôt des munitions qui sautait !
Le déplacement d’air fut tel que ceux qui se trouvaient à la sortie du côté de Fontaine-Tavannes faillirent être renversés.
Les premiers infortunés qui
fuyaient de ce côté et dont pas un n’avait encore pu franchir le dépôt de
munitions, furent donc certainement renversés ; la position d’un tas de
cadavres trouvés à cet emplacement, corrobore, d’ailleurs cette hypothèse.
Feu devant, feu derrière, prise entre les flammes et gagnée par l’asphyxie, la pauvre troupe hurlante et douloureuse vit la mort s’avancer à grands pas.
Près de mille hommes périrent donc là :
-Etat-major de la 146e brigade, colonel Florentin en tête
-Officiers et soldats des 8e et 10e Génie et des 24e, 98e et 220e régiments de territoriaux
-Médecins-major, infirmiers régimentaires des 346e, 367e, 368e et 369e d’infanterie.
Lorsque deux jours plus tard,
on put déblayer l’entrée du tunnel, on ne retrouva rien, rien que des restes
humains calcinés qui tombèrent en poussière dès qu’on les toucha.
Nul, parmi les Officiels de la grande presse ne fut commis à saluer les malheureuses fourmis humaines dont le tunnel de Tavannes fut le tombeau (1916 à 1918).
Ceux qui pieusement sont morts
pour la Patrie.
Ont droit qu’à leur cercueil, la foule vienne et prie. (Victor Hugo)
Nous sommes à côté de l’Etang de Vaux près du ravin des fosses Côtes. Nous repartons pour aller cantonner au P.C. Alsace en avant du fort de Douaumont.
Arrivés là, on nous désigne 8 pour aller comme brancardiers aux 1er et 2e régiments.
Nous allons donc au P.C. Picquart établi près du village de Bezonvaux dont il ne reste nulle trace. Dès notre arrivée, je pars avec un camarade accompagner un blessé au P.C. Alsace.
Au retour, nous subissons un violent tir de barrage. Les obus à gaz font rage. Nous prenons le masque et attendons dans un boyau que le calme soit revenu pour repartir. Nous repartons en pleine nuit rejoindre notre poste.
P.C. Picquart. Toute la journée violents tirs de barrage mêlés d’obus à gaz.
Les Allemands qui veulent tromper sur la direction de leur grande offensive, font de violentes démonstrations où nous sommes. Devant notre régiment (dont 1 bataillon, le 1er à Hassoule, le 2e à Bezonvaux), les Allemands préparent manifestement une sérieuse attaque.
Pendant quatre jours après les bombardements avec du 105 et du 150 et surtout avec de gros minenwerfers, ils tentent jusqu’à 8 coups de main dans la nuit, essayant de renouveler leur exploit du 15. Notre artillerie déclenche jusqu’à 14 tirs de barrage journellement.
Poste Picquart.
Comme la veille. Très violente canonnade. Les obus à gaz font rage. On est obligé de garder le masque dans la journée mais la nuit pendant le transport des blessés, on est forcé de le quitter. Aussi nous respirons tous une forte dose d’ypérite, rendant notre tâche très pénible.
Poste Picquart.
A la tombée de la nuit, profitant d’une légère accalmie, nous allons (4 musiciens) relever l’équipe se trouvant au Poste Violette à environ 60 mètres des Boches.
Dès notre arrivée, 2 de mes camarades avec moi la veille, sont évacués des suites d’intoxication crachant le sang à pleine bouche, on les mène vivement au P.C. Picquart. Deux autres sont désignés pour les remplacer.
Tous quatre, nous remontons à Violette. En route, nous sommes surpris par un violent tir de barrage. Nous nous couchons à plat ventre dans des trous d’obus.
Après l’orage, nous arrivons
au poste et le travail ne manque pas. Pendant notre absence, les Boches avaient
tenté, sans réussir, un coup de main. Malheureusement, les morts et les blessés
furent nombreux.
Toute la nuit, nous en faisons le transport. Les 2 musiciens dont je viens de parler sont Bastie et Faury. Les 2 remplaçants Aufaure et Dumontel avec moi et Vincent, voilà l’équipe.
Poste Violette.
Toute la journée, bombardement épouvantable ; ça sent mauvais. Notre artillerie riposte par une vingtaine de tirs de barrage. Pour préparer leur offensive de la Somme sur les Anglais, les Allemands font une violente diversion où nous sommes.
Impossible pour nous d’aller au ravitaillement. Alors rien à manger. Comme on trouve le temps long …. Et ce bombardement qui ne s’arrête pas une minute, nous assomme complètement.
A la tombée de la nuit.
Alerte.
L’officier mitrailleur avec nous dans la sape sort et crie à ses hommes « Aux armes »
Tous se préparent à sortir mais il est trop tard. Les Boches qui viennent de faire le coup de main sur nous, sont déjà devant notre sape, menaçant de nous faire sauter à la chéditte si nous ne sortons pas plus vite. Des grenades sont lancées dans l’escalier menant à la sortie et les premiers à sortir sont tués.
De nouveau, l’officier boche nous crie (en français) de nous dépêcher à sortir. Nous le faisons vivement en passant par-dessus les cadavres des mitrailleurs qui viennent d’être tués.
A l’entrée, se trouve, pour nous cueillir, l’officier allemand parlant avec notre lieutenant mitrailleur et une vingtaine de soldats boches. Ils nous font signe de les suivre. Nous nous apprêtons à le faire, tous heureux d’avoir la vie sauve, mais que vient-il de se passer ?
Eurent-ils peur de nous voir
sortir plus nombreux qu’eux (une soixantaine) ou est-ce la durée limitée de
leur coup de main qu’un signal annonçait (comme je le pense) terminé ?
Que nous fumes tous très surpris de les voir courir dans les lignes, nous laissant là, tout penaud, ne sachant que penser de ce que nous venions de vivre pendant quelques minutes.
L’officier mitrailleur les voyant se sauver nous donna l’ordre de rejoindre notre sape et de reprendre nos équipements que nous avions quittés avant d’évacuer notre abri. Il s’en fut voir le P.C. du commandant du 1er bataillon à quelques mètres sur notre gauche.
A peine venait-il de partir que notre artillerie déclenche un formidable tir de barrage. Il était trop tard ; les boches avaient déjà depuis un moment rejoint leurs lignes. Au retour de l’officier mitrailleur, celui-ci nous apprit que tout le P.C. du 1er bataillon (commandant, officiers, soldats, médecin et brancardiers avec lui dans la sape) venait d’être ramassé.
Nous passons le reste de la nuit dans la transe, craignant de voir les Boches réapparaître. Nous transportons pendant l’accalmie quelques blessés. Un barrage d’obus à gaz nous surprend au retour. Nous prenons le masque et nous rejoignons notre poste avec rien dans le ventre depuis la veille.
Poste Violette.
Dès le matin, le bombardement fait rage. A mon tour, je crache le sang à pleine bouche et il m’est impossible de m’en aller au poste P.C. Alsace où se trouve le poste central de secours tellement le bombardement est violent.
Dans la journée me voilà sérieusement intoxiqué. J’attends la nuit avec impatience pour partir et comme je suis prêt à m’en aller, 4 musiciens arrivent pour nous relever. Nous leur laissons la place avec contentement ; nous partons au poste Alsace.
Un violent tir de barrage nous surprend encore en cours de route. Vivement, nous entrons dans une sape du village de Bezonvaux où nous restons pendant au moins 2 longues heures.
Poste de secours Alsace.
Avec Dumontel nous allons au poste de secours pour passer la visite. Seul Dumontel est évacué.
Quant à moi je continue à cracher le sang et je suis en observation. Trop d’intoxiqués par les gaz dans ce secteur et des ordres sévères pour en évacuer le moins possible ont été donnés.
Je me repose le reste de la journée.
P.C. Alsace.
Je passe un abattage à notre sous-chef. Celui-ci pendant que nous étions en ligne ne s’est pas occupé de notre ravitaillement. Il avait assez à faire de se saouler et de vomir sur les blessés. Saligaud !...
Pour me punir, il m’apprend que j’étais proposé pour avoir la croix de guerre, et qu’il la fera octroyer à un autre. Je lui dis M
Il menace de me faire relever. Je le prends par l’épaule et lui dis de venir s’expliquer avec moi devant le médecin-chef. Il capitule parce qu’il savait très bien que le médecin était au courant de sa conduite pendant que nous étions au poste Violette. Il se venge en me désignant de nouveau pour remonter en ligne avec 3 de mes camarades au poste Picquart.
Quoique en observation j’aurai pu refuser, mais pour ne pas rester dans l’entourage de ce sale être, détesté de tous les musiciens, je préfère quitter le P.C. Alsace où le bombardement par obus à gaz est peut-être plus mauvais qu’au poste Picquart.
Dès notre arrivée nous apprenons avec peine, la mort du caporal-brancardier (Issard). Celui-ci était parti pour accompagner un pharmacien venu de l’arrière pour faire un prélèvement d’eau dans les ruines de Bézonvaux.
Surpris par un violent tir de barrage, ils y trouvèrent la mort tous les deux. Nous les trouvons tous les deux dans un trou d’obus en transportant des blessés.
Avant le lever du jour, nous allons les chercher pour les faire transporter à l’arrière dans un cimetière. La nuit est à peu près calme. Quelques obus à gaz envoyés par-ci par-là. Nous rentrons bien fatigués.
Poste Picquart.
Je crache toujours du sang et me voilà complètement aphone. Nous nous reposons dans la journée et dans la nuit nous transportons quelques blessés. Impossible pour nous de garder le masque pour faire notre service. Les Boches envoient des obus à gaz en quantité. Nos yeux pleurent et tout ce que nous respirons aggrave notre mal.
Toute l’équipe est touchée et mes camarades à leur tour, crachent aussi du sang.
Poste Picquart.
Notre camarade Charlot est évacué.
A la tombée de la nuit, nous montons 2 équipes au poste Violette ; çà doit barder cette nuit ; aussi, contrairement à ce que tous pensaient, la nuit fut excessivement calme. Aucun blessé.
Poste Violette.
Nous y restons jusqu’à 9 heures du soir, ensuite, le bataillon étant relevé, nous descendons au poste Picquart et au poste Alsace.
P.C. Alsace.
Je retourne à la visite et ne réussis encore pas à me faire évacuer. Crachant toujours le sang et ne pouvant plus causer, j’y comptais pourtant bien.
A midi, nous allons dans les abris placés à côté de l’étang de Vaux à 50 m du village de Vaux dont on ne trouve plus trace. Le fort de Vaux est derrière nous.
Dès notre arrivée, je vois mes camarades (Gustave) René LUTRAT, Tantôt et Vaissade du 121ème. Ceux-ci s’apprêtent à aller prendre la place où nous étions. Je leur souhaite bonne chance.
Etang de Vaux. Poste Marron.
Une douzaine de musiciens partis en permission lorsque nous avions quittés le Tunnel de Tavannes, reviennent vers nous. Repos.
Etang de Vaux.
Repos dans la journée et à la tombée de la nuit nous allons avec des Mulets, ravitailler en eau, un de nos bataillons en ligne à Hassoule.
Mauvaise corvée et travail très dangereux. Il ne fait pas bon s’amuser en route.
Etang de Vaux. P.C. Marron. (Jour de Pâques).
Même travail que la veille. Je crache toujours du sang et n’ai pas encore retrouvé la parole.
Etang de Vaux. Description de l’Etang (*) :
Celui-ci reçoit toutes les nappes de gaz ; des ossements y baignent ; la nuit de gros rats y nagent et cette eau sert à faire notre jus, soupe etc…Vraiment il ne faut pas être difficile.
Que voulez-vous pas d’autre eau ailleurs, et c’est cette eau que nous continuons à monter à dos de mulets dans les compagnies en ligne à Hassoule.
(*) : Voir
la position de cet étang.
Étang de Vaux.
La journée me paraissant calme, je pars avec Aufaure faire un tour jusqu’au fort de Douaumont situé à environ 200 mètres d’où nous sommes. Nous le visitons et constatons qu’il a beaucoup souffert.
A notre retour, une saucisse boche nous a sans doute aperçus car un violent bombardement se déclenche et nous nous mettons à plat ventre dans un trou d’obus. La terre voltige tout autour de nous et nous avons grand peur d’y laisser la peau.
Le calme renaît ; vraiment nous l’avons échappée belle. Dans ce secteur, on ne voit que des ossements, crânes etc…Quel carnage y est passé.
Nous rejoignons notre P.C. promettant de ne plus nous aventurer.
Étang de Vaux. P.C. Marron.
Repos dans la journée et ravitaillement la nuit.
Étang de Vaux. P.C Marron.
A 3 heures du matin la 11ème compagnie exécute un coup de main sur une tranchée Boche. Nous y allons 3 équipes pour le transfert des blessés. Tout se passe pour le mieux ; pas de casse.
Étang de Vaux : P.C. Marron. Repos dans la journée. Ravitaillement la nuit.
Étang de Vaux. P.C. Marron.
Ravitaillement en ligne, toutes les nuits avec les mulets pour approvisionner en eau dans les compagnies.
Étang de Vaux. P.C. Marron.
Je crache toujours du sang, mais je commence à retrouver la parole.
Étang de Vaux. P.C. Marron.
Pendant notre ravitaillement nous sommes surpris par un très violent tir de barrage. Aucun mal parmi nous, mais 3 mulets sont tués et 2 autres sont restés introuvables.
Étang de Vaux. P.C. Marron.
Étang de Vaux. P.C. Marron.
La nuit nous montons, 2 équipes en ligne au poste de secours du 1er bataillon à Duprat. Une compagnie doit faire un coup de main, lequel réussit sans aucun mal. 2 Boches sont faits prisonniers. Ceux-ci passent devant nous l’air souriant. Nous retournons à l’étang de Vaux.
Étang de Vaux.
C’est avec peine que j’apprends que mon camarade (Gustave) René LUTRAT, musicien au 121ème en ligne au P.C. Alsace, vient d’être évacué étant très sérieusement atteint par les gaz avec plusieurs de ses camarades.
Mon camarade (Gustave)
René LUTRAT, musicien au 121ème,
qui vient lui aussi d’être intoxiqué par les gaz le 4 avril dans la région de Bezonvaux
Etang de Vaux.
Notre camarade Fulchiron est évacué pour intoxication. Quant à moi, mes crachements de sang s’atténuent et j’ai recouvert à peu près la parole.
Etang de Vaux.
Continuation du ravitaillement la nuit avec les mulets.
Etang de Vaux.
Très violent bombardement la nuit par obus à gaz. Nous assurons quand même notre ravitaillement. J’en prends une bonne prise avec les copains et nos yeux pleurent abondamment.
Etang de Vaux : P.C. Marron.
Mes crachements reprennent. Je retourne à la visite, et le Médecin m’exempte de corvée, de ravitaillement en ligne.
82
Etang de Vaux.
Repos pour moi.
Etang de Vaux.
J’ai la visite de E. Pouthiers et nous dînons ensemble, mais pas si bien qu’au restaurant.
Etang de Vaux.
Après près de 3 mois de séjour en ligne, nous sommes relevés à la tombée de la nuit. Nous passons au carrefour Sainte-Fine, village de Fleury-devant-Douaumont, fort de Souville, caserne Marceau à Verdun et nous allons embarquer à Dugny.
Nous sommes étonnés après notre séjour en ligne, de revoir la verdure car où nous étions, ce n’était que ruines et dévastations. La campagne est belle vers Dugny et on se sent revivre.
Je revois mon ami Emile Pouthiers.
A 3h, le train démarre, nous prenons la ligne de Verdun, Souilly, Revigny, Bar-le-Duc et nous débarquons à 13 h à Nançois le Trouville. De là, nous allons cantonner à Salmagne (Meuse) 6 km..
Salmagne (Meuse).
Dès notre arrivée, j’en profite pour faire une cure de lait pour me désintoxiquer des gaz absorbés en ligne. Mes crachements de sang persistent légèrement.
Salmagne (Meuse).
Salmagne (Meuse).
Repos.
Salmagne.
Nous allons jouer à un match de football.
Salmagne.
Nous allons donner concert à Loisey (6 km).
Salmagne.
Nous assistons à une revue passée par notre général de division.
2 de nos camarades sont décorés de la croix de guerre. Ce sont Carmelino et Aufaure. Le sous-chef m’a joué le tour en se vengeant de l’altercation que nous avions eue ensemble au P.C. Picquart.
Salmagne (Meuse).
Nous allons jouer au concert-spectacle organisé par le 2e bataillon.
Salmagne
Nous donnons concert :
1° D’Artagnan pas red.
2° Sérénade de Guillotin.
3° Le Petit Duc fantaisie.
4° la Mousmée. Mazurka.
5° En route. Marche.
Un de nos camarades est évacué (Prulhière)
Salmagne.
Nous donnons concert :
1° marche française.
2° L’Auvergnate. Mazurka.
3° Mi-reille. Fantaisie.
4° la Housarde ; Valse.
5° Le Père la Victoire.
Ma cure de lait contre les gaz
m’a fait beaucoup de bien. Mes crachements de sang ont presque cessé.
Salmagne.
Nous quittons ce village avec regret car les habitants étaient envers nous très aimables. Tous les matins, une bonne vieille nous préparait notre chocolat au lait et s’occupait lorsque nous allions ramasser des escargots (en quantité par ici) de nous les préparer ainsi que notre tambouille.
C’est elle, également, qui s’occupait de me procurer du lait pour ma cure.
Nous allons embarquer à
Nançois (6 km). Nous prenons la ligne de Bar-le-Duc, Vitry-le-François,
Coulommiers, La Grande Ceinture, Saint-Denis, Enghien, Pontoise, Gisors, Forges-les-Eaux,
Sergneux, Formerie (Oise), Abancourt et nous débarquons le 16 à 20 h à
Feuquières (Oise).
Dès notre débarquement, nous partons.
Nous passons à Grandvilliers (Oise), Sainte-Segrée (Somme) et nous arrivons au matin à Meigneux (Somme) après une étape de 22 km.
Meigneux (Somme).
Repos.
Meigneux. Nous donnons concert.
A 1 h du matin nous quittons Meigneux. Nous passons à Hornoy-Fricamps, Fresnoy au Val, Fluy et Seux où nous cantonnons dans le parc du château.
Seux (Somme).
Repos.
Seux.
Nous donnons concert.
Seux.
Nous allons donner concert à Pissy (2 km) dans la cour du château.
Seux.
Vu le mauvais temps, notre concert n’a pas lieu.
Seux.
Nous allons jouer à Fluy (2 km). Notre camarade Fulchiron revient vers nous.
Seux.
Nous allons jouer à Pissy (2 km). 3 camarades entrent à la musique (Boudal, Collin, Pagès).
Seux.
Nous donnons concert. Nous sommes à Seux comme renfort attendant les évènements.
Seux.
Nous donnons concert :
1° Les Cadets pas red.
2° Divertissement tzigane.
3° Si tu voulais.
4° Les Cloches de Corneville.
5° Micaela. Valse.
6° Au Pays des Cigales.
Seux.
Nous donnons concert.
84
Nous quittons Seux à 7 h du soir.
Nous passons à Pissy, Clairy et Saleux (14 km). Nous embarquons à 1 h du matin. Nous prenons la ligne de Conty, Beauvais, Pantin, Enghien, Saint-Denis, Vaires, Torcy, Meaux et nous débarquons le 31 à 7 h du soir à Laferté-sous-Jouarre près de Château-Thierry.
Après notre débarquement, nous allons prendre les autos à 8 h du soir. Celles-ci sont conduites par des annamites. En cours de route, nous versons dans un fossé ; heureusement, aucun mal. Nous tombons sur l’annamite et lui passons une bonne raclée.
Nous repartons, passons dans le département de l’Aisne puis, nous débarquons dans l’Oise à Mareuil sur Ourcq, le 1er juin à 4 h du matin, après un voyage de plus de 40 km.
Mareuil sur Ourcq (Oise)
Nous quittons Mareuil à 4 h du matin en auto. Nous passons à Marolles, la Ferté Milon (Aisne) et la ferme de l’Ourcq où s’installe notre poste de secours central.
Dès notre arrivée, je vais au château de Silly-la-Poterie porter des pansements et je reviens à la ferme de l’Ourcq. Nous transportons des blessés et nous nous rendons compte que la situation est très critique. Les habitants sont partis précipitamment et nous trouvons dans la Ferté-Milon tous les magasins au complet. Les gens n’ont pu rien emporter tellement les Boches avancent vite.
Notre régiment est là pour contribuer à arrêter les Allemands qui ont enlevé le Chemin des Dames et marchent sur Paris. Il couvre la Ferté-Milon ainsi que les abords sud-est de la forêt de Villers-Cotterêts.
Le 2e et le 3e bataillons sous les ordres du lieutenant-colonel sont sur la rive droite de l’Ourcq ; toute la division et le 1er bataillon sur la rive gauche couvrant la Ferté-Milon.
Tout d’abord seul, le 3e
bataillon avec le lieutenant-colonel, appuyé de 3 escadrons de cavalerie,
s’établit devant Silly-la-Poterie ; puis les cavaliers se retirant, le 2e
bataillon vient, très tard dans la nuit, sa droite à l’Ourcq, appuyer sa gauche
à la droite du 3e qui, tout en faisant face à l’est, a glissé vers le nord,
donnant la main, aux environs de Faverolles, au 168e d’infanterie.
Attaqué en pleine relève, avant le lever du jour, le 2e bataillon est un moment dans une position critique. Sur les ordres du général de division, le lieutenant-colonel a dû retirer la 6e compagnie pour couvrir, en faisant face au sud, la Ferté-Milon très vigoureusement attaquée.
La tâche du commandant Tamineau qui commande le 2e bataillon est dure car deux de ses compagnies, 5e et 7e, sont séparées de lui par la Savières, position en ce moment débordée.
Mais, grâce à l’héroïque
défense de la 5e compagnie devant laquelle s’entassent plus de 400 cadavres
allemands, le chef de bataillon a le temps de déterminer, 200 mètres en
arrière, une excellente position.
La 7e en occupe la gauche et la 6e compagnie dont le rôle est devenu inutile face au sud, est acheminée pour permettre à la 5e compagnie de se dégager. Malheureusement, il est 3 heures.
La 5e, qui depuis 5 h du matin est sous un bombardement interrompu seulement par quatre attaques et qui a fait elle-même trois contre-attaques, a de grosses pertes et n’a plus de munitions. L’appui de la 2e compagnie de mitrailleuses retarde le dénouement. Il doit néanmoins se produire.
A 4 heures, sentant tous les efforts inutiles, le capitaine Renaud, fait retraiter par petits
paquets pour se souder à la 7e. Il est pris avec quelques hommes. Devant le 3e
bataillon (commandant Sénéchal) toutes les attaques du 4e régiment de la garde
sont repoussées sur la rive gauche de l’Ourcq. Le 1er bataillon (commandant Besse) se distingue en couvrant la Ferté-Milon
et en reprenant, dans les avancées perdues la veille, un petit bois dont la
possession est des plus importantes.
Les Allemands n’osant plus attaquer, se contentèrent de bombarder furieusement nos positions et l’arrière, rendant la tâche des coureurs, brancardiers et vélocipédistes très dure. Signalés par les observatoires ennemis, ils étaient suivis par des 77 et obus à gaz en quantité.
Toute la journée et la nuit, nous transportons les blessés.
Nota : Ces combats de début juin sont décrits dans le JMO. Je pense que notre narrateur devait avoir l’œil sur ce JMO, car il décrit très exactement les positions des compagnies ; lui qui était à l’arrière attendant la fin des combats pour « ramasser » les blessés.
Nous changeons notre poste de secours d’endroit. Nous l’établissons dans une carrière à la sortie nord du village de la Ferté-Milon. Les blessés affluent. Des équipes de musiciens sont dispersées dans les bataillons pour l’évacuation des blessés.
Je vois mon ami Ricard dans un château de la Ferté-Milon.
Carrières de la Ferté-Milon. Poste de secours central.
Nombreux blessés.
Carrières de la Ferté Milon.
Vers 10 h du matin je pars en 1ère ligne à la 3ème compagnie pour remplacer un brancardier évacué. Avec le bombardement très intense, j’ai bien de la peine pour trouver la compagnie en ligne près du village de Faverolles (Aisne).
Nous logeons dans une carrière et jour et nuit nous transportons les blessés.
Je reçois une lettre de mon frère
Louis musicien-brancardier au 66ème d’infanterie. Il m’écrit d’un hôpital de
Paris, m’apprenant qu’il a été évacué par suite d’intoxication par les gaz et
qu’il crache le sang à pleine bouche.
J’ai confiance qu’il sera bien soigné et que sa guérison sera rapide. Quant à moi qui les ai aussi respirés fortement, mon état continue à s’améliorer, mais j’ai grand peur d’en respirer d’autres où je suis, et qu’il y ait complication.
Poste de secours du 3ème bataillon. Relève et transport des blessés.
Poste de secours du 3ème bataillon.
En pleine nuit, nous allons en rampant, près des lignes Boches, ramasser un blessé qui agonise de souffrances. Avec bien de la peine nous réussissons à l’approcher sans que les Boches qui sont là tout près, s’en aperçoivent. Nous le mettons sur notre brancard et le malheureux mourait avant notre arrivée au poste de secours.
Il avait les 2 jambes presque complétement sectionnées.
Poste de secours du 3ème bataillon.
Relève et transport des blessés.
Poste de secours du 3ème bataillon, près du village de Faverolles.
Mon frère Noël m’apprend qu’il part en renfort au 121ème d’infanterie.
Transport des blessés. Le bombardement fait rage.
Les Allemands attaquent sur notre droite et on apprend que nous sommes sur le point d’être encerclés. Nous attendons les évènements, et pendant que nous transportons un blessé, on distingue sur notre droite les Boches qui avancent.
Poste de secours du 3ème bataillon.
Que s’est-il passé ? Nous pensions être ramassés et nous avons appris l’arrêt des Boches.
Sur notre droite les obus à gaz font rage. Heureusement qu’il n’en est pas de même vers nous.
J’apprends que notre camarade musicien (Majérus) vient d’être évacué pour intoxication par les gaz.
Notre camarade (Mathaud) est lui aussi évacué pour intoxication.
Journée à peu près calme.
Quelques blessés que nous transportons la nuit sous- bois, par un temps maussade, et nous avons beaucoup de peine à voir notre chemin.
Poste de secours du 3ème bataillon.
Nous essuyons la nuit un fort bombardement d’obus à gaz. Nous prenons les masques. heureusement pour nous pas de blessés à aller chercher.
Encore un musicien évacué pour intoxication (Grandchamps).
A la tombée de la nuit, je suis relevé par un camarade et je descends au poste de secours central placé dans une carrière à l’entrée de la Ferté-Milon. Je vois mon ami Ricard dont le régiment est relevé.
Poste de secours central.
Journée calme.
86
A 6 heures du matin notre régiment dont les pertes sont élevées, est relevé.
Nous quittons la Ferté. Nous passons à Autheuil et nous cantonnons dans un bois appelé Bois de Wattignie. Recevant dans la matinée une lettre de mon frère Noël incorporé au 147ème d’infanterie et dont le cantonnement se trouve à une douzaine de kilomètres d’où je suis ; j’emprunte une bicyclette pour aller le voir.
Je passe à Thury, Mareuil-sur-Ourq, Neufchelles et Rouvres (Seine-et-Marne). Je suis heureux de le trouver en compagnie de Poncet et du frère de mon camarade DAVID musicien avec moi.
Il m’apprend que son régiment va monter en ligne sous peu, pour attaquer. Jamais j’aurais pensé vu son âge (classe 18) que son tour viendrait d’aller voir les horreurs de la guerre.
C’est avec beaucoup de peine que nous nous quittons.
A 8 heures du matin nous quittons le Buisson de Wattignie. Nous prenons les autos.
Nous passons à Betz, Crépy-en-Valois, Senlis, Luzarches et nous arrivons à Viarmes (Seine et Oise). Nous y cantonnons.
Viarmes.
Repos.
Viarmes.
2 musiciens évacués pour intoxication (Boudal et Saux).
A 5 heures du matin nous quittons Viarmes pour aller embarquer à Persan-Beaumont (Seine-et-Oise).
Nous prenons la Grande Ceinture, la ligne de Coulommiers, Sézanne, Vitry-le-François, Révigny et nous débarquons le 26 au matin à Bar-le-Duc (Marne).
Ensuite nous allons cantonner à Béhonne (3 km)
Béhonne (Meuse).
Repos.
Nous quittons Béhonne à 8 h du matin. Nous passons à Vavincourt, Hargeville et nous cantonnons à Condé-en-Barrois (10 km).
Condé-en-Barrois.
Repos.
A 6 h du matin, nous quittons Condé.
Nous passons à Les Marats, Rosnes et nous canton-nons à Erize la Brûlée (12 km).
Erize la Brûlée (Meuse).
3 nouveaux musiciens entrent à la musique pour remplacer les manquants (Laudinet, Rouchette, Saurin)
Nous quittons Erize à 6 h du matin. Nous passons à Belrain et nous cantonnons à Pierrefitte (Meuse).
Pierrefitte.
Nous donnons concert.
Pierrefitte.
L’ordre arrive précipitamment d’aller embarquer en auto.
Nous partons à 8 h du matin, prenons la route de Chaumont-sur-Oise, Issoncourt, Souilly, Nixéville et Blercourt (Meuse) où nous débarquons dans la nuit.
Nous y cantonnons.
Blercourt.
A 7 h du soir, nous quittons Blercourt (Je vois V. Cartailler). Nous prenons la route de Sivry-la-Perche, Berthelainville, Vignéville et nous cantonnons à 200 mètres de la sortie du village.
Vignéville.
Nous sommes en alerte derrière la 25e division.
Vignéville.
Je reçois une dépêche d’un hôpital de Lesparre (Gironde) laquelle m’apprend une bien mauvaise nouvelle. Mon frère Louis –musicien au 66e- évacué d’abord dans un hôpital de Paris pour intoxication, avait été évacué à l’arrière.
Son état s’est subitement aggravé, le train sanitaire l’avait transporté jusqu’à Lesparre et c’est de là qu’un télégramme ainsi conçu « Frère au plus mal » m’avait été adressé.
Je demande à avancer mon tour de
perme pour aller le voir et on me l’accorde. Je vais au bureau du chef,
installé dans le bois de Brocourt et ensuite, je vais prendre le train de
minuit à Clermont-en-Argonne (15 km).
Le train ne démarre qu’à 2 h du matin.
Je prends la ligne de Vitry-le-François, Troyes, Sens, Montargis, Orléans, Tours, Poitiers, Angoulême, Libourne, Bordeaux, Saint-Jean où j’arrive le 8 à 7 h du matin.
Je traverse Bordeaux en tramway pour aller prendre le train du Médoc à la gare de Bordeaux Saint-Louis. J’arrive tout juste pour le prendre à 8 h ¼ et je descends à Lescarre à 10 h ½.
Je me rends à l’hôpital 43 où je trouve mon pauvre frère dans un bien triste état. J’en suis profondément peiné surtout que le médecin m’a dit qu’il était perdu. Je reste auprès de lui toute la journée et le lendemain ; puis le médecin m’ayant dit qu’il pouvait le maintenir quelques jours, je me décide à aller vers mes parents pour les consoler et leur apprendre la déclaration que m’a faite le médecin.
Je ne puis, avant de le
quitter, retenir mes larmes de savoir qu’il est perdu.
Je lui promets de revenir avant l’expiration de ma permission. Me voyant pleurer, il semble comprendre qu’il ne survivra pas et me prie d’emporter tous ses papiers se trouvant dans son portefeuille. Je l’embrasse une dernière fois. Hélas ! Ce sera bien la dernière. Je prends le train de 3 h 45 à Lesparre.
J’arrive à Bordeaux Saint-Jean, je prends l’express de 22 h pour Vichy où j’arrive le 10 vers midi.
De là, je me rends chez mes parents où je trouve mes pauvres vieux bien dans la peine, surtout qu’ils sont aussi sans nouvelles de mon frère Noël engagé avec son régiment dans la bataille autour de Château-Thierry.
En permission à Cusset.
Toujours dans l’inquiétude sur le sort de mes deux frères.
En permission à Cusset.
Nous recevons une lettre de l’hôpital à laquelle se trouve coincée une feuille de papier sur laquelle quelques mots ont été écrits par mon pauvre frère. Ce sont les derniers. Il s’est vu perdu.
En permission à Cusset.
En permission à Cusset.
En permission à Cusset.
A 2 h du soir, une dépêche nous apprend la mort de mon frère Louis.
Dès le reçu de cette dépêche, je vais à la place de Vichy demander une autorisation pour me rendre à Lesparre.
Cette autorisation m’est accordée trop tard pour qu’il me soit possible d’assister aux obsèques de mon pauvre Louis.
J’arrive à Lesparre le lendemain des obsèques et des détails me sont donnés par le Directeur de l’hôpital sur le bel enterrement que lui a fait la ville. Je vais m’incliner sur sa tombe à peine recouverte.
A mon retour du cimetière,
l’infirmière directrice de l’hôpital 13 me conte également ce qui suit :
« Le cher enfant (je l’avais placé entièrement sous ce titre) s’est
éteint le lundi matin à 3 h ½ après de longues heures d’agonie … il semblait
souffrir mais d’une douceur toujours égale, il n’a proféré aucune plainte.
Répondant par un sourire à tous nos soins tant qu’il l’a pu. Il a beaucoup rêvé
; la fièvre l’excitait parfois ; les lugubres visions de guerre se représentant
à son esprit affaibli. Dès le dernier soupir si longuement gagné a été fini, je
l’ai embrassé au nom de sa mère. »
« Ses funérailles furent imposantes. La ville entière était
représentée. Le major si dévoué, conduisait le deuil avec M Raffin, l’administrateur de l’hôpital.
Le maire, les adjoints, conseillers et fonctionnaires ainsi que les enfants des
écoles, blessés, malades en traitement, suivaient son cercueil. Quatre
magnifiques couronnes étaient portées par les soldats et les enfants des
écoles. Elles portaient les inscriptions suivantes : Les camarades des Hôpitaux
militaires à leur camarade. Les infirmières au musicien-brancardier, victime du
devoir. Les enfants des écoles et 2 offertes par la population de Lesparre
ainsi que d’autres plus petites. »
« La cérémonie qui se déroula à l’église (me conte toujours Mme Raffin, infirmière directrice de
l’hôpital) fut égale à celles qui, hélas, on fit trop souvent pour les enfants
de Lesparre morts pour la Patrie. Elle fut plus belle encore.
Dès l’entrée du corps, les grandes orgues jouèrent. Le service de 2e
classe fut chanté par l’archiprêtre et avant l’absoute, celui-ci monta en
chaire pour décrire en termes magnifiques la simple vie de quatre années de
guerre du petit soldat blessé une première fois le 7 décembre 1915 à Loos. Il
redit avec émotion les lignes si simples mais si sublimes de ses adieux à ses
chers parents et à vous. »
Quelle émotion pour tous suivit ces paroles. Il a fait également allusion à la croix de guerre obtenue pour sa belle conduite au combat du 5 mai 1916. Puis ce fut l’inhumation au cimetière où tous avaient les larmes aux yeux. »
Je ne puis contenir les miennes tellement ce récit m’avait impressionné.
Je la remercie bien sincèrement de tout ce qu’elle a fait pour lui et je vais également remercier M l’administrateur, M le maire, M l’archiprêtre, etc. …
Je couche à l’hôpital.
Le cœur bien en peine, je vais
avant de partir, déposer une couronne sur sa tombe le lendemain matin et je
prends le train pour Bordeaux.
Pendant le trajet, j’ai une vive altercation avec un vieux jusqu’au boutiste que je remets vertement à sa place.
La dernière lettre écrite à mes parents par mon frère la veille de sa mort :
« Mes chers parents, mes dernières pensées seront pour vous. Lili. »
Je passe la journée à visiter
Bordeaux dans l’attente de repartir par le train de 22 h pour Vichy où j’arrive
le 19 à 11 h du matin.
Cusset.
La permission.
Toujours pas de nouvelles de mon frère Noël.
Cusset.
La permission.
Cusset.
La permission.
Je me fais photographier.
Cusset.
Ma perme est finie. Il me faut donc repartir et c’est avec beaucoup de peine que je laisse mes pauvres vieux dans la peine et dans l’ennui.
Je prends le train de 23 h. prends la ligne de Moulins, Nevers, Sens, Troyes, Vitry-le-François, Faveresse, Revigny, Bar-le-Duc où j’arrive le 24 à minuit.
J’y passe le reste de la nuit.
Je prends le Meusien à 9 h du matin jusqu’à Pierrefitte puis je pars à pied à Courouvre et Benoîte-Vaux où je trouve la musique qui y cantonne ; alors que le régiment se trouve en ligne à gauche de Saint-Mihiel.
Le chef de musique et mes camarades sont vivement impressionnés du récit que je leur fais.
Benoîte-Vaux.
Repos.
Benoîte-Vaux.
Repos. J’ai la visite de mon ami Ricard.
Benoîte-Vaux.
Repos. Toujours sans nouvelles de mon frère Noël. Serait-ce la fatalité ?
Benoîte-Vaux.
Repos. Nous faisons de la musique et pour passer le reste de notre temps, comme Benoîte-Vaux est un lieu de pèlerinage, eh bien, nous allons chaque jour boire à la fontaine miraculeuse et faire (non pas par croyance) le chemin de la croix qui représente plusieurs stations.
90.
Benoîte-Vaux.
Je suis tout bouleversé. Mon camarade DAVID vient de recevoir une lettre de son frère soldat à la même division que mon frère Noël. Il lui apprend que d’après renseignements sur le sort de mon frère Noël ; ses camarades l’auraient vu blessé pendant l’attaque devant Château-Thierry. Que les Boches avaient avancé et qu’ils ne savaient plus ce qu’il était devenu.
Me voilà donc encore dans l’ennui. Qu’est-il devenu ? A-t-il été ramassé ? Je l’ignore. Tout ceci s’est passé le 17 juillet, deux jours après la mort de mon frère Louis. Aussi étions-nous très étonnés lorsque nous lui avions appris sa mort par dépêche, de ne rien recevoir de lui.
Benoîte-Vaux.
Nous faisons de la musique et notre pèlerinage continue.
Benoîte-Vaux.
Nous faisons de la musique et notre pèlerinage continue.
3 août
Benoîte-Vaux.
Nous faisons de la musique et notre pèlerinage continue.
Benoîte-Vaux.
J’ai la visite de Tézière.
Benoîte-Vaux.
Nous allons jouer à un concert cinématographique.
Benoîte-Vaux.
Répétition.
Benoîte-Vaux.
Avec DAVID, nous allons voir Léon et Ricard.
Benoîte-Vaux.
Pèlerinage pour tuer le temps.
Benoîte-Vaux.
Aucune nouvelle sur le sort de mon frère Noël.
Benoîte-Vaux.
Un musicien évacué revient (Majérus)
Benoîte-Vaux.
J’ai la visite de Léon et Ravidat.
Benoîte-Vaux.
Un musicien évacué revient (Grandchamps). A 6 h du soir, je pars à Cou-rouvres (6 km) pour y trouver Marius Lagrange avec qui je passe un bon moment.
Benoîte-Vaux (Meuse).
Notre sous-chef étant très mal avec nous plus personne ne voulant le voir tellement il a été saligaud envers nous ; tous les matins comme il a l’habitude de venir boire son café dans un quart qu’il laisse au cantonnement, des camarades ont soin de bien le laver en urinant dedans, chacun leur tour, ce qui doit donner meilleur goût peut-être au café.
De son côté son ordonnance ramasse dans une enveloppe tous les poux …qu’il peut trouver afin de les mettre dans son plumard, pour paraît-il lui tenir compagnie…
Benoîte-Vaux.
Nous allons dans les bois ramasser des champignons et un de nos camarades cuisinier nous les prépare.
Benoîte-Vaux.
Pèlerinage.
Benoîte-Vaux.
J’ai la visite de Marius Lagrange.
A 3 heures du matin nous quittons Benoîte-Vaux. Nous passons à Recourt, Tilly et nous cantonnons à Bouquemont (11km). Avec mon camarade DAVID nous allons à Troyon.
Bouquemont
Un musicien évacué revient (Saux).
On me remet la lettre suivante
: S.P. 67 le 3 août 1918 :
Mon cher ami.
« C’est aussi douloureusement touchés que péniblement surpris, que nous
avons reçu la triste nouvelle que contenait votre lettre du 27 juillet reçue
hier seulement.
Soyez convaincu, mon cher ami, que moi et mes camarades prenons une
grande part à la peine que vous cause la mort de votre cher frère et de notre
camarade regretté, car je puis vous affirmer qu’il était aimé de nous et estimé
de tous ceux qui l’approchaient. C’est un grand malheur pour tous que cette
triste disparition car cela nous a beaucoup surpris. Plusieurs de mes camarades
et moi également avions reçu de Louis une carte de Paris au moment où il était
à l’hôpital et depuis nous n’avions plus entendu parler de ce cher disparu.
Aussi quelle surprise a causé chez nous, ce malheur.
Maintenant mon cher ami, les chef et sous-chef
de musique et tous les musiciens voudrions offrir une couronne pour la tombe de
notre cher camarade. Un musicien ayant sa femme dans les environs d’Arcachon,
voudrait bien se charger par elle de l’acheter et la mettre sur la tombe, mais
auparavant ; mon cher ami, je voudrais vous demander l’endroit où votre pauvre
frère a été enterré. Est-ce à Lesparre ou a-t-il pu être ramené chez vous à
Cusset ?
Vous serez bien aimable mon cher ami de me répondre à ce sujet et en
même temps d’envoyer à l’adresse que vous trouverez ci-jointe, le lieu
d’inhumation pour que nous puissions faire le nécessaire pour la couronne.
Mon cher ami, je ne vois plus rien à vous dire, sinon que je vous
renouvelle les sentiments d’amitié que nous avions pour votre pauvre disparu,
tous sans exception sont unanimes pour regretter ce si brusque et si triste
évènement.
Nous avons fait part de votre lettre à Mr. Mouchard notre chef, qui comme nous a été péniblement
surpris. Recevez mon cher ami, de mes camarades et moi l’assurance de nos plus
sincères condoléances. »
Signé Albert Richer, caporal-musicien, C.H.R. 66ème d’infanterie, S.P. 67.
« P.S. Ci-joint l’adresse à
laquelle vous voudrez bien envoyer le lieu d’inhumation de votre frère ainsi
qu’à nous. Mme Y. Warion à Arcachon ».
Bouquemont (Meuse).
Nous allons nous baigner dans la Meuse.
Bouquemont (Meuse).
Nous allons nous baigner dans la Meuse. En exécutant un plongeon de 5 mètres de hauteur dans 1,50 m d’eau, je me foule le poignet.
Bouquemont
Je reçois la lettre suivante :
«Monsieur, J’ai appris avec peine la mort de votre frère dont j’étais
sans nouvelles depuis son entrée dans un hôpital de Paris. La lettre qu’il
m’envoyait à ce moment-là faisait prévoir un prompt retour parmi nous et
l’annonce de l’affreuse nouvelle ne m’en a que plus attristé. J’avais pour
votre malheureux frère une très vive affection. C’était un brave petit garçon
qui savait se faire aimer et tous ses camarades à la musique avaient pour lui
une très vive sympathie. Je souhaite avec certitude que son souvenir restera
gravé parmi nous, et sera un adoucissement à votre douleur et à celle de votre
famille si cruellement éprouvée.
Je vous prie de lui transmettre mes condoléances et vous serre les
mains. »
Signé : Mouchard, chef de musique au 66ème d’infanterie ».
Nous quittons Bouquemont à 7 heures du soir pour aller cantonner à Troyon (2 km).
Troyon.
La musique est divisée en 2 équipes pour aller en ligne creuser une sape sous les ordres du génie. La première équipe travaille de 4 heures du matin à midi ; la deuxième de midi à 8 heures du soir.
Ne pouvant pas me servir de mon bras droit dont le poignet est foulé depuis mon aventure dans la Meuse, je reste à Troyon.
Troyon (Meuse).
Je reste à Troyon.
Troyon.
Un musicien évacué revient (Mathaud).
Troyon.
A 7 heures du soir nous quittons Troyon pour aller cantonner à Bouquemont.
Bouquemont (Meuse). Repos.
Bouquemont.
A 8 heures du soir nous partons en ligne.
A minuit on nous fait jouer à 200 m des Boches « La marseillaise et Paris-Brest » : ceci en réjouissance des Victoires de la Somme. Il était tant que ça finisse car les obus commençaient à rappliquer.
Nous redescendons à Bouquemont.
Bouquemont.
Repos.
Nous quittons Bouquemont à 8 heures du soir ; nous passons à Woimbey, Lahaymeix, Fresnes et nous cantonnons à Rupt-devant-St-Mihiel (22 km).
Rupt-devant-St-Mihiel.
Repos.
Nous quittons Rupt à 5 heures du matin, passons à Courcelles (je vois Marius Lagrange) et nous continuons à Menil-aux-Bois (15 km). Un musicien évacué revient (Prulhière).
Menil-aux-Bois.
Repos.
A 4 heures du matin nous quittons Menil pour aller en ligne, 2 équipes par bataillon.
Je vais au 1er bataillon comme brancardier avec 7 de mes camarades. Nous passons à Sampigny (pays de Mr. Poincarré), Mécrin, Marbotte et nous arrivons au poste du bataillon placé en face de l’Etang de Ronval, forêt d’Apremont (15 km).
A 5 heures du soir nous quittons le poste de secours de Ronval pour aller à 1 km à gauche.
Les Américains ayant attaqué, les Allemands sont obligés d’évacuer la pointe de St-Mihiel.
Nous allons au P.C. Rabier. Nous passons dans les lignes Boches abandonnées et nous couchons dans un bois près de Woinville.
A la tombée de la nuit nous allons cantonner dans les baraquements Boches à 500 mètres du village de Savonnières. Dans leur retraite les Allemands ont laissé un matériel considérable et brûlé beaucoup de baraquements.
Nous restons toute la journée dans les baraquements. Boches près de Savonnières.
92
Nous quittons l’endroit où nous étions la veille
Nous passons à Savonnières, Varvinay, dans la ville de St-Mihiel (délivrée depuis 3 jours), près du fort du Camp des Romains, Chauvoncourt, Maizey, Dompcevrin et nous rejoignons la musique à Bannoncourt, sans avoir eu pendant notre avance, aucun blessé à transporter.
Bannoncourt.
Nous donnons concert.
Bannoncourt.
Nous allons donner concert à 2 km, où cantonne le 3ème bataillon.
Bannoncourt.
Nous donnons concert.
Bannoncourt.
A 8 heures du soir, nous quittons Bannoncourt. Nous passons à Woimbey, Bouquemont, Tilly, Grand Monthairon, Petit Monthairon, Ancemont et nous cantonnons à Dieue (Meuse), étape de 22 km.
Dieue
Nous sommes ici avec les Américains. Nous donnons concert.
A 7 heures du soir nous quittons Dieue, pour aller cantonner à Haudainville.
Nous quittons Haudainville à 8 heures du matin pour aller cantonner à Dugny (6 km).
Ici j’apprends que le régiment de mon pauvre Louis est à Verdun.
A 7 heures du soir nous quittons Dugny, nous passons à Haudainville où nous étions la veille. Ensuite nous passons à Verdun (dans la ville) et nous allons cantonner au camp de la Valtoline en arrière du Tunnel de Tavannes.
Camp de la Valtoline.
A 8 heures du soir nous quittons le camp pour aller en réserve derrière la 18ème division (division dont faisait partie mon pauvre Louis) au ravin des Vignes près du village de Fleury et de la côte de Froide Terre. On nous répartit dans les bataillons et je suis désigné pour le 2ème.
Ravin des Vignes avec le 2ème bataillon.
Ravin des Vignes.
Nous assistons à un combat d’avions évoluant à 50 mètres au-dessus de nous. L’avion Boche piloté par un As renommé tombe en feu près de nous.
Ravin des Vignes.
Nous allons enterrer l’aviateur Boche descendu hier.
A 22 heures nous quittons le Ravin des Vignes, nous passons à Bras et nous allons cantonner dans un abri de la Côte du Poivre.
Côte du Poivre.
Nous ignorons ce qui va se passer, car ça bombarde violemment.
Côte du poivre.
Nous allons dans la nuit ramasser plusieurs blessés et nous les transportons dans un poste de secours établi dans les carrières d’Haudremont.
Côte du Poivre.
Violent bombardement. Nous allons encore dans la nuit ramasser des blessés et nous les transportons au même endroit que la veille.
Côte du Poivre.
Même travail que la veille.
Côte du Poivre.
Le bombardement est très violent.
Côte du Poivre.
Nous transportons de nombreux blessés pendant la nuit.
Nous quittons l’endroit où nous sommes pour aller dans un abri près du Ravin du Bouc.
Notre régiment attaque après une furieuse préparation d’artillerie, le Bois des Caures. L’objectif est attaqué par le 1er bataillon à droite, le 2ème à gauche.
Tout d’abord le 1er bataillon atteint son objectif ; le 2ème l’atteint également sauf devant sa gauche près du Bois d’Haumont, où accolées dans un nid formidable, se trouvent 22 mitrailleuses ennemies. De l’artillerie et des obusiers sont demandés pour réduire ce nid.
Dans cette première attaque, les 1er et 2ème bataillons ont fait plus de 500 prisonniers. Une puissante contre- attaque ennemie sur le 1er bataillon lui prend un tiers du bois. Le lieutenant-colonel d’Oullenbourg engage alors entre les 2 bataillons le 3e tenu jusque-là en réserve.
L’attaque est minutieusement préparée et coordonnée avec une habile intervention d’artillerie. Le 1er et le 3e bataillons reprennent tous les objectifs, faisant une soixantaine de prisonniers, capturant des canons et des mitrailleuses.
Dans le fameux nid de mitrailleuses du bois d’Hautmont, deux seules peuvent être prises. Le lieutenant Le Rouxel avec les canons stockés de 2 régiments établit une batterie pour les réduire et le lieutenant Courtet commandant la 6e compagnie les enlève dans une brillante attaque, faisant 60 prisonniers.
La 1ere bataille inscrite était aux dépens des Autrichiens. Par une curieuse coïncidence, le régiment terminait la campagne à Verdun en face d’eux.
Dès le commencement de l’attaque, nous installions notre poste de secours à la ferme d’Anglemont. Les blessés étaient nombreux à transporter, nous gardons avec nous plusieurs autrichiens (qui se rendent en masse) pour nous aider jour et nuit, à les emporter au poste de secours central se trouvant au ravin du Cul du Chien.
93
Ferme d’Anglemont.
Notre régiment, ayant avancé, nous établissons notre poste de secours dans un abri occupé la veille par les Boches. Toute la journée et toute la nuit, sous un violent bombardement d’obus à gaz, aidés par des soldats autrichiens, nous continuons le transport des blessés.
Bois des Caures.
Même travail que la veille. Les Boches qui nous aperçoivent de loin, nous mitraillent et souvent, nous sommes obligés de nous terrer dans des trous d’obus. Les Autrichiens sont bien plus froussards que nous et encore plus déprimés.
Bois des Caures. Ferme d’Anglemont.
Notre poste est repéré et les obus à gaz tombent drus. Notre situation est critique vu que notre entrée se trouve face aux Boches. Nous avons remplacé les Autrichiens par des Boches pour aider au transport des blessés.
Toute la nuit, nous gardons le masque et nous respirons difficilement pour assurer notre travail si pénible.
Bois des Caures.
Le 2e bataillon étant relevé, nous nous apprêtons à quitter le poste de secours où nous sommes deux équipes avec un médecin, le caporal-brancardier Boeuf et une dizaine de prisonniers boches.
Le caporal sort le premier avec 2 boches. Un obus tombe au même moment les tuant tous les trois, effondrant complètement l’entrée de notre poste.
Sans perdre une minute, nous nous employons à dégager l’entrée pour ne pas mourir asphyxiés. Nous y parvenons difficilement et nous nous empressons de quitter les lieux.
Le caporal Boeuf était au front depuis le début avec le 92e. La veille de sa mort, il nous disait avoir le pressentiment qu’il y resterait. Très courageux au début, il était devenu froussard vers la fin.
Lorsqu’il a été tué, il emportait comme souvenir une carabine autrichienne. Cette carabine, je l’ai ramassée et emportée.
Nous allons, étant relevés, à la ferme Mormont (voir la carte précédente). J’y trouve mes amis Ricard, Tantôt et Vaissade du 121e.
Ferme Mormont. Côte 344. Tranchée de la Perche.
Relai pour le transport des blessés jusqu’au ravin du Cul de Chien. Coin très dangereux, bombardé avec fureur.
Nous continuons donc le transport des blessés.
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés. Bombardement intense.
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés.
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés.
Un musicien évacué (Piarroux)
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés.
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés.
Je vais voir mon ami Ricard.
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés.
De nouveau, je souffre des gaz, crachant encore du sang. J’hésite à aller à la visite car on parle que nous allons être relevés.
Ferme Mormont. Côte 344.
Transport des blessés.
Cette nuit nous faillîmes y rester. Un violent tir de barrage nous surprend. Tous les 4 nous restons figés les uns sur les autres dans un trou d’obus avec notre brancard au-dessus. Tout autour de nous des cadavres que nous distinguons à la lueur des fusées éclairantes.
Des troupes noires sont par ici et dès l’accalmie, c’est un des leurs que nous ramassons. Encore une où nous l’avons échappée belle.
On se cramponne car on murmure tellement que la fin est proche qu’il serait malheureux d’y laisser sa peau après avoir tant souffert et échappé souventes fois à la mort.
Ferme Mormont.
Journée à peu près calme. 2 blessés transportés dans la journée.
94
Ferme Mormont.
A 22 h, nous sommes relevés par la 26e division américaine. Nous passons à Vacherauville. Nous longeons le canal jusqu’à Bras, Belleville, Thierville et nous couchons à Verdun.
Nous quittons le 2e bataillon avec lequel nous étions depuis le 23 septembre pour rejoindre la musique cantonnant à la citadelle de Verdun (casernes Beaurepaire).
Verdun. Casernes Beaurepaire.
Dans la matinée, nous visitons la ville Les obus boches ont fait de grands ravages.
Le soir, nous assistons dans la cour de la caserne, au concert donné par la musique américaine du 102e d’artillerie.
A 18 h30, nous quittons Verdun, passons à Dugny, Landrecourt, Ancemont, Petit Montairon, Grand Montairon, Villers-sur-Meuse et nous cantonnons à Rambluzin (28 km).
Rambluzin.
Repos.
Nous quittons Rambluzin, passons à Benoîte-Vaux, Courouvres, Pierrefitte, Belrain, Elrize-la-Brûlée et nous cantonnons à Seigneulles (28 km).
Nous quittons Seigneulles, passons à Rumont, Lavallée, Ménil-aux-Bois et nous cantonnons à Sampigny (26 km).
A 5 h du matin, nous quittons Sampigny (pays de M Poincaré).
Nous passons à Vadonville, Lérouville et nous cantonnons à Commercy (12 km). Ici, j’y rencontre Marius Lagrange. Nous faisons un bon déjeuner dans un hôtel de la ville.
Nous quittons Commercy à 1 h du matin.
Nous passons à Ville-Issey, Sorey, Troussey, Pagny sur Meuse. Nous quittons la Meuse pour rentrer en Meurthe-et-Moselle. Lay, Saint-Rémy, Foug, Ménillot où nous cantonnons après une étape de 27 km.
A 6 h du matin, nous quittons Ménillot, passons à Choloy, Toul, Dommartin, fort du Tillot, Bicquelay et nous cantonnons au camp du Bois l’Evêque (18 km).
Un musicien évacué (Laudinet). Nous voici donc dans un camp avec les Américains, près de la ville de Nancy.
Lundi.
Je me lève le 1er pour aller chercher le jus et je lis le communiqué suivant affiché après un baraquement du camp :
« Les hostilités seront arrêtées sur tout le front à partir du onze
novembre à 11 heures du matin.
Les troupes alliées ne dépasseront pas jusqu’à nouvel ordre la ligne
atteinte à cette date et à cette heure.
Signé : Foch. »
Enfin ! Le voici donc arrivé, cet heureux jour que nous avons si souventes fois réclamé.
Je bondis vers mes camarades, leur apprend l’heureuse nouvelle. Tous se lèvent. Nous sautons sur nos instruments et sans perdre une minute, nous jouons des danses pendant que des camarades dansent éperdument.
Les troupes américaines qui sont avec nous dans le camp, participent, elles aussi à notre fête. Malheureusement, pour l’arroser ! … Aucune cantine dans le camp, par conséquent rien à boire.
J’ai la visite de mon ami Ricard qui déjeune avec nous et afin
d’arroser copieusement ce jour sacré, nous allons, Aufaure, DAVID, moi et Ricard
dans un patelin où il cantonne (Maron). Nous y prenons chacun une bonne cuite,
participant ensuite à la retraite organisée par la musique du 121e bras dessus,
bras dessous avec les gens du village, nous suivons la musique, puis après,
grand bal au milieu de la place du village où nous dansons toute la nuit.
Vers les 5 h du matin avec mes camarades, nous rejoignons bien difficilement le camp l’Evêque (5 km) en nous donnant le bras tous les trois.
Nous avions quitté Ricard dans un état lamentable.
Camp du Bois l’Evêque entre Toul et Nancy.
Nous donnons concert.
Camp du Bois l’Evêque entre Toul et Nancy.
Nous donnons concert.
A 3 h, je quitte le Camp pour partir en perme.
Je vais prendre le train à Toul (15 km). Je prends la ligne Toul-Commercy, Bar-le-Duc, Faveresse, Montargis, Nevers, Saint-Germain et j’arrive à Vichy, samedi 17 à 5 h du matin.
Je passe ma permission dans ma famille à Cusset.
Pendant ma permission, mon régiment quitte le camp du Bois l’Evêque, faisait son entrée triomphale dans Metz, passait à Thionville, Deux Ponts. La veille de quitter Cusset, mes parents recevaient la lettre suivante :
« La Chapelle, le 26 novembre 1918
Monsieur,
Je reçois à l’instant une lettre de mon fils prisonnier du 17 juillet
dernier, m’informant qu’il se trouve avec votre fils au camp de Worms mais sa
lettre a mis du temps pour venir, elle est datée du 22 septembre.
Je pense, Monsieur, que depuis ce temps, votre fils vous a écrit.
Nous allons avoir le bonheur de les revoir bientôt mais dans quel état
?
Recevez, monsieur, mes sincères civilités.
Femme Griffaut. Ch. Vins à La Chapelle-sous-Crécy (Seine et Marne) »
Cette lettre fut pour nous un
grand soulagement de savoir mon frère Noël encore vivant alors que quelques-uns
de ses camarades étaient persuadés qu’il avait été tué.
F I N
Contacter le propriétaire du carnet d'Antony
POUZAT
Voir sa fiche
matriculaire
Voir
des photos du 92ème régiment d’infanterie
Suivre
sur Twitter la publication en instantané de photos de soldats 14/18
Vers d’autres témoignages
de guerre 14/18