Carnet de guerre de Jean PICOU

Maréchal-des-Logis à la 8e batterie du 3e régiment d’artillerie, 4e groupe

Pourquoi est-il déclaré « non mort pour la France ? »

 

Mise à jour : Janvier 2021

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Titre : Jean PICOU du 3e régiment d’artillerie dans sa casba - Description : Jean PICOU du 3e régiment d’artillerie dans sa casba

 

Jean PICOU du 3e régiment d’artillerie de campagne dans sa casba.

 

   Monique me dit en janvier 2018 :

« J’ai en ma possession un journal de campagne de mon grand-père Jean PICOU, matricule de recrutement 1285. Maréchal-des-logis mort le 25 mai 1917. On m’a assuré que je vous pouvez vous le confier. »

 

« Le journal est un cahier d'écolier très bien tenu. Seul hic, les dernières pages ont été arrachées et scotchées. Pourquoi ? C’est là ma grande déception. Il m'a été remis il y a quelques années seulement, par une vague cousine. Mon père était alors décédé et de toute façons il n'aurait rien sus.

Mais c’est à partir de ce moment que j'ai fait des recherches sur mon grand-père, mort jeune, et laissant un enfant de 2 ans et demi.

A la lecture de son bulletin de décès, je pense qu’il s’est suicidé. Et j’avoue que lorsqu'on lit la pondération de ses écrits, que l'on voit sa belle écriture, et que, de plus, je sais qu'il sait engagé à 19 ans à Montpellier, et enfin qu’il est mort à l’ambulance 11/16 à Ville-sous-Cousances par blessure et mort par accident étranger au service et malgré l'horreur de cette maudite guerre, j'ai du mal à  croire qu'il ait délibérément mis fin à ses jours en abandonnant sa jeune femme et son bébé.

Il a quand même été inhumé dans une nécropole militaire, celle de Ville-sous-Cousances (55), tombe 672.

Hélas, il est trop tard pour trouver la vérité. »

 

« Du coup, je l'ai fait inscrire avec son grade sur la pierre tombale de sa famille à Minerve (34). C'est le moins que je pouvais faire lui, Jean PICOU.

C'est donc avec plaisir que je vous le faire parvenir avec l’unique photo que je possède de lui.

Merci de l'enregistrer sur votre site. Au moins il ne sera pas mort pour rien. »

 

En janvier 2021, un internaute Gildas G. a retrouvé son grand-oncle, Louis BLANC, cité dans ce carnet, Il nous dit :

« Je ne saurais vous dire comment, je suis ému de la lecture de ce carnet. Hélas ma grand-mère Ida n’est plus de ce monde depuis 20 ans, j’aurais tant aimé lui montrer. Le  frère d’Ida  est mentionné dans ce carnet : « Jusqu’au 13 novembre 1914, rien à signaler. Le soir le trompette Louis BLANC est déchiqueté par un obus ».

Ma famille m’a toujours dit qu’il était mort au chemin des dames, mais là, il n’y a aucun doute possible sur la concordance de ce témoignage. Même nom,

régiment, lieu de combat et de décès qu’indiqués dans sa fiche militaire.

Merci, le mot est faible, merci d’avoir précieusement gardé et partagé ce magnifique témoignage. »

 

 

 

 

 

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Préambule

Le 3e régiment d’artillerie (3e RAC) est le régiment d’artillerie de Carcassonne (11). Il est composé de 3 groupes d’artillerie, composés chacun de 3 batteries. Jean PICOU était donc à la 2e batterie du 3e groupe (batterie n° 8 du régiment). Ces 3 groupes étaient affectés à la 32e division d’infanterie. Ils étaient donc " l’artillerie divisionnaire " de cette division appelée " AD32 ".

Tous les récits d’artilleur, comme celui de Jean PICOU, utilise des termes propres à l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ", " échelon ", " pièce " pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.

 

J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.

Le carnet est indiqué « campagne 1914-15 ». Lui est décédé en mai 1917 à l’ambulance de Ville-sous-Cousances ; donc il a certainement écrit ce récit en 1915 à postériori, peut-être à l’hôpital ? Les dernières pages ont été arrachées et scotchées. Pourquoi ?

 

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Fiche matriculaire

Engagé volontaire pour 4 ans en 1909, maréchal-des-Logis le 24/02/1912, Maréchal-des-Logis Chef le 3/11/1915. 8e, puis 4e batterie du 3e régiment d’artillerie. Voir sa fiche.

 

 

Remerciements

Je remercie, bien évidemment, Monique pour le carnet de son grand-père, que j’ai eu entre les mains. Je n’oublie pas celui et celles qui m’ont aidé à le saisir pour une mise en page sur mon site : Catherine, Sylvaine et Pierre. Merci aussi à Philippe pour la re-lecture du texte, les corrections, l’analyse second niveau et ajouts divers de renseignements utiles.

 

 

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À ma famille, mes amis, mes camarades.

 

je n’ai pas l’intention de vous faire un cours détaillé sur la guerre 1914-1915 toutes les phrases militaires de cette terrible campagne si brusquement déchaîné par les Teutons d’outre-Rhin, et qui nous mit aux prises, avec les grandes puissance de l’Europe, semant partout dans le monde civilisé, la misère et le mépris complet de la race germanique.

L’histoire nous dira les différentes phases de la campagne avec les périodes de succès et de revers.

 

Ce que je tiens à vous faire connaître, sans exagération, ce sont les impressions bonnes ou mauvaises que j’ai ressenti depuis la déclaration de guerre, ainsi que toutes les souffrances physiques et morales endurées courageusement, avec le sourire même, dans cette véritable guerre de siège qui a été la campagne 1914.

Les souffrances si admirablement surmonté par les troupes alliées dans les innombrables attaques de l’ennemi, de jour comme de nuit, nous ont assuré le succès, et comme conséquence le démembrement complet de l’Allemagne et le remaniement nécessaire et absolue de la carte d’Europe.

 

Nota : Comment aurait-il pu le savoir, alors qu’il est décédé en 1917 ?

 

Nous rentrions des écoles à feu du camp du Causse, le 27 juillet.

La tension politique allant s’accentuant, on nous laisse supposer que le lendemain nous doubleront l’étape. Nous devrions donc rejoindre Carcassonne en deux étapes, Castres-Sorèze et Sorèze-Carcassonne.

Néanmoins, contrairement à ce qui nous avait été dit nous sommes allés cantonner à Cennes-Mosnestiés le 28 pour rejoindre Carcassonne le 29 comme il avait été prévu bien longtemps auparavant.

Dès notre arrivée à Carcassonne, notre capitaine, un homme très ponctuel, sentant venir l’heure suprême, ordonne la confection immédiate des paquetages de campagne pour tout le personnel actif de la batterie. Le magasin d’habillement est très vite vidé, et dans la chambrée, chacun s’occupe de mettre ses effets en état de faire campagne.

 

Le 31 juillet au soir, une revue très minutieuse de tous les effets est passée par le capitaine, et désormais toute la batterie est prête à aller occuper son cantonnement de mobilisation au reçu de l’ordre.

Maintenant chacun s’entretient de la situation.

Aurons-nous la guerre oui ou non ?

Les uns sont contents les autres ne le sont guère. Je me permets d’approuver les uns et les autres de ma modeste appréciation car suivant dans cas où l’on envisage la guerre, les uns et les autres ont des motifs très valables.

 

Pourquoi les uns sont-ils content ?

Parce qu’il ne songe qu’à anéantir l’Allemagne, cette grande nation barbare qui troublent la paix de l’humanité entière. Il rêve au succès, qui ne sera que la juste revanche de 70 ; le retour à la France de l’Alsace et de la Lorraine sans se préoccuper des conséquences désastreuses aura à supporter la France même victorieuse.

 

Pourquoi les autres ne le sont-ils guère ?

Parce que non moins courageux que les autres, sinon davantage, ils ont envisagé la guerre dans toute son étendue. Heureux de prendre la revanche, d’anéantir entièrement l’Allemagne.

Leur physionomie devient grave quand il songe aux souffrances extrêmes qu’endureront les blessés, aux morts qui s’accumuleront dans les tranchées, ayant pour tout tombeau, que la tranchée qu’ils se seront creusé eux-mêmes quelques instants auparavant.

Il songe à ce réserviste, père de famille, qu’il ne reverra jamais plus, aux orphelins et aux veuves, laisser parfois sans ressources, et qui ignorons longtemps la mort de celui qui apportait un peu de bien-être au foyer.

Ils songent à la tristesse d’une épouse, d’un fils ou d’une mère venant réclamer un époux qu’elle chérissait un père qu’il aimait, un enfant qu’elle adorait.

Quelle déception en apprenant l’affreuse nouvelle. Cet être réclamé aura été tué à l’ennemi.

 

Voilà pourquoi j’approuve entièrement les uns et les autres. Malgré tout, chacun a conscience de faire son devoir.

 

Réception de l’ordre de l’ordre de mobilisation

En effet comme il était prévu depuis quelques jours l’ordre de mobilisation générale est parvenu à Carcassonne le 1er août vers 16h et désormais la guerre est inévitable. Ce jour-là chacun a fait preuve de la plus grande activité.

Chacun cherche à surmonter les ennuis causés par l’abandon de sa famille de tout ce qu’il a de plus cher, pour ne plus songer qu’à la défense de la patrie et à la sauvegarde des intérêts de la nation.

Préparation de la mobilisation proprement dit à la ligne

Le 1er août

Le repos de la nuit et de courte durée. Quand le réveil sonne, il y a longtemps que nous sommes sur pied, car le 2 août commencent les opérations de mobilisation.

Je ne vous dirais pas grand-chose sur ces opérations puisque je me propose de ne pas traiter les questions militaires qu’il vous suffise de savoir que la batterie doit être prête le 5ème jour c’est à dire le 6 août au soir. (*)

 

Pendant ces 5 jours nous ne sommes pas sans travail, voici grossièrement les diverses opérations effectuées.

1° - Prise possession du cantonnement aux deux fermes de Labouriette et Salvaja. (**)

2° - Chargement du matériel (22 voitures ***).

3° - Réception, habillement, armement et payement des réservistes.

4° - Réception des chevaux de réquisition (108) et leur dressage à la selle et à la conduite à la Daumont.

5° - Perception du lot d’habillement des réservistes.

6° - Perception du harnachement des chevaux.

7° - Aiguisage des sabres et des baïonnettes.

8° - Perception des fourrages de réserve, de chemin de fer et de débarquement etc., etc.

9° - Perception des vivres de réserve, de chemin de fer etc. etc.

Grâce à la bonne volonté de tous, la batterie est prête au début du 6ème jour.

 

(*) : L’effectif théoriques d’une batterie d’artillerie en 1914 est d’environ 170 hommes, 165 chevaux (dont « 108 réquisitionnées », nous dit Jean), 22 voitures, quatre canons de 75mm

(**) : Situées près de Carcassonne (Aude)

(***) : Voitures hippomobiles.

Le 7 août

Vérification générale du travail effectué pendant la période de mobilisation proprement dite.

Le 8 août

Embarquement de la batterie. Départ pour le front.

 

A 6h15, la batterie quitte son cantonnement,

A 8h, elle embarque à pleine voie en gare de Carcassonne.

A 9h15, l’embarquement est terminé (170 hommes, 167 chevaux, 22 voitures).

Ce travail terminé on attend l’heure de départ qui s’approche.

 

On s’entretient entre camardes. Les uns ont des pensées qui s’envolent vers le toit paternel qui a protégé leur enfance ; vers l’école où ils ont appris, leurs camarades, les maîtres leur famille leur Patrie, qu’ils vont défendre vers le village où ils ont passé le plus beau de leur jeunesse vers la fiancée qu’ils allaient épouser au retour du régiment.

Les autres qui ont déjà fondé une famille, indépendamment des pensées ci-dessus songent aux angoisses de l’épouse à leurs enfants chéris qui encore en bas âge, sans connaissance ont à peine donné leur première joie dans un sourire, ou bien encore ceux qui ne sont encore pas nés et qui verront le jour pendant que le père sera à la guerre.

 

A toutes ces pensées venant du cœur une larme furtive mouille les paupières, vite réprimée, d’ailleurs, chacun veut être gai et adresse dans un bon sourire le « au revoir » au départ.

Enfin un coup de sifflet retendit le train se m’est en marche il est 10h29…

 

Nota : Il faut 1 train par batterie d’artillerie, soit au total 9 trains pour embarquer la totalité du régiment.

 

Nous roulons sur Narbonne ou nous avons un arrêt de 1h environ abreuvoir et repas des chevaux. Un train de Zouaves se dirigeant sur Paris s’arrête à notre hauteur ; on échange quelques bonnes poignées de main on fume quelques cigarettes de tabac algérien, et on se serre encore la main avant de se quitter.

Nous repartons direction Montpellier via Nîmes où nous débarquons un cheval mort étouffé. (*)

 

 

(*) : Il s’agit de la jument Maïve, matricule 2727. (JMO).

 

Pendant toute la nuit, nous roulons sur Lyon remontant la superbe rive droite du Rhône, nous arrivons dans la capitale du Lyonnais le 9 août à 7 heures.

Par suite des grandes chaleurs la viande fraiche est corrompue et nous commençons à gouter des conserves.

Remontant le cours de la Saône nous passons successivement Villefranche-sur-Saône, Châlons-sur-Saône, Macon, Dijon.

Là, nous apprenons un grand succès des Français en Alsace ou nous avons fait un grand nombre de prisonniers, de blessés et tués.

 

Que je vous dise en passant que Dijon présente l’aspect d’une belle ville. Ses maisons aux murs blancs, ses toits aux tuiles rouges, ses villas entourées de jardins au spectacle grandiose, un terrain d’une grande fertilité situé dans une immense plaine que sillonnent majestueusement des collines magnifiques en font toute la grâce.

Nous continuons sans arrêt notre marche sur la Haute-Saône et nous arrivons le 9 août à 19 heures à Is-sur-Tille qui devait être la gare de débarquement.

Les ordres ont été changés et nous roulons toujours vers le Nord.

 

Enfin après 40 heures de voyage, nous arrivons le 10 août à Hymont-Matincourt (Vosges). La batterie ne peut commencer le débarquement qu’à la pointe du jour, un escadron du train des équipages militaire débarque au moment de notre arrivée.

 

Après une courte étape, nous arrivons à Mirecourt ou nous cantonnons toute la journée avec les autres batteries du groupe.

Sur tout le parcours de Carcassonne à Hymont-Mattaincourt, les territoriaux gardent la voie ferrée chaque 100 mètres se trouve un factionnaire, indépendamment des autres sentinelles qui gardent les passages à niveaux, les ponts, les tunnels, les bifurcations etc. etc.….

 

Imaginez-vous le nombre incalculable de factionnaires dispersés sur toutes les voies du territoire qui veillent à notre sécurité. Ils remplissent comme nous leur devoir de patriote quoique leur mission soit toute différente à la nôtre.

Que ferions-nous en effet sur le champ, le champ de bataille, si les compagnies de chemin de fer ne pouvaient nous faire parvenir ce qui nous est nécessaire par la suite de non utilisation des voies ferrées dues à la rupture d’un pont à l’éboulement d’un tunnel, qu’un espion aurait fait sauter.

Sans virés, sans munitions il ne saurait y avoir de combattant.

 

Partout où nous nous arrêtons nous sommes accueillis par des cris de « Vive l’Artillerie ».

Nous répondrons « Vive la France ».

Partout on applaudit à notre passage.

Ici c’est une dame de la Croix Rouge qui nous offre une tasse de café, là une demoiselle qui nous sert une excellente boisson hygiénique, plus loin c’est un bambin qui distribue au passage un morceau du pain frais dans lequel on a placé probablement une tranche de saucisson, ou une barre de chocolat :

« Rien n’est refusé à ces personnes généreuses qui voient en nous non des inconnus mais des enfants de la France ».

 

A Dijon ce sont deux superbes demoiselles qui viennent, une magnifique gerbe de fleurs au capitaine. Celui-ci permet de les embrasser au nom de la 8ème batterie.

Partout les jeunes filles donnent du tabac, des cigares des médailles qu’elles ont enveloppées dans un papier sur lequel elles ont écrit quelques mots réconfortants pour le beau troupier. Sur le parcourt, des hommes et des femmes, des enfants des jeunes filles qui en passant nous adressent de la main leur meilleurs baisers.

Au départ des gares on nous nous arrêtons ce sont des mouchoirs qui s’agitent tant des portières des wagons qui s’éloignent rapidement que de la foule enthousiaste.

 

Rien d’anormal le 10 août qui se passe comme une journée de manœuvre de garnison.

Le 11 août

Dès l’aube un dirigeable que l’on croit être « l’adjudant Vincenot » évolue sur Mirecourt se dirigeant vers l’ouest.

 

A 15 heures, le groupe (d’artillerie) marche en avant garde encadré par le 3ème bataillon du 80ème d’infanterie à l’arrière par le 33ème d’infanterie.

L’étape est très longue et pénible par suite de la forte chaleur.

Partout sur notre route principalement dans les villages que nous traversons la population connaissant notre arrivée a préparé sur le bord de la route des récipients de toutes sortes contenant soit de l’eau pure soit une boisson hygiénique. Il en sera d’ailleurs de même jusqu’à la frontière.

 

Dans l’après-midi, on arrive à Roville-devant-Bayon où on cantonnera jusqu’au lendemain.

Là, nous commençons à voir un immense troupeau de bétail, de race bovine que va fournir à l’alimentation des troupes. C’est là que le soldat commence à faire connaître ses manières de savoir-faire.

Muni d’un sceau, d’une marmite ou d’une gamelle chacun commence la course aux taureaux sans être bien connaisseurs. On se met de préférence à la poursuite de l’animal qui a de belles mamelles.

Après de longs efforts on peut avoir enfin un peu de lait. Certains gens du métier ont vite fait de remplir plusieurs récipients.

 

Le soir, tous mangeaient la soupe au lait.

Le 12 août

À 5h30, nous quittons Roville marchant au gros de la division et après une étape non moins pénible que la veille nous allons cantonner à Mont-sur-Meurthe où nous restons deux jours.

Tout le monde est heureux de cette deuxième journée et les baigneurs abondaient dans la rivière.

Le 14 août

Départ de Mont à 2h40, marche offensive au combat.

 

Après avoir traversé Lunéville et après nous être engagé dans une immense forêt de l’état nous entendons très distinctement et pour la première fois le canon tonner ainsi que le fort de Manonviller.

A l’entrée du village de Vého, nous rencontrons les premiers prisonniers de guerre.

Ce sont trois hulans, ils ont très mauvaises mines parmi eux se trouve un officier mortellement blessé par un hussard - que les Allemands surnomment les diables bleus – et qui d’un coup de sabre lui a ouvert la joue droite de la bouche à l’oreille. Ce malheureux a expiré peu de temps après entre les mains des médecins français qui le soignaient.

 

A 12h15, nous nous formons en position de rassemblement à l’est du village.

Les Boches ayant été signalés à quelques kilomètres. Le chef d’escadron détache une section de la 9ème batterie pour mettre en position à 100 mètres en avant du régiment rassemblé.

Fort heureusement pour nous la section n’a pas à tirer car s’il en avait été ainsi et que l’ennemi ait pu repérer son feu tout le régiment aurait essuyé tous les corps longs de l’artillerie allemande.

L’impression générale fut très mauvais tout le monde avait conscience du danger car nous étions à découvert.

 

Après avoir occupé successivement deux positions de batterie ou nous n’avons pas eu à tirer le groupe va bivouaquer à 20 heures au milieu d’un champ de pommes de terre. Les vivres et l’avoine ne sont pas arrivés ce jour-là.

Fort heureusement pour nous les quelques conserves achetées au départ de Carcassonne n’étaient pas complètement épuisées nous permettent de faire notre repas assez maigre avec du pain de guerre.

Le 15 août (date ajoutée volontairement, qui n’existe pas dans le carnet)

Après avoir passé la nuit sur une gerbe de paille.

 

Nous quittons Vého à 5 heures dans le but de réoccuper les positions de la veille. Trois autres positions sont occupées sans avoir à tirer.

Notre repas du matin se compose d’une ration de viande de conserve et d’une demi-ration de pain de guerre (1/2 boite de singe et 3 biscuits).

 

A 14 heures, la pluie commence à tomber le soir venu la batterie doit bivouaquer sur place ; mais en raison de la pluie torrentielle qui ne cesse de tomber jusqu’à minuit le groupe va cantonner à Autrepierre.

La nuit approche et nous nous dirigeons avec peine sur le cantonnement.

En traversant le village d’Amenoncourt, nous constatons les premières horreurs de la guerre. Trois maisons dont celle de l’adjoint du maire ont été incendiées par les Allemands.

Ce dernier a péri dans les flammes et sa femme a été fusillée, ainsi que le curé.

Nous voilà dans une nuit noire à l’entrée d’Autrepierre. La route est presque entièrement obstruée par l’infanterie nous nous en apercevons par de nombreux arrêts.

 

A 22h30, nous arrivons au parc la pluie tombe à torrents.

Autrepierre est un petit village de 200 habitants au plus, lequel doit abriter vingt mille soldats environ, militaires de différents corps et de différentes armes. C’est un encombrement indescriptible. Sur les bords de la seule route qui traverse le village les fantassins allument de grands feux.

La localité quoique respectée semble toute en flamme.

 

Il va être minuit et nous n’avons comme confortable que le médiocre repas du matin.

Les vivres et l’avoine des chevaux comme la veille on fait fausse route à l’exception de la viande. Comme en campagne tout homme qui a respecté doit manger, nous voilà donc, faisant cuire quelques pommes de terre ramassées dans le jour, et un morceau de viande découpée sur un sac au milieu de la boue.

Mais nous sommes trempés jusqu’aux os et nous allumons de grands feux tout en cuisinant nos effets sèchent.

On se couche enfin à 1 heure 30.

Le 16 août (date ajoutée volontairement, qui n’existe pas dans le carnet)

 

A 3h30 tout le monde et sur pied.

 

Départ à 4h30.

Les fourgons qui manquaient depuis deux jours nous croisent en route. Ils sont les bienvenues.

Nous passons la frontière à Avricourt à 9h30.

A notre passage le poteau frontière est arraché et jeté dans le ruisseau ; quelques maisons de Deutch Avricourt ont arboré le drapeau français. Un grand nombre d’inscriptions allemandes, placées comme enseigne sur les portes de différents magasins ont été effacées et remplacées par d’autres en langue française.

Après avoir occupé quelques positions en pays annexé, nous revenons cantonner à Avricourt. Les vivres ne sont pas arrivés ; troisième fois en quatre jours qu’ils font fausse route.

Le 17 août

Départ du cantonnement à 5h30. Occupation des mêmes emplacements que la veille.

Le soir, même cantonnement.

Le 18 août

Le groupe stationne jusqu’à 15 heures sur place attendant des ordres.

Avricourt est situé au flanc d’un coteau face au nord une grande route traverse le village dans sa longueur (nord-sud) et perpendiculairement à la voie ferrée ; c’est une localité de 1500 habitants environ partagée dans son milieu par la ligne Paris-Strasbourg dont elle est la dernière station française.

La frontière parallèle à la voie ferrée est marquée par un ruisseau à 15 mètres environ. La gare allemande assez belle est transformée en cantonnement et écurie.

Le jour de notre arrivée à Avricourt (le 16 août) tout le monde était démuni de tabac, mais ici n’étant pas cher les provisions furent faites.

 

Le 17, une usine allemande fut pillée par les habitants. Un canonnier de la batterie qui se trouvait de passage et qui ignorait cela, fut invité à prendre une caisse pour la batterie. Elle était lourde et ce n’est pas sans maugréer qu’il la porta.

Sa mauvaise humeur disparut bientôt quand le capitaine ouvrit la caisse, elle contenait au bas mot quinze mille cigarettes. On commanda aussitôt :

« Les fumeurs rassemblement ! »

 

Jamais aussi vite rassemblé comme une traînée de poudre ou un envole de moineaux, tout le monde fut autour de la caisse en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Beaucoup ont fumé gratis pendant plus d’un mois.

 

Pendant ces trois jours quelques hommes sont logés dans la maison d’école.

Nous visitons les appartements privés de l’instituteur, ceux-ci avaient été occupés par l’ennemi, par les traces laissées dans tous les locaux nous voyons de quelle façon il s’y est comporté.

Dans la cuisine la table porte encore les restes d’un copieux repas, tous les pots ont été vidés, la salle à manger était saccagée, les meubles vides, une foule de choses gisaient sur le sol, des écrins ayant contenus de l’argenterie sont vides, les glaces sont déplacées. Les chambres à coucher offrent le même aspect.

Du rez-de-chaussée au grenier, on foule aux pieds des choses superbes, maintenant toutes abimées.

 

Une dame de 35 ans environs a également eu à souffrir de l’occupation ennemie.

Pendant huit jours elle dut fournir, pour sept à huit individus, le matin à trois heures le café, à quatre heures la soupe et dans la journée un copieux repas.

Elle nous dit encore et d’un ton navré : « il aurait fallu même céder à leur volonté ».

 

Le groupe disposant d’une place restreinte offre un beau champ d’action aux avions ennemis qui ne tardent pas à survoler la ville.

Un aviateur lance sur nous trois bombes explosives. Deux tombent au milieu des voitures mais n’éclatent pas ; l’autre tombe à 200 mètres du parc et explose sans faire des dégâts.

 

Nous quittons Avricourt le 18 à 15 heures pour nous porter en avant. Nous passons à Maizières(lès-Vic) ou nous rencontrons les sections de munitions du régiment.

Là nous commençons à voir les premières tombes, des braves tombés déjà au champ d’honneur.

 

A Azoudange, nous apprenons que le chef de gare a été fusillé pour avoir sonné les cloches. Nous ne sommes guère contents de note entrée en Lorraine. Je dirais que nous avons été vendus sur toute la ligne.

Plusieurs personnes ont été fusillées pour espionnage : les hommes les femmes les enfants même travaillent pour les Allemands. Aux environs de la frontière, les fonctionnaires sont choisis parmi les bons patriotes, de préférence les Prussiens, ... du pays sont envoyés dans le centre de l’Allemagne.

 

Nous traversons un village les cloches sonnent à notre passage. Nous passons à proximité d’une gare les cloches sonnent également.

Un grand nombre de maisons sont reliées aux armées allemandes par des lignes télégraphiques ou téléphoniques.

 

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Deux pages du carnet de guerre de Jean PICOU

Maréchal-des-Logis à la 8e batterie du 3e régiment d’artillerie

 

 

 

Presque toutes les maisons ont la toiture ou la cheminée munie d’un signal quelconque. C’est notre perte et la retraite obligatoire quelques jours plus tard.

 

Après 7 heures de marche, nous arrivons à Rhodes.

Il est 22 heures, nous formons le bivouac au milieu d’une prairie dont l’entrée est presque inaccessible ; le passage est dangereux, quelques voitures s’embourbent, un cheval meurt également embourbé impossible.

 

A minuit, nous nous couchons pêle-mêle avec l’infanterie.

le 19

Nous quittons Rhodes à 5 heures ; le soleil illumine la plaine la journée s’annonce radieuse. Désillusion ! C’est ce jour-là que les horreurs de la guerre nous ont le plus frappé.

 

Au départ de Rhodes, nous rencontrons 7 à 8 ambulances. Les unes transportent des cadavres français qui seront inhumés à l’arrière les autres transportent des blessés.

L’un à la tête enveloppée de toute part et souffre horriblement, l’autre est atteint à la poitrine, aux bras, aux jambes. C’est encore un blessé qui pousse des cris déchirants, il a le pied emporté et malheureusement il ne pourra échapper à l’amputation de son membre.

C’est ensuite un convoi de 300 blessés qui plus heureux dans la souffrance que leurs camarades peuvent se retirer à pied à l’arrière de la ligne de feu.

C’est encore un char lorrain qui transporte sur un lit de paille quelques soldats grièvement blessés qui étaient restés à l’arrière ; officiers et soldats partagent également ce lit de fortune et rudimentaire.

Quelques-uns qui n’ont pu supporter leur transport à l’arrière sont morts sur ce modeste char. Leur corps recouvert de leur capote repose à côté des autres blessés qui furent jadis leurs compagnons d’armes.

Le spectacle est navrant et les yeux se mouillent à la vue de ce triste tableau.

 

Pendant le défilé de ce convoi, un homme mis pied à terre. Pour quel motif ? C’est que parmi les blessés il a reconnu son frère. Celui-ci est atteint à la poitrine et aux jambes.

La minute est poignante.

Enfants des Pyrénées-Orientales, ils sont heureux de se retrouver sur cette Lorraine. Dans une étreinte impossible à décrire, on lit dans le cœur de ces défenseurs de la patrie, l’image de la plus sincère fraternité. Ils échangent rapidement un sincère baiser et se quittent sans avoir eu même le temps d’échanger la moindre conversation. A l’un et à l’autre l’émotion a rendu toute parole impossible.

 

Continuant notre route, nous arrivons à Bisping, vers midi.

Nous nous formons en position d’attente au sud du village en attendant d’autres ordres.

Avec le capitaine, nous apercevons deux individus sur un toit. Au galop des chevaux, il part avec quelques hommes et remet les signaleurs entre les mains de la division qui se trouve à Angviller.

 

A 15 heures, après une longue reconnaissance nous mettons en batterie à la lisière du bois de Rorbach, à 250 mètres d’Angviller. La communication avec le capitaine qui se trouve à 2 500 mètres en avant se fait difficilement par téléphone.

Là, nous avons eu à supporter un véritable duel d’artillerie. Il était 15 heures 30 nous avions à lutter contre un ennemi dix fois supérieur en nombre et en arrière de retranchement en ciment armé.

 

Vers 16 heures, nous ouvrons le feu sur la lisière nord du bois de Rorbach.

 

A 17 heures, notre position de batterie est dévoilée à l’ennemi par les indications d’un avion allemand qui jalonne notre front en lançant des fusées lumineuses.

Immédiatement en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, l’ennemi ouvre sur nous un feu meurtrier qui dure pendant 1 heure 1/2. La batterie reçoit avec série de rafales d’obus de gros calibre (120 obus environ de 105 m/m) explosant à des hauteurs variant de 2 à 4 mètres ou faisant fougasse sans produire d’effet, grâce aux conditions favorables de l’emplacement de la batterie installée sur un terrain fraichement labouré, complètement à l’abri des vues de l’ennemi.

Ou bien ne produisant qu’un effet local, en raison des intervalles très grands des pièces dont la place avait été jalonnée par le commandant de la batterie avec un soin tout particulier.

 

Les 3ème et 4ème pièces de la batterie furent particulièrement éprouvées. Le 2ème canonnier servant CROS fut le premier blessé. souffrant horriblement et perdant beaucoup de sang, ce fut l’ordre de son chef de pièce qu’il quitta la batterie pour s’abriter en arrière.

Dans cette même 3ème pièce blessé aussi peu après, le 2ème canonnier servant BERMOND qui reçoit un éclat d’obus dans la hanche, mais qui ne se plaint pas et ne fait connaître sa blessure qu’au moment de la cessation du feu ; le 2ème canonnier servant CASSAN qui manipulant ses appareils de pointage est blessé à la main mais continue néanmoins ses fonctions de pointeur.

Puis c’est le tour du chef de pièce lui-même le Maréchal-des-Logis DELORT d’être grièvement blessé à la poitrine et aux jambes. Il tombe évanoui et perd beaucoup de sang, il refuse les soins de son personnel de pièce et malgré la douleur dans l’intervalle des syncopes il ne cesse de répéter :

« Continuez le feu »

C’est seulement à la fin du tir que notre brave camarade DELORT accepte d’être emporté loin de la pièce, mais seulement après avoir embrassé ses camarades et avoir fait la recommandation dernière du vrai soldat qu’il était :

« Vengez-moi ! ».

Ce furent ces dernières paroles.

 

(*) : Le maréchal-des-Logis DELORT Gaston meurt le 19/08/1914, (colonne vertébrale cassée – JMO-). Voir sa fiche.

 

C’est maintenant la 4ème pièce qui va payer son tribut à l’ennemi.

Un obus de très gros calibre éclate contre la gauche du caisson et à environ 3 mètres de haut, fauchant au même coup tout le personnel de cette pièce et criblant le canon qui sera coincé sur son frein jusqu’à la 8ème salve et portera de nombreuses blessures sur la volée, le manchon, et les flasques.

 

Le 2ème canonnier servant LAJUGIE, déboucheur, a les deux jambes broyées, tombe à la renverse et meurt ne poussant qu’un cri de douleur. Le lieutenant de réserve MADRENNES (Antoine), chef de la 2ème section a lui aussi un pied broyé ! Il souffre horriblement perd beaucoup de sang, mais continue néanmoins à assurer son service et à donner l’exemple de la bravoure à un personnel que n’émotionnent ni les plaintes étouffées des blessés, ni l’ouragan de fer et de feu qui s’est déchainé sur la batterie.

Pendant une accalmie, il se relève emporté par deux hommes.

 

(*) : LAJUGIE Adrien, 2e canonnier-servant, mort pour la France le 19 août1914. Voir sa fiche

 

Ici l’histoire devient navrante : le maréchal des logis ESCANDE qui commande la 4ème pièce abandonne son personnel et fuit en arrière.

 

Au même moment une détonation épouvantable retentit à 20 mètres en arrière de la batterie. Dieu punit le fuyard ; un éclat d’obus lui traverse le mollet droit et l’oblige à rester sur place.

L’acte déplorable accompli par le maréchal-des-logis ESCANDE le déshonore entièrement mais ne saurait enrayer l’honneur de la batterie dont la conduite sous le feu a été sans reproches à l’unanimité toute la batterie réprouve l’acte de lâcheté dont s’est rendu coupable le maréchal-des-logis ESCANDE.

 

Les deux pourvoyeurs enfuis : VIDAL et BROS sont couchés à terre par le même obus. A la première accalmie ils reçoivent l’ordre de se retirer dans un abri, mais BROS seul peut se trainer en dehors de la batterie. VIDAL cruellement blessé aux cuisses est emporté par deux camarades.

La conduite du brigadier NÈGRE est ici particulièrement à signaler : Agent de liaison des avant trains à l’abri à quelque distance de la batterie il n’attend pour se porter au secours des camarades blessés que la première accalmie. Il emporte sur son cheval le servant VIDAL.

 

A signaler surtout, la conduite du maître pointeur MOLINIER de la 4ème pièce qui resté seul à son poste après le fauchage de ses camarades du chef de pièce et du chef de section. Bien que le canon coincé sur son frein le secoue fortement, MOLINIER (Joseph Louis) n’en continue pas moins à assurer seul le service de la pièce jusqu’à l’arrivée du personnel de remplacement. Dans les intervalles des rafales, il encourage même ses camarades à supporter la douleur et leur donne par son calme et sang-froid, la preuve éclatante qu’un soldat de vingt ans peut être un parfait artilleur.

 

 

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Extrait du JMO qui signale ce passage

 

Joseph Louis MOLINIER, garçon-boucher dans le civil, sera tué le 19 août 1916 à Frise (Somme). Le médecin auxiliaire du 3e groupe du 3e RAC, Jean Marie Parès, parle dans son journal de guerre « d’un pointeur proposé pour la médaille militaire le 19 août 1914. Voir sa fiche.

 

La communication avec le capitaine étant rompue, la batterie continue à tirer sous le commandement direct des chefs de pièce.

D’après les renseignements fournis par le 96ème régiment d’infanterie qui se trouvant aux avants poste nous avons fait subir à l’ennemi des pertes considérables. Après avoir démoli leurs retranchements en ciment armé, les morts et les blessés s’accumulaient dans les tranchées des cris déchirants parvenaient aux oreilles de nos fantassins.

On a même vu un officier tirer un infirmier d’un coup de révolver sous prétexte qu’il hésitait à aller retirer les blessés qui gisaient dans les tranchées au moment où la mitraille envoyée par la batterie faisait rage.

 

A 19 heures, la batterie se retire et va bivouaquer au sud du village d’Angviller.

 

Le soir, la batterie n’a pu être rejointe par la section de munitions pour le remplacement.

 

Les impressions du matin ressenties au passage des blessés et les premières pertes subies par la batterie, notamment celle du maréchal-des-logis DELORT ont fortement impressionné la batterie qui je vous l’avoue consomme son modeste repas sans beaucoup d’appétit. La 2ème section se trouvant sans gradés.

 

Lire le compte-rendu officiel de cette journée, ici.

Le 20 août

Après avoir passé la nuit sous un caisson nous levons le bivouac le 20 à 4h30 dans le but d’aller réoccuper les mêmes positions de la veille. Elles doivent être abandonnées par suite d’un retour en force de l’ennemi sur toute la ligne.

Angviller-Bisping doivent être abandonnées successivement notre parti encore débordé se retire lentement.

 

Au moment où nous allions réoccuper les positions de la ville, après avoir mis en position, la batterie se trouve jusque sous le feu des obus, heureusement les coups sont courts. Les avant-trains sont amenés il est temps ; deux minutes plus tard les coups éclataient à l’emplacement même des pièces.

A la deuxième position de batterie, l’échelon va se placer en arrière de la batterie, dans l’angle d’un bois dont l’entrée est très dangereuse et la situation est très critique.

 

Nulle autre sortie que de contourner le bois en avant de la batterie, en plein marécage, exposé aux vues et aux coups de l’ennemi. Le chariot de batterie, attelé à 8 chevaux de première force reste en panne par suite au trop fort chargement de la voiture qui l’enfonce jusqu’au moyeu. Trois fois le chariot de batterie a dû être chargé et déchargé pour aller occuper cette position déplorable.

La situation étant trop dangereuse, il faut repartir et péniblement nous pouvons dégager toutes les voitures.

Le corps d’armée en entier, presque contourné est obligé de battre en retraite dans la direction d’Avricourt.

 

Vers 16 heures, la retraite bat son plein. A travers champs le groupe se retire franchissant collines et vallons. Le régiment se rassemble sur un mamelon en pente douce et à découvert. Aussitôt l’artillerie de campagne ennemie tire sur nous, le régiment croyant se mettre à l’abri se porte de l’autre côté de la crête. L’ennemi nos talonne toujours.

Le terrain sur lequel nous nous trouvons est une longue vallée au bas de laquelle coule un ruisseau dont les abords ne sont que des marécages nul passage ne permet d’engager une colonne avec du matériel aussi lourd.

La situation est d’autant plus critique que l’autre côté de la vallée est à pente assez rude coupée d’un bois que les obus ennemis arrosent. Au sommet est une route seul passage mais particulièrement visé par l’ennemi, qui cherche à nous couper la retraite.

 

L’heure est grave ; les reconnaissances partent à la recherche d’un gué peu après, elles reviennent sans avoir rien trouvé. Il faut passer quand même. Au moment, l’instinct de conservation domine la volonté de tous, et en divers endroits, le régiment aborde la pente abrupte, qui nous conduit à la route.

Enfin nous nous trouvons rassemblés au milieu du régiment, et dans le moment de repos qu’on nous laisse chacun entrevoit le danger qu’il vient de courir en cette minute tragique. Et se sentant plus en sureté, un soupir de soulagement, s’échappe de toutes les poitrines, un moment comprimé par la crainte du danger.

 

Le passage du ruisseau fut particulièrement difficile, large d’environ 2 mètres on dut l’aborder au trop, voiture par voiture. Comme les hommes, les chevaux sentaient qu’il fallait aller vite, trop confiants dans l’élan de la voiture, ils essayaient de sauter ; mais celle-ci enfoncée jusqu’au moyen, restait aux places et, les pauvres bêtes, retenues dans les traits retombaient impuissants dans le bourbier malgré cela toutes les voitures passèrent.

L’exception du chariot de batterie, qui une fois de plus reste embourbé.

 

La nuit approchant et la poussée des Allemands s’étant ralentie, il faut revenir chercher le chariot embourbé. Nous prélevons sur l’ensemble de la batterie 7 attelages parmi les meilleurs pour aller renforcer les 8 chevaux de cette voiture au moyen de pairs de roues, de cordages, etc., nos 22 chevaux dégagent la voiture cauchemar de la journée.

 

Nous voilà sur la route d’Avricourt encombrée par un grand nombre de régiments d’infanterie : 143ème, 15ème, 80ème, 53ème, par l’artillerie du 9ème du 56ème, du 3ème. Le train des équipages militaires, des voitures de ravitaillement en vivres et munitions etc.

C’est le désordre !

A qui la faute ?

C’est le mystère !!!

 

Tout le monde est encombré et tout le monde s’encombre. Le mouvement en arrière est impossible. Des voitures de différentes armes sont mélangées. Certaines unités ont perdu du matériel. Cette journée mémorable pour le 16ème corps reste toujours gravée dans notre mémoire et on se rappellera toujours de la retraite miraculeuse.

L’ennemi pouvait trouver une victoire éclatante, en anéantissant ou capturant la totalité des troupes du 16ème Corps. Dieu et le destin ne le voulurent point.

 

Enfin à 20 heures, l’ordre est rétabli dans le régiment. Arrivant au passage à niveau, situé à 500 mètres du village d’Azoudange, nous rencontrons quelques blessés exténués, grelottants et réclamant des soins.

Un détachement de brancardier, avec un médecin auxiliaire nous doubla. Invité à donner les soins à ces blessés, ce dernier répondit que n’appartenant pas à leur régiment, il ne pouvait les secourir.

 

Après avoir fortement résisté, leur faisant comprendre que le village étant proche, il leur serait possible de trouver un véhicule pour les y transporter nous réussîmes à convaincre ces infirmiers de la gravité de leur insouciance. Ils murmurèrent mais faisant demi-tour, s’approchèrent des blessés.

Notre sang français nous monté au visage lorsque nous entendons tomber les paroles suivants de la bouche d’un homme dont la fonction inspire confiance :

« Nous allons leur foutre la baïonnette dans le ventre et nous en serons débarrassés ».

 

Le groupe se retire vers Maizières où il arrive à 22 heures s’établissant en bivouac d’alerte. Après avoir pris un peu de potage salé et du café, nous repartons à 23h30 dans la direction d’Avricourt.

Marche de nuit très longue et très pénible. L’essentiel est de traverser la forêt de Réchicourt et de franchir le canal des Salines, tributaire au canal de la Marne au Rhin.

Ces deux points franchis le corps d’armée est sauvé. Le groupe se retire en silence. La nuit est froide autant que noire. Pas un souffle, pas un murmure, le pas des chevaux, le roulement des voitures troublent seuls le silence de la nuit.

La fatigue est extrême. Les paupières se ferment malgré soi. Les conducteurs ont tendance à dormir sur leurs chevaux.

 

A la pointe du jour, la forêt est traversée et le canal franchi. C’est fini, nous sommes sauvés. Peu de temps après le pont du canal est détruit par le Génie et la marche des allemands est entravée.

Pendant la marche en retraite, deux chasseurs alpins égarés, montent sur les coffres de la batterie. Ils sont du 8ème corps et recherchent leur régiment. Ils sont très fatigués et n’ont rien mangés depuis 8 jours que quelques biscuits restant dans leurs sacs.

Ils sont très heureux de se ravitailler à la batterie.

Le 21 août

À 8 heures, nous repassons la frontière à Avricourt ; après plusieurs reconnaissances et quelques occupations de positions, la batterie se retire et va cantonner à Thiébauménil où elle arrive à 19 heures.

Après 40 heures de marche et de fatigues sans trêve ni repos nous nous endormons.

Le 22

Réveil à 4h30.

Le groupe se porte en arrière dans la direction de Gerbéviller. En passant à Fraimbois, le chef d’escadron MARTY fait une chute de cheval, il est évacué sur Lunéville où il sera fait prisonnier quelques jours plus tard.

Le groupe arrière à Gerbéviller vers 10 heures. Il doit se reconstituer. Nous retrouvons les fourgons que nous croyons prisonniers depuis le 20 août.

 

Vers 13h30, alors que tous dangers paraît écartés, quelques avions atterrissent et nous portent l’ordre de continuer la marche en arrière : la poussée allemande allant s’accentuant.

Alerte générale.

Il faut rassembler la batterie, chose peu facile, car chacun a profité de ce moment de repos pour visiter la gentille et coquette citée.

Nous allons cantonner à Einvaux où nous arrivons à 22 heures.

La nuit est noire et nous avons beaucoup de difficultés pour former le bivouac. Le cantonnement n’est pas désigné et rompus de fatigue nous couchons à la belle étoile.

Le 23 août

Départ à 3 heures.

Tout prendre position avant le jour sur un mamelon à l’est du village de Bremoncourt nous occupons une forte position.

Le mouvement de recul est terminé, la retraite est finie. (*)

L’échelon est en arrière de la batterie, dans une vallée. Un brave homme fuyant devant l’ennemi nous offre avant de partir, tous ses poulets, volailles et un veau. Grand honneur lui est fait et à ses bêtes. Après ces marches forcées pendant lesquelles la nourriture a été un peu négligée, nous apprenons à nous débrouiller et nous n’attendons toujours pas les distributions.

La viande n’arrive pas ce jour-là. On achète une génisse vite découpée par quelques hommes qui s’improvisent bouchers.

 

(*) : Comment le savait-il à cette date ? Il a donc écrit le récit plus tard…

Le 24 août

La batterie exécute un tir sans résultat appréciable.

 

Le soir venu, nous couchons sur les positions.

Quelques gerbes de paille nous servent d’abri.

Le 25 août

L’offensive est reprise.

Le groupe exécute des tirs très violents. La batterie a tiré 500 obus environ. Le tir a dû être très efficace car ver 17h on reçoit l’ordre de se porter en avant, au nord du bois de Jontois.

Vu les difficultés de l’observation, la nuit approchant le groupe reforme qu’une batterie de 12 pièces sous les ordres du capitaine SALVAIRE.

Par son tir cette batterie disperse à 4 400 mètres un groupement de batteries allemandes près de Moriviller. Le groupe reçoit une salve de 8 obus de gros calibre. Un servant de la 9ème batterie est légèrement blessé. (*)

Notre position était sous le feu de l’ennemi nous nous portons à 300 mètres en arrière pour battre le même objectif.

Notre feu éteint celui de l’ennemi qui se retire précipitamment.

Nous cantonnons à Moriviller que nous battions une heure avant.

 

L’échelon se porte en avant, rejoint la batterie à 22 heures.

Le bivouac est formé dans un terrain parallèle à la route fortement en pente ; l’entrée est très difficile. Nous n’avons pas de cantonnement. Les hommes extenués de fatigue se couchent sous le matériel sans préparer de repas.

Notre repas très maigre se compose de conserve et de pain.

 

(*) : Une égratignure à l’oreille (JMO)

Le 26 août

Nous partons à 4 heures.

Le groupe se porte en avant, à hauteur au village de Franconville une partie de la route est à découvert, l’artillerie ennemie tire sur nous. La colonne s’arrête à l’entrée du village : les coups arrivaient principalement à la queue de la colonne.

 

Enfin le groupe se m’est (se met) en position au sud du village exécute un certain nombre de tirs. Le clocher récemment abandonné par l’ennemi qui y avait placé des mitrailleuses a été transformé en poste d’observation, le capitaine SALVAIRE s’y installe. Dans le panorama qui s’offre à ses yeux il peut découvrir des rassemblements vite dispersés par la rapidité et la précision du tir.

L’échelon est abrité dans le village, l’ennemi arrose fortement les environs, la canonnade est furieuse.

L’église, l’école et un hangar attenant sont remplis de blessés allemands (300 environ) étendus sur une mince couette de paille. A notre arrivé toutes ces têtes palies de souffrances semblent nous implorer au regard, ils ne sont pas très rassurés. Parmi les blessés convalescents placés dans l’école se trouve un Lorrain prisonnier. Ce dernier cause admirablement le français.

Par l’intermédiaire de ce prisonnier, nous pouvons tenir quelque conversation nous nous apitoyons sur le sort de ces pauvres miséreux qui sont restés privés de quelques soins.

Nous leur offrons quelques cigarettes.

 

L’abandon dans le village de quantités de munitions, armes, vivres et équipements de toutes sortes nous permettent de nous rendre compte de la panique qui a dû régner dans les rangs ennemis.

Nous nous procurons bidons, quarts, musettes, chaussures, casques, armes et toute une foule d’autres choses embarrassantes que nous voudrions conserver comme souvenir.

Une quantité considérable de cartouches sont enfoncés ; les armes et l’équipement restant sont renvoyés à l’arrière. Le bruit de la canonnade est assourdissant ; quelques obus tombent dans le village, mais le secteur où est l’échelon semble protégé, nous attribuons cela à la présence de l’abandon considérable de blessés ennemis laissés dans le village.

 

Malgré que les habitations, ce jour-là, ne souffrent pas du feu de l’ennemi, les quelques habitants restés se tiennent enfermés dans les caves. L’ennemi avant de quitter le village a incendié quelques maisons et, comme de coutume, fusillé quelques habitants.

Le modeste repas du soir, composé de potage salé et quelques pommes de terre est préparé à l’encoignure d’une maison.

La propriétaire nous assure que l’ennemi s’est bien comporté chez elle ; qu’il la payée du dérangement pour la préparation du repas. Elle nous montre un cadeau laissé par eux ; c’est un écrin renfermant un service à découper en argent, qui porte la mention : « Lunéville ».

Nous sommes sûrement en présence d’un objet volé.

 

Le soir venu, nous allons bivouaquer au village de Landecourt situé à trois kilomètres en arrière. Le groupe met environ deux heures pour parcourir cette distance.

La nuit est noire et froide, la pluie tombe. Le parc est formé dans un terrain fraichement labouré. Le cantonnement du groupe est réservé au dernier moment pour placer les prisonniers faits par le 24ème chasseurs alpins au nombre de 300 environ.

Comme la veille les hommes exténués de fatigue préparent un modeste repas potage salé et faute de cantonnement se couchent sous le matériel, la pluie tombe toujours.

Le 27 août

Le bivouac est levé à cinq heures.

Le groupe va réoccuper les mêmes emplacements de la veille.

D’après un plan remis par un aviateur qui a situé l’ennemi, le groupe prend à parti des groupements ennemis dans le bois de la Grande Frenou et du bois de la Reine. Le tir est dirigé par le capitaine SALVAIRE de préférence sur une batterie d’obusiers située en arrière d’une ferme.

L’échelon se place en arrière et à gauche de la batterie sur la route de Franconville à Landecourt au milieu d’un bois qu’elle traverse.

L’artillerie ennemie est très vive, nous sommes encadrés.

 

La nuit venue, l’échelon se porte en avant dans le voisinage de la batterie, bivouaque sur les bords du bois, l’emplacement a été fortement arrosé dans la journée.

Le 28

Le groupe transformé en une batterie de douze pièces sous la direction du capitaine SALVAIRE, observateur dans le clocher ouvre le feu à de nombreuses reprises sur les objectifs de la veille.

 

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Extrait du JMO : Curieux que l’on retrouve les mêmes mots et les mêmes expressions que sur le carnet !

 

A 9 heures, un avion ennemi survole notre position.

Vers 9 heures ¼ 12 et 13 heures, les coups nombreux tombent sur le groupe ; la plupart éclatent au milieu des pièces. Malgré la précision du tir il n’y a pas de blessés ; souvent nous avons à tirer sous le feu violent de l’ennemi.

A la tombée de la nuit les pièces sont braquées sur Handonville et Gerbevillers, où une contre-attaque ennemie doit paraît-il se produire.

 

 

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Mêmes mots, mêmes expressions ! Bizarre

Le 29 août

Nous restons toujours sur les mêmes positions ; à midi un autre avion nous survole le capitaine SALVAIRE toujours à son poste d’observation aperçoit des mouvements dans les lignes allemandes et la lueur de plusieurs pièces dans la direction du bois de la Reine.

Un feu nourri de tout le groupe fait taire ces batteries, et permet à notre infanterie de se porter en avant.

 

Vers 17 heures, un obus de 77 tombe sur la 1ère pièce de la batterie et casse 4 raies de la roue droite du caisson. Par un fait du hasard le 2ème canonnier-servant FABRE, couché entre les deux voitures n’a qu’une très légère égratignure.

 

Le soir, nous couchons sur les positions.

Le 30 août

Vers 9 heures, le groupe reçoit l’ordre de se porter en avant, nous traversons la forêt de…

Une odeur âcre nous prend à la gorge des chevaux allemands morts, en voie de putréfaction nous obligent à mettre le mouchoir devant le nez.

Le groupe passe la Mortagne affluent de la Meurthe à Lamath sur un pont de circonstance construit par le génie ; l’autre a été démoli par l’ennemi. Nous prenons position au bord de la route de Gerbéviller à l’est de Xermaménil ne formant qu’une batterie de 12 pièces.

De très précises indications sur les effets du tir sont fournies au chef d’escadron par le lieutenant ROCH du 143ème régiment d’infanterie ; celui-ci est établi au nord du bois de Bareth.

 

Vers 18 heures, l’ennemi dirige sur le groupe et son échelon une canonnade des plus violentes. Les obus tombent de toute part. Deux servants de la 7ème batterie sont blessés.

 

A la tombée de la nuit, nous nous retirons. Quand le bombardement a cessé, nous reprenons nos positions.

Un échelon du 55ème régiment d’artillerie qui est établi à 100 mètres à droite de notre position a particulièrement à souffrir. Les obus semblent tout d’abord vouloir l’épargner.

 

Vers 17 heures 30, un projectile de gros calibre éclate au milieu des voitures.

Certaines qui ont la bonne chance de ne pas être atteintes se dispersent dans tous les sens. Parmi les autres il y a des morts et des blessés. A une même voiture, les attelages de devant et de derrière sont foudroyés ; celui du milieu reste debout retenu dans les traits ; et pendant que les conducteurs se sauvent éperdument, les chevaux comme méprisant le danger paissent l’herbe encore fraiche. 

Le 31 août

Vers 3 heures, le groupe doit appuyer le 80ème régiment d’infanterie qu’il sauve d’une violente contre-attaque ennemie.

Le colonel DE VALMONT commandant la 63ème brigade adresse tous ses remerciements pour la façon dont le groupe a soutenu son infanterie. (*)

 

(*) : Cette phrase est encore identique au JMO

 

A 3 heures 30, nous recevons l’ordre de nous replier sur la rive gauche de la Mortagne près de la ferme de la Naguée.

L’échelon qui suit la batterie passe sur la rive droite et vient se placer près de la rivière, au bord de la route. A peine chacun profite de la commodité de l’eau pour se livrer à ses ablutions. Quelques-uns plus fatigués se couchent à l’ombre des voitures.

Pendant ce court arrêt le 55ème régiment d’artillerie passe emmenant du matériel de 77 pris à l’ennemi, particulièrement des caissons et divers objets d’équipement.

Bientôt l’échelon est arrosé et doit se déplacer, il va s’établir à gauche de la route, à hauteur du village de Lamath.

L’ennemi transporte le tir à gauche en l’allongeant les coups d’abord courts, finissent par nous encadrer.

 

Vers 16 heures, il doit de nouveau se porter en arrière à la lisière d’un bois. De toute cette dure journée nous n’avions pu préparer de repas chaud, lorsque vers 17 heures nous sommes autorisés à allumer un peu de feu sous bois. L’eau est au plus proche village situé à 1 500 mètres.

Néanmoins les feux sont allumés et quand notre potage commence à bouillir, nous recevons l’ordre de départ. Le repas allait être prêt à notre nouvelle position quand nous recevons l’ordre de nous porter au village de Landecourt où la batterie doit bivouaquer.

 

Nous arrivons à 22 heures et nous nous mettons en mesure de faire un peu de cuisine ; au moins maintenant aura-t-on le temps. Il n’en est pas ainsi et nous devons revenir immédiatement occuper notre dernière position.

De rage les hommes lancent un coup de pied dans les marmites.

 

Il est 2 heures du matin quand l’échelon arrive à son emplacement.

Les coffres sont vides et la liaison n’existe pas avec la section de munitions qui doit nous ravitailler. A l’arrivée des renseignements fourmis par quelques éclaireurs. 3 caissons par batterie vont se compléter et sans repasser à l’échelon vont ravitailler la batterie.

 

A 3 heures 30, la batterie quitte la position et se porte en arrière près de la ferme de la Naguée. Nous occupons plusieurs emplacements de batterie sans avoir à tirer.

Les échelons se placent en arrière de la ferme à la lisière d’un bois où ils restent jusqu’au 11 septembre.

Les batteries de tir vont tous les jours de très bonne heure occuper des positions de surveillance en arrière du bois d’Arouroy.

Le 12 (septembre)

Le groupe part à 3 heures.

Nous occupons une position au nord de la route de Lunéville entre Xermaménil et le bois de la petite Frenoux, dans le but de battre un ennemi situé dans les tranchées de la ferme de Fréhaut.

Le groupe n’a pas à tirer.

 

Vers 15 heures, il quitte la position pour aller cantonner à la ferme de Fréhaut. Nous nous engageons sur la route de Lunéville ; la campagne nous offre la vue de vrai champ de bataille avec toutes ces horreurs.

Sur la route, les arbres qui la bordent, portent des traces de la lutte ; quelques-uns sont traversés de la part en part ; certains qui ont reçu le coup de plus près ont arrêté le projectile dont le culot se confond avec l’écorce formant qu’un même plan, d’autres enfin, fauchés sont au milieu de la route.

 

Nous traversons ensuite le village de Rehainviller où se sont également livrés de terribles assauts. Les Allemands dans leur retraite ont tout employé pour barricader la route.

De ce coquet village de Rehainviller, traversé un mois avant, il ne reste plus que des pans de murs dangereux, par eux-mêmes car ils s’éboulent à tout moment ; on reconnaît tout juste l’emplacement des rues.

Les quelques maisons qui restent sont pillées, ravagées on marche sur du linge, les meubles sont éventrés, les portes arrachées. Sur les parquets gisent pêle-mêle linge, correspondance matelas et édredons crevés, débris de mobilier, vaisselle brisée, déchets de victuailles etc., etc…

Le cimetière a été transformé en forteresses ; les murs sont percés de créneaux par où les mitrailleuses crachaient la mort dans nos rangs. A l’intérieur on voit le cadavre d’un cheval calciné.

 

Sur le bord de la route de Rehainviller à Hériménil se trouve une ligne électrique presque détruits le long de cette ligne quantité des nôtres sont tombés ; couchés dans la même position défensive et sur un même rang tout porte à croire qu’ils ont été électrocutés par suite de la chute des fils.

Les tranchées abandonnées sont pleines de morts qui sont là depuis longtemps déjà car la peau est gonflée et noire.

La traversée du village de Hériménil présente le même aspect de dévastation ; quantité de maisons achèvent de brûler ; on sent une odeur âcre de chair calcinée.

 

L’église a été quelque peu respectée ; mais cela dans un but criminel. Les Allemands y avaient enfermé ce qui restait de la population civile et plaçant une lumière vive dans le clocher cherchaient à attirer les coups de l’artillerie française. Fort heureusement la chose fût éventée.

Une vieille femme n’ayant pas compris l’ordre de se rendre à l’église avec deux enfants en bas âge s’enferma dans la cave. Elle fût prise fusillée immédiatement avec les deux bambins. Quelques autres habitants subirent le même sort.

 

Tout le long de la route que nous suivons le talus est creusé de longues galeries où l’ennemi s’abritait des coups de notre artillerie. Dans le bois de Rozelieures (*) une grande quantité de munitions ont été abandonnés et les outils laissés épars dans les tranchées dénotent le désordre qu’il y a eu dans la retraite précipitée des Allemands.

Ceux-ci avaient soigneusement aménagé leurs tranchées en y apportant des matelas des coussins et beaucoup de meubles tels que lit, tables, fauteuils, chaises et même des instruments de musique.

 

Nous arrivons à la ferme de Fréhaut vers 17 heures. La batterie se forme sur la lisière d’un bois où les chevaux restent attelés.

Nous allons reconnaître un emplacement de batterie pour le lendemain au-dessous de la route de Lunéville. Les environs de la ferme sont sillonnés de tranchées où l’on trouve des morts asphyxiés par nos obus.

Nous visitons des postes d’observations allemands véritables chambres souterraines, meublées comme des salles de châteaux.

Dans la ferme des Abouts, voisine de la précédente, plusieurs chevaux sont morts dans l’écurie ainsi que deux soldats qui les gardaient, l’un d’eux paraît tout jeune, 16 ans à peine.

 

(*) : En allant de Xermaménil à la ferme de Fréhaut en passant par Réhainviller puis Hériménil, il parle du bois de Rozelieures. Or, Rozelieures est à une vingtaine de km plus au sud, il ne peut donc pas l’avoir traversé en chemin : soit il s’est trompé de nom (probablement bois des Côtes et bois du Fréhaut), soit il cite une information qu’il a entendu.

Le 13

Nous quittons notre cantonnement à midi pour aller prendre position derrière la ferme des Abouts.

 

Vers 14 heures, nous emmenons les avant-trains et nous attendons sur place jusqu’à 17 heures l’ordre de se porter en avant.

Nous repassons à Hériménil, puis à Lunéville où les ponts démolis ont été reconstruits par le génie.

Sur la route trois colonnes de voitures résident toute avance impossible et nous ne pouvons traverser cette ville que vers 20 heures dans l’obscurité la plus complète.

Un grand nombre de veilleuses que les Allemands exigeaient que l’on mette sur les fenêtres pendant leur occupation sont encore à leur place. Elles marquent maintenant la joie des habitants.

Ceux-ci à la vue des Français ne peuvent se contenir car leur oppression a duré trois semaines. Ils partagent avec tous les hommes le peu de vin et de friandises qu’ils ont pu conserver.

 

Continuant notre route nous allons à Maixe où nous arrivons à 24 heures.

Le cantonnement n’étant pas bien déterminé beaucoup d’entre nous couchent dehors.

Le 14

Nous quittons Maixe à 14 heures par une pluie battante. Comme beaucoup d’autres villages celui-ci est entièrement détruit. Il ne reste aucune maison debout et les rues sont barrées par les murs écroulés.

Nous traversons Einville et nous allons prendre position au nord-est de cette localité, le long de la route d’Arracourt pour protéger une reconnaissance d’infanterie.

 

Le soir, la batterie revient à Einville, aux salines Saint Laurent.

Les 15 et 16 septembre

Nous restons sur les mêmes positions.

Pendant ces quelques jours nous ne nous privons pas de bière. Une brasserie que les Boches ont occupée pendant quelque temps possède encore quelques cuves que l’autorité militaire requiert.

Le 17

Nous recevons l’ordre de départ.

Nous quittons la 2ème armée commandée par le général DE CASTELNAU pour faire partie de la 1ère armée sous les ordres du général PAU.

 

Nous quittons Einville à 14 heures pour repasser à Maixe. Nous traversons Sommerviller, Varangéville, Bosserville qui ne paraissent pas avoir souffert de l’occupation allemande.

 

Vers 17 heures, nous passons à Dombasle très coquette cité ; nous traversons là les usines Solvay.

Nous arrivons à Nancy où nous cantonnons dans le quartier Saint Max. La pluie tombe toujours torrentielle.

Le parc est formé dans un vaste terrain boueux, les chevaux sont laissés à la corde, les hommes sont dans un moulin.

Le 18, le 19, le 20

Nous rentrons à Nancy où nous pouvons nous ravitailler et nous procurer des effets d’hiver.

Durant 3 jours nous nous reposons.

Le 20

La batterie va cantonner dans un faubourg à Essey-lès-Nancy.

Le 21

Le corps marchant en réserve nous traversons toute la capitale lorraine ; cité coquette que Guillaume voulait offrir à l’impératrice, pour son anniversaire le 28 août.

L’étape est faite sous une pluie torrentielle, elle est très longue et très pénible.

Après la traversé de la forêt de Haye, nous passons à Liverdun et nous arrivons à Saizerais à minuit 30.

Le 22

Nous partons à 7 heures marchant toujours en réserve.

 

Vers 14 heures nous formons le parc à côté d’Avrainville ; nous prenons un maigre repas et brusquement nous nous portons en avant sur la route de Tremblecourt.

Le 17ème et le 20ème corps soutiennent une lutte terrible depuis 3 jours et nous croisons de longues files d’ambulances qui vont déposer des blessés à l’arrière.

Nous arrivons à Tremblecourt où nous cantonnons à 19 heures.

Le 23

Nous partons à 4 heures et après avoir traversé Domèvre-en-Haye et Manonville nous prenons une position de batterie à droite de ce village à 10 heures.

Nous plaçons le matériel sous le feu de l’ennemi en première ligne, nous ne pouvons pas tirer et nous prenons un deuxième emplacement d’où nous ouvrons le feu sur les premières lignes de tranchées à 1600 mètres.

La lutte est terrible et toute la journée l’artillerie de campagne et la lourde ne cessent de tirer. Plusieurs obus de 77 fusants arrivent sur la batterie.

Le brigadier NÈGRE est tué en partant chercher des munitions. (*)

 

Le soir la batterie va cantonner à Minorville.

 

(*) : NÈGRE Jean-Louis ; mort pour la France le 23 août 1914 à Noviant-aux-Prés (54). Voir sa fiche.

Le 24

Nous partons à 5 heures pour occuper une position à 200 mètres en avant de celle de la veille. Aussitôt nous ouvrons le feu et la lutte qui se poursuit depuis 5 jours autour de Noviant-aux-Prés continue toujours. Notre infanterie a beaucoup de pertes.

L’artillerie ennemie riposte et quelques obus tombent autour des pièces blessant deux servants : GIORGIS et BARNABÉ. (*)

Le feu n’arrête que le soir. Nous avons tiré 1100 coups de canon. Nous couchons sur les positions.

 

(*) : Le premier nommé une balle de shrapnell à la cuisse, le second au mollet. Tous les deux sont 2e canonniers-servants.

Le 25

Nous sommes prêts à tirer de bonne heure.

Mais l’ennemi a fortement reculé dans la nuit et à 4h30 nous recevons l’ordre de nous porter en avant.

Nous allons occuper une nouvelle position entre Noviant et Lironville. Aussitôt la lutte reprend aussi opiniâtre que les autres jours.

 

Le soir, nous couchons sur la position.

L’échelon qui est resté pendant 3 jours à côté de la gare de Minorville se porte sur le bord de la route de Manonville à Noviant près de ce dernier village.

Le 26

Nous tirons toute la journée le groupe reçoit des félicitations du colonel annonçant que nous avons démoli une batterie d’obusiers.

Nous continuons à occuper cette position jusqu’au 5 octobre inclus.

Le 3 (octobre)

Au soir, vers minuit, deux obus de gros calibre éclatent à Noviant sur le cantonnement du groupe. Tout le monde s’en sort sain et sauf et malgré le froid, on passe le reste de la nuit dehors.

Le 4 et le 5

Nous cantonnons à Minorville.

L’échelon qui est toujours au même endroit reçoit journellement dans ses alentours quelques marmites. Néanmoins il n’y a pas de mal.

Le 6

Nous recevons l’ordre de céder la place à un autre régiment.

 

A 6 heures, nous partons vers Noviant-aux-Prés où nous retrouvons l’échelon. Nous passons à Minorville, Royaumeix, Ménil-la-Tour et nous arrivons à 10 heures à Lagney où est déjà tout le régiment et où nous cantonnons.

Nous restons ainsi le 7 et le 8.

Le 9

Départ à 8 heures pour Toul où nous devons embarquer à 11 heures.

 

A 13 heures 30, nous quittons Toul pour une direction inconnue.

Après une nuit passée dans le train nous débarquons le 10 à 4h30 à Mézy-Moulins.

 

A 6 heures, nous quittons la gare et allons à Mont-Saint-Père où doit se rassembler le régiment.

 

A 8 heures, nous nous dirigeons sur Oulchy-le-Château où nous devons cantonner et où nous arrivons à midi.

Le 11

Nous partons à 7 heures et nous allons cantonner à Courmelles où nous arrivons à 13 heures.

Nous sommes à 4 kilomètres de Soissons.

Le 12 et le 13

Même cantonnement.

Le 14

Nous quittons Courmelles à 22 heures 30 pour nous porter sur la ligne de feu.

Nous marchons toute la nuit et après avoir traversé Braine, Courcelles nous arrivons le 15 à 7 heures à Paars exténués de fatigue ayant fait près de 40 kilomètres.

 

On se remet un peu et à 19 heures 30, nous recevons l’ordre de départ.

La nuit est froide.

Après une marche non moins pénible que la nuit précédente nous traversons l’Aisne près de Bourg-et-Comin. Nous devons relever les Anglais qui occupent une position avancée sur une croupe. (*)

L’obscurité est complète et les chemins difficile.

Après beaucoup de fatigues nous pouvons enfin prendre position et deux heures de repos.

 

(*) : Le régiment (et son corps d’armée) remplace les Anglais. L’armée anglaise va se regrouper et partir pour la Belgique, le Nord, le Pas-de-Calais, La Somme où elle restera jusqu’en 1918.

Le 16

Nous n’avons pas à tirer.

Le 17

Le 58ème régiment d’artillerie vient nous remplacer et nous nous portons en arrière.

Autour de la position de batterie nous avons quelques spécimens des fameuses carrières de Soissons.

Divisées en salles spacieuses, elles sont encore encombrées de vivres et d’effets de toutes sortes abandonnées par les Anglais.

 

A 6 heures, nous quittons la position ; après la traversée de Bourg-et-Comin et après la traversée de l’Aisne à Dhuizel, nous passons à Braine et nous allons cantonner à Cerseuil où nous arrivons à 10h30. (*)

 

(*) : C’est à la sortie de Bourg-et-Comin qu’il traverse l’Aisne et non à Dhuizel qui en est éloigné de 5km

Le 18, le 19, le 20 et le 21

Nous restons au même cantonnement où nous pouvons enfin nous reposer des quelques fatigues que nous avons eues.

Le 22

Vers 19 heures, nous recevons l’ordre de départ et après une courte étape de 4 kilomètres nous allons cantonner à Cuiry-Housse où nous arrivons à 22 heures.

Le 23

Nous partons à 6 heures.

Nous traversons Nampteuil-sous-Muret, Chacrise, Hartennes.

Nous passons au milieu de la belle forêt de Retz, admirable d’entretien et d’ordre.

Après un détour à Saint-Pierre-Aigle nous allons cantonner à Dommiers où nous arrivons à 15 heures.

Le 24

Départ à 7 heures.

Nous repassons à Saint-Pierre-Aigle et après notre passage à Mortefontaine nous allons cantonner à Longavesne.

Nous y passons un jour de repos.

Le 26

Nous partons à 9 heures pour aller à Taillefontaine où nous restons le 27 et le 28. Nous logeons nos chevaux dans des carrières semblables à celles de Bourg-et-Comin. (*)

Nous nous sentons un peu à l’aise et nous pouvons nous reposer des fatigues provoquées par toutes ces marches.

 

(*) : Ces carrières, creusées dans le calcaire, sont appelées des « creutes ». De nos jours, certaines servent de champignonnières.

Le 29

Nous quittons Taillefontaine, le 29 à 7h20 pour aller à Compiègne en vue d’un embarquement.

Nous passons à Pierrefonds qui possède un établissement thermal très fréquenté. De nombreuses constructions d’un goût exquis donnent un cachet pittoresque à cette belle petite cité dominé par le château bâti au sommet d’une colline par Louis d’Orléans frère de Charles VII.

Il fût habité par plusieurs rois de France même par le roi d’Angleterre.

Au sortir de Pierrefonds nous nous engageons dans l’immense forêt de Compiègne. Le spectacle est de toute beauté. Tous les carrefours sont baptisés et des sentiers qui y aboutissent, conduisent à tous les recoins. L’entretien est irréprochable.

 

Après une marche de 12 kilomètres nous voilà aux portes de Compiègne qui vous rappelle le souvenir de Jeanne d’Arc et Jeanne Hachette.

Nous suivons les immenses boulevards extérieurs. Les nombreuses villas qui les bordent sont de véritables bijoux d’architecture. Nous passons ensuite devant le château qui est toujours le palais de justice. Une partie est transformée en hôpital de la Croix Rouge.

Le pont de Compiègne, à ses faubourgs est démoli, les Anglais l’ont fait sauter le 1er septembre, lors de l’invasion allemande. Nous passons la rivière sur un pont de bateaux et nous cantonnons à Venette petit faubourg de Compiègne.

Il pleut et c’est avec beaucoup de peines que nous pouvons abriter nos chevaux dans des écuries et des hangars.

Le 30

On nous apprend que nous devons embarquer à 16 heures.

Le départ brusqué ne nous donne pas le temps de préparer un repas froid et on téléphone à Creil pour le faire préparer.

A 16h30, nous quittons Longueil-Sainte-Marie, notre gare d’embarquement, et nous arrivons à Creil à 17 heures.

Il faut se ravitailler et on doit franchir 10 voies encombrées. On se presse mais trop peu car le train repart tout d’abord on croit à une manœuvre et les hommes de corvée attendent.

Il n’en est pas ainsi et le convoi a définitivement quitté Creil. Quelques vivres ont pu rejoindre avant que le train soit lancé.

 

Nous passons à Amiens, Boulogne longeant la Manche nous arrivons à Calais le 31 octobre vers 8 heures. La ville est très belle.

De là, on nous dirige sur Hazebrouck. A ce moment nous rencontrons un train de blessés belges ; ceux-ci animés d’un excellent esprit.

Nous passons à Saint-Omer à Hazebrouck et nous débarquons à 11 heures à Strazeele.

Toute cette région du Nord est sillonnée de fossés pleins d’eau qui limite les propriétés ; larges de 2 mètres, ils servent à enlever les récoltes opération qui se fait en bateau.

A Hazebrouck, nous voyons le premier écossais dans son costume kaki original.

Après le débarquement l’artillerie anglaise passe devant nous et nous retarde beaucoup.

 

A 15 heures, nous pouvons partir et passons à Flêtre, Godewaersvelde et à 16 heures la frontière belge.

Toutes les routes faites sur un terrain trop fiable sont pavées.

Nous arrivons à Poperinge, belle cité de 3 000 habitants. L’église porte les drapeaux alliés ; la propreté et l’entrain règnent dans cette ville.

 

Nous allons bivouaquer à Dickebusch où nous arrivons à 21 heures.

Le repos de la nuit est de courte durée.

Le 1er novembre

À 4h30, nous partons sur la ligne de feu. Nous occupons une position au nord de Groot-Vierstraat.

 

A 10 heures, nous nous portons en avant à l’est de Kemmel.

Les obus sifflent et éclatent autour de nous. Nous ne pouvons tirer que 5000 mètres quand l’ennemi est à 1200 mètres de nous.

L’impression générale est mauvaise. Pour la première fois nous entendons les balles d’infanterie siffler à nos oreilles. Nous allons occuper une position à 300 mètres en arrière. On s’abrite le plus possible.

 

Vers 16 heures, le capitaine SALVAIRE commande la 9ème batterie arrive du poste d’observation. Il est pâle et tombe exténué. A grand peine il balbutie ces paroles :

« Ils sont tous morts, tous morts. C’est affreux. J’étouffe, j’étouffe ».

 

Au bout d’un moment il peut nous raconter ce qui s’est passé.

Un obus de très calibre a ce qui s’est passé. Un obus de très gros calibre a éclaté sur le poste d’observation. Le lieutenant LOMBEZ est tué, le maréchal des-logis SOLER, le brigadier VIALA aussi ils sont tout déchiquetés.

Une demi-heure plus tard, le brigadier FABRE vient prévenir d’appeler les brancardiers, le commandant PASCAL et capitaine PAULET de la 7ème batterie sont blessés.

 

Le soir, la batterie reste en position ; chacun sent le danger et s’entretient des faits de la journée pendant que les obus continuent à arriver dans le voisinage durant toute la nuit.

 

(*) : JMO 3e RAC :

LOMBES (LOMBEZ) Ambroise, sous-lieutenant de réserve, mort pour la France à France à Groot-Vierstraat, Belgique. Voir sa fiche.

SOLER Louis, Maréchal-des-Logis mécanicien, 9e batterie, mort pour la France à Groot-Vierstraat, Belgique. Voir sa fiche.

VIELA Émile, brigadier, 9e batterie, mort pour la France à France à Groot-Vierstraat, Belgique. Voir sa fiche.

PASCAL Félix, chef d’escadron, blessure à la tête et aux jambes.

PAULET Marcel, capitaine, commotion cérébrale.

 

Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : 1.jpg

Carte de situation de la 32e division d’infanterie (DI) – Le 3e régiment d’artillerie est l’AD 32 (artillerie de la 32e DI)

Cliquer pour agrandir.

Le 2

La journée est aussi triste.

Il ne reste pas beaucoup d’officier dans le groupe et le capitaine CAPDEVIELLE (*) vient le commander. Le poste d’observation est déplacé.

 

Malgré cela, à 8 heures, le bombardement recommence.

Le trompette FLOURENCE de la 7ème batterie est tué ; les trompettes CARRÈRE et BOUSQUET de la batterie sont blessés. Le brigadier FABRE très abattu ne peut plus assurer son service. (**)

 

A 11 heures, nous allons occuper une nouvelle position au sud-ouest de Groot-Vierstraat.

Le colonel croit que le 3ème groupe n’existe plus, il envoie son officier agent de liaison ramener les restes.

Aussitôt placés nous commençons des abris.

Apprenant que nous devons rester longtemps, nous faisons de véritables habitations souterraines. Les pièces sont dissimulées dans une haie artificielle.

 

(*) : Le capitaine CAPDEVIELLE commande le 3e groupe d’artillerie du 3e régiment d’artillerie.

(**) :

FLOURENCE Marcelin, trompette, 7e batterie, mort pour la France à France à Groot-Vierstraat, Belgique. Voir sa fiche.

FABRE François, brigadier

BOUSQUET, trompette, 8e batterie, blessé par éclat d’obus à l’épaule, poitrine et bras droit.

CARRIÈRE, trompette, 8e batterie, blessé par éclat d’obus au bras droit.

Le 7

Vers 7 heures, 8 obus arrivent sur les 7ème et 9ème batteries.

Le maréchal-des-logis MARTY est tué. (*)

Toute la journée le bombardement recommence à raison de un coup toutes les 5 minutes. Un caisson de la 9 ème batterie saute, un canon de la 7ème est démoli.

 

(*) : MARTY Jean Gaston- Maréchal des Logis - Né le 12/9/1893 à Villegailhenc (11). Voir sa fiche.

Le 8

La canonnade continue, mais moins intense. Un caisson de la 4ème batterie fait explosion.

Le sous-lieutenant OUSSET de la 9ème est blessé. (*)

Cette dernière batterie qui n’avait pas connu la souffrance sur les champs de bataille de Lorraine est maintenant bien éprouvée.

 

Le soir, un ordre du général D’URBAL qui commande le détachement de Belgique parvient à notre connaissance et est lu à tout le personnel. Il est ainsi conçu :

 

« Soldats !

La lutte qui se poursuit opiniâtre sur tout notre front depuis 15 jours a brisé l’offensive d’un ennemi qui se flattait d’avoir raison de notre vaillance.

Il sait maintenant ce qu’il en coûte de se mesurer avec nous et ne lutte plus que pour masquer l’échec définitif de ses plans.

Je connais vos fatigues. Vous avez, au cours de ces rudes journées fourni des efforts considérables. Je vous en demanderai d’autres pour achever ce que nous avons entrepris. Ils ne seront pas au-dessus de votre courage et de votre amour pour le pays.

Tout pour la France »

V. D’URBAL

 

(*) : OUSSET Joseph, sous-lieutenant, blessé à la jambe.

Jusqu’au 13 novembre

Rien à signaler.

Le soir, le trompette BLANC est déchiqueté par un obus. (*)

 

(*) : BLANC Louis Raphaël Ernest, 2e canonnier-servant, mort pour la France le 13 novembre 1914. Voir sa fiche.

Le 14

Les conducteurs CALS et BANET sont gravement blessés : celui-ci meurt une ½ heure après. (*)

 

(*) : CALS Henri Marius Charles, 2e canonnier-conducteur, blessé le 14 novembre, puis mort pour la France le 15 novembre 1914. Voir sa fiche.

BANET Raphaël Come Damien, 2e canonnier-conducteur, mort pour la France le 14 novembre 1914. Voir sa fiche.

Le 15

Le 2ème canonnier RAYMOND (*) est blessé à la tête par un éclat d’obus qui lui emporte l’oreille gauche.

 

(*) : RAYMOND Joseph Gabriel

Le 20

L’ennemi arrose notre place avec des obus fusants.

 

À 9h45, deux obus éclatent sur la 1ère pièce ; l’abri est détérioré et les hommes se mettent à le réparer. Deux obus arrivent, le maître pointeur FOURNIER est tué. (*)

En même temps, le maréchal-des-logis SÉGUÉLA (Louis) est blessé. Il quitte à regret la batterie et tous ses camarades.

 

(*) : FOURNIER Henri Clément, maitre-pointeur, mort pour la France le 20 novembre 1914. Voir sa fiche.

Le 2 décembre

Le capitaine DARRÉ remplace le capitaine CAPDEVIELLE dans le commandement du groupe.

Le s/lieutenant DUCASTAIN est affecté à la batterie et au bout de 8 jours est remplacé par le s/lieutenant LECAS qui sort de Polytechnique.

Le 14 décembre

Nous devons attaquer.

À 7 heures, l’artillerie commence à donner et en un rien de temps, on n’entend plus que les coups de canon et les mitrailleuses.

La 31e division avance de 3 kilomètres à notre gauche, à droite les Anglais prennent le bois de Wischette et avancent de 5 kilomètres. Le bois 40 qui est devant nous est imprenable et nos fantassins ont laissé bon nombre des leurs sur le terrain.

Le 15

L’attaque est aussi active que la veille mais inutile.

Le soir de la Noël

Tenant à conserver les vieilles traditions françaises du réveillon, nous avons fait porter ce qu’il faut et à minuit, nous nous mettons à table. Le repas est suivi d’un concert et à 4 heures, nous nous couchons.

Par suite de notre déplacement et de l’absence de quelques camarades de service, nous retardons d’un jour la fête du Nouvel An.

 

 

1915

 

Le 2 janvier

Dans l’après-midi du 2, chacun apporte quelques friandises venues de chez lui. L’ennemi semble vouloir nous déranger.

 

Vers 17 heures, quelques obus de gros calibre sifflent et viennent tomber tout autour de la maison.

Néanmoins le bombardement cesse et nous nous mettons à table avec les propriétaires. Au même moment, un Anglais égaré, arrêté par la sentinelle arrive et par gestes, nous fait comprendre qu’il est perdu.

C’est un artilleur et sa batterie est à droite de notre position. IL accepte volontiers de dîner avec nous et malgré qu’aucune conversation ne soit possible entre Belges, Anglais et Français l’entrain est admirable et on sent l’amitié qui règne entre les alliés.

Le 5 janvier

Quelques officiers Anglais viennent reconnaître nos emplacements.

Le 6

Au matin vers 6 heures, nous sommes définitivement relevés par les troupes britanniques.

La batterie se porte en arrière à Dickebusch où est l’échelon de la batterie. Nous préparons notre cantonnement pour le soir quand l’ordre arrive de se porter en arrière.

 

Nous partons à 14 heures.

Nous passons à La Clytte, Reningelst, Poperinghe, Abele, Steenvoorde, et nous allons cantonner à Oudezeele où nous arrivons à 19 heures.

Le parc est formé dans un champ labouré malgré la pluie torrentielle et le 7 nous logeons nos chevaux dans les fermes environnantes transformées en petites casernes.

 

Pendant 6 jours, nous restons au même cantonnement où nous nous remettons de la vie solitaire menée depuis 2 mois et où nous reprenons la vie du quartier : Tous les deux jours, promenade des chevaux, manœuvres et revues.

17

Nous recevons l’ordre de départ le 17 et à 6 heures, nous quittons Oudezeele et nous revenons à Steenvoorde.

 

Vers 11h, nous sommes à Hazebrouck que les troupes anglaises nous empêchent de traverser. Nous contournons la ville et nous arrivons à Haverskerque où nous cantonnons à 15 heures.

Le 18

Nous partons à 6 heures.

La neige recouvre le sol, nous sommes en retard et nous allons au trot sur la grande route pavée ; les chevaux glissent et les hommes ne sont pas très sûrs. Nous traversons Saint-Venant où nous rattrapons la colonne à laquelle nous appartenons.

La contrée est occupée par les troupes anglaises depuis plus de 2 mois. Partout nous avons des accueils chaleureux de la part de nos alliés et des habitants qui croient que nous restons chez eux.

Nous passons à Lillers, Burbure, Pernes-en-Artois, La Thieuloye

 Pendant le trajet d’une dizaine de kilomètres, les habitants bordent la route sans interruption et de nombreuses usines dressent dans l’air leurs hautes cheminées.

 

Nous arrivons à Houvelin où nous cantonnons à 15h30. La neige et la pluie tombent depuis plus de 2 heures et nous sommes trempés.

La région du Nord et du Pas-de-Calais que nous avons traversée depuis quelques jours est très riche et partout ressort le bien-être. Les habitants sont très gentils.

Le 19

Nous restons au cantonnement et nous pouvons nous remettre de l’étape de la veille. Nous devons rester quelques jours et dès lors recommence la vie de quartier déjà menée à Oudezeele.

Tous ces ennuis sont supportés avec d’autant plus de patience que les habitants chez qui nous sommes son très gentils. Nous en profitons et pendant les quelques jours de froid et de neige que nous avons, il y a une place autour du poêle.

Nous faisons la popote chez une dame qui a son fils à la guerre, nous sommes là chez nous.

Le 28

Nous devons partir à midi.

Nous quittons à regret cette charmante localité. Nous passons à Frévillers, Béthonsart, et nous arrivons à 15 heures à Agnières où nous cantonnons.

Le village, petit, loge déjà l’artillerie lourde et nous ne pouvons pas mettre tous nos chevaux dedans.

Le 30

Nous allons occuper une position à l’ouest de Saint Éloi et à un kilomètre environ de ce village.

Nous sommes en troisième ligne derrière un bois déjà garni de plus de vingt batteries. Devant et derrière nous sont des canons de 155 longs.

Nous construisons des retranchements presque à l’épreuve des grosses marmites. La batterie n’a guère à tirer. Elle ne le doit d’ailleurs que sur la demande des fantassins de première ligne où se trouve le poste d’observation.

Le 4 février

Nous recevons l’ordre de nous porter en arrière et à 14 heures, nous quittons la position. Nous passons à Écoivres, Acq, Frévin-Capelle, Capelle-Fermont, Aubigny (en-Artois), Vandelicourt.

Nous arrivons à Tincques où nous cantonnons à 17h00.

Le 5

Nous partons à 11 heures.

Nous passons à Ligny-Saint-Flochel, Sibiville, Frévent.

Nous arrivons à Petit Bouret-sur-Canche à 15 heures.

Le 6

Nous partons à 7h00 pour passer à Grand-Bouret-sur-Canche, Frévent, Doullens et nous arrivons à Hem(-Hardinval) où nous cantonnons à 11 heures 45.

Les habitants qui n’ont pas eu de troupes françaises depuis 2 mois sont contents et ne savent que faire pour nous être agréables.

Nous avons l’occasion de boire du bon cidre fait dans le pays.

Le 7

Nous partons à 8 heures 30.

Nous traversons Gézaincourt, Bagneux et nous arrivons à Beauval, petite ville très agréable où nous cantonnons.

 

Il est 11h00.

C’est la fête de notre 75 et déjà de nombreuses fillettes courent dans les rues, épinglant sur la poitrine des passants le drapeau qui porte notre glorieux canon.

Comme à Hem, les habitants sont très gentils et nous n’avons qu’à nous louer de leur réception.

Le 9,

Nous partons à 9h00 et après avoir passé Villers-Bocage, nous arrivons à Renneville à 11h00.

Le 10

À 7h00, continuant notre route vers le Sud, nous arrivons à Amiens que nous contournons en partie.

Nous cantonnons dans un faubourg à Longueau. Les écuries assez rares sont occupées par d’autres troupes et nos chevaux sont à la corde.

Nous recevons une bonne hospitalité dans une maison située à côté du parc. (*)

Les propriétaires sont très gentils et avec les quatre demoiselles, nous faisons des crêpes pendant qu’un petit concert est organisé.

 

(*) : Le parc d’artillerie.

Le 11

Nous partons à 7h00, nous passons à Boves, Dommartin, Ailly-sur-Noye, Chirmont, et nous allons cantonner à Quiry-le-Sec où nous arrivons à 14h00.

L’étape, longue, est faite sous la pluie.

Le 12

6h00, nous partons par un temps de neige pour aller au Cardonnois où nous arrivons à 12h00.

En passant à Villers-Tournelle, la division est passée en revue par le général GROSSETTI commandant le 16ème corps, le général BOUCHEZ commandant la 32ème division et le général DE VALMONT commandant la 63ème brigade d’infanterie.

Pour la troisième fois, nous reprenons la vie d’Oudizeele.

Le 20

À 15h00, nous avons l’ordre d’aller embarquer à minuit.

Le temps est court, la soirée vite passée ne nous donne pas le temps de tout préparer.

 

Nous quittons Le Cardonnois passant par Broyes, Plainville et nous arrivons le 21 à 2h00 à la gare de Gannes où nous devons embarquer. Nous ne pouvons commencer qu’à 6 heures 30 par suite du retard qu’à la 7ème batterie.

 

A 8 heures 30, le train se met en marche.

Nous roulons sur Paris en suivant la même ligne parcourue environ quatre mois avant.

 

Vers 13h00, nous arrivons à Saint Denis où nous prenons une voie qui contourne la capitale. Le brouillard est intense et, à notre grand regret, nous ne voyons que les fortifications et les environs de la capitale.

Nous prenons la ligne Paris - Strasbourg et nous débarquons à Oiry - Mareuil à 19h00.

 

À 22h00, nous allons cantonner à Oiry.

Le 24

Nous partons à 9h00 pour aller à Ay située à 5 kilomètres.

 

Après 3 heures de marche dans un désordre indescriptible, nous arrivons au cantonnement.

Nous sommes dans une localité assez importante et très riche. C’est le cœur de la Champagne et le commerce des vins qui y est très actif a mis dans l’aisance tous les propriétaires de la ville.

Le 25

Nous quittons Ay à 11h00 pour aller à Athis où nous arrivons à 14h00.

Le 27

Départ à 6h00.

Nous passant à Jâlons, Aulnay-sur-Marne, Matougues, Saint-Gibrien et nous arrivons à Fagnières où nous cantonnons à 12h00.

Le 1er mars

Nous partons à 7h00, continuant toujours notre route vers l’Est.

 

Nous traversons Châlons (-en-Champagne).

Une pluie fine d’abord commence à tomber à notre entrée dans la ville et nous traversons tristement le chef-lieu de la Marne.

Peu après, un vent glacial nous envoie une pluie froide mêlée de grêle à la figure. La tempête fait rage et la route, dépourvue d’arbres, nous paraît triste et longue. Ce temps-là dure plus d’une heure : Nous ruisselons.

 

Nous traversons La Veuve, Bouy, Vadenay et nous entrons dans le camp de Châlons. Nous allons bivouaquer dans le bois du Petit Haricot.

Il est 12h00, nous préparons un emplacement pour les chevaux. Les hommes couchent sous la tente.

Heureusement, la pluie cesse de tomber et un gai soleil vient mettre un peu d’entrain parmi nous.

Le 2

Nous continuons l’installation. Nous faisons des écuries pour les chevaux.

L’eau manque, et pour la cuisine, nous devons aller à 2 kilomètres ainsi que pour les abreuvoirs.

Le 4

Nous allons prendre une position de batterie à l’ouest de Suippes.

Un ordre nous prescrit de rejoindre notre bivouac.

Le 6 mars

À 2h00 du matin, nous partons prendre une position. Nous traversons une partie du camp où les arbres coupés à 30 centimètres du sol rendent les chemins difficiles.

Suippes semble important : À la sortie, dans les environs de l’église et de la gare, tout un quartier est entièrement démoli et contraste avec la première partie du village qui a été respectée.

 

Nous prenons une position avancée à la lisière d’un bois sur le penchant d’une colline qui regarde l’ennemi. La position est très mauvaise et sans l’exprimer, chacun prévoit un danger. On se met néanmoins au travail avec ardeur et le soir, tous les retranchements sont finis.

Le faisceau est formé mais nous n’avons guère à tirer.

Le 7 mars

Nous devons attaquer.

L’artillerie prépare mais à peine tirons nous depuis cinq minutes que l’ennemi qui voit nos lueurs dirige sur nous une batterie lourde.

Pendant près d’une heure, nous essuyons environ 200 coups de canon lancés avec d’autant plus de précision que nous sommes vus. Toutes les pièces sont entourées de trous.

Un projectile tombe entre les 2 voitures de la 2ème pièce qu’elle réduit en miettes.

Un autre éclate à l’emplacement de la 4ème qui, heureusement pour le personnel est en réparation. En même temps, le lieutenant AUGÉ, grièvement blessé, est transporté à l’arrière de sa batterie. Sa blessure est trop grave et il meurt pendant qu’on le transporte à l’ambulance. (*)

Le 2ème canonnier-servant-tireur CANUT est blessé à l’épaule droite, légèrement.

 

L’après-midi est triste et longue.

 

À la nuit, nous allons occuper une position en arrière et à gauche.

 

(*) : AUGÉ Léon Édouard Joseph, sous-lieutenant, mort pour la France le 7 mars 1915. Voir sa fiche.

CANUT Léon Jean, 2e canonnier-servant,

Le 8

L’attaque continue, très active et nous apprenons une légère avance de notre infanterie.

Après deux jours de lutte, la majorité du bois Sabot que nous devions enlever à l’ennemi est à nous. Tout le monde admire et félicite le 15ème et le 143ème.

Le 2ème génie, enlevé par l’élan de nos soldats, monte à l’assaut devant eux sans armes munis de cisailles pour couper les fils de fer.

Du 9 au 14

La lutte se poursuit par des combats d’artillerie.

L’infanterie fait quelques attaques qui réussissent partiellement.

Les 8ème et 9ème batteries sont prises le 13 dans un tir sur zone d’une batterie lourde allemande. Le lieutenant ROGER est blessé légèrement.

À noter le courage de cet officier qui ne voulait pas qu’on l’emporte à l’ambulance malgré sa faiblesse.

Le 19

La 18ème batterie va au repos pour 3 jours.

Le 24

Nous quittons notre position à minuit, nous portant sur la droite du 17ème corps.

Le 25

À 6h00, nous arrivons dans un bois à l’ouest de Laval (-sur-Tourbe).

Le 27

Nous venons relever le 5ème d’artillerie au sud de Mesnil.

L’échelon placé à 5 kilomètres en arrière nous envoie journellement les vivres, le bois et l’eau.

Le 2 avril

Nous devons de nouveau changer de position. Le 17ème corps est relevé et nous étendons notre front.

 

 

Le carnet s’arrête à cette date

 

 

Jean PICOU est mort à l’ambulance 11/16 à Ville-sous-Cousances le 10 mai 1917 par blessure et mort par accident étranger au service et non mort pour la France. Il y était entré le 7 mai.

 

S’est-il suicidé (balle dans le crane) ?

Dans ce cas, on l’aurait indiqué sur sa fiche de décès et aussi sur ses 2 fiches d’hôpital, visibles ici à n°1  et n°2

 

S’agit-il d’un accident (comme l’indique sa fiche) ?

Fracture du crâne par balle… Dans ce cas, il aurait été déclaré « mort pour la France ?

 

Mystère – Si un internaute a une idée, contactez-moi - Merci

 

 

 

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