Mise à jour : mai 2019
Sylvette
PISTRE, sa petite fille nous dit en 2004 :
« Mon grand-père n'est pas
mort à la guerre. Les carnets s'arrêtent en juin 1915. Y en avait-il d'autres
qui ont été perdu, est-il rentré à Narbonne pour cause de blessure ?
Je pense que la première
question est la bonne. Déjà bien joli que ces carnets aient été sauvés de la
destruction. C'est mon époux, à l'époque enfant, qui les a récupérés. Les deux
fils n'étaient pas intéressés par la prose de leur père, au décès lorsqu'ils
ont vidé la maison ils ont fait la joie d'un brocanteur. Ils ont tout bradé !!!
»
PISTRE Charles Louis Alfred Jacques Émile (dit PISTRE Alfred) est né le 27 avril 1875 à Capestang (34). Il est cultivateur.
Sa fiche matriculaire (en 2 pages ici : 1e page – 2e page) indique qu’il a fait son service militaire entre 1896 et 1899 au 27e bataillon de Chasseurs. En août 1914, il est appelé au 121e régiment d’infanterie territoriale.
Affichage de la
mobilisation générale et ordre de réquisition.
Le jour de mobilisation.
On voit des préparatifs de
départ dans toutes les familles. En tous lieux, on n'entend causer que de
guerre et de triomphe futur.
Je prépare mon propre
départ pour le lendemain matin. Tout le monde est heureux, le succès nous
paraît être bref et imminent.
D'après les instructions de
mon fascicule, je dois quitter les miens aujourd'hui. La séparation est
pénible.
On ignore où l'on va et ce
qui peut survenir. Je dois me présenter à la caserne d'infanterie à Béziers,
avant midi ; je ne manque pas l'heure. On obtient difficilement les
renseignements en raison de l'affluence des mobilisés parmi lesquels on
retrouve de vieilles connaissances.
J'apprends que je suis versé à la 15e compagnie du 121e
territorial que je suis cantonné rue de
Lorraine, batiment Roumiguière.
Je m'y rends.
Extrait de sa
fiche matriculaire. Il passe au 121e régiment d’infanterie territorial.
Il part ensuite
aux 252e RI (réserve du 52e RI) et 358e RI (réserve du 158e RI)
Nous sommes les premiers
jours peu nombreux à la compagnie. La majeure partie des arrivées ne comporte
que des gradés. Nous restons habillés en civil. On s'occupe d'abord des troupes
qui doivent partir, or, notre bataillon (13e, 14e, 15e et 16e compagnies)
constitue le dépôt et reste à Béziers pour assurer la police.
Rien n'est organisé à notre
compagnie. Nous mangeons et nous couchons comme nous voulons ou comme nous
pouvons. Il y a dans la ville un entrain sans précédent.
La victoire nous paraît
certaine. Tout le monde veut aller à Berlin. On entend partout parler du même
sujet. Les conversations sont très animées. On s'occupe à la caserne Saint
Jacques de l'habillement des 3 premiers bataillons du 121e territorial qui
doivent aller au Maroc.
Pour nous, rien de changé :
nous sommes très tranquilles.
Nous assistons en spectateurs
l'après-midi, aux revues des 96e, 296e et 121e régiments d'infanterie qui
passent sur la promenade Paul Riquet.
Cette cérémonie est très
impressionnante. On applaudit les drapeaux et les défilés de nos braves. Les
larmes viennent aux yeux.
Le 96e part pour une
destination inconnue. Le 121e part à son tour à destination de Cette (*) et Marseille. Nous quittons notre cantonnement pour
aller nous installer à l'ancien couvent de Saint Aphrodite.
(*) : Ancien nom de Sète (34)
Nous passons notre temps à
arranger notre cantonnement, toujours habillés en civil.
Le quartier est libre, on
se ballade, on cause et on s'intéresse aux premières phases de la guerre.
Je suis désigné comme agent de liaison. Mon rôle consiste à aller à la place copier les
ordres et à les transmettre à ma compagnie. A cette occasion, on m'habille.
Les quartiers sont
consignés, mon emploi me permet de sortir à toute heure. Je suis muni d'un
laissez-passer.
On commence à habiller
quelques hommes. Nous sommes à présent mêlés civils et militaires.
Nous quittons Ste Aphrodite
et nous allons cantonner à la brasserie générale du Midi, à côté du Pont Neuf.
Rien d'intéressant. Les
quartiers sont toujours consignés. Les hommes sont habillés à moitié. On voit
des pantalons rouges avec un chapeau, une capote avec une casquette, etc.
Le 18 au soir,
je porte un ordre relatif à la libération des classes 93, 94, 95 et une partie
de 96 pour le 20 au matin.
On est content.
Dés 7 heures du matin, je monte à vélo et sans attendre la remise de mon
livret militaire, je me rends à Capestang. Il me tarde de faire
connaître la nouvelle à mes parents. De là, je me dirige sur Narbonne où
ma famille ne m'attend pas si tôt.
Je fais part de la décision
à tous sur mon passage. Tout le monde est unanime à conclure que les évènements
s'améliorent et qu'il faudrait que ça tourne bien mal si nous étions rappelés à
nos corps.
Je rencontre aux environs
de Narbonne plusieurs groupes de soldats du 125e territorial qui apprennent
avec plaisir ce que je leur raconte. Ils ne savent rien mais ils comprennent
qu'il y a du bon pour tous. Après avoir embrassé les miens et leur avoir
annoncé que je reviens parmi eux, je retourne sur Béziers pour me faire
délivrer mon billet.
Il est 4h 1/2 du soir quand
on me le remet accompagné de ma libération provisoire. Je repars immédiatement
sur Capestang où je couche heureux.
Je pars dans la matinée
pour rentrer chez moi. A mon arrivée, mon beau-père qui se trouve dans le
jardin, me prévient que ma femme souffre depuis quelques heures. Pour ne rien déranger,
j'attends avec lui au dehors.
Demi-heure après mon
arrivée, c'est à dire vers midi et demi, j'apprends que je suis père d'un
nouveau gros garçon. C'est la naissance de Robert. Nous avons été libérés le
même jour.
Ma vie normale en famille
reprend.
Je m'emploie à
l'organisation de l'hôpital de l'école de Cité place de la Révolution où les
femmes de France doivent soigner les blessés.
Je reçois vers midi une
dépêche de mon père m'invitant à me rendre pour la 2° fois à la caserne
d'infanterie à Béziers.
En effet, à Narbonne
quelques hommes de ma classe sont partis ces derniers jours, mais n'ayant pas
reçu la convocation, j'attends les ordres.
Je vais coucher à
Capestang, malgré le mauvais sang que se font mes parents qui ont su par un
camarade que je devais rentrer et craignent pour moi. Je suis de mon côté très
tranquille puisque je n'ai rien reçu d'officiel.
Je me rends à Béziers
où j'apprends que ma compagnie se trouve cantonnée à l'école Massé. Je m'y
rends et je trouve ma convocation au bureau retournée par la poste de Castres
où elle avait été envoyée par erreur.
Je ne suis nullement
inquiété.
Du reste, d'autres rentrent
après moi et ce n'est même qu'au bout de 4 à 5 jours que l'effectif complet est
rentré. On nous habille en partie, car on ne nous donne que de vieux effets du
96° et il n'y en a pas pour tous.
C'est encore un mélange
d'effets civils et militaires. Pour mon compte, je suis habillé assez mal et je
vais le même jour prendre la garde au poste de police de la Rue Bertrand
jusqu'au lendemain.
Je quitte la garde à 11
heures pour apprendre que le suis encore chargé de cantonnement et vais coucher
et manger à l'école Gaveau. Notre compagnie est divisée en 3 cantonnements.
Je passe au 3° cantonnement
à l'école Pélisson où nous mangeons et couchons.
Nous passons notre temps à
faire divers exercices : gardes à St Jacques, à la Mairie, au théâtre, rue
Bertrand et aux arènes où sont des prisonniers allemands, des suspects et des
otages Tirs.
Je quitte la garde à la
mairie à 11 heures.
J'apprends que la classe 95
va relever sur les voies ferrées, les hommes de la classe 96. On nous donne la
faculté du choix des postes établis sur ces voies. Je choisis Perriers qui se trouve le point terminus de notre secteur
et le plus proche de Narbonne et de Capestang.
Nous arrivons en gare de Nissan
à 10 heures du soir. L'adjudant nous autorise à aller coucher au village vu les
difficultés que nous aurions à trouver notre poste de nuit.
J'en profite pour aller
coucher à Capestang.
Je rejoins mon poste à Perriers où j'arrive vers 9 heures du matin. Nous sommes là
18 hommes, 1 caporal et 1 sergent. Ce dernier est de Capestang ainsi que quelques uns de mes camarades.
Cette période se passe sur
les voies dont nous avons la garde.
Le service est facile bien que
sérieux, la vie est monotone. Nous touchons une indemnité de 2 francs par homme
pour la nourriture, ce qui nous permet dans l'ensemble de faire des repas
exceptionnels. J'ai la faculté de voir souvent mes parents et la famille. C'est
là notre pain blanc.
Nous saluons au passage les
nombreuses troupes qui partent vers le front. Nous encourageons par des signes
les blessés qui se trouvent dans les trains.
Nous suivons tous les
journaux et sur les cartes les diverses phases de la guerre. Nous ne comptons pas
que les anciennes classes puissent être utilisées pour l'obtention du succès.
Nous sommes avisés depuis
la veille au soir que nos postes sont supprimés. Nous rentrons donc aujourd'hui
à Béziers dans nos compagnies respectives. Je suis cantonné à St Aphrodise.
Tout a changé à la 15°
compagnie. Les anciens gradés ont disparu et ont été remplacés par des figures
inconnues.
Nous passons le temps à
faire divers exercices : marches, tirs, gardes et manœuvres, toujours mêlés
avec des hommes habillés en civil.
Je quitte la garde aux
arènes à 11 heures du matin. On nous annonce qu'un détachement doit partir le
lendemain pour Montélimar. Je suis désigné. Je vais en permission de 24 heures
le soir même.
Je passe la journée en
famille, mais je n'ai pas le temps nécessaire pour aller voir mes parents avant
mon départ.
Nous sommes réveillés de
bonne heure.
Nous nous préparons pour le
départ. Nous sommes tous rassemblés à la caserne St Jacques où on procède à
l'appel, et de là, à la gare. On nous embarque dans des wagons à bestiaux et le
train s'ébranle à 8 heures du matin.
Nous sommes pensifs, car
bien qu'on nous donne Montélimar comme but de voyage, nous ne savons pas en
réalité où nous nous arrêterons.
Le train stoppe à Montélimar
à 10 heures ½ du soir.
A 11 heures,
nous nous trouvons dans la cour de la caserne d'infanterie. On nous trie en
répartissant un certain nombre d'hommes de chaque classe dans chacune des
nouvelles compagnies.
Je suis versé à la 5e compagnie du 252e de réserve
On va se coucher vers
minuit et 1/2. On nous mêle avec un détachement du 125° de Narbonne. On trouve
des amis. Ces derniers arrivent le 14 vers 8 heures du matin.
On organise les sections et
les escouades. Je suis à la 9ème escouade, 5ème section. Nous quittons Montélimar
pour nous rendre au camp d'instruction de La Bégude-de-Mazenc où M. LOUBET possède une grande propriété et un
beau château à 16 kms de Montélimar.
Nous passons notre temps à
faire divers exercices. On se trouve assez mal, les gens ne sont pas en général
très affables.
Nous quittons La Bégude-de-Mazenc pour aller
au camp d'instruction de Dieulefit, joli petit village de la Drôme,
situé à 12 kms de La Bégude de Mazenc
et à 28 kms de Montélimar
Nous passons à Dieulefit
un séjour inoubliable. Les gens nous reçoivent de touchante façon. Nous passons
notre temps à faire : marches, exercices, service en campagne, tirs etc...
Un seul inconvénient, il
fait très froid et nous souffrons beaucoup de la température rigoureuse. Je
fais des amis qui s'attachent sincèrement à moi et auxquels je m'attache
moi-même.
Nous quittons à regret Dieulefit
d'où chacun emporte de très bons souvenirs.
Nous allons rejoindre la
28ème compagnie à La Bégude de Mazenc.
Cette compagnie constitue un noyau duquel on extrait les unités nécessaires
pour le complément de la compagnie d'alerte à Montélimar.
Nous passons à tous les
points de vue du très mauvais temps à La Bégude de Mazenc. Le pays de Loubet ne nous sourit pas. Il fait un
froid excessif, en outre, nous sommes entraînés par des marches et exercices
très fatigants. Très mauvais séjour.
Nous sommes désignés pour
être versés à la 30° compagnie d'alerte de Montélimar.
Nous partons le soir même,
à 1 heure sous une pluie battante : Nous arrivons à Montélimar totalement
trempés.
Ici nous sommes à la
disposition des besoins. Nous devons fournir des hommes à divers corps en cas
de pertes Je vois avant moi partir sur divers points beaucoup de camarades plus
jeunes.
Enfin notre tour arrive.
Cependant, le 10 mars : marches, exercices...
Nous sommes prévenus qu'un détachement de 200 hommes est
demandé à Lyon pour compléter le 358° confondu avec le 158°. Je suis désigné et
je me prépare au départ. .
Nous nous attendons, bien
qu'ayant Lyon comme destination, à pousser notre voyage bien plus loin, mais on
n'est pas fixés et on s'embarque le lendemain soir, pensifs.
Extrait de sa
fiche matriculaire. Il passe au 158e régiment d’infanterie le 11 mars 1915.
Puis au 358e
RI, régiment de réserve du 158e
Il manque un carnet.
Celui racontant le voyage et l'arrivée et l'installation
à Pexonne (Meurthe-et-Moselle)
. . ... ... ? ... . ..
... occupons.
Nous constatons que nous
avons progressé car nous creusons des tranchées sur le versant opposé de la
vallée qui nous séparait de l'ennemi et qui était occupée par lui, quand nous
quittâmes les lieux. Nous sommes très rapprochés des Allemands qui tirent sur
nous dès notre arrivée.
On se couche, personne
n'est atteint.
Vers 3 heures ½ du soir, quelques hommes s'avancent pour tâcher de rapporter
quelques corps des nôtres restés là, quelques jours avant. Ils sont reçus par
une grêle de balles et doivent abandonner leur mission.
A ce moment, la tranchée
que nous creusons s'avance, heureusement car les balles sifflent sur nos têtes
et frappent contre les troncs d'arbres.
Vers 4 heures du soir, l'artillerie se met de la partie.
L'air est déchiré en tous
sens. La canonnade est assez nourrie mais cesse vers 5 heures ½.
Nous sommes relevés à 6
heures 10. Nous allons manger la soupe qui a perdu pas mal de degrés de chaleur
depuis que le cuisinier nous attend. Après cela, on se couche, mais une ½ heure
plus tard, on nous réveille pour changer de gourbi.
Je suis de faction de 10
heures à 11 heures du soir. Il ne fait pas trop froid.
La matinée est assez calme.
Nous travaillons aux
tranchées, à 100 mètres de l'ennemi. De temps à autre, les balles sifflent.
L'après-midi
est marqué par un violent combat d'artillerie.
Le soir,
vers 7 heures ½ nous nous couchons, mais pas pour longtemps.
En effet, vers 7 heures 45,
une fusillade se produit sur notre gauche. Les Allemands croient à une attaque,
et sans sortir de leurs tranchées font feu sur nous. Les balles pleuvent et
tombent autour de nous. Les arbres sont massacrés au dessus
de nos têtes. Nous recevons l'ordre de sortir des gourbis et de nous porter à
nos postes en tenant jusqu'au bout. Il pleut, nous sommes trempés, mais on
néglige la pluie pour se parer de la grêle.
On reconnaît à ce moment
l'avantage des tranchées.
Après avoir lancé plusieurs
fusées, les Allemands reconnaissent l'erreur car ils ne voient personne et
cessent le feu qui a duré environ ½ heure, mais il a été vif.
Je prends ensuite la
faction de 10 heures à 11 heures du soir. Tout est calme, il fait froid, la
neige tombe.
Je suis sentinelle de 4
heures ½ à 5 heures ½ du matin.
La neige tombe serrée, tout
est blanc. On souffre du froid aux pieds.
Vers 6 heures ½ , je sors de la tranchée pour essayer de les réchauffer en courant dans
la forêt, mais on est surveillé et je ne tarde pas à entendre siffler une balle
qui avait été lancée dans ma direction, mais qui a manqué le but. Je rentre
cependant dans la tranchée, c'est plus prudent.
Nous employons la matinée à
la construction de tranchées en avant des premières lignes pour nous occuper.
On ne porte plus attention aux balles isolées qui sifflent de temps à autre sur
nos têtes. On s'habitue à tout.
Vers 4 heures du soir, l'artillerie tonne des deux côtés et nous donne un
vrai concert le temps de la soupe. On se couche ensuite et le calme se fait.
Carte de
position de la 171e brigade d’infanterie (349e, 358e et 370e régiments
d’infanterie) fin mars.
Je suis sentinelle de 1
heure du matin à 2 heures.
Il fait froid, tout est
calme. Nous sommes désignés pour avec trois camarades pour faire un abri au
moyen de sacs de terreau bas de la colline.L'ennemi
est tout près. On se méfie et on travaille avec prudence.
Vers 11 heures,
notre artillerie se fait entendre.
A 1 heure du soir, nous continuons le travail commencé le matin. Vers 4 heures, les deux
artilleries se mettent à tonner. Les obus sifflent et sont nombreux. Quelques
balles se mettent de la partie et s'abattent sur les troncs d'arbres autour de
nous. Un nouvel arrivé mange sa soupe à mes côtés. II n'est pas très rassuré.
Je lui fait remarquer qu'il
serait prudent qu'il cache son bidon plein d'eau qu'il a devant lui, car s'est sûrement sur lui que les Bochestirent.
Il s'empresse de mettre l'objet sous sa capote. On rit. Quelques fusillades dans
la soirée. On se couche.
Sentinelle de 10 heures ½
du soir à 1 heure du matin.
Je quitte la faction à 1
heure du matin et me couche.
Nous sommes réveillés vers
5 heures ½ par une fusillade et quelques coups de canon. Nous nous occupons
dans la matinée, à l'amélioration de nos gourbis.
Deux grenades sont lancées
par les Allemands tout près de nos tranchées.
Vers 9 heures,
un aéro suit la ligne qui nous sépare de l'ennemi et
fait plusieurs boucles sur nos têtes.
Cachez
vous !
A 5 heures,
soupe au son des canons. Je suis de faction de 7 heures à 10 heures ½ .
Ordre de bien veiller, il
parait que l'ennemi a reçu des renforts, des garnisons de Metz. On ne voit rien
et la nuit est assez tranquille. Pendant ma faction, on entend le ravitaillement
des Allemands et plusieurs automobiles ennemies.
Journée assez tranquille.
Canons et fusils se font entendre sans trop exagérer.
Vers 10 heures,
notre artillerie tonne assez fort. Nous travaillons toujours à nous protéger du
froid, de la pluie et du plomb.
Vers 2 heures,
la 20° compagnie placée à notre gauche, tire un « boche » en patrouille.
Il crie, essaie de se
relever et tombe au pied d'un arbre.
Je me porte vers la 2°
section à notre droite d'où on aperçoit deux cadavres français dans la colline.
Impossible d'aller les chercher.
L'ennemi est à 60 mètres
d'eux et tire dès que quelqu'un se montre. Un de nos collègues a l'oreille
droite traversée par une balle au moment ou il va
regarder par le créneau.
Vers 5 heures du soir, un aéro ennemi se ballade sur nos têtes.
Dans la soirée à partir de
8 heures, on entend une fusillade nourrie sur notre gauche vers le « Chamois ».
Plusieurs fusées sont lancées en face de nous.
Sentinelle de 1 heure à 3
heures ½ du matin. Le canon gronde vers la gauche. Quelques coups de fusil.
Vers 8 heures,
les canons Boches nous font cadeau de quelques marmites.
Vers 9 heures du matin, duel d'artillerie. Les obus tombent tout près de
nous, mais sur la gauche.
Vers 10 heures ½, plusieurs bombes sont lancées vers la 20° compagnie qui est devant et
à gauche de notre poste.
La soirée est assez calme.
Vers 4 heures ½ du soir, on nous prévient que nous devons attaquer, mais
l'attaque n'a pas lieu.
La nuit est marquée par de
nombreux coups de fusil. Sentinelle de 11 heures ½ du soir à 2 heures du matin.
Je quitte la faction à 2
heures du matin.
Vers 6 heures,
notre artillerie tire quelques coups serrés. La matinée est assez tranquille.
On entend cependant nos canons assez fréquemment sur notre gauche, vers le
Chamois. L'ennemi répond très peu.
Vers 8 heures,
je sors de la tranchée pour une commission privée. A mon retour, une balle
siffle et traverse un arbre à 50 centimètres de mon nez.
Vers midi,
l'artillerie ennemie nous gratifie d'une série de marmites qui tombent
heureusement un peu à gauche et en arrière de nous. Ces projectiles viennent
d'une distance si grande, que les coups ne se perçoivent même pas. On n'entend
que l'arrivée des obus qui déchirent l'air.
A 12 heures ½ , fusillade à
notre gauche. Quelques coups sur nos têtes.
Duel d'artillerie toute
l'après-midi. On mange la soupe en fanfare. Sentinelle de 9 heures du soir à 11
heures. Coups de fusil isolés. Les Allemands lancent deux fusées en face de
moi. Il pleut.
Nous sommes relevés des
tranchées à 9 heures du matin par le 349°.
Il pleut assez fort. Nous
marchons dans la boue. Nous descendons au village nègre où nous sommes répartis
dans les divers gourbis.
La paille est mouillée et
pourrie, nous sommes couchés sur le fumier. Il pleut à l'intérieur. On nous
occupe à divers travaux de compagnie. Nous nous couchons le soir sur la paille
mouillée. Un homme est tué par un obus sur le point que nous venons de quitter.
Quelques coups de canon et
de fusil.
On nous occupe à divers
travaux. Il pleut toujours. Nous sommes mouillés et nous marchons dans la boue
jusqu'à mi jambe.
A 1 heure du soir, je suis envoyé à Pexonne pour
déposer dans l'affaire du soldat BALE, abandon de poste. Nous partons à cinq.
Le commandant nous fait
remarquer qu'il est très dangereux de passer par la route où les obus allemands
tombent par rafales. Il nous dit de passer sous bois,
mais la crainte de nous égarer, nous fait choisir la route. Il tombe une pluie
torrentielle et nous arrivons à Pexonne
trempés, mais sans encombre.
Le retour est plus
dangereux. C'est l'heure où les voitures de ravitaillement passent sur la route.
De temps à autre, quelque obus vient faire sauter la terre et saper les arbres
autour de nous. On ne s'occupe que de la pluie. Nous sommes trempés.
Un camarade paye une
tournée de gnole à notre passage à Badonviller qui est de plus en plus
en ruines. Cela nous réchauffe. L'un des cinq hommes est resté à Pexonne, trop fatigué pour regagner le village
nègre. Nous mangeons une bouchée et nous nous couchons.
Dans nos gourbis, les deux doigts
de paille pourrie sont à présent mouillés. Il nous pleut dessus toute la nuit.
Nous arrivons à être couchés en plein dans l'eau. Quelques
uns se lèvent et préfèrent marcher au dehors sous la pluie qui ne cesse
pas de tomber. Malgré cela, les canons et les fusils se font entendre toute la
nuit.
Nous nous levons totalement
trempés et éreintés.
On nous rassemble à 6
heures du matin pour le travail. La pluie cesse vers 6 heures. On respire, mais
le temps est sombre et nous ne séchons pas vite. Les gourbis sont pitoyables,
au point que nous regrettons les tranchées que nous venons de quitter. On s'y
trouvait mieux.
La matinée est calme.
La pluie reprend de plus
belle vers 8 heures. Le canon aussi.
Le duel d'artillerie est assez marqué. Les canons tonnent en tous sens. ! Nous
n'avons plus rien de sec : linge, couverture, chaussures, tout est trempé.
C'est la plus rude période
depuis notre arrivée au front.
La pluie tombe toujours et
nous n'avons rien pour nous abriter. C'est décourageant, nous sommes dans un
état de malpropreté repoussante. Ce n'est plus des hommes, ce sont des amas de
boue qui meuvent. C'est avec dégoût qu'on mange le pain trempé et qu'on ne peut
protéger de l'eau. J'en vois qui pleurent et qui demandent la fin.
La fin hélas ! Nous la
désirons tous en ce moment. On ne pense pas au danger, ce n'est rien à côté des
souffrances que nous cause la nature.
Le duel d'artillerie
s'accentue. Le combat est très vif toute la journée. Les oreilles sont
fatiguées des coups de canon et du sifflement des obus. Badonviller est
bombardé d'importance par l'ennemi. Pauvre ville.
La pluie tombe toujours et
nous désespère. Nous avons la perspective de coucher encore ce soir dans l'eau.
Quand allons-nous sécher
Bon Dieu !
Vers 4 heures,
la pluie se change en grêle.
Un orage formidable se
déchaîne. Le tonnerre gronde et se confond avec les canons qui se font toujours
entendre. I1 tombe des grêlons de la grosseur d'une noix. Je n'ai jamais vu les
pareils. Quel temps, quel temps !
0n croirait que le ciel est
jaloux du bruit que produisent les hommes et qu'il veut nous rappeler qu'il est
capable de nous surpasser.
Vers 5 heures,
l'orage prend fin. La pluie cesse petit à petit. Si ça tenait encore ?
Fatalité !
Vers 6 heures,
la maudite pluie reprend de plus belle ; avec elle la lueur d'espoir fond. Tout
le monde est triste, en somme, nous menons depuis trois jours une vie
impossible. Dans la soirée, le canon cesse. Un de nos camarades s'aperçoit que
quelques hommes du 39° viennent d'abandonner une baraque en bois à peu de
distance de notre gourbi. On s'empresse de déménager pour s'installer à leur
place où nous trouvons de la paille sèche et où nous sommes à l'abri de la
pluie qui tombe toute la nuit.
Il y a quelques jours, un
obus est tombé sur cette hospitalière baraque et a fait 10 victimes dont un
mort et 9 blessés, mais qu'importe, on sera au sec et puis on dit que deux de
ces projectiles ne tombent jamais sur un même point.
En tout cas, on ne serait
pas trop mal, si nous étions secs. Nous nous reposons un peu.
Il pleut toujours.
Les malades sont nombreux,
mais les médecins ont la consigne et reconnaissent difficilement. Je suis pour
ma part exempté deux jours.
Pendant ce temps, ma
compagnie est occupée à divers travaux à la ferme du Chamois.
Ils font horreur. Ils
arrivent dans un état indescriptible.
Vers 10 heures du matin, la pluie cesse enfin et nous voyons un peu de
soleil. On croit renaître. Est que cette fois pour longtemps ? En ce qui
concerne les hostilités, il y a ce matin assez de calme. Coups isolés
seulement.
Dans l'après-midi, le temps
se gâte encore et nous voyons tour à tour, tomber la neige, la grêle et la
pluie.
Notre artillerie se fait
entendre par moments, les Boches ne répondent pas. Je profite du repos qui
m'est accordé pour roupiller un peu.
Mais ma compagnie effectue
pendant ce temps une corvée des plus dure à la ferme
du Chamois. Ils arrivent dans un état repoussant. Le mauvais temps ne cesse
pas.
On se couche dans la
nouvelle baraque, à peu près au sec, mais les effets sont toujours trempés.
La neige est tombée pendant
la nuit. Tout est blanc.
On nous prévient à 6 heures
que nous devons partir à 8 heures pour Pexonne,
pour prendre quelques jours de repos, bien gagnés.
Cet avis est accueilli avec
plaisir. Nous sommes à fond. Bien que la neige tombe très épaisse, nous nous
mettons en route vers Pexonne, en passant sous bois. Nous nous enfonçons dans la boue jusqu'à
mi-jambe.
Le trajet est très pénible,
mais on est encouragé par la perspective du repos.
Nous arrivons au village vers 11 heures.
Nous sommes souillés des
pieds à la tête. On se demande s'il est bien possible que nous puissions
résister à pareille existence. Nous sommes répartis dans nos divers
cantonnements où on se couche le soir après avoir bu un bon café bien arrosé.
On se trouve bien. Nous sommes mêlés aux bestiaux, mais c'est le rêve et nous
avons l'impression de nous trouver dans un palais bien aménagé. On trouve le
lit excellent, bien que laissant pas mal à désirer.
La pluie et la neige
tombent toujours.
On se réveille,
courbaturés. Nous avons l'habitude de coucher dans l'eau et l'humidité, et le
logement sec que nous habitons paraît être contraire au bon fonctionnement de
nos membres.
Il pleut toujours. Un
pareil pays est vraiment décourageant. Enfin, nous allons, à moins d'ordre
contraire, prendre quelques jours de repos à quelques distances des Boches, 5
kms environ.
Une agréable surprise nous
est réservée.
Vers 9 heures 1/2, la pluie cesse et le soleil apparaît. Le temps s'éclaircit. Ici on
est à peu près tranquilles. Il nous est permis de déséquiper et de nous
déchausser. On s'occupe à des travaux de propreté, car une partie des hommes
est déjà envahie par les poux et on a besoin de soigner son corps et ses
vêtements, si on a un moment.
Nos batteries placées
derrière nous se font entendre par moment et envoient quelques pruneaux par dessus nos têtes à l'ennemi.
A 2 heures,
on nous rassemble dans un champ pour le rapport, mais bientôt, on aperçoit un aéro ennemi qui vient vers nous. On se disloque et on se
cache au trot, pour ne pas être découvert, sans cela, gare les marmites.
Vers 8 heures du soir, nous entendons une fusillade très vive vers les
tranchées, accompagnée de quelques coups de canon.
Nous sommes au repos, comme
la veille. J'en profite pour donner tout mon linge à laver et faire tailler mes
cheveux. A 9 heures, nos canons placés à notre arrière tirent plusieurs coups
serrés.
A 1 heure du soir, je vais prendre une douche qui me réconforte. Je me lave de la tête
aux pieds. Je me trouve bien ainsi. Le canon se fait entendre par
intermittence.
A 3 heures 1/2,
trois dragons amènent un prisonnier Allemand. On n'a pas autre chose à faire,
on va le voir passer. II est amené au poste où il subit un interrogatoire,
après quoi il est amené vers Baccarat. La soirée est tranquille, coups de canon
isolés seulement.
Le beau temps semble être
arrivé. II a gelé cette nuit, mais le soleil se lève et la matinée est superbe.
On nous annonce au rapport que nous devons retourner dans les tranchées en
première ligne, demain matin.
La matinée est calme.
Vers 1 heure,
le temps s'assombrit. Une averse ne tarde pas à humecter le sol qui commençait
à sécher. Allons-nous avoir une période de tranchée aussi pénible que la
précédente ?
On se le demande. L'averse
cesse vers 3 heures, mais le temps n'est pas beau. Nous méditons sur ce qui
nous attend. On se souvient de notre martyre de la semaine dernière. Le canon
se fait entendre à notre arrière de temps à autre.
A minuit, je
me réveille et j'entends à peu de distance, nos canons qui grondent assez
vivement.
Réveil à 5 heures. On fait
les préparatifs du départ.
Nous quittons Pexonne à 6 heures ½ du matin et nous nous rendons à
notre ancien poste aux tranchées de première ligne, en passant, comme
d'habitude sous bois. Le canon gronde et on perçoit
les coups de fusil au fur et à mesure qu'on approche.
Nous descendons dans les
tranchées vers 9 heures 15.
Celles
ci n'ont pas changé et sont
toujours humides et boueuses. Mais le temps est assez beau et nous espérons
passer une période moins pénible que la dernière. Nous relevons le 349e.
Pendant notre absence, quelques
obus sont tombés devant notre tranchée et ont sapé plusieurs arbres.
Vers 1 heure ½ de l'après-midi, je vais avec un de mes camarades RICHOU, glaner de
la paille sèche dans les gourbis d'une ancienne tranchée abandonnée. A fin d'éviter un passage où se trouve de l'eau, nous
quittons la tranchée pour passer dans le bois. Nous ne tardons pas à être
aperçus par les Boches dont l'un d'eux se trouve sûrement perché sur un arbre,
c'est leur habitude.
Deux balles sifflent dans
notre direction. Nous sautons dans la tranchée sans attendre qu'on nous en
donne l'ordre. Croyant à des balles perdues, je lève la tête, pensant que mon
ami est couché derrière un tas de terre. Une nouvelle balle tape contre un
arbre qui se trouve devant moi. Je me baisse encore et ne pouvant croire qu'il
soit possible d'être vu, je lève encore la tête, malgré les récriminations de
mon camarade qui me crie de ne pas me montrer. Une balle vient encore siffler
dans ma direction.
Après avoir répété cinq
fois la même expérience qui a pour résultat l'envoi d'un pruneau vers ma
personne à chacune d'elles, nous jugeons qu'il est prudent de rebrousser
chemin. C'est ce que nous faisons du reste, après quelques minutes passées dans
notre cachette, car il y a lieu de croire que la paille est chère dans cette
direction.
Les Boches ont attaché un
linge blanc, une chemise sûrement, au sommet d'un arbre. Ils s'amusent aussi.
A 2 heures 15,
un aéro parcours nos lignes.
On ne bouge pas. Nous
sommes occupés à améliorer nos tranchées où en somme, il n'y a pas grand chose à faire. Mais on nous défend journellement de
rester dans les gourbis. Ne rien faire si l'on veut, mais rester dehors. Les
fusils se font constamment entendre sans que les fusillades soient trop vives.
Vers 5 heures,
nous entendons devant nous, à cent mètres environ, les cris désespérés d'un
blessé. Est ce un ami ? Nous l'ignorons.
Ces cris se prolongent plus
d’une demi-heure. On l'entend pleurer en même temps. Un de plus de touché. A
qui le tour ? Notre canon tonne sur notre gauche et tout près de nous
toute l'après-midi.
Il se calme vers 6 heures
du soir. Coups de fusils isolés toute la nuit.
Je prends la faction de 1
heure du matin à 3 heures 1/2 et de 7 heures à 9 heures. L'ennemi lance pendant
ma première faction plusieurs fusées.
Dans la matinée, trois
bombes tombent devant nous. Nous entendons très peu le canon, par contre les
fusils ne cessent pas de cracher.
Dans l'après midi, on entend toujours les fusils, mais le canon les
accompagne. Nous soupons en musique. Les fusils crachent dans toutes les
directions. Nos canons font rage. Le 75 placé à côté de nous, nous ahurit par
ses coups secs. Nous dégustons la soupe dans la tranchée avec deux camarades,
pendant qu'un enragé tire au moins vingt balles dans notre direction. Cependant
il ne peut nous voir et nous devons en conclure qu'il n'est guidé autrement que
par son flair qui doit sentir notre rata. La soirée est assez tranquille.
Je prends la faction de 10
heures 1/2 du soir à 1 heure du matin. Coups de fusil et fusées pendant que je
suis à mon poste.
Je quitte la faction à 5
heures du matin.
De 6 heures à 10 heures, je
vais travailler à la confection d'un gourbi pour le commandant.
Au moment où je mange la
soupe, je suis prévenu que nous devons partir à 1 heure du soir pour Baccarat,
le sous-lieutenant LACOSTE, le sergent DESSALES et moi pour aller témoigner au
conseil de guerre, dans l'affaire BALE (abandon de poste).
Nous partons à 1 heure,
après avoir mis nos sacs en sûreté au gourbi du capitaine. Il fait chaud.
Mes compagnons plus jeunes
ont bonnes jambes. Je sue et fait mon possible pour ne pas les lâcher.
A Pexonne,
on respire un peu et on se désaltère à une fontaine. A Neufmaisons,
c'est mieux.
Le sous-lieutenant paie une
tournée de bière Ca fait du bien. J'apprends là que
plusieurs voitures vont partir pour Baccarat. Je lâche mes compagnons
qui préfèrent marcher, et je pars en voiture.
En route, nous voyons un
ballon captif qui sert de poste d'observation.
Je suis cantonné à Baccarat
à la caserne Axo où se trouve un détachement du 38° infanterie. On entend à présent le bruit du canon à
20 kilomètres.
J'entends toute la nuit, le
canon gronder. Je coupe à une nuit mouvementée.
La matinée est aussi
bruyante. Nous nous rendons au conseil de guerre où après nos dépositions, BALE
est condamné à 5 ans d'emprisonnement. II effleure la peine de mort.
A près avoir dîné dans un restaurant en compagnie du sergent
DESSALES, je me mets à la recherche d'un moyen qui puisse me dispenser de
mesurer à pied les 20 kilomètres qui me séparent des tranchées où nous devons
retourner le soir.
Nous en trouvons un. Un
lieutenant de Carcassonne qui assure la Poste, nous offre de nous prendre
jusqu'à Pexonne en auto.
Epatant, c'est plus que je
n'en demandais. Notre bienfaiteur pousse l'amabilité jusqu'à nous conduire
jusqu'à Badonviller, malgré les obus qui pleuvent de toutes parts sur la
route et sur la ville.
Nous arrivons aux tranchées
vers 6 heures du soir. Mes camarades me font part des impressions causées par
une nuit et une journée mouvementée auxquelles j'ai coupé. Après quoi, ils se
couchent pendant que je prends la faction de 7 heures ½ à 10 heures ½ du soir.
A 8 heures,
nos lignes lancent une fusée. Les fusillades s'accentuent pendant que le bois
est éclairé.
A 9 heures,
un coup de canon boche se fait entendre devant moi. J'entends ce projectile
arriver et passer à peu de distance sur ma tête. J'entends l'éclat tout près,
encore un qui n'est pas pour moi. Ce n'est pas fini, car les coups ne tardent
pas à devenir serrés et c'est un vrai déluge de mitraille qui tombe autour de
la tranchée.
A chaque marmite, que
j'entends arriver, je me basse dans la taupinière, heureux de me relever après
chaque éclat. Nous sommes en mauvaise posture pendant une demi-heure après
quoi, on n'entend plus que les fusils.
A 10 heures ½,
je cède ma place à mon camarade RICHOU. Je vais enfin pouvoir me coucher un
peu.
Hélas, ma quiétude ne dure
pas longtemps.
A 10 heures 45,
comme je cherche une position convenable pour reposer de mon mieux, la
canonnade boche reprend. Les obus déchirent l'air autour de nous. Les éclats se
produisent à très petite distance de nos gourbis. On sent très bien l'obus qui
vient sur vous. Il vous semble qu'il vous entraîne avec lui. Tout à coup, l'un
d'eux me produit cet effet. Il arrive avec une rapidité effrayante. L'air est
déchiré bruyamment.
J'ai l’impression bien
nette qu'il tombe directement sur moi. J'attends sans trop d'émotion, comment
et où, je vais être atteint. En une vision rapide, je vois toute ma famille, ma
chère femme, mes petits enfants, mes parents. Je vois
à cet instant arriver la mort. Le projectile tombe avec une rapidité
monstrueuse.
Une détonation formidable
retentit. Tout tremble, le gourbi est secoué. Des débris de terre tombent sur
ma figure. Est-ce la fin ? Non, je ne suis pas touché. Le coup réveille
deux camarades, qui ainsi que mon ami RICHOU ont failli m'accompagner dans la
mort.
L'un deux COURBON, à moitié
endormi passe sa main sur mon corps comme pour se rendre compte que je ne suis
pas réduit en miettes. L'autre GROS, va tenir compagnie à RICHOU qui, au
dehors, ne se voit pas aux premières places.
Nous n'avons encore vu le
trépas d'aussi près. Les obus continuent à tomber autour de nous et le silence
se fait enfin vers 11 heures 15.
Au petit jour, on aperçoit
à notre gourbi une ouverture pratiquée à la paroi avant, face à l'ennemi.
C'est l'obus de la veille
qui nous a confectionné ce nouveau genre de fenêtre. Nous nous trouvons heureux
de la voir car nous constatons à ce moment là, la
gravité du danger auquel nous avons échappé. L'obus est tombé à 1 mètre en
avant de notre couchette souterraine. Notre vie n'a tenu qu'au manque d'un
simple grain de poudre.
Vers 3 heures ½ du matin, le canon recommence le même couplet et pendant une
demi-heure, ne cesse de nous envoyer du feu. Coïncidence, hier, j'avais préparé
une carte pour rappeler aux miens la date de ma naissance (27 avril).
Je ne m'attendais pas à ce
qu'un cheveu ait failli m'empêcher de fêter cet anniversaire et que j'étais si
près de ne pas voir les dix journées qui doivent terminer ma quarantaine.
Notre gourbi est l'objet
d'un grand nombre de visiteurs toute la journée. La matinée est assez bruyante.
Notre artillerie crache, mais l'ennemi n'est pas muet non plus. Les obus
passent sans relâche sur nos crânes. Les fusils sont assez calmes.
Vers 8 heures,
cependant, je passe dans la tranchée, sur un point élevé. Je suis sûrement
aperçu, car une balle siffle dans ma direction. Ne tenant pas à m'en rendre
compte, je rentre dans le gourbi. Le canon tonne toujours et ne cesse que très
peu toute la journée. Nous passons notre temps à arranger nos tranchées. En
raison de l'activité déployée par l'artillerie ennemie, il y a lieu de craindre
une attaque de nuit.
En effet, à peine sommes nous couchés, qu'une fusillade se produit vers notre
gauche. On nous donne l'ordre de nous lever et de prendre nos places
respectives dans la tranchée. On nous informe que les Allemands sont engagés
dans les réseaux de fil de fer de la 20° compagnie, à gauche de la nôtre. On
constate en effet, leur présence, mais ils sont peu nombreux et on les entend
courir vers leurs tranchées. Nous ne cessons de fusiller ou d'être fusillés de
la nuit. L'artillerie est muette pendant l'obscurité.
De nombreuses fusées sont
lancées de part et d'autre.
Je prends la faction de
minuit à 3 heures du matin. La situation est critique.
Il y a lieu, tout en tirant,
de prendre des dispositions pour ne pas trop se montrer, car les balles
sifflent autour de ma tête.
Vers 2 heures,
j'aperçois nettement la clarté produite par les coups répétés d'un « boche »
qui se trouve en face de moi. Je réponds trois fois à ses coups en tirant dans
sa direction. Est ce la peur d'être atteint, ou l'a
t'il été, le tout est qu'il se tait et je ne le vois, ni l'entends plus.
Dès le point du jour, les fusils cessent presque pour laisser entendre le canon.
Toute la journée, l'artillerie
ne cesse de taper dur. Nos oreilles sont fatiguées des coups et du sifflement
des obus qui passent sans cesse sur nous. Malgré la mitraille semée dans toutes
les directions, nous nous occupons à l'amélioration de nos tranchées. Des aéros ne cessent depuis deux jours de passer sur les
lignes. Nous nous attendons à quelques surprises. L'ennemi met trop d'activité
depuis quelques jours, pour ne pas préparer quelques mauvais tours.
Nous sommes tous fatigués.
Le repos manque. Nous veillons jour et nuit, depuis quelques temps.
Le calme se fait cependant
vers 5 heures ½ du soir. On n'entend que quelques coups de fusil isolés. La
nuit est marquée par de nombreuses fusillades.
Je prends la faction de 10
heures à minuit et ½. Je vois des fusées et j'entends de nombreuses balles.
Mais on est habitués à leur sifflement à présent.
Je quitte la faction à
minuit ½. On entend toujours le claquement des fusils et le sifflement des
balles.
Ce bruit se prolonge
jusqu'au jour. Je sors de mon gîte vers 6 heures pour procéder dans la tranchée
à ma toilette quotidienne. Le temps est superbe, le soleil se lève dans un ciel
très clair nous promet une belle journée. Canons et fusils, sont pour le moment
muets.
Que nous réservent les 18
heures qui nous séparent de demain ?
A 7 heures 40 du matin, notre artillerie attaque soudain par coups de 75
serrés.
A 7 heures 55,
les Boches tirent leur premier coup de canon. Le combat commence.
A 10 heures ½,
nous mangeons la soupe, assis dans la tranchée, avec mes trois camarades :
RICHOU, GROS et COURBON.
Nous dégustons notre rata,
tout en écoutant le sifflement des obus qui sillonnent l'air au dessus de nous.
Soudain, l'un d'eux tombe à
peu de distance avec un fracas terrible. Deux secondes après, un deuxième arrive
dans un sifflement effrayant et nous ne nous doutons pas qu'il vienne dans
notre direction. Nous n'avons pas le temps de baisser la tête, que celui ci s'abat avec un bruit de tonnerre à vingt mètres de
la place que nous occupons.
La détonation se produit.
Tout tremble et la terre qui retombe va se loger dans nos gamelles et nous
enterre presque.
Mon quart de vin, prêt à
boire, se trouve devant moi. Je ne le profite pas.
Le choc l'a renversé et mon
jus colore à présent le journal que j'utilisai comme nappe. En tombant, le
projectile a rasé un gros arbre sur lequel se trouvait la carcasse d'une fusée
ratée, et qui, par sa couleur blanche et visible, avait servi d'objectif et de
but. Nos ennemis ont l'avantage de bien viser et de tirer à coup sûr.
Dans un gourbi voisin du
nôtre, on relève deux blessés. Une capote suspendue à un arbre est durement
éprouvée. Nous rentrons dans notre fragile abri souterrain et nous attendons
anxieux la suit du programme. Nous avons la
satisfaction de constater que le tir est à présent allongé et que la mort passe
plus haut. Le calme se fait cependant vers midi.
Il y a lieu de respirer
tranquillement en dépit de quelques coups isolés de canon, de bombe et de
fusil.
A midi 45,
comme nous nous remettons au travail, dans nos tranchées, les Boches jugent
qu'ils ont pris un repos suffisant et recommencent la séance par huit coups de
canon serrés. Les obus éclatent un peu sur notre gauche, vers la ferme du
Chamois.
Je suis désigné pour faire
une patrouille avec trois hommes de mon escouade. Nous partons à 2 heures dans
la direction de la ligne ennemie. Nous arrivons à 50 mètres de leurs tranchées,
en rampant à plat ventre, sous un bois de sapins, mais nous sommes mal reçus.
Nous ne sommes sûrement pas vus des Boches, mais ils nous entendent et tirent
plusieurs coups dans notre direction.
Nous restons là, couchés
sur place et observons. Je vois un Boche bien en face de moi, qui inspecte la
forêt. Je regrette de ne pouvoir tirer, car je me vengerai volontiers des
misères qu'ils nous font depuis quelques jours. Mais, où nous nous trouvons, un
coup de fusil serait ma perte et celle de mes camarades. En patrouille, il faut
tâcher de voir sans être vu, mais on ne doit pas tirer à moins d'être attaqué.
Quel dommage.
L'après midi est assez tranquille. Les canons ont enfin pris la
décision de prendre un peu de repos. Quelques coups isolés, et c'est tout. Un aéro fait des boucles au dessus
de nous vers 4 heures.
Ca ne dit rien de bon pour la nuit.
Vers 5 heures,
pendant la soupe, notre artillerie lance quelques obus par
dessus nous. On entend également le canon gronder sur notre gauche, mais
dans le lointain. Je prends la faction de 7 à 10 heures. Quelques fusillades se
produisent.
Vers 9 heures,
une attaque a lieu à notre gauche vers la ferme du Chamois.
Nous avons de part et
d'autre des morts depuis 21 mars (jour de l’attaque du 171e) entre nos lignes
et celles de l’ennemi.
La dame d'un lieutenant
offre paraître une prime de 2000 francs à celui qui rapportera le corps de son
mari qui se trouve à cet endroit. Mais c'est chaud. Les fusils crépitent
environ demi-heure en un roulement ininterrompu. Chacun prend sa place dans les
tranchées.
J'aperçois à ce moment, une
lumière dans les tranchées boches.
Ne voyant pas d'Allemands
devant moi, je m'exerce à l'éteindre, ce qui est fait après un cinquième coup
de fusil.
Vers 9 heures,
la fusillade prend fin et on recommence la vie normale. Coups isolés. Je quitte
la faction à 10 heures et je me couche sans espoir de dormir tranquille.
Je me lève à 5 heures ½, réveillé par un
cuisinier, qui ayant appris je ne sais comment, que je possédais quelques
notions de poésie, vient me trouver pour me prier de lui faire une pancarte
réclame ronflante pour décorer la porte de sa cuisine souterraine.
J'accepte de trouver le
texte pendant que mon ami RICHOU calligraphe presque, se charge des travaux de
peinture. Il faut bien faire quelque chose pour se décider. Et voici le texte
de la fameuse pancarte :
Vers 8 heures,
sans se soucier de nos distractions, nos batteries attaquent. Celles des Boches
répondent. Un aéro nous survole. Ca
devient moins amusant, avec ça les fusils sont calmes.
Le silence est interrompu
tout à coup vers 8 heures '/2 par une mitrailleuse qui fait entendre un
roulement qui serait intéressant un jour de 14 juillet, mais qui donne le
frisson à celui qui connaît cet instrument que nous avons baptisé « le moulin à
café ».
La journée est réservée aux
canons. Les obus ne cessent pas de sillonner l'air et exploser un peu partout.
Elle est tranquille pour
nous aussi.
On demande à présent après
moi, dans tous les coins, pour m'inviter à composer des sonnets.
Ma foi, j'ai commencé. Il
faut bien s'amuser un peu. Ce sont d'abord deux poilus, qui venant de
construire un observatoire qui a assez de ressemblance avec un théâtre Guignol,
me prient de graver sur un morceau de planche qu'ils ont préparé, un quatrain
ayant trait à la circonstance.
Ca y est, le voici ;
Mais ce n'est pas fini là,
il faut que je trouve quelque chose à graver sur un hêtre, choisi sur la ligne
qui nous sépare des Boches. Je m'exécute
S'amuser c'est gentil, mais
voici le Lieutenant MAZONI qui arrive. Comment va-t-il prendre la chose ?
Bien, très bien, car il
s’arrête, lit et approuve mon talent s'il vous plait. Il va plus loin, il prend
un carnet et un crayon dans sa poche et copie ma prose rimée.
II demande ce que je fais dans
le civil. Il me vante, je crois même qu'il m'a rapproché du grand poète. Hélas,
je suis encore bien jeune. Il m'invite à ajouter sur chaque quatrain le numéro
du régiment et de la compagnie, afin dit il, que
quand le général passera, il voit bien que c'est les hommes de la 19°
compagnie, du 358° d'infanterie qui savent passer leur temps dans les
tranchées, où en effet on s'ennuierait fort si l'on ne se créait pas des
distractions.
Le canon se tait enfin vers
6 heures du soir. Pour le moment, on n'entend que des coups de fusil isolés. La
soirée est très calme.
On nous informe que nous
serons relevés demain des tranchées par le 349°. Accueilli avec plaisir.
Je prends la faction de 3
heures du matin à 5 heures ½.
Vers 5 heures,
une de nos batteries ouvre le ban, par un coup de 75. On entend après cela,
quelques coups qui suivent, mais assez espacés. Avant notre départ, je dois
encore faire plaisir aux camarades, en trouvant quelques lignes pour embellir
le poste de guetteur de la 2° escouade.
Allons-y :
Nous sommes relevés des
tranchées à 9 heures du matin et allons nous
installer en deuxième ligne, au village nègre. On entend notre canon par
moments.
La soupe du soir est à 4
heures.
Nous partons à 5 heures
pour aller travailler au Chamois, où nous relevons ceux qui nous
précèdent à 6 heures.
Ici, nous sommes sur un
point des plus critiques. Les Boches sont à 60 mètres de notre tranchée, en
terrain découvert. Entre les deux lignes, une cinquantaine de cadavres français
gisent depuis le 21 mars. II est impossible de les enlever. Nous travaillons
avec le 11° génie à la confection de quatre sapes destinées à faire sauter les
tranchées allemandes.
Je suis employé à la plus
rapprochée de l'ennemi.
Le souterrain est déjà creusé
sur une longueur de 40 mètres environ, de sorte que la ligne allemande qui est
sur ce point en fer à cheval est sur nos têtes, à 20 mètres de nous sur trois
faces. L'eau est extraite par pompes.
Nous sommes dans l'eau et
la boue. Les Boches font, paraît il, le même travail
de leur côté, de sorte qu'on a la perspective de sauter d'un moment à l'autre.
On n'est pas en première place.
Les fusils ne cessent pas
ici de se faire entendre de part et d’autre. D'abord, il est malgré un profond
boyau, dangereux pour arriver à la ferme du Chamois. Les balles sifflent
sans discontinuer, à ras de tête. Tout képi qui dépasse le haut de la tranchée
est immédiatement pris pour but. Pendant le trajet, deux balles passent à moins
de 10 centimètres du crâne. Mes camarades peuvent en dire autant.
Du fond du souterrain d'où
nous sortons la terre au moyen de sacs à mesure que le génie creuse, nous
entendons les coups sourds du fusil et ceux de l'éclatement de nos propres obus
tirés sur nos têtes par nos pièces d'artillerie.
Ce bruit se rapproche de
celui que produit un coup sec frappé sur un foudre vide. Nous sommes cette fois
dans une vraie galerie de taupe aérée sur certains
points par des cheminées pratiquées au sommet des galeries et qui sont bouchées
la nuit, au moyen de sacs vides pour éviter que la clarté des lampes de mineur
soit aperçue de dehors.
Nous sommes relevés à minuit. On cède volontiers la place.
Quand nous arrivons à l'air, le temps a changé, la pluie tombe.
II pleut et il neige en même
temps.
Malgré le temps et le
manque de repos, nous sommes employés dès 7 heures du matin à transporter des
matériaux pour la construction de gourbis d'officiers. Ces travaux durent une
heure environ. Les canons sont tranquilles.
A peine percevons-nous
quelques coups de fusils tirés de la première ligne qui est à 300 mètres devant
nous. Nos batteries ne se font entendre que vers 11 heures 1/2, mais comme pour
réparer le temps perdu, le 75 fait rage. Cette crise ne dure pas et ce n'est
que par des coups intermittents que nos artilleries taquinent les Boches.
A 9 heures du soir, nous repartons pour la ferme du Chamois où nous reprenons nos
travaux souterrains dans les sapes, jusqu'à minuit. Cette ferme est totalement
ravagée. Un bâtiment qui tenait encore debout à notre passage à 9 heures ½, est
écroulé par les obus quand nous repartons à minuit.
Tant à l'aller qu'au
retour, les balles sifflent à notre passage dans le boyau.
On ne peut vraiment sortir
la tête, et nous devons marcher courbés.
II pleut toujours. La boue
augmente, heureusement, je ne fais pas parti des corvées de travaux du jour. Je
reste à l'abri. Le canon tonne des deux côtés, à peu près toute la journée.
Nous revenons le soir à nos casernes, mais pas sans danger.
Les balles et les
crapouillots tombent de temps en temps dans la tranchée, à notre passage. Nous
quittons le chantier à minuit, alors que nos canons tapent encore, les Boches
sont muets à cette heure.
La pluie a cessé enfin,
mais nous avons la boue pour quelques jours.
Toute la matinée, les
canons grondent des deux côtés.
Vers midi,
le duel est acharné et pendant plusieurs heures, les obus pleuvent vers nous.
Les nôtres passent par dessus nos têtes et vont
porter la mort dans le camp ennemi. Nous nous reposons pour reprendre le
travail des sapes ce soir.
Nous repartons à 5 heures
du soir et recommençons nos galeries à 6 heures. Nous sommes tout près des
Boches. Nous les entendons causer et chanter. L'un d'eux à l'air d'être un
artiste. Il chante très bien une chanson en faveur de Guillaume.
Nous distinguons très bien
leur conversation, car ils sont à 30 mètres de nous et ne se gênent pas de
crier. Le chanteur à l'air d'amuser la galerie. Il dit tout à coup :
«
Tas de voyous ! Nous vous aurons ! »
Puis,
s'adressant à l'un de ses camarades, il lui dit très fort :
«
Qu'est ce que
tu as toi ? Tu as peur ? On dirait que tu fais dans ta culotte ! »
Ils parlent la langue
allemande, mais mon sous-officier alsacien qui est avec nous, nous traduit la
conversation. Ils sifflent dans des étuis vides de cartouches.
Nous faisons un feu de
salve, après nous être rassemblés une quinzaine, dans leur direction pour
écouter ensuite ce qu'ils diraient. Après le feu, ils se taisent un moment,
mais le chanteur reprend bientôt sa chanson. Ils rient de bon cœur. Ils doivent
être heureux de notre recul à Ypres.
Dans la soirée, ils
tiraillent fortement sur nous. Les balles sifflent tout près de nos têtes.
La relève s'étant oubliée,
nous ne sommes relevés de nos travaux qu'à 3 heures du matin, au lieu de
minuit. On n'est pas contents car nous sommes mal placés et il nous tarde de
partir. Les canons de part et d'autre se réveillent vers 7 heures '/2 et font
pas mal de bruit.
Nous quittons le village
nègre à 10 heures pour nous rendre au repos à Pexonne
où nous arrivons vers midi. On nous lit un rapport.
On nous menace de nous
faire des théories sur le salut.
Notre repos se passera en
travaux de propreté et revues. Les canons tonnent toute la journée.
Nous sommes au repos, mais
nous passons, après nettoyage, revues des effets, puis d'armes.
A 11 heures,
on nous fait abandonner la soupe pour aller au rapport. Nous sommes si peu
tranquilles que nous sommes sur le point de préférer les tranchées à notre
repos. L'officier n'est pas satisfait des armes, il faut recommencer demain.
Les fusils ne peuvent guère
luire comme en caserne quand ils ont passé 12 ou 13 jours dans l'eau et la
boue. On entend quelques coups de canons toute la journée.
Nous passons notre temps à
préparer ou à passer des revues. Le soir, un chef armurier s'assure que les
armes sont en bon état et effectue les réparations. On entend le canon par
intervalles toute la journée.
Pour ne pas changer, revues
toute la journée, dans l'après-midi, en tenue de départ annoncé pour demain
matin. Nous avons en somme passé un repos qui n'en est pas un. Le canon tonne
de temps en temps comme la veille.
On apprend qu'un camarade a
été tué par une bombe au moment où il plaçait une croix à la place où il avait
réussi à enlever l'un des cadavres du 171° au Chamois.
On nous fait connaître
qu'un mouchoir mouillé préserve de l'asphyxie produite par les bombes
allemandes. On se couche après avoir fait les préparatifs de départ pour
demain.
Nous sommes réveillés en
sursaut par une canonnade précipitée vers 1 heure ½ du matin. Une de nos
batteries, placée à proximité de nous, tire une soixantaine d'obus en moins de
4 minutes.
Le 75 fait rage, mais se
tait soudain et on ne l'entend plus. C'est sûrement une surprise désagréable
pour quelqu'un.
Réveil à 4 heures. Nous prenons à 5 heures ½ du matin la direction des tranchées où nous
relevons, à 9 heures, le 349°, sur les points où nous les avions laissés le 26.
Et
au moment de la relève, quelques hommes de ce régiment commettent l'imprudence
de sortir des tranchées pour s'équiper. Une rafale d'obus ne tarde pas à
s'abattre sur nous. Une batterie ennemie nous tire dessus en plein. Les quatre
coups suivis de leur quatre pièces ne cessent pas pendant au moins 1 heure qui
nous paraît longue.
Nous
nous cachons sous les gourbis, les arbres. Les branches tombent autour de nous,
les éclats jaillissent sur nos têtes avec fracas. Quand les canons se taisent,
je sors du gourbi. La tranchée est pleine de branchages coupés par les obus. A la place où j'ai l'habitude de manger
ma soupe, je ramasse une poignée de mitraille. Nous sommes très bien repérés.
A chaque série, nous
entendons les quatre obus arriver sur nous avec un sifflement effrayant. Nous
attendons les quatre éclats qui se produisent régulièrement, nous demandant si
ce n'est pas sur nos gourbis qu'ils vont se produire. Nous nous demandons aussi
si notre dernier moment n'est pas arrivé. Nous respirons enfin quand nous
constatons que les Boches allongent leur tir pour se taire enfin.
Dès qu'ils cessent, notre
artillerie, placée derrière nous, apporte la même frayeur dans leurs rangs. Ma
foi, chacun son tour, et le 75° se fait entendre à présent.
Je vais voir les environs
de notre gourbi qui sont labourés par les obus qui viennent de tomber il y a
une demi-heure. Les feuillées sont démolies, heureusement, elles étaient vides.
Le boyau par lequel nous venons d'arriver est comblé sur plusieurs points. Nous
avons eu de la chance de ne pas arriver 10 minutes plus tard. Il y aurait eu du
mauvais.
Le canon tape dur sur notre
gauche vers 10 heures ½.
En somme, réception
bruyante, nous nous passerions de gaieté de cœur de tous ces honneurs.
Coïncidence, en contemplant les débris qui couvrent le sol, je m'aperçois qu'un
« boche » que j'avais dessiné sur le tronc d'un arbre pendant la dernière
période, a reçu un éclat en pleine figure. Ces gens là
ne se reconnaissent plus et arrivent à se tuer entre eux. Les canons des deux
côtés se font entendre.
De toute la journée, le
duel est assez acharné, mais les obus nous passent à
présent par dessus et se contentent de siffler sur
nos têtes. Le silence se fait.
Cependant vers 5 heures du soir (faction de 3
heures à 4 heures ½ du soir).
Les fusils ont très peu
tiraillé quelques coups isolés seulement.
A 6 heures,
un aéro parcourt les lignes. La soirée est
tranquille.
Je prends la faction de 1 heure ½ du matin à 3 heures ½.
Quelques fusillades se produisent pendant la nuit. Une batterie ne cesse pas de
se faire entendre toute la nuit sur notre gauche et dans le lointain.
Nos 75 placés derrière nous
se réveillent vers 6 heures du matin. Les Boches répondent une demi-heure après
et le duel s'engage. Les obus passent par dessus
nous. 0n entend au loin toute la matinée les réguliers de la batterie qui a
tourné toute la nuit à gauche.
De 8 heures ½ à 9 heures ½, un aéro « boche » survole
nos lignes. Deux mitrailleuses crachent sans interruption sur notre gauche, à
peu de distance.
L'aéro
doit avoir aperçu quelque chose, car à 9 heures 40 ; l'artillerie ennemie qui
se trouve en face de nous gronde soudain avec fracas. Les coups se succèdent et
les obus passent sur nos têtes.
Nos 75 répondent et un duel
très vif s'engage entre les deux artilleries ; c'est un roulement continu. Nous
sommes tout de même mal placés, enfin ça passe sans arrêt pour le moment.
Le calme se fait vers 1 heure ½ du soir.
On entend plus que des
coups isolés. Nous passons notre temps à réparer les tranchées et les boyaux
qui ont été détériorés par le bombardement d'hier matin. Vers 4 heures du soir,
une de nos batteries placées derrière nous attaque de nouveau avec acharnement.
Les Boches répondent et les obus sifflent. La soirée est plus tranquille.
Cependant, vers 8 heures 45, une fusillade éclate
vers la droite de notre compagnie. Nous venons de nous coucher, nous nous
préparons en cas d'attaque. Les balles sifflent en tous sens, mais le bruit
cesse après une demi heure et on entend qu'une
batterie qui tonne au loin, sur la gauche.
Faction de 11 heures ½ à 1
heure ½.
Je quitte la faction à 1 heure
½. Coups de fusil isolés. Le canon gronde au loin.
Dès le point du jour, quatre aéros survolent les lignes. Deux
mitrailleuses tirent sans arrêt sur notre gauche vers le Chamois ; c'est
sûrement les aéros. Le canon se met de la partie.
Notre artillerie attaque au petit jour et ne cesse pas de se faire entendre
derrière nous. L'ennemi répond très peu et leurs obus passent très haut et vont
loin de nous.
Vers 7 heures,
les mitrailleuses de gauche sont accompagnées par une batterie qui tire sur la
droite. Les aéros ne rentrent que vers 7 heures ½.
Les mitrailleuses cessent de tirer, mais le canon tape toujours. Les fusils
sont calmes. Nous nous occupons à réparer tranchées et boyaux.
Je quitte la faction que
j'avais commencée à 6 heures du matin, à 8 heures.
Vers une heure du soir, notre artillerie n'a pas cessé encore. L'artillerie
ennemie répond et tape sur Badonviller. Les obus sillonnent l'air sur
nos têtes.
Vers 2 heures,
le duel devient acharné, des deux côtés, L'artillerie fait rage. Cela dure jusqu'au
soir.
Je prends la faction de 9
heures ½ à 11 heures ½. La nuit est calme, petites fusillades.
Le canon commence de notre
côté, 6 heures ½ du matin, comme la veille.
L'ennemi répond et le duel
qui dure toute la journée est acharné. Les obus sifflent tout le jour sur nos
têtes, mais tous passent sans arrêt.
Un aéro
survole les lignes de 3 heures ½ à 5 heures du soir. Une mitrailleuse tire sur
lui, sur notre gauche, mais ne l'atteint pas. Les fusils sont assez calmes.
Je prends la faction à 7
heures ½ du soir. J'entends les Boches causer à haute voix. Ils chantent, ils
crient ; l'un d'eux imite les chiens.
Ce remue
ménage me fait prévoir quelque chose de désagréable.
En effet, vers 8 heures 15, à la tombée de la
nuit, des hurlements furieux se font entendre. Des hourra
! sont poussés par toutes les bouches ennemies.
Les crient en français « En avant ! À la baïonnette ! ».
C’est un vacarme épouvantable, dans l'obscurité.
Je crie « Aux armes ! », et en un clin d’œil,
les camarades sont tous à leurs postes.
Une fusillade de notre côté
se déchaîne dans toute la tranchée, sur une grande longueur. Mon fusil est
chaud au point de ne plus pouvoir le tenir en main.
Après demi-heure de tir, on
arrête le feu et l'on n'entend plus rien. L'attaque est ratée pour les Boches.
Nous restons à nos postes
quand même, lorsque vers 9 heures,
deux pièces ennemies placées sur notre droite nous tirent dessus. Mes camarades
rentrent dans le gourbi pour s'abriter, mais sentinelle, je ne dois pas
abandonner ma place, surtout en ce moment. Les obus pleuvent tout autour de
moi.
A l'arrivée de chacun
d'eux, je me couche. La mitraille tape sur ma tête en tous sens et retombe en
pluie sur mon corps, mais sans force. Il nous tarde de voir la fin de ce
supplice. Nous ne sommes pas à notre aise. Cela dure environ 1 heure 15.
Je suis indemne, j'en suis
surpris.
Je vais me coucher à 10 heures ½, mais vu la situation,
les sentinelles sont doublées. Je prends la faction dans la nuit. Pendant que
les obus tombent sur nous, un camarade sort du gourbi en courant et demande de
l'eau pour mouiller son mouchoir. II dit étouffer. On croit à des obus
asphyxiants.
Panique.
Un boche nous crie des
insultes en criant à plein poumon.
Je reprends la faction avec
un camarade. Tout est calme.
Il pleut quelques coups de
canon seulement. La matinée est tranquille aussi, l'après-midi l'est moins.
L'artillerie tire avec acharnement des deux côtés. Les obus passent sur nos
têtes toute la soirée, mais nous ne sommes pas visés.
Vers 4 heures du soir, le tonnerre accompagne le bruit des canons ; ça
augmente. Le fracas.
Un « boche » nous crie : « Sortez de vos tranchées tas de C.. sales français ! »
On rit de sa prononciation.
Après un duel assez vif, le
silence se fait vers 7 heures du soir. Seule, une mitrailleuse se fait entendre
un moment sur notre droite.
Je prends la faction à 3
heures ½ du matin. Le temps est magnifique. Silence parfait, rien, on n'entend
rien ce matin.
La paix serait
elle signée ? Seuls les chants de quelques oiseaux rompent le calme. Je
me plais à entendre à la fois, le coucou, le rossignol, la grive, la
tourterelle et tant d'autres catégories d'oiseaux qui sont connus. Je vis une
nouvelle existence ; on n'est pas habitués à cette tranquillité.
A 5 heures 20,
notre artillerie vient soudain interrompre ma rêverie. L'ennemi répond sans
exagérer ; coups isolés seulement, de même pour le fusil, (comme la veille) je
suis employé à confectionner des plaques pour indiquer les diverses directions
dans les tranchées.
Le camarade RICHOU
collabore à ce travail.
Vers 19 heures 15, le duel d'artillerie commence à s'avérer sérieux et continu jusqu'à 4
heures ½ du soir. C'est un roulement continu de coups de canon de part et
d'autre. Les obus ennemis passent très bas sur nous. Par moment, « ça fout le
frisson ».
Vers 4 heures ½ du soir, il se produit une fusillade sur la gauche, (la 20°
compagnie). En un clin d'oeil, chacun est à son poste
dans la tranchée. Rien n'est apparent en face nos créneaux, nous ne tirons pas.
Il pleut à averse, un orage
formidable s'est déchaîné. Le tonnerre gronde et accompagne les canons et les
fusils. Cette escarmouche dure environ 20 minutes et le silence se fait.
Nous sommes déjà trempés.
Les Boches crient de toutes leurs forces. Ils nous insultent et poussent des
Hourra ! Leurs cris ressemblent à ceux des animaux d'une ménagerie. Le silence
se fait, mais nous veillons étroitement. Le canon qui avait cessé quelques
instants, se fait entendre à nouveau vers 5 heures. C'est notre artillerie qui
commence par des coups isolés.
La soirée et la nuit sont
assez calmes.
La matinée est tranquille.
Nous sommes occupés à la confection d'un nouveau boyau. Il pleut. Les canons ne
commencent à ronfler qu'à 9 heures ½ du matin.
Soupe en musique.
Nous apercevons une
patrouille ennemie dans le bois. Quelques-uns uns tirent dessus à tort car nous
aurions pu faire des prisonniers. On aperçoit quatre patrouilleurs, mais on les
tire de trop loin. Les arbres gênent le tir.
Après-midi,
la pluie a cessé. Nous sortons la boue de la tranchée. Les canons font encore
rage des deux côtés et par-dessus.
A partir de 3 heures ½ les
projectiles tombent un peu partout et Dieu sait s'il en pleut. Les éclats de
l'un me touchent sur la tête, mais après avoir tapé sur les arbres.
Vers 6 heures,
le calme se fait un peu. La nuit est assez calme. Je prends la faction de 11
heures ½ du soir à l heure ½ ; Il pleut. Le peu de paille
que nous avons pour coucher est mouillée et pourrie. Les couvertures sont
trempées.
Je quitte la faction à 1
heure ½ du matin.
La nuit est assez calme. Le
canon commence vers 5 heures et toute la journée, le duel est acharné. Il pleut
tout le jour. Nous sommes très mal couchés dans l'eau.
Vers 5 heures du soir, le duel d'artillerie revient, terrible. On ne
s'entend plus tant ils font du bruit. Ca se calme à
la nuit. Je prends la faction de 9 heures ½ à 11 heures ½.
Tout est calme, il pleut
toujours.
La pluie a cessé au petit
jour, mais le temps reste couvert.
C'est le jour de la relève,
aujourd'hui. Nous attendons le 349° après avoir fait nos préparatifs.
Le canon tonne à nos côtés
dès le point du jour. Les Boches ne répondent pas. Les coups de nos batteries
sont assez espacés. Bientôt l'ennemi se met de la partie et le duel recommence.
Nous sommes relevés à 8 heures ½ du matin.
Nous descendons au village
nègre, et après une heure de repos, nous nous rendons en réserve à la ferme
du Chamois. La ferme est de plus en plus démolie. II ne reste plus rien.
Nous sommes là, tout en étant en réserve, à moins de 100 mètres des Boches. La
première ligne est à 40 ou à 50 mètres.
Vers midi,
un de nos aéros est bombardé par une batterie « boche
».
Il n'est pas atteint et
fait flotter les couleurs tricolores, une heure au moins sous les obus. C'est
là le point le plus dangereux et le plus bruyant de notre section. C'est le
seul point propre à une attaque (pas de fil de fer devant nos tranchées, celui
des Boches sert pour les deux parties). Ici les coups de fusil ne cessent
jamais. Les obus pleuvent continuellement, aussi les champs sont remués de tous
côtés par leurs traces.
Les morts du 21 mars sont
toujours là ; on n'a jamais pu les enlever. L'air n'est par suite, pas trop
sain. Nous avons des gourbis avec une poignée de paille boueuse dans lesquels
trop serrés, nous devons coucher intercalés têtes et pieds, les uns sur les
autres, dans des positions très fatigantes.
Vers 3 heures,
nous allons sous les obus porter des calendriers hors d'usage au village nègre.
Au retour, une batterie de 75 nous tonne aux oreilles avec rage. La gueule des
canons est tournée vers nous de sorte que leurs coups secs nous rendent sourds.
Leurs obus passent sur nos têtes pour aller s'abattre dans les tranchées
ennemies.
Vers 6 heures,
nos 75, placés à environ 800 mètres derrière nous, lancent une rafale de
projectiles sur les batteries ennemies. Nous nous couchons, mais comment ?
Je prends la faction en
double avec RICHOU, de 2 heures ½ à 3 heures du matin.
Les fusils ne cessent
jamais ici de se faire entendre. Les balles claquent constamment aux oreilles.
Il faut prendre la
précaution de ne pas trop se mettre devant les créneaux. Nous ne tirons pas, la
première ligne étant à 25 mètres devant nous. La matinée est tranquille. Sauf
le bruit continu des fusils, je n'entends que deux ou trois coups de canon dans
la matinée.
Pendant la nuit,
un obus de 195 est tombé tout près de nous sans éclater. Il se trouve placé
horizontalement sur le sol, comme si on l'avait posé là avec précaution. Nous
allons le voir. C'est une belle pièce qui mesure 50 centimètres de long sur 15
centimètres de diamètre. Et dire que les Boches nous envoient ça de 15
kilomètres.
La journée et la nuit sont
relativement tranquilles en raison du point où nous nous trouvons.
Vers 6 heures ½ du soir, notre artillerie bombarde les tranchées ennemies.
Nous ne faisons rien. Nous sommes
plus heureux que jamais, bien qu'à quelques mètres de l'ennemi. Nous sommes en
réserve et nous nous contentons d'écouter les canons et les fusils. Notre
artillerie terrorise de temps à autre les Boches.
Dans l'après-midi, vers 3 heures, nous assistons à un duel terrible que nous suivons
très bien, en raison du terrain découvert. La nuit est assez calme. Coups de
fusil isolés. Un projectile fonctionne vers Baccarat. Fusées en quantité.
Je prends la faction de 10
heures à 11 heures du soir.
Nos 75 commencent de bonne
heure et de temps en autre, envoient par surprise un obus dans les tranchées
ennemies.
Vers 8 heures du matin, nous assistons à un combat intéressant que nous
suivons dans tous ses détails en raison du terrain découvert. C'est un aéro ennemi qui survole nos lignes et sur lequel tire une
de nos batteries.
L'aéro
fait des lacets, des bonds alors que nous voyons éclater autour de lui, un
déluge de bombes. C'est un tableau à voir.
A la fin, on voit un petit
point qui se meut, entouré de petits nuages blancs produits par des éclairs. L'aéro se retire vers ses lignes, mais nous l'entendons
longtemps sans le voir. Presque aussitôt après sa rentrée, les ennemis envoient
quelques obus par dessus nous, sur une de nos
artilleries.
Vers 9 heures,
je regarde par un créneau. Une balle siffle, je sens qu'elle passe très près de
moi, mais je ne me rends pas compte que j'ai manqué la mort d'un cheveu. Un
camarade me fait remarquer, un moment après, que la partie supérieure de mon
képi est percée et une éraflure fait une trace sur le dessus de ma coiffure.
Sans m'atteindre. (*)
Un centimètre trop haut, à
la prochaine.
L'aéro
revient une heure après. La lutte recommence. Nous prenons plaisir à le voir se
débattre dans les airs, au milieu de la mitraille. Il fuit bientôt cependant
vers la frontière, accompagné par les obus. Une mitrailleuse tire aussi sur
lui.
Vers 2 heures du soir, j'écris dans la tranchée pendant une heure au moins.
Une fusillade est dirigée par l'ennemi de ce côté. Les balles sifflent et
craquent sans cesse. Je n'en ai jamais tant entendu à la fois, à proximité de
ma tête. Je ne risque absolument rien dans la tranchée.
De temps à autre, notre
batterie de 75 n'oublie pas d'envoyer quelques obus dans les tranchées
ennemies, toujours par surprise et pas plus de 1, 2 ou 3 coups très espacés.
C'est le Lieutenant japonais qui leur fait ces cadeaux.
En raison de notre avance,
du côté d'Arras, le 349°, qui est devant nous, a reçu l'ordre de chanter à
l'approche de la nuit, et de manifester notre satisfaction au nez des Boches.
Vers 7 heures ½,
le concert commence. Tout le front entonne la Marseillaise.
Un trombone à coulisse les
accompagne. Les Boches font silence. On n'entend pas un coup de fusil pendant
au moins 3/4 d'heure.
Après la Marseillaise, les
Boches applaudissent de leurs tranchées.
On crie alors : « Vive l'Italie ! »
Les Boches répondent : «
L'Italie capout !
On entend une cacophonie
épouvantable qui a comme refrain une forte fusillade qui dure 20 minutes
environ.
Après quoi, on recommence
les chansons.
Quelques Boches chantent la Marseillaise avec
nous.
Vers 8 heures 45, le
concert prend fin et les fusils se remettent à cracher. On nous prévient que nous
devons être relevés à 11 heures par le 149°
; Nous préparons nos sacs et attendons en vain jusqu'à 11 heures et
après.
(*) : Le casque ADRIAN n’était pas encore arrivé au régiment
Nous ne sommes relevés qu'à
1 heure ½ du matin. Nous nous rendons égrenés au village nègre où nous perdons
une ½ heure.
Nous nous formons par
quatre et profitons de la nuit pour passer par la route, ce qu'on ne peut faire
de jour. On nous invite à marcher tant que nous pourrons pour arriver à Fenneviller avant le jour. Nous marchons donc d'un
pas très relevé. Il est environ 2 heures ½ quand nous sortons de Badonvviller.
Il nous reste environ 2
kilomètres pour atteindre Fenneviler et être à
l'abri, ce qui se peut faire largement avant le jour.
Mais le capitaine juge à
propos de dévier à gauche pour aller passer dans les bois. Au bout d'une heure
de marche, nous sommes égarés. Nous marchons où sous les hêtres sans retrouver
notre route.
Ce n'est qu'à 4 heures que nous arrivons à Pexonne
où nous allons prendre le repas.
A notre arrivée, les
cantonnements ne sont pas préparés. Nous restons une heure dans la rue.
Enfin, à 6 heures, nous sommes installés. Un peu de repos, un bon déshabillage, brossage
des effets et à la correspondance.
Tout l'après
midi, un de nos aéros survole les lignes.
L'ennemi tire dessus plusieurs fois, mais sans l'atteindre.
On profite du repos pour
procéder aux travaux de propreté.
Le soir, à 6
heures 20, nous assistons à un concert organisé par quelques soldats, sur une
place de Pexonne, pour lesquels un vrai théâtre a été
construit. Ca change un peu l'existence et on se
retire à 7 heures 45, après avoir applaudi ces vrais artistes.
Repos le matin, l'après midi, nous allons de midi à 5 heures, couper du bois
pour faire des piquets.
Matin, repos, le soir, à 3
heures, revue en tenue de départ.
Départ de Pexonne, à 5 heures 20 du matin. En route un aéro ; on se cache.
Arrivée aux tranchées à 8
heures du matin. Rien de changé, les fusils craquent et le canon tonne,
notamment notre 75. Un aéro survole nos tranchées de
8 à 9 heures. Notre artillerie tire sur lui.
Vers 2 heures 1/2 du soir, une mitrailleuse crache sans arrêt pendant au moins
20 minutes sur notre droite où se trouve le 41° Chasseur à pied. Le canon tonne
dans le lointain, sur notre gauche avec acharnement. Notre secteur est
tranquille pour le moment. Toute la journée, on entend des insultes de
tranchées à tranchées. Un nouvel aéro survole la
ligne vers 4 heures du soir. Il est français.
L'artillerie ennemie tire
dessus, en même temps une mitrailleuse, mais les aviateurs n'ont pas peur et
restent une heure environ sur la ligne ennemie. Les Boches chantent dans leur
tranchée. Les nôtres en font de même pendant que le 75 se réveille et tire une
dizaine de coups très serrés, à côté de nous. On entend le canon tonner avec
rage sur notre gauche, dans le lointain, du côté de Nancy ou de Pont-à-Mousson.
Notre secteur est
tranquille.
Je prends la faction de 1
heure 1/2 à 3 heures 1/2. On entend dans le lointain les canons qui tonnaient
hier au soir. La matinée est calme.
Depuis 8 heures du matin,
nous n'avons pas entendu un seul coup de fusil ou de canon. La paix est elle signée ?
Vers 1 heure 1/2 du soir, éclat d'une bombe dans la vallée, devant nous ; un
coup de fusil un moment après et calme complet.
Il pleut à torrent depuis
ce matin 7 heures 1/2. Nous recommençons à être dans la boue. Le silence est
enfin interrompu vers 2 heures, par une batterie ennemie qui tire sur notre
gauche à peu de distance. Les fusils ne bougent pas.
Vers les 5 heures, les canons reprennent leur pétard, mais sans exagérer, quelques
rafales qui n'ont pas de durée.
Nous n'avons jamais eu
pareille tranquillité, au point du vue fusils.
Vers 6 heures,
les nôtres tirent 5 ou 6 cartouches. Les Boches les engueulent et leur crient
en français « Ne tirez pas, tas de C.. puisque nous vous laissons la
paix ».
La soirée est tranquille,
coups de fusil isolés. Je prends la faction de 11 heures à 1 heure 1/2.
Pendant ma faction, une
pièce tonne sur ma gauche, vers le Chamois. J'entends une grosse branche
se détacher et tomber sur les fils de fer.
Il pleut toujours. Je
quitte la faction à 1 heure 1/2 du matin. Le canon tonne toujours à gauche.
La matinée est tranquille
dans notre secteur. Nous réparons et plaçons de nouveaux fils de fer. On entend
très peu le canon. La pluie tombe toujours par rafales.
Vers 1 heure,
l'artillerie ennemie recommence la danse. Leurs obus sifflent par dessus nos têtes. C'est le premier qu'ils nous envoient
depuis notre dernière arrivée aux tranchées. Après le calme de ces jours ci, ça
se gâte. Je prends la faction de 9 heures à 11 heures.
A 10 heures 1/2,
l'ennemi lance une bombe à 40 mètres du poste que j'occupe (vers la 20°
compagnie). Les sentinelles tirent.
Une minute après, une
deuxième bombe. Je crie « Aux armes !
». En un clin d'oeil, tout le monde est à son poste.
Une forte fusillade se
déchaîne de part et d’autre. Les balles pleuvent. Il m'en passe partout autour
et au dessus de moi. Je reste à mon poste.
20 minutes après, un arrêt. Les Boches crient et hurlent, dans la nuit. La fusillade
recommence deux minutes après et nous sommes sous une grêle de balles. Ca cesse à 11 heures 15 ; Tout le monde rentre et le
silence se fait. Je quitte la faction à 11 heures 1/2 et tout devient
tranquille.
Nous allons travailler à
l'élargissement d'un boyau. Tout est calme ce matin, coups de fusils isolés. Le
canon n'a pas encore commencé à notre départ pour le travail. La matinée est
assez tranquille.
Cependant, vers 10 heures, les Boches envoient une
collection de bombes, dans la vallée, en avant et sur notre gauche. Cela dure
environ 1 heure 1/2 et nous mangeons la soupe en musique. Si c'était des bombes
glacées, elles arriveraient à point.
Dans l'après midi, ça ne va pas trop fort. Coups de canon isolés de
part et d'autre, quelques coups de fusil.
Je prends la faction de 7 heures
1/2 à 9 heures 1/2. Tout est calme, quelques fusées seulement et coups de
fusil.
Vers 4 heures,
une pièce tonne sur notre gauche. La matinée est calme. Nous sommes avec RICHOU
employés à faire des plaques indicatrices.
L'artillerie boche attaque
vers 11 heures et envoie pas mal d'obus sur notre gauche, à 100 mètres environ.
Ca siffle pas mal. Nos 75
répondent bientôt et le duel est assez important. Tout en faisant mes plaques,
j'écoute la direction des marmites, car on craint que ça arrive à Viviers.
Vers 4 heures,
le calme se fait. A partir de ce moment, tout est tranquille. Nous mangeons la
soupe dans un rare silence.
A 6 heures,
une batterie se fait entendre à notre gauche.
A 9 heures ½,
on nous prévient qu'à minuit, nous devons aller à nos créneaux et tirer au
signal convenu une trentaine de cartouches chacun, de façon à simuler une
attaque sur tout le front et tromper l'ennemi qui sera en réalité, attaqué vers
Fréménil.
De 10 heures à 11 heures ½, forte fusillade à droite.
Dés minuit, en est chacun à sa place. On commence à entendre des
feux de salve à droite et à gauche. On se met de la partie et les Boches
réveillés en sursaut en font autant.
Ceux ci croient à une attaque et tirent avec acharnement au
fond de la vallée où ils croient que nous nous trouvons.
Les mitrailleuses crachent
avec fureur, les branches des arbres craquent et tombent. La fusillade est très
vive et se fait en trois reprises. Nous n'entendons que très peu de balles à
nos oreilles, tous les projectiles sont envoyés dans la vallée où il n'y a
personne.
Je tire exactement 30
cartouches par dessus la tranchée. La fusillade une
heure environ et à 1 heure du matin, tout devient calme. Nous craignons à
présent l’artillerie, mais les boches sont gentils cette fois et ils nous font
grâce des obus.
Je prends la faction de 3
heures ½ à 5 heures ½. Une pièce tire quelques coups sur la droite. J'entends
en même temps, vers 4 heures, une vive fusillade, dans la même direction, puis
tout est tranquille.
Vers 10 heures,
l'artillerie tape et envoie pas mal d'obus sur notre droite, par dessus nos têtes.
L'après
midi est calme.
Vers 5 heures du soir, c'est le 75 qui nous fait
manger la soupe en musique, mais ça ne dure pas longtemps.
La soirée est calme.
La nuit est très
tranquille. Je prends la faction de 1 heure ½ à 3 heures ½. Aucun bruit.
Dans la matinée,
une batterie boche trouble le silence vers le Chamois à 7 heures ½ du
matin. Notre artillerie répond et le duel s'engage, mais sans exagération.
Le temps s'est mis au beau,
le ciel est clair aujourd'hui ; depuis quelques jours on ne voyait que de
l'eau. C'est un jour d'aéroplane.
En effet, vers 8 heures, on
entend au loin le moteur d'un qui approche. C'est un français. L'artillerie
boche ne tarde pas à tirer sur lui, mais il ne s'effraie pas et suit
minutieusement la ligne ennemie. Notre 75 tire sur la
batterie qui s'acharne sur l'aéro.
Ca tonne, il s'engage de
plus en plus et les 4 pièces tapent sans interruption dans nos oreilles.
Vers 9 heures 45, un deuxième aéro se fait entendre.
Dans l'après-midi, on entend le canon de part et d'autre par
rafales.
La soirée est tranquille.
Je prends la faction de 11 heures ½ à 1 heure ½. On tiraille, mais sans
exagération.
Je quitte la faction à 11
heures ½.
Vers 7 heures du matin, nous écoutons les Boches qui chantent la messe,
accompagnés d'un harmonica. De notre côté, nous avons messe tous les dimanches
au village nègre, où assiste qui veut. Cette messe est dite par un officier
curé.
Vers 8 heures,
je vais au gourbi du capitaine. A mon retour, les boches tirent trois fois sur
moi. La troisième balle, après avoir tapé contre les arbres, vient tomber juste
à un mètre de moi, à l'état mort bien entendu. Je la conserve.
A ce moment, un aéro se fait entendre sur les lignes. Tout est tranquille,
coups de fusils isolés seulement. Le canon n'a pas encore commencé. Fait-il le
repos hebdomadaire ? Non, car ça ne tarde pas. Nous commençons à l'entendre
rageusement, sur notre gauche vers 8 heures.
Je prends le commandement
de la 2° escouade, à partir de midi.
La journée est
exceptionnellement tranquille. On n'entend pas même un coup de fusil.
Vers 3 heures,
je m'aperçois d'une chose singulière. J'entends en face de notre tranchée des
feux de salve répétés et des coups isolés, mais pas une balle ne siffle dans
notre direction. Je trouve cela bizarre et j'écoute ce qui se passe. J'entends
très distinctement des commandements et des réprimandes après chaque feu. J’en
conclu que l'ennemi fait des tirs d'instruction. Dès lors, nous aurions parmi
nos adversaires, des soldats non instruits, qui n'ont peut-être jamais touché
de fusil. Je fais part de cette remarque au Lieutenant Mazoni
qui l'approuve et doit en faire part au capitaine.
Vers 3 heures ½,
J'entends enfin quelques coups de canon sur notre gauche et tout près de nous.
C'est notre artillerie qui tire.
Vers 5 heures ½,
les coups de canon se suivent et le 75 répond
rageusement aux Boches. Le calme est fait vers 6 heures.
Dans la soirée,
demi-heure après que nous venons de nous coucher, vers 8 heures, les Boches
attaquent par une fusillade suivie sur la gauche. Nous allons à nos créneaux.
Les fusils crépitent dur, mais le calme se fait bientôt, et à 9 heures, nous
nous recouchons tranquillement.
La matinée est calme. Nous
en profitons pour crier aux Boches : « Vive
l'Italie ! ». Car on nous a appris que cette dernière allait marcher. On
s'engueule de tranchée à tranchée. Les Boches répondent : « Italia, françous capout !
».
L'un d'eux est enragé. Il
crie de toutes la force de ses poumons. Il s'épuise tant, il est en colère.
Nous ne comprenons pas ses
insultes. Mais nous rions de la méchanceté avec laquelle il nous les adresse.
Nous sommes relevés à 8 heures ½ du matin par le 349°.
Nous descendons au village
nègre où une section est de piquet. La journée est tranquille.
Le canon tonne très peu, et
sauf quelques cris de « Vive l'Italie !
» que le 349° adresse aux boches de temps en temps, on n'entend pour ainsi dire
plus rien. Ce n'est que vers 5 heures du soir, que l'artillerie boche se fait
entendre assez bruyamment. Leurs obus éclatent sur notre gauche, vers une de
nos batteries.
Vers 6 heures,
les Boches envoient les obus de notre côté, mais ces projectiles, après avoir
sifflé bruyamment sur nos têtes, vont éclater derrière nous et un peu à droite.
La nuit est tranquille.
Nous partons à 5 heures du
matin pour transporter des rondins au Chamois.
De 8 heures à 9 heures du
matin, les Boches font bruyamment entendre une batterie qui lance des obus par dessus nos têtes et qui vont éclater vers Badonviller.
Nos 75 jouent aussi un joli refrain. La soirée est employée à la même corvée.
Vers 6 heures,
les Boches lancent quelques obus de notre côté mais ça ne tire pas.
Vers 8 heures,
nous entendons une fusillade qui dure environ une heure, dans la direction de
la Chapelotte.
Réveil à 3 heures ½.
Départ à 4 heures. Repas
froid. On va travailler aux boyaux du Chamois.
Au moment du départ, on
décide que 6 caporaux suffisent et je fais partie de ceux qui ne marchent pas.
Je vais en profiter pour écrire, après avoir fait nettoyer le gourbi et les
abords.
Vers 5 heures,
nous entendons une forte canonnade, vers la gauche, mais assez loin.
Vers 8 heures,
un de nos aéros survole les lignes. Une batterie
boche leur fait une chasse exaspérée. Nous voyons éclater les obus tout autour
de lui, mais il ne s'effraie pas. Il remonte et redescend pour changer la
direction du tir, mais ne se presse pas de quitter les lignes. Notre artillerie
tire quelques coups dans la direction de la batterie ennemie. L'aéro n'a pas peur et sans se soucier des obus, accomplit sa
mission. Il reste sur les lignes plus d'une heure.
A ce moment, le 75 prend sa défense et tonne rageusement à nos oreilles.
Ce fait de courage
m'impressionne tellement que le compose à ce sujet mon morceau intitulé « Héroïsme d'aviateur français ».
Le reste de la journée est
normal. On entend le canon par moments et quelques coups de fusil.
Dès le matin 4 heures, un
ronflement très accentué se fait entendre. Nous sortons de nos gourbis et nous
apercevons toue une nichée d'aéros français sur nos
têtes.
Nous en comptons plus de
vingt. Ils prennent directement la direction de l'Allemagne. Ils vont sûrement
du côté de Metz ou Strasbourg. C'est un pétard épouvantable de moteurs,
auxquels viennent s'ajouter les coups de canon Boches qui tirent sur eux et le
roulement des mitrailleuses de piquet.
Vers 9 heures,
les aéros sont de retour. II en passe partout et à
toutes les hauteurs. L'artillerie et les mitrailleuses ennemies font rage, mais
aucun appareil ne paraît être touché. La journée est normale sauf ce fait. Le
canon a très peu tonné, en dehors du passage des aéros.
Nous nettoyons les effets.
Vers 3 heures du soir, notre batterie de 75 fait
rage. C'est un roulement de coups qui portent la mort dans les tranchées
ennemies, sur notre gauche, vers le Chamois.
Vers 4 heures,
ils se livrent un duel violent d'artillerie, tout autour de nous. On entend que
des coups de canon, ou le bruit des éclats. Cela dure jusqu'à environ 6 heures.
Les boches tirent rageusement. Leurs marmites éclatent un peu partout autour de
nous.
Vers 7 heures,
une forte fusillade se produit vers le Chamois et dure un quart d'heure
environ. Ce sont les Boches qui ont tiré sur une de nos corvées.
La nuit est assez
tranquille.
Nous sommes relevés au
village nègre à 8 heures ½. Nous nous rendons au repos à Pexonne
où nous arrivons à 11 heures.
On s'occupe du nettoyage
des effets et des armes.
Le soir, de
6 heures à 7 heures ½, nous assistons au concert donné sur une place du
village.
On continue le nettoyage
des effets et des armes. On entend le canon par intervalles toute la journée.
Matinéee tranquille.
Le soir,
corvée de bois, 2 caporaux. Je ne marche pas.
Vers 8 heures du soir, forte fusillade en tranchées.
Le canon tonne assez
violemment toute la journée.
Les Boches bombardent notre
région mais sans atteindre le village.
Dans l'après midi, un de nos aéros est
l'objet d'une chasse effrénée pour les batteries boches.
A 3 heures,
revue en tenue de départ et préparatifs. Ma section prend la garde. Je ne
marche pas et couche seul au cantonnement.
Je dors bien et n'entend
rien de ce qui se passe la nuit.
Réveil à 4 heures.
Départ de Pexonne à 5 heures 10 du matin. Nous arrivons aux
tranchées de première ligne vers 8 heures et nous recommençons à entendre le
sifflement des balles et le passage de quelques obus.
Vers 10 heures,
une batterie ennemie bombarde nos tranchées un peu sur notre droite, mais à peu
de distance. Notre 75 répond.
Il se produit une petite
fusillade vers 10 heures, sur notre gauche (20° compagnie).
L'après-midi
est assez tranquille, quelques coups de fusil isolés.
Cependant, vers 3 heures, les canons tonnent des
deux côtés et il passe pas mal d'obus sur nos têtes. On entend tirailler toute
la nuit.
Les bombes éclatent aussi
des deux côtés.
Matinée tranquille.
Vers 9 heures
une batterie boche» bombarde notre droite, à peu de distance. Notre 75
l'accompagne derrière nous, vers 11 heures.
L'après-midi
est tranquille, maïs vers 5 heures du soir, une batterie boche tape sur nous
rageusement. Nos 75 répondent et nous passons quelques heures dans un vrai
bruit de tonnerre.
Ca se calme vers 6 heures ½. La soirée est assez
tranquille.
Vers 9 heures,
une batterie de 75 attaque rageusement. Les fusils tiraillent toute la nuit.
La matinée est calme.
Quelques coups de canon de
part et d'autre. De 8 heures à 10 heures, un aéro
français suit les lignes.
A ce moment, les Boches
tirent rageusement. La journée est assez tranquille. Quelques crises de 75 de
temps à autre. Les Boches en font autant avec le 77.
Dans la soirée,
vers 5 heures, le duel est plus violent, mais ne dure pas.
Vers 9 heures du soir, le 75 tire précipitamment une vingtaine d'obus. On
tiraille toute la nuit.
Le 75 commence
à se faire entendre dès 7 heures du matin. Les boches répondent. Les obus sifflent
violemment sur nos têtes. Le duel d'artillerie devient très violent et dure
jusqu'à 2 heures du soir. C'est une des plus fortes journées d'artillerie
ennemie. Ils nous bombardent en tous sens. Nous vivons quelques heures dans un
bruit épouvantable.
Vers 2 heures 1/2, l'ennemi cesse, mais nos batteries tonnent toujours.
Vers 3 heures ½,
les canons Bochesreprennent de plus belle. On
n'entend que le canon et les éclats.
Jamais nous n'avions vu l'artillerie
ennemie tirer avec autant d'acharnement. Les bombes et les crapouilleaux
accompagnent leurs canons. Le 75 répond par rafales.
C'est un pétard effrayant. La soirée est assez calme. Nous nous attendons à une
attaque.
Il n'en est rien, mais
toute la nuit, on tiraille de part et d'autre.
La matinée est assez calme.
Vers 6 heures,
les Boches envoient quelques obus sur notre droite, mais assez espacés.
Dans l'après-midi, l'ennemi bombarde assez violemment notre visite vers la Chapelotte.
Vers 5 heures,
ça tonne dur. Nous mangeons la soupe en musique.
La soirée et la nuit sont
calmes. Coups de fusil isolés seulement.
La matinée est calme.
Vers 7 heures,
un de nos aéros survole les lignes ennemies. Leurs
canons tirent dessus avec acharnement. Nous suivons cette chasse avec intérêt.
Les boches tirent pas mal d'obus sans résultats et l'aéro
suit leur ligne pendant environ une heure et demie et n'est jamais atteint.
La journée est calme.
Vers 5 heures 15, comme nous mangeons la soupe, un de nos aéros
passe sur nos têtes. Il ne tarde pas à être attaqué. Une batterie ennemie tire
sur lui avec rage. Notre 75 prend sa défense et tonne sèchement à nos oreilles
pour envoyer pas mal d'obus sur les batteries ennemies.
Le combat s'acharne et dure
plus d'une heure. L'aéro n'est jamais atteint.
Vers 7 heures 50, nous entendons une petite fusillade, sur notre gauche.
Vers 8 heures 45, quelques instants après nous être couchés, les Boches commencent à tirailler
sur tous le front. Les sentinelles répondent. On se lève précipitamment et
chacun se porte à son créneau. La fusillade est assez violente. Nous sommes
encadrés de balles qui sifflent sur nos têtes en tous sens.
Cela dure jusqu'à 9 heures
40. Les canons se mettent de la partie. Une batterie de quatre pièces commence
à nous arroser sur tout le front. Le 75 répond.
Quand le silence est
rétabli, on se recouche et le calme est presque parfait.
A 1 heures du matin, une vive fusillade se déchaîne sur notre droite, vers la Chapelotte. On se lève pour la dernière fois de la nuit et
on prend sa place. Les canons tonnent.
Un nouvel arrivé qui
tremble comme un jonc, a trouvé le moyen de prendre mon fusil de mon créneau,
de sorte que je reste ½ d'heure sans arme.
Je suis colère, au moment
surtout où je trouve mon flingot qu'il tient tout accroupi dans la tranchée. Le
silence se fait vers 1 heure 45 et nous nous recouchons.
Vers 7 heures,
un aéro allemand tonne sur nos têtes.
Le 75
tire dessus. La matinée est
cependant calme. Une mitrailleuse tire rageusement sur notre droite, à l'aéro sûrement. Le reste de la journée est assez calme.
Coups de canon et de fusil isolés.
Dans la fusillade de ce
matin, on compte 41 Boches morts dans les fils de fer à la Chapelotte.
Sur notre gauche, une de
nos batteries a détruit totalement une batterie ennemie à Ansevillers.
A 7 heures,
une violente canonnade s'engage au loin, sur notre gauche.
La soirée est assez calme.
Vers 1 heure ½,
fusillade sur notre droite, vers la 18° compagnie. Les Boches tirent quelques
coups de canon vers 4 heures 45.
La matinée est calme. Le
canon tonne très peu dans la matinée, et à midi, un formidable orage se
déchaîne. La grêle est mêlée à l'eau et le tonnerre ne cesse de tonner pendant
deux heures.
La pluie tombe en
avalanche. En un clin d’œil, nous avons de l'eau au genou, dans la tranchée.
Malgré le mauvais temps, on redouble d'attention.
Vers 2 heures,
le temps se remet au beau. Le reste de la journée est calme, la soirée aussi.
Vers 9 heures ½ du soir, le tonnerre gronde et l'orage se déchaîne aussi fort
que dans la journée. La tranchée est à moitié pleine en un clin d’œil.
La nuit est très
mouvementée, en raison du temps et de la surveillance qu'il faut doubler.
Au jour, le beau temps est
arrivé.
Nous sommes relevés à 8
heures du matin par le 349° et nous descendons au village nègre. La journée est
normale.
Nous entendons quelques
fusillades et quelques rafales de canon.
La section est désignée
pour effectuer certaines corvées au Chamois. Je ne marche pas. La matinée est
calme.
Vers 10 heures,
les canons Boches tirent dans notre direction. Nous mangeons la soupe sur une
table de fortune, quand un obus siffle sur nos crimes et tombe à 25 mètres de
nous. On saute à terre.
Quelques
uns renversent leurs gamelles,
d'autres leur quart de vin. Et on court à l'abri. Je suis nommé caporal à la date du 11 je reste affecté à
la 28° escouade que je commande depuis le 23 mai.
L'après
midi est normale.
Le soir, de
7 heures à 10 heures, je conduis une corvée au Chamois pour transporter
des rondins à la ferme Malvejean.
Tout est calme, la soirée
est tranquille.
Nous sommes tous réveillés en
sursaut par une rafale de batterie de 75 qui tire d'une façon insensée pendant
demi-heure environ, c'est un vrai roulement. Nos artilleurs ne perdent pas de
temps et nous fatiguent les oreilles.
Vers 2 heures ½, la même batterie recommence et lance une grande quantité d'obus en peu
temps, sur quelques points signalés.
A 5 heures,
la section prend la garde. Je ne marche pas.
La soirée et la nuit sont
assez calmes.
Corvée au Chamois.
Journée assez tranquille. Quelques rafales d'obus.
Nous sommes relevés au
village nègre à 8 heures ½. Nous nous rendons à Pexonne
par une chaleur accablante. On n'a jamais tant sué. A Pexonne,
on s'occupe de nettoyage des effets et des armes. Soir, concert.
Nous sommes au repos. On
nettoie.
A 4 heures 10,
on entend le bruit assourdissant de plusieurs moteurs. Nous sortons et nous
comptons plus de 20 aéros, allant vers l'Allemagne.
C'est notre escadrille de Lunéville qui est de retour vers 7 heures du matin.
A l'aller et au retour, les
Boches tirent dessus avec acharnement. Nous suivons tous les coups, mais aucun
n'est atteint.
L'après-midi,
exercice pour nous dresser à faire des passages dans les chevaux de frises.
La journée est tranquille
ici.
Le soir à 3 heures, revue en tenue de départ.
Le soir de 6 heures à 7 heures, il y a bal. Celui-ci est interrompu par un aéro boche qui vient directement sur la place où l'on
danse. Un de nos appareils le suit et lui fait la chasse.
Et pendant que ce dernier
vient tourner très bas sur nos têtes, pour attirer notre attention, l'aéro ennemi s'éloigne, mais il nous a sûrement aperçus. Nos
canons tirent sur l'oiseau ennemi. Le clairon sonne le garde à vous. On rentre
rapidement pour en ressortir quelques instants après.
Quand l'oiseau de mauvais
augure a disparu, le bal continue.
Réveil à 4 heures du matin.
Départ de Pexonne à 5 heures 20. Arrivée aux tranchées de
première ligne à 8 heures.
La journée est tranquille. Nous
entendons très peu le canon.
On tiraille pas mal,
pendant la nuit.
Je suis de jour.
On entend, vers 6 heures du
matin, quelques coups de canon sur la gauche. Je m'occupe à faire face des
feuillées.
La journée est assez calme.
Ce n'est que vers le soir, qu'une batterie ennemie nous envoie quelques obus,
vers 4 heures 15.
Une batterie de 75
nouvellement installée derrière nous, répond par une canonnade nourrie, nous
fatiguant les oreilles par ses coups secs.
On tiraille toute la nuit.
Je m'occupe à surveiller
les travaux des feuillées.
Le soir, je
vais surveiller des travaux de construction de réseaux-rames.
La journée est assez calme.
Le soir, on
nous fait manger la soupe à 4 heures. On ne sait pourquoi.
Vers 6 heures,
les Boches nous envoient quelques obus de la gauche. Le calme se fait vers 7
heures ½.
Fin
des carnets.
Les autres carnets, s’ils
existent, ont disparus.
Je
désire contacter le propriétaire du carnet d'Alfred PISTRE
Voir des photos de soldats du 358e régiment d’infanterie
Vers
d’autres témoignages de guerre 14/18
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