Correspondance de guerre de Léon PRÉVOST

Soldat aux 98e et 16e régiments d’infanterie

Mise à jour : novembre 2016

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Léon PREVOST avait coutume de dire qu'il avait payé à l'armée sa dette pour trois générations. Incorporé en 1911, il sera démobilisé 9 ans plus tard. Entre 1914 et 1919, il a adressé à sa famille un certain nombre de cartes postales que ses enfants et petits-enfants ont réunies et publiées dans un recueil, publiée sur cette page.

Ce recueil a été déposé aux archives départementales du Puy-de-Dôme.

 

Merci à Jean (son fils de 87 ans) et à Marianne.

 

Pour la recopie du texte, merci à Agnès, Claire, Daisy, Isabelle, José, Cédric, Lionel.

 

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INTRODUCTION

Léon PREVOST est né le 1er octobre 1891. Il est le second fils de Jacques Prévost (1862-1939), agriculteur et tisserand à Langelier, commune de Pionsat et de Germaine CLAUTRIER (1868-1946), originaire de la Petite Marche, canton de Marcillat.

Son frère ainé Jean, né en 1890 est prêtre. Sa sœur cadette, Marie, est née en 1897.

Après un apprentissage de maçon dans le Jura, il part au service militaire en 1911. Il est affecté au 98ème régiment d’infanterie de Roanne.

 

 

 

La durée du service militaire est à l’époque de deux ans. Elle est portée à trois à partir de juin 1913. Léon PREVOST ne quittera pas l’uniforme de son départ au service militaire jusqu’à sa démobilisation à la fin de l’année 1919, soit durant presque neuf ans.

 

Il participe avec le 98e RI à l’une des premières batailles de la guerre, celle de Charleroi (20-25 août 1914). Il est blessé (fracture) à la jambe gauche dés le début de la bataille. Il reste plusieurs jours sans recevoir de soins ayant bandé sa jambe avec la courroie de son sac.

C’est seulement un mois après sa blessure, le 20 septembre, qu’il est hospitalisé à Lyon où il restera durant cinq mois.

 

Il repart pour le front en février 1915, mais cette fois au 16e régiment d’infanterie.

En 1916, il participe à la bataille de Verdun. Il est cité deux fois au cours de l’année 1917 :

Ø  Cité à l’ordre de la 25e division d’infanterie du 13 juillet 1917 comme infirmier brancardier :

« Du 1e au 4 avril 1917 a, comme brancardier, fait preuves des plus belles qualités portant secours à ses camarades blesses, malgré les bombardements les plus violents. Soldat très brave et très dévoué, volontaire pour toutes les opérations dangereuses. »

Ø  Cité à l’ordre de la division du 10 septembre 1917 :

« Pendant l’attaque du 20 août 1917, a fait preuve de courage et d’abnégation en se portant malgré le tir des mitrailleuses ennemies, au secours d’un officier blessé. A été atteint par une balle en accomplissant cette mission. Déjà cité. »

 

Il est blessé pour la seconde fois le 20 août 1917 à Avocourt par balle (omoplate) et blessé de nouveau le 29 juillet 1918 à Grand Rozoy (éclat d’obus).

Maintenu service armé, inapte à faire campagne, il est proposé pour changement d’armes par la commission de réforme du 25/09/1918, pour ancienne fracture de la jambe avec troubles circulatoires pendant la marche et blessure au niveau des omoplates gênant le port du sac.

Il passe donc au 81e régiment d’artillerie Lourdes le 7 octobre 1918.

 

La guerre terminée, il devra attendre encore un an pour réintégrer la vie civile à la fin du mois d’août 1919.

Voir sa fiche matriculaire  >>>  ici  <<<  (Attention, il y a 2 pages)

 

 

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Cartes postales du front

La première carte envoyée n’est pas datée, mais elle est certainement de septembre depuis l’hôpital de Lyon. Léon a été blessé le 20 août durant le premier contact de son régiment avec les Allemands vers Hesse et Schneckenbush, près de Sarrebourg. Le journal des marches et opérations (JMO) du régiment dit :

« La nuit est presque complète lorsque, malgré des pertes énormes, le régiment, mal orienté et divisé, arrive près des tranchées allemandes. Des fractions du régiment (…) se seraient tirés dessus (…) il y a eu méprise ou panique, on ne sait pas au juste et les débris du régiment ont rétrogradé… »

Les 20-21 août, le 98e RI a 22 tués et 198 disparus (JMO de la 50e brigade), l’ensemble de cette brigade près de 1000 hommes hors de combat.

1914  (septembre ? à Lyon ?)

[…] un fait dont je ne me rappelle plus. Alors on l’aurait décoré quand même qu’il serait prisonnier. Nous avons été délivrés des boches au bon moment car en ce moment ils sont encore à Badonviller et ils se battent du côté de Raon-l’Etape. Alors nous pouvons dire que nous avons eu beaucoup de chance car maintenant les pommes de terre doivent se faire rares et nous serions sûrs de mourir de faim.

Aujourd’hui je ne peux pas descendre dans la cour car il fait trop mauvais temps mais on joue aux cartes et au jeu de dames et on ne s’ennuie pas.

Je vous embrasse tous.

Léon

1914, sans date

Petite promenade dans la cour pas trop longue bien entendu car je suis vite fatigué.

Je n’ai plus beaucoup d’argent et vous m’en enverrez quand vous pourrez. J’ai écrit 2 cartes aux MARTHURET et ils ne m’ont encore pas fait réponse, je ne sais pas pourquoi.

Plus rien de nouveau ici pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon.

Lyon, 30 octobre 1914

Bien chers parents,

Hier soir, j’ai écrit à mon capitaine pour essayer d’avoir des nouvelles de MANSAT. (*)

Peut-être pourra-t-il me renseigner, en tous les cas je n’en serai quitte que pour une feuille de papier et s’il pouvait me renseigner, je serais bien heureux de prévenir ses parents.

Rien de nouveau ici. Je vais toujours bien

Je vous embrasse tous.

Léon

 

(*) : Jacques MANSAT fait partie des disparus du régiment. Le jugement du décès a été rendu en décembre 1920.

MANSAT Jacques, caporal à la 7e compagnie, mort pour la France le 20-21 août 1914 à Sarrebourg, déclaré disparu au combat. Il était né au Quartier (63).

Lyon 6 novembre 1914.

Bien chers parents,

Aujourd’hui le docteur a donné la permission d’aller se promener en ville pour ceux qui pouvaient marcher mais moi je suis obligé de rester là parce que je ne pourrai pas  aller bien loin et puis je ne pourrai pas marcher sans bâton et puis je ne suis pas le seul. Mais ça ne fait rien.

J’aime encore autant rester là que de courir en ville et puis partir d’ici dans un jour ou deux. Car tous ceux qui sortent, ils sont presque guéris et ils sont là que pour deux ou trois jours. Il n’y a rien de nouveau ici pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon

Lyon, mardi 8 novembre 1914

Bien chers parents,

J’ai reçu une lettre du père MANSAT qui me demande des noms des soldats de la 7ème compagnie pour leur écrire. Je viens de lui faire réponse en lui en donnant 7 ou 8 mais c’est comme je lui ai dit, il n’aura sûrement pas de nouvelles par eux avant 3 semaines car moi je leur ai déjà écrit il y a bientôt 15 jours et je n’ai encore rien reçu.

Il n’y a rien de nouveau pour le moment si ce n’est qu’il ne fait pas bien chaud et toujours du brouillard.

Adieu. Je vous embrasse,

Léon

Lyon, 13 novembre 1914

Bien chers parents,

Aujourd’hui rien de nouveau si ce n’est qu’il va faire une belle journée. Il y avait une demoiselle qui nous avait photographiés aux Charmettes le lendemain qu’on m’avait enlevé mon appareil de ma jambe, elle nous l’a apportée hier soir. Las je suis mal foutu. Celui qui est avec moi c’est toujours celui qui est sur les autres photos.

Je vous embrasse tous.

Léon

Je reçois une lettre de M. l’abbé à l’instant.

 

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Lyon, 14 novembre 1914

Bien chers parents,

Il n’y a encore rien de nouveau ici si ce n’est qu’il en est parti une douzaine ce matin pour leur dépôt (*) et je vous garantis qu’ils ne sont pas partis sans être habillés. On leur a donné un chandail, une ceinture, une chemise, des chaussettes, un cache-nez, un passe montagne et une veste en toile cirée mais elle n’a pas de manches. Avec ça ils n’auront pas froid et ceux qui partent en ont autant.

Pour moi, je ne compte pas partir encore.

Je vous embrasse tous.

Léon

 

(*) : Il s’agit des dépôts divisionnaires, qui sont la première étape pour retourner au combat après une blessure.

Lyon 19 novembre 1914

Bien chers parents,

Je viens de recevoir une lettre d’un de mes camarades du 98ème à qui j’avais écrit pour avoir des nouvelles de MANSAT et malheureusement il ne sait rien. Tout ce qu’il peut me dire, c’est qu’ils sont dans les tranchées en train de se battre (*) et il me dit aussi qu’il ne manque pas beaucoup de mes camarades. C’est ce qui m’a bien étonné.

Il n’est pas la peine que j’écrive à MANSAT puisque je ne sais rien. Ca ne les avancerait en rien.

Rien de nouveau pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon

 

(*) : Le régiment se trouve au bois des Loges, sud de Royes (limite Somme-Oise).

Lyon 20 novembre 1914

Biens chers parents,

Voilà 3 mois que je suis blessé et 2 mois que je suis à Lyon. Seulement il y a 3 mois, il faisait plus chaud qu’aujourd’hui, car il fait un vent qui est très froid et puis il commence à geler.

Rien de nouveau ici.

Je vous embrasse tous

Léon

Lyon, 21 novembre 1914

Bien chers parents,

La neige vient de faire son apparition et il y en a bien 10 cm alors adieu les promenades dans la cour mais ça ne me gêne pas bien parce que je ne peux pas encore bien marcher.

Le plus embêtant, c’est pour les pauvres soldats qui sont sur le front. Ils sont bien à plaindre car ils ne doivent pas avoir chaud maintenant.

Je vous embrasse tous.

Léon.

Lyon, 22 novembre 1914

Bien chers parents,

J'attendais toujours de vos nouvelles pour savoir comment mon frère s'était arrangé pour ce conseil de révision. Je ne reçois rien. Pourtant il me dure de savoir comment ça s'est arrangé. Ecrivez moi donc le plus tôt possible.

Hier, les sœurs nous ont amenés à 2 heures dans leur couvent pour dire le chapelet. Ce n'était pas loin, environ 300 mètres mais avec ces gros souliers, je ne croyais pas pouvoir arriver au bout.

Alors vous pouvez être tranquilles. De longtemps je suis prêt à retourner au feu. Ils me feraient sortir de l'hôpital, ce n'est pas ce qui pourrait me faire marcher au contraire et puis je compte bien être encore là pour quelque temps.

Je crois que la neige aurait adouci le temps, mais il n'en est rien au contraire, il fait bien froid pour ceux qui sont sur le front car ce doit être terrible dans les tranchées maintenant. Dans l'attente de recevoir de vos nouvelles, je vous embrasse tous.

Léon.

Lyon 23 novembre 1914

Bien chers parents,

Je viens de recevoir à l'instant une lettre d'un MARTIN de Saint Gervais qui était caporal à ma compagnie auquel j'avais demandé des nouvelles de MANSAT. Il me dit qu'il a été blessé le 20 août aussi et qu'il a été soigné à Vichy. Il y a 3 semaines qu'il est retourné au feu mais ils ne sont pas encore trop mal.

J'en doute bien un peu.

Ils ne sont pas loin des boches de 300 à 800 mètres mais il dit qu'il n'y a guère de blessés et qu'il ne manque pas beaucoup de camarades. Quant à MANSAT, il me dit qu'il a demandé à tous les camarades et plusieurs lui ont répondu qu'il serait peut-être mort d'une balle dans la tête, mais il ne peut l'assurer.

En tous cas je ne veux toujours pas le dire à ses parents. Je m'en vais leur écrire et je leur dirai que personne ne sait rien. Il parait qu'il aurait été blessé, le 20 août aussi et que c'était très grave sinon mortel et qu'il y a 99 chances sur 100 qu'il soit mort.

Enfin, j'aime mieux qu'ils l'apprennent par d'autres que par moi et puis on n'en est pas bien sûr, pour s'il était prisonnier il aurait bien écrit maintenant.

Adieu chers parents, je vous embrasse tous.

Léon

 

  […] J'ai bien vu sur les journaux qu'il y avait 8 jours de permission mais je ne savais pas encore si on les accordait mais hier il en est parti 2 et ils ont eu tous les deux huit jours et il en est de même pour tous ceux qui sortent de l'hôpital mais on a toujours le temps de les prendre, pour le moment il faut rester ici le plus longtemps possible.

Je connais bien le sergent de Mansat. Maintenant, il est sous-lieutenant il s'appelle BERGER mais je ne crois pas qu'il soit blessé mais comme il y avait 2 sergents par section il se peut que ce soit l'autre.

Il se nommait GUICHARD. Il est de la classe 10 et je le connais bien ainsi que l'autre qui est de ma classe. Alors vous voyez s'ils ont de l'avance à monter en grade. En tous les cas ils peuvent bien écrire à celui qui est sous-lieutenant car il y a quinze jours que j'ai reçu des nouvelles d'un camarade et il n'était pas blessé.

Je vous embrasse tous affectueusement.

Léon.

Lyon 26 novembre 1914

Bien chers parents,

J'ai reçu la carte de mon frère ce matin mais vous êtes toujours de même.

Vous vous inquiétez toujours sur moi et pourtant comme je vous le dis dans ma dernière lettre vous pouvez être tranquilles sur mon sort car de longtemps je suis prêt de retourner au feu bien que ma jambe ne me fasse pas trop souffrir. Elle ne veut pas beaucoup marcher, mais je m'appuie bien dessus.

C'est qu'elle n'est pas forte. La fatigue me prend vite mais plus tard elle reviendra bien comme auparavant mais je suis sûr que vous ne voulez pas croire ce que je vous dis.

Et pourtant, c'est la vérité. Ah si ce n'était pas si loin que vous puissiez venir bien facilement vous verriez bien que je ne vous dis que ce qui en est et puis d'ailleurs je n'ai rien à vous cacher.

Encore une fois soyez tranquilles pour moi je suis bien et j'y resterai le plus longtemps possible Nous sommes encore 5 dans la chambre qui ne sortons pas en ville mais ça ne nous fait pas envie nous ne pouvons guère marcher et nous préférons jouer une manille que de sortir et pendant ce temps on ne s'ennuie pas et puis nous avons beaucoup de livres qui sont très intéressants.

Pourvu que ça dure nous sommes très bien, il n'y a plus rien de nouveau ici pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon.

Lyon 27 novembre 1914

Bien chers parents,

Hier, j'ai reçu une lettre de CHAFFRAIX. Il me dit qu'il est dans le Nord et toujours en bonne santé.

Seulement ils n'ont plus de chevaux. Ils se battent à pied et ils sont aussi dans les tranchées comme les fantassins. Il me dit qu'ils ont chargé rien qu'une fois sur un peloton de Dragons boches. Ils en ont tué quelques-uns et fait les autres prisonniers.

Il ne doit pas faire chaud dans les tranchées maintenant car lorsque l'on sort ici on se gèle de froid aussi il faudra tâcher moyen de rester le plus longtemps possible au chaud.

Je vous embrasse tous.

Léon

Langelier, le 24 novembre 1914

(Lettre de Jean Prévost à son frère)

 

Bien cher Léon,

La lettre qui t'annonçait le résultat de mon conseil de révision te sera sans doute parvenue dimanche dernier.

Mais ne te fais pas de mauvais sang, pas plus que moi. J'ai encore l'espoir d'être réformé en arrivant au corps. Et puis cela ne me fait pas de peine. Je ne demande qu'une chose C'est d'être versé dans la section des infirmiers.

Nous ne nous inquiétons pas trop de ton séjour prolongé à l'hôpital car tu es là mieux que partout ailleurs mais tu ne nous dis pas si ta jambe te fait souffrir. Si tu peux t'appuyer dessus, si elle ne t’empêche pas de dormir et enfin si tu ne t'ennuies pas trop là-bas à ne rien faire et surtout à ne pouvoir sortir.

La guerre se prolonge et fait [...]

Lyon, 28 novembre 1914

Bien chers parents,

Nous voici presque au mois de décembre et malheureusement la prédiction que je vous avais envoyé n'a pas bien l'air de réussir car il y en a encore pour longtemps. Heureusement que moi aussi j'en ai pour longtemps avant de retourner au feu.

Il n'y a rien de nouveau ici pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon

Lyon, le 30 novembre 1914

Bien chers parents,

Aujourd’hui il va faire une très belle journée il ne fait pas froid du tout. On se dirait au mois de septembre aussi il fera bon dans la cour après-midi et on pourra essayer de marcher un petit moment sans trop se forcer.

Ce temps doit un peu arranger ces pauvres soldats qui sont sur le front mais ce n'est pas sans besoin.

Je vous embrasse tous.

Léon

Lyon, 5 décembre 1914

Vous m'aviez dit que mon frère partirait dans 8 ou 15 jours après la révision mais sans doute que ça a été retardé, et puis ils ont bien fait car il a bien le temps d'y aller. Vous m’écrirez donc aussitôt que vous le saurez.

Il n'y a rien de nouveau ici. Je suis toujours en bonne santé et ma jambe ne me fait pas bien souffrir ces jours ci.

Je vous embrasse tous.

Léon

Lyon, 7 décembre 1914

Bien chers parents.

Hier nous avons pris le tramway et nous avons été au pèlerinage à Notre Dame de Fourvière.

Ça se trouve tout à fait sur une colline mais il y a une belle église quand même, Jamais je n'avais vu tant de monde et rien que des hommes mais ce qu'il y avait aussi c'était beaucoup de soldats blessés.

Au moment où j'allais faire partir ma carte je reçois une carte de ma sœur qui me fait beaucoup de peine, car je vois que vous êtes beaucoup dans l'inquiétude à cause de mon frère. Je sais bien que c'est bien ennuyeux mais que voulez-Vous on est bien obligé de se résigner.

Ce n'est pas le mauvais sang que vous vous faites qui peut y arranger quelque chose. J'ai reçu deux cartes de lui mais il me dit seulement qu'il est arrivé à Riom et c'est tout. Donc ne vous faites pas tant de mauvais sang car il tâchera bien de se débrouiller.

Adieu, je vous embrasse tous affectueusement.

Léon.

Lyon 10 décembre 1914

Bien chers parents,

Je viens de recevoir la lettre de mon frère qui m'annonce son départ et c'est vraiment bien ennuyeux de partir à cette saison. Si encore il pouvait se faire mettre dans l'auxiliaire, il s'en tirerait toujours mieux. Enfin, espérons qu'il s'en tire toujours le mieux possible. Je ne sais pas encore si je resterais bien longtemps ici. En tous les cas je fais mon possible pour y rester le plus possible.

Je vous embrasse tous.

Léon

Ces jours ci ma jambe va très bien et ne me fait guère mal.

Espérons que ça dure comme ça.

Riom, le 11 décembre 1914

Lettre de Jean Prévost à son frère

 

Bien Cher Léon,

Je ne couche pas encore à la caserne de ce soir. Je t'embrasse bien affectueusement.

Je t'écrirai bientôt quand je serai fixé sur ma situation.

J. Prévost

Au 105e d'inf. 29ème cie, Caserne d'Anterroche, Riom.

Riom, le 11 Xbre 1914

Lettre de Jean Prévost à ses parents

Ce n'est pas encore de la caserne que je vous écris. Je dois vous dire que je suis définitivement affecté à la 29e compagnie commandée par l'abbé DE PROVENCHERE. Je me trouve dans la même compagnie avec un autre prêtre de ma classe, un nommé COURTADON, neveu du curé de MONTEL DE GELAT.

Ce soir, sur les 4 heures, Marcel Pradel nous a conduits à la caserne. Nous n'en sommes pas plus à plaindre pour cela. J'ai aperçu DEBOUTIN, il est à la même caserne mais à la 27ème Cie. Je pense que nous serons habillés demain. Il paraît qu'un jour après que nos feuilles d'appel étaient parties est venu un ordre du ministre de suspendre les appels jusqu'à nouvel ordre par suite du manque d'habillement. Mais c'était trop tard, nous étions déjà appelés.

A bientôt plus de détails.

Lyon 13 décembre 1914

Bien cher frère,

Je m'empresse de faire réponse à tes 2 cartes pour te donner de mes nouvelles qui sont toujours bonnes. Ma jambe va très bien ces jours-ci et ne me fait plus souffrir. Tu m'écriras le plus tôt possible pour me dire comment tu t’arranges.

Je t'embrasse bien affectueusement.

Léon.

Lyon, 22 décembre 1914

Bien chers parents,

Toujours en bonne santé ainsi que ma jambe qui va toujours bien. Je n'ai encore rien reçu de mon frère. Pas de nouveau pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon

Lyon, 22 décembre 1914

Bien chers parents,

Contrairement à ce que je vous avais dit dernièrement que je ne comptais pas rester bien longtemps ici et bien le docteur a passé la visite ce matin pour en faire partir pour Noël. Il m'a dit que j'en avais bien encore pour quelque temps pour que ma jambe reprenne ses forces et comme je ne demande pas mieux que de rester encore ici ça tombe bien.

Il y en a 25 qui partent la semaine prochaine.

Je vous embrasse tous.

Léon

Riom, le 22 décembre

Lettre de Jean Prévost à son frère

Je suis tout heureux d'apprendre que ta jambe te fait moins souffrir.

Quant à moi je vais toujours bien. Depuis deux jours, je ne vais plus à l'exercice, mais je ne sais pas si ça durera. Je te tiendrai au courant. Pour le moment je suis encore dans l'incertitude.

A bientôt une longue lettre.

J. PREVOST

Lyon, 24 décembre 1914

Bien chers parents,

J'ai reçu une carte de mon frère hier soir. Il me dit qu'il ne va plus à l'exercice depuis 2 jours. Mais il ne me dit pas pourquoi, ni ce qu'il fait. Comme je vous le disais dernièrement, il se débrouillera bien.

Rien de nouveau ici, si ce n'est qu'il ne fait pas bien chaud aujourd'hui. Il a gelé la nuit.

Je vous embrasse tous affectueusement.

Léon

Lyon, 24 décembre 1914

Bien cher frère,

J'ai reçu ta carte ce matin qui m'a fait bien plaisir de te savoir en bonne santé. Tu me dis qu'il y a 2 jours que tu n'as pas été à l'exercice alors je vois que tu te débrouilles.

J'ai reçu une carte de M. l'abbé ce matin, aussi il va bien ainsi que tout le monde de chez nous. Je suis toujours en bonne santé et ma jambe va très bien aussi.

Il ne doit pas faire bien chaud pour faire l'exercice maintenant car ici il commence à faire froid et ce doit être de même à Riom. Tâche donc d'y aller le moins possible. Tâche moyen de me tenir au courant de ce que tu fais le plus souvent possible.

Je t'embrasse affectueusement.

Léon

Lyon, 26 décembre 1914

Bien chers parents,

Pas de nouveau pour le moment. Hier nous avons eu un peu la fête par un arbre de Noël où il y avait quelques petites choses. J'ai eu une paire de gants et des cigarettes.

Je vous embrasse tous affectueusement.

Léon

Lyon, 28 décembre 1914

Bien chers parents,

Je crois que mon séjour ici s'avance et que la semaine prochaine il faudra partir car il manque de place. Le docteur aurait dit qu'il allait en envoyer une grande partie la semaine prochaine et je compte bien être du nombre mais je ne sais pas si j'aurai mes 8 jours de permission ici ou à Roanne.

Enfin aussitôt que je le saurai je vous tiendrai au courant. Vous m'enverrez un peu d'argent pour faire mon voyage au cas où je partirai.

Je vous embrasse tous bien affectueusement.

Léon

Lyon, 29 décembre 1914

Bien chers parents,

Je vous disais que j'allais bientôt partir et bien je crois que ce ne sera pas tout à fait de sitôt car je ne me rappelle pas si je vous avais dit que lorsque ma jambe s'était arrangée les os avaient un peu montés l'un sur l'autre et ça formait une petite bosse qui ne m'a jamais fait mal mais c'est sensible.

Alors le docteur vient de me dire qu'il vaudrait mieux l'enlever que de la laisser car si je tombais dessus ça me ferait toujours mal. Alors, je crois qu'il vaut mieux me faire l'opération que de la garder et puis je serai ici pour quelque temps de plus. Mais il ne faut pas vous figurer que c'est grave et difficile à faire.

Non, ce ne sera rien et puis en attendant le temps passera.

 

J'ai reçu des nouvelles de mon frère hier, mais il ne me dit pas grand chose juste la nouvelle que vous m'avez annoncée. En tous cas il est tranquille. Il ne fait rien du tout.

Plus rien pour le moment. Je vous tiendrai toujours au courant pour ma jambe.

Léon

Lyon, 6 janvier 1915

Bien chers parents,

Me voici au lit pour 2 ou 3 jours. C'est bien une petite pénitence. Enfin, je suis toujours mieux au lit que si j'étais dans les tranchées.

Je ne souffre pas beaucoup. C'est le principal. Rien de nouveau ici pour le moment.

Je vous embrasse tous bien affectueusement.

Lyon, 7 janvier 1915

Bien chers parents,

Rien de nouveau ici pour le moment. Je suis toujours en bonne santé. Ma jambe va mieux aussi. Elle me fait moins mal que hier, mais je suis toujours au lit.

Je vous embrasse tous affectueusement.

Léon

Lyon, 10 février 1915

Bien chers parents,

Ce n’est pas encore d’aujourd’hui que je passe le conseil de convalescence. Ce n’est que demain, ce sera toujours un jour de plus de passé ici.

La neige a de nouveau fait son apparition. Il y en a une bonne petite couche mais elle a de l’avance à partir.

Je vous embrasse tous.

Léon

 

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Une année de cartes postales a disparu…

Mardi, 22 février 1916

La carte postale représente le château de Pierrefonds.

 

Nous sommes toujours stationnaires, mais je crois que ce ne sera pas pour longtemps. Encore 3 ou 4 jours et puis après destination inconnue, mais ce ne sera pas encore pour les tranchées.

Enfin le temps s’est remis au beau. Il a gelé la nuit dernière mais toujours moins de boue pour marcher.

A part MERITET, je n’ai pas vu un camarade du pays mais peut-être COURTIOL est en permission en ce moment et je crois que LEBEAUPIN ne tardera pas non plus à y aller. Comme vous le voyez nous sommes dans un assez joli pays. Ce château est de la commune voisine.

Plus rien pour le moment.

Je vous embrasse tous affectueusement.

Léon

Dimanche 27 février 1916

C’est bien vite que je vais vous transcrire ces quelques mots car ici on est en train de bouffer des kilomètres et lorsqu’on arrive on est bien content de se reposer. Enfin deux mois seront vite faits.

Nous sommes toujours dans le même département et toujours en arrière du front, à peine si on entend le canon mais parait que ça fiat vilain plus en avant. Y irons-nous ? On n’en sait rien.

Hier j’ai vu les copains. LEBEAUPIN, LABBE et MERITET. Ils vont tous bien.

Il ne fait pas bien chaud ici. Il y a un peu de neige. Tout a été démoli par les boches. On ne peut rien trouver à acheter pas même du vin. C’est dégoûtant.

Enfin il faut se résigner.

Je vous embrasse tous.

Léon

Jeudi 2 mars 1916

La carte représente le château de Pierrefonds sans doute dans le secteur de Villers-Cotterêts.

 

Bien chers parents,

Nous voici tout de même ici depuis 2 jours. Ce qui nous fait un peu de repos qui est bien gagné.

Y resterons-nous longtemps ? Je n’en sais rien.

Il fait un peu moins froid tout de même et dans la journée, on est encore assez bien. Nous sommes couchés dans une grange. On n’y est pas trop mal car la paille ne manque pas.

Hier j’ai vu M. LESTRADE, il va toujours assez bien. Nous sommes dans de sales (…)

Mercredi 29 mars 1916

Bien chers parents,

Le temps me dure que vous sachiez que je suis sorti de cette bataille.

Rien de nouveau pour le moment. Je suis toujours en bonne santé.

Je vous embrasse tous.

Léon

Mercredi 29 mars 1916

La carte représente : Saint-Dizier – Hauts fourneaux de Marnaval

 

Bien chers parents,

Hier j’ai reçu vos deux lettres, celle de ma sœur du 23 et l’autre du 24. Vous me dites que vous ne recevrez pas de lettre. C’est embêtant mais c’est sans doute du temps où j’étais en première ligne que je ne pouvais pas écrire.

Le temps me dure que vous sachiez que je suis sorti de cette bataille. Rien de nouveau pour le moment. Je suis toujours en bonne santé.

Hier, j’ai eu une carte de Michel LEGAY. Il me dit qu’il est à Dunkerque maintenant, secteur 66.

Je vous embrasse tous.

Léon

26 septembre 1916

La carte postale représente le château de Pierrefonds

 

Bien chers parents,

Nous sommes au repos à moins de 30 kilomètres du front. Nous sommes donc à l’abri des obus. Nous sommes venus ici en auto camions. En revanche, on a bouffé de la poussière.

Nous avons un temps superbe. Et comme nous sommes cantonnés dans un château, on attendrait bien ici la fin de la guerre avec patience. Plus rien pour le moment.

Je vous embrasse tous.

Léon

1918

(La date est illisible, sans doute les premiers mois de l’année)

La carte postale représente la rue de Ligny à Velaines (Meuse)

 

Hier j’ai reçu votre lettre et je vois qu’il ne fait pas beau non plus vers vous Quel sale temps, pourtant aujourd’hui il fait moins froid, aussi on est tout heureux. Rien de nouveau pour le moment. Toujours la même situation.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

Léon

J’ai désigné mon logement par une croix, nous couchons tout à fait sous le toit, on n’y brûle pas et on se mouille de temps en temps.

Mantes, le 20 août 1918

Bien chers parents,

Dans ma lettre d’hier, je vous disais que je n’étais pas habillé au Bourget et bien je ne suis pas encore ici, on m’envoie encore ailleurs, où, je n’en sais encore rien, on nous le dira que ce soir à 4 heures quand il faudra reprendre le train, en tous les cas c’est dégoûtant de courir d’un côté et de l’autre comme ça et encore savoir si ça ne fera pas encore 3 ou 4 jours comme ça.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Le Bourget, 21 août 1918

Bien chers parents,

Me voici au Bourget depuis midi, ce sera ici que l’on va m’habiller, vous voyez comme ça marche bien, au lieu de me laisser venir ici directement on m’envoie plus loin et pourtant ce n’est pas si intéressant de voyager. Je serai habillé ce soir mais je ne partirai probablement que demain dans la journée.

Toujours une chaleur épouvantable.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Senlis, 25 septembre 1918

Bien chers parents,

Aujourd'hui, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Je viens de passer en commission de réforme et maintenant je suis versé dans l'artillerie lourde. Quelle veine, quel filon.

Demain je vous expliquerai ça.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Moret, le 12 octobre 1918

La carte représente une vue de Saint-Mammès (Seine et Marne). Moret-sur-Loing est une commune avoisinante.

 

Bien chers parents,

Aujourd'hui je suis de garde, il y a bien longtemps que je ne l’avais pas prise et il a bien fallu venir à l'arrière sans cela je ne l'aurais jamais prise enfin ça fera 24 heures de passées.

Rien de nouveau pour le moment.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

La croix sur la carte, c'est la maison où je loge, vous voyez qu'on n'est pas trop mal.

Moret, le 6 novembre 1918

Bien chers parents,

Aujourd'hui rien de nouveau à vous apprendre. Nous avons toujours le beau temps et il ne fait pas froid.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Nancy, le 16 mai 1919

Bien chers parents,

Hier matin j'ai reçu la lettre de mon père avec le mandat, merci bien, maintenant je pourrai attendre. Rien de bien nouveau à vous apprendre pour aujourd'hui si ce n'est qu'il fait toujours bien chaud.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Quelle décision a-t-on pris pour mon frère, probablement rien encore car vous me l'auriez dit.

Nancy, le 18 mai 1919

Bien chers parents,

Depuis hier soir la foire de Nancy est commencée. C'est une grande fête qui va durer de trois semaines à un mois et je vous garantis qu'il y a quelque chose comme baraques et jeux. Mais il y a bien du monde aussi, Jamais plus j'en avais tant vu. La grande place où ça se tient est immense mais il n'y avait pas moyen d'y passer tellement il y avait de monde, c'était une vraie fourmilière.

Hier soir il a tombé une petite averse mais aujourd'hui il fait encore beau temps.

Je vous embrasse de tout cœur. Léon

Nancy, 24 mai 1919

Bien chers parents,

Depuis hier les permissions sont remises à vingt jours. Et par conséquent les sursis sont supprimés puisque le mien n'a pas voulu venir, il ne faut donc plus y compter.

Enfin je pense que d'ici trois semaines j'aurais ma perm. Puisqu'on ne veut pas nous libérer, il faudra y retourner une autre fois. Enfin, avec 20 jours je crois que ça se tirera quand même, ils finiront bien par nous lâcher.

Plus rien pour aujourd'hui.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Nancy, le 1er juin 1919

Bien chers parents,

Quoi vous raconter aujourd'hui, je n'ai encore pas grand nouveau à vous apprendre si ce n’est que nous avons une chaleur étouffante, on se dirait au mois d'août, et ici la sécheresse commence bien à se faire sentir.

ͤJe vous embrasse de tout cœur.

Léon

Nancy, 18 juillet 1919

Bien chers parents,

Rien de nouveau pour aujourd'hui, je crois qu'ici nous aurons tout de même retrouvé le beau temps car depuis hier la chaleur est revenue, ce n'est vraiment pas trop tôt.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Nancy, 22 juillet 1919

Bien chers parents,

Rien de nouveau pour le moment. Je suis toujours en bonne santé.

Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

Nancy, 3 août 1919

Bien chers parents,

Encore rien de nouveau pour aujourd'hui. Plus qu'un dimanche à passer à Nancy, petit à petit la fuite s'amène. Je vous embrasse de tout cœur.

Léon

 

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Léon sera démobilisé le 18 août 1919.

Il travaille ensuite comme maçon dans une entreprise de travaux publics et participe à la construction de la ligne de chemin de fer Gouttières-Marcillat.

Léon qui avait des problèmes de santé dus à l’inhalation de gaz toxiques pendant la guerre tombe plus gravement malade à partir de 1933. Léon est opéré trois fois, deux fois à Clermont-Ferrand et une fois à Chamalières.

Il meurt chez son frère à Aigueperse le 20 décembre 1934, à l’âge de 43 ans.

 

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Je désire contacter le dépositaire de la correspondance de Léon PRÉVOST

 

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