Mise à jour :
Mars 2019
Lionel, professeur des écoles, nous dit :
« Il
y a bientôt une dizaine d’années, deux élèves de troisième, cousines, avaient
apporté en cours, la copie d’un témoignage sur 14-18. Leur
arrière-arrière-grand père, Clovis POREAUX, avait laissé un récit manuscrit de
20 pages.
C’est le
document qui suit. On pourra relire « Invasion 14 » de Maxence Van Der Meersch pour prolonger sa lecture, et mieux comprendre la
situation à Lille-Béthune au début de la guerre. »
« Clovis
POREAUX est né dans le département de l’Aisne, au Nouvion-en-Thiérache le 30
septembre 1876. Lorsqu’il est convoqué pour faire son long service militaire (3
ans à l’époque), il est boulanger dans sa commune natale.
A la suite
de son service obligatoire, du 15 novembre 1897 au 22 septembre 1900, il décide
de changer de profession.
En janvier
1903, à 27 ans, il s’engage comme gendarme à pied dans le département du Pas de
Calais. Sa fiche matricule nous apprend qu’il était blond, mesure 1.67m mais
rien de plus.
Très
rarement, et c’est le cas ici, les militaires n’ont pas ajouté sur ce document
administratif les services faits pendant le conflit. Il a 38 ans lorsque la
guerre est déclarée. Par suite, il est affecté à un régiment de gendarmes
territoriaux. Mais l’invasion de la Belgique (neutre) l’a mis au 1er rang des
événements. »
« Ce
document est rare car il est écrit non par un poilu mais par un gendarme et
donc son rôle durant le conflit est différent. Ensuite il y a un coté « journal » : il nous détaille pendant presque 7 mois
les déplacements quotidiens de son escouade. Il tombe brusquement malade, mais
on ignore le diagnostic. Cela met fin à son engagement patriotique et à son
journal.
Il n’avait
pas fini de voir des « vert de gris » chez lui…
Il décède
en 1945. »
« C’est
un gendarme qui écrit. Il essaie de trouver les mots justes dans un lexique
restreint, presque officiel ce qui explique les répétitions et les tournures
justes mais pas très littéraires. Il fait peu de fautes d’orthographe, même si
quelques-unes persistent comme « aterissage » ou des
accords de participes passés. Il n’aime pas la ponctuation. Quelques signes ont
été ajoutés et les noms de villages corrigés pour fluidifier la lecture. »
« A
qui destinait-il ce texte ?
Nul ne
peut répondre. Peut être à sa famille, qui a gardé le
manuscrit ? Peut-être à ses supérieurs ? En le publiant, les historiens mais
aussi les habitants des communes citées auront quelques précisions sur des
faits vieux de plus de 104 ans. »
Les élèves de 3e E du collège A. Malraux à Romans/Isère ont saisi et annoté ce texte et avec l'accord de la famille.
Il a été adressé par email à la mairie de Béthune, aux archives départementales de l’Aisne, du Nord et du Pas de Calais ainsi qu’à la gendarmerie de Béthune.
Le document est libre de droits pour des usages non commerciaux - Il suffit de mettre le copyright suivant ©C.Deparpe-APHT 2018. Merci.
Voir ici sa fiche matriculaire.
Allez
directement au récit >>> ici
<<<
Du 23 août au 25 août 1914, il est en poste au nord de Lille et il constate l’arrivée de patrouilles allemandes par la frontière belge. Or la Belgique était officiellement neutre.
Rappelons que la guerre a été déclarée le 3 août par les Allemands aux Français et qu’immédiatement, les troupes germaniques sont entrées en Belgique. C’est le plan Schlieffen. Le gendarme POREAUX et ses collègues sont donc confrontés aux éclaireurs allemands qui arrivent par Comines. L’armée allemande va contourner la région lilloise par l’ouest.
Nous sommes dans une phase de la guerre de mouvement. L’ennemi veut atteindre avant tout des lieux stratégiques comme des ports, des nœuds ferroviaires et surtout menacer la capitale.
Depuis le 12 août 1914, les Alliés britanniques débarquent à Boulogne et renforcent le front dans le Nord. Les Allemands ont été repoussé du littoral mais ont gagné de nombreuses batailles sur la Somme ; les troupes françaises sont « démoralisées », note Clovis POREAUX.
Carte
du front. © Alain Houot
Du 28 août au 16 septembre 1914, nous suivons les déplacements d’une compagnie de gendarmes.
Ces mouvements de troupes s’inscrivent dans ce qu’on appelle généralement la « bataille de l’Aisne », c'est-à-dire les mouvements simultanés des troupes françaises qui reculent au sud ouest d’Amiens et celles allemandes qui progressent vers Paris sans réellement s’affronter. L’objectif des Français était de détourner les ennemis vers l’Est.
Les gendarmes ont parcouru plus de 200 km en 20 jours. Ils sont « épuisés » comme l’indique le journal.
Les Allemands avancent jusqu’à une cinquantaine de kilomètres de Paris…
Le 11 septembre, il évoque les cadavres à Nanteuil-le-Haudouin. Cette commune est située à l’extrême ouest de la zone des combats appelée « la bataille de la Marne », dans la région militaire dirigée par le général Maunoury et où les « taxis de la Marne » conduiront des renforts. La bataille –offensive de la Marne s’est déroulée du 5 au 13 septembre.
Du 17 septembre 1914 au 4 février 1915, Clovis POREAUX décrit des moments de la guerre de position.
Les armées se font face, retranchées dans des lieux plus ou moins fortifiés et elles essaient par des assauts, par des incursions d’avancer.
Ces 4 mois se déroulent au nord de Béthune, dans une région minière.
Les Allemands détruisent les zones d’habitation, mais ne bombardent, ne canonnent pas au hasard. Les mines de charbon ne doivent pas être atteintes. Elles sont stratégiques pour les deux camps.
Une lecture attentive enrichit notre connaissance dans de nombreux centres d’intérêts :
*Les gendarmes
Durant la guerre, ils ont, en plus des missions régaliennes habituelles (vols etc.), le devoir de guider les populations civiles qui évacuent les zones de guerre ; on les imagine surveillant les biens vidés pour qu’ils ne soient pas la proie des pilleurs. On se doute qu’ils avaient la mission peu agréable d’arrêter les déserteurs. Mais on ne les imaginait pas, en compagnie, combattant les troupes régulières allemandes !
*Les combats
On a parfois l’impression d’un western : « des chevaux, des coups de revolver, de l’esquive… »
*Les territoriaux
La frontière du Nord ne devait pas être le théâtre des combats, la Belgique étant neutre. C’est pourquoi des régiments de territoriaux, c'est-à-dire d’hommes plus âgés, père de famille, moins entrainés, avaient été positionnés ici. Le gendarme POREAUX insiste sur le désespoir de ces régiments bousculés par l‘ennemi.
*L’aviation militaire
Notre auteur est intrigué par cette nouvelle technologie. Il précise « monoplan ou biplan » ; il se fait une joie de garder les appareils. On devine qu’il y a une compétition internationale derrière cette arme ; C’est pour cela que « l’appareil allemand abattu est envoyé en Angleterre ».
*La bicyclette et les chevaux
Nos amis les chevaux furent les victimes nombreuses et collatérales de ce conflit. En lisant ces quelques pages, on relève le nombre élevés d’animaux morts « en service ».
Ils sont en partie remplacés par « la petite reine ». Des régiments de cyclistes sont difficiles à imaginer….On peut penser à une étape du tour de France, en uniforme, fusil sur le dos…
*Les civils. Victimes évacuées ou main d’œuvre mobilisée pour creuser des tranchées, ils sont présents en filigrane dans le récit lorsqu’il énumère les dégâts des bombes.
*Le respect des morts est omniprésent. On a le souci de demander que les corps soient ensevelis, peu importe la nationalité.
*L’arrivée de nos Alliés
Les Anglais sont signalés le 12 octobre 1914, soit 2 mois après leur débarquement.
Mais Clovis POREAUX est davantage intéressé par la venue des combattants de l’empire britannique. Il croise les Hindous le 14 octobre 1914, soit le lendemain de leur arrivée à Laventie puis le 13 janvier 1915 ; et les Canadiens le 8 janvier 1915. Les Allemands avaient compris que ces hommes venus d’autres continents ne se satisferaient pas de leur condition de colonisés et les pilotes arrêtés mi novembre 1914 avaient des tracts à leur intention à jeter au dessus de leur campement.
La guerre était déjà investie par la propagande, 3 mois après son déclenchement.
Ce témoignage est historiquement intéressant car il est inhabituel. Le lecteur découvre un quotidien, en temps de guerre différent des textes habituellement étudiés.
Personnes citées
Maréchal des logis BAUDIER - Gendarme BAUDOIN - Lieutenant COURTELIN - Brigadier DELAMÈDE - Gendarme D’HALLUIN - Maréchal des logis DESBUREAU - Brigadier DUGIMONT (+) - Gendarme DUJARDIN - Brigadier DUPUIS - Général EBENER - Commandant GEST - Lord Hamilton (+) - Maréchal des logis HELSE - Gendarme LE MAIRE - Capitaine MALASSEZ - Lieutenant MOREL - Brigadier MOREL (+) - Commandant POITEL - Gendarme POULAIN - Brigadier TABARY - Maréchal des logis VILSE - Brigadier WACQUEZ.
Avant-propos
La 1e légion de gendarmerie (état-major à Lille) avait comme effectif, en août 1914, 21 officiers et 967 chefs de brigades et gendarmes. La moitié de cet effectif était à cheval, le reste à pied et en bicyclette.
Dès le 23 août 1914, les Allemands se rapprochent de notre frontière. Plusieurs patrouilles firent leur apparition aux environs de Comines, Tourcoing et Cysoing.
C’est ainsi que ce même jour, vers 8h, étant à la disposition du capitaine (commandant de la 6ème compagnie du 8ème territorial) qui se trouvait à Warneton, j’aperçois à environ 800 m, sur la route de Messine à Neuve-Église, une patrouille d’une vingtaine de cavaliers allemands.
Ce sont ces mêmes cavaliers, qui, quelques heures après, ont été cernés dans une ferme à Geluwe et blessèrent 4 gendarmes belges et le commandant de la brigade de Warneton.
Le lendemain 24, la journée fut assez calme quoiqu’un taube (*), venant de la direction de Quesnoy-sur-Deûle ne vient survoler Comines et les environs, se dirige ensuite vers Linselles et Bondues.
Dans la soirée, les douaniers de la localité et ceux des localités voisines, qui, depuis déjà plusieurs jours étaient mobilisés, quittent le pays, ainsi que les troupes cantonnées dans les environs.
(*) : Un taube = avion allemand
monoplan
Notre situation étant devenue très critique, nous trouvant coupés de toute communication avec la compagnie, la section et les brigades voisines ; nous quittons notre résidence vers 7h en bicyclette et en tenue numéro 1 ; notre sac en tenue de campagne. (*)
Nous avons l’intention de nous replier conformément à l’instruction sur Arras.
(*) : Il précise qu’il part en bicyclette. On verra qu’il
va faire plus de 500km…avec ce moyen de locomotion, avec sa tenue de campagne.
Après nous être arrêtés quelques instants à Deûlémont pour observer et nous renseigner, nous apprenons que la brigade de Quesnoy-sur-Deûle est partie depuis la veille à minuit.
Nous continuons alors notre chemin et nous arrivons à la brigade D’Houplines vers 10h. Les hommes de cette brigade sont prêts à partir ; le chef de brigade est parti porter ses archives à la mairie.
Après son retour, les 2 brigades partent pour se replier sur Armentières.
Nous y arrivons vers 11h. Aussitôt le maréchal-des-logis chef VILSE décide lui aussi de se replier.
A 13h nous quittons pour aller cantonner à La Bassée. (C’est à Armentières que j’ai rencontré le camarade LE MAIRE). Chemin faisant, nous avons rencontré notre commandant de section qui nous ordonne d’aller à la gendarmerie de Laventie l’attendre.
A son retour, nous sommes dirigés sur Violaines.
Nous y arrivons à 19h30. Nous y soupons et nous y couchons dans une ferme.
Nous y avons de la paille à volonté dans une grange.
À 7h, nous quittons Violaines pour aller à Lens. (Je passe à Liévin). C’est au cours de cette étape, au pont d’Auchy-lès-La Bassée (*), que nous avons failli être victimes d’une douloureuse méprise.
Les soldats qui gardaient ce pont, voyant arriver nos cavaliers avec leurs casques, les prirent pour des Allemands. Aussitôt, ils se précipitèrent dans leurs tranchées et prirent leurs positions de combat.
Nous sommes arrêtés aussitôt et avons envoyé un gendarme cycliste nous faire reconnaître.
Nous arrivons à Lens à 9h30. Nous y passons le reste de la journée dans la cour et nous couchons aux forces supplétives sur la paille.
(*) : Pour info, Auchy-La-Bassée
s’appelle maintenant Auchy-les-Mines
À 6h, nous quittons Lens, pour aller à Arras.
Chemin faisant, nous rencontrons de nombreux détachements de soldats d’infanterie territoriale. Ils nous déclarent avoir subi de fortes pertes aux environs de Douai-Valenciennes. Ils sont exténués de fatigue et paraissent déprimés ainsi que leurs officiers.
Nous arrivons en gare d’Arras à 9h.
Après quelques heures de repos, nous sommes employés au chargement de fusils laissés dans les casernes.
A 15h, l’ordre d’embarquer nous est donné et vers 16h30, nous prenions, ainsi que plusieurs prisonniers allemands, la route d’Amiens où nous n’arriverons que le lendemain à 11h.
En cours de route, nous avons attendu de longues heures dans les gares de St Pol, Petit Houvin, Frévent, etc…
A notre arrivée, tout le monde avait faim et était fatigué. Nous n’avions rien mangé depuis la veille à midi. Nous avons été cantonnés à l’école Paul Bert où nous sommes restés deux jours, les 28 et 29 août.
Des troupes d’infanterie, provenant de régiments territoriaux du midi, défaits à Paillencourt (*), arrivent aussi à notre cantonnement pendant la nuit.
Ils sont fatigués et apeurés. Ils font peine à voir.
Depuis la veille, nous entendons la canonnade aux environs d’Amiens, les nouvelles les plus diverses nous parviennent. Des régiments d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie passent en ville.
(*) : Le 28e régiment d’infanterie
territoriale avec 20 tués et le 44e régiment d’infanterie
territoriale avec 3 tués, sont les seuls tués à Paillencourt
en août 1914. Tous deux régiments sarthois.
Les nouvelles sont peu favorables.
Les Allemands se trouvent aux abords de ville. L’ordre de quitter celle-ci nous est donné vers 9h. Nous sommes rassemblés dans la cour de gendarmerie et formés par peloton (bicyclistes, cavaliers, fantassins).
Le lieutenant COURTELIN a le commandement des pelotons cyclistes. (*)
A 10h, alors que la canonnade et la fusillade font rage, nous essayons de quitter Amiens mais bientôt, nous devons nous replier et emprunter une autre direction.
Le gendarme POULAIN fait peu après une chute de vélo et est blessé. La bicyclette et son fusil sont mis hors d’usage par une automobile.
Peu après, le brigadier TABARY (**) des brigades de Lille est frappé de congestion et meurt dans un château où il avait été transporté.
Vers 19h après une très longue étape sous un soleil brûlant, nous venons coucher à Esquennes (Somme) dans une grange. (***)
(*) : Un peloton
de 60 cyclistes, dont fait partie Clovis POREAUX, est constitué en unité
combattante, sous les ordres du sous-lieutenant COURTELIN (source historique 1e
légion, ordre du ministre de la guerre)
(**) : TABARY Augustin Louis (de Bullecourt,
62), 42 ans, chef de brigade, est mort pour la France, suite à insolation, le
30 août 1914 à Quévanvillers (80). Voir sa fiche.
(***) : Esquennes est
maintenant Equennes-Eramecourt (depuis 1972) et
s’était écrit Equennes (sans le s en 2ème lettre -
carte ancienne IGN 1833 validée 1892) ou Esquesnes (1
seul n - Géoportail).
À 8h, départ, il fait encore très chaud.
Les pays sont très accidentés et les routes rendues mauvaises par le passage de nombreuses troupes, notamment de l’artillerie. Nous faisons une halte à Quevauvillers.
Arrivés à Grandvilliers, nous rencontrons le général EBENER.
Notre colonel nous rassemble dans une petite avenue boisée et après nous avoir dit qu’il comptait sur nous, il nous annonce que nous sommes affectés à la 61ème division de réserve et aussitôt nous partons (le peloton cycliste) vers Poix communiquer des ordres à la 3ème brigade d’artillerie qui doit activer sa marche.
Nous arrivons à Marseille-le-Petit (Marseille-en-Beauvaisis), vers 12h, nous y prenons nos cantonnements et nous y dînons.
A 14h, l’approche de l’ennemi étant signalée, nous sommes rassemblés et nous quittons la localité.
Après une très longue étape et en plein soleil, nous reprenons la route.
Peu après, le brigadier MOREL tombe, frappé d’insolation. Je suis désigné comme cycliste pour aller en informer notre colonel qui se trouve en tête de la colonne des troupes et réclamer un médecin.
J’arrive enfin au cantonnement à 20h30.
Le parc d’artillerie est formé dans une prairie, à l’entrée du village de Villembray. Nous y déposons nos bicyclettes, et nous y couchons.
La nuit fut froide.
Vers 7 heures, nous quittons Villembray et nous venons coucher Santeuil où nous arrivons à 21 heures nous cantonnons dans une maison inhabitée où peu après notre arrivée nous recevons de la paille.
La matinée fut réservée pour nous nettoyer.
A 15h, nous sommes rassemblés dans un petit bosquet à bordure de route. C’est là qu’il fut annoncé que les blessés seraient laissés à l’arrière ainsi que ceux qui ne pouvaient suivre.
A 17h, nous avons quitté Santeuil pour venir prendre les avant-postes à Grisy (Grisy-les-Plâtres). Nous faisons des patrouilles dans la commune de Cormeilles (Cormeilles-en-Vexin) et au cours de l’une d’elles, j’ai assisté à l’atterrissage d’un biplan français armé d’une mitrailleuse. (*)
Nous avons aidé les pilotes à mettre leur appareil en lieu sûr.
Vers 23h, j’ai également aperçu un dirigeable allemand à haute portée. Il voyageait avec ses feux allumés et ses réflecteurs.
(*) : Ils sont à une vingtaine de km au nord de Pontoise,
agglomération elle-même localisée à 30 km au nord de Paris. Les Allemands
patrouillent donc à moins de 50 km de la capitale…
À 15h, nous quittons Grisy-aux-Plâtres pour aller rejoindre le détachement à Épiais-Rhus.
A 21h, nous allons en patrouille sur Marines et les environs. Nous rentrons aux cantonnements à 9h sans aucun incident.
Date non indiquée sur le carnet, mais ajoutée par déduction.
A 11h, une patrouille allemande de cuirassiers blancs nous est signalée.
Aussitôt le lieutenant COURTELIN reçoit l’ordre de la rechercher. Nous la découvrons près d’un petit bosquet. Le lieutenant nous fait cerner ce bois (Nous étions quatre compris l’officier et les Allemands dix).
Au moment où nous allions à la faveur d’un chemin creux aux talus boisés pouvoir nous en approcher à environ 200m, une fusillade éclate derrière nous, à environ 600m.
C’était le commandant POITEL accompagné de quelques gendarmes qui avaient ouvert le feu à environ 800m. De notre position, nous entrons nous-mêmes en action.
Les Allemands se trouvant face à nous à la bordure extérieure du bois. Ils ripostent par quelques coups de feu sans résultat et prennent la fuite. Avec notre lieutenant, et deux autres camarades, après avoir déposé nos bicyclettes dans la ferme de Vallangoujard, nous nous mettons à la poursuite de l’ennemi.
Nous traversons une prairie et une petite clairière et nous trouvons bientôt à environ 40 m du lieu où les Allemands se trouvaient quelques instants auparavant. Nous traversons cet espace et nous contournons le bosquet guidé par le pas des chevaux. Je rentre dans un champ de maïs, d’où le lieutenant me fait aussitôt revenir, prévoyant le danger.
J’obéis, mais bientôt avec le brigadier DELAMÈDE de Pas-en-Artois, nous y retournons.
A ce moment j’aperçois l’officier allemand près de son cheval. Il me met en joue de son revolver, mais au même moment, je fais feu. Il est blessé et veut se sauver, mais un second coup de feu que je lui tire à environ 300m l’étend à terre. Je cours vers lui, le désarme et le relève.
A ce moment le lieutenant COURTELIN arrive et prend possession du prisonnier qu’il fait fouiller par mes camarades. Il le conduit ensuite vers l’automobile du commandant POITEL et m’ordonne d’achever le cheval blessé.
Dans cette affaire, plusieurs autres cavaliers furent blessés, car on a remarqué peu après plusieurs chevaux sans cavaliers qui suivaient les autres dans leur fuite après la capture de leur chef.
Nous revenons ensuite à Épiais-Rhus.
A 19h le peloton cycliste au complet (50) est envoyé en reconnaissance sous le commandement du lieutenant COURTELIN, vers la route de Pontoise, en passant par Nesles-la-Vallée et Valmondois.
En traversant la forêt de cette localité, vers 23h nous avons été assailles par une vive fusillade partant des deux côtés de la route plus de 600 coups de feu furent tirés. Nous n’avons pas riposté, nous trouvant dans un chemin très encaissé et à l’abri des balles.
Mais devant l’impossibilité de continuer notre route, nous avons fait demi-tour et le lieutenant nous ramena à Nesles pour renforcer le poste de 50 gendarmes qui s’y trouvaient déjà. Il me désigna ensuite avec le maréchal-des-logis DESBUREAU pour aller informer le colonel des incidents survenus.
Nous arrivons à Épiais-Rhus à 23h50.
À 00h30 le brigadier DUPUIS me commande pour aller avec lui prévenir deux postes situés au hameau de Fay. (*)
Nous revenons à Épiais-Rhus le 5 à 5h. Nous avions parcourus depuis la veille environ 80 km. (En vélo !)
C'est le 5 au matin que le gendarme BAUDOIN fut blessé d'une balle dans la cuisse et que le maréchal-des-logis BÉZÉGER dut se replier étant tombé nez à nez avec une patrouille allemande sur la route de Marines.
A 16h, nous quittons Épiais-Rhus pour aller à Pontoise.
Nous y arrivons à 18h30. Nous sommes cantonnés dans une caserne en construction et nous couchons dans les baraquements des briquetiers.
(*) : Pour info, le Fay est à
2.5km au nord de Grisy-les-Plâtres
Un repos nous est accordé jusqu'à 15h.
A ce moment, le peloton cycliste est réuni et nous sommes envoyés avec notre lieutenant pour prendre les avant-postes à Osny. Nous sommes placés en sentinelles double dans les champs.
La nuit fut assez calme.
À 4h, nous quittons notre service pour nous rassembler sur la route de Pontoise. Nous retraversons cette ville où le détachement nous attendait, puis nous nous dirigeons vers Paris.
Nous passons à St Denis. Les forts sont occupés par les zouaves. Les bois, les taillis, et les arbres qui bordent les routes sont coupés à 1 m 50 de hauteur environ et sont barbelés de fils de fer ronce. Nous reprenons ensuite la route et nous venons cantonner à Aulnay-sur-Bois.
La vie est très chère.
Je suis de planton du colonel à la poste. Je vois passer plusieurs trains de blessés allant vers Paris.
À 8h45, nous quittons Aulnay-sur-Bois pour aller à Saint Mard. Nous rencontrons de nombreux blessés allemands et français en automobile.
Sur les champs de batailles des tas d’Allemands et de chevaux s'y trouvent encore. Ils sont recouverts de chaux. D'autres sont dans des fosses non comblées.
Le pays est infecté.
Je suis désigné comme planton du colonel à l'état major de la 61ème division à Dammartin. (Dammartin-en-Goële)
J'y vois une trentaine d'Allemands prisonniers.
À 6h, nous quittons Saint-Mard.
Nous traversons Dammartin et le champ de bataille de la Marne. A Nanteuil-le-Haudouin, de nombreux tués allemands gisent dans les champs et dans les fossés.
A Crépy-en-Valois, 400 allemands environ se trouvent sur un trottoir près d'un hôpital. Nous sommes couchés à Bonneuil-en-Valois où sur l'ordre du lieutenant COURTELAIN, nous faisons la visite du château, revolver au poing.
Nous y faisons prisonnier un officier et 3 soldats. Nous y découvrons également un comte, mortellement blessé.
A notre arrivée dans cette localité, après une étape de 70 à 80 km, nous apprenons que les Allemands venaient seulement d'évacuer la localité. Nous sommes logés au château où nos prisonniers sont gardés à vu.
La fusillade et le canon firent rage toute la nuit.
À 4h30, nous reprenons notre marche.
Nous traversons la forêt de Villers-Cotterêts au milieu de la canonnade.
Les Allemands replient rapidement. Les habitations ne paraissent pas trop avoir souffert de l'occupation. Seules quelques maisons sont brûlées.
Nous faisons halte à Haute-Fontaine où la pluie commence à tomber.
Les habitants nous apportent du lait.
Dans l'après midi, vers 16h, nous nous remettons en marche et toujours, sous une pluie battante et sans aucune nourriture depuis la veille, nous venons cantonner à Mortefontaine où nous arrivons à 22h.
Les habitants ont quitté le pays et les maisons sont fermées. Nous attendons environ 1h sous la pluie avant de trouver un gîte.
Enfin, nous entrons dans une ferme inhabitée. Nous y trouvons un peu de foin pour nous coucher. Nous allumons un immense feu à l'âtre et nous faisons tous sécher nos chemises et nos effets.
C'est ce jour que les gendarmes à cheval (*) sont allés en avant de l'artillerie avec le capitaine MALASSEZ.
(*) : Il précise « gendarme à cheval », car
eux, ils sont à vélo.
À 6h, je pars avec le maréchal-des-logis BAUDIER pour surveiller la route de Jaulzy.
Le lieutenant MOREL du 1er Dragon y est tué près de moi par un éclat d'obus. (*)
De nombreux régiments d’infanteries, d'artilleries et de cavaleries se dirigent vers l’Aisne. Une division de spahis passe au trot.
Peu après avec les gendarmes à cheval et le reste du peloton cycliste nous les suivons et bientôt, nous arrivons à Jaulzy où un pont a été établi sur l’Aisne par le 6eme régiment du génie.
C’est le commencement de la bataille de l'Aisne.
La canonnade est très violente mais paraît être sans effet. Les obus allemands éclatent au dessus d'un bois voisin où aucune troupe ne passe. Nous cantonnons à Jaulzy après avoir été jusqu'à Vic-sur-Aisne.
(*) : Le 1e régiment de Dragons ne se trouvait
pas cet endroit. Il n’y a pas de lieutenant MOREL tué le 13/09/1914….
La canonnade continue.
Vers 9h, nous sommes informés que sur l'ordre du Ministre de la guerre, nous étions détachés de la 61eme division.
A 14h, nous quittons Jaulzy pour aller coucher à Haute-Fontaine. Un petit hameau que nous traversons est presque entièrement détruit par les obus, ainsi qu'une église. Plusieurs incendies brillent.
Nous sommes logés dans une grange.
À 7h, nous quittons Haute-Fontaine, le canon gronde toujours. Nous sommes embarqués à Crépy-en-Valois.
Quelques maisons de cette localité sont brûlées ; d'autres évacuées par leurs habitants ont leur devanture défoncée et ont été pillées. La gendarmerie de la localité est du nombre.
Tous les meubles sont brisés. Les matelas ont servis de litière aux chevaux allemands. Ils gisent dans le fumier.
A 15h30, nous quittons Crépy-en-Valois pour Boulogne. (*)
Nous arrivons le 16 à 15h et nous prenons nos cantonnements dans une caserne d'infanterie.
(*) : Boulogne-sur-Mer (62)
Nous furent accordés pour nous reposer et arranger nos effets et bicyclettes.
Nous allons manœuvrer dans les dunes de Wimille.
À 7h, nous quittons Boulogne à destination de Lille.
Nous y arrivons à 14h. Ordre est aussitôt donné de ne pas quitter les quais ce jour.
Je vais en patrouille à Cysoing et les environs.
Même service à Seclin ainsi que le 23
Dans l’après midi du 23, 15 gendarmes vont chercher 7 Allemands tués et 3 automobiles.
C’est ce jour que le brigadier DUGIMONT fut tué et un gendarme blessé. (*)
(*) : DUGIMONT Alexandre, 37 ans, brigadier à pied, tué à
l’ennemi par balle le 23 septembre 1914 à Wanquetin
(59). Voir sa fiche. Tué suite d’une balle dans la gorge, il était
de la brigade de Vis-en-Artois (hist. 1e légion)
Dans l’après midi, nous quittons Lille pour aller à Pérenchies où je suis planton, à la porte jusqu’à 8h.
A cette heure, nous quittons Pérenchies sur l’ordre du colonel pour venir à Lambersart.
Nous couchons à la gendarmerie sur les carreaux, sans paille.
Je vais en patrouille à Orchies et le soir je suis de garde des prisonniers allemands.
Je vais en patrouille à Flines-lez-Raches.
Les 27,28, 29 et 30 de planton à la mairie de Lambersart.
En patrouille à Comines.
Patrouille à Pérenchies.
À 4h, de service à la porte d’Arras. (À Lille)
Vers 7h des civils m’informent qu’une patrouille allemande d’une quinzaine de cavaliers de dirigeant vers Lille, se trouvait à La Pissotière.
Peu après, je fus avisé de la présence d’une autre patrouille de même effectif se trouvant à l’Arbrisseau et venait également vers Lille, par la route de Seclin et la porte d’Arras.
Vers 8h45, une 3eme patrouille de 35 cavaliers avec une mitrailleuse me fut également signalée dans la même direction. Aussitôt j’avisais les 2 chefs de poste voisin qui détachèrent un gendarme pour prévenir le commandant GEST à Lambersart.
Aussitôt cette précaution prise et mon camarade revenu, je quittais la porte et me portais en avant, au dessus du passage à niveau. Je fus alors avisé que quelques Allemands se trouvaient à droite de la rue dans une briqueterie.
Je revins aussitôt vers la porte d’Arras pour prévenir mon camarade DUJARDIN et lui donner les instructions nécessaires pour le cas où je viendrais à être attaqué.
Je retourne ensuite au passage à niveau ; mais à peine y étais-je, que j’entends une détonation et une balle siffle près de moi.
Je me tourne à droite pour voir ce qui se passe ; au même moment un second coup de feu me fait voir un cavalier allemand abrité derrière une haie du chemin de fer dans la rue Marquillies (de Lille). Je me précipite vers l’ennemi, et, de là, j’ouvre le feu.
Ma 1ere balle le blesse car il chancela sur son cheval. Nous échangeons ensuite 4 balles coup pour coup, puis il se sauve dans les champs par l’extrémité de la rue Marquilli. Je me mets aussitôt à sa poursuite en bicyclette. Mais arrivé à l’extrémité de la rue, dans les champs, je le perds de vue et en aperçoit un autre derrière les maisons au moment où arrêté, il épaulait un biplan passant à faible hauteur.
Je fais aussitôt feu.
Le cheval tombe. Son cavalier peut néanmoins se relever et prendre la fuite. Je continue à tirer, ainsi que mon camarade DUJARDIN, arrivé à mon aide. Plusieurs autres cavaliers allemands galopent dans les champs lorsque le 2eme et son cheval sont à nouveau abattus.
Nous courrons pour les capturer, mais à ce moment les autres cavaliers étant devenus menaçants, et craignant d’avoir notre retraite coupée, nous jugeons prudents de nous replier en abandonnant nos ennemis blessés.
Ils furent retrouvés morts le lendemain, l’un et son cheval, entre deux meules de paille ; le second près de la route de Seclin et son cheval un peu plus loin à l’endroit où il s’était abattu à notre départ. Ils portaient le 1er une blessure à la tête, le 2eme, 2 blessures l’une à la poitrine l’autre au … (illisible).
Quant aux chevaux, ils portaient tous deux plusieurs blessures notamment sur le corps et à la tête.
De patrouille à Saint-André, Ronchin, etc.
Les gendarmes à cheval tuent un bicycliste et saisissent sa machine. Ils reviennent avec 3 chevaux.
A notre retour de patrouille, vers 23h, nous manquons un Allemand en bicyclette ; mais au même moment, les Allemands arrivent en sens inverse le capturent.
La même nuit, les chasseurs à cheval saisissent un parlementaire et 3 officiers.
Après explications, ils sont reconduits, les yeux bandés au lieu de capture.
A notre retour à Lambersart, à 23h30, nous repartons pour Saint-André et Marquette. Nous rentrons en cantonnement le 5 à 6h.
Vers 11h, les Allemands arrivent à Fives, Ronchin et les environs. Ils placent leur artillerie dans les rues et ouvre le feu sur les maisons. Les pertes allemandes sont élevées.
De patrouille à Fives, Ronchin, Lézennes etc… l’aspect de ces communes est terrifiant, beaucoup de maisons sont démolies.
De patrouille à Ronchin, et les environs, beaucoup de soldats français surpris par l’ennemi sont tués (112). Nous invitons le maire ainsi que ceux des autres communes à faire procéder à leur inhumation.
À 13h au milieu des plus grands dangers nous quittons Lambersart. Nous sommes presque encerclés.
La population nous fuit. Je suis désigné avec le brigadier WACQUEZ, DUJARDIN et D’HALLUIN, comme éclaireur. Aussitôt notre sortie de Lomme, un taube vient planer au dessus de nous. Peu après une patrouille de chasseurs à cheval est attaquée à notre gauche.
Nous continuons notre route aussi vite que possible.
Nous arrivons à Rouge Croix à 20h. Après quelques minutes de repos, pour attendre le gros de notre colonne, nous reprenons notre marche pour venir coucher à Vieille-Chapelle, où nous sommes cantonnés à la mairie et dans les écoles.
Nous quittons Vieille-Chapelle à 3h30 et nous (illisible) faire halte à Liéres. Les gendarmes à pied sont exténués et l’on doit leur fournir des moyens de transport pour continuer la marche.
C’est à Liéres que nous avons eu connaissance que les Allemands étaient arrivés à la mairie de Vieille-Chapelle peu après notre départ, et que la veille au soir, lors de notre passage, à Rouge-Croix, nous avons croisé une patrouille cycliste allemande qui était embusquée, et qu’un escadron allemand se trouvait dans un champ à 300 m du lieu où nous avions pris quelques minutes.
Nous quittons Lierres à 13h ; nous rencontrons de nombreux détachements de cavalerie et d’artillerie anglaises.
Nous venons coucher à Fruges.
Vers 9h nous quittons à nouveau Fruges, nous venons cantonner à Béthune où nous arrivons à 18h après une journée de pluie. Nous faisons halte à Fouquereuil et nous assistons à l’atterrissage d’un monoplan français abattu par les Allemands.
Les 2 aviateurs furent tués.
Le même soir à 20h quoique trempés par la pluie de la journée, nous prenons la faction au pont des 4 Faces. Nous y restons jusqu’au 15 à 9h30.
Le lendemain repos.
À 8h, nous quittons la caserne pour aller rassembler et conduire 800 évacués qui doivent faire les tranchées.
En cours de route, dans les communes de La Couture, Vieille-Chapelle, Annequin etc … Nous y trouvons beaucoup de ruines , fermes incendiées , maisons et églises abattues ou éventrées.
Nous rentrons à 21h.
De service aux évacués à la gare.
De planton à la gendarmerie. 23 prisonniers allemands nous sont acconduits.
Patrouille cycliste de Béthune à Bruay (Bruay-le-Buissières). La canonnade est assez vive.
De service à Locon et Vieille-Chapelle et Richebourg. Le major Lord HAMILTON, est enterré à l’entrée du cimetière de LA COUTURE. Je retrouve dans une ferme incendiée la tunique du camarade LE MAIRE qui avait failli être fait prisonnier. Elle n’avait plus aucun bouton et recouvrait la tombe d’un Allemand. Cette ferme est complètement crénelée par les obus.
Le long des routes se trouvent plusieurs tombes de soldats. Les coiffures (*) indiquent leur arme et leur nationalité.
(*) : Il s’agit bien sûr des casques ou chapeaux
militaires, en général placés sur une croix en bois.
De patrouille de Béthune à Roeux. (*)
(*) : Pour info, la distance de Béthune à Roeux est d’une quarantaine de km, soit 80km AR en vélo
dans la journée, et la même chose le lendemain de Béthune à Lille !
De patrouille de Béthune à Lille.
De service à Choques et à Locon, la canonnade fait rage.
Les hindous arrivent. (*)
(*) : À cette époque, l’Inde faisait partie de l’empire
britannique.
De service aux Brebières (*) et à Mazingarbe.
Notre artillerie tire sans arrêt sur Vermelles et Aix-Noulette et Ablain-Saint-Nazaire qui est repris avec le bois de Mont. Les soldats territoriaux occupent des tranchées qui bordent la route.
A Mazingarbe, quelques obus éventrent des maisons. Le brigadier DUPUIS se trompe de route et s’engage avec moi sur la route de Vermelles à proximité de l’ennemi.
(*) : Les Brebières
non trouvé près de Mazingarbe et ne peut pas être Brebières
entre Douai et Arras qui était en zone occupée. Cependant, le 9 novembre, il y
est de service entre Béthune et Lens. Or, il existait à Mazingarbe le quartier
(ou lieu-dit) des Brebis (actuellement la cité des Brebis) et nous pensons
qu’il s’agit de cet endroit.
Un internaute a-t-il une autre proposition ?
De service aux évacués à Beuvry environ, 2000 quittent le pays.
Même service, un taube surveille Béthune et jette une bombe sur la place.
Elle fait plusieurs victimes.
De service à Béthune à Lillers
De service de Béthune à Lillers
De service de l’arrière à Sailly(-Labourse). Un taube nous survole.
Peu après les obus allemands arrivent nombreux dans un champ de betteraves à peu de distance de nous et sur les corons d’Annequin. L’un d’eux entre dans une ferme et tue 17 hommes et en blesse 22.
Les militaires tués ou morts sont enterrés au cimetière de Sailly dans des tranchées communes, sans aucun cercueil.
Un taube survole à nouveau Béthune et jette 2 bombes sans résultat.
Le soir, nous allons à Chocques surveiller un biplan français atterri dans les champs à cause de l’obscurité.
Nous partons à Bruay pour le Président de la République. (*)
Je suis de garde au château où il est logé, chez le directeur des mines. Beaucoup d’artillerie française arrive et se dirige vers la Belgique.
(*) : Poincaré était bien dans la région les 2 et 3
novembre (Dunkerque, La Panne, Cassel) mais il ne mentionne pas dans ses
carnets (écriture difficilement lisible) être allé à Bruay,
n’y ayant probablement que passé la nuit.
Le Président de la République quitte Bruay vers 9h.
Nous sommes ensuite de garde au champ d’aviation. 6 biplans et 17 monoplans s’y trouvent. Nous assistons à leur départ et à leur retour. Les biplans emportent des bombes et des obus et quelques fusils ainsi que plusieurs caisses de fléchettes en acier.
Le soir à 20h nous quittons Bruay pour revenir à Béthune.
Les Allemands commencent à bombarder cette ville.
De service à la gare pour les évacués.
Quelques obus allemands viennent éclater le matin et le soir aux environs de la place de Béthune et de la poste. L’un d’eux tombe à 50 m de notre caserne dans un jardin.
De service de Béthune à Roeux.
Oh15 un obus passe au dessus de nous et tombe un peu plus loin. Il est bientôt suivi de 5 autres qui tombent sur notre route en faisant de grands trous.
Dès la pointe du jour, les avions sillonnent le ciel. Les Allemands sont pourchassés par notre artillerie.
De service de l’arrière à Beuvry et Sailly. Les obus allemands tombent nombreux.
A 15h nous venons à l’état-major où nous assistons à la remise de la médaille militaire à 4 sous-officiers territoriaux. 56 prisonniers allemands assistent à cette opération.
Peu après nous en conduisons 96 Allemands au quartier général de Roeux.
La journée a été chaude, nous avons fait environ 200 prisonniers.
Nous rentrons à Béthune à 21h.
De repos. Quelques civils sont tués et blessés.
De service au pont d’Hingette avec les Hindous. Des obus tombent encore sur Béthune.
De service de l’arrière à Beuvry, Sailly, Mazingarbe, Les Brébieres, Bully-Grenay et Loos-en-Gohelle.
Les Allemands occupent les abords des fosses, 16 de Lens à Liévin, et 5 de Béthune à Loos-en-Gohelle.
Les tranchées sont à 30 m les unes des autres. Un drapeau français est planté derrière la 1ere tranchée allemande, contre le mur et ceux-ci n’osent aller l’enlever. Un soldat français tué depuis 15 jours est sur le chemin, et l’on ne peut aller le chercher car au moindre mouvement, c’est la fusillade de part et d’autre.
Nos artilleurs tirent sans arrêt. Les Allemands ne répondent que peu.
La section de Lille nous quitte pour aller à Armentières.
De planton à la caserne. Les obus tombent encore sur Béthune.
De repos rien de nouveau.
De service route de Béthune à Lillers.
De service de l’arrière à Locon, Vieille-Chapelle et Richebourg. Ces communes sont toujours occupées par les Hindoux.
La canonnade est peu violente.
De service au pont de Gorre à Beuvry. Un taube nous survole à faible hauteur. L’artillerie l’encercle bientôt et l’oblige à abandonner sa direction de Béthune et à rentrer dans ses lignes.
Les Hindous quittent peu après leurs cantonnements et bivouaquent et vont vers Festubert.
A 17h30 je change de service et je vais au pont de Beuvry. La fusillade est vive toute la nuit.
Deux fillettes sont tuées à Béthune par des obus. L’horizon est éclairé par les réflecteurs et les étoiles lumineuses.
De repos.
Les Allemands continuent le bombardement de Béthune.
À 6h de service au pont d’Hingette. Le canon tonne sans arrêt.
Le soir à 18h de service au pont de Gorre un assaut de nuit est donné par les Allemands au dessus de Violaines. Ce combat se prolonge bientôt sur toute la ligne.
La canonnade fait rage. Les maisons tremblent.
De service au pont Hingette.
Départ pour les tranchées. Nous couchons à Touret, hameau de La Couture.
Nous venons à Locon au lieu dit : le Choquis. (*)
Nous y couchons.
(*) : Le Choquis doit être
maintenant Les Choquaux (s’appelait initialement Le Choquiau)
Même service.
De retour des tranchées.
A 14h, j’assiste à l’atterrissage d’un biplan allemand monté par 2 officiers. Ils sont aussitôt faits prisonniers. Ils étaient porteurs d’un revolver d’ordonnance, de 2 revolvers à fusées et de proclamations pour les troupes indiennes.
De service au pont du cimetière.
De service au pont d’Avelette.
De service au bois d’Essar.
De service au pont d’Hingette. 96 prisonniers passent en ville.
De service au pont d’Avelette.
De service au pont d’Hingette. Le biplan allemand capturé passe à Béthune pour l’Angleterre.
Repos, une division anglaise passe en ville. Aucun obus ne tombe sur Béthune. 500 de ceux-ci y sont arrivés depuis le 3.
De service au « Pont des 4 Faces ».
Le château de Vermelles est enlevé d’assaut. Le roi d’Angleterre vient à Locon.
De service au pont de Beuvry.
Même service, vive fusillade toute la nuit dans la direction de Vermelles.
De service au bac d’Essars.
De service au pont des 4 faces.
De service au passage à niveau de la rue de Lillers.
Même service jusqu’à 6h30.
A 9h départ pour les tranchées à Festubert
De service aux tranchées à Cuinchy et Auchy-lès-La-Bassée. Les villages sont presque détruits, peu de maisons sont indemnes. Les clochers sont démolis et présentent un aspect lamentable.
Notre artillerie et l’artillerie anglaise tirent presque sans arrêt. Les Allemands ne répondent pas, seules quelques balles viennent dans nos rangs.
Même service, même situation.
Retour des tranchées et service au pont du moulin d’Anzin. (*)
(*) : Il s’agit du moulin d’Annnezin
(Anzin dans le Nord étant occupé, et Anzin-St-Aubin près d’Arras étant trop
loin) et il y retourne le 24 janvier 1915.
De service au bac d’Essars.
De repos.
De service au bac des Essars.
De service au passage à niveau de la route de Roeux.
De service au bac d’Essars.
De service route de Lillers.
De service au bac d’Essars.
De service au pont du marché aux chevaux.
De service au bac d’Essars.
De service au pont du cimetière.
De service au pont de Beuvry, une division de cavalerie et deux d’infanterie anglaises passent se dirigeant vers La Bassée.
De planton à la gendarmerie.
De service au bac d’Essars.
De service au pont du marché aux chevaux.
De service au pont du cimetière.
De repos.
De service au pont du marché aux chevaux.
Départ pour les tranchées à Festubert. J’y couche.
Quelques obus viennent tomber à environ 500 m de nous.
Même service.
A 8h un obus anglais tiré à 300 m en arrière de nous, éclate à 1 mètre de moi. Une partie de l’obus me passe dans les jambes et blesse l’homme que j’étais près à interpeller.
Même service, une chenille allemande (*) apparaît toute la journée. La corde est visible à l’œil nu.
(*) : Un ballon d’observation.
Même service.
Les Allemands tirent sur les tranchées ; un obus éclate au milieu des ouvriers. Ils se cachent dans les tranchées et personne n’est blessé.
Retour des tranchées. Le canon tonne toujours.
De service au pont de Beuvry.
De service au passage à niveau de Bruay.
De service sur les lignes à Festubert, Cambrin et Cuinchy. Tout est ruiné partout.
Même service, vive canonnade à Cuinchy. Le train blindé répond violemment. Beaucoup d’obus allemands éclatent sur Cuinchy et notamment aux environs du pont ; plusieurs à moins de 40 m de nous, dont une marmite.
Même service, même situation
Même service, vive canonnade.
Les Allemands ripostent et tirent sur Cambrin et Annequin, de 11h à 11h30. Les obus tombent à 25 m de nous. Il n'y a aucun blessé.
Vers 13h la canonnade allemande recommence à Cuinchy et à Gorre. Plusieurs obus tombent sur le château de Gorre, 25 canadiens sont tués et 12 blessés. Notre artillerie répond vivement et réduit les Allemands au silence.
Même service.
Vive canonnade à Annequin, Cambrin, Cuinchy, et Festubert. Le train blindé répond avec succès sur Violaines ; situation inchangée.
Même service violent canonnade des alliés des 13h30 à 16h30, Les Allemands ripostent par quelques obus.
Quelques Anglais blessés dans une maison à environ 70 m de nous.
Même service. La canonnade et la fusillade sont vives ; situation inchangée.
Même service, même situation.
Même service, très violente canonnade allemande sur Cuinchy,
De service aux tranchées à Mont Bernanchon et Hinges jusqu'au 22.
De service au bac des Essars le matin.
L’après midi manœuvre au champ de mars à Béthune, pendant que le canon tonne violemment vers Festubert, Cuinchy, etc…
De repos,
jusqu’à 18h.
A ce
moment de service au moulin d’Annezin. Jusqu’à 24h.
De service sur le front ; vive attaque vers Richebourg, Festubert et Cuinchy.
Quelques obus tombent sur Béthune.
De service au pont de Beuvry.
De service sur le front à Vieille-Chapelle, Richebourg, La Couture et le Touret.
Même service.
Les Allemands bombardent le Touret. Quelques obus tombent près de nous, dont un à quelques mètres.
Le brigadier DUPUIS, enlevé par l’émotion, laisse glisser sa bicyclette dans ses jambes ; puis à 4 pattes avec la rapidité de l’éclair se réfugie dans un fossé, puis dans les ouvrages anglais.
Remis un peu de sa terreur et me voyant toujours au milieu du chemin ; il revient et nous continuons notre route. Jamais je n’ai eu pareil terreur.
Même service ; vives attaques vers 8h30 dans la direction de Cambrin et vers 10h30 dans la direction de Lille.
Même service ; journée plutôt calme.
Même situation.
Même service ; engagements assez violents vers Lille.
Même service.
Même service, je suis malade et dois rentrer.
Repos.
Départ pour les lignes ; mais je dois rentrer à nouveau.
Malade à l’hôpital de Béthune jusqu’au 7 avril 1915.
Départ pour Paris.
J’entre à l’hôpital de Clichy jusqu’au 2 juin.
Puis à Laennec jusqu’au 22 juillet 1915. Je quitte ensuite Paris et viens à Bligny (*) du 22 juillet 1915 au 5 juillet 1916.
Je suis ensuite évacué à Saint-Jodard (Loire).
Là, j’achève de me rétablir ; je commence à sortir.
Après 3 mois de cure, je me sens enfin assez bien. Je fais une demande au colonel pour rejoindre le front.
Je passe la visite. Je suis reconnu bon mais avec beaucoup de ménagements.
Je quitte Saint-Jodard le 30 septembre 1916 à 5h40 ; je couche à Paris.
Le lendemain je vais remercier le docteur GUINARD (*) et son personnel à Bligny, car c’est là que l’on m’a sauvé.
Le 1er octobre 1916, j’arrive à Boulogne(-sur-Mer) au dépôt de la 1ere légion. Je repasse une visite et suis autorisé à reprendre mon service.
Après quelques jours de service à Boulogne, je suis désigné pour le détachement de Béthune.
J’arrive le 15 octobre 1916.
Le service de Boulogne m’avait beaucoup fatigué et je marche difficilement. Cet incident n’est que de courte durée.
A Béthune, je suis planton du détachement poste où l’on ne fatigue pas trop ; et bientôt je redeviens alerte. Je vais en permission à Reb… ( ?) et à Bomy remercier ceux qui ne m’ont jamais oublier pendant ma longue et cruelle maladie.
Je refais du vélo sans fatigue et ne me ressens plus de rien.
Béthune est assez souvent bombardée et cependant je commence à redevenir heureux ; j’ai retrouvé mon beau-frère Henri GRISOT et tous les jours nous nous consolons en pensant à nos malheureuses femmes et enfants et à nos familles qui elles aussi doivent bien souvent penser à nous dans ces heures tragiques.
(*) : Il évoque le passage par l'hôpital de Bligny. Ce pourrait être celui du sanatorium réputé de Bligny situé avant en Seine-et-Oise et aujourd'hui en
Essonne. Le site de l'hôpital de Bligny dispose d'un
opuscule sur son histoire. Dans l'ouvrage figure le nom du médecin GUINARD qui
soigna le gendarme POREAUX pages 32-33 – Merci à Norbert (pour cette recherche en
octobre 2019).
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